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1195. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

Ce que l’armée, ce que l’industrie, ce que les serviteurs de la France et les travailleurs de tout genre ont obtenu de l’attention magnanime du prince, que la littérature sente qu’elle l’obtient aussi à son tour ; et ces gens de lettres, qui hier encore se décourageaient ou se dispersaient au hasard en laissant s’égarer leur talent, deviendront véritablement alors des serviteurs de la France, des travailleurs utiles et dignes. […] On nous apprend à aimer le beau, l’agréable, à avoir de la gentillesse en vers latins, en compositions latines et françaises, à priser avant tout le style, le talent, l’esprit frappé en médailles, en beaux mots, ou jaillissant en traits vifs, la passion s’épanchant du cœur en accents brûlants ou se retraçant en de nobles peintures ; et l’on veut qu’au sortir de ce régime excitant, après des succès flatteurs pour l’amour-propre et qui nous ont mis en vue entre tous nos condisciples, après nous être longtemps nourris de la fleur des choses, nous allions, du jour au lendemain, renoncer à ces charmants exercices et nous confiner à des titres de Code, à des dossiers, à des discussions d’intérêt ou d’affaires, ou nous livrer à de longues études anatomiques, à l’autopsie cadavérique ou à l’autopsie physiologique (comme l’appelle l’illustre Claude Bernard) !

1196. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

Les émotions causées par les poésies ossianiques, peuvent se reproduire dans toutes les nations, parce que leurs moyens d’émouvoir sont tous pris dans la nature ; mais il faut un talent prodigieux pour introduire, sans affectation, la mythologie grecque dans la poésie française. […] Le talent du poète dramatique s’augmente lorsqu’il vit au milieu d’une nation qui ne se prête pas trop facilement à la crédulité.

1197. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 24-41

Son Poëme de la Réligion est un monument où le talent s’est prêté avec succès aux impressions du zele. […] Son premier talent est de tout embellir, & son premier devoir de rejeter ce qui est indigne de son pinceau.

1198. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Son talent dans la tactique et les manœuvres de cavalerie lui fit un renom brillant. […] Otaka, plus tard, comme marchand d’objets de bambou, aurait utilisé le talent d’agrément de sa jeunesse.

1199. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Ce n’est pas sans une défiance extrême qu’il les présente à l’examen des gens de goût ; car, s’il croit à des théories nées d’études consciencieuses et de méditations assidues, d’un autre côté, il croit fort peu à son talent. […] — Ici se présente une objection spécieuse et déjà développée avec une conviction respectable par des hommes de talent et d’autorité.

1200. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

La médiocrité de talents est ici moins à redouter que le vice du caractère. […] Je ne pourrais donc approuver la politique qui regarderait le clergé avec la même indifférence que les autres corporations, et qui permettrait à chacun d’être prêtre, bon ou mauvais prêtre, comme il est permis, dans les contrées assez bien policées, pour que chaque citoyen puisse sans obstacle tirer parti de son talent, d’être bon ou mauvais tailleur, bon ou mauvais cordonnier.

1201. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Quel est celui qui ne prononce au fond de son cœur que le talent pouvait être mieux employé, un pareil ouvrage n’être pas fait, et qu’il y aurait qeulque mérite à le supprimer ? […] Voilà donc en un instant le fruit des veilles du talent le plus rare mis en pièces ; et qui de nous osera blâmer la main honnête et barbare qui aura commis cette espèce de sacrilège ?

1202. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

L’esprit oriental n’est pas très compliqué… Mais faire l’Anglais, c’est-à-dire entrer, tout botté, dans l’originalité du peuple le plus original, le plus profond, le plus insulaire d’esprit, d’impression, de jugement, qui ait jamais existé ; pénétrer, pour se les assimiler un instant, dans les manières de sentir et d’exprimer d’une nation qui a jusqu’à une gaîté à elle, — laquelle ne ressemble à la gaîté de personne et dont le nom même est intraduisible, et reste, dans toutes les langues, de l’humour, — c’est là une chose qui demandait plus qu’une prodigieuse souplesse de talent. Cela demandait du génie… Ce n’est ni la souplesse ni le talent qui ont manqué.

1203. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Polémiste d’habitude ardente, talent incorrect, mais vigoureux, Crétineau-Joly, qui est, je crois, du Bocage, cette ancienne terre de guerre civile, a la rudesse des paysans de son pays, qui valent bien ceux du Danube. […] Il est plein d’un talent impétueux, sanguin, souvent incorrect et confus, quelquefois grossier, mais toujours passionné et chaudement pittoresque.

1204. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

C’est le traquenard des titres intéressants, — mis effrontément ou cauteleusement à la tête des ouvrages les plus profondément dénués d’intérêt et de talent. […] D’ailleurs, il peut admirer de bonne foi et trouver très beau et très intéressant ce qui me semble, à, moi, parfaitement indigne du talent et de la renommée de Madame de Staël.

1205. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Je sais bien que le talent n’est pas dans M.  […] L’ennui n’est pas une garantie, et n’avoir pas de talent du tout en voulant qu’il n’y ait plus du tout de religion, est un moyen d’agir sur la reconnaissance des hommes, et c’est la seule chose d’esprit peut-être dont on puisse, dans son système, louer M. 

1206. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Henri Heine I Il y a un certain nombre d’années déjà que la première partie d’une Correspondance de Henri Heine (complétée en 1877) a été publiée, et, il faut en convenir, ces deux premiers volumes de Correspondance ne grandissaient pas Henri Heine comme talent et le diminuaient comme caractère. […] Le génie de son mari, voilà ce que devait voir exclusivement madame Heine, parce que, dans le jugement de la postérité, Henri Heine, comme tous les poètes, ne comptera que par son génie, lequel ne sera pas détruit par une correspondance privée, même écrite sans talent, ce qui, pour un homme comme lui, serait le tort suprême.

1207. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

Ajoutez les institutions particulières de chaque ville, et celles de la Grèce entière ; ces fêtes, ces jeux funèbres, ces assemblées de toutes les nations, les courses et les combats le long de l’Alphée, ces prix distribués à la force, à l’adresse, aux talents, au génie même ; des rois venant se mêler parmi les combattants, les vainqueurs proclamés par des hérauts, les acclamations des villes sur leur passage, les pères mourants de joie en embrassant leurs fils vainqueurs, et leur patrie à jamais distinguée dans la Grèce, pour avoir produit de tels citoyens. […] On ne rabaissait pas les talents ou les vertus, jusqu’à ne les payer qu’avec de l’or.

1208. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Caze, Robert (1853-1886) »

— Son talent ?

1209. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lachambeaudie, Pierre (1806-1872) »

Sainte-Beuve Les Fables de Lachambeaudie, publiées dans un magnifique volume (1851), nous avertissent que l’auteur est poète, homme de talent, doué de facilité naturelle et sachant trouver des moralités heureuses quand il ne les assujettit point à des systèmes.

1210. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 205

L’Auteur a voulu imiter la maniere de Pétrone ; mais en proscrivant sagement les obscénités du satirique de Néron, il n’a pas eu le talent d’en atteindre l’élégante latinité.

1211. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 260

Le talent y perce néanmoins, malgré la précipitation avec laquelle il travailloit.

1212. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 463

Les Savans pensent que Dom Ceillier est plus exact que du Pin, mais qu’il n’a pas le talent d’analyser & de s’exprimer comme lui, ce que nous croyons sans peine : il faudroit trop de temps pour vérifier les fondemens de cette assertion ; car son Ouvrage n’a pas moins de 23 volumes in-4°.

1213. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 411

On voit, par ces Ecrits, qu’il n’étoit pas sans talent ; qu’il écrivoit avec une sorte de facilité peu ordinaire dans la Province.

1214. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 470

Il ne s’est encore exercé que dans des bagatelles, & sortiroit peut-être de son talent, s’il entreprenoit un Ouvrage sérieux & de longue haleine.

1215. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Vernet  »

Il y a toujours un grand travail ; une grande variété ; beaucoup de vérité ; beaucoup de talent ; mais on dirait volontiers en les regardant, À demain lorsque le soleil sera levé.

1216. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Des Essarts, Alfred (1811-1893) »

Écrivain fécond et soigneux, en même temps romancier, auteur dramatique, poète, M. des Essarts a touché à tous les genres avec une remarquable souplesse de talent.

1217. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Manivet, Paul (1856-1930) »

Manivet l’honneur d’une préface, où il dit : « C’est de grand cœur que je salue en vous, non pas un élève qui aspire à me suivre comme vous prétendez l’être, mais un émule que son talent place ex æquo à mon côté, dans le petit coin lumineux dont mes contemporains veulent bien me permettre la jouissance… » [Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).]

1218. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 184

Son talent principal consistoit dans l’art de manier adroitement l’ironie.

1219. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 423

Plus de cinquante volumes de Romans attestent sa facilité & son talent pour ces sortes de bagatelles, qui cessent quelquefois d’en être, quand elles tendent à l’instruction & à la morale.

1220. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 460

Il est une certaine classe d’esprits, & c’est le plus grand nombre, incapables de s’attacher à des lectures solides ; il leur faut des Livres qui ne demandent ni application ni étude ; mais le talent de les amuser n’a pas droit de prétendre aux honneurs dus aux talens réels & honorables.

1221. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soubeyre, Eugène »

Soubeyre, de par son Royaume d’Ève, s’offre à nous comme un poète de talent, et l’inexpérience qu’il montre quelquefois n’est que le précoce retour des beautés qu’il découvre.

1222. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vermersch, Eugène (1845-1878) »

Le talent du versificateur se montrait à un degré rare chez ce jeune homme doué d’une vive intelligence et d’une étonnante facilité.

1223. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 357

La fécondité, en ce genre, se montre toujours au préjudice du talent.

1224. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 442

Ces Pieces, dont la lecture est très-amusante, décelent de la facilité dans le style, le talent du dialogue, une imagination féconde pour intriguer & varier les sujets, & sur-tout une ame aussi honnête que zélée pour corriger les vices & les ridicules.

1225. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 500

De l’onction, du sentiment, l’heureux talent de la persuasion, l’ont fait placer parmi les Prédicateurs, au même rang que Racine occupe parmi les Poëtes tragiques.

1226. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 385

Si on n’a pas le talent de la plaisanterie, il faut du moins avoir le langage de l’honnêteté & de la raison.

1227. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » p. 537

On ne peut cependant lui réfuser des connoissances, de l’érudition, des idées mais ces qualités sont perdues pour le Public, quand elles ne sont pas mises en œuvre par le talent, ou relevées par le mérite du style.

1228. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 529

On est plus pardonnable de s’écarter quelquefois des reglés de la bonne Comédie, quand on a, dans les détails, le talent d’égayer le Spectateur, que de s’attacher scrupuleusement aux principes, au préjudice de l’effet principal.

1229. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 298

Flatteur de tous ceux qui pouvoient lui rendre service, ennemi de tout ce qui s'opposoit à ses projets, son humeur, naturellement satirique, perce dans ses Ecrits, sans annoncer aucun talent pour la bonne plaisanterie.

1230. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Si quelques femmes s’éprenaient hautement pour le talent, pour le génie, pour la sagesse, c’est parmi les femmes libres qu’il les faut chercher, parmi les hétaïres ou courtisanes Aspasie, Leontium, qui s’éprirent pour Périclès ou pour Épicure, étaient de cette classe brillante et vouée à une publicité qui ôtait au don du cœur son plus grand charme et son prix. […] Le talent eut ses privilèges, et il conquit sa couronne. […] Il faut se dire, pour s’expliquer ce peu de succès personnel, à une époque déjà si raffinée de la société, que Racine était sans doute, de sa personne, bien bourgeois, bien auteur, bien rangé dans sa classe par ses habitudes, bien peu en rapport avec les tendresses touchantes que son talent mettait en action sur la scène. […] Boileau si cher aux bons esprits, aux hommes de sens et de goût, n’était guère de nature par son talent à faire vibrer une corde au cœur des femmes. […] Ce sont là de ces choses qui font que l’on se sent poète. » Il n’est rien tel en effet que de semblables aveux pour faire sentir dans sa douceur, sa vérité et son sérieux plein de charme, l’heureuse puissance du talent ou du génie, sa vertu d’influence continue et son triomphe invisible.

1231. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Mais bientôt Daphnis reprend l’avantage, et le seul couplet que voici serait assez pour lui assurer le triomphe : « Je ne souhaite point d’avoir la terre de Pélops, je ne souhaite point d’avoir des talents d’or, ni de courir plus vite que les vents ; mais, sous cette roche que voilà, je chanterai t’ayant entre mes bras, regardant nos deux troupeaux confondus, et devant nous la mer de Sicile !  […] Elle nous le montre au plus beau moment du voyage, à son plus haut soleil du matin, au midi de l’été et de la journée, dans la fleur entière d’un talent et d’un cœur déjà épanouis. […] » Il s’exhale de tout ce passage un sentiment de tendre respect et comme d’adoration enthousiaste pour les choses enchanteresses et désintéressées de la vie humaine ; chaque accent s’élance d’un cœur que pénètre le culte du talent, de la poésie et des grâces. […] En voici un calque aussi léger que je l’ai pu saisir ; ce n’est que par de tels échantillons fidèlement offerts qu’on parvient à faire pénétrer dans les replis du talent. […] Ce même sentiment qui est celui de la puissance et du triomphe définitif du talent, je le retrouve chez quelques modernes qui sont de la grande famille aussi.

1232. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

En tout siècle et en tout pays il s’est trouvé, à côté du véritable génie, ou même du simple talent, des rimeurs malheureux de courageux faiseurs de phrases ronflantes et vides. […] Il est certain que la décadence coïncide avec l’empiétement du procédé et du talent sur la fécondité inconsciente du génie. […] C’est précisément pour faire illusion sur la stérilité du fond que les décadents poussent au dernier degré le travail de la forme : ils croient suppléer au génie par le talent qui imite les procédés du génie. […] Le talent, c’est le tuyau de drainage qui ne laisse pas perdre une goutte et donne un petit filet d’eau bien mince qui coule en frétillant sur l’herbe. La décadence dans l’art, c’est la substitution du talent au génie, c’est l’affectation du savoir-faire, avec la charlatanerie que Baudelaire prétend permise au génie même311.

1233. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Ils soutinrent, avec ces interprêtes d’Aristote, qu’il étoit de toute nécessité qu’un poëte épique tournât son talent du côté de l’instruction, & qu’il présentât, dans ses ouvrages, des vérités utiles. […] La Henriade elle-même, selon la remarque d’un écrivain, péche par cet endroit, & seroit le plus beau de tous les poëmes, si l’auteur s’y fût livré davantage à la partie dominante de son talent, au pathétique de Mérope & d’Alzire. […] C’étoit à des hommes à talent, & du premier génie, à faire ce changement dans les idées, & à ramener les nations. […] L’écrivain judicieux met tout dans la balance : il n’en a qu’une où il pèse le génie & le talent. […] Ce n’est pas que Dumarsais proscrivit les romanciers ; mais il eut voulu qu’ils tournassent leur talent à l’instruction du lecteur.

1234. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Tout annonçait en lui la supériorité et un mérite fait pour briller, et l’on s’explique peu comment, vers cette époque, il écrivait au général de l’Oratoire Sainte-Marthe « que, son talent et son inclination l’éloignant de la chaire, il croyait qu’une philosophie ou une théologie lui conviendraient mieux ». […] Or, Massillon possède au plus haut degré cet art du développement ; on pourrait même dire que c’est là son talent presque tout entier. […] Massillon avait dans le talent une puissance d’onction plus forte, si je puis dire, que son caractère.

1235. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Ce document, voici en quoi il consiste : Chateaubriand avait publié à Londres son Essai sur les révolutions en deux volumes qui n’en faisaient qu’un, un énorme in-8º de près de 700 pages ; il y avait versé toute son érudition historique juvénile, tous ses rapprochements d’imagination, toutes ses audaces de pensée, ses misanthropies ardentes et ses douleurs rêveuses ; livre rare et fécond, plein de germes, d’incohérences et de beautés, où est déjà recèle tout le Chateaubriand futur, avant l’art, mais non avant le talent. […] Vous parlez de talents ; que sont les nôtres auprès de ceux que vous possédez ? […] Le talent porté à ce degré a aussi sa religion, et qui ne saurait tromper.

1236. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

César, le premier des écrivains de son ordre et le plus comme il faut des grands hommes, a réuni en lui tous les talents et tous les arts. […] Il y a du talent dans ses histoires, mais trop de mauvais goût se mêle à ses plaisanteries dans ses lettres. […] Jung a très bien saisi ce caractère du talent de Henri IV, si l’on peut ainsi parler, et ce mélange de saillie spirituelle, d’imagination rapide et de cœur. « Pour moi, écrit Henri à la reine Élisabeth (15 novembre 1597), je ne me lasserai jamais de combattre pour une si juste cause qu’est la nôtre ; je suis né et élevé dedans les travaux et périls de la guerre : là aussi se cueille la gloire, vraie pâture de toute âme vraiment royale, comme la rose dedans les épines.

1237. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Il a hérité de son père le mécanisme et le talent de la versification ; il a l’oreille et le doigté, le métier même. […] Il n’était pas au niveau d’un siècle où Duclos disait : « Mon talent à moi, c’est l’esprit. » De l’esprit argent comptant et à tout instant, voilà ce que la société demandait alors avant tout et ce que Racine fils avait moins que personne à lui donner. […] Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux ; tous les défauts peuvent servir le talent, hormis la faiblesse.

1238. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Sérieusement, il me semble que les différentes positions qui sont à prendre dans la presse périodique et qui peuvent tenter des publicistes dignes de ce nom, commencent à être toutes occupées, et à l’être comme il convient, par des écrivains de réputation et de talent, lesquels, s’ils ne disent pas tout ce qu’ils voudraient, le font du moins très-bien entendre ; et il s’en faut d’assez peu que ce qui est réclamé par la plupart comme un droit ne devienne insensiblement et par usage un fait. […] Qu’on se représente où en était, en général, le libéralisme sur la fin de la Restauration ; quelle doctrine peu élevée, peu intelligente du passé, et du passé même le plus récent, méconnaissant et méprisant tout de ses adversaires, purement tournée aux difficultés et au combat du moment, pleine d’illusions sur l’avenir, se figurant que, l’obstacle ministériel ou dynastique renversé, on allait en toute chose obtenir immédiatement le triomphe des idées et des talents, le règne du bien et du beau, une richesse intellectuelle et sociale assurée, une gloire facile, une prospérité universelle. […] Israël et le Magnificat ; que tout ce qu’il y a de poésie dans le culte chrétien, l’encens, les chasubles brodées d’or, les longues processions avec des fleurs, léchant, le chant surtout aux fêtes solennelles, grave ou lugubre, tendre ou triomphant, l’a vivement exalté ; qu’il a respiré cet air, vécu de cette vie, et que, par conséquent, il a dû pénétrer plus avant dans le sens et l’intelligence de la musique chrétienne que beaucoup de jeunes gens qui, nourris des traditions de collège et ne voyant dans la messe qu’une corvée hebdomadaire, ne se seraient jamais avisés d’aller chercher de l’art et de la poésie dans les cris inhumains d’un chantre à la bouche de travers. » Et plus loin, insistant, sur le caractère propre, à ces chants grandioses ou tendres, et qu’il importe de leur conserver sans les travestir par trop de mondanité ou d’élégance, devançant ce que MM. d’Ortigue et Félix Clément ont depuis plaidé et victorieusement démontré, il dira (qu’on me pardonne la longueur de la citation, mais, lorsque je parle d’un écrivain, j’aime toujours à le montrer à son heure de talent la plus éclairée, la plus favorable, et, s’il se peut, sous le rayon) : « J’ai dit tout à l’heure, en parlant du Dies iræ, que je ne connaissais rien de plus beau ; j’ai besoin d’y revenir et de m’expliquer.

1239. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Hâtons-nous de le dire : la supériorité que garde M. de La Mennais sur la plupart de ces hommes est grande encore : elle réside, non plus dans la foi, non plus dans l’ascendant de la position ; il est désormais en plaine comme nous tous ; mais (talent à part) il a l’ardeur du cœur, les trésors du dévouement, l’orgueil peut-être, mais un orgueil qui s’ignore lui-même et qui ne s’embarrasse jamais dans les ombrages de la vanité ni dans les réticences de l’égoïsme : il n’a jamais sacrifié une idée ni un sentiment à un intérêt. […] Le talent, ce don, cet instrument un peu particulier et qui ne suit pas nécessairement la loi de la vérité intérieure, a gagné chez M. de La Mennais en souplesse, en variété, en grâce et en coloris, sans perdre en force, à mesure que sa rigueur de foi a été davantage ébranlée. […] Et alors, si tant est que les leçons servent et qu’on devance l’âge, je croirais avoir beaucoup fait pour ce jeune homme, soit que la foi et la soumission chrétienne dussent résulter pour lui de son étonnement, soit qu’un scepticisme sagement méfiant dût désormais se mêler à ses impressions les plus vives, et hâter la maturité de sa raison d’homme aux dépens des faux enthousiasmes du disciple. — Il est un chapitre bien essentiel à ajouter au livre connu de Huet ; on pourrait  l’intituler : De la faiblesse de l’esprit humain, au moment du plus grand talent, dans les grands hommes. 

1240. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Jusqu’ici du moins, ce n’étaient que de pauvres diables d’écrivains, sans talent et sans gloire, qui avaient vécu aux gages des libraires. […] Lesage est le premier exemple d’un grand écrivain qui se fait de son talent un moyen d’existence régulier. […] Seulement, chez Marivaux, ce n’est pas un jeu, une rhétorique : c’est la pente de sa nature et de son talent.

1241. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Jules Delaborde, avocat à la Cour de cassation, nous recommandait de bien nous garder de confier notre défense à un avocat brillant dont le talent pouvait blesser et irriter le tribunal. […] * * * — Philipon aurait une très curieuse collection de maquettes en terre coloriée qui servaient à Daumier de modèles pour ses caricatures d’hommes politiques ; maquettes exécutées avec un rare talent par Daumier et vendues par lui à Philipon, 15 francs pièce. […] Lui, l’habile et le spirituel crayonneur, le brillant et savant aquafortiste, le maître au cochon, affecte doctoralement de répudier toutes les habiletés, les adresses, les procédés, tout ce dont est fait son petit, mais très réel talent, pour n’estimer que les maîtres primitifs, les maîtres spiritualistes, et ne reconnaître dans toute l’école moderne qu’un seul homme : M. 

1242. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Défendu par des hommes médiocres, le système eût réussi, tant il était populaire ; défendu par des hommes de talent, dont quelques-uns eurent quelquefois du génie, il devait tout abattre et tout subjuguer. […] Et lorsqu’à tant de variations utiles on ajoute l’alliance d’un parti politique, le crédit prêté par la rénovation de l’histoire, le talent des maîtres, le silence des adversaires, et par-dessus tout l’irrésistible sympathie de l’esprit poétique et nuageux du siècle, on comprend la nécessité de cette longue fortune et de cette solide domination. […] Le système reste maître de l’enseignement, professeur et possesseur des générations qui naissent, défendu par une escorte d’hommes instruits, d’hommes de talent et d’hommes de cœur.

1243. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Le talent, le génie ne sauraient y suffire : il faut encore le bonheur. […] Il ne s’en trouva qu’un, l’auteur des Corbeaux, mais peu fécond, doutant de soi, torturé, mal reçu en raison de son talent même. […] Jamais peut-être à aucune époque passée, même les plus fécondes, on ne fit dans l’art dramatique, comme d’ailleurs dans tous les arts, une aussi grande dépense de talent. […] Enfin Alexandre Arnoux, dont j’ai salué au passage le talent magique. […] À vrai dire, un certain nombre d’entre nous s’efforcent de christianiser le théâtre bourgeois-réaliste avec grand talent.

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