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1080. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Saint-Évremond au fond est un épicurien, et il est cela avant tout ; les circonstances tournant autrement, il aurait pu paraître un tout autre personnage sans doute, mais il avait en lui essentiellement l’étoffe d’un philosophe d’indifférence et de plaisir, d’un observateur souriant et ferme qui compare, qui apprécie la valeur des choses et s’en détache autant qu’il lui sied.

1081. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Il les a distingués, électrisés, appliqués et mis en valeur chacun dans son emploi ; en se les associant il les a adoptés, l’un comme frère et l’autre comme fils, dans sa famille spirituelle ; jamais la question d’amour-propre ne s’est élevée entre eux et lui : que lui demandons-nous de plus ?

1082. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Si le terme de pédant choquait, je l’explique aussitôt et je le réduis dans ce cas à sa stricte valeur : je veux dire que Rigault est non seulement armé d’esprit, mais pointu d’esprit ; il s’ajuste, il se concerte, il prend ses avantages, et il vous fait ensuite la leçon impitoyablement, agréablement.

1083. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Succédant à la génération puissante et féconde des Lagrange, des Laplace, des Monge, venant aussitôt après en tête des générations qui comptèrent avec honneur dans leurs rangs les Poisson, les Malus, les Gay-Lussac, les Ampère, les Poinsot, les Cauchy, les Fresnel, les Arago, il embrassa par l’étendue et la curiosité de son esprit la totalité des connaissances et des découvertes de ses devanciers et de ses contemporains ; il prit une part active, incessante, à tous les travaux de la science de son temps par ses recherches, par ses perfectionnements, par ses applications et ses allées et venues fréquentes d’une branche à l’autre, par ses remarques diverses, multipliées, et ses additions successives, par ses exposés et ses traités généraux que distinguent la netteté et même l’élégance ; mais il inventa peu, moins qu’aucun de tous ceux que je viens de nommer, et dont quelques-uns n’étaient peut-être pas appréciés par lui à leur juste valeur.

1084. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Je n’ai pas assez étudié les nombreuses notices consacrées, depuis le XVIIe siècle et durant tout le XVIIIe, aux membres de l’ancienne Académie de Peinture et de Sculpture31, pour prétendre en mesurer le mérite et en indiquer la valeur précise ; mais ce qui me paraît vrai et certain, c’est que dans ce genre de notices dont les artistes, peintres, sculpteurs, graveurs, etc., font les frais, il n’y avait en France aucune de ces suites mémorables comme celle que Fontenelle avait donnée sur la vie et les mœurs des Savants, et qui établissent un genre littéraire nouveau.

1085. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Mais le christianisme en soi, dans son essence, dans sa valeur morale intrinsèque, ne dépend pas de formes plus ou moins historiques ou politiques, qui se sont souvent modifiées et qui peuvent se modifier encore ; et sans sortir des Évangiles mêmes, en les relisant, en reportant surtout sa pensée, comme je l’ai fait aujourd’hui, sur les discours de Jésus, sur cet incomparable Sermon de la montagne, le premier et le plus beau de tous, on est amené à dire avec un des amis de Pascal : « Quand il n’y aurait point de prophéties pour Jésus-Christ, et qu’il serait sans miracles, il y a quelque chose de si divin dans sa doctrine et dans sa vie, qu’il en faut au moins être charmé ; et que comme il n’y a ni véritable vertu, ni droiture de cœur sans l’amour de Jésus-Christ, il n’y a non plus ni hauteur d’intelligence, ni délicatesse de sentiment sans l’admiration de Jésus-Christ. » Cette conclusion, dont se contentaient d’honnêtes gens au xviie  siècle, paraîtra peut-être encore suffisante aujourd’hui.

1086. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Il avait montré comment une bonne armée se crée et s’organise, il nous montre aujourd’hui comment elle se fond et se défait ; on sait mieux, après l’avoir lu, ce qu’il faut entendre par ces mots de corruption et de décadence ; on s’en fait une trop juste idée, en même temps qu’on sait aussi faire la part des exceptions, de la valeur, du désintéressement et de l’intégrité, qui se personnifient en quelques nobles figures, même aux plus tristes moments de cette monarchique histoire.

1087. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Pendant ces travaux où il faisait preuve d’habileté pratique et de connaissance des détails, il avait l’œil aux grands événements qui se déroulaient et qu’il considérait de haut et d’ensemble comme d’un belvédère, ou mieux encore comme du centre d’une fournaise ; car la Suisse, en ces années d’occupation et de déchirement, devenue un champ de bataille dans toute sa partie orientale, offrait «  l’aspect d’une mer enflammée. » Jomini y suivit de près les fluctuations de la lutte, les habiles manœuvres de Masséna pendant les sept mois d’activité de cette campagne couronnée par la victoire de Zurich, les efforts combinés de ses dignes compagnons d’armes, les Dessolle, les Soult, les Loison, les Lecourbe : ce dernier surtout « qui avait porté l’art de la guerre de montagne à un degré de perfection qu’on n’avait point atteint avant lui. » Mais, s’il estimait à leur valeur les opérations militaires, il ne jugeait pas moins les fautes politiques, et ce qu’il y avait de souverainement malhabile et coupable au Directoire à avoir voulu forcer la nature des choses, à avoir prétendu imposer par décret une unité factice à treize républiques fédérées, à s’être aliéné une nation amie, à avoir fait d’un pays neutre, et voué par sa configuration à la neutralité, une place d’armes, une base d’opérations agressives, une grande route ouverte aux invasions.

1088. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Cette fièvre d’audace et de propre bonheur, cette ébullition, ce rien qu’on appelle la jeunesse se passe, et l’attaquant, s’il a quelque valeur et s’il cherche dans la société toute la place à laquelle il peut prétendre, commence un jour à lorgner de loin l’Académie.

1089. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Nul n’a su mieux que lui la valeur des mots, le pouvoir de leur position et de leurs alliances, l’art des transitions, ce chef-d’œuvre le plus difficile de la poésie, comme lui disait Boileau ; on peut voir là-dessus leur correspondance.

1090. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Depuis qu’on a le Mendiant et l’Aveugle d’André Chénier, on comprend ce que pourrait être une Circé, et il n’est plus permis de citer celle de Jean-Baptiste que comme un essai sans valeur.

1091. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Les trois quarts des prétendus juges, ne se formant idée de la valeur des œuvres que d’après les genres, conseilleront toujours au poëte aimable, léger, sensible, quelque chose de grand, de sérieux, d’important ; et ils seront très-disposés à attacher plus de considération à ce qui les aura convenablement ennuyés.

1092. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Mais une nation chez laquelle la pensée a si peu d’indépendance, et l’émulation si peu d’objet, peut-elle avoir toute sa valeur ?

1093. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Notes sur l’Ancien-Régime »

Le seigneur paye 6 sous de nourriture pour la corvée à bras et 12 sous de nourriture pour la corvée de voiture à 4 bœufs. « Dans le nombre des corvéables, il s’en trouve la plus grande partie réduite presque à la mendicité et chargée d’une famille nombreuse, ce qui détermine souvent le seigneur à ne point les exiger à la rigueur. » Valeur ainsi réduite des corvées, 49 livres 15 sols.

1094. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Quelle est la valeur de chacun des deux points de vue, et que faut-il en défalquer pour dégager la vraie nature de l’événement ?

1095. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Dans les vers lyriques, quiconque entendra les mêmes strophes dans les Psaumes de Marot et dans les Odes de Ronsard, comprendra ce que celui-ci a apporté : rythme, sonorité, mouvement, harmonie, tous les éléments qui font la valeur esthétique de la strophe.

1096. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Il ne faut pas surfaire la Satire Ménippée, même dans sa valeur littéraire.

1097. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Chapelain Ce beau monde, dont Balzac faisait l’éducation, était assez disposé, tant par ignorance que par suffisance, à prendre son seul plaisir pour critérium de la valeur des œuvres littéraires : principe séduisant, mais dangereux.

1098. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Et de là le peu de valeur esthétique de son œuvre.

1099. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Le comique même de Meilhac et Halévy lui paraît cruel ; et, au contraire, quoiqu’il ne se méprenne assurément pas sur la valeur des œuvres, il a d’amples indulgences pour Nana Sahib, pour Formosa, pour la Famille d’Arbelles, pour les comédies de M. 

1100. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Vingt « meneurs », dont la puissance est énorme, et dont ce livre nous dit le caractère, la valeur, la doctrine et l’influence.

1101. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

De même, en morale, la vérité ne prend quelque valeur que si elle passe à l’état de sentiment, et elle n’atteint tout son prix que quand elle se réalise dans le monde à l’état de fait.

1102. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

On voit encore, dans les histoires du temps, qu’il contribua par sa valeur à la victoire de Caprona, remportée aussi par les Florentins sur les républicains de Pise.

1103. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Collé, qui passe pour caustique, parle mieux de Mme de Graffigny mourante : « Sa mort m’a été très sensible, écrit-il dans son Journal ; elle était du petit nombre des personnes que je m’étais réservé de voir depuis que je ne vais plus dans le monde. » Il paraît que, dans le monde et dans les salons, Mme de Graffigny ne portait qu’un esprit assez ordinaire et même commun ; elle n’avait toute sa valeur et son mérite que dans l’intimité.

1104. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Au figuré, le mot classicus se trouve employé dans Aulu-Gelle, et appliqué aux écrivains : un écrivain de valeur et de marque, classicus assiduusque scriptor , un écrivain qui compte, qui a du bien au soleil, et qui n’est pas confondu dans la foule des prolétaires.

1105. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

I Il est aisé, en ce qui touche à la psychologie individuelle, de restituer au pouvoir de se concevoir autresa valeur active et son caractère de bienfaisance.

1106. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Car bien que l’inscription apprenne leur nom, on a encore beaucoup de peine à deviner la valeur et le merite de tous les attributs emblêmatiques dont ils sont ornez.

1107. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Mais dès qu’il s’agit de faits proprement dits, ils sont nécessairement pour nous, au moment où nous entreprenons d’en faire la science, des inconnus, des choses ignorées, car les représentations qu’on a pu s’en faire au cours de la vie, ayant été faites sans méthode et sans critique, sont dénuées de valeur scientifique et doivent être tenues à l’écart.

1108. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

About, en auront-ils moins une grande et vraie valeur ?

1109. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

Moraliste aux nuances fines, observateur qui s’attendrit en raillant, peintre gai, mais dont la gaîté touche si joliment à la mélancolie, enfin paysagiste vivant par-dessus tout cela, voilà ce que nous a paru Hippolyte Babou en ces nouvelles, d’une valeur inégale entre elles, mais toutes de cette distinction, recherchée et obtenue, qui appelle non pas les tapages, — abyssus abyssum invocat, — mais la distinction du succès.

1110. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Autant vaudrait s’imaginer qu’une pièce de monnaie usée, en perdant la marque précise de sa valeur, a acquis une puissance indéfinie d’achat.

1111. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Poinsot et Normandy sur les tendances de la poésie nouvelle, j’insisterai à mon tour sur des innovations nécessaires qui tendent à élargir le domaine poétique, qui sont acceptées par des poètes de grand talent et dont l’emploi est fort justifiable, pourvu qu’il se fasse avec méthode, tact et goût, afin de garder à la pensée sa pleine valeur et sa juste expression, ce respect du bien dire.

1112. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

L’auteur ressemble à un homme qui voudrait calculer avec des chiffres dont il ignorerait ou changerait la valeur.

1113. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VII : Théorie de la raison par M. Cousin »

Réduisez les mots à leur valeur.

1114. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Cousin découvre trois manuscrits d’Abailard ; il les décrit tour à tour avec scrupule ; il juge de leur valeur ; il prouve que ce sont eux que décrivait Oudin et que citait l’Histoire littéraire ; il entre dans l’intérieur du manuscrit, marque les différents traités qu’il comprend, les lacunes plus ou moins longues, les feuillets blancs, les feuillets noirs, les différentes encres, et je ne sais combien d’autres choses encore. 

1115. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Un critique célèbre avait jugé plus heureux le premier plan que l’auteur s’était proposé, et qu’il résumait ainsi dans une courte note : « L’armée d’Édouard Ier, comme elle cheminait dans le creux d’une profonde vallée, est tout à coup arrêtée à la vue d’une majestueuse figure apparaissant au haut d’une montagne inaccessible, reprochant au roi, d’une voix plus qu’humaine, les misères et la désolation qu’il a apportées sur cette terre, lui prédisant les malheurs de la race normande, et, par inspiration prophétique, annonçant que toute sa cruauté n’éteindra jamais l’ardeur du génie poétique dans cette île, et qu’il ne manquera pas d’hommes pour célébrer la vraie vertu et la valeur par des accents immortels, flétrir le vice et l’infâme volupté, et censurer hardiment l’oppression.

1116. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

C’est toujours au jugement porté sur Shakespeare qu’il faut en revenir pour apprécier la valeur d’un critique. […] Un exemple suffira pour faire apprécier la valeur morale de ce critique. […] L’illusion fantastique seule a une valeur esthétique : on frémit, et l’on se hâte de passer à une transformation, à une image nouvelle. […] Mais aujourd’hui que nous avons pénétré le procédé du poète, nous nous contentons d’admirer son génie plastique, sans accorder à ses hallucinations fantastiques d’autre valeur qu’une valeur pittoresque. […] Frédéric Soulié releva le mélodrame en lui donnant une valeur plus littéraire, par l’intensité même de la passion.

1117. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

L’établissement d’un empire que le fondateur, apuyé sur des oracles et sur le sentiment effrené de sa propre valeur, croit devoir s’étendre sur tout l’univers : or la convenance du stile avec ces idées, produit nécessairement l’héroïque, et il est vrai que cette extravagance d’ambition et de confiance en ses propres forces subjugue toujours l’imagination des hommes. […] Excuse, Murena, ce respect souverain, qu’imprime la valeur dans l’ame d’un romain. Proculus n’exprime-t’il pas bien par-là que plus on est brave, car romain le veut dire, plus on est frappé d’admiration pour la valeur des autres, et que c’est par respect pour celle de Romulus qu’il a suspendu sa vengeance ? […] Siccius Dentatus, simple plebeïen et surnommé l’Achile des romains, s’étoit attiré par cent prodiges de valeur une grande autorité sur le peuple, et par cela même, la jalousie des decemvirs. […] Romulus pousse la valeur jusqu’à la témérité, et la confiance en ses propres forces jusqu’au fanatisme (qu’on me permette ce terme pour exprimer l’excès de la confiance).

1118. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Et la forte critique, la valeur maîtresse, c’est une critique à cran d’arrêt. […] Voltaire fixe à peu près les valeurs littéraires classiques jusqu’à Sainte-Beuve, mais il fixe surtout ce qui était déjà fixé, il est par excellence le secrétaire de l’opinion, l’homme qui dit ce que pensent les honnêtes gens, et qui le dit avant même que les honnêtes gens aient pris conscience qu’ils le pensaient, de sorte que, comme l’écrivait Bersot, si tout le monde a plus d’esprit que Voltaire, l’esprit de Voltaire, c’est encore l’esprit de tout le monde. Mais ce secrétaire de l’opinion serait mal venu à prendre la place du maître de l’opinion, de celui dont il écrivait si justement : « Ne disons pas de mal de Nicolas, cela porte malheur. » Voyez la différence entre un homme qui impose ses valeurs à l’opinion, comme Boileau, et un homme qui, comme Voltaire, les reçoit de l’opinion, mais les lui rend transfigurés par le brillant et le tour de main d’un grand ouvrier parisien. […] Il est beau et bon de lutter contre l’amour et contre la sensualité, mais, si cette lutte vous donne une valeur morale, une autorité morale, elle ne vous donne aucune autorité en matière d’amour ou en matière de sensualité. […] Je crois que c’est Nisard qui, dans son Histoire, a établi les valeurs de la littérature française en fonction justesse de ses idées.

1119. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

On n’a besoin de recourir ni aux moeurs ni aux préjugés du siecle d’Homere, pour fonder les caracteres d’Ulysse & d’Achille : le premier est dissimulé, le poëte lui donne pour vertu la prudence : le second est colere, il lui donne la valeur. […] Alexandre avoit sans cesse devant les yeux la fable d’Achille ; Charles XII. l’histoire d’Alexandre : de-là cette émulation funeste qui de deux rois pleins de valeur & de talens, fit deux guerriers impitoyables. […] C’est ainsi que les hommes nés pour instruire & pour juger les autres hommes, devroient leur présenter sans cesse en opposition la valeur protectrice & la valeur destructive, pour leur apprendre à distinguer le culte de l’amour de celui de la crainte, qu’ils confondent le plus souvent. […] A cette gloire qui accompagne la valeur généreuse & pure, se joint encore la gloire des talens qui dans un grand capitaine éclairent, secondent & couronnent la valeur. […] C’est peu d’y honorer le mérite qui commande, il faut y honorer encore la valeur qui obéit.

1120. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Je ne veux pourtant pas partir de là pour médire de ses romans ; eux aussi ont leur valeur très réelle et les lecteurs en trouveront la preuve dans Fort comme la mort. […] La vie dégradante du banal tripot n’a heureusement pas flétri son intelligence ; dès qu’il en est sorti, son esprit assoupi se réveille, et une valeur intellectuelle est rendue à la société. […] Tout le volume est rempli de morceaux d’une valeur égale en différents genres ; il n’est pas de si petit détail qui ne fasse vibrer quelque chose de l’âme du poète, témoin cette lettre où le seul bruit d’une charrette qui passe vient évoquer pour lui tout un jour de son enfance. […] Il est presque regrettable que ce beau livre soit signé d’un si grand nom, car sa seule valeur en eût fait une œuvre à consulter, aussi bien pour ceux qui sont chargés de défendre la patrie l’épée à la main, que pour ceux qui veulent savoir exactement ce qu’était l’Algérie au commencement du règne de Louis-Philippe. […] Nous n’avons pas à insister sur l’intérêt exceptionnel de cette publication ; nous en détachons pour nos lecteurs des fragments dont la valeur nous dispense de toute appréciation.

1121. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Il nous le montre poète, faiseur de romans, et reconnaît à ses écrits leur valeur réelle en restituant cependant à Jean le Bel des morceaux qui ont contribué à la réputation de Froissart. […] Un misérable brasseur d’affaires, ruiné, imagine d’acheter un navire et de l’assurer bien au-dessus de sa valeur. […] du tout, ce n’est pas cela ; mais pour que ce consentement ait de la valeur, il faut que je tâche de l’obtenir pendant que papa est responsable de ses paroles. […] Ce sont des pensées venues naturellement et naturellement exprimées, ce qui en double la valeur. […] L’Italie et l’Espagne ignorent ces industries, dont la fantaisie est la seule valeur ; de plus, elles ont, de l’outre-tombe, un respect légèrement froussard.

1122. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Cependant un fait grave dans sa vie intellectuelle s’était passé en 1840, un fait auquel il accorde la valeur d’une initiation : il avait lu Auguste Comte, il l’avait connu en personne, et la parole, la doctrine du philosophe l’avait, selon son expression, subjugué. […] Ce n’est guère que vers le milieu du xviiie  siècle qu’un érudit de médiocre valeur, un homme de plus de zèle que de génie, La Curne de Sainte-Palaye, se mit résolument à lire ces vieux textes français manuscrits, à les dépouiller et à en dresser un Glossaire qui se consulte encore.

1123. (1929) Dialogues critiques

Vous n’estimez que les valeurs intellectuelles. […] En littérature, l’enjeu a plus de prix, et il importe que les valeurs vraies, qui valent en soi et par soi, ne se laissent pas éclipser par les contrefaçons.

1124. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Les convictions de la conscience s’affermissent à mesure qu’elles s’exercent ; et, dans cet échange d’obéissance consentie d’une part, et de force communiquée de l’autre, l’homme prend à ses propres yeux une valeur qu’il ne se connaissait pas, et que son humilité la plus sincère peut accepter, parce qu’il en place l’origine au-dessus de lui. […] Il serait déraisonnable de dédaigner les biens extérieurs, en tant que biens ; ils ont leur utilité ; mais ce ne sont que des instruments pour un but plus haut ; et quelque valeur qu’ils aient en eux-mêmes, ils la perdent du moment qu’on les met en balance avec ce qui pèse davantage.

1125. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Quel causeur, — bien, bien supérieur à ses livres, quelque valeur qu’ils aient, — et toujours dans la parole au-delà de ce qu’il écrit. […] Ce n’est plus l’objet qui tient aux entrailles, la chose inaliénable des collectionneurs d’autrefois ; c’est une valeur qu’on se passe de main en main, une circulation de plus-value entre brocanteurs millionnaires, se dépêchant de vendre comme à un jeu de « petit bonhomme vit encore ».

1126. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Moi là-dessus, comme je me récrie et que j’affirme, que la classe la plus intelligente que j’avais rencontrée dans ma vie, était celle des internes, Blanchard me donne raison sur ce point, mais il ajoute, qu’aussitôt leurs études finies, le besoin de gagner de l’argent — l’argent que gagne un médecin, un chirurgien étant la cote de sa valeur — le besoin de gagner de l’argent, le retire de tout travail, de toute étude, émousse son observation par l’abêtissement de visites rapides et successives, par la fatigue même des étages montés. […] C’est navrant, pour un homme de valeur, d’être interprété dans une telle salle.

1127. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Lundi 5 décembre Avec l’élection de Sadi Carnot, c’est la tyrannie de la médiocratie qui commence, une tyrannie qui ne voudra plus à la tête du gouvernement d’un homme ayant une valeur, qu’il soit Ferry ou tout autre. […] Certes le tirage pour moi, n’est pas une marque de la valeur d’un volume, toutefois le livre, que le critique du Français estimait devoir se vendre à quarante exemplaires, est à son vrai huitième mille.

1128. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Que l’on grandisse ces facultés au point où leur manifestation devient impérieuse, que l’on y accole les qualités d’élocution et d’arrangement juste nécessaires pour composer des œuvres littéraires de forme médiocre, que l’on fasse prédominer la connaissance, le rappel, l’imagination des personnes, sur celles des actes purs, des drames, des histoires, l’on aura énuméré les causes générales dernières des œuvres de Tolstoï, de leur contenu réaliste, de leur étendue, de leur valeur plus psychologique que dramatique, et la force de ces dons sera mesurée à la grandeur de leur manifestation, à la puissance d’illusion de l’œuvre à la sympathie, au saisissement, à l’attraction qui s’en dégagent. […] Il semblera inutile, après cette analyse, que nous discutions la valeur de la solution apportée par Tolstoï au problème de la vie et de la mort.

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