C’est la vertu de notre nourriture, c’est la force de notre sang qui nous arrête au moment de commettre une mauvaise action littéraire. […] S’inquiétant des mêmes soucis qui agitent les esprits actuels, Sainte-Beuve disait notamment : « Ne pas avoir le sentiment des Lettres, cela, chez les anciens, voulait dire ne pas avoir le sentiment de la vertu, de la gloire, de la beauté, en un mot de tout ce qu’il y a de véritablement divin sur la terre : que ce soit là encore notre symbole.
“Il y avoit sur ce Mont un college de neuf Druidesses ; la plus ancienne rendoit des oracles ; elles vendoient aussi aux Marins des fleches qui avoient la prétendue vertu de calmer les orages en les faisant lancer dans la mer par un jeune homme de vingt-un ans qui n’avoit point encore perdu sa virginité. […] On sait maintenant qu’il se trouve des hommes dans tous les états, & que nul état ne donne exclusion à la vertu.
A propos de Juvénal effrayant la vertu dans ses invectives contre le vice, on a dit dans un vers latin moderne qui rappelle heureusement celui de Boileau : Dum furit in vitium, pavet ipsa innoxia virtus.
« Ainsi, dit M. de Tocqueville, cette théorie (la nécessité de partager l’action législative en plusieurs Corps) à peu près ignorée des républiques antiques, introduite dans le monde presque au hasard, ainsi que la plupart des grandes vérités, méconnue de plusieurs peuples modernes, est enfin passée comme un axiome dans la science politique de nos jours. » Il y a loin de cette prudente et saine façon de raisonner à tout ce qu’imaginent encore les uns sur les vertus inhérentes à une Chambre aristocratique et de grande propriété qu’ils voudraient reconstituer artificiellement, et à tout ce que déduisent les autres d’extrêmement logique sur l’unité simple d’une Chambre ou Convention souveraine qu’aucun pouvoir collatéral ne contrôlerait.
Parce qu’il a une vertu dormitive.
Combien elle suppose de désintéressement et de vertu scientifique.
Ce n’est pas que sa vertu baissât ; mais sa lutte au nom de l’idéal contre la réalité devenait insoutenable.
L’émotion qu’éprouva Jésus près du tombeau de son ami, qu’il croyait mort 1014, put être prise par les assistants pour ce trouble, ce frémissement 1015 qui accompagnaient les miracles ; l’opinion populaire voulant que la vertu divine fût dans l’homme comme un principe épileptique et convulsif.
et quelle condamnation la pure vertu dont la société de Rambouillet avait été l’école, prononça par cette mort sur la conduite de Louis XIV !
A cet état de décomposition, pour ceux qui l’ont ainsi disséquée ou auxquels elle est présentée en ce morcellement, l’œuvre perd toute vertu d’opérer, toute influence émotionnelle ; elle est un mécanisme inefficace, une machine démontée, qui, examinée dans ses rouages, est nécessairement au repos, et par là même inconnue dans ce qui est sa raison d’être.
Louis XIV, qui n’aimait pas la province, on sait pourquoi, l’insultait par ses écrivains ; mais MM. de Goncourt, dont le nom semble révéler une vieille origine provinciale, n’ont-ils jamais su, ou les traditions de la famille ne leur ont-elles jamais appris, que la province — et surtout la province d’avant la Révolution — gardait dans ses châteaux et dans ses grandes villes un exemplaire plus pur que Paris lui-même de ce qu’on appelait la société française, de ce mélange heureux et si admirablement réussi de lumière, d’élégance, d’amabilité et presque de vertus, qui faisait de la France l’aimant du monde ?
Il y a de l’effort, de la recherche courageuse et persistante, de la patience, du dévouement, des vertus ; car on fait un dictionnaire bien plus avec des qualités morales qu’avec des qualités intellectuelles, — et c’est pourquoi il y en a si peu de bons.
On a dit que ce régicide ne le devint que parce qu’on avait tué son père, en supprimant son Année littéraire au nom du roi, rendant ainsi, coup pour coup, à la royauté, le coup qu’il avait reçu d’elle… Crime plus grand que dans un autre, dans le fils d’un homme comme Fréron, qui dérogea si épouvantablement à sa naissance et aux vertus de son père, et à qui on pourrait appliquer le mot grandiose et terrifiant de Chateaubriand, parlant d’un autre fils coupable : « Si son père l’eût su dans sa tombe, il serait revenu lui casser la tête avec son cercueil !
Ce qui est au-dessus de l’événement, ce qui lutte avec lui et quelquefois le modifie, c’est l’âme humaine et le degré de développement, de vertu et de vérité, que, sous une bonne discipline, elle est capable de recevoir.
Presque immédiatement, il le chamarre de tous les Ordres de la sagesse, de la vertu, du grand goût, du génie, de la magnanimité ; il le constelle de tous les crachats de la flatterie d’un souverain ; enfin, il en fait son Potemkin intellectuel !
Il fut incroyable d’adresse, de sagacité et d’acharnement, mais il respecta les personnes, et pour nous, qui n’avons pas ses vertus, il les respecta trop.
Presque immédiatement, il le chamarre de tous les Ordres de la sagesse, de la Vertu, du grand goût, du génie, de la magnanimité ; il le constelle de tous les crachats de la flatterie d’un souverain ; enfin, il en fait son Potemkin intellectuel !
D’un autre côté, comme limitation place la vertu très haut, le monde y applaudit, pour se dispenser d’y atteindre.
Celui qui porte ce nom encore ignoré de Georges Caumont, le malheureux qui mourut à vingt-cinq ans, noirement jaloux des quatre-vingts ans de bonheur insolent du vieux Voltaire, et qui semble dire à Dieu : Est-ce donc sa vertu que vous récompensiez ?
Nous savons trop que le poinçon de la critique littéraire n’a rien à voir dans ces œuvres qui sont des actes et des vertus.
Controversiste infatigable d’une époque où l’Angleterre était déchirée par tous les genres de controverse, il préféra toujours les ardeurs de l’argumentation et de la dispute, dont il faisait peut-être son héroïsme et sa vertu, aux rêves inutiles de la poésie.
Tous les autres personnages qui l’entourent sont des monstres comme lui, des monstres de vice ou de vertu, mais des monstres toujours.
Évidemment, s’il avait été un autre homme, il aurait pu combler, avec des affections fortes ou des vertus domestiques, cette solitude qui a fait pis que de dévorer son génie, car elle l’a dépravé.
Cela suppose en lui, je l’avoue, beaucoup d’empire sur ses passions, une rare pondération de caractère, mieux encore, une grande élévation d’âme ; et ce sont là des vertus plus faciles à recommander qu’à pratiquer. […] Il n’est pas moins satisfait de la Patrie que lui a donnée le hasard de la naissance ; car non seulement il en fait le pays favori des Muses, mais il y place aussi la résidence ordinaire de la Vertu. Oui, vraiment, la Vertu habite en France, à l’en croire. […] Que deviendraient la vertu, l’héroïsme, si l’on supprimait la douleur ? […] Il s’incline avec admiration devant César et Alcibiade, ces corrompus d’esprit très ouvert et très délié, mais de caractère ondoyant et équivoque, qui ne sont pas précisément des modèles de vertu républicaine.
Ainsi, une fois de plus, la vertu sera protégée et le vice puni. […] Le premier ne put rien faire de son élève ; le second abrutit le sien, et, sans la contrainte des « cinq ans de vertu », Néron fût devenu un moins cruel comédien. […] Elle profite de toutes les circonstances pour nous enseigner les petites vertus domestiques, le respect des lois et, — sauf, bien entendu, quand la patrie est en danger, — la prudence. […] La vertu qu’elle vante, c’est l’impudeur. […] Je puis dire aussi : « La politesse est la bonté sans bonté », ou « l’hypocrisie est la vertu sans vertu », ou « l’apparence est la réalité sans réalité », ou… Je l’interrompis, un peu agacé : — Ou : « La préciosité est l’esprit sans esprit. » Il s’effara un instant ; puis il affirma très grave : — Pascal distingue l’esprit géométrique de l’esprit de finesse.
Leur grande vertu est la véracité, cette qualité admirable des populations barbares de la Germanie. […] Traditions, institutions, langue, habitudes, caractère, vertus et vices, tout est là profondément germanique. […] Les génies des autres races échappent et fuient sous le regard de l’observateur ; celui-là a vraiment cette franchise dont les peuples germaniques faisaient la première vertu de l’homme ; il se laisse voir tel qu’il est et ne dissimule rien de lui-même. […] Comme tous les pharisiens sincères et probes, il ne respecte rien à force de vertu. […] J’ai pleuré pour vous, me dit-elle sur le ton de la plus douce pitié, car je connais depuis longtemps le cœur de la pauvre Lumley, et il est aussi tendre que le vôtre, et son chagrin est aussi cuisant, sa constance aussi grande, ses vertus aussi héroïques.
Quand la guerre civile agite et ensanglante la société, l’imagination fait volontiers des idylles et prêche la paix et la vertu. […] En ce sens, — encore d’autre part, car les aperçus s’entrecroisent — La Fontaine serait l’ancêtre de Jean-Jacques, qui est le père du romantisme en France, et qui s’acquitte envers la sensibilité et la vertu par l’imagination. […] C’est de la morale à tort et à travers, de la vertu et de la sentimentalité à tout bout de champ. […] L’air qui s’exhale de la cour d’un despote ternit les vertus mêmes qui s’en approchent, comme les exhalaisons méphitiques oxydent les métaux les plus purs. […] Mais, pour ses quinze sous, la brave fille, elle reçoit et elle emporte dans son cœur des trésors de délices, de force et de vertu, que lui donnent ces génies divins, la veille encore inconnus d’elle, Haydn, Mozart, Beethoven, Weber, Mendelssohn !
… Qui sait si le génie N’est pas une de vos vertus, monstres, que vous ayez nom Rimbaud, — ou Verlaine ? […] » L’auteur de Tout Bas et de Presque aurait pu, tout comme un autre, agencer ses méditations en dialogues, ordonner son sentiment selon des chapitres coupés au hasard du tranche-lignes, insinuer en de faux-vivants personnages un peu de vie gesticulée et leur faire exprimer, par d’appréciables agenouillements sur les dalles d’une église connue, la vertu d’une croyance méconnue : en somme rédiger « le Roman du Mysticisme » et vulgariser pour les « journaux littéraires » la pratique de l’oraison mentale. […] Plairait-elle pas, mieux que de protectrices et fructifères déductions, à l’auteur du Recordare sancta crucis, cette oraison : « Le Christ apparaît ici-bas la plus aimante, la plus absorbée figure de l’éternelle substance, elle embaume de toutes les vertus ; elle a les bleus dulcifiants, les jaunes brûlés et clairs de la topaze ou du chrysanthème, les ensanglantements des gloires futures. […] Il faudrait donc comparer les femmes entre elles, exclusivement, les juger comme des femmes et ne pas les mépriser pour ce qui leur manque d’égoïsme ou de personnalité : ce défaut, hors de la littérature et de l’art, est généralement estimé à l’égal d’une vertu positive. […] Tout cela donc étant admis et admis aussi que si l’Animale est le livre le plus singulier de Rachilde (quoique pas le plus équivoque), le Démon de l’Absurde est le meilleur, j’ajouterais volontiers, non pour le seul plaisir de me contredire et d’annihiler la vertu des précédentes pages, que ce recueil de contes et d’imaginations dialoguées m’affirme un effort réalisé de véritable sincérité artistique.
Nos mœurs, les vertus et les vices, tous les sentiments, bons ou mauvais, portent aujourd’hui le masque exagéré du Mélodrame. […] Ce que la vertu a de plus délicieux formait la nature de Becque. […] Quelqu’un à côté de moi : — Ô vertus de la foule ! […] Il s’appelait Épaminondas Deligeorge ; il avait une sublime éloquence, une solide vertu, il était intelligent et ferme. […] Il dit : — Chevalier, je gage de vaincre la vertu de votre fiancée.
Les contemporains en ont goûté l’esprit ou l’humour grave, le ton et le tour épigrammatiques, le chapitre sur le Despotisme ou le chapitre sur l’Esclavage ; les allusions, les citations, les singularités, la façon discrète et licencieuse à la fois dont il y est parlé des usages bizarres ou indécents du Bénin, de Calicut et de Bornéo ; les anecdotes ; la nouveauté des informations ; l’éloge de l’honneur et celui de la vertu. […] Il a commencé par traduire l’Histoire de Grèce de Stanyan ; son Essai sur le mérite et la vertu n’est qu’une paraphrase de Shaftesbury ; c’est Richardson et Sterne qu’il imite dans ses contes et dans ses romans, Moore et Lillo dans ses drames ou dans ses tragédies bourgeoises… Il est inutile de multiplier les exemples ! […] Mais la vérité, c’est qu’en s’emparant de cette idée de « nature » Rousseau en a saisi toutes les conséquences, y compris celles que l’imagination trop prompte et trop fuligineuse de Diderot n’avait point vues ; il l’a faite sienne, vraiment sienne, uniquement sienne à sa date ; et réchauffant alors de l’ardeur de ses rancunes, de ses haines, de son orgueil, l’enrichissant, pour ainsi parler, de sa propre substance, et lui communiquant la flamme de son éloquence et de sa passion, il lui a donné un degré d’importance et une vertu de contagion qu’elle n’avait jamais encore eus. […] Stanyan, 1743 ; — et le Dictionnaire de médecine de James, 1746 ; — sa paraphrase de Shaftesbury : Essai sur le mérite et la vertu. — Son premier ouvrage original : les Pensées philosophiques, 1746 ; — et s’il est vrai qu’il l’ait écrit pour satisfaire un caprice de Mme de Puisieux, sa maîtresse ? […] 3º Philosophie. — Essai sur le mérite et la vertu, 1745 ; — Pensées philosophiques, 1746 ; — Lettre sur les aveugles, 1749 ; — Lettre sur les sourds et muets, 1751 ; — Apologie de l’abbé de Prades, 1752 [la troisième partie seulement] ; — Pensées sur l’interprétation de la nature, 1754 ; — Supplément au voyage de Bougainville, 1796 ; — Le Rêve de D’Alembert, 1830 ; — La Promenade du sceptique, 1830.
« Vous avez été bercé par la poésie, vous avez été élevé par une muse que j’appelais la dixième, la muse de la vertu.
son mérite le désigne : point d’excuse, point de refus, le péril n’en accepte pas ; on lui impose au hasard les fardeaux les plus disproportionnés à ses forces, les plus répugnants à ses goûts… L’esprit de cet homme s’élargit, ses talents s’élèvent, ses facultés se multiplient ; chaque fardeau lui crée une force, chaque emploi un mérite, chaque dévouement une vertu. » Et c’est ainsi qu’en croyant peindre M.
Le contraste des vices et des vertus, les combats intérieurs, le mélange et l’opposition des sentiments qu’il faut peindre pour intéresser le cœur humain, étaient à peine indiqués.
Celles que les précieux tentèrent furent parfois heureuses ; on leur doit des locutions telles que : avoir l’âme sombre, être d’une vertu sévère ou commode, dire des inutilités, perdre son sérieux, fendre la presse, être brouillé avec le bon sens, faire ou laisser mourir la conversation, faire figure dans le monde, etc.
Juste au moment où Maurice Bouchor fait sa prière à tous les dieux, voilà que l’homme aux yeux d’or et à la peau cuivrée, qui a si savamment rugi les Blasphèmes, s’attendrit à son tour, et qu’il se penche avec respect sur de bonnes âmes, aryennes jusqu’à la plus scrupuleuse vertu… Je vais maintenant guetter le Courrier français.
L’entrée à l’hôtel Rambouillet de cette femme charmante, dont l’esprit et la grâce n’ont pas vieilli depuis deux siècles, dont la vertu a été aussi souvent citée que sa grâce et son esprit, n’est pas moins un hommage à la pureté de principes et de goût de la marquise de Rambouillet, que ne l’ont été la noble sagesse et l’austère vérité de Montausier, quand il s’y est établi.
a des prix de pitié pour elles, qui font concurrence à ses prix de vertu… Mais lorsque des femmes du monde, et du plus grand, investies de tous les avantages de la vie, de la naissance, de la richesse et quelquefois de la beauté, qui ont des salons pour y être charmantes, des familles pour y être vertueuses, se détournent assez d’elles-mêmes et de leur véritable destinée pour vouloir être littéraires comme des hommes et prétendent ajouter la gloriole de la ponte des livres à l’honneur d’avoir des enfants, la Critique n’est-elle pas en droit de les traiter comme les hommes qu’elles veulent être, sans crainte de passer pour brutale, ainsi que le fut un jour l’empereur Napoléon avec Mme de Staël ?
C’est un de ces hommes qui ont commis des crimes en histoire avec les mains de la vertu, mais, du moins, c’est une âme dans sa haine, c’est une tierté dans son orgueil, c’est une intelligence respectueuse pour toutes les grandes croyances sociales, et, au milieu de tout cela, c’est un artiste de génie qui ne se regarde pas faire et qui fait des merveilles, sans se douter de l’éclat qu’elles jettent et de leur incomparable beauté !
Il y a le penseur, il y a même le rêveur, car Renée rêve à Turgot plus de grandeur qu’il n’en avait et à Necker plus de vertu.
Il y a, parmi ceux qui écrivent l’Histoire, des imaginations qui vont de préférence aux désastres, aux revers, à tout ce pathétique qui éveille plus que la pensée dans la tête, mais la pitié, c’est-à-dire une vertu, dans les cœurs.
… Lui, le duc de Luynes, je le veux bien, il pouvait croire, toujours en sa qualité de grand seigneur, qui veut que ses enfants vivent comme lui, faire acte de vertu prévoyante en leur apprenant les détails inouïs qu’il leur rapporte : mais c’était là une affaire de famille, et d’entre soi, qui devait mourir et s’engloutir avec la famille.
En cela, inconséquent à ses idées comme à son parti lui-même, qui a inventé la fraternité ou la mort, il rappelait le sous-officier de l’Empire, — mais, s’il avait le ton du sergent, il n’en avait pas les vertus.
Et ceci est principalement frappant et choquant pour le premier de tous par une moralité supérieure, pour ce comte de Maistre dont la vertu égala le génie, cet homme de diamant qu’on n’ébrèche pas, mais contre lequel on peut s’ébrécher… C’est, en effet, surtout en parlant de ce grand de Maistre, qui s’est élevé, avec la lenteur de toute vraie gloire, à travers tant de cris imbéciles ou frénétiques, car les sots ont leurs frénésies, dans la tranquille majesté d’une renommée incontestée à présent et comme on n’en compte pas une seconde au xixe siècle, que Pelletan s’est le plus montré ce que je lui reproche d’être maintenant : l’homme du journalisme et des partis.
Il eut dans le cœur, et sans défaillance, pendant ces longues années, l’enthousiasme, le courage, la pureté dans la passion, qui en est la vertu, la fidélité dans le souvenir et toutes les transcendances morales de l’amour le plus exalté et le plus délicat dans son dévouement et dans son expression.
Eh bien, c’est cet esprit de contradiction, avec lequel je me ferais bien fort d’expliquer toute la vie de Lord Byron, c’est cet esprit qui nous l’a cachée, et qui nous l’a cachée, en la tachant… Comprimé par la règle anglaise, ce Grec, dilaté par la vie libre de la Grèce, se donna l’affreuse courbature de se faire fanfaron de vices, pour justifier et exaspérer les cris de paon de la puritaine Angleterre, cette paonne de vertu !
Pourquoi prenez-vous à partie, entre tous, ce grand mystère d’une religion qui a fait une vertu, pour l’homme orgueilleux, de la résignation au mystère et qui l’a condamné à la foi obéissante, si ce n’est pour faire preuve de la possibilité de saisir tout mystère sous une forme scientifique, et de l’exposer à ce que vous appelez le jour ?
devant Dieu par la foi, par l’abnégation, par l’œuvre collective, ils ont comme l’identité de la même vertu, de la même sagesse, de la même sainteté, et on pourrait tous les prendre les uns pour les autres, si Dieu n’avait pas donné à quelques-uns d’entre eux la différence qui compte devant l’Histoire, la différence ou d’un de ces caractères ou d’un de ces génies qui, en attendant l’égalité du Ciel, font la gloire et l’originalité parmi nous !
Destiné à un bonheur immuable, aux pompes triomphantes et joyeuses de Versailles et de Saint-Germain, Bossuet, cet homme à la vertu robuste, qui ne devait connaître ni nos passions ni nos douleurs, ce cœur vierge qui n’avait soif et convoitise que du salut des âmes, ce front pur à force de hauteur, cet œil d’aigle qui ne voyait que Dieu dans les choses humaines, s’accomplissait alors jusque dans le fond le plus intime de son génie.
« On devine combien fut grand le scandale et combien le bon prédicateur dut regretter une phrase qui, toute légitime qu’elle fût, avait eu la malheureuse vertu d’arrêter si complètement la grâce, ou du moins de compromettre un succès.
C’est mieux qu’une poésie, c’est une vertu.
Terrible et glacial, ainsi qu’une innocence, Qu’un frisson de vertu me prit.
Amédée Pommier eut les vertus chrétiennes, s’il n’eût pas la foi absolue du chrétien.
Cette Thérèse d’Elle et Lui, qui, par le nom, nous rappelle la femme de Rousseau, et, par la vertu, madame de Warens, que Rousseau a si abjectement déshonorée, fait de sang-froid les plus grandes folies de cœur, et, par pitié, devient la maîtresse de Laurent : « J’ai été coupable envers toi, — lui dit-elle, — et n’ayant pas eu la prudence égoïste de te fuir, il vaut mieux que je sois coupable envers moi-même. » Et en voilà du raisonnement !
Cette Thérèse d’Elle et Lui qui, par le nom, nous rappelle la femme de Rousseau, et, par la vertu, Mme de Warens, que Rousseau a si abjectement déshonorée, fait de sang-froid les plus grandes folies de cœur et par pitié devient la maîtresse de Laurent.
Et nous avons bien fait d’y renoncer, parce que ce sont des formes surannées, dont l’art a épuisé, à force de s’en servir, toute la vertu suggestive : c’est à nous, si nous voulons faire vraiment œuvre de poésie, d’imaginer des mythes nouveaux. […] La vertu pathétique est une propriété commune à toute œuvre d’art ; une qualité que la poésie, elle aussi, doit posséder, sous peine d’être inférieure aux autres arts : ce n’est pas sa qualité essentielle et distinctive. […] Le sentiment n’a donc pas en lui-même et par essence une vertu de poésie. […] Mais surtout il faut résister à ce préjugé, en vertu duquel on attribue aux productions spontanées de l’imagination une supériorité littéraire. […] En posant franchement et de parti pris tous les mots à faux, on abaisse leur vertu suggestive à l’extrême limite, passée laquelle ils ne signifieraient plus rien du tout.
On dit cette ville a deux lieues de tour, cet ouvrage a des défauts ; les passions ont leur usage ; il a de l’esprit, il a de la vertu : et ensuite par imitation et par abus, il a aimé, il a lu, etc. […] C’est-à-dire, come il l’explique lui même, que la paix l’emporte sur la guerre, et que les vertus civiles et pacifiques sont préférables aux vertus militaires. […] Les divers symboles dont les anciens se sont servis et dont nous nous servons encore quelquefois pour marquer ou certaines divinités, ou certaines nations, ou enfin les vices et les vertus, ces symboles, dis-je, sont souvent employés pour marquer la chose dont ils sont le symbole. […] Dans le premier cas, on veut faire entendre que la persone ou la chose dont on parle excèle sur toutes celles qui peuvent être comprises sous le nom comun : et dans le second cas, on fait entendre que celui dont on parle ressemble à ceux dont le nom propre est célèbre par quelque vice ou par quelque vertu. […] On dit aussi par métaphore, parlant des vices ou des vertus, jeter de profondes racines, pour dire s’afermir.
Il y avait alors, dans cette antique et agréable ville de Provins, un vieillard d’un rare mérite, qui s’était fait connaître, sous l’ancien régime, par des recherches de laboratoire bien conduites et que ses compatriotes avaient élu, pour sa science et sa vertu, en qualité de député à la Convention Nationale. […] Je ne me crois pas le droit d’insister sur mes propres impressions, quelque vives qu’elles soient restées ; c’étaient des impressions de lettré, de profane ; mais ce que j’ai le devoir de dire, c’est que les inspecteurs généraux qualifiés, les philosophes, démêlèrent, du premier coup d’œil, les hautes vertus professionnelles de Michel Jouffret et les mirent en pleine lumière. […] Mais tout ce qu’il y a de dignité et de vertu dans la race suédoise n’est pas exprimé par le savoir de ses docteurs ou le pouvoir de ses artistes. […] Les critiques de tradition et de combat, tels que furent autrefois un de Feletz, un Nisard ou un de Sacy, occupent un rang élevé : après Brunetière, qui dépassa ses devanciers et dont la disparition n’a fait que consacrer quelques-unes de ses vertus, M. […] En lettré digne de ce nom, c’est-à-dire en lettré capable de relire dans le texte les auteurs grecs, en voyageur qui a rêvé, sinon prié, sur l’Acropole, en amoureux passionné du merveilleux sourire d’Athéna, il célébra sans emphase, avec la pointe d’atticisme indispensable en un pareil sujet, les traditionnelles vertus du génie hellénique.
Vous verrez alors ce qu’est cette œuvre qui peint une race entière avec ses défauts et ses vertus, avec son caractère à la fois langoureux et passionné. […] Calendal n’est vraiment grand que dans la scène de l’orgie, quand sa vertu, soumise à l’épreuve, s’indigne et éclate avec fracas dans un défi aventureux. […] Il n’y a, en moi, ni honneur, ni vertu, ni pudeur. […] que me fait la vertu ? […] Déshonneur de la maison, de ma famille ancienne, où l’on ne connaissait que vertu domestique !
Ils sont à peine plus « nous » que les obscurs ancêtres dont les passions, les maladies, les vices ou les vertus gouvernent en partie notre existence qu’ils ont préparée ; mais ce sont des ancêtres que nous avons connus — de chers ancêtres qui nous inspirent, à travers les années, une bienveillance attendrie. […] Le goethéen, s’il veut être conséquent, l’acceptera, et l’érigera en vertu. […] Cela montre comment les défauts ne sont que des vertus déplacées. […] Il les a bien traitées : elles bénéficient toutes de sa volonté de ne voir et de ne rencontrer que des exemplaires irréprochables de l’humanité, décorés des vertus qu’il regardait alors comme les plus hautes, tous beaux, tous intelligents, tous bons, du moins selon l’idée qu’il se faisait de la bonté, de l’intelligence, de la beauté. […] Car « il y a certaines choses que la destinée se réserve obstinément : c’est en vain que la raison et la vertu, le devoir et tout ce qu’il y a de sacré se placent à la traverse : il faut qu’elle s’accomplisse, la chose qui est juste à ses yeux, qui n’est pas juste aux nôtres, et la destinée finit par décider souverainement, en nous laissant nous débattre à notre gré ».
Enfin, par le fond, par la forme, par sa façon d’exprimer et de sentir, par sa conception de la vie, et par sa philosophie, il était profondément, inexorablement, exclusivement bourgeois… Prenons ses productions les plus célèbres, et nous y trouverons l’apologie des vertus chères à Joseph Prudhomme (et ne croyez pas que je méprise ces vertus. […] Ce sont là des qualités peu banales, ce sont même des vertus. […] Pour tout dire, l’action se déroule sur la frontière de Suisse, en un coin de ce pays qui est la patrie classique de la vertu. […] Ou bien ils poussent la vertu à des limites invraisemblables, ou bien ils s’enfoncent dans des abîmes de perversité ; — et des deux côtés ils s’éloignent de la nature. […] Il n’a pas l’air de croire à sa vertu.
Les vertus, que l’artiste apprécie le plus en elles, sont la joliesse et l’exactitude. […] Ouida la décrit comme une « de ces femmes d’une admirable vertu qui détournèrent les hommes, plus sûrement que les sirènes les plus méchantes, des sentiers de la vertu. […] On prend pour accordé qu’elles possèdent toutes les vertus cardinales, et que la propriété de tout genre est seule coupable. […] D’autres ne sont pas tout à fait aussi enclins à croire à la vertu d’émotion des provincialismes. […] Ils dérangèrent leur économie interne afin de faire de la place à des vertus artificielles.
Voici un résumé très concis de la doctrine de Nietzsche ; il enseigne « que l’homme se développe et fait de grandes choses, en ne se laissant pas mettre en lisière par la vertu, mais en suivant, dans le cours de la vie, ses passions et son égoïsme7 ». […] Ledrain (pourquoi avoir inventé un mot nouveau), c’est tout simplement l’immoralité, la lubricité, l’adultère, les cabinets particuliers, tout ce qui n’est pas la vertu. […] La beauté morale est une vertu tout artificielle et presque contre nature : on ne se doute pas de toutes les essences littéraires et philosophiques dont il fallut imbiber cette fragile églantine pour en créer cette rose pourpre et embaumée. […] La vie officielle est une machination très compliquée, un musée où les actes sont catalogués, « bien » et « mal » côté de la vertu et du Paradis, côté du vice et de l’Enfer. […] Les Saints et les Philosophes sont des spécialistes, des monomanes de la vertu (même renversée) : ils s’évertuent à perfectionner une des facultés de leur âme, comme les horticulteurs les chevelures des chrysanthèmes.
Le dix-huitième siècle de cette société anglaise se peint à ravir dans ses lettres, comme il se reflétera ensuite dans ses romans : « Vous seriez étonné de voir de la beauté sans aucune grâce, de belles tailles qui ne font pas une révérence supportable, quelques dames de la première vertu ayant l’air de grisettes, beaucoup de magnificence avec peu de goût. […] Entre Constance et Joséphine, Émilie, bonne, droite et candide, est à chaque instant obligée, pour rester fidèle à l’esprit même de sa vertu, d’en relâcher, d’en rompre quelque forme trop rigoureuse. […] Hier, vous méditiez une vie pure, dévouée, honorée de toutes les vertus, semant de chaque main les bienfaits.
Il ne faisait pas partie d’un ordre rigoureusement cloîtré. « C’est une chose louable pour un religieux, dit-il, de sortir rarement. » Donc il pouvait sortir. « N’ayez de familiarité avec aucune femme, mais recommandez à Dieu, en général, toutes les femmes de vertu. » Donc il connaissait des femmes. […] Dans ses dernières années, sa sympathie était évidente pour des doctrines dont la sienne était la négation radicale, et pour les vertus mêmes que sa philosophie était le plus propre à décourager. […] Il conseille toujours, finalement, la vertu stricte.
Il est hors de doute que le roman-feuilleton exerce une action néfaste, parce qu’il est outrageusement faux, et que sans la vérité (vérité humaine dont ne doit pas être dépourvue la plus libre fantaisie poétique), il n’y a pas d’enseignement, pas de morale, il n’y a rien, — même si le vice est puni et la vertu récompensée à la fin. […] Ce n’est pas par vertu ou par raison qu’on créera une littérature nouvelle : c’est spontanément, quand on se sera placé dans les conditions nécessaires pour cela. […] Je crois qu’on peut attendre beaucoup de bien du concours si généreusement ouvert par la Revue des Revues, et que les œuvres jugées les meilleures par son jury de romanciers et de philosophes seront précisément celles qui révéleront chez leurs auteurs quelques-unes des vertus que Michelet réclame de l’écrivain populaire digne de ce nom.
Les trahisons d’autrui donnaient à son habile indécision un air de persévérance, et l’immoralité publique élevait au-dessus de son prix son inactive vertu. […] Sachez que ces habits ont en eux deux vertus particulières. […] Dans ce poème de Cadenus et Vanessa, plein de tristes beautés, où il exhorte Vanessa à une sorte d’amour platonique, lui offrant, dit-il, « un perpétuel délice d’esprit, appuyé sur la vertu, plus durable que les séductions de l’amour, et qui échauffe sans brûler » ; dans ce poème où l’on a pu voir un aveu d’intimité à travers ce passage équivoque : « Mais quel succès Vanessa a-t-elle remporté ?
En vertu même de la théorie de l’évolution, tout ce qui apparaît, tout ce qui s’organise et dure doit cette durée à son utilité de fait. […] Le mot est essentiellement immobile et ne renferme de vertu mouvante que celle qui lui vient des idées suggérées. […] Sa vertu réside dans sa forme, qui est absolument nécessaire, étant réductible à la formule suprême de la nécessité : ce qui est est.
la nature n’a pas changé en trois mille ans ; l’amour du lieu natal et du toit de son père est toujours la passion et la vertu même du cœur des enfants ! […] Les étrangers et les pauvres nous sont envoyés par les dieux. » Notre mère s’interrompit ici pour nous faire remarquer combien l’hospitalité, cette sœur aînée de la charité, était antique, et combien la divine Providence avait mis de tout temps, dans la conscience des hommes, les vertus naturelles nécessaires à la société humaine. « Ne voyez-vous pas tous les jours cette scène de respect pour l’âge et pour la misère à la porte de la cour de votre oncle ? […] Il n’a reçu de Dieu ni le sens de la nature, ni le sens de la famille, ni le sens de la vertu.
Chateaubriand, une heure après, entendant le récit de cette scène, n’aurait-il pas eu le droit de dire : « C’est à dégoûter de l’honneur » ; et un misanthrope : « C’est à dégoûter de la vertu ? […] Royer-Collard réservait pourtant le fond de sa pensée ; il avait sur la mort de M. de Talleyrand un jugement qu’il gardait par-devers lui, mais il ne le gardait qu’à demi, puisque parlant un jour de l’évêque de Blois, M. de Sausin, dont il respectait les vertus, il disait : « Le mot de vénérable a été fait pour lui : il est peut-être le seul auquel je dirais tout ce que je pense de la mort de M. de Talleyrand. » Je fais grâce des plaisanteries de Montrond qui ne tarissait pas sur cette signature in extremis, et qui, de son ton d’ironie amère et sèche, ne parlait pas moins que d’un miracle opéré « entre deux saintes ».
Mais celui qui désire plaire, incessamment pense à son fait, mire et remire la chose aimée, suit les vertus qu’il voit lui estre agréables et s’adonne aux complexions contraires à soi-mesme, comme celui qui porte le bouquet en main… » Tout ce passage du plaidoyer d’Apollon est comme un traité de la bonne compagnie et du bel usage. […] En prenant aujourd’hui parti, à la suite de plusieurs bons juges, pour sa vertu, ou du moins pour son élévation et sa générosité de cœur, nous ne craignons pas le sourire ; nous nous souvenons que des débats assez semblables se raniment encore après des siècles autour des noms d’Éléonore d’Este et de Marguerite de Navarre, et, pourvu que le pédantisme ne s’en mêle pas (comme cela s’est vu), de telles contestations agréables, qui font revivre dans le passé et qui se traitent en jouant, en valent bien d’autres plus pressantes.
Mais les passions, modifiées par la constitution particulière des individus, et prenant le cours que leur indique une éducation vicieuse ou autre, produisent le crime ou la vertu, la lumière ou la nuit. […] Le poëte se proposait de clore le morceau des sens par le développement de cette idée : « Si quelques individus, quelques générations, quelques peuples, donnent dans un vice ou dans une erreur, cela n’empêche que l’âme et le jugement du genre humain tout entier ne soient portés à la vertu et à la vérité, comme le bois d’un arc, quoique courbé et plié un moment, n’en a pas moins un désir invincible d’être droit et ne s’en redresse pas moins dès qu’il le peut.
Il en sort du plaisir, mais aucune vertu. XX Mais vous qui vivez à la campagne, soit dans le château démantelé de vos pères, non loin de l’église du village et des pauvres du hameau, soit dans la maison modeste, château nivelé de l’honnête bourgeoisie du dix-neuvième siècle, élevant là des fils, des filles, des sœurs étagées par rang d’âge dans la vie, qui vous demandent des livres à la fois intéressants et sains, où respirent dans un style enchanteur toutes les vertus que vous cherchez à nourrir dans votre jeune tribu ; vous qui, après une existence laborieuse, vous êtes retirés à moitié de la vie active dans le verger de vos pères pour y soigner les plantes naissantes destinées à vous remplacer sur la terre, et qui voulez les saturer de bonne heure de ce bon air vital plein des délicieuses senteurs de l’air ; enfin vous qui, déjà vieillis et désintéressés de votre propre existence prête à finir, voulez cependant jeter un dernier regard consolant sur les péripéties intérieures de ceux qui traversent les sentiers que vous avez traversés, afin d’y retrouver vos propres traces et de vous dire : « Voilà ce que j’ai éprouvé, pensé, senti, prié dans mes moments de tristesse ou de consolation ici-bas ; voilà la moisson en gerbes odorantes que j’emporte à l’autre vie » ; mettez à part, ou plutôt gardez jour et nuit sur votre cheminée, comme un calendrier du cœur, non pas ce livre confus où l’on a entassé pêle-mêle les œuvres du frère et de la sœur pour que le génie de l’une fit passer sur la médiocrité de l’autre, mais le volume de Mlle de Guérin, cette sainte Thérèse de la famille, qui n’a écrit que pour elle seule, et dont une amitié longtemps distraite n’a recueilli que bien tard les chefs-d’œuvre involontaires qu’elle oublia de brûler au dernier moment.
» Tes vertus se voileront. […] Triomphe, ô vertu suprême, En te contemplant toi-même !
Le domaine paternel, détaché des immenses domaines de mon grand-père, n’était pas considérable par son étendue, mais nous possédions en réalité tout le pays circonvoisin et toutes les familles rurales par la vieille affection qu’on portait au nom de mon père, aux vertus de ma mère, aux grâces naissantes de mes sœurs. […] Temps nous soubrit ; uzons de sa largesse, Maiz sans abus : se faizans peult avoir, Sot est, ma foy, qui s’en tient à la gesse ; Ugne vertu par défaut de pouvoir Se pare en vain du beau nom de sagesse.
Si la vertu n’y est pas enseignée, l’enthousiasme pour la vertu y respire.
Vers le même temps, Duclos lance ses Considérations sur les mœurs de ce siècle et Diderot publie son Essai sur le mérite et la vertu. […] Sully Prudhomme, dans son noble poème de la Justice, a condensé en un dialogue tragique l’antagonisme de ces deux voix que l’homme moderne entend retentir au fond de sa conscience ; l’une est celle de la science, implacable et sereine, qui renverse sans pitié les vieilles idoles, les croyances chères à l’enfance des peuples, les préjugés enracinés par une longue accoutumance ; l’autre est celle du cœur qui proteste, qui tantôt a peur de ce bouleversement, s’attendrit sur les choses détruites, proclame l’inutilité du savoir humain et conseille au chercheur de s’endormir dans le plaisir et l’insouciance, tantôt se révolte, taxe la science d’impie, l’accable d’invectives passionnées, l’accuse de désenchanter la vie, d’anéantir le bonheur et la vertu.
Il serait hasardeux, certes, de pousser loin la comparaison et, pour rendre les époques symétriques, on déformerait le détail ; mais plusieurs appellent l’espérance une vertu et ceux-là trouveront le recommencement assez manifeste pour attendre un xviie siècle historique. […] On ne saurait trop louer de telles vertus et moi aussi j’applaudis, comme au cirque.
En vérité, ce sont là des vertus bien lymphatiques pour un homme de trente ans qui doit avoir du sang dans les veines. […] Ne pouvait-il s’en tenir à sa première réponse, si spécieuse et si décisive : « Je puis mourir et je suis responsable de votre avenir. » Quel intérêt peut-il avoir à se poser en fripon devant une jeune fille tirée à quatre épingles dans sa vertu rigide et chagrine ?
En dépendent, nous l’avons dit, les vertus génératrices, la volition qui procrée… III Nous avons dit le présent livre n’être que l’Argument à l’Œuvre voulue. […] Les sons émeuvent par leur vertu propre, remarque Helmoltz.
“Mon fils, me dit-elle, Dieu n’a pas voulu que je jouisse longtemps de la vertu de votre père. […] Mais ce que j’admire le plus, c’est la retenue inconcevable d’une mère affligée à l’excès, et pénétrée de douleur, à qui, dans un état si violent, il n’échappe pas un seul mot ni d’emportement, ni même de plainte contre l’auteur de ses peines et de ses alarmes, soit par respect pour la vertu de Basyle, soit par la crainte d’irriter son fils, qu’elle ne songeait qu’à gagner et à attendrir.
Ainsi, quand il a la bonté de constater dans les Prophètes le plus beau lyrisme qui ait jamais brillé sur la terre, il l’impute à l’amour de la patrie, à la pureté des mœurs, à la pratique des vertus les plus hautes, mais il se tait sur l’inspiration divine. […] Il faut être la fille de l’auteur pour oser publier, dans une illusion de tendresse, ce livre posthume que son père avait abandonné… En littérature, ce n’est pas suffisant, les vertus domestiques !
Or le poëte, qui possède cependant une vertu de volonté si efficace et qui en donne chaque jour des preuves assez manifestes dans le cours de son infatigable carrière, semble en être venu, soit indifférence pratique, soit conscience de l’infirmité humaine en ces matières, à ne plus appliquer cette volonté à la recherche ou à la défense de certaines solutions religieuses, à ne plus faire assaut avec ce rocher toujours instable et retombant.
Cette seconde bonté qui est durable, définitive, qui tient au développement de l’être moral à travers les pertes des années, est à la fois une vertu et une récompense.
Mais ces commémorations en l’honneur de la force, à mesure que le passé recula, perdaient de jour en jour leur prix et leur vertu.
Je ne connais vraiment pas de rôle plus commode que celui d’être pompéien sous un ferme et généreux César : on jouit de toutes les sécurités, de toutes les garanties contre les guerres civiles, et l’on se donne un air de vertu ou même une fraîcheur de souffle populaire.
Quelle est cette vertu qui les fait vivants et lumineux, de glacés et ternes qu’ils étaient ?
Ainsi, voulant tout enseigner et tout apprendre, absolument tout, n’admettant aucune ignorance partielle, on aboutit à un savoir littéral sans vertu littéraire.
Puis j’ai senti sa misère, sa souffrance intime, et je l’ai plaint ; j’ai reconnu en lui des vertus d’honnête homme ; j’ai cru à sa sincérité d’artiste, dont je doutais d’abord Enfin, ayant relu les Fleurs du mal, j’y ai pris plus de plaisir que je n’en attendais, et j’ai été contraint de reconnaître, quoi qu’en aient dit d’habiles gens, la réelle, l’irréductible originalité de cet esprit si incomplet.
Le théâtre des Gelosi (suite) Il ne faut point cependant, malgré la considération qui entourait quelques artistes éminents, s’exagérer la vertu des comédiens et des comédiennes de l’Italie.
Par un cycle de légendes, destinées à fournir des modèles d’inébranlable fermeté (Daniel et ses compagnons, la mère des Macchabées et ses sept fils 92, le roman de l’Hippodrome d’Alexandrie 93), les guides du peuple cherchent surtout à inculquer cette idée que la vertu consiste dans un attachement fanatique à des institutions religieuses déterminées.
Mais, en constituant une immense association libre, qui, durant trois cents ans, sut se passer de politique, le christianisme compensa amplement le tort qu’il a fait aux vertus civiques.
On croyait qu’il leur avait communiqué ses vertus merveilleuses.
Et cependant n’y avait-il pas là une source nouvelle de sagesse, une source de vie, un flot d’idées, de sentiments et de vertus incompréhensibles à l’antiquité, et qui devait l’engloutir, au moins pour un temps ?
Il était avant tout le philosophe qui gourmande ses disciples ; chez lui le dédain venait de la vertu.
C’est cette Mme de Staël, la vraie et non plus l’inventée, dont je ne voudrais pas seulement que les œuvres intellectuelles, mais la vie intime, les noblesses, les vertus, les dévouements et les fautes, car elle commit des fautes, sans nul doute, puisqu’elle avait les passions qui font le génie, — c’est cette Mme de Staël qu’il faudrait montrer, non plus dans les prétentions d’une vanité qu’elle n’eut jamais, mais dans sa toute-puissante faiblesse de femme, aux femmes qui se trompent si grossièrement sur leurs facultés, et leur destinée !
Dans Mme André Léo, il n’y a que du xixe siècle — du xixe siècle positiviste, impie, moraliste sans Dieu rémunérateur, qui veut que la vertu des femmes soit d’être des hommes… Sa prétention d’épurer l’amour et d’établir les unions libres, si chère aux bas-bleus, ne lui appartient pas ; c’est celle de son temps.
mais qu’elle avait aussi cette vertu de la persistance qu’on lui contestait, et qu’on disait qu’elle n’avait pas.
Avec les vertus qu’il a fait descendre dans leurs mœurs, il a fait descendre dans leurs arts, leurs sciences et leurs littératures, des inspirations inconnues, d’une beauté que les peuples les plus spirituels de la terre, comme la Grèce et Rome, ne soupçonnaient même pas !
Il avait le vin, mais il n’avait pas l’huile du Bon Samaritain ; homme sans onction, mais non pas sans vertu !
Et si des esprits comme Montesquieu, par exemple, l’inventeur de la vertu des républiques, se sont trompés d’une si lourde façon sur la Grèce, c’est qu’ils l’ont jugée à travers les théories politiques des hommes qu’elle n’écouta jamais.
Lorsqu’on est un homme de réalité supérieure comme Franz de Champagny, c’est trop superficiel, en vérité, que d’expliquer l’avènement de l’Empire et sa durée par les seules questions morales, par la vertu oblitérée des républiques, par une terreur à la Robespierre et une idolâtrie épouvantée du nom de César, — de ce nom devenu, grâce à celui qui le porta le premier, une tête de Méduse d’adoration et de crainte !
Quant aux cruautés qu’on lui reproche, quant à ces terribles et vivants témoignages qu’on invoque : Jeffreys et le colonel Kirke, il faut se rappeler les idées d’un temps qui croyait que la première des vertus était la fidélité au prince, et ces mœurs publiques qui avaient été pétries dans le sang des guerres civiles, mais surtout, quand on est, comme Macaulay, l’auteur de la belle théorie des décimés de l’Histoire, il fallait savoir l’appliquer, pour l’honneur de la vérité et de la justice, fût-ce à ses ennemis !
Mais il n’en était pas de même pour Jacques Cœur, Ce grand honnête homme de génie était aussi une haute et robuste vertu, et tranchait bien, par l’ordre de sa vie et la beauté de ses instincts, sur le sombre et sanglant repoussoir des vices et des crimes de son siècle.
Il n’y a là partout que la légende seule, la légende, absurde et abjecte, mise à confire, pour la servir aux friands, dans d’exquises malpropretés de détails, par ce pudibond et roséabond Rhoïdis, dont la vertu fait des gorges si chaudes des vices de l’Église romaine et nous en fait aussi de telles peintures… par pudeur !
Des vertus chrétiennes qu’il congédia, l’espérance était la seule qu’il eût retenue.
Il a eu cette vertu pour ce vice.
Du reste, quels que soient les défauts de cet ouvrage, qui a la vigueur d’un acte et le mérite d’une vertu, ce n’en est pas moins une œuvre exceptionnelle, de la polémique la plus redoutable et de la plus écrasante discussion.
Mais, dans l’ordre des vertus moins héroïques, il faut en convenir, l’enseignement cruel du monde donne aux prêtres une sûreté et une profondeur de regard que l’âme ne peut plus éviter.
Seule, Lucrèce Borgia sort des mains de l’abbé Christophe nettoyée et essuyée des incestes qui l’avaient salie, et presque lumineuse de fidélité conjugale ; et cette vertu, pendant si longtemps calomniée, envoie comme un reflet de sa splendeur à Alexandre VI et comme une présomption d’innocence.
Par la vertu de ce Christianisme qui peut tout, le poète d’Armelle a été le seul socialiste pratique de ce temps.
Non content de cette promenade à travers le monde, il le fait promener même en dehors de ce monde, comme le Dante, et de cette promenade éternelle, le but est de nous dérouler toute l’histoire, légendaire et poétique, du passé comme de l’avenir, car l’enchanteur Merlin, qui entre aux limbes, comme il entre partout, par la vertu de sa petite baguette de coudrier, n’a pas beaucoup de peine ni de mérite à nous prophétiser ce qui est de l’avenir pour lui, du temps du roi Arthur, et ce qui est du passé pour nous, Charlemagne, Hugues Capet, la Saint-Barthélemy, Louis XIV, la Révolution française, la tête coupée de Louis XVI, Robespierre et Napoléon.
Il ne fait point le catéchisme de la vertu à l’usage des bégueules du temps, hommes ou femmes ; car les hommes parfois sont aussi de vieilles demoiselles !
Rien n’est saisi dans sa vérité complexe et profonde, ni vice, ni vertu.
On peut enlever de grandes taches de bourgeoisisme sur leur originalité et sur leur vertu, comme chez tous les paysans de cette époque, du reste, où les mœurs, de même que les classes, ont le sang mêlé et tendent chaque jour à se mêler davantage.
Plusieurs d’entre ceux-là ont eu les vertus de ménage très-développées.
L’idée imposante d’un vieillard qui célèbre un grand homme, ces cheveux blancs, cette voix affaiblie, ce retour sur le passé, ce coup d’œil ferme et triste sur l’avenir, les idées de vertus et de talents, après les idées de grandeur et de gloire ; enfin la mort de l’orateur jetée par lui-même dans le lointain, et comme aperçue par les spectateurs, tout cela forme dans l’âme un sentiment profond qui a quelque chose de doux, d’élevé, de mélancolique et de tendre.
Sa forte image est un emblème des vertus que cet art exige. […] … N’eût-elle pas ces qualités, ces vertus, cette obligeance, il faudrait cependant lui obéir. […] Mais le véritable chef-d’œuvre est caractérisé par ces deux vertus. […] Il n’a omis aucune des vertus de l’écrivain. […] Le principal est qu’on n’ait pas spéculé sur l’attrait du vice, ni sur la valeur marchande de la vertu.
Et de même qu’il y avait des formules qui avaient cette vertu, les anciens en possédaient d’autres qui avaient la vertu contraire, celle d’évoquer les âmes et de les faire sortir momentanément du sépulcre. […] Il est à la fois la source de la richesse, de la santé, de la vertu. […] Sa vertu doit être une froide et haute impersonnalité, qui fasse de lui, non un homme, mais un instrument des Dieux. […] On bien encore, on opposait à la formule par laquelle l’ennemi essayait de débaucher le dieu une autre formule qui avait la vertu de le retenir. […] On s’explique par là le patriotisme des anciens, sentiment énergique qui était pour eux la vertu suprême et auquel toutes les autres vertus venaient aboutir.
Autant vaut dire que Nature est d’elle-même institutrice de vertu, et c’est à cet égard que Pantagruel peut être à bon droit appelé « la Bible » de la Renaissance. […] Et voudrait-on encore que nous lui fussions reconnaissants de l’idéal de fausse vertu, sentimentale et déclamatoire, dont ses Lycurgue et ses Philopœmen, ses Caton et ses Brutus ont offert des modèles à nos publicistes ou aux membres de nos assemblées révolutionnaires ? […] Par des chemins différents, tous ces écrits, d’origine et de caractères si divers, tendent ensemble à deux ou trois fins : dont la première est de rendre à la morale éternelle quelque chose au moins de son ancien empire ; la deuxième, de soustraire l’esprit français à des influences étrangères que l’on regarde alors bien moins comme des entraves à sa liberté que comme les causes de sa corruption ; et la troisième enfin, d’imposer à l’individu, dans l’intérêt commun de la société, les qualités ou les vertus dont il ne se soucierait pas pour lui-même. […] Il faut vivre selon la nature ; mais notre « nature » est déterminée par notre fin ; et « la fin de l’homme, de toutes nos pensées et de tous nos mouvements, c’est le bien » ; et « notre bien » ne consiste qu’en « l’usage de la droite raison, qui est à dire en la vertu ».
Il est facile de dire chaque matin M. un tel est un idiot : M. un tel fait très mal ; il est moins commode de se donner la peine d’étudier et de réfléchir pour apporter des idées en vertu desquelles on puisse faire des œuvres. […] Le romancier, pour analyser le monde qui l’entoure, pour bien faire comprendre l’ensemble de ses intérêts, de ses tendances, de ses vices et de ses vertus, doit prendre chaque homme à part, l’analyser et le décrire scrupuleusement. […] L’éducation, l’entourage, les intérêts modifient les idées et la manière d’agir ; chaque classe a ses croyances, ses vertus, ses vices, ses préjugés imposés dès l’enfance ; aussi deux individus de rangs différents, mais de même tempérament, ayant les mêmes instincts, ne se conduiront-ils pas de même dans les mêmes circonstances ? […] J’ai bu sans me griser et sans perdre mon bon sens, dans les coupes d’or antiques et dans les verres à pattes modernes, et j’ai franchi sans trébucher le seuil de ce tombeau où nous sommes tous rassemblés pour représenter la vie — Vous avez fait mieux que cela, vous avez été toujours vertueux, et c’est ici le dernier refuge de la vertu ; embrassez-nous ! […] Je recommande au frère Morave About une bonne place au bureau des mœurs pour employer ses facultés de moralité ; mais le plus sûr moyen de répandre ses vertus parmi le public serait d’acheter une petite voiture, deux chevaux, un orgue et d’emprunter un casque à Manginu !
Futilités, déloyauté, vénalité, telles sont les vertus ordinaires qu’il attribue à cette belle institution qu’on appelle la Presse parisienne. […] Toujours au milieu des haines des imbéciles et des blagues des impuissants, ils ont gardé intact l’honneur du livre, ce qui est la plus belle et la plus rare vertu de l’homme de lettres. […] Hector Pessard s’y prendrait pour relever la France en donnant simplement aux Français, comme modèle de toutes les vertus chevaleresques et intimes, les ridicules fantoches, les grossiers mannequins, les rudimentaires poupées de M. […] Jules Simon s’attendrit sur les vertus ignorées de l’admirable homme privé que fut M. […] Au point de vue particulier, cela est méritoire assurément, et je le loue de ces vertus ; mais au point de vue général on aimerait peut-être que M.
Priape est devenu le symbole de la vertu. […] Mais il y a aussi des degrés moindres où le dégénéré, sans faire peut-être lui-même rien qui l’expose aux lois pénales, justifie en théorie le crime, cherche à démontrer, avec une abondante phraséologie pseudo-philosophique, que « bien » et « mal », vertu et vice, sont des distinctions arbitraires, s’enthousiasme pour les criminels et leurs actes, découvre de soi-disant beautés dans les choses les plus abjectes et les plus repoussantes, et cherche à éveiller de la sympathie et de la « compréhension » pour toutes les bestialités. […] De la vertu : nous n’avons que faire d’elle.
C’est là, soit dit en passant, une des vertus les plus méconnues du vers libre : la faculté qu’il confère au poète d’assouplir l’appareil par trop rigide que nous léguèrent ceux du Parnasse. […] Non seulement, Gausson, je te prise à cause de tes œuvres réussies, mais encore je t’estime quand tu te trompes — parce que tu possèdes cette première des vertus artistiques : la bonne foi. […] En outre, vertu singulière, ce costume était invisible pour les imbéciles. […] On vous concède qu’Untel a toutes les vertus, qu’il cause bien, que, dans ses rapports avec ses cadets et ses confrères, il se montre d’une aménité parfaite… Cela ne suffit pas pour excuser ses mauvais vers ou sa mauvaise prose. […] S’ennuyer, mâcher de la désespérance, c’est prouver qu’on ne possède pas suffisamment de volonté pour résoudre ce problème de vertu 41 qu’un des bons esprits de ce temps, M.
Ses conclusions sur l’honneur, seule vertu humaine encore debout, seule religion, dit-il, sans symbole et sans image au milieu de tant de croyances tombées ; les espérances qu’il fonde sur ce seul appui fixe de l’homme intérieur, sur cette île escarpée (disait Boileau), solide encore, selon M. de Vigny, dans la mer de scepticisme où nous nageons ; cet acte de foi en désespoir de cause sied à notre poëte. […] Mais ce débris d’une antique vertu chevaleresque, auquel le poëte-chevalier se rattache dans la perte de ses premières étoiles, est-ce donc, comme il le veut croire, une planche de salut pour une société tout entière ?
Voyez les charmes dont le poëte l’a composée242 : sont-ce là les ornements de la vertu et de la maternité ? […] Oserai-je vous parler de ces faibles vertus dont les hommes insensés me louaient, parce qu’ils ignoraient qu’elles n’étaient point accompagnées de sacrifices ?
Le vice et la vertu sont des produits comme le vitriol et le sucre, et toute donnée complexe naît par la rencontre d’autres données plus simples dont elle dépend. […] Cette seconde idée, à son tour, dépend d’une troisième plus générale encore, celle de la perfection morale, telle qu’elle se rencontre dans le Dieu parfait, juge impeccable, rigoureux surveillant des âmes, devant qui toute âme est pécheresse, digne de supplice, incapable de vertu et de salut, sinon par la crise de conscience qu’il provoque et la rénovation du cœur qu’il produit.
Il espère, souvent il obtient de beaux cadeaux, argent, chevaux, fourrures, bijoux : et c’est lui, avec le trouvère, qui a décidé et fait croire que la vertu distinctive du chevalier était la libéralité. […] On vit alors, pour cette clientèle nouvelle, les barons accablés, protégés, éclipsés surtout par de petits nobles de campagne, par de bons bourgeois, par des vilains même : ridicules d’aspect par tradition, membrus, velus, trapus, larges d’épaules, courts de jambes, ayant sourcils broussailleux et mains énormes, les paysans sont vaillants, généreux, sublimes, et leur vertu caresse l’orgueil des foules que leur extérieur a gagnées.
Mais comment, Moi, ceci, me ferais-je, ô mon Dieu, votre amant, Ô justice que la vertu des bons redoute ? […] Elle croit concevoir un Dieu infini en lui prêtant une bonté, une justice infinies, etc., et elle ne s’aperçoit point qu’elle le limite par là et que ces vertus n’ont un sens que chez des êtres bornés, en rapport les uns avec les autres.
Page si belle ; vision si profonde de misère et de bonté, si révélatrice du lien qui unit la bonté et la souffrance, et encore de cette vérité troublante et contradictoire, que la société est fondée sur l’injustice et que l’injustice est la condition de la vertu qui permet au monde de durer, — que M. […] Et c’est tout ce mystère, enrayant d’abord, puis rafraîchissant, conseiller de renoncement, de vertu, de bonté pourquoi ?
Ce qu’il nous faut, c’est la vraie politesse, la vraie douceur, la vie prise à plein et dans sa vérité, la vertu se traduisant dans les manières par l’aménité et la grâce. […] Étrange non-sens, car, les formules n’ayant de valeur que par le sens qu’elles renferment, il n’avance à rien de dire : « Je me repose sur le pape ; il sait, lui, ce qu’il faut croire, et je crois comme lui. » On s’imagine que la foi est comme un talisman qui sauve par sa vertu propre ; qu’on sera sauvé si l’on croit telle proposition inintelligible, sans s’embarrasser de la comprendre ; on ne sent pas que ces choses ne valent que par le bien qu’elles font à l’âme, par leur application personnelle au croyant.
La Grèce saluait en elle l’idéal de sa race et de son génie ; la vertu vaillante, le courage réfléchi, l’activité de l’esprit, la fertilité des idées, le génie multiple des arts. […] Quelque chose de sa sublimité et de sa vertu entre dans la Sophia byzantine, et lorsque la Panagie lui succède dans son temple changé en église, Pallas Parthénos semble, avec elle, y régner encore.
En somme, quand on rapporte avec cette rapidité à des facultés esthétiques congénitales le caractère artistique de la civilisation athénienne, on procède à peu près comme faisait le moyen âge quand il expliquait le feu par le phlogistique et les effets de l’opium par sa vertu dormitive. […] Alors même qu’on s’expliquerait comment nous sommes parvenus à les imaginer, à en faire comme le plan par avance de manière à nous représenter les services que nous en pouvions attendre — et le problème est déjà difficile — les vœux dont elles pouvaient être ainsi l’objet n’avaient pas la vertu de les tirer du néant.
Dans ses lettres à M. de Kergorlay on le voit de bonne heure tracer le plan de sa vie, s’assigner un but élevé et se confirmer dans la voie dont il n’a jamais dévié : « À mesure que j’avance dans la vie, écrivait-il (6 juillet 1835) âgé de trente ans, je l’aperçois de plus en plus sous le point de vue que je croyais tenir à l’enthousiasme de la première jeunesse : une chose de médiocre valeur, qui ne vaut qu’autant qu’on l’emploie à faire son devoir, à servir les hommes et prendre rang parmi eux. » Il est déjà en plein dans l’œuvre politique, au moins comme observateur et comme écrivain, et malgré tout, en présence du monde réel, il maintient son monde idéal ; il se réserve quelque part un monde à la Platon, « où le désintéressement, le courage, la vertu, en un mot, puissent respirer à l’aise. » Il faut pour cela un effort, et on le sent dans cette suite de lettres un peu tendues, un peu solennelles.
Quels sont les deux ou trois grands hommes qui ont signalé leur existence dans ces régions, par ces hautes vertus ou par ces exécrables crimes qui font vénérer à jamais ou détester les prodiges de bien ou les monstruosités de mal qui honorent ou déshonorent notre espèce ?
Il leur donna le sentiment de la beauté littéraire et de la vertu morale qu’elle recèle souvent. « Il nous formait à la précision et à la simplicité ; il nous donnait le goût du style net et franc, la haine de l’emphatique et du tortillé. » M.
Tu fatiguas les flots de nefs d’airain, courbé, Sous des spectres lointains de palme, aux vierges Îles ; Puis tu sentis en loi ta vertu succomber.
« Elles participent, disait-il, à tous les honneurs de la société civile ; elles sont encouragées par les égards qu’on a pour leur talent ; et leur profession n’ayant rien que de brillant, elles tâchent de ne point se rendre méprisables. » En ce qui concerne Isabelle Andreini, l’héroïne de tant d’aventures cavalières, il y a parmi ses contemporains unanimité pour célébrer sa vertu.
Ils ne vous souffletaient pas de leur mépris, en se rengorgeant, comme ces bourgeois cossus qui font étalage de leurs vertus de façade, comme ces pharisiens dont l’égoïsme et l’hypocrisie faisaient dire à Thomas de Quincey : « Tous ceux qui ont excité mon dégoût, dans ce monde, étaient des gens riches et florissants. » 4.
Quant à ceux qui méprisent la science comme ils méprisent la haute poésie, comme ils méprisent la vertu, parce que leur âme avilie ne comprend que le périssable, nous n’avons rien à leur dire.
Nous nous serions attachés, comme eux, à flatter les passions, à favoriser la licence, à nous asservir à tous les goûts, à pallier les vices accrédités, à déprécier les vertus incommodes, à préconiser enfin tout ce qui eût pu nous appuyer & nous servir.
Il érigea en vertu suprême la chasteté.
Les principes combinés avec la science, toute la quantité possible d’absolu introduite par degrés dans le fait, l’utopie traitée successivement par tous les modes de réalisation, par l’économie politique, par la philosophie, par la physique, par la chimie, par la dynamique, par la logique, par l’art ; l’union remplaçant peu à peu l’antagonisme et l’unité remplaçant l’union, pour religion Dieu, pour prêtre le père, pour prière la vertu, pour champ la terre, pour langue le verbe, pour loi le droit, pour moteur le devoir, pour hygiène le travail, pour économie la paix, pour canevas la vie, pour but le progrès, pour autorité la liberté, pour peuple l’homme, telle est la simplification.
Voilà donc un ordre de faits qui présentent des caractères très spéciaux : ils consistent en des manières d’agir, de penser et de sentir, extérieures à l’individu, et qui sont douées d’un pouvoir de coercition en vertu duquel ils s’imposent à lui.
Ainsi la société, à présent qu’elle est établie, peut se soutenir d’elle-même, et par la seule force du principe primitif en vertu duquel elle existe.
Quoique nous pensions qu’en fait de femmes, le Christianisme ait mieux compris que qui que ce soit leur destinée, en les internant dans le sentiment ou en les déportant dans les vertus, nous voulons pour elles être moins cruel que saint Paul qui disait : Contineant in silentio.
Et si l’Église romaine lui paraît, malgré les vertus et les lumières de ses pontifes, aussi monstrueusement détestable, c’est qu’elle a tout cela, l’Église romaine !
il est honorable d’admirer le Génie, mais est-on en droit de lui faire, à si bon marché, des vertus ?
Des philosophes ne se convertissent pas par la vertu des brochures.
Mais on n’a pu rien contre le fait de sa haute individualité poétique, et c’est en vertu même de cette haute individualité qu’il a troublé les facultés d’un homme qui a le sentiment très animé de la poésie, mais qui ne l’a pas, ce sentiment, au point de devenir une puissance.
(cela fait trembler) la moyenne des femmes dans les sociétés sans croyances, cette espèce d’être faible sans grandes passions, sans l’étoffe des grandes vertus ou des grands vices, inclinant de hasard au bien comme au mal, selon la circonstance, et qui, positives et chimériques tout, à la fois, se perdent par la lecture des livres qu’elles lisent, par les influences et les suggestions du milieu intellectuel qu’elles se sont créé, et qui leur fait prendre en horreur l’autre milieu dans lequel elles sont obligées de vivre.
Leurs créations réunirent les trois caractères qui distinguent la haute poésie dans l’invention des fables, la sublimité, la popularité, et la puissance d’émotion qui la rend plus capable d’atteindre le but qu’elle se propose, celui l’enseigner au vulgaire à agir selon la vertu. — De cette faculté originaire de l’esprit humain, il est resté une loi éternelle : les esprits une fois frappés de terreur, fingunt simul credunt que , comme le dit si bien Tacite.
Si la vie est mauvaise, et elle l’est, puisqu’elle ne peut contenter ni notre désir de bonheur, ni noire soif de science, ni notre rêve de vertu, cependant nous ne pouvons pas en accuser l’auteur même de la vie, puisque cet auteur, s’il existe, ne peut rien avoir fait que de bon. […] « Vous eussiez été bien étonnée, madame, et la vertu de Mlle votre fille vous eût été bien suspecte, si vous eussiez vu où nous étions hier, elle et moi. […] Il se vante, en effet, aussi souvent que personne en son siècle, de respecter la morale et de prêcher la vertu. […] Nature indifférente ou plutôt étrangère à la notion du bien et du mal moral, toute l’honnêteté ne consiste pour lui que dans l’observation des usages sociaux, comme la vertu même que dans l’obéissance à quelques « préjugés » universels et nécessaires. […] Et, comme l’ont soutenu de certains philosophes, — Helvétius entre autres, — s’il est vrai que la prospérité publique résulte quelquefois du concours des vices des particuliers, il faut changer le nom des vices et les appeler de celui de vertus.
Il vaudrait mieux dire encore que ses acteurs ne personnifient jamais complètement ni la vertu ni le vice. Les plus grands ont des faiblesses, les plus coupables ont des vertus. […] Comme une boussole, elles me marqueront le chemin de la vie et me guideront à la vertu… Si je les oublie, toi, mon Dieu ! […] Si la vertu succombe, et si le vice triomphe, la pensée du livre n’est pas douteuse : c’est la société qui est condamnée. […] Serait-ce d’ailleurs une vertu réelle que le dédain de soi-même après une vie de travaux et de sacrifices ?
Mais beaucoup d’auteurs croient que, pour représenter un caractère, il suffit de figurer une tendance unique, — passion, vice ou vertu, — aux prises avec les événements variés de la vie. […] Au lieu des prodiges de vertu, nous avons des prodiges de vice, mais nous ne sortons pas de l’extraordinaire. […] En outre, on n’est jamais sûr de trouver chez les autres les vertus ou l’honnêteté qu’on désirerait ; il en résulte qu’on craint d’être dupe, et on hurle avec les loups.
Le caractère même, précisément sacré, du catholicisme, et sa vertu la plus précieuse, le fait d’être universel, international, lien entre les nations, gouvernement spirituel planant au-dessus des gouvernements temporels et ne connaissant pas de frontières, c’est ce que le gallicanisme efface et c’est ce qu’il exténue. […] Cette pensée personnelle une fois en lui, ne pouvant pas en faire la pensée commune de son Église, et ne pouvant pas y renoncer, c’est à l’Église qu’il renonça, et il se trouva le penseur solitaire qu’il avait en horreur d’être. — Et il chercha, comme tous les penseurs solitaires, une autre communauté, une autre association, une autre collectivité, une autre organisation spirituelle qui vécût de sa pensée à lui et donnât à cette pensée la force d’action, la vertu de propagation et de fécondité. […] « C’est depuis quelques années surtout que ce sentiment d’humanité s’est répandu. » Avant la génération de 1800, ces vertus étaient des vertus ecclésiastiques, depuis elles sont devenues des vertus sociales.
La comparaison entre La Rochefoucauld et Vauvenargues n’est pas un de ces parallèles à effet dont les contrastes sautent aux yeux ; elle touche d’abord au fond et atteint le ressort même de leur doctrine : « Le premier voit partout le vice et la vanité transformés en vertus ; le second représente le vice et la vertu sous des traits exclusivement propres à chacun d’eux, et qui ne permettent pas de les confondre ni même de les rapprocher. […] Il ne serait même pas déraisonnable d’affirmer que l’histoire proprement dite des différentes époques est moins instructive que leurs fables… Gardons-nous de croire avec les esprits chagrins que l’homme aime et embrasse l’erreur pour l’erreur elle-même : il n’y a pas, et même il ne peut y avoir de folie qui n’ait son coin de vérité, qui ne tienne à des idées justes sous quelques rapports, mais mal circirconscrites et mal liées à leurs conséquences 61. » En ce qui concerne le stoïcisme, Cabanis ne fait en quelque sorte, dans cette lettre, que poser la doctrine d’un stoïcisme moderne plus perfectionné, et traduire, interpréter dans le langage direct de la science, et sous forme de conjectures plus ou moins probables, les conceptions antiques de cette respectable école sur Dieu, sur l’âme, sur l’ordre du monde, sur la vertu. […] Si la douleur n’était point un mal, elle ne le serait pas plus pour les autres que pour nous-mêmes ; nous devrions la compter pour rien dans eux comme dans nous : pourquoi donc cette tendre humanité qui caractérise les plus grands des stoïciens, bien mieux peut-être que la fermeté et la constance de leurs vertus ? […] Ames sublimes et adorables, vos vertus elles-mêmes démentent ces opinions exagérées, contraires à la nature, à cet ordre éternel que vous avez toujours regardé comme la source de toutes les idées saines, comme l’oracle de l’homme sage et vertueux, comme le seul guide sûr de toutes nos actions ! […] Ces gens ont toutes les vertus brillantes.
Le jeune Dagobert croissait en âge, et sa vertu éclatait merveilleusement. […] Mais le roi Dagobert reprit vite le droit chemin de ses anciennes vertus. […] À la fin, les yeux du roi Dagobert se dessillèrent et il revint à la vertu et à la crainte de Dieu. […] Il n’y a pas ombre de ce vice ou de cette vertu chez Racine : aussi fut-il dégoûté, dans la force de l’âge encore, et de son art et du monde. […] Le corps affreusement déchiré, le jeune héros rassemble ses dernières forces pour plaindre sa fatale destinée, et pour protester contre l’accusation mensongère qui souille sa vertu.
De ces trois vertus gouvernementales dans la race anglo-saxonne est résulté le phénomène que nous voyons : une richesse incommensurable chez eux, une légitime influence sur les continents, une monarchie véritablement universelle sur les mers ou sur toutes les contrées desservies par les Océans. […] Nous ne sommes pas trop de deux contre un, quand cette prodigieuse unité croissante est déjà de soixante et dix millions d’hommes, et quand ces soixante et dix millions d’hommes sont à la fois soldats intrépides comme des barbares, politiques raffinés comme des Grecs, ayant dans le même peuple les vertus de la barbarie et les habiletés de la corruption.
Une vie recueillie et solitaire, dans un vieux château de Bourgogne, au milieu d’un site froid et âpre, avait remplacé cette belle vie d’Italie par une existence plus sévère, pleine de vertus pieuses et charitables, et répandu on ne sait quel deuil anticipé sur ce seuil couvert maintenant d’un deuil éternel ! […] Elle fait du bien autour d’elle ; elle s’est acquis une véritable considération pour ses bienfaits, comme par la noblesse de ses manières et son goût pour la solitude, grande vertu aux yeux des hommes du désert.
C’était le sourire satanique d’un génie infernal quand il est parvenu à dégrader une génération tout entière, à déraciner tout un enthousiasme national, à tuer une vertu dans le monde ; ces hommes avaient le même sentiment de triomphante impuissance dans le cœur et sur les lèvres, quand ils nous disaient : amour, philosophie, religion, enthousiasme, liberté, poésie ; néant que tout cela ! […] Les mots de liberté et de vertu politique sonnaient moins souvent et moins haut dans ses pages toutes poétiques ; ce n’était pas le Dante d’une Florence asservie, c’était le Tasse d’une patrie perdue, d’une famille de rois proscrits, chantant ses amours trompés, ses autels renversés, ses tours démolies, ses dieux et ses rois chassés, les chantant à l’oreille des proscripteurs, sur les bords même des fleuves de la patrie ; mais son âme grande et généreuse donnait aux chants du poète quelque chose de l’accent du citoyen.
Ici c’est Harlay de Sancy qui raconte et justifie son apostasie, découvrant toute la bassesse de son âme avec toute la malice du papisme par un procédé d’exposition satirique renouvelé des harangues de la Ménippée ; là c’est la bonne et solide vertu sous les traits du vieux huguenot Enay (εἶναι) qui s’entretient avec le faux et frivole honneur incarné dans ie jeune papiste Fæneste (φαίνεσθαι). […] « La conversation, disait encore Mlle de Scudéry, est le lien de la société de tous les hommes, le plus grand plaisir des honnêtes gens, et le moyen le plus ordinaire d’introduire non seulement la politesse dans le monde, mais encore la morale la plus pure et l’amour de la gloire et de la vertu. » Saint-Evremond la préférait à la lecture, et Varillas, un historien de profession, disait à Ménage « que de dix choses qu’il savait, il en avait appris neuf par la conversation » ; — « je pourrais à peu près dire la même chose », ajoutait Ménage, un des cerveaux pourtant les plus bourrés du temps.
Comment cette dure et désolante doctrine, qui niait la liberté, et vouait l’immense majorité des hommes à la damnation éternelle, sans espoir et sans retour, a-t-elle été un principe actif, efficace d’énergie et de vertu ? […] Pascal et le jansénisme ont rendu au christianisme sa raison d’être lorsqu’ils l’ont ramené à être un principe d’effort moral, lorsqu’ils ont remis dans le chemin de la vertu ses épines et ses ronces.
Les mémoires, composés peu après la mort de Bossuet et tout d’une haleine, sont un récit large et animé, un tableau de la vie, des talents et des vertus du grand évêque.
Né le dernier de la famille, douze ans après les autres, après une sœur qui l’assista dans sa jeunesse, qui lui fut comme une seconde mère, qui ne voulut jamais le quitter, et qu’il a eu tout récemment le malheur de perdre pendant ce pèlerinage scientifique en Orient où elle l’accompagnait encore, il reçut et il a nourri en lui, sans les dissiper, les affections et les vertus domestiques.
Partout où l’ouvrier a la propriété de son habitation, où la mère de famille n’est pas obligée d’aller travailler chez les autres, où elle siège et trône, en quelque sorte, au foyer domestique, elle est souverainement respectée, et les vertus naissent, s’entretiennent, se graduent d’elles-mêmes autour d’elle.
Non, mais je cherche en toi cette force qui fonde, Cette mâle constance, exempte du dégoût… Il cherche, en un mot, la vertu la plus absente, la qualité la plus contraire au défaut qui s’est trop marqué ; et il se plaît ici, en regard et par contraste, à exposer en disciple d’Hésiode et de Lucrèce, en lecteur familier avec le bouclier d’Achille et avec les tableaux des Géorgiques, l’invention des arts, la fondation des cités, la marche progressive et lente du génie humain, tout ce qui est matière aussi de haute et digne poésie.
A sept ans et demi, elle perdit sa mère, qui avait voulu aller mourir à Metz au milieu de sa famille ; car, atteinte d’une maladie de poitrine incurable, cette femme de vertu ne s’abusa pas un moment sur son état, et se disposa à la mort avec calme, comme pour un voyage.
Chez les Modernes, la grandeur et la vertu se trouvent trop habituellement séparées ; elles ne se rejoignent pour nous dans un seul rayon qu’à cette longue distance.
II La vertu de la substitution s’étend beaucoup plus loin. — Le lecteur sait que les objets géométriques n’existent pas dans la nature ; nous ne rencontrons pas, et probablement nous ne pouvons pas rencontrer, des cercles, des cubes, des cônes qui soient parfaits.
Il se prosterne devant les bâtards ; il adore Mme de Montespan ; il remarque, quand le roi révoque l’édit de Nantes, que « sa principale favorite, plus que jamais, c’est la vertu. » Encore, parmi tant de génuflexions, a-t-il peur de mal louer ; ayant dit du roi que « sa bonne mine ravit toutes les nymphes de Vaux », il se reprend comme un poëte craintif du Bas-Empire, se demandant « s’il est permis d’user de ce mot en parlant d’un si grand prince. » Il quête de l’argent humblement au monarque et à d’autres.
C’est que la province garde mieux que Paris les vertus, les défauts, les travers, les modes d’autrefois.
La recherche bien entendue du plaisir, ç’a été, pour beaucoup de philosophes anciens, la définition même de la vertu Si, d’autre part, vous considérez l’écrivain, vous trouverez que sa qualité la plus persistante est le bon sens.
Emmanuel Des Essarts Qu’on proclame l’Aède éternisé parmi Les maîtres du grand Art radieux et prospère, J’adorerai Celui dont il fut dit : « le Père » Et dont nous disions, fils respectueux : « l’Ami », Mâle raison, courage ardemment affermi, Qui, de rares vertus immuable exemplaire, Vint embrasser Paris dans la chance contraire, Et ne sut ni vouloir ni souffrir à demi ; Être indulgent et bon, soulevant les poètes, Tel qu’on voit Apollon sur un socle romain Tenir un petit dieu d’ivoire dans sa main, Et qui, plein de pudeur en ses fiertés muettes, Voilait discrètement, hormis pour notre chœur, Le plus beau, le plus pur des diamants, son cœur !
Son être est secoué par l’angoisse ou rasséréné par la prière ; il est brûlant toujours soit de vices, soit de vertus.
La croyance que certains hommes sont des incarnations de facultés ou de « puissances » divines, était répandue ; les Samaritains possédaient vers le même temps un thaumaturge nommé Simon, qu’on identifiait avec « la grande vertu de Dieu 718. » Depuis près de deux siècles, les esprits spéculatifs du judaïsme se laissaient aller au penchant de faire des personnes distinctes avec les attributs divins ou avec certaines expressions qu’on rapportait à la divinité.
Il est sûr que l’humanité morale et vertueuse aura sa revanche, qu’un jour le sentiment de l’honnête pauvre homme jugera le monde, et que ce jour-là la figure idéale de Jésus sera la confusion de l’homme frivole qui n’a pas cru à la vertu, de l’homme égoïste qui n’a pas su y atteindre.
Sa tante de Villette la retira une seconde fois chez elle, et la ramena au culte protestant, moins, il est vrai, par l’enseignement de sa doctrine que par l’exemple de ses vertus et de sa piété.
Ajoutons encore à cette addition la ronde et brave figure du notaire Aristide Fressart, un type de bourgeois bourgeoisant, fin comme l’ambre, sous son écorce vulgaire, mêlant, à la plus juste dose, les habiletés professionnelles aux vertus domestiques.
Tous ces sentiments élevés et délicats, ces belles qualités, ces vertus sociales inculquées dès l’enfance, transmises par les générations, et qui semblent le noble apanage de l’homme civilisé, l’amour de la patrie, de la gloire, l’honneur, le dévouement aux siens, l’amitié, tout cela peu à peu s’obscurcit et s’affaiblit jusqu’à s’abolir.
Ainsi Triboulet a deux élèves, le roi et sa fille, le roi qu’il dresse au vice, sa fille qu’il fait croître pour la vertu.
Fais-lui épeler la vérité, montre-lui la raison, cet alphabet, apprends-lui à lire la vertu, la probité, la générosité, la clémence.
Il me semble que la plus grande utilité du théâtre est de rendre la vertu aimable aux hommes, de les accoutumer à s’intéresser pour elle, de donner ce pli à leur cœur, de leur proposer de grands malheurs, de fortifier et d’élever leurs sentiments.
Pour la peine, au contraire, si l’on a cru qu’elle s’expliquait également bien par des causes différentes, c’est que l’on n’a pas aperçu l’élément commun qui se retrouve dans tous ces antécédents et en vertu duquel ils produisent leur effet commun 84.
J’écrivis, le cœur serré, un long et triste ouvrage de morale, où je croyais pu moins avoir prêché la vertu la plus pure.
Janin, s’il avait juré comme madame Pernelle, aurait pu dire du style : « Vertu de ma vie !
Et, de fait, cette fille du dévouement et du désintéressement sans effort est d’un pédantisme de vertu si raide qu’on est tenté de se demander comment madame de Molènes, cette gracieuse qui doit se moquer de tous les pédantismes, ne s’est pas moquée de celui-là avec la finesse habituelle de son ironie.
Gabriele d’Annunzio faisait un jour cet aveu naïf et typique à un rédacteur du New-York Hérald : « Je suis un pur Latin et chez tout individu de race différente j’aperçois un côté barbare. » Le Français dirait volontiers, lui aussi : « Je suis un pur Français, et tout ce qui n’est pas semblable à moi m’apparaît inférieur. » C’est l’inverse, on le voit, de la parole du personnage de Térence : Homo sum… L’individualisme national exclusif paraît être la plus forte vertu du Français qui, de bonne foi, se croit généralement d’une essence plus pure que les vulgaires humains.
Orphée, voulant améliorer les mœurs de la Grèce, lui propose l’exemple d’un Jupiter adultère, d’une Junon implacable qui persécute la vertu dans la personne d’Hercule, d’un Saturne qui dévore ses enfants !
On les prendra plus tard à partie, non pas quand ils auront dégénéré de la vertu de leur institution, mais quand on sentira qu’on peut les frapper sans danger. […] Il semble qu’on ne lui connaisse aucune vertu, qu’elle ne soit capable, que du mal, et que paillardise et perfidie soient son tout. […] Il faut que cet homme ait de l’âme, de la sensibilité, que l’injustice le révolte, et qu’il sente battrait de la vertu. […] Mais alors, s’il avait avec lui tout Paris, toute la France, toute l’Europe, de quelle rare vertu, de quel courage fit-il donc preuve ? […] Je ne parle pas des critiques ; les critiques ont été créés pour monter la garde à la porte du temple, et l’incorruptibilité du factionnaire est la première de leurs vertus.
Cependant le comique inconscient, sinon dans le théâtre, où l’auteur nous le donne à doses fortes, mais non pas continuellement, du moins dans la vie, finit par lasser et par perdre presque toute sa vertu. […] Qui est-ce qui fait tomber les masques et qui est-ce qui démêle les vertus affectées des vertus vraies et qui est-ce qui perce « à travers le fard de la décence, de la moralité, de l’honnêteté », si ce n’est La Rochefoucauld et si ce n’est Molière ? La malice peut donc être à la rigueur considérée comme élément de moralisation, non seulement parce que, comme dit Descartes, elle se réjouit de quelque mal arrivé à quelqu’un qui en est digne, ce qui est justice ; mais parce qu’elle ôte son masque à l’hypocrisie, qui, si elle est [et l’on voit que Kant le reconnaît] un hommage à la vertu et même une école de vertu, n’en est pas moins, en définitive, destructrice de vertu et doit être combattue dès que son rôle tout provisoire de professeur de vertu est terminé, dès qu’elle cesse d’être utile comme spécieuse et n’est plus que redoutable comme pernicieuse en son fond. […] Aux zèles indiscrets tout paraît légitime Et la fausse vertu se fait honneur du crime. […] Il s’agit de cet empire américain que le beau Léandre a visité dans son voyage à Caïenne quand il fut déporté avec le curé de Rouel à Rochefort : L’héroïque leçon qu’il offre aux opprimés En semant la vertu produit l’indépendance.
À l’égard de la religion, on tombe sur ce point dans deux excès également à craindre : le premier et le plus commun, est de réduire tout en pratiques extérieures, et d’attacher à ces pratiques une vertu qu’elles n’ont assurément pas ; le second est au contraire de vouloir obliger les enfans à s’occuper uniquement de cet objet, et de leur faire négliger pour cela leurs autres études, par lesquelles ils doivent un jour se rendre utiles à leur patrie. […] L’histoire, assez inutile au commun des hommes, est fort utile aux enfants, par les exemples qu’elle leur présente et les leçons vivantes de vertu qu’elle peut leur donner, dans un âge où ils n’ont point encore de principes fixes, ni bons ni mauvais. […] En vain objecterait-on que plusieurs écrivains ont eu l’art d’inspirer, par leurs ouvrages, l’amour des vertus qu’ils n’avaient pas : je réponds que le sentiment qui fait aimer la vertu, les remplissait au moment qu’ils en écrivaient ; c’était en eux, dans ce moment, un sentiment très pénétrant et très vif, mais malheureusement passager.
Enfin elle joue un rôle puissant même dans la morale ; car, permettez-moi d’aller jusque-là, qu’est-ce que la vertu sans imagination ? Autant dire la vertu sans la pitié, la vertu sans le ciel ; quelque chose de dur, de cruel, de stérilisant, qui, dans certains pays, est devenu la bigoterie, et dans certains autres le protestantisme. […] Même pour montrer l’endurcissement dans le crime et dans la débauche, même pour nous faire soupçonner les bassesses secrètes de la goinfrerie, il n’est pas nécessaire de faire alliance avec la caricature, et je crois que l’habitude du commandement, surtout quand il s’agit de commander au monde, donne, à défaut de vertus, une certaine noblesse d’attitude dont s’éloigne beaucoup trop ce soi-disant César, ce boucher, ce marchand de vins obèse, qui tout au plus pourrait, comme le suggère sa pose satisfaite et provocante, aspirer au rôle de directeur du journal des Ventrus et des satisfaits.
Il y a une grande vertu dans le récit d’une vie qui évolue au-dessus des contingences sociales. […] Comment nos ancêtres, et ce furent sans doute des bergers ou des laboureurs, distinguèrent-ils la vertu des fourmis ? […] Songée dans l’oxygène et dans l’ozone, sa philosophie a vraiment des vertus respiratoires. […] , qui ait osé voir que l’intelligence et la vertu, aussi bien que la force et la beauté, sont fonctions de la physiologie. […] Il appelle quelque part la chasteté « une vertu comique ».
Le but moral. — Molière l’a porté au plus haut degré, en faisant de Tartuffe, non seulement un hypocrite, mais encore un suborneur qui, tout en parlant vertu, veut séduire la femme de son ami ; un monstre enfin qui dénonce son bienfaiteur. […] Que le personnage principal amène la catastrophe par un trait bien marqué de son caractère ; qu’elle change en bien tout le mal que l’on redoute ; que la vertu soit récompensée, et le vice puni. Or, Tartuffe a calomnié son bienfaiteur auprès du roi ; il pousse l’infamie jusqu’à conduire l’exempt qui doit arrêter Orgon ; ce monstre a réduit au désespoir toute une famille, dont les cœurs sensibles partagent les alarmes : mais l’exempt parle ; soudain le crime est puni, la vertu récompensée, et le spectateur satisfait55. […] Ajoutons qu’en appliquant ces quatre vers à Orgon, Dorine semble vouloir excuser Elmire, sur la vertu de laquelle on ne doit faire naître aucun soupçon. — Ce lazzi est de tradition. — Monsieur le journaliste, la tradition a tort, quand elle perpétue les sottises. […] Elle a donc tout à fait renoncé au projet de démasquer Tartuffe ; car elle ne peut certainement pas espérer que l’homme adroit, soupçonneux, à qui tous les prestiges de la coquetterie la plus raffinée viennent de promettre une victoire complète, confondra les emportements de la colère avec les derniers soupirs de la vertu prête à céder.
Ajoutez qu’elle opposait les vertus du protestantisme aux erreurs du catholicisme, qu’elle vantait les bienfaits de la liberté, et enfin qu’elle louait les Anglais ! […] Cette manie de voir des devoirs et des vertus partout a mis de la pédanterie dans son style et du malheur dans sa vie. […] « Heureux celui qui porte en soi un dieu, un idéal de beauté, et qui lui obéit : idéal de l’art, idéal de la science, idéal de la patrie, idéal des vertus de l’Évangile ! […] On a commencé à s’en écarter depuis que Jean-Jacques Rousseau nous a proposé de voir dans la passion une vertu. […] L’obstination est une vertu : celle de Barbey d’Aurevilly allait avoir sa récompense.
La véracité, par exemple, ne nous apparaît comme une vertu que parce qu’elle est plus facile à pratiquer que le mensonge. […] Parfois seulement des idées se trouvent avoir été longtemps retenues au fond de l’esprit, et tout d’un coup elles jaillissent en un flot abondant ; la même chose arrive pour les vices et les vertus, qui ont aussi de ces élans après une contrainte. […] Doué à un égal degré d’intelligence et de sentiment, orné de toutes les vertus d’un chrétien, il vivait une vie tranquille, simple et heureuse, vénéré et aimé de tous ceux qui l’approchaient. […] L’adresse de ses reparties, sa souplesse et son égalité d’humeur dans le maniement des hommes, sa probité et son désintéressement, toutes ces précieuses vertus lui ont valu autant de respect dans le parti opposé que d’affection dans le sien. […] À ses précieuses vertus traditionnelles de clarté et de correction, elle joint une lenteur, un calme, une gravité, qui sont bien la marque de sa race, et que, personne, d’ailleurs, ne s’aviserait de lui reprocher.
La guerre est à chaque porte, je le sais, mais les vertus guerrières sont derrière chaque porte ; le courage d’abord, et aussi la fidélité. […] » Si peu nombreux que soient les chants qui nous restent, ils reviennent sur ce sujet : l’homme exilé pense en rêve à son seigneur47 ; « il lui semble dans son esprit — qu’il le baise et l’embrasse, — et qu’il pose sur ses genoux — ses mains et sa tête, — comme jadis parfois, — dans les anciens jours, — lorsqu’il jouissait de ses dons. — Alors il se réveille, — le mortel sans amis. — Il voit devant lui — les routes désertes, — les oiseaux de la mer qui se baignent, — étendant leurs ailes, — le givre et la neige qui descendent, mêlés de grêle. — Alors sont plus pesantes — les blessures de son cœur. » — « Bien souvent, dit un autre, nous étions convenus tous deux — que rien ne nous séparerait, — sauf la mort seule. — Maintenant ceci est changé, — et notre amitié est — comme si elle n’avait jamais été. — Il faut que j’habite ici — bien loin de mon ami bien-aimé, — que j’endure des inimitiés. — On me contraint à demeurer — sous les feuillages de la forêt, — sous le chêne, dans cette caverne souterraine. — Froide est cette maison de terre. — J’en suis tout lassé. — Obscurs sont les vallons — et hautes les collines, — triste enceinte de rameaux — couverte de ronces, — séjour sans joie… — Mes amis sont dans la terre. — Ceux que j’aimais dans leur, vie, — le tombeau les garde. — Et moi ici avant l’aube, — je marche seul — sous le chêne, — parmi ces caves souterraines… — Bien souvent ici le départ de mon seigneur — m’a accablé d’une lourde peine. » Parmi les mœurs périlleuses et le perpétuel recours aux armes, il n’y a pas ici de sentiment plus vif que l’amitié, ni de vertu plus efficace que la loyauté.Ainsi appuyée sur l’affection puissante et sur la foi gardée, toute société est saine. […] Ceux-ci, tout barbares, entrent de prime abord dans le christianisme par la seule vertu de leur tempérament et de leur climat.
Destitués comme ils sont de la véritable vertu, ils s’attachent à se revêtir de son apparence, soit pour s’imposer à eux-mêmes, soit pour mieux parvenir aux fins de leur vaine gloire, de leur ambition et de leur volupté. […] Mais, hors de là, il le considérait infiniment pour le parfait dévouement qu’il avait aux intérêts de l’État, pour sa vertu et ses grandes qualités. […] Chacun écrivait en l’honneur de son système, rien par amour de la vérité ; cela ressemblait à certains voyageurs modernes, pleins de mérite d’ailleurs, mais plus pleins encore d’illusions, qui, pour honorer la démocratie, nous peignaient les États-Unis de l’Amérique comme des lieux saints, et les bazars cosmopolites de New-York comme des sanctuaires de patriarches de la vertu.
Et c’étaient moins ses frissons à fleur de peau, le zig-zag de ses gestes, l’inflexion de sa parole, la lueur de son sourire, c’étaient moins son aspect éphémère superficiel que les lourdes causes originelles, que les profonds atavismes qui provoquent précisément chez nous les penchants ou les vertus, les larmes ou les rires. […] Aussi leur œuvre ne possède-t-elle aucune vertu morale, est-elle toute d’apparat et de superficie. […] Enfin, si nous envisageons des personnages, plus élevés dans l’échelle morale, comme Balthazar Claës ou Louis Lambert, nous ne serons pas étonnés de constater bientôt que leur vertu démesurée frise parfois la folie.
Et une autre merveille i out, Que li vergiers durer ne pout Se tant non que li oisillons I venist chanter ses dous sons : Car dou chant issent les amors Qui en vertu tienent les flors Et les arbres et tôt le mes234 ; Mais que li oiseaus fust remés235, Maintenant li vergiers sechast Et la fontaine restanchast236, Qui par Toisel sont en vertu. […] « — Entent i bien, sil te dirai : « Li tiers est tés, qui le savroit « Ja mais povres on ne seroit. » Mout durement s’en esjoï Quant la vertu dou sen oï, Et dist : « Cestui m’estuet savoir, « Que durement tent à l’avoir288. » Qui li veïst l’oisel coitier289 ! […] La compagne du chevalier lui donna une « vergette » d’or, qui avait de grandes vertus. On voit plus loin qu’il la remit au pape, mais on ne sait quelles étaient ces vertus, et ce talisman ne sert à rien dans le récit. […] (v. 358 à 361) « La vertu qui est en elle est si grande que celui qui l’aurait en sa possession ne saurait rien souhaiter qui ne fût aussitôt devant lui. » 297.
C’eût été montrer une vertu barbare et punir avec inhumanité M. de Séez des grandeurs de sa famille. […] Robespierre croyait à la vertu : il fit la Terreur. […] La raison n’a point tant de vertu. […] La véritable vertu est abstraite ; si elle se manifeste pour obéir à autre chose qu’à l’injonction intérieure, elle est diminuée. […] En lui, la vertu se revêtait d’un sourire et le plaisir d une chasteté ingénue.
Arène ne répondit que par un haussement d’épaules, que Fabre n’aperçut pas20. » Il y a dans le travail, refontes et ratures, une vertu intérieure, une ressource de résistance qui n’ont pas échappé à des écrivains comme Malherbe, Boileau, Buffon et Flaubert. […] L’auteur du Père Goriot a peint des êtres bons et des êtres méchants, des gens dévoués et des coquins, les vertus et les vices, les dévouements et les bassesses, d’abominables créatures comme Mme Marneffe, et d’idéales jeunes filles comme Mlle Claës, Modeste Mignon, Ursule Mirouet, Eugénie Grandet. […] … » et ensuite il s’écrie : « Telles sont les paroles, chrétiens, mes frères, que Marie entendit aujourd’hui dans le ciel, lorsqu’elle y parut, habillée depuis la tête jusqu’aux pieds de toutes les vertus et de toutes les grâces dont la puissance divine peut enrichir une âme d’un ordre tout singulier : Ah ! […] Les vertus confèrent et enfin il est résolu qu’on verra de quoi il s’agit. […] On ne rencontre plus des modestes comme Berryer, « uniquement préoccupé de faire briller ses amis… et qui possédait au plus haut degré cette vertu si rare : le détachement de soi.
Mon âme resplendit de toutes vos vertus ! […] En se diminuant pour entrer dans les œuvres d’ordre moyen, elle semble avoir perdu toute vertu. » Ce n’est point un hasard, si, à près de vingt-cinq ans de distance, le même problème qui se posait pour Fromentin devant la peinture orientaliste se pose encore pour lui devant la peinture hollandaise, et toujours avec une solution aussi hésitante. […] Je n’en étais plus à ignorer qu’il n’y a pas de courage au-dessus de certaines épreuves, que la plus invincible vertu, minée à toutes les minutes, court de grands risques, et que de toutes les maladies celle dont on entreprenait de me guérir était certainement la plus contagieuse. » C’est l’histoire d’Éloa. […] Je ne vous l’aurais pas dit hier ; aujourd’hui cela peut s’avouer, puisque c’est le mot défendu qui nous sépare. » « Elle, exténuée tout à l’heure, elle avait retrouvé par miracle je ne sais quelle ressource de vertu qui la raffermissait à mesure. […] Écrire est un acte, implique une technique de l’exposition, mais penser n’est pas un acte, n’implique aucune technique : la logique, l’« art de penser » permet de reconnaître, une fois qu’ils sont faits, les raisonnements faux ; elle ne permet pas de faire des raisonnements justes, car on ne pense pas en, vertu d’un art.
L’apostrophe à la Vertu qui termine cette pièce a droit d’être placée parmi les plus beaux mouvements de poésie lyrique. […] Dans l’exaltation qui le domine, il ne craint pas de nommer sa mort un malheur public, et il dit à la Vertu de pleurer s’il n’a pas le temps d’achever sa tâche. […] Il y a dans la forme du vers une vertu singulière, que la critique française du dernier siècle semble avoir complètement méconnue, qui condense la pensée et lui rend à peu près le même service que la trempe au fer rouge qu’elle convertit en acier. […] Tiberge est placé près de des Grieux comme le modèle accompli de la vertu. […] Quoique Noëmi offre le type d’une vertu irréprochable, quoique chacune de ses actions soit courageuse et sainte, nous devons dire que le personnage de Noëmi ne cesse pas un seul instant d’intéresser.
D’ailleurs ce Duncan est né d’un caractère si doux, il a rempli sa tâche de roi d’une manière si irréprochable, que ses vertus, comme des anges à la voix de trompette, s’élèveront contre la damnable atrocité du crime de sa destruction ; et la pitié, semblable à un pauvre petit nouveau-né tout nu, fendant les tourbillons, ou portée comme un chérubin au ciel sur les invisibles courriers de l’air, frappera si vivement tous les yeux de l’horreur de cette action que leurs larmes en éteindront le souffle du vent. […] Complètement : allons plus loin, c’est l’objet de notre seconde entrevue. — Sentez-vous en vous-mêmes la vertu de patience tellement dominante que vous laissiez passer toutes ces choses ?
Il dresse toutes les fières vertus, toutes les hautes croyances, dans le vide. […] Il a le don de rapetisser, d’enniaiser tous les grands sujets, quand il y touche : la religion, par son Dieu des bonnes gens, ami de la joie et tendre aux mauvais sujets, par son agaçante conception d’un christianisme de pacotille qui met à l’aise tous les instincts matériels, par ses curés bénisseurs et bons vivants dont la perfection suprême est de ne pas être des gêneurs ; — le patriotisme, par un chauvinisme de méchant aloi, par l’exploitation fastidieuse de la gloire napoléonienne, avilie, vulgarisée, réduite aux puériles légendes de la redingote grise et du petit caporal ; — l’amour, par une sentimentalité frelatée, un mélange de grivoiserie et d’attendrissement qui exclut à la fois l’intensité de la passion sensuelle et la hauteur du sentiment moral ; — la morale, par une étroite et basse conception de la vie, mesquine dans la vertu, mesquine dans la jouissance, bien aménagée en un confortable égoïsme sans excès et sans danger.
Connaître le vrai pour le communiquer, voilà la nouvelle rhétorique ; c’est l’art des honnêtes gens remplaçant l’art des gens habiles : l’emploi d’une telle méthode est le commencement de la vertu. […] Il s’agit de savoir ce qu’il est, où il va, comment il doit se conduire dans la vie, quel sens donner à la vertu ou au vice, à la santé, à la maladie ; il s’agit d’un pari — il l’a dit lui-même — où la vie est engagée, où il importe, de toute la différence qu’il y a entre la vie et la mort, de mettre toutes les bonnes chances de son côté.
Le vrai sens des choses n’est possible que pour celui qui se place à la source même de la beauté, et, du centre de la nature humaine, contemple dans tous les sens, avec le ravissement de l’extase, ces éternelles productions dans leur infinie variété : temples, statues, poèmes, philosophies, religions, formes sociales, passions, vertus, souffrances, amour, et la nature elle-même qui n’aurait aucune valeur sans l’être conscient qui l’idéalise. […] La vieille humanité française était une vertu ou une qualité morale, mais avec bien des nuances qui expliquent la transition. « Je te le donne au nom de l’humanité », dit don Juan dans Molière.
C’est là un rôle d’honnête homme austère et impitoyable qu’il est bien ambitieux de prétendre tenir, qui suppose dans celui qui l’exerce de bien stoïques vertus, et auquel suffisent à peine l’intégrité exemplaire et l’autorité proverbiale d’un Caton ou d’un Montausier.
Quoi qu’il en soit, l’impression que laisse la lecture parallèle de ces lettres de M. de Montmorency et de M. de Chateaubriand est toute favorable au premier ; sa belle et bénigne figure ressort à nos yeux par le contraste ; et dans les générations modernes, ceux qui auront quelque souci encore de ces choses pourront dorénavant se faire une idée de ce dernier homme de bien des grandes races, de ce dernier des prud’hommes (comme on disait du temps de saint Louis), dont la renommée de vertu avait été jusqu’ici renfermée dans un cercle aristocratique tout exclusif.
Au milieu des plus formidables difficultés et dans une situation extrême, la netteté des vues, leur promptitude, leur multiplicité (chaque jour et chaque heure en demandant de nouvelles), l’à-propos et la perfection de l’exécution avec des moyens tels quels, tronqués et insuffisants ; le nerf et la vigueur dans leur dernière précision, une célérité qui suppléait au nombre ; une vigilance de tous les instants ; l’infatigable prodigalité de lui-même ; non seulement la constance, cette vertu des forts, mais l’espérance, ce rayon de la jeunesse, tout cela lui était, je ne dirai pas revenu (car tout cela appartenait de tout temps à sa nature), mais rendu au complet et à la fois, s’était renouvelé, réexcité en lui, et se couronnait d’une suprême flamme.
Faites que le gouvernement ait non seulement votre courage à récompenser, mais encore toutes les vertus qui distinguent le soldat citoyen.
Est-il possible d’allier la charité, qui passe, aux yeux même des indifférents, pour faire le fond du Christianisme et pour être la plus excellente des vertus chrétienne, avec la censure énergique non-seulement des vices criants, mais des inconséquences de tout genre qu’un catholique rigide rencontre à chaque pas dans la vie du siècle ?
Animé d’une plus belle ardeur que jamais, heureux, comme peu d’hommes de son âge le sont, d’avoir trouvé une occasion tardive de déployer ses talents et de consacrer à son pays ses vertus guerrières, il s’apprêtait à frapper quelque coup au centre ou au revers des montagnes, qui eût fait une diversion puissante et opportune aux opérations principales que concertait en ce même temps le brave et habile Dugommier.
Ne parlons pas tant des vertus du grand siècle.
Tout y naît de soi, tout y est amené naturellement et comme fondu sans dessein dans une composition aisée et enjouée ; l’humanité y est raillée d’un bout à l’autre, sans être offensée jamais ; la foi à la vertu, à la bonté, subsiste au milieu des mécomptes et jusque dans les éclats d’une risée immodérée, toujours innocente : mélange le plus heureusement tempéré que l’on connaisse, comme aussi le plus vivement contrasté, de bon sens et d’imagination, d’expérience et d’hilarité, de maturité et de jeunesse.
Mais M. de Senfft est un de ces hommes qu’on ne peut bien connaître sans connaître aussi sa femme ; car il lui était entièrement attaché, dévoué et même jusqu’à un certain point soumis ; il l’était parce qu’il appréciait en elle les plus hautes vertus, les plus tendres délicatesses ; il avait pour elle un vrai culte comme on en aurait pour une femme qu’on n’aurait adorée qu’à distance, comme pour une Laure ou une Béatrix.
Nos relations furent des plus satisfaisantes, jusqu’au jour où, entraîné par une exaltation patriotique que les rois ont punie depuis comme un crime, après l’avoir encouragée comme une vertu, il crut devoir abandonner son maître fidèle à la France, pour se dévouer à ce qu’on nommait alors la patrie allemande. » Dans les diverses occasions où il put l’observer de près, M.
Pour ceux qui, distraits des pures Lettres ou occupés ailleurs (comme il est permis), auraient besoin qu’on les remît sur la voie, je rappellerai qu’Eugénie de Guérin, sœur de Maurice de Guérin, de l’admirable auteur du Centaure, était son égale en dons naturels, en génie, sa supérieure en vertu, en force d’âme, son aînée vigilante et tendre, et qu’elle fut pendant neuf années sa survivante douloureuse, son Antigone ou son Électre, toute consacrée à sa mémoire et comme desservante d’un tombeau.
Cependant il put, ainsi que les autres princes du sang, engagés dans la même opposition parlementaire, entendre vanter, à cette occasion, son courage civil et ses vertus de citoyen.
Et je suis encore plein de respect pour les érudits parce que leur manie implique l’amour du passé, et que cet amour est une piété et une vertu.
Les pires violences de son rôle public s’expliquent par ses vertus privées.
« Deuxième conclusion : Ce que l’on appelle valeur Est une espèce de folie ; La vertu véritable est la poltronnerie, Qui nous fait éviter la mort et la douleur.
Il loue sa propre vertu et sa chasteté.
Toi, Vertu, pleure, si je meurs !
Elle est d’une femme souffrante qui, bien qu’exempte de jalousie, ne peut supporter l’aspect d’une liaison désordonnée et si opposée à tous les avantages qu’elle espérait de sa raison, de sa vertu, et de ses soins pour le jeune prince dont elle était chargée.
De telles vertus et de tels vices ainsi combinés et contrastés dans un même être, c’est bon à écrire et surtout à chanter, mais ce n’est pas vrai humainement ni naturellement.
Né en 1623 d’une famille pleine d’intelligence et de vertu, élevé librement par un père qui était lui-même un homme supérieur, il avait reçu des dons admirables, un génie spécial pour les calculs et pour les concepts mathématiques, et une sensibilité morale exquise qui le rendait passionné pour le bien et contre le mal, avide de bonheur, mais d’un bonheur noble et infini.
En effet, ce scrupule de votre pudeur n’est-il pas un aveu tacite qu’il existe quelque chose de plus pur et de plus chaste que la vertu même ?
Les qualitez exterieures comme la beauté, la jeunesse, la majesté et la douceur que le peintre peut donner à ses personnages, ne sçauroient nous interesser à leur destinée autant que les vertus et les qualitez de l’ame que le poëte peut donner aux siens.
Préjugé de traducteur à part, comme il est sans comparaison le plus grand historien de l’antiquité, il est aussi celui dont il y a le plus à recueillir ; mais ce que j’offre aujourd’hui suffira, ce me semble, pour faire connaître les différents genres de beautés dont on trouve le modèle dans cet auteur incomparable, qui a peint les hommes avec tant d’énergie, de finesse et de vérité, les événements touchants d’une manière si pathétique, la vertu avec tant de sentiment ; qui posséda dans un si haut degré la véritable éloquence, le talent de dire simplement de grandes choses, et qu’on doit regarder comme un des meilleurs maîtres de morale, par la triste, mais utile connaissance des hommes, qu’on peut acquérir par la lecture de ses ouvrages.
D’ailleurs, la modération sied bien aux vainqueurs : à Rome on permettait de dire même des injures à ceux qui recevaient les honneurs du triomphe ; et la vertu farouche de Caton fut plus d’une fois louée au sein de la cour d’Auguste.
Cet homme, digne de porter le nom d’une femme, tant il en avait la tendresse (il s’appelait Lawrence, et, nous l’avons dit plus haut, il croyait que le nom influait sur la destinée), avait dans ses facultés ce que les Saints ont dans leurs vertus.
Le monde antique avait exalté la passion et la vertu des corps, le christianisme les proscrit.
« Sur la nouvelle du sénatus-consulte de rappel, qui venait de passer au sénat réuni dans le temple de la Vertu, ce grand artiste, dit Cicéron165, toujours au niveau des premiers rôles dans la république comme sur la scène, les yeux en pleurs, avec un rayon de joie mêlé de douleur et de regret, défendit ouvertement ma cause, par des paroles plus puissantes que je n’aurais pu en trouver moi-même.
La morale chrétienne prescrit à l’homme de ne se point estimer, de se croire faible et chétif, de fonder sa foi et son espérance ailleurs qu’en lui ; si bien que la première vertu antique se ramène à être l’orgueil, qui est pour le chrétien le premier des péchés capitaux. Tout ce qui est morale antique, vertu stoïque, héros de Plutarque, dans la littérature classique française, pour Chateaubriand, est donc faux ; et voilà encore une des sources de l’inspiration classique qui est dénoncée comme suspecte. […] N’est-il pas singulier que tu arrives exprès d’Amérique pour être mon compagnon de boulet en Europe, pour montrer la liberté et la servitude, le vice et la vertu accouplés au même joug ? […] Il n’a pas donné dans les croyances de progrès indéfini, d’infaillibilité populaire et de vertu républicaine qui enchantaient les esprits vers 1846. […] L’abnégation est la vertu du penseur et de l’homme fort.
Elle donnait pour motif la corruption universelle des gens de qualité : « Les jeunes gens, disait-elle, sont tous des viveurs, et les jeunes femmes font la cour aux hommes au lieu d’attendre qu’on la leur fasse804. » En effet, le vice est à la mode, et non pas délicat comme en France. « L’argent, écrivait Montesquieu, est ici souverainement estimé, l’honneur et la vertu peu. […] Ils le défendent tous au même titre, comme lien de la société civile et comme appui de la vertu privée. […] Les artifices oratoires deviennent entre ses mains des instruments de supplice, et lorsqu’il lime ses périodes c’est pour enfoncer plus avant et plus sûrement le couteau ; avec quelle audace d’invective, avec quelle roideur d’animosité, avec quelle ironie corrosive et brûlante, appliquée sur les parties les plus secrètes de la vie privée, avec quelle insistance inexorable de persécution calculée et méditée, les textes seuls pourront le dire : « Milord, écrit-il au duc de Bedford, vous êtes si peu accoutumé à recevoir du public quelque marque de respect ou d’estime, que si dans les lignes qui suivent un compliment ou un terme d’approbation venait à m’échapper, vous le prendrez, je le crains, pour un sarcasme lancé contre votre réputation établie ou peut-être pour une insulte infligée à votre discernement862… » « Il y a quelque chose, écrit-il au duc de Grafton, dans votre caractère et dans votre conduite qui vous distingue non-seulement de tous les autres ministres, mais encore de tous les autres hommes : ce n’est pas seulement de faire le mal par dessein, mais encore de n’avoir jamais fait le bien par méprise ; ce n’est pas seulement d’avoir employé avec un égal dommage votre indolence et votre activité, c’est encore d’avoir pris pour principe premier et uniforme, et, si je puis l’appeler ainsi, pour génie dominant de votre vie, le talent de traverser tous les changements et toutes les contradictions possibles de conduite, sans que jamais l’apparence ou l’imputation d’une vertu ait pu s’appliquer à votre personne, ni que jamais la versatilité la plus effrénée ait pu vous tromper et vous séduire jusqu’à vous engager dans une seule sage ou honorable action863. » Il continue et s’acharne ; même lorsqu’il le voit tombé et déshonoré, il s’acharne encore. […] Par quelle magie la noblesse peut-elle ainsi changer le vice en vertu, je ne le sais pas, et je ne souhaite pas le savoir ; mais en tout autre sujet que la politique, et parmi toutes autres personnes que des lords de la chambre à coucher, un tel exemple de la plus grossière perfidie serait flétri, comme il le mérite, par l’infamie et l’exécration866.
En regard du vingtième siècle évoqué, de ses splendeurs et de ses vertus, le Poète traîne au plein jour de son étincelante ironie et de son indignation lumineuse les hontes actuelles où l’odieux se mêle au grotesque, et le lamentable à l’impayable. « … Au vingtième siècle, on sera froid pour les merveilleuses couleuvrines de treize pieds de long, en fonte frettée, pouvant tirer, au choix des personnes, le boulet creux et le boulet plein. […] À mon sens, le poète doit être absolument sincère, mais absolument consciencieux comme écrivain, ne rien cacher de lui-même, qui soit montrable toutefois, mais déployer dans cette franchise toute la dignité exigible, le souci de cette dignité se manifestant dans, autant que possible, sinon la perfection de la forme, du moins l’effort invisible, insensible, mais effectif, vers cette haute et sévère qualité, j’allais dire : cette vertu... […] Racine, la correction, l’érudition des fortes études, science parfaite de l’antiquité sue littéralement et comprise comme il fallait dans sa grâce absolue et sa force complète, Racine, la correction, la totale perception de la langue maternelle jusqu’à travers la plus intime connaissance des vieux auteurs et des idiomes locaux, l’esprit de son pays et de son temps, modération, circonspection même, bon sens immédiat et traditionnelle générosité, Racine, l’individualité honnêtement fine, malicieuse sans haine, qui sut mener sa vie habilement et la finir admirablement, sacrifiant d’instinct fortune, faveur, ne ménageant qu’une famille admirablement menée à bien dans la vertu et la modicité voulue, mourant, après des tendresses dominées, des ambitions tenues en bride, d’un cœur blessé, d’une âme en deuil, noblement, pudiquement ; — et Shakespeare, l’aventurier, né ruiné, catholique ou protestant, qui le sait ? […] De sorte qu’à mon sens, le poète doit être absolument sincère, mais absolument consciencieux comme écrivain, ne rien cacher de lui-même, mais déployer dans cette franchise, avec toute la dignité exigible, le souci de cette dignité se manifestant dans autant que possible, sinon la perfection de la forme, du moins l’effort invisible, insensible, mais effectif vers cette haute et sévère qualité, j’allais dire cette vertu.
Nicolas, vos intentions sont bonnes et vous prêchez « la vertu la plus pure », cependant ne craignez-vous pas qu’il y ait quelque danger « à montrer ainsi le vice à découvert » ? […] Zola était de nous montrer dans le monde parisien la toute-puissance corruptrice de la fille, et, sous l’empire de ses séductions malsaines, famille, honneur, vertu, principes, tout, en un mot, croulant. […] Ouvrez les yeux, regardez autour de vous : apparemment le siècle n’est pas si stérile en vertus qu’on n’y puisse de loin en loin rencontrer de bons exemples. […] La première vertu du poète, comme du romancier, celle sans qui toutes les autres aussitôt diminuent de prix et risquent de tomber à rien, c’est l’universelle sympathie pour les misères et les souffrances de l’humanité. […] « Le tissu de notre vie, dit le poète, est composé de fils mêlés, bien et mal unis ensemble ; nos vertus deviendraient orgueilleuses si nos fautes ne les fouettaient pas ; mais nos vices désespéreraient s’ils n’étaient pas consolés par nos vertus ».
Il plaide tantôt l’innocence et tantôt la beauté et la vertu de l’expiation. […] Les patriarches et les prophètes me prêteront assistance, puisque je me suis attaché à renouveler leurs vertus et ils ne m’oublieront pas à l’heure de ma mort. […] Félix Hémon, elle croit à la vertu toute-puissante de la philosophie sur les âmes. […] Nous préserve le ciel d’un si funeste abus, Berceau de la mollesse et tombeau des vertus. […] Enfin, par sa seule vertu intense, ou à peu près, la Boule a triomphé et triomphera.
C’est lui qui a pu dire du pauvre qui lui rapportait le louis d’or, cet autre mot si souvent cité, mais si peu compris, ce me semble, dans son acception la plus grave, ce mot échappé à une habitude d’esprit invinciblement philosophique : « Où la vertu va-t-elle se nicher ? » Jamais homme de Port-Royal ou du voisinage (qu’on le remarque bien) n’aurait eu pareille pensée, et c’eût été plutôt le contraire qui eût paru naturel, le pauvre étant aux yeux du chrétien l’objet de grâces et de vertus singulières. […] Chez Molière, en face de Sganarelle, au plus haut bout de la scène, Alceste apparaît ; Alceste, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus sérieux, de plus noble, de plus élevé dans le comique, le point où le ridicule confine au courage, à la vertu.
Avoir tout vu de la vie, en savoir tous les courants et tous les écueils, s’y être brisé, puis s’en être relevé, connaître les hommes par leurs passions et savoir s’en servir, avoir appris à ses dépens à toucher en eux les cordes qui résistent et celles qui répondent, avoir conservé au milieu de toutes ses traverses, et jusque dans les désastres où l’on est tombé par sa faute, son sang-froid, sa gaieté, son entrain, ses ressources d’esprit, sa bonne mine, son courage, son espérance surtout, cette vertu et cette moralité essentielle de l’homme ; quelle préparation meilleure, quand le ressort principal n’a point fléchi, quand le principe d’honneur a gardé toute sa sensibilité ! […] À n’en juger même qu’en moraliste et en philosophe, il est évident qu’ici le sacrement vint directement en aide et en réconfort à la vertu guerrière.
Nous assistons à la formation lente et mystérieuse de cette nature singulière qui, s’affermissant à travers tant de crises, eut bien le droit de croire à la vertu des épreuves. […] En voyant aux prises les deux partis acharnés, les libéraux et les ultra-royalistes, chacun croyant à son droit et pouvant produire également des hommes de vertu et d’intelligence, M.
Elle nous ôte toutes nos vertus et même toutes nos bonnes qualités, et l’estime que tout cela nous avoit acquise. On sent qu’on a vécu jusque-là dans l’illusion et le mensonge ; qu’on s’est nourri de viandes en peinture ; qu’on n’a pris de la vertu que l’ajustement et la parure, et qu’on en a négligé le fond, parce que ce fond est de rapporter tout à Dieu et au salut, et de se mépriser soi-même en tout sens, non par une vanité plus sage et par un orgueil plus éclairé et de meilleur goût, mais par le sentiment de son injustice et de sa misère. » Le reste de la lettre est également admirable, et de ce ton approprié et pressant. — Ainsi, vous qui avez rêvé, cessez vos rêves !
Comment naît en nous un nom général et abstrait, et par quel mécanisme contracte-t-il avec nos représentations sensibles et nos perceptions particulières cette double attache exclusive qui lui donne sa signification et sa vertu ? […] Nous avons fabriqué ainsi l’idée d’un certain caractère moral, et, de fait, à l’occasion, de bien loin, nous accommodons à ce modèle notre caractère effectif. — Ainsi naissent les œuvres d’industrie, d’art et de vertu, pour combler ou diminuer l’intervalle qui sépare les choses et nos conceptions.
Juge de la force corporelle en sa qualité de tonnelier, il devina le parti qu’on pouvait tirer d’une créature femelle taillée en Hercule, plantée sur ses pieds comme un chêne de soixante ans sur ses racines, forte des hanches, carrée du dos, ayant des mains de charretier et une probité vigoureuse comme l’était son intacte vertu. […] La pauvre fille ne se rendait pas justice ; mais la modestie, ou mieux la crainte, est une des premières vertus de l’amour.
Depuis ce temps, auquel nous touchons encore, la jalousie et la défiance populaires, ces seules vertus de la démocratie américaine, qui la rendent stupide quand elles ne la rendent pas féroce, n’ont pas permis à une seule grande nature de citoyen d’arriver à la présidence de la république américaine ; ils ont craint que leur premier magistrat n’eût des pensées plus élevées qu’eux ; ils n’ont pardonné qu’à une certaine médiocrité du parti bourgeoisement probe et intellectuellement incapable de prévaloir dans les élections et d’exercer pour la forme une autorité centrale sans pouvoir, un certain rôle de grand ressort neutre de leur anarchie réelle, ressort qui obéit au doigt de la constitution démagogique, mais qui n’imprime ni halte ni mouvement. […] Schœlcher et au gouvernement rallié à mes vues, finit par l’abolir ; elle eut seulement le tort de trop économiser sur l’indemnité, mais, malgré cette parcimonie de vertu, elle n’eut qu’à se féliciter de son courage.
Ainsi, la morale des sages et la morale de la vie sont également satisfaites, quand on le voit puni d’un travers innocent par une contrariété passagère, et récompensé de sa vertu par l’avantage d’échapper à un malheur certain. […] Plus tard, marié et malheureux, mais n’ayant pas perdu l’espoir de ramener sa femme, il se servait du rôle d’Elmire, dans le Tartufe, pour la toucher par le spectacle d’une femme d’honneur qui défend sa vertu.
Ainsi au temps de Louis XIV, la flatterie se gonfle en hyperboles énormes, quand Boileau s’écrie : Grand roi, cesse de vaincre ou je cesse d’écrire ; quand l’Académie met au concours ce sujet : De toutes les vertus du prince laquelle mérite la préférence ; quand la même Académie reçoit comme un de ses membres, le duc du Maine, âgé seulement de treize ans, mais bâtard du roi ; quand Racine l’assure que, s’il n’y eût pas eu de place vacante, chacun des académiciens existants aurait été heureux de mourir pour lui en faire une. […] Qui donc oserait soutenir que le principe démocratique, en vertu duquel tous les membres de la société doivent avoir des moyens égaux de se développer inégalement, s’est épanoui dans sa plénitude ?
Hormis les impuissants, pédants et envieux, pour qui la suprême vertu, en autrui, est la Modestie, — personne ne reprochera, pourtant, à un homme de génie, qu’il ait eu la conscience de son génie, pleine, franche, hardie… Mais Richard Wagner ne goûtait pas les mièvreries fades, ni les bruyantes déclamations, contemporaines. — et il le dit. […] Cet exemple de Beethoven nous fait bien voir encore l’originalité de la nature Allemande, qui a été douée de vertus si intimement profondes et si riches, qu’elle sait imprégner toute forme de son essence, en même temps qu’elle bâtit à nouveau cette forme par le dedans, sauvant ainsi de la destruction son enveloppe extérieure.
En ce sens, les formes sont des vertus occultes comme la vertu dormitive de l’opium.
On prête aux Roland, aux Guillaume, aux Renaud, des vertus qui excèdent la mesure de l’humanité ; on leur attribue des exploits dignes de leurs vertus ; on arme l’un de sa « Durandal », on met l’autre à cheval sur « Bayard ».
D’un autre côté, si le devoir est supérieur au bonheur, il faut donc sacrifier dans certains cas extrêmes le bonheur au devoir, et pourtant il y a entre eux une harmonie éternelle, qui peut être momentanément troublée, mais que la raison établit et qu’elle impose, pour ainsi dire, à l’existence et à son auteur ; il faut donc qu’il y ait un Dieu, supérieur à toutes les causes secondaires, pour faire régner quelque part l’harmonie de la vertu et du bonheur. […] Quand donc on demande pourquoi la logique est une science certaine, on doit répondre : C’est qu’elle ne s’occupe d’aucun objet spécial et déterminé ; c’est qu’elle est indépendante de ses applications, et que sa vertu réside dans les lois même de la raison, considérée en elle-même et pure de tout élément étranger.
Le passé n’existe que par eux ; leur silence replonge l’univers dans le néant ; la mémoire des aïeux n’est pas ; leurs vertus restent sans honneur et sans fruit pour les neveux, le moment où ces cygnes paraissent est comme l’époque de la création. […] Adulateurs des grands, ils altéreront, par leurs éloges mal placés, toute idée de vertu : plus ils seront séduisants, plus on les lira, plus ils feront de mal.
Un autre vaisseau, le vaisseau du bien, construit par le roi Noble, et offrant le symbole de toutes les vertus et qualités, tient la mer et lutte contre celui de Renart ; mais le traître regagne toujours ses avantages par la ruse ; il amène le roi à une fausse paix et signale par là son triomphe : le roi consent, pour s’en retourner chez lui, à monter sur le navire de Renart, et il s’y trouve mieux que dans le sien propre.
Je le prie de tout mon cœur, madame, de vous ôter non seulement vos défauts, mais encore ce goût de grandeur dans les vertus, et de vous rapetisser par grâce.
Nous voilà avertis dès le commencement que nous sommes dans les années régulières et déjà plus strictes de Louis XIV, dans celles de Mme de Maintenon et de l’étroite vertu ; ce sont ces trente dernières années que Dangeau notera dans toute leur suite et leur teneur.
Je sais bien que justement c’est un reproche, et un reproche fondé à faire à cette aimable société, que ce manque d’aplomb moral qui laissait un vague dangereux à la vertu ; mais n’était-ce pas là l’esprit général du siècle, et n’est-ce pas là la source de tous les maux qui ont ensanglanté notre pays après l’avoir bouleversé ?
Tantôt ils se flattent de ne rien devoir qu’à leur mérite, à leur vertu, sans rien laisser au hasard ; tantôt ils sont plus fiers de paraître tout devoir au hasard qu’à leurs qualités propres : c’est qu’il semble alors qu’un génie suprême, l’âme même des astres et de l’univers s’occupe d’eux, — change et incline l’ordre général pour eux.
Les compatriotes de Favre l’ont célébré et pleuré pour les services généreux qu’il n’a cessé de rendre jusqu’à sa dernière heure et pour ses vertus : sa famille, en recueillant ses principaux écrits et en lui élevant, par les soins d’un digne éditeur, ce monument littéraire, a pourvu à la durée de son nom.
De Maistre s’en indigne : « Ce qu’il y a de bon, dit-il, c’est que les dames que ce texte frappe, et que tout le monde connaît, sont bien ce qu’on peut imaginer de plus distingué en vertu, en esprit et même en connaissances, sans compter le rang qui est aussi cependant quelque chose.
Après le témoignage de force et d’intrépidité qu’il venait de donner, il reprit son discours avec la même douceur qu’auparavant ; il peignit l’amour des hommes et toutes les vertus avec des traits si touchants et des couleurs si aimables que, hors les officiers du temple, ennemis par état de toute humanité, nul ne l’écoutait sans être attendri et sans aimer mieux ses devoirs et le bonheur d’autrui.
que cette disposition sincère, cette vertu d’homme de bonne volonté, se sentirait bien, et que, si elle ne se faisait pas obéir en tout, elle se ferait écouter !
Les dieux ont placé la sueur avant la vertu : il faut gravir ; mais, une fois le sommet atteint, tout devient facile.
Ce n’est ni l’amour de la vérité et de la vertu, ni la passion d’une cause, ni la haine de l’hypocrisie et du charlatanisme, ni la verve du bon sens et du bon goût qui l’anime, qui le transporte et lui fait vider son carquois : c’est un besoin de revanche et de représailles toutes personnelles.
La science lui est venue, par grâce infuse, avec la vertu.
Aller en Grèce quand une tache morale vous avait atteint et avait rejailli jusqu’à votre front, quand une de ces fautes de jeunesse ou l’un de ces malheurs de nature (comme il s’en peut rencontrer, même chez les organisations distinguées) vous avait fait tristement faillir et vous exposait à rougir sans cesse au milieu des vôtres, c’était se relever à l’instant, c’était expier et réparer aux yeux de tous, c’était, par une vaillance noblement et saintement employée, se retremper dans l’estime publique et se refaire une vertu.
Brutus est la vertu ; César est la puissance.
Parmi les hommes d’État qui ont paru en première ligne dans nos affaires depuis dix ans, il en est plusieurs qui se sont fait bien des titres de gravité, de vertu, d’éloquence : il en est deux que j’ai toujours involontairement rapprochés par le contraste et aussi par de certaines ressemblances dans l’effet produit.
Tantôt, flottant entre un passé gigantesque et un éblouissant avenir, égarée comme une harpe sous la main de Dieu, l’âme du prophète exhalera les gémissements d’une époque qui finit, d’une loi qui s’éteint, et saluera avec amour la venue triomphale d’une loi meilleure et le char vivant d’Emmanuel ; tantôt, à des époques moins hautes, mais belles encore et plus purement humaines, quand les rois sont héros ou fils de héros, quand les demi-dieux ne sont morts que d’hier, quand la force et la vertu ne sont toujours qu’une même chose, et que le plus adroit à la lutte, le plus rapide à la course, est aussi le plus pieux, le plus sage et le plus vaillant, le chantre lyrique, véritable prêtre comme le statuaire, décernera au milieu d’une solennelle harmonie les louanges des vainqueurs ; il dira les noms des coursiers et s’ils sont de race généreuse ; il parlera des aïeux et des fondateurs de villes, et réclamera les couronnes, les coupes ciselées et les trépieds d’or.
Il eût peut-être mieux valu que la nation entière fût réunie sous un seul gouvernement ; ses anciens souvenirs se seraient ainsi plus tôt réveillés, et le sentiment de sa force eût ranimé celui de sa vertu.
Il n’y en a plus que deux aujourd’hui, le moi et la matière ; mais jadis il y en avait une légion ; alors, pendant l’empire avoué ou dissimulé de la philosophie scolastique, on imaginait, sous les événements, une quantité d’êtres chimériques, principe vital, âme végétative, formes substantielles, qualités occultes, forces plastiques, vertus spécifiques, affinités, appétits, énergies, archées, bref un peuple d’agents mystérieux, distincts de la matière, liés à la matière, et que l’on croyait indispensables pour expliquer ses transformations.
Son grand malheur est venu non pas tant des erreurs de son système que d’avoir eu un système, en vertu duquel il a agi sans et contre la nature.
Et nous serons submergés, sans doute… — À défaut de la vertu de la religion, dit M. de Wyzewa, on pourrait restreindre les programmes de l’enseignement. — Il considère comme aptes à la contagion les instruits sans emploi.
Pendant ce repas du matin, à propos de chaque mets, l’entretien roule sur la vertu, propriété et nature des objets, des viandes, poissons, herbes ou racines.
Cette faculté d’espérance, qui l’a tant de fois trompée, lui devient ici une grâce d’état et une vertu.
Il faut, pour justifier mon dévouement à cette princesse, et pour ma consolation, que je trace une légère idée de ses vertus.
D’ailleurs, ce moule dont le groupe nouveau va accepter l’empreinte n’est jamais si rigide que, par la vertu d’originalité propre qu’il possède, il ne le modifie à son tour.
Claude Bernard nous décrit avec vivacité, et avec toute l’autorité de l’expérience personnelle, cette remarquable vertu de l’invention scientifique, supérieure à toutes les méthodes et à toutes les règles.
Les mœurs simples et utiles, le caractère de la vertu, de l’honnêteté, du bon sens relèvent tout ; ce sont nos appartements avec nos glaces, nos buffets, nos magots précieux, qui sont vils, petits, bas et sans vrai goût.
Elle a de la vertu, en rhétorique.
Hypnotisés, pour ainsi dire, par le vide que notre abstraction vient de faire, nous acceptons la suggestion de je ne sais qu’elle merveilleuse signification inhérente à un simple déplacement de points matériels dans l’espace, c’est-à-dire à une perception diminuée, alors que nous n’aurions jamais songé à doter d’une telle vertu l’image concrète, plus riche cependant, que nous trouvions dans notre perception immédiate.
Qu’on le nie devant les monuments irréfragables de l’histoire, ou que l’on confesse que la lumière naturelle n’est pas si faible pour nous avoir révélé tout ce qui donne du prix à la vie, les vérités certaines et nécessaires sur lesquelles reposent la vie et la société, toutes les vertus privées et publiques, et cela par le pur ministère de ces sages encore ignorés de l’antique Orient, et de ces sages mieux connus de notre vieille Europe, hommes admirables, simples et grands, qui, n’étant revêtus d’aucun sacerdoce, n’ont eu d’autre mission que le zèle de la vérité et l’amour de leurs semblables, et, pour être appelés seulement philosophes, c’est-à-dire amis de la sagesse, ont souffert la persécution, l’exil, quelquefois sur un trône et le plus souvent dans les fers : un Anaxagore, un Socrate, un Platon, un Aristote, un Épictète, un Marc-Aurèle !
Ce seroit apparemment par une raison contraire qu’ils auroient rapporté au genre féminin les noms abstraits des passions, des vertus, des vices, des maladies, des sciences, &c. […] Voici une ellipse qui est devenue une locution propre à notre langue, un gallicisme, parce que l’usage en a prévalu au point qu’il n’est plus permis de suivre en pareil cas la Syntaxe pleine : il ne laisse pas d’agir, notre langue ne laisse pas de se prêter à tous les genres d’écrire, on ne laisse pas d’abandonner la vertu en la louant, c’est-à-dire il ne laisse pas le soin d’agir, notre langue ne laisse pas la faculté de se prêter à tous les genres d’écrire, on ne laisse pas la foiblesse d’abandonner la vertu en la louant.
Quand nous cessons d’estimer ceux en qui nous avions placé notre confiance et nos respects, nous sommes portés à douter des vertus mêmes dont ils étaient pour nous l’image sensible. […] Les choses qu’on nommait vertus perdent leurs formes. […] Oui, maintenant, je peux laisser dire que Molière n’a d’autres ennemis que les fourbes qu’il a démasqués ; je peux passer au pied de sa statue érigée sur nos places publiques ; je peux entendre l’Académie française regretter qu’il manque à sa gloire ; je peux souffrir que de vains et ridicules rhéteurs, esclaves de la popularité du mal, entassent leurs phrases farcies d’adjectifs pour faire un piédestal de courage à ce flatteur, une couronne de franchise à ce menteur, une renommée de vertu à ce corrupteur. […] Ce gros et malpropre pédant, lourd, ennuyeux, fastidieux, seccator, maniaque, sans idées, sans originalité, sans esprit, sans style, sans verve, type de vertus négatives et d’impuissance, insulteur de Victor Hugo, de Lamartine, de Chateaubriand, de Casimir Delavigne, de Scribe, de Paul Delaroche, d’Horace Vernet, d’Ary Scheffer, trouble-fête qui priva, pendant vingt ans, nos Expositions des chefs-d’œuvre de nos maîtres, Gustave Planche a été une des erreurs de M. […] C’est la consolation que tu ne devras qu’à loi et à ta vertu.
Papa la vertu. — 1890. Papa la vertu, le dernier roman de M. […] Tous ces gens primitifs ont inventé eux-mêmes leurs vices et leurs vertus ; s’ils sont mauvais ou bons, ils n’en sont pas plus responsables qu’une plante que la nature fait empoisonnée ou salutaire. […] Il le rencontra dans une femme dont l’Italie admirait les talents, les vertus et la beauté. […] Du reste, la modération devient une vertu facile à l’âge où la vie n’est plus « qu’une force qui s’achève, une ardeur qui s’éteint ».
Le monde parisien se compose de deux mondes bien divers : « Le monde des anciennes vertus, des anciennes croyances, qui révère l’Église, la famille, la royauté » ; et puis le monde flottant, indécis entre toutes les passions, tous les principes. […] « J’entends, vous voulez réunir tous les avantages du vice aux honneurs de la vertu ! […] Ce qu’elle aime avant tout, la Loi, c’est d’être défendue, honorée et obéie par les grands hommes qui sont nés à son ombre, et qui lui ont voué leur culte, leur génie et leur vertu. […] Non, contrairement aux clameurs de l’école, le destin n’est pas le maître des choses humaines ; non, la nécessité n’est pas la maîtresse souveraine : elle a des comptes à régler avec la volonté du héros qu’elle frappe, et qui la peut dominer par son courage, par sa constance, par sa vertu. […] À l’âge de treize ans, il était déjà d’un grand secours ; il était bon, laborieux et juste ; il avait en lui toutes les qualités et toutes les vertus de l’honnête homme.
La plus grande des vertus, est pour elle, comme pour saint Paul, la charité. […] Mais ce qui met Istrati au premier plan des auteurs de récits populaires, c’est qu’il plaide à chaque page pour la passion et pour l’amitié. « La première des vertus est l’amitié, qui comprend toutes les vertus. » Istrati serait-il aujourd’hui le meilleur disciple d’Aristote ? […] Ensuite, la Puritaine et l’Amour 23 pose un problème auquel M. de Traz ne cessera point de s’intéresser, celui de la personnalité ; l’héroïne du roman incarne un idéal ; on l’a chargée, en effet, d’une fonction qui consiste à être aux yeux de tous l’exemple de la vertu ; mais elle se découvre, et se sait bientôt différente, et M. […] Des jeux de mots dont un chapitre de son livre les Pas perdus 87 nous révèle l’extraordinaire vertu.
Renan s’en retire vite, avec un mouvement de mépris, et cette parole : « Dans tout cela, il n’y a pas un homme capable d’un acte de vertu ! » Comment, d’un acte de vertu ? lui crie-t-on, ce n’est pas un acte de vertu, l’acte de dévouement qui fait donner leur vie à ces privés de gloire, à ces innommés, à ces anonymes de la mort ! […] Il m’entretient d’une série de romans qu’il veut faire, d’une épopée en dix volumes, de l’histoire naturelle et sociale d’une famille, qu’il a l’ambition de tenter, avec l’exposition des tempéraments, des caractères, des vices, des vertus, développés par les milieux, et différenciés, comme les parties d’un jardin, « où il y a de l’ombre ici, du soleil là ». […] Le catholicisme est une crétinisation de l’individu : l’éducation par les Jésuites ou les frères de l’école chrétienne arrête et comprime toute vertu summative, tandis que le protestantisme la développe. » La douce et maladive voix de Berthelot rappelle les esprits des hauteurs sophistiques aux menaçantes réalités : « Messieurs, vous ne savez peut-être pas, que nous sommes entourés de quantités énormes de pétrole, déposées aux portes de Paris, et qui n’entrent pas à cause de l’octroi, que les Prussiens s’en emparent et les jettent dans la Seine, ils en feront un fleuve de feu qui brûlera les deux rives !
Louis Veuillot que la comédie est une conseillère de vertu, on fait trop beau jeu aux détracteurs du théâtre. […] Parce qu’en art, voyez-vous, l’idéal, ce n’est pas la correction, qui n’est souvent que l’absence des défauts : une vertu parfaitement négative. […] Quelle est cette vertu ? […] traître, oses-tu bien, par cette fausseté Vouloir de sa vertu ternir la pureté ! […] Les femmes qui aiment leur mari répandent autour d’elles un parfum particulier dont la vertu propre est d’écarter les soupirants.
Aglaé signifie splendeur, qu’il faut entendre pour celle grâce d’entendement qui consiste au lustre de vérité et de vertu. […] Ce refrain est adressé à un objet magique (iynx), qui portait le nom d’un oiseau, mais qui vraisemblablement n’était autre qu’une sorte de toupie ou de fuseau qu’on faisait tourner durant le sacrifice, lui attribuant la vertu d’attirer les absents.
Ceci conduit le poëte vers les légendes de la chevalerie ; voilà le monde fantastique, magnifique aux yeux, noble et pur par excellence, où l’amour, la guerre, les aventures, la générosité, la courtoisie, tous les spectacles et toutes les vertus qui conviennent aux instincts de nos races européennes, se sont assemblés pour leur offrir l’épopée qu’elles aiment et le modèle qui leur convient. […] Chacun retrouvait en lui ses propres sentiments, les plus fugitifs, les plus intimes ; il s’abandonnait, il se donnait, il avait les dernières des vertus qui nous restent, la générosité et la sincérité.
L’école matérialiste moderne, qui parle de l’art pour l’art, qui prétend le réduire à un calque servile de la nature, belle ou laide, sans préférence et sans choix, qui trouve autant d’art dans l’imitation d’un crapaud que dans la transfiguration de la beauté humaine en Apollon du Belvédère, qui admire autant un Téniers qu’un Raphaël, cette école ment à la morale autant qu’elle ment à l’art ; elle place le beau en bas au lieu de le placer en haut : c’est un sophisme ; le beau monte et le laid descend ; l’art véritable est le Sursum corda des sens de l’homme comme la vertu est le Sursum corda de l’esprit et du cœur. […] Le beau est la vertu dans l’art.
Il s’était éteint sans souffrance et sans angoisse, plein de confiance dans les promesses de la religion, qu’il avait toujours admise sans contrôle dans ses dogmes pour la pratiquer dans ses vertus. […] Et notre Ève est partout, partout le mauvais ange, Un bel oiseau qui chante, un chien fou qui le mange, Voilà le sort de la vertu.
Le mois suivant, en janvier 1786, j’achevai de jeter sur le papier le second et le troisième livre du Prince des Lettres ; je conçus et j’écrivis le dialogue de la Vertu méconnue. […] La comtesse, femme d’une vertu rigide et d’une piété mystique, représentait dans cette société le respect pour cette légitimité des reines qu’elle ne permettait pas même au soupçon d’effleurer.
Il imagina une sorte de comédie bienveillante et diplomatique, où tous les personnages prétendent intéresser, les uns par leurs vertus, les autres par des travers dont ils guériront. […] « Je veux, dit-il, que mon Eugénie soit un modèle de raison, de dignité, de douceur, de vertu, de courage… Je veux qu’elle soit seule, et que son père, son amant, sa tante, son frère, et jusqu’aux étrangers, tout ce qui aura quelque relation avec cette victime dévouée, ne fassent pas un pas, ne disent pas un mot qui n’aggrave le malheur dont je veux l’accabler. » « Tenez vos personnages dans la plus grande gêne possible », avait dit le maître. « Je veux, dit le disciple, que la situation des personnages soit continuellement en opposition avec leurs désirs, leurs intérêts, leurs caractères. » Soit.
Il faut partir de ce principe que l’homme ne naît pas actuellement bon, mais avec la puissance de devenir bon, pas plus qu’il ne naît savant, mais avec la puissance de devenir savant, qu’il ne s’agit que de développer les germes de vertu qui sont en lui, que l’homme ne se porte pas au mal par son propre choix, mais par besoin, par de fatales circonstances, et surtout faute de culture morale. […] Si l’on entend par humilité le peu de cas que l’homme ferait de sa nature, la petite estime dans laquelle il tiendrait sa condition, je refuse complètement à un tel sentiment le titre de vertu, et je reproche au christianisme d’avoir parfois pris la chose de cette manière.
On a dit d’elle140 : « Tout en elle était sonore : ses amours, ses amitiés, ses haines, ses défauts, ses vertus. » Elle avait le verbe haut, la parole vive, animée. […] Elles sont d’ailleurs austères, un peu guindées, d’une vertu inattaquable ; elles ont quelque chose de protestant, de puritain.
… Puis la causerie va à la tristesse moderne, à l’absence de joie, la joie de Rabelais, la joie dont Luther faisait une vertu. […] * * * — Ni la vertu, ni l’honneur, ni la pureté, ne peuvent empêcher une femme d’être femme, d’avoir, renfermées en elle, les fantaisies et les tentations de son sexe.
* * * — La générosité de l’homme implique presque toutes les autres vertus sociales, et l’avarice le manque de ces mêmes vertus.
Mais le verbe a d’autres vertus encore que de décrire. […] Les œuvres idéalistes classiques tendent à être belles, elle se plaisent à la description de lieux riches et heureux, elles donnent du corps humain une image pure de lignes et de couleurs, chaste, sobre et saine ; elles montrent des âmes nobles, fort bonnes, et calmes, animées d’émotion simples et liantes d’amour tendre, de courage, de générosité, de patriotisme, de fière ambition, de juste respect des dieux, de vertus sévères, religieuses mais sans outrance modérées, mais tempérées, contenue de raison et sans disgracieux excès.
Selon lui, et contrairement à Montesquieu, c’est la terreur seule qui fait la république : « Dieu veuille qu’elle ait de la vertu pendant six mois, elle sera détruite. » Il estime de bonne heure que le résultat le plus net de la Révolution de France et de ce qui s’y est passé en 93, sera de fortifier partout le principe monarchique ; ce régime de 93 aura fait l’effet de l’Ilote ivre et aura dégoûté de l’imitation : On verra plutôt, dit-il, des républiques devenir des royaumes que des royaumes devenir républiques.
Au compliment de condoléance que lui adressait sa sœur Madame Catherine, Henri IV répondait le 15 avril : « La racine de mon amour est morte, elle ne rejettera plus ; mais celle de mon amitié sera toujours verte pour vous, ma chère sœur. » Par malheur, ce ne fut pas tout à fait la vertu ici qui triompha de la passion.
Telle qu’elle est, avec toutes ses crudités et ses contradictions sur ce fonds de vertu et d’honneur, Madame est un utile, un précieux et incomparable témoin de mœurs.
L’institution des prix de vertu qui, avant la Révolution, avaient décoré et attendri les dernières séances de l’ancienne Académie, fut rétablie en 1819 et inaugurée par un discours de M.
Cette disposition ne produit pas les emportements de la folle gaieté, mais une douceur égale qui cependant peut devenir gaieté pour quelques moments ; et de tout cet ensemble se forme, se compose un air de dignité qui n’appartient qu’à la vertu et que les dignités mêmes ne donnent pas.
Il est de grandes âmes en naissant, qui, sorties de belles et bonnes races longuement formées à la vertu, et qui, puisant dans cet héritage de famille une ingénuité généreuse, se portent tout d’abord vers le bien de leurs semblables avec tendresse, avec effusion et sacrifice.
Il n’écrit pas pour les rimeurs du jour ni pour les courtisans, dit-il, « qui n’admirent qu’un petit sonnet pétrarquisé ou quelque mignardise d’amour » qui n’a qu’un propos et qu’un ton ; mais il s’adresse aux « gentils esprits, ardents de la vertu ».
» Car, de même, continue Plutarque, que la poésie d’Antimaque et les peintures de Denys, ces deux enfants de Colophon, avec tout le nerf et la vigueur qu’elles possèdent, donnent l’idée de quelque chose de forcé et de peiné, tandis qu’aux tableaux de Nicomaque et aux vers d’Homère, sans parler des autres mérites de puissance et de grâce, il y a, en outre, je ne sais quel air d’avoir été faits aisément et coulamment : c’est ainsi qu’auprès de la carrière militaire d’Épaminondas et celle d’Agésilas, qui furent pleines de labeur et de luttes ardues, celle de Timoléon, si on la met en regard, ayant, indépendamment du beau, bien du facile, paraît à ceux qui en jugent sainement l’œuvre non pas de la fortune, mais de la vertu heureuse.
Elle en fait quelque chose d’essentiellement à part et qui ne ressemble pas à ce que le commun des gens entend sous ce nom : car se résigner, après tout, n’est pas si rare ni si difficile, et il n’y a pas tant de mystère ; tous les hommes y viennent plus ou moins quand la nécessité est là ; mais Mme Swetchine se méfie de ce qui est trop simple et trop commun : « Ce qui me gâte un peu la résignation, avait-elle dit, c’est de la voir si conforme aux lois du bon sens : j’aimerais encore un peu plus de surnaturel dans l’exercice de ma plus chère vertu. » En conséquence elle s’est appliquée à y introduire le plus de surnaturel possible, et elle y a réussi.
Mortes sont les vertus de mes vertes années !
Mme de Staël se l’était attaché à titre de précepteur de ses enfants ; mais Schlegel, qui avait ses travers, affectait devant le monde de n’être auprès d’elle que sur le pied d’un ami. « Schlegel, écrivait-elle dans un moment d’épanchement, a des défauts qui me cachent quelquefois ses vertus. » Témoin journalier de l’humeur et même des ridicules de Schlegel (car il en avait qui sautaient aux yeux), Bonstetten disait plus gaiement et en y mettant moins de façon : « Les jours où Schlegel n’est pas gentil, il est impitoyablement fouetté, et le plus joli, c’est que Mme de Staël se charge elle-même de la punition ; alors elle a trois fois plus d’esprit. » Quoi qu’il en ait pu être de ces petites querelles amusantes, Schlegel lui fut, pendant des années, du plus grand usage par ses qualités, par son savoir ingénieux et profond.
Cette lettre, ou telle autre pareille, ne nous forcez pas à le dire, nous les amis de Mme de Staël, et qui comprenons ses premiers mouvements en plus d’un sens, c’est la compensation peut-être d’avoir écrit un jour au général Moreau de revenir d’Amérique pour nous combattre, d’avoir appelé Bernadotte le véritable héros du siècle, celui qui joint la vertu au génie ; elle a pu, dans des moments de révolte et d’irritation trop motivée, s’emporter à ces vivacités extra-françaises ; elle était femme après tout, nous ne l’en blâmons pas ; mais concevez donc aussi qu’elle a pu écrire à un autre moment cette lettre toute française en simple brave femme qu’elle était ce jour-là, et en bonne patriote.
Livet, il cherche et trouve des raisons subtiles et profondes à une institution et à une durée mémorable dont il ne me convient pas assurément de vouloir amoindrir le prestige ; mais il semble croire qu’il en est de l’Académie comme de Rome, qu’elle est vouée à l’éternité ; « Qu’on essaye, dit-il, de se figurer un pouvoir, quelque autorisé à tout faire qu’on le suppose, qui ose porter atteinte à ce chiffre de quarante, devenu sacramentel en littérature ; on n’y réussira pas. » Grâce à Dieu, l’Académie n’est pas et n’a jamais été bien menacée de nos jours ; mais pour cela je ne crois pas que ce chiffre de quarante ait une telle vertu historique.
Je me souviens d’avoir lu un discours prononcé ex cathedra à Cambridge (1844), dans lequel l’orateur, s’emparant contre lui de son étendue et de son impartialité même, l’appelait égoïste, faux, méchant, traître, un homme « qui se jouait avec sang-froid de la paix et de la vertu d’autrui, et qui jouissait du haut de sa sérénité de voir les ruines qu’il avait portées dans les cœurs assez simples pour se confier au sien. » Les Pharisiens de tout temps, les hommes de secte et de parti sont bien les mêmes, qu’ils soient de Cambridge, ou de l’ancienne Sorbonne, ou d’un salon à la mode voisin de la sacristie.
Je n’examine pas le fond ; mais le temps a assemblé et amassé autour de ces établissements antiques et séculaires tant d’intérêts, tant d’existences morales et autres, tant de vertus, tant de faiblesses, tant de consciences timorées et tendres, tant de bienfaits avec des inconvénients qui se retrouvent plus ou moins partout, mais, à coup sûr, tant d’habitudes enracinées et respectables, qu’on ne saurait y toucher et les ébranler sans jouer l’avenir même des sociétés… » On voit la suite.
sa vénérable mère dans cette mise antique et simple, avec cette physionomie forte et profonde, tendrement austère, qui me rappelait celle des mères de Port-Royal, et telle qu’à défaut d’un Philippe de Champagne, un peintre des plus délicats nous l’a rendue ; cette mère du temps des Cévennes, à laquelle il resta jusqu’à la fin le fils le plus déférent et le plus soumis, celle à laquelle, adolescent, il avait adressé une admirable lettre à l’époque de sa première communion dans la Suisse française20 ; je la crois voir encore en ce salon du ministre où elle ne faisait que passer, et où elle représentait la foi, la simplicité, les vertus subsistantes de la persécution et du désert : M.
Elle avait soixante ans et bien des infirmités de l’âge ; une religion extrême lui donnait des scrupules ; des vertus et des sollicitudes de famille attendrissaient et amollissaient sa politique.
Suard et imprimée par celui-ci dans ses Mélanges, porte tout à fait le cachet de cette période dernière et sensible du xviiie siècle, dans laquelle M. de Montyon fondait des prix de vertu.
Du Fossé, voulant peindre dans le grand Arnauld cette colère de lion pour la vérité qui s’unissait en son cœur avec la douceur de l’agneau, nous dit naïvement : « L’exemple seul de Moïse, que Dieu appelle le plus doux de tous les hommes, quoiqu’il eût tué un Égyptien pour défendre un de ses frères, brisé par une juste colère les Tables de la Loi, et fait passer au fil de l’épée vingt-trois mille hommes pour punir l’idolâtrie de son peuple, fait bien voir qu’on peut allier ensemble la douceur d’une charité sincère envers le prochain avec un zèle plein d’ardeur pour les intérêts de Dieu. » En ne prenant les vingt-trois mille hommes et l’Égyptien tués qu’en manière de figure, comme il convient dans ce qui est de l’ancienne Loi, et en rapportant à l’abbé de La Mennais cette phrase de Du Fossé sur le grand Arnauld, je me rappelais bien que lui-même avait condamné ce dernier, et qu’il avait écrit de lui en le comparant à Tertullien : « Et Tertullien aussi avait des vertus ; il se perdit néanmoins parce qu’il manqua de la plus nécessaire de toutes, d’humilité.
D’autres plongeaient leur corps délabré, tombant en loques, dans une eau du pays qui jouissait, disait-on, de vertus merveilleuses.
. — Telle est la vertu de la substitution établie par les couples.
À vrai dire, on parle des règles, et ces règles sont, dans le particulier, celles que donne l’Art poétique : mais qu’est-ce que ces règles, séparées des principes qui leur donnent sens et vertu, abstraction faite du naturalisme et de la notion d’art ?
Il voit nombre de coquins, de fripons, de demi-coquins surtout et de fripons mitigés, parmi lesquels surnagent quelques honnêtes gens : il voit partout des instincts brutaux ou des vices raffinés, l’intérêt et le plaisir se disputant le monde, et ne laissant guère de place au désintéressement et à la vertu.
Et la question s’agite obscurément en lui, de savoir ce qui vaut le mieux de cette vie délicieuse, innocente, insignifiante et puérile, ou de l’autre vie, la vie d’Occident, celle qui a le vice et le mal, l’effort et la vertu.
Cet énoncé devrait comprendre l’énumération de tous les antécédents en vertu desquels un conséquent donné pourra se produire.
Des vers admirables éclatent, çà et là, des vers qui ont tout le relief des images et leur vertu suggestive.
Si tel est le but de la science, si elle a pour objet d’enseigner à l’homme sa fin et sa loi, de lui faire saisir le vrai sens de la vie, de composer, avec l’art, la poésie et la vertu, le divin idéal qui seul donne du prix à l’existence humaine, peut-elle avoir de sérieux détracteurs ?
La décence n’est pas seulement une vertu, c’est une vérité littéraire.
Cette école qu’il fit en Pologne l’y aida beaucoup et acheva sa maturité : « Au moins, si je n’ai rien profité à mon voyage, écrivait-il, me trouverez-vous revenu avec une bonne opinion de moi, et une fierté qui vous paraîtra extraordinaire pour un homme dont les affaires ne sont pas en meilleur état que les miennes. » Cette fierté est décidément un des traits du caractère de Chaulieu ; lui-même il est convenu de l’avoir poussée un peu loin : Avec quelques vertus, j’eus maint et maint défaut : Glorieux, inquiet, impatient, colère, Entreprenant, hardi, très souvent téméraire, Libre dans mes discours, peut-être un peu trop haut.
Celle-là, elle n’était pas une enfant de onze ans, elle n’avait pas seulement les grâces, elle avait l’élévation morale, le vrai mérite et les hautes vertus.
Il se consolait de ses disgrâces en se réfugiant dans le sentiment de la droiture et de la vertu : « Et c’est, comme vous savez, écrivait-il à M. de Montausier, le vrai bonheur de la vie : tout le reste n’est qu’illusion, et se passe à s’inquiéter ou de faux honneurs ou de fausses infamies. » Patru avait aisément de ces belles expressions antiques, et qui expriment la probité et l’innocence48.
Il ne se laisse point prendre au beau langage de Rousseau, ni à ses fastueux dehors qui affichent la vertu : selon lui, « cet étrange alliage de bien et de mal rend le mal plus dangereux en le déguisant ».
C’étaient les deux comtes de Stolberg, nourris de la fleur grecque et de l’esprit chrétien, philosophes et littérateurs éminents ; Jacobi, philosophe aimable, d’un sentiment délicat et pur ; d’autres encore moins connus ici, enfin une société douce mais grave : « Nous avons rencontré, écrivait-il à Mallet du Pan en avril 1798, de l’instruction et des vertus. » Dans une autre lettre à ce même ami alors réfugié à Londres, il a peint lui-même l’état calme et reposé de son âme en ces années d’attente, de conversation nourrie et de réflexion communicative : Il n’y a rien de nouveau en France, lui écrivait-il (24 juin 1798.)
Le jeu des institutions a toujours élevé la capacité et la vertu au rang suprême. » (27 février 1832.)
Le duc d’Anjou, depuis Henri III, âgé de dix-huit ans, beau, brave, et annonçant, à cet âge, une vertu et une prudence qu’il ne justifia jamais, avant de repartir pour l’armée prend sa sœur à part dans une des allées du parc du Plessis-lez-Tours, et lui témoigne désirer de l’avoir pour confidente et pour appui, durant son absence, auprès de Catherine de Médicis leur mère.
Pâris-Duverney étant mort sur ces entrefaites avait laissé à Beaumarchais un règlement de comptes, en vertu duquel il reconnaissait lui redevoir une somme de quinze mille livres.
Toute cette vertu, c’est de l’entêtement.
Ainsi, les Vies de Plutarque, par exemple, admirable poème de la vertu antique, sont d’une autorité assez médiocre comme documents historiques.
Les apôtres de la démocratie en 93 voulaient faire une république Spartiate fondée sur la pauvreté, la frugalité et la vertu, et au contraire la société sortie des ruines qu’ils ont faites est une société d’industrie, de bien-être et de luxe.
S’il est un idéaliste, il vous présente des héros de vertu, de courage et de grandeur d’âme qu’il prétend être, du moins qu’il a l’air de prétendre être, puisqu’il était capable de les concevoir.
Presque tous sont des gens austères, et quelques-uns, sceptiques déterminés, sont des modèles de vertu ; la méditation amortit les sens, et les vues générales impriment dans l’âme la préoccupation du bien public.
Présente dans toutes les actions, elle les règle toutes, multiplie et accroît les unes, diminue et subordonne les autres, produit la faiblesse et la force, les vertus et les vices, la puissance et la ruine, et explique tout, parce qu’elle fait tout.
Quand l’art sera cela, il exercera par sa seule vertu une influence lumineuse dans le sens du progrès de l’humanité. […] Au fond, la querelle que Nietzsche cherche à Wagner est moins une querelle d’esthétique qu’une querelle philosophique : « Il faut méditerraniser la musique, dit-il : j’ai des raisons pour avancer cette formule ; il nous faut le retour à la nature, à la santé, à la jeunesse, à la vertu, — et cependant, je fus un des wagnériens les plus corrompus. […] Je préférerais plutôt prouver que dénier les autres enseignements qu’on peut encore tirer des œuvres citées, par exemple que l’on peut être amené au désespoir ou à la vertu par un ballet wagnérien (encore Tannhæuser). » Tout l’opuscule est farci de traits de ce genre. […] « On peut se passer de toutes les vertus du contrepoint, on ne doit avoir rien appris quand on possède la passion. […] Il possédait une vertu, rare parmi les artistes, la reconnaissance, sans arrière-pensée : cette vertu aussi regarde en arrière. » En d’autres termes, pour Nietzsche, la musique de Mendelssohn est l’opposé de celle de Haydn ; elle a un passé ; elle ne vit que par le passé.
Ce sont comme des vertus qui se trompent d’adresse. […] Car un écrivain peut être immoral en prêchant la vertu : il est une certaine horreur du bien que nous inspirent les livres de morale en action. […] Pour le lui reprocher, il faudrait avoir commencé par prouver que la maladresse est une vertu. […] Il fait le tableau de la primitive Église et de ses vertus. […] D’une race énergique et violente, Mgr d’Hulst a dû faire effort pour réaliser en lui cet idéal d’humilité et de charité sans lequel toutes les autres vertus ne sont rien.
J’apprends une vérité neuve quand je découvre que le prince Albert est mortel, et je la découvre par la vertu du raisonnement, puisque le prince Albert étant encore en vie, je n’ai pu l’apprendre par l’observation directe. […] Il ne s’occupe pas de la force intime et de la vertu génératrice que certaines philosophies insèrent entre le producteur et le produit. « La seule notion, dit-il1488, dont l’induction ait besoin à cet égard peut être donnée par l’expérience. […] Nous pouvons maintenant comprendre la vertu et le sens de cet axiome des causes qui régit toutes choses, et que Mill a mutilé.
J’apprends une vérité neuve quand je découvre que le prince Albert est mortel, et je la découvre par la vertu du raisonnement, puisque le prince Albert étant encore en vie, je n’ai pu l’apprendre par l’observation directe. […] Il ne s’occupe pas de la force intime et de la vertu génératrice que certaines philosophies insèrent entre le producteur et le produit. […] Nous pouvons maintenant comprendre la vertu et le sens de cet axiome des causes qui régit toutes choses, et que Mill a mutilé.
Mais à l’instant la terre s’entr’ouvre, l’Ombre de son père en sort et le rappelle à la raison, à la constance, à la vertu, lui montre une sœur chérie qui lui reste, et l’invite aux beaux-arts, à la poésie noblement consolatrice. […] Cette union, dans laquelle il devait constamment trouver tant de vertu, de dévouement et de mérite, fut presque aussitôt entourée des plus affreuses images. […] Les opinions, sujettes aux caprices des peuples et des temps, les opinions, partie faible et changeante de notre nature, disparaissent avec nous dans le tombeau : mais la gloire et la vertu restent éternellement. » Il insistait sur Catinat ; il faisait ressortir l’estime plus forte encore que la gloire ; la modération, la simplicité, le désintéressement, toutes les vertus patriarcales, couronnant et appuyant le triomphe des armes en Washington.
Heureusement, il y avait en nous, les Parnassiens, un enthousiasme de vertu poétique que rien ne pouvait décourager ni amoindrir. […] Ô belle vie, toute vouée à la vertu de l’idée et du labeur ! […] Non, il s’approche d’eux, avec politesse, les amadoue, les câline, parle leur langage, imite leurs gestes ; ils peuvent penser parfois qu’il est l’un des leurs, qu’il ne vaut pas mieux qu’eux, ou qu’il est leur dupe, qu’il croit à leur fausse vertu, à leur bonhomie, à leur conscience paisible ; il leur fait risette, d’un air naïf et bonasse ; impossible vraiment de se délier de lui ; mais tout à coup, comme un chat qui ronronnait montre et enfonce les griffes, voici que, sans renoncer à la mielleuse douceur, au sourire toujours accommodant et si bénin, son ironie s’échappe, empoigne, déchire, pince et mord et fait sortir le sang ! […] Il n’avait point mérité les soirs errants, les gîtes douteux, les jeûnes, les hôpitaux, où elle l’obligea ; et voici — pas autre chose — un poète de plus assassiné par la vertu des sots et l’ingratitude austère des élites. […] Ces vivants ont vécu assez pour que Jean Richepin, imagier rutilant, rhéteur populacier à la fois et sublime, qui a écrit un chef-d’œuvre dans l’argot des dieux, devînt un des plus grands poètes lyriques de ce temps, pour que Maurice Bouchor, incliné, à l’heure actuelle, vers les populaires besoins de vertu et de beauté, prodiguât tant de nobles poèmes religieux, et pour que Raoul Ponchon ait égalé et continue d’égaler, avec une verve plus artiste ; et d’un lyrisme plus fou à la fois et plus sobre, en ses quotidiennes improvisations, le bachique et burlesque Saint-Amant.
Michaud, après avoir écrit dans sa préface qu’à Ermenonville « une douce mélancolie, un enthousiasme divin dégagent l’âme des liens qui l’attachent à la terre », célèbre les vertus de Jean-Jacques et termine ainsi : Partout sur son trépas on versera des larmes, Partout de ses écrits on sentira les charmes, Partout on bénira les vertus de Rousseau, Et l’univers sera son temple et son tombeau. […] Le souvenir en était toujours resté comme un remords dans sa conscience ; elle a tenu à honneur de l’atténuer et elle s’est acquittée de ce soin en publiant, en 1812, des réflexions sur le suicide, où elle flétrissait l’abandon de la vie, du moins celui qui n’est pas commandé par le dévouement ou par la vertu. […] N’est-il trop tard pour parler le langage de la vertu, quand on a énervé l’âme par la peinture poétique du vice ? […] Reconnaissons d’ailleurs à son roman, comme à celui de Mme de Flahaut, ce mérite que leur morale est irréprochable, qu’ils ont su concilier la mélancolie et la vertu, et que dans la lutte entre le devoir et la passion, c’est au devoir qu’ils ont donné l’avantage. […] » J’abrège ces conseils dont la moralité glisse sur une pente trop facile, mais qui ont le mérite d’être intelligibles, tandis que la vertu de Marie est faite de contradictions et de nuages.
Sans aller peut-être aussi loin que Montesquieu, qui voyait en Trajan « le prince le plus accompli dont l’histoire ait jamais parlé ; avec toutes les vertus, n’étant extrême sur aucune ; enfin l’homme le plus propre à honorer la nature humaine et représenter la divine » ; sans se prononcer si magnifiquement peut-être, et en faisant ses réserves d’homme pacifique au sujet des guerres et des ambitions conquérantes de Trajan, Gibbon plaçait volontiers à cette époque le comble idéal de la grandeur d’un empire et de la félicité du genre humain.
Or, Bernier, homme de sens, qui a beaucoup vu, et qui, en vertu même d’un sage scepticisme, est devenu plus ouvert à des doctrines supérieures, croit devoir avertir son ami et camarade, qui, en passant par le cabaret, est resté plus qu’il ne croit dans l’école ; le voyant prêt à vouloir s’enfoncer dans une philosophie abstruse et prétendre à expliquer physiquement la nature des choses et celle même de l’âme, il lui rappelle que c’est là une présomption et une vanité d’esprit fort ; mais si cette explication directe est impossible, et si connaître en cette manière son propre principe n’est pas accordé à l’homme dans cet état mortel, néanmoins, ajoute-t-il en terminant, nous devons prendre une plus haute idée de nous-mêmes et ne faire pas notre âme de si basse étoffe que ces grands philosophes, trop corporels en ce point ; nous devons croire pour certain que nous sommes infiniment plus nobles et plus parfaits qu’ils ne veulent, et soutenir hardiment que, si bien nous ne pouvons pas savoir au vrai ce que nous sommes, du moins savons-nous très bien et très assurément ce que nous ne sommes pas ; que nous ne sommes pas ainsi entièrement de la boue et de la fange, comme ils prétendent. — Adieu.
toi dont je sens le bras, ce vingtième hiver, étroitement attaché au mien, avec un plaisir tel que peut seule l’inspirer une tendresse fondée sur une longue expérience de ton mérite et de tes essentielles vertus, — je te prends à témoin d’une joie que tu as doublée depuis si longtemps !
Sa jeunesse et sa bonne reine rendent sa vertu plus agréable et recommandable : la science de la religion en lui est accompagnée d’une parfaite connaissance des belles-lettres. » 62.
Vous l’appelez Zoïle : il l’est de tous les talents et de toutes les vertus.
C’est un court récit, une vive morale en action, où figurent en général des animaux, des plantes, des êtres plus ou moins voisins de l’homme, et qui représentent ses vices ou ses vertus, ses défauts ou ses qualités.
— Ô grand philosophe (s’écrie à son tour Casaubon), je suis bien de ton avis, et je te prendrai plutôt pour conseil que ces miens amis, gens d’ailleurs de vertu et de prudence, qui m’engagent à changer de genre de vie et à embrasser si tard la profession d’enseigner le droit.
Mais voilà que de vrais amis se mettent encore entre l’homme et nous ; gens d’esprit mais de système, ils s’appliquent depuis sa mort à refaire la légende, à composer un Béranger tout d’une pièce, tout en perfection, en vertu ; en qui l’on croie aveuglément ; un saint bon pour des dévots et tout taillé pour un calendrier futur. — « Otez-nous, m’écrit à ce sujet quelqu’un qui l’a bien connu et qu’indigne cette prétention d’orthodoxie singulière en pareil cas, ôtez-nous ce Béranger cafard à sa manière, triste et bête, ennuyeux comme Grandisson ; rendez-nous ce malin, ce taquin, qui emportait la pièce et offensait tous ses amis, et se les attachait toutefois et leur restait fidèle ; cet homme capricieux, compliqué et faible aussi, plein des passions de la vie, timide par instants, ambitieux par éclairs, souvent redoutable, charmant presque toujours.
Ce Chion était un disciple de Platon que l’étude de la vertu enflamma jusqu’au fanatisme, et qui se porta à tuer le tyran de sa patrie ; c’est une espèce de Jacopo Ortis, et ce que j’ai lu de lui et qui se rapporte à Xénophon même, est d’un ton qui simule à merveille l’atticisme.
Mais Ballanche, levant la tête et prenant un ton d’autorité : commença une diatribe fulminante en motivant, comme il l’entendait, les reproches qu’il faisait à Bossuet, et s’échauffant toujours davantage, il arriva enfin à sa péroraison en disant, comme s’il avait été hors de lui : « Qu’on ne me parle plus des vertus et des talents de Bossuet ; d’un homme qui a osé dire que Dieu n’a pas révélé le dogme de l’immortalité de l’âme aux Juifs, parce qu’ils n’étaient pas dignes de recevoir cette vérité !
Malgré ce léger défaut d’action et de composition qui ne s’aperçoit qu’en y repensant et à l’analyse, l’effet de lumière est si vrai, si large, si bien rendu, si pleinement harmonieux ; la bonté, l’intelligence et les vertus domestiques peintes sur toutes ces figures sont si parfaites et si parlantes, que l’œuvre attache, réjouit l’œil, tranquillise le cœur et fait rêver l’esprit.
Tant de vertus, aussi modestes que manifestes, dans les derniers archevêques que Paris a possédés, seraient la plus grande des accusations qui s’élèveraient contre lui, et il y aurait ce bonheur dans un tel sujet, même aux endroits les plus périlleux, qu’aucune allusion maligne ne trouverait place ni prétexte.
On a surtout, au centre du beau monde, entre la Cour et la ville, l’hôtel de Rambouillet qui est comme une académie d’honneur, de vertu et de belle galanterie, et qui institue le règne des femmes dans les Lettres ; on a, grâce à Richelieu, l’Académie française qui, sans rien produire ou presque rien en tant que compagnie, prépare sans cesse à huis clos, agit sur ses propres membres et dirige l’attention des lettrés sur les questions de langue et de bonne élocution.
Il en résulte de vraies semences de vertu.
Sans la flatter, on peut lui garantir qu’elle gagnerait souvent à suivre son propre jugement ; la méfiance de soi-même, vertu si rare à son âge, est portée chez elle à l’excès ; combien de fois j’en ai gémi !
Un chacun les doit estimer, Ainsi qu’un ange tutélaire ; La vertu, c’est de les aimer, L’innocence est de leur complaire… ; soit que, voulant consoler un fils affligé de la mort d’un père, il lui dise tout crûment : Un homme de bon sens se moque des malheurs, Il plaint également sa servante et sa fille ; Job ne versa jamais une goutte de pleurs Pour toute sa famille.
Christel s’était prêtée à l’illusion et en avait tiré parti pour tracer à Hervé, avec un détail rempli tout bas de vœux et de conseils, une vie de bonheur et de vertu, où lui, qui l’écoutait, la supposait active et présente en personne, mais où elle se savait d’avance absente, excepté d’en haut et pour le bénir : « Vous vivrez beaucoup dans vos terres, lui disait-elle ; Paris et le monde ne vous rappelleront pas trop ; il y a tant à faire autour de soi pour le bien le plus durable et le plus sûr !
Mais, de plus, Boileau et Racine, et La Fontaine, et Molière étaient des artistes : ce que n’étaient ni les Chapelain, ni les Scudéry, ni les Desmarets, ni les Cotin, ni tous les prétentieux rédacteurs d’emphatiques épopées, ni tous les ingénieux rimeurs de petits vers, ni tous les pédants qui estimaient que l’usage des règles, par une vertu secrète, suffit sans la matière et sans le génie à la perfection des œuvres, ni enfin tous les inspirés qui écrivaient en courant, sans réflexion et sans retouches, au hasard de leur fantaisie.
Le parti pris politique s’y fait peu sentir, par la vertu du sujet ; l’état d’esprit orléaniste s’élargit en pitié des vaincus, en sentiment douloureux des misères individuelles ou collectives ; l’historien est tout à la joie de faire sortir des vieilles chroniques, dans toute la barbarie de leurs noms germaniques hérissés de consonnes et d’aspirations, les Franks et leurs chefs, les Chlodowig, les Chlother, les Hilderik, les Gonthramm, de montrer par de petits faits significatifs ce qu’était un roi franc, comment étaient traités les Gaulois, de substituer dans l’imagination de son lecteur, à la place des dates insipides et des faits secs qu’on apprend au collège, une réalité précise, dramatique, vivante.
Il a tout : du génie, des vertus, une femme qui l’adore, des enfants d’une beauté merveilleuse.
Si l’individu n’est pas, de lui-même, originairement et physiologiquement, un Unique, au sens qu’a ce mot chez Stirner, c’est-à-dire un être animé d’une personnelle volonté d’indépendance et résolu à ne pas se laisser aveuglement absorber par la société où les circonstances l’ont jeté, ni la loi de l’entrecroisement des groupes, ni aucune loi sociologique quelle qu’elle soit, n’aura la vertu de faire de lui un Unique.
Roustem appartient à cet âge héroïque où la force physique est encore considérée comme la première des vertus.
la grande et estimable vertu que la bonté !
, il est, dis-je, tel homme vénérable par ses vertus, qui se trouve traité, dans les Mémoires d’outre-tombe, avec indignité et mépris.
Nous en savons maintenant là-dessus, à certains égards, plus que n’en savait Saint-Simon : nous avons les lettres confidentielles que Fénelon adressa de tout temps au jeune prince, les mémoires qu’il rédigea pour lui, les plans de réforme, toutes pièces alors secrètes, aujourd’hui divulguées, et qui, en permettant de laisser à l’ambition humaine la place qu’il faut toujours faire aux défauts de chacun jusque dans ses vertus, montrent celles-ci du moins au premier rang, et mettent désormais dans tout son jour l’âme patriotique et généreuse de Fénelon.
Sa première pensée fut qu’un prince doit faire respecter sa personne, surtout sa nation ; que la modération est une vertu que les hommes d’État ne doivent pas toujours pratiquer à la rigueur, à cause de la corruption du siècle, et que, dans un changement de règne, il est plus convenable de donner des marques de fermeté que de douceur.
Montaigne alors sent que c’est en lui seul, après tout, qu’il peut se fonder dans la détresse et s’affermir, et que c’est le moment ou jamais de mettre en pratique ces hautes leçons qu’il a passé sa vie à recueillir çà et là dans les livres des philosophes ; il se ranime, il arrive à toute sa vertu : En un temps ordinaire et tranquille on se prépare à des accidents modérés et communs ; mais, en cette confusion où nous sommes depuis trente ans, tout homme françois soit en particulier, soit en général, se voit à chaque heure sur le point de l’entier renversement de sa fortune.
Voltaire le plus souvent cédait et criait de sa place, en s’apercevant du changement : « Le petit a raison ; c’est mieux comme cela. » Tel il était jeune à Ferney près de Voltaire, tel près de Chateaubriand à la fin de sa carrière, quand il disait à l’auteur du Génie du christianisme : « Enfermez-vous avec moi pendant quelques matinées, et nous ôterons tous ces défauts qui les font crier, pour n’y laisser que les beautés qui les offensent. » Je tiens à bien marquer en La Harpe cette nature essentielle de critique qui, à travers tous ses écarts, est son titre respectable ; qui fait que Voltaire a pu l’appeler à un certain moment « un jeune homme plein de vertu » (ce que les Latins auraient appelé animosus infans), et qui fait aussi que Chateaubriand l’a défini, « somme toute, un esprit droit, éclairé, impartial au milieu de ses passions, capable de sentir le talent, de l’admirer, de pleurer à de beaux vers ou à une belle action ».
La poésie, cultivée ainsi en secret et pour elle seule, dans les courts intervalles d’un travail pénible et d’une profession souvent ingrate, tourne au profit de la morale intérieure et devient une délicatesse de l’âme et une vertu.
Cependant il est certain qu’ils ont des petitesses méprisables, et qu’ils se déchirent les uns les autres plus encore que ne font les femmes… La connaissance que j’ai du monde m’attache encore davantage à vous : j’y trouve toutes les vertus et la bonté qui manque dans les autres.
Il ne lui manquait qu’une vertu pour faire un guerrier, c’était, assure-t-on, la bravoure personnelle, et encore il dissimulait si bien, il prenait tellement sur lui, qu’on fut assez longtemps avant de voir à nu le défaut.
Cette jeune femme, sur laquelle tous les portraits s’accordent, était, dès l’âge le plus tendre, une perfection mignonne de bon sens, de prudence, de grâce et de gentillesse : Mme de Stainville, à peine âgée de dix-huit ans, nous dit l’abbé Barthélemy, jouissait de cette profonde vénération qu’on n’accorde communément qu’à un long exercice de vertus : tout en elle inspirait de l’intérêt, son âge, sa figure, la délicatesse de sa santé, la vivacité qui animait ses paroles et ses actions, le désir de plaire qu’il lui était facile de satisfaire, et dont elle rapportait le succès à un époux digne objet de sa tendresse et de son culte, cette extrême sensibilité qui la rendait heureuse ou malheureuse du bonheur ou du malheur des autres, enfin cette pureté d’âme qui ne lui permettait pas de soupçonner le mal.
Mais précisément, c’est que Richelieu n’est rien moins qu’un Robert Walpole : c’est un homme qui croit à Dieu, au caractère des rois, à une certaine grandeur morale dans les choses publiques, à une vertu propre en chaque ordre de l’État, à une rectitude élevée dans le clergé, à la générosité et à la pureté du cœur dans la noblesse, à la probité et à la gravité dans les parlements ; voilà ce qu’il veut à tout prix maintenir ou restaurer, tandis que l’autre ministre n’a que beaucoup d’habileté, un art de manipulation humaine et de corruption consommée, et de la bonne humeur
N’oubliez pas parmi les obstacles à la perfection et à la durée des beaux-arts, je ne dis pas la richesse d’un peuple, mais ce luxe qui dégrade les grands talents, en les assujettissant à de petits ouvrages, et les grands sujets en les réduisant à la bambochade ; et pour vous en convaincre, voyez la vérité, la vertu, la justice, la religion ajustées par La Grenée pour le boudoir d’un financier.
Attendez-vous, quand il portera sa dernière chemise au mont-de-piété, à l’entendre s’écrier dans une attitude théâtrale : « Vertu, tu n’es qu’un nom !
Saint-Simon a les mœurs extérieures de son temps, qui créa peut-être l’hypocrisie, cet hommage que le vice rend à la vertu, mais qui, ayant l’inconvénient, a les avantages, la dignité dans le langage et dans la conduite, la convenance, la gravité.
C’était bien là, du reste, la pensée que devait avoir sur l’erreur l’écrivain qui, en 1827, tirait l’innocence de Machiavel de la culpabilité universelle de son époque, et qui, en 1833, réduisit cette impudente thèse historique en axiome, quand il dit dans son Robert Walpole, innocenté comme Machiavel et encore mieux, car il était whig : « qu’on ne peut pas blâmer un homme de ce qu’il n’est pas supérieur à son siècle par sa vertu… » Certes !
à cause même de sa faiblesse, l’homme doit s’édifier peu à peu, cran à cran, et pour ainsi dire seconde à seconde, par la vertu d’un effort sans répit.
Richepin ne le sera probablement jamais, est très nécessaire au poète des Pauvres s’il veut creuser dans leurs abjections et leurs vices, dans leurs grandeurs et leurs vertus.
Aumônier de la plus haute valeur morale qui a, par son influence personnelle due à ses vertus, rendu les plus grands services.
Je m’applique à réformer les désordres, à prévenir les dangers, à diminuer le mal, à augmenter la vertu.
Homme vraiment divin, type suprême de toutes les puissances, vertus et grâces intellectuelles, immortel patron des vrais serviteurs de l’esprit ! […] L’humilité et le repentir ne sont pas des vertus. […] Les circonstances peuvent-elles faire un péché de la vertu ? […] Il déteste Robespierre, et pour ma part je lui donne pleinement raison ; il l’appelle un tyran, un tartuffe politique, etc..., mais reconnaît les vertus de ce médiocre esprit, et pleure sur sa mort comme sur celle de ses victimes. […] Ces vertus ont été rabaissées et contestées dans leur principe.
L’esprit, sinon la vertu, y trouve son compte. […] Il ne faut pas croire que la vertu ait partout régné sous Louis XIV, qui du reste n’en avait pas donné l’exemple. […] Ainsi la réputation de vertu d’Hélène, qui importait aux Lacédémoniens, serait sauvegardée. […] Mais l’altière vertu de Valéry semble se reprocher cette faiblesse et en garder rancune à son irrésistible vainqueur. […] Taine ne ravale pas la vertu et le vice au niveau du sucre et du vitriol, et ne professe pas qu’ils sont produits par les mêmes causes.
La cour a produit de certains docteurs qui ont trouvé le moyen d’accommoder le vice et la vertu, et de joindre ensemble des extrémités si éloignées. […] On compose avec eux de ce qu’ils ont pris à mille personnes, pour une petite partie qu’ils donnent à d’autres à qui ils ne doivent rien, et on leur fait accroire que la fondation d’un couvent, ou la dorure d’une chapelle, les dispense de toutes les obligations du christianisme, et de toutes les vertus morales. […] Si donc le principe était contestable, et il l’était— en tant que l’imagination et la sensibilité sont les premières des vertus que nous devions exiger d’un poète, il était d’accord avec l’esprit général du siècle ; et, au fait, je ne vois pas qu’aucun des adversaires de Boileau l’ait sérieusement contesté, ni qu’il en ait seulement fait mine. […] le crime et la vertu ? […] Peu de gens aussi parviennent à la vertu ; et, comme il y a beaucoup de fort honnêtes gens qui ne sont point proprement vertueux, il y aura donc beaucoup d’amateurs et peu de critiques ; ce qui me semble d’ailleurs assez clairement résulter de la revue que nous venons de passer.
. — Ce mot ne désigne aucune vertu secrète et mystérieuse enfermée dans le premier caractère. — Son sens précis. — Il suffit que le premier caractère soit donné pour que le second soit aussi donné. — Rien d’étrange si les caractères généraux ont, comme les faits particuliers, des antécédents, des compagnons ou des conséquents. — La difficulté est d’isoler les caractères généraux. — Deux artifices de méthode pour tourner la difficulté. — Deux sortes de lois. […] Y a-t-il quelque vertu ou raison secrète qui, résidant dans l’un, entraîne ou provoque l’autre ? […] Nous devinions avec certitude, mais sans pouvoir préciser les choses, que, dans les deux données et dans les deux opérations, il y avait du même ; l’analyse n’a fait qu’isoler ce même et nous montrer à l’état distinct la vertu qu’il avait en nous à l’état latent.
Quand un état A ne peut être présent à la conscience sans susciter immédiatement un autre état B, l’état A possède à l’égard de l’état B la vertu significative ; il est un signe, non par ses caractères intrinsèques, mais par son association avec un autre état. […] C’est un trait commun à toutes les habitudes et à un grand nombre de successions non habituelles, que la vertu suscitante du suscitant est indépendante de la force du suscitant comme état de conscience, et qu’elle reste égale à elle-même ou s’augmente alors que le suscitant lui-même s’affaiblit300. […] Le thème a la même vertu, mais à un moindre degré ; faire un thème est sans doute une occasion d’approfondir les idées du texte, et, la traduction faite, ces idées doivent être mieux comprises qu’après la première lecture ; mais elles étaient déjà données en gros avec le texte ; l’esprit de l’élève n’a pas été obligé de les deviner, mais seulement invité à en étudier tel détail, telle nuance, pour les rendre exactement dans un autre idiome ; aussi le thème est-il principalement, dans la pratique, un exercice verbal, un moyen d’apprendre les langues au point de vue du vocabulaire et de la grammaire. — De Bonald (Dissertation sur la pensée de l’homme et sur son expression, et Recherches philosophiques, chap.
On exile le père Le Tellier, dont la plus grande punition dut être dans son cœur : on prétend qu’il étoit de bonne foi, malheureusement pour la vertu. […] Dans quelque situation qu’on l’ait vu, riche, pauvre, puissant, disgracié, fugitif, il a toujours été supérieur aux événemens, enseignant & pratiquant la vertu. […] Dans la chirurgie, au contraire, on est d’une ignorance crasse, toujours en doute sur le choix & la vertu des remèdes, sur les accidens inséparables des plus légères opérations. […] On veut que cet écrivain, non moins rempli de philosophie, que versé dans les belles-lettres, ne soit, dans son Essai sur le mérite & la vertu, dans sa Lettre sur les sourds & muets, dans son Interprétation de la nature, dans ses comédies morales, qu’un vil & ridicule plagiaire : mais n’enchérit-il jamais sur les originaux dont on le dit copiste ? […] Il rétablit le lustre de la tiare Par les mêmes moyens qui, seuls ; La loi ont fait obtenir ; C’est-à-dire, par ses vertus.
On voit dans Tacite la douleur de la vertu, dans La Bruyère son impatience. […] Des vertus simples, modestes, solides, qu’une bonne éducation peut toujours assurer chez l’héritier du trône, qu’un pouvoir limité ne saurait gâter, voilà ce qu’il faut à la France !
IX Le Ciel, qui récompense nos vertus plus que nos idées, parut exaucer visiblement ces vœux, ces prières et ces saintetés du père de Mozart, en lui accordant un miracle. […] C’est une de ces pages déchirées du livre du cœur qui doivent être recueillies pour l’immortalité dans le manuel des vertus de famille.
. — Et moi aussi, lui dit son vieux père en le conduisant chez Pierino ; « Moi aussi, me répondit mon père, j’ai été un bon dessinateur ; mais pour l’amour de moi, qui suis ton père, qui t’ai mis au monde, qui t’ai nourri, élevé dans les arts et dans tous les principes de la vertu, ne voudras-tu pas, mon cher fils, prendre quelquefois ton cor et ta flûte, pour me récompenser de toutes mes peines, et charmer les derniers instants de ma vie ? […] Mais Mme Chigi lui répondit que rarement les vertus habitaient avec les vices, et que, si je faisais pareille chose, je démentirais le visage d’honnête homme que j’avais ; ensuite, prenant sous le bras son amie : Adieu, me dit-elle avec un aimable sourire ; adieu, Benvenuto !
Il faut donc que le philosophe, s’il veut atteindre à la vertu et à la vérité, sépare son âme du corps ; il faut qu’il la délivre du lien des sens dont elle se sert, et lui apprenne, dès cette vie, à mourir, en quelque sorte, si la mort est la séparation du corps et de l’âme. […] VIII Honorons ce grand traducteur, non-seulement pour avoir compris, mais pour avoir combattu son modèle, et félicitons notre siècle d’avoir fait naître une intelligence et une vertu dignes de nous avoir rendu, dans Aristote, non pas un philosophe infaillible, mais le plus grand des philosophes de l’antiquité. — C’est Barthélemy Saint-Hilaire !
Toutes les séductions de la vertu, tous les délices de la vertu et du vice, tous les charmes de la nuit et du jour, puis toutes les pudeurs de la femme, toutes les hontes de la séduction consommée, et menée pas à pas de la félicité pure à la corruption inévitable, au crime, au supplice, au repentir, à la peine, aux chastes joies de l’expiation, sont les acteurs de ce lamentable drame.
L’amitié et la compassion que les poètes leur prêtent pour les hommes, expriment les vertus des sources thermales et les bienfaits que les sources versent aux campagnes. […] Son omnipotence fondée sur la force s’était affermie par l’oppression, il avait haï les hommes avant de les adopter ; ses mythes divinisaient les violences et les vengeances arbitraires ; les tyrannies humaines avaient pu s’autoriser de son despotisme. — Que Zeus n’abuse donc point de son droit de conquête, qu’il croisse en vertu comme la piété des hommes le fait grandir en puissance.
La cour était un monde à part, où il était nécessaire absolument, si l’on y voulait faire un grand chemin, d’être effronté, insolent, mendiant, avide et menteur ; où l’oubli, la fierté, l’arrogance, la dureté, l’ingratitude, étaient une courante monnaie ; où l’honneur, la vertu, la conscience, étaient des oripeaux passés de mode ; où l’on voyait, c’est toujours La Bruyère qui parle ainsi, « des gens enivrés et comme ensorcelés de la faveur, dégouttant l’orgueil, l’arrogance, la présomption ». […] Ces harpies, ces mégères, ces vanités, ces robes trouées, ces prix de modestie et de vertu !
Les maximes saines qu’il offre dans tous ses Apologues, lui méritent une place parmi les sages qui ont prêché la morale & la vertu, & qui ont donné la parole aux animaux pour instruire les hommes. […] Juvenal méprise l’arme légére du ridicule ; il saisit le glaive de la satyre, & courant du trône à la taverne, il en frappe indistinctement quiconque s’est éloigné des sentiers de la vertu.
Paul Féval, qui s’appelle lui-même « un candidat à l’humilité », dut être content, ce jour-là, de la bonne occasion qu’on lui offrait de s’exercer à cette vertu, mais nous espérons bien qu’il ne la poussera pas au point de sacrifier à un puritanisme sot, que l’Église catholique renverrait aux protestants, ce qui a fait l’honneur et la gloire de sa vie. […] J’avais peur qu’il n’en convînt pas… Dans le nombre des abbés qui gouvernèrent le monastère du Mont Saint-Michel pendant des siècles, il n’y eut guères que des hommes médiocres d’esprit ou de vertu.
Mais il y a loin de cet attachement à la cité, groupement encore placé sous l’invocation du dieu qui l’assistera dans les combats, au patriotisme qui est une vertu de paix autant que de guerre, qui peut se teinter de mysticité mais qui ne mêle à sa religion aucun calcul, qui couvre un grand pays et soulève une nation, qui aspire à lui ce qu’il y a de meilleur dans les âmes, enfin qui s’est composé lentement, pieusement, avec des souvenirs et des espérances, avec de la poésie et de l’amour, avec un peu de toutes les beautés morales qui sont sous le ciel, comme le miel avec les fleurs. […] Si elle doit son origine à la guerre, elle croira et fera croire à des vertus militaires qui seraient chez elle congénitales, qui se transmettraient héréditairement.
Alors se marqua l’époque, toujours mémorable pour moi, d’un moment de bonheur que je regretterai toute ma vie : j’étais ivre de l’amour du bien, l’image de la vertu s’était comme réalisée en moi ; je voyais d’un autre côté que la considération dont j’ose dire que je jouissais, était, au moins, en partie, le fruit de mon travail sur moi-même…48.
Le mot de prud’homie comprenait toutes les vertus, la sagesse, la prudence et le courage, l’habileté au sein de la foi, l’honnêteté civile et le comme il faut, tel que l’entendait cette race des vieux chrétiens dont Joinville est pour nous le rejeton le plus fleuri, et l’on définirait bien cet ami de saint Louis, qui resta un vieillard si jeune de cœur et si frais de souvenirs, en disant qu’il fut le plus gracieux et le plus souriant des prud’hommes d’alors.
Royaliste par affection et par conviction, voulant le bien, l’ordre et la paix, on ne sera pas tenté, après la lecture de son journal, de lui attribuer plus de vertus publiques qu’il n’en eut.
… non pas les amis du Régent, à qui cela était bien égal et qui en pensaient tout autant, mais les partisans de la vieille Cour, les hommes des regrets, les Villeroy, les Fleury, les Polignac, qui en font leur affaire, et qui piquent d’honneur l’Académie où ils se sentent maîtres (ils ne l’étaient plus que là), l’Académie de tout temps vouée à diviniser le grand roi et qui mettait chaque année au concours une de ses vertus.
il y a beaucoup de faiblesse dans mon fait, et, qui pis est, de la faiblesse organisée, de la faiblesse en système, de la faiblesse qui a pris la forme d’une multitude de qualités apparentes ; si je perds ce défaut, me restera-t-il une vertu ?
Un jour, à une fin de chronique littéraire2, parlant de la Dame aux Camélias et lui opposant la vertu des bourgeoises et des chastes Lucrèce, il a dit : domum mansit, lanam fecit ; d’où je conclus qu’au collège il était plus fort en discours français qu’en thème3.
Comme on lui faisait sentir l’inconséquence : « Je veux, dit-elle, rendre à la vertu par mes paroles ce que je lui ôte par mes actions. » Un autre jour, elle reprochait vivement à son amie la maréchale de Mirepoix de voir Mme de Pompadour, et se laissant emporter à la vivacité de l’altercation, elle alla jusqu’à dire : « Ce n’est, au bout du compte, que la première fille du royaume. » — « Ne me forcez pas de compter jusqu’à trois », répliqua la maréchale.
Cicéron, dans une de ses plus admirables pages, se souvenant de ce sage pratique et de cet heureux épicurien, de ce voluptueux exquis et raffiné, Thorius, n’hésite pas à déclarer, ou plutôt c’est la vertu elle-même, nous dit-il, qui proclame par sa bouche que Régulus mourant dans les tourments de la faim et de l’insomnie a été plus heureux que Thorius buvant dans la rose.
Ce n’est qu’un amoureux faible qui a pris sa crainte pour de la vertu, sa timidité naturelle pour un stoïque effort.
Ce Collé, si grivois et si licencieux en ses écrits, était, il faut le savoir, le meilleur, le plus tendre des maris et le plus fidèle ; et en général, bon frère, bon parent, ce classique de la gaudriole se permettait d’avoir toutes les vertus domestiques.
La vertu était son côté faible, et il dut penser à le fortifier.
annonçait à Mme Valmore qu’il venait d’autoriser le directeur à résilier son engagement pour l’année 1819-1820 ; on y sent la considération qu’elle inspirait partout autour d’elle : « Mille grâces, Madame, de votre charmant cadeau ; ce que je connaissais de vos ouvrages m’en rend la collection infiniment précieuse ; leur cachet particulier est la peinture de douces et modestes vertus, d’une exquise sensibilité et des sentiments les plus nobles, les plus purs, en un mot de ces sentiments que votre jeu reproduit avec tant de vérité et de naturel sur la scène.
Depuis les cinq ou six dernières années, cette disposition est manifeste dans le monde, et n’a fait que se confirmer à chaque occasion, en maint exemple grand ou petit ; mais, si elle a ses motifs que je viens de dire, ses avantages relatifs, son bon sens rapide et ses délicatesses, la disposition d’esprit que nous reconnaissons ici et que nous saluons à son heure manque pourtant trop essentiellement de doctrine, d’inspiration à soi, d’originalité et de fécondité, pour devenir le ton d’un siècle, à moins que ce siècle ne soit prédestiné avant le temps aux douces vertus négatives et au régime du déclin.
Pour ne pas nous perdre ici en des apologies de détail dont le lecteur n’a que faire, nous poserons tout d’abord un principe, et ce principe est celui-ci : Il faut avoir l’esprit de son âge, dit-on : cela est vrai en avançant ; mais surtout et d’abord il faut en avoir la vertu : des mœurs et de la pudeur dans l’enfance, de la chevalerie, de la chaleur de conviction et de la générosité de pensée dans la jeunesse.
Si les mots suivants ont la même vertu, le style est comme un flambeau qui, promené successivement devant toutes les parties d’une grande toile, fait passer devant nos yeux une suite de figures lumineuses, chacune accompagnée par le groupe vague des formes qui l’entourent et sur lesquelles la clarté principale a égaré quelques rayons.
Mais cette anxiété, c’est déjà le commencement de la rédemption morale, c’est le signe que toute vertu n’est pas morte en nous.
Il faut une vertu scientifique bien profonde pour s’arrêter sur cette pente fatale et s’interdire la précipitation, quand la nature humaine tout entière réclame la solution définitive.
Ces regards en arrière ont la vertu magique de remettre en lumière des formes, des idées, des œuvres oubliées, et quelque écrivain de jadis, sorti tout à coup de la nuit du passé, se trouve avoir sa place et son influence parmi les fils d’un autre siècle.
Ce n’est pas tout, l’élément vital est aussi un Esprit sublime : avec les bienfaits physiques qu’il prodigue à l’humanité, il lui révèle les vertus morales.
L’adultère vénale aura beau se masquer de vertu, se voiler de décence, s’envelopper de précautions et de feintes, elle sera trahie par son luxe postiche, qui ne tient ni à sa position ni à sa fortune.
Il peut être utile à sa patrie ; il fera les délices de ses amis ; il vous comblera de satisfaction et de gloire : vous n’avez qu’à guider ses talents et laisser agir ses vertus.
L’idéal, selon lui, serait d’unir les mérites des deux nations ; mais il semble, dans ce mélange, pencher encore du côté de la France : « J’ai dit plusieurs fois, et je le pense réellement, qu’un Français, qui joint à un fonds de vertu, d’érudition et de bon sens, les manières et la politesse de son pays, a atteint la perfection de la nature humaine. » Il unit assez bien lui-même les avantages des deux nations, avec un trait pourtant qui est bien de sa race.
On sent que l’auteur ne parle point de tout cela « tanquam potestatem habens », comme dit l’Écriture, « en tant qu’ayant pouvoir et vertu. » Son meilleur emploi est ailleurs.
Naturellement porté à négliger les défauts et à prendre feu pour les qualités, je suis plus affecté, disait-il, des charmes de la vertu que de la difformité du vice : je me détourne doucement des méchants, et je vole au-devant des bons.
Mais il faut voir comme le chevalier, c’est-à-dire Fontenelle, badine sur ce mariage clandestin qui va forcer cette sage cousine à faire la mystérieuse, à garder hypocritement sa première apparence : « Vous serez encore de l’aimable troupe des filles qui paraîtront vos pareilles, et le seront peut-être. » Elle recevra son mari en secret, comme un amant, et elle devra le traiter avec réserve et cérémonie devant le monde : « Voilà des ragoûts de vertu que je vous propose », lui écrit-il.
Une petite maison charmante, demi-quart d’arpent de jardin tout au plus, mais si bien ménagé, si artistement arrangé, qu’on jurerait qu’il en a le double… Sentez-vous comme elle profite de l’occasion pour étaler ses vertus, sa sensibilité, et aussi son petit bien !
C’est assez de gloire, c’est trop de plaisirs ; il est temps de nous donner des vertus.
Fidèle, en outre, au plan que nous nous sommes proposé dès l’origine, nous ne perdrons jamais de vue le précepte de Tacite : Praecipuum munus Annalium… « Mon dessein, disait Tacite en parlant des délibérations du Sénat sous Tibère, n’est pas de rapporter tous les avis des sénateurs ; je me borne à ceux qui offrent un caractère remarquable d’honneur ou d’opprobre, persuadé que le principal objet de l’histoire est de préserver les vertus de l’oubli, et de contenir par la crainte de l’infamie et de la postérité les discours et les actions vicieuses. » Ce fut le programme de Mallet, programme d’historien encore plus que de journaliste, a-t-on dit avec justesse.
Mais il est plus utile d’insister sur les ressorts élevés qu’il trouvait dans cette foi et dans cette conscience royale, ce qui lui faisait dire au milieu des hasards de la politique : « Mais au moins, quel qu’en soit l’événement, j’aurai toujours en moi toute la satisfaction que doit avoir une âme généreuse quand elle a contenté sa propre vertu. » Parlant de ces six volumes de Mémoires au moment où ils parurent, M. de Chateaubriand les a très bien jugés en disant : Les Mémoires de Louis XIV augmenteront sa renommée : ils ne dévoilent aucune bassesse, ils ne révèlent aucun de ces honteux secrets que le cœur humain cache trop souvent dans ses abîmes.
Il manquait sans doute à Gourville un sentiment de moralité élevée et de vertu native.
Tout au fond de l’église, une espèce d’armoire, etc. » Quand Courier a parlé ainsi de la confession, il voulait faire un tableau ; il se souvenait des prêtres d’Italie, et il connaissait peu ceux de France ; il avait toujours présents Daphnis et Chloé, et (religion même à part) il oubliait moralement les vertus et le voile spirituel que la foi fait descendre à certaines heures, et qui s’interposent jusque dans les choses naturelles.
Combattant, ainsi que nous avons vu faire aux Portalis et aux Rivarol, avec moins de vigueur qu’eux, mais dans le même sens, les philosophes et les sophistes qui avaient décomposé le cœur humain comme le corps social et voulu disséquer toutes choses, il disait : « La société doit avoir son côté mystérieux comme la religion, et j’ai toujours pensé qu’il fallait quelquefois croire aux lois de la patrie comme on croit aux préceptes de Dieu. » Il remarquait que « dans le cours ordinaire de la vie, et même sur la scène politique, il est des choses qu’on fait mieux lorsqu’on ne songe point à la cause qui nous fait agir : l’homme est souvent porté à la vertu et à l’héroïsme par un mouvement irréfléchi
Elle consultait à ce sujet, Rousseau, Grimm, tous ses amis ; mais l’exemple de cette vertu et de cette honnêteté qu’on leur prêchait, le leur donnait-on ?
Quand il le sait malade et qu’il le voit comme prêt à s’évanouir dans sa pure essence, il s’écrie : La seule pensée de votre mort me sert d’argument pour prouver l’immortalité de l’âme ; car serait-il possible que cet être qui vous meut et qui agit avec autant de clarté, de netteté et d’intelligence en vous, que cet être, dis-je, si différent de la matière et du corps, cette belle âme douée de tant de vertus solides et d’agréments, cette noble partie de vous-même qui fait les délices de notre société, ne fût pas immortelle ?
Plus je me suis approché de la source en interrogeant ceux qui l’ont connu et aimé, mieux j’ai pu m’assurer des qualités morales et des vertus de famille dont il a laissé en eux le vivant souvenir.
Ce principe prétendu a priori est une simple conséquence du principe de causalité, en vertu duquel on ne peut concevoir l’anéantissement ni de l’existence, ni de l’action, ni du mouvement.
Guyau revendique pour les choses bonnes, utiles, agréables, la vertu de susciter des émotions artistiques.
Aujourd’hui encore nous voyons l’exemple des plus austères vertus donné par quelques-uns des hommes dont les doctrines sont le plus justement contredites.
J’ai donné le nom de sélection naturelle au principe en vertu duquel se conserve ainsi chaque variation légère, à condition qu’elle soit utile, afin de faire ressortir son analogie avec la méthode de sélection de l’homme.
» disait Othello en parlant de ce qu’il croyait un crime ; nous ne le dirons pas non plus devant vous, chastes étoiles, de ce que nous croyons une vertu.
Or, c’est un imprudent anachronisme que de montrer, aux jours de la force, les vertus des jours de déclin.
Dans ces Aveux d’un poète si familiers et si nobles, si élevés et si intimes, Heine, qui nous a dit tout, parce qu’il a le don du langage avec lequel on peut tout dire, nous parle de son mariage catholique à Saint-Sulpice et des vertus chrétiennes de la femme qu’il a épousée.
Seulement, au milieu de tout cela, au milieu de ces pages isolées, de ces percées, de ces pointes, de ces bâtons rompus, il y a, dans Ernest Hello, inexprimée mais intelligible, une unité profonde, — l’unité de foi et de doctrine, qui lui donne cette vertu d’ensemble, de conséquence et de cohésion, sans laquelle un homme n’est jamais rien de plus que la marionnette de son talent ou de son génie !
Je continue à croire que la principale vertu est l’effort de la raison pour voir les choses à leur place dans l’ensemble, pour les « remettre au point » en toute vérité et simplicité, et à mon détriment s’il le faut, quelque douloureux que ce soit, mais je ne crois pas que le monde soit pénétré de raison.
Le fait de la réunion cordiale d’hommes supérieurs de tous pays autour d’une question ou d’une idée, contient en lui-même une vertu inappréciable, dont l’influence ne peut pas ne pas se faire sentir.
ce sont des vertus ! […] Dans tous les cas, je me suis borné à ne pas convenir que Balzac fût un être déclassé, je lui ai reconnu des vertus bourgeoises ; je n’en ai fait qu’un homme, je n’en ai pas fait un dieu ; je n’en ai même pas fait le plus grand des hommes, ce qui m’aurait été permis aujourd’hui qu’on l’en a fait le plus infime. […] « Mais peu à peu sous l’influence et en vertu de ces sensations, l’esprit avance, la vie se forme, se développe, marchant à l’avenir guidée par les souvenirs du passé, d’autant mieux qu’ils sont plus nets, plus clairs ; l’esprit s’éclaircit, analyse, embrasse, détermine et classe : animaux, plantes, eau, terre, feu, air, hommes, familles, campagne, villes, besoins, métiers, travail, société, intérêts, passions, plaisirs, combats, vice, vertu, lois, gouvernement ! […] Femme non mariée parlant de sa vertu. — Ce portrait représente admirablement cette reine qui battait ses ministres. » (J’insiste sur cet effet produit par un portrait ; cette peinture devait avoir beaucoup de réalité, puisqu’elle se définit si nettement, avec tant de précision, sans qu’il soit nécessaire de faire un poème épique sur l’idéal de ce visage d’une reine qui a mené tant de choses, qui, etc.) […] Qu’on dépeigne un homme complètement, avec son caractère, sous toutes ses faces ; qu’on montre ses faiblesses, ses vertus, son comique (tout le monde en a) ; que ce soit enfin un homme vrai et pas inventé, on intéressera le lecteur avec l’action la plus simple.
Apprenez que la vertu est contre nature. […] Est-il possible que le métier des armes ne développe en l’homme aucune vertu, aucune énergie bienfaisante ? […] doués de vertus et de grâces sans nombre. […] Il faut avoir la vue bien courte ou se boucher volontairement les yeux pour ne pas voir que la démocratie, en vertu même de son principe fondamental — qui est : Point d’aristocratie autre que l’aristocratie personnelle — a mille raisons pour une de développer le savoir et le talent. […] Rollin, comme Montesquieu son contemporain, se prosterne devant les Romains et les Grecs ; comme Montesquieu, il les propose à ses lecteurs, non plus pour maîtres de style, mais pour modèles de vertu civique et d’austérité républicaine.
Ces deux existences fraternelles qui, parties des mêmes confins de l’honnêteté et de la vertu, se déroulent parallèlement dans un milieu social différent, pour aboutir, à travers toutes les fatalités du vice, l’une aux zones sereines de la vie calme et honorée ; la seconde aux hypogées du bagne et à l’échafaud, — ces deux existences, dis-je, se prêtaient aux plus saisissants contrastes et contenaient de singuliers éléments d’émotion et d’intérêt. […] Desnoyers de faire succomber à la tentation, quatre-vingts soirées durant, et devant quinze cents spectateurs, cette vertueuse fille d’Ève dont tout Paris plaignait les malheurs et admirait la vertu. […] Comme les œuvres de Rousseau en France, Werther en Allemagne eut l’importance d’une découverte et d’une révélation. — À la prostration des vertus civiques, à la dégénérescence des cœurs, Goethe opposait le sentiment de la nature, l’exaltation de la liberté individuelle, la glorification du devoir. — C’était comme une porte grandiose s’ouvrant tout à coup sur les chastes pays de l’idéal. […] — Il releva momentanément les âmes, mais ce fut pour les jeter peu à peu dans cette sorte de surexcitation fiévreuse et de tristesse factice qui est devenue la maladie chronique de la première moitié de ce siècle, et où se sont émoussées tant de qualités de force, d’énergie d’action, de vertus d’esprit.
A-t-il vécu près de vous, celui qui nie la vertu ? […] Le vrai patriote doit saisir avec empressement tous les moyens d’éclairer ses concitoyens, et de présenter sans cesse à leurs yeux les traits sublimes d’héroïsme et de vertu. […] Trop longtemps les tyrans, qui redoutent jusqu’aux images des vertus, avaient, enchaînant jusqu’à la pensée, encouragé la licence des mœurs, étouffé le génie. […] Il proscrit avec soin toutes les vertus, et pour assurer son empire, il se fait précéder de la terreur, s’enveloppe du fanatisme et se coiffe de l’ignorance. […] Ils concourent à l’éducation et au bonheur publics ; ils parent la vertu des charmes qui la rendent chère aux mortels et inspirent l’horreur du crime.
Et tous deux auront d’autres jeunes filles Au regard sans flamme, aux coudes pointus, Pour qu’on voie encore au sein des familles Fleurir le rosier des maigres vertus. […] Il protège Juliette, il lui procure des travaux, des leçons, il lui achète ses petits tableaux, prétendûment pour le compte d’un riche Américain ; il constate, presque avec trop de plaisir, qu’elle est très sage et il l’encourage à la vertu, etc. […] C’est là notre vertu, vertuchou, la plus claire. […] Je la ramène à Dieu et à la vertu et au devoir… — Tu as tort, répond le docteur. […] Aucun de nous ne peut être sûr qu’il aura toujours la vertu de ne pas répondre aux attaques et de ne point daigner se défendre.
Il célèbre l’arbre de la liberté mis à la place de la Bastille. « Sur cet arbre-là croît un singulier fruit ; — tout le monde pourra dire ses vertus, mon garçon. — Il relève l’homme au-dessus de la brute, — et fait qu’il se connaît lui-même, mon garçon. — Que le paysan en goûte un morceau, — le voilà plus grand qu’un seigneur, mon garçon […] Ils lui demandent la glorification de la vertu et la flagellation du vice. […] On apprend par Wordsworth et par Byron, par le protestantisme approfondi1236 et par le scepticisme institué, que, dans cet établissement sacré que le cant protége, il y a matière à réforme ou à révolte ; qu’on peut trouver des valeurs morales autres que celles que la loi timbre et que l’opinion reçoit ; qu’en dehors des confessions officielles, il y a des vérités ; qu’en dehors des conditions respectées, il y a des grandeurs ; qu’en dehors des situations régulières, il y a des vertus ; que la grandeur est dans le cœur et dans le génie, et que tout le reste, actions et croyances, est subalterne.
Aujourd’hui que toutes les classes sont mêlées et confondues, que tous les angles sont polis et usés, le bon goût, le simple usage empêche qu’on ne ressente ou qu’on ne témoigne les colères ou les préjugés de son état : en a-t-on autant qu’autrefois toutes les convictions et les vertus ?
Vous, mon cher ami, vous êtes onctueux et indulgent. » Cette onction de M. de Meilhan de loin nous échappe, mais les auteurs contemporains ont ainsi, pour les personnes qui les connaissent et qui les aiment, toutes sortes de vertus et de supériorités singulières qui s’évanouissent à distance.
Victor de Tracy, fils de l’illustre philosophe, et lui-même si distingué par un ensemble de qualités et de vertus qu’il a portées dans la carrière publique et qu’il aime à pratiquer dans la vie privée.
Ils disent que c’est la vertu, — que c’est la prudence, — et ils embrouillent toutes choses plutôt que de dire au juste ce que c’est que le bien.
Ce n’est plus ni la République ni l’Empire, c’est l’armée d’Afrique, c’est-à-dire la réunion un jour de bataille de toute les vertus militaires, et le lendemain… sauf quelques exceptions chez de certains hommes trop bien trempés pour ne pas résister à la contagion !
… » Et comme Horace lui exprimait son désir de faire une visite en France : « L’empereur m’a dit alors, les larmes dans les yeux : « Allez, vous ferez ce qu’un galant homme doit faire ; si vous voyez le roi des Français, dites-lui bien que je partage tout son malheur ; que personne plus que moi ne peut le comprendre davantage, car je lui dois de connaître le bonheur dont vous me voyez jouir chaque jour : dites-lui tout ce qui pourra le convaincre de l’estime que j’ai pour ses grandes vertus et pour la fermeté de son caractère. » — « L’empereur me tenait la main ; nous sommes restés quelques minutes sans prononcer une parole, en proie à la plus vive émotion, et lorsque j’ai pu parler, je lui ai demandé s’il m’autorisait à répéter textuellement cette conversation.
Épicurisme du goût, à jamais perdu, je le crains, interdit désormais du moins à tout critique, religion dernière de ceux même qui n’avaient plus que celle-là, dernier honneur et dernière vertu des Hamilton et des Pétrone, comme je te comprends, comme je te regrette, même en te combattant, même en t’abjurant16 !
Notre Inès et toi, vous aurez cette vertu qui répare toutes les fautes et qui est la balance des forces de l’autre sexe.
Aussi les marques qu’il en contracta sont légères et se discernent à peine : ses premières ballades se ressentent un peu de l’atmosphère où elles naquirent ; il y a trop sacrifié au joli : il s’y est trop détourné à la périphrase : plus tard, en dépouillant brusquement cette manière, il lui est arrivé, par une contradiction bien concevable, d’attacher une vertu excessive au mot propre, et de pousser quelquefois les représailles jusqu’à prodiguer le mot cru.
Mais, comme à Hercule, la vertu d’une part et le plaisir de l’autre ne vinrent pas en personne s’offrir à lui pour l’éprouver ; entre la grande et haute comédie et un genre sans brodequins et moins littéraire, il n’eut pas à choisir : ce dernier seul se présenta.
On l’a dit, dans sa délicatesse première, elle est presque une qualité de l’âme et une vertu.
Je vais me hâter de définir cette espèce d’indifférence qui n’exclut pas du tout la curiosité et la conscience, ces deux vertus du critique, et qui même leur laisse un plus libre jeu.
L’un d’eux, Hébroïn, essaye encore de maintenir en honneur l’idée de vieille race et de défendre le pouvoir sacré de ses rois ; mais, après une lutte vigoureuse et des fortunes très-diverses, il succombe ; un de ces leudes dont il combattait, l’avénement lui fend la tête d’un coup de hache. « On peut peser à loisir, écrit l’historien de la Royauté, les crimes, le génie, les vertus et les vices de cet homme extraordinaire : bornons-nous à dire que la hache de son assassin brisa toute la race des Mérovéades.
La Restauration, au moins au début, semblait remplir un des vœux de M. de Barante ; ses liaisons sociales, on l’a vu, ses goûts modérés, ses lumières, et, pour les nommer par leur nom, ses vertus civiles, le disposaient à l’ordre constitutionnel sagement entendu, c’est-à-dire à ce qu’on augurait du régime nouveau.
Ses tyrans et ses marâtres sont tout d’une pièce comme ses héros, méchants d’un bout à l’autre ; et encore, à l’aspect d’une belle action, il leur arrive quelquefois de faire volte-face, de se retourner subitement à la vertu : tels Grimoald et Arsinoé.
Je n’ai de force que pour m’élever, et pour vertu qu’une certaine incorruptibilité. » Il disait encore, en se rendant compte de lui-même et de son incapacité à produire : « Je ne puis faire bien qu’avec lenteur et avec une extrême fatigue.
À part quelques contes assez décents, comme le Vilain Mire, qui est purement comique, ou la Housse partie, qui donne à la faiblesse des parents une sage instruction, la même qu’on dégagerait du Roi Lear ou du Père Goriot, à part encore certain exemple de vertu féminine qui nous est offert dans la Bourse pleine de sens, la moralité ou, si ce mot paraît impropre ici, la conception de la vie qu’impliquent les fabliaux est ce qu’on peut imaginer de plus grossier de plus brutal, et de plus triste.
Elle restreint la virtû par la vertu.
Défenseur du devoir, de la vieille morale chrétienne, avocat de la femme à qui la société, l’homme rendent la vertu difficile et lourde, amateur de combinaisons romanesques, arrangeur d’accidents tragiques, Feuillet est précieux par son expérience du monde : certaines parties aristocratiques de notre société n’ont été vues et bien rendues que par lui.
Il n’était point possible de séparer leur histoire de celle de notre pays, car ils y ont tous été mêlés en vertu même de leur naissance ; mais ils y ont été mêlés à des degrés et avec des mérites fort inégaux.
Puis elle devient thème à discussion passionnée ; la vertu des sacrifices humains est mise en doute ; on se demande si la suppression du criminel est utile et légitime, si au contraire elle ne doit pas être condamnée au nom de l’Évangile, de la pitié, de la justice largement comprise, si la rosée sanglante tombée des échafauds n’est pas une semence de haine et de cruauté.
Elle a eu la même vertu éducatrice que la musique en Allemagne.
L’opposition acharnée qu’elle a faite au développement de l’instruction populaire prouverait, à elle seule, la défiance et peut être la rancune qu’elle nourrit contre la vertu émancipatrice contenue dans les œuvres littéraires, du moment qu’elles se dérobent à sa tutelle et se proclament libres de toucher à ces grands sujets qui étaient jadis, au dire de La Bruyère, interdits à un homme né chrétien et français.
Ce petit Beaubourg est tellement convaincu de la vertu de sa dame, qu’il donne à son esclandre un air d’innocence.
En parlant si librement de Bettina, j’ai presque besoin de m’en excuser, car Bettina Brentano, devenue Mme d’Arnim, veuve aujourd’hui d’Achim d’Arnim, l’un des poètes distingués de l’Allemagne, vit à Berlin, entourée des hommes les plus remarquables, jouissant d’une considération qui n’est pas due seulement aux facultés élevées de l’esprit, mais qui tient aussi aux vertus excellentes de l’âme et du caractère.
Les plus beaux souvenirs de la race humaine se rattachent à ces époques glorieuses où les peuples qui ont civilisé le monde, et qui n’ont point consenti de passer sur cette terre en s’ignorant eux-mêmes, et comme des instruments inertes entre les mains de la Providence, ont brisé leurs fers, attesté leur grandeur morale, et laissé à la postérité de magnifiques exemples de liberté et de vertu.
C’est à nous qui existons, qui sommes maintenant en possession de cette terre, à y faire la loi à notre tour. » Mais, comme on n’est jamais en pleine possession de cette terre, et qu’il n’y a jamais table rase complète, il faut chasser ceux qui tardent trop à nous céder la place et qui nous gênent : c’est l’œuvre qu’entreprend Camille dans son journal et à laquelle il ne cesse de se dévouer cyniquement, en décriant tout ce qui a vertu, lumières et modération dans l’Assemblée constituante, et en démolissant jour par jour cette Assemblée dans l’ensemble de ses travaux comme dans chacun de ses membres influents.
Tout est considérable dans ces grandes âmes, les vices comme les vertus.
Il courut chez M. de Seignelay, ministre de la marine, pour solliciter l’ambassade apostolique ; la place était déjà donnée à un officier de marine, homme de religion et de vertu, le chevalier de Chaumont ; Choisy ne put obtenir que la coadjutorerie de l’ambassade, terme bizarre et qui semblait fait pour lui.
Cet esprit puissant, si élevé de pensée et, par moments, si altier de doctrine, ce patricien entier et opiniâtre, pauvre alors et réduit en secret aux gênes les plus dures, bien qu’ambassadeur et dans une sorte de pompe officielle, me touche doublement avec son sentiment profond de famille et ses vertus patriarcales.
Il léguait ainsi à ceux qui venaient après le soin d’exercer toutes les vertus dont il s’était si bien passé.
Là-dessus, Bonneval, qui en voulait au marquis de Prié, comme à un homme de peu et créature du prince Eugène, s’enflamme (22 août 1724) et prend fait et cause pour la vertu de cette petite reine Élisabeth de Valois, à laquelle, disait-il, il avait l’honneur d’appartenir et d’être apparenté : « Le comte de Bonneval a l’honneur d’être allié au sang royal de France par les maisons de Foix et d’Albret. » — « Comme j’ai l’honneur, disait-il encore, d’appartenir à la maison de Bourbon par des filles de souverains qui sont entrées dans la mienne, je ne pouvais, sans être déshonoré, souffrir un pareil attentat contre une princesse de France. » Pour satisfaire à ce singulier devoir, il écrit un billet contenant un démenti outrageant pour les de Prié, et des copies s’en répandent dans tout Bruxelles.