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881. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

La royauté s’est perdue dans les esprits par son isolement, et c’est par un enfant qu’on espère lui rendre de l’ascendant ! […] Deux jours sans direction, le peuple des rues agit de lui-même ; tandis que le peuple des palais, des salons et des Chambres regardait l’action sans pouvoir comprendre comment la force qu’on avait toujours appelée brutale était devenue intelligente sans rien perdre de son énergie, au contraire.

882. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

Janin qui y avait poussé plus que personne par ses réhabilitations sémillantes de Marivaux, de Crébillon fils, et qui ne perdait aucune occasion d’en rafraîchir l’idéal, étaient encore ce qu’on en retenait le plus. […] A mesure que le serment politique perd de sa valeur, le serment dramatique gagne en inviolabilité ; c’est ainsi que la littérature exprime souvent la société, par le revers : on fait des bergeries au siècle de Fontenelle ; on immole sur le théâtre son bonheur à la lettre d’un serment, dans le siècle où la parole d’honneur court les rues et où on lève la main sans rien croire.

883. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

., indifférents aux questions théologiques, s’efforcèrent de rattacher les esprits aux principes de la liberté, et leurs efforts ne furent pas entièrement perdus pour la raison. […] Il n’y a point en Angleterre de mémoires, de confessions, de récits de soi faits par soi-même ; la fierté du caractère anglais se refuse à ce genre de détails et d’aveux : mais l’éloquence des écrivains en prose perd souvent à l’abnégation trop sévère de tout ce qui semble tenir aux affections personnelles.

884. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

Pour Alfred de Musset, la poésie était le contraire ; sa poésie, c’était lui-même, il s’y était rivé tout entier ; il s’y précipitait à corps perdu ; c’était son âme juvénile, c’était sa chair et son sang qui s’écoulait ; et quand il avait jeté aux autres ces lambeaux, ces membres éblouissants du poète qui semblaient parfois des membres de Phaéton et d’un jeune dieu (se rappeler les magnifiques apostrophes et invocations de Rolla), il gardait son lambeau à lui, son cœur saignant, son cœur brûlant et ennuyé. […] C’est, du reste, Musset qui, dans Une soirée perdue, à propos du Misanthrope, a le mieux marqué la différence essentielle des deux théâtres, le théâtre d’intrigue et le théâtre de pensée, le théâtre qui amuse et celui qui émeut, en montrant le prix d’une pièce comme le Misanthrope au regard de celles qui visent avant tout à « servir à point un dénouement bien écrit », du théâtre qui se tient au niveau de la vie ou s’élève au-dessus d’elle, en comparaison de celui qui atteint son but : Si l’intrigue, enlacée et roulée en feston, Tourne comme un rébus autour d’un mirliton.

885. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

mon soir en pleurs retourne à son matin… Ils le laissent, car, au milieu des débris de son moi d’autrefois, il retrouvera le solitaire bonheur que la fuite hors du rêve lui avait fait perdre. […] Edmond Pilon Tour à tour guerrier ou idyllique, sonore de bruits de bataille ou humilié de bucolique bonheur, M. de Régnier se complaît dans un monde de lances antiques et de miroirs aussi bien que dans de frais décors de campagnes frustes et fraîches, à l’image de celles où Horace et André Chénier se perdirent plus d’une fois.

886. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Les villes d’université comme Bologne enfantèrent tout naturellement le docteur, le pédant ridicule, dont chaque mot est une délicieuse ânerie ; les modèles n’étaient pas rares dans un temps où l’engouement pour les lettres grecques et latines dégénérait aisément en folie ; c’était l’époque où Philelphe le Florentin et Timothée entamaient, à propos de la force d’une syllabe grecque, une querelle acharnée, dans laquelle le dernier jouait et perdait sa grande barbe et en mourait de chagrin. […] Quant aux fourbes, les Napolitains en particulier n’en laissaient pas perdre la race, ils étaient bien capables d’enrichir la fertile lignée des valets intrigants et impudents du théâtre antique3.

887. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

De ce moment, le théâtre italien prend aux yeux de l’histoire un intérêt d’une autre sorte ; mais il perd celui qu’il offrait pour le sujet qui nous occupe principalement ; ou plutôt la thèse se retourne pour ainsi dire : les Italiens nous imitèrent à leur tour. […] Il y avait, à cette dernière date, un peu plus d’une année que la troupe italienne avait perdu le fameux Dominique.

888. (1890) L’avenir de la science « I »

Et pourtant tout le sérieux de la vie s’use autour de l’acquisition de la richesse, et on ne regarde le plaisir que comme un délassement pour les moments perdus et les années inutiles. […] Il ne veut rien laisser perdre de cette vie brûlante et multiple qui lui échappe et qu’il dévore avec précipitation et avidité.

889. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

Qu’on lise les Mémoires de sa vie ; on y applaudira à la générosité de ses bienfaits, répandus sur les Littérateurs qu’il se croyoit obligé d’attaquer dans ses Ecrits ; on y apprendra qu’il a été le bienfaiteur de Liniere, qui ne cessoit de déclamer contre lui ; qu’il donna des secours à Cassandre, dont il estimoit peu les talens ; qu’il se réconcilia avec Perrault, en oubliant ses calomnies ; qu’il rendit justice à Boursault, en reconnoissant son mérite qu’il avoit trop méconnu ; qu’il conserva au célebre Patru sa Bibliotheque, en l’achetant plus cher qu’il ne vouloit la vendre, & en lui en laissant la jouissance ; qu’il osa refuser le paiement de la pension que lui faisoit Louis XIV, en disant à ce Prince, qu’il seroit honteux pour lui de la recevoir, tandis que Corneille, qui venoit de perdre la sienne, par la mort de Colbert, se verroit privé de ses bienfaits : ce qui valut à ce dernier un présent de deux cents louis ; qu’il eut un grand nombre d’amis dans les rangs les plus élevés, comme parmi les plus célebres Littérateurs de son temps, & qu’il les conserva toute sa vie. […] Plus adroit, plus heureux dans ses dénouemens que le premier ; plus décent, plus moral que le second, il ne perd jamais de vue le but de la vraie Comédie, qui est de corriger les hommes, de guérir leurs travers, en les amusant.

890. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

Le philosophe étoit perdu, s’il répondoit à ses critiques : il ne se défendit point. […] Si ses ennemis, malgré toute leur cabale, ne purent le perdre, il ne comprit pas moins combien il est dangereux d’avoir raison dans des choses où des hommes acrédités ont tort.

891. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

l’ignorance & quelquefois même le mépris des grands modèles ; 4°. la manie qu’ont les uns d’être auteurs, & les autres connoisseurs ; 5°. le défaut capital de ne pas sçavoir connoître son genre de talent, & s’y renfermer ; 6°. l’imprudence d’applaudir trop tôt à de jeunes auteurs qu’on perd au lieu d’encourager ; 7°. la nécessité des besoins, ne faut-il pas commencer par vivre avant que de songer à devenir immortel ? […] Combien Amyot & Montaigne ont-ils perdu par cette raison, ainsi que Corneille lui-même ?

892. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

Or cette attention generale aux plaisirs, suppose une suite de plusieurs années exemptes des inquiétudes et des craintes qu’amenent les guerres, du moins celles qui peuvent faire perdre aux particuliers leur état, parce qu’elles mettent en danger la constitution de la societé, dont nous sommes des membres. […] Les guerres qui se faisoient alors en Grece, ressembloient à celles qui se sont faites si souvent sur les frontieres du païs-bas espagnol ; c’est-à-dire, à des guerres où le peuple court le risque d’être conquis, mais non pas d’être fait esclave et de perdre la proprieté de ses biens ; et où il n’est pas exposé aux malheurs qui lui arrivent dans les guerres qui se font encore entre les turcs et les chrétiens.

893. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

Nous avons remarqué que les langues différentes ont été affectées de diverses prérogatives ; nous pouvons ajouter, en d’autres termes, qu’elles ont eu la mission de faire entrer dans les trésors de l’esprit humain, où rien ne se perd, différents ordres d’idées. […] En effet, à force d’admettre, dans tous les moyens qui ont été donnés à l’homme pour exprimer ou communiquer ses sentiments et ses pensées, à force, disons-nous, d’y admettre des choses de convention, nous avons délayé et perdu les types primitifs.

894. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Aussi, même dans l’erreur, Mme de Belgiojoso a gardé son sexe, son rang, sa qualité, tout ce que Mme Stern a perdu volontairement et irrémédiablement par sa faute, en déchirant sa robe comme Caïphe et en reniant le Seigneur dans des philosophies menteuses. […] Seulement, ce que nous avons perdu, nous l’avons gagné.

895. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

Et encore, Byron et nous, nous n’y avons perdu, lui, que du génie, dont il y a assez dans ses œuvres pour lui faire une gloire immortelle, et nous, que des plaisirs, chers à l’épicuréisme de nos esprits. Mais Donoso Cortès et Raczynski y perdent… qui sait ?

896. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Vaublanc, lorsque vous le lisez, vous rappelle involontairement le Julien Sorel de Rouge et Noir et le Fabrice de la Chartreuse de Parme, qui n’est, du reste, que le même homme, C’est le même genre de courage qui raisonne, s’analyse, calcule et se doit de jouer encore la partie, quand elle semble le plus perdue sans ressource. […] Dussent-ils s’exagérer un peu leur empire, il est bon à toute heure, mais surtout à cette heure, que les Gouvernements ne croient plus à cette idée funèbre qui les a trop souvent perdus — l’impossibilité.

897. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Il y a quelques années, Edgar Poe, malgré une originalité qui l’aurait perdu s’il avait eu le malheur d’être Français, eut son succès tout de suite, parce qu’il était Américain. […] » (sous le grand Charles-Quint, qui paraît bien moins cruel que Philippe II, ce lieu commun de cruauté, parce que l’opinion est femme, et, dans cette question, était une femme flamande, et que le Flamand couvrait Charles-Quint, comme l’Espagnol perdait Philippe II), — cette main sans passion n’a pas une seule fois dans cette histoire, si tentante pour les plumes ardentes, tracé un de ces portraits terribles qui flambent éternellement sur une mémoire et empêchent éternellement de voir clair à travers ce feu.

898. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

La Révolution française a donné à tout ce qu’elle toucha une résonnance trop formidable pour que les vibrations n’en oscillent pas à nos oreilles encore longtemps… et ce bruit, communiqué par elle aux choses qui ont perdu, le leur et qui, sans elle, seraient devenues muettes, dure toujours. […] Mais, léger comme l’esprit même, si dangereux quand il est seul dans la tête d’un homme, nerveux comme une femme encore plus que comme un artiste, proie sans résistance du milieu embrasé dans lequel allait flamber et pétiller sa jeunesse, Camille était de tous les hommes à la fois le plus armé et le moins armé pour cette guerre civile de la presse, à laquelle il dévoua sa vie et pour laquelle il la perdit.

899. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

Elles montrent l’homme dans une vérité plus sincère, et l’Histoire y gagne, si l’homme y perd, — ce qui vaut mieux ! Mais Silvio Pellico perdra-t-il réellement à ce qu’on ait publié la sienne ?

900. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Elles montrent l’homme dans une vérité plus sincère, et l’histoire y gagne, si l’homme y perd — ce qui vaut mieux ! Mais Silvio Pellico perdra-t-il réellement à ce qu’on ait publié la sienne ?

901. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

» Et, de leur côté, les royalistes à transaction, qui s’imaginent que toute la politique est de s’entendre avec la révolution au profit de la royauté, s’écrieront : « Vous nous perdez avec une imprudence !  […] Catholique du Syllabus, — du Syllabus qui n’est pas une nouveauté de ces derniers temps, mais l’expression dernière du catholicisme éternel, — il n’a pas craint de regarder à la clarté fixe de cette lumière les choses d’une époque où la société, désespérée, est à l’extrémité de tout, et où l’on peut jeter sans inconvénient une dernière fois le dé de la vérité à travers les dés pipés d’une partie à peu près perdue, et qu’il est peut-être impossible maintenant de gagner !

902. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

Venu l’un des derniers de cette école plastique dont Gautier est le chef puissamment correct et presque radieux, Bouilhet n’a vu la société romaine que par ses côtés matériels d’art compliqué et de corruption colossale : aussi a-t-il reproduit avec la science d’un antiquaire l’inventaire éclatant ou immonde de cette société au temps des empereurs, et s’est-il perdu dans cette abominable immensité. […] Il a voulu l’être, et ce qu’il y a gagné de connaissances n’a pas payé ce qu’il y a perdu de fraîcheur d’idées et de virginité intellectuelle.

903. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Promettre à ce poète que l’avenir le vengera un jour de son temps, ce serait prendre sur soi d’affirmer que la Poésie n’est pas perdue. […] En soi, la poésie n’y perd pas.

904. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Un homme que Feuillet connaît extrêmement et même qu’il connaît trop, car à le trop connaître et à trop l’aimer, cet enchanteur, on perd de sa propre originalité comme Feuillet a perdu de la sienne, La Fontaine, est souvent un traducteur de l’Antiquité ou de l’Italie, un repétrisseur de fables connues et de contes vulgaires.

905. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Que de mérites étouffés ou méconnus, perdus pour le public, à charge pour leurs possesseurs ! […] Banquo, dépouillé de tout l’argent qu’il avait reçu, faillit perdre la vie, et ne s’échappa qu’avec peine et couvert de blessures. […] Un jour, il lui racontait avec tristesse qu’il avait perdu un jeune page qu’il aimait, et qui lui était très-nécessaire. […] Dans le cas contraire, ils perdent leur vaisseau et son chargement, et repartent sur-le-champ avec un cheval et une somme d’argent qu’on leur fournit pour retourner chez eux. […] Nous ne devons donc point, pour juger le mérite de ces grands hommes, perdre de vue les règles qui étaient prescrites aux poëtes de leur siècle.

906. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

La place de confesseur du roi fait aux jésuites beaucoup de jaloux, quoiqu’elle ait si fort perdu de ses prérogatives. […] Sous Charles VIII, le confesseur du roi perdit la supériorité sur le grand aumônier. […] Ils lui firent des noirceurs, & voulurent le perdre auprès de Jacques premier & de Charles premier, dont il étoit médecin. […] L’exercice public de l’usure fut ce qui révolta les juges & perdit Renaudot. […] Le professeur Hook perdit sa chaire depuis, mais par l’autorité seule du cardinal de Tencin.

907. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Dès qu’ils sont isolés, ils perdent tout intérêt ou même deviennent pénibles. […] Morris, tout en expliquant le procédé technique du tissage, n’a jamais perdu de vue qu’il faisait une leçon de l’art. […] Mais en fait, l’œuvre de la merveilleuse chanteuse de Lesbos est entièrement perdu pour nous. […] Plus tard ce fut un son, à demi perdu dans le son d’un rivage lointain. […] Ne perds pas une vision de sa figure passagère.

908. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fertiault, François (1814-1915) »

Sainte-Beuve Je ne ferai que passer devant vous, couple conjugal qui unissez vos deux voix ; qui, après avoir perdu un enfant, votre unique amour, l’avez pleuré dans un long sanglot, et qui, cette fois, inconsolés encore, mais dans un deuil apaisé, avez songé à lui en composant des chants gradués pour les divers âges, continuant ainsi en idée, d’une manière touchante, à vous occuper, dans la personne des autres, de celui qui n’a pas assez vécu pour nous.

909. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Siefert, Louisa (1845-1877) »

Siefert, Louisa (1845-1877) [Bibliographie] Rayons perdus (1868). — Les Stoïques (1870)

910. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » p. 316

Après avoir fait passer dans notre langue plusieurs morceaux intéressans de la Littérature Italienne, & avoir publié un excellent Dictionnaire historique des Artistes, en deux gros volumes in-8°, il a succédé à M. de Querlon dans la rédaction des Annonces & Affiches pour la Province ; & l’on s’apperçoit de plus en plus que cette Feuille n’a dégénéré ni du côté du style, ni rien perdu du côté de la solidité des principes, de la justesse, de la critique, & de l’honnêteté des jugemens.

911. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Michel, Henri »

Sa poésie a gagné en force et en signification ce qu’elle a perdu en diffusion et en banalité.

912. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 430

Campigneules, [Charles-Claude-Florent Thorel de] Trésorier de France, des Académies d’Angers, de Ville-Franche, de Lyon, de Caen & des Arcades de Rome, né à Montreuil sur mer en 1737 ; Auteur qui a débuté par un Roman intitulé le Temps perdu, titre des plus convenables au temps qu’il a employé à le composer, & à celui que le Lecteur emploieroit à le lire.

913. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 351

Mais les suffrages du Gouvernement & des Hommes sages, sont bien capables de les dédommager de la petite gloire qu'ils perdent, & qui ne vaut pas la satisfaction légitime que doit éprouver quiconque peut dire, comme M.

914. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Quoi qu’il en soit, on s’extasie de surprise et d’admiration quand on voit une terre qui a perdu l’empire du monde, puis sa propre liberté, puis ses dieux, puis sa langue même ; une terre qui avait produit Cicéron, Horace, Virgile, reproduire tout à coup, dans une autre langue, mais dans un même génie, Dante, Arioste, Pétrarque, le Tasse et Machiavel. […] « Mais non pas plutôt du rameau maternel ou de son buisson épineux elle est détachée, que tout ce qu’elle avait de faveur du ciel, de la terre et des hommes, tendresse, admiration, beauté, tout elle perd à la fois ; la jeune fille, qui de cette fleur d’innocence doit avoir plus de soin que de ses yeux et de sa vie, laisse cueillir le trésor, perd à l’instant, dans le cœur de tous ses autres admirateurs, tout le prix qu’elle avait avant à leurs yeux ! […] — “Frère insensé, lui crie-t-il en lui arrachant l’épée des mains, peux-tu bien avoir perdu à ce point la raison que tu t’immoles pour une femme ? […] « Cependant, ajoute Olinde, le prince perfide qui a abusé de mon amour pour perdre, par son subterfuge, Ginevra, craignant que je ne révèle son crime et l’innocence de ma maîtresse, m’a livrée à ces assassins qui, sans vous, allaient m’arracher la vie. » Renaud fait monter Olinde, voilée, à cheval, et entre avec elle dans la capitale. […] Le chanoine même était attendri : « Vous voyez, dit-il à la comtesse Léna, que l’épisode n’a rien perdu de son charme par les cinq ou six stances, non licencieuses, mais un peu étourdies, que j’ai retranchées.

915. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Alors, comme on ne voit pas l’intérêt qu’elle aurait à laisser échapper les connaissances qu’elle tient, vouée qu’elle serait à la connaissance pure, on ne comprend pas qu’elle renonce à éclairer ce qui n’est pas entièrement perdu pour elle. […] La mémoire consciente perd ainsi en étendue ce qu’elle gagne en force de pénétration : elle avait d’abord la facilité de la mémoire des rêves, mais c’est que bien réellement elle rêvait. […] Cette perturbation suffirait à créer une espèce de vertige psychique, et à faire ainsi que la mémoire et l’attention perdent contact avec la réalité. Qu’on lise les descriptions données par certains fous de leur maladie naissante : on verra qu’ils éprouvent souvent un sentiment d’étrangeté ou, comme ils disent, de « non-réalité », comme si les choses perçues perdaient pour eux de leur relief et de leur solidité 88. […] Dans le second, l’équilibre ne sera pas rompu, mais il perdra de sa complexité.

916. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

La France ne fut un peu consolée que lorsqu’elle se vit rentrée, par la domination de Richelieu, dans une autre période de grandeur ; mais l’idée de bonté qui faisait partie du souvenir de Henri IV ne perdait pas à la comparaison, et alla même en s’exagérant avec les années. […] Ces harangues sont vives et assez courtes, animées de certains mots saillants qu’on retient et qui sont la signature de celui qui les a prononcées, on perdrait sa peine d’y chercher l’application des règles de la rhétorique ancienne et d’y vouloir vérifier les partitions oratoires. […] Toutefois il ne perdait (occasion) à m’en faire instance, jusques à ce que j’eus le moyen de m’en défaire par une demande que je lui fis : s’il ne désirait pas être tenu et reconnu roi de France, et l’être aussi ?

917. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Il s’agissait de trouver un personnage qui les poussât et les guidât, « adroit à manier les peuples, agréable aux Grisons (la plupart protestants) », propre « à remettre ces gens-là peu à peu et à regraver dans leurs esprits la dévotion qu’ils commençaient à perdre pour les Français, et qui fût de tel poids, qu’il pût être en ce pays comme garant et caution de son maître », sans que le nom de ce maître fût mis d’abord trop en montre. […] Les Français ne perdirent pas vingt hommes en tout dans le combat. […] Serbelloni ne se retira que blessé ; le comte de San-Secundo, commandant de la cavalerie, fut tué ; les Espagnols y perdirent plus de 800 hommes, les Français 450, et grande quantité d’officiers furent blessés.

918. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Comment voulez-vous que j’aille m’intéresser à cette guerre perdue, enterrée dans les défilés ou les sables de l’Afrique, à la révolte de ces peuplades lybiennes et plus ou moins autochtones contre leurs maîtres les Carthaginois, à ces mauvaises petites haines locales de barbare à barbare ? […] Quand un artiste veut sortir de l’inspiration de son temps, il court grand risque d’être comme l’antique et fabuleux Antée, qui perd terre. […] Rien n’est perdu ni compromis, et je me serais bien mal fait comprendre si je n’avais marqué mon estime même pour l’auteur, en le critiquant si longuement.

919. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Elle perdra la cruelle habitude de la terreur ; ses enfants, à votre vue, ne courront, plus vers elle comme des colombes effrayées, et vos larmes ne couleront plus en silence pour expier les torts de votre complexion. » L’ayant, un jour, emmené chez lui à Marly, il l’observe et l’étudie sans en avoir l’air et sans lui porter ombrage ; il essaye de lui insinuer sous toutes les formes l’apaisement et la douceur, et plus content il fait part à Mme Deleyre du résultat obtenu : « Si j’en juge bien par les apparences, il me semble que son âme est plus tranquille. […] Mais un grand malheur vient atteindre Ducis ; il est frappé par le côté le plus sensible, il perd une de ses filles, et sous le coup qui l’accable, il écrit à Deleyre une de ces lettres abreuvées d’amertume, où le cœur déborde, et plus faite peut-être que toutes les consolations précédentes pour le guérir par le spectacle de ce que c’est qu’une vraie et réelle douleur : « 4 mai 1783. […] » Mon cher ami, ce n’est que là qu’on peut trouver quelque consolation, quand on a perdu sa fille.

920. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Mes idées étaient auparavant laborieuses et pénibles ; quand j’avais fait quinze ou vingt vers, je n’avais pas perdu ma journée : aujourd’hui, j’en fais cent, deux cents, et plus encore. […] Lebrun, dans sa jeunesse, sans précisément s’endormir, perdit, en effet, du temps à rêver et à être heureux : il faut en tout genre, quand on aime la gloire, être prompt à saisir, à remplir sa destinée. […] Je croyais ta flamme perdue, Et je disais : La Muse a cessé de m’aimer.

921. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Ce qu’il proposait lui-même de spécifique et d’original, ce qu’il aurait voulu voir adopter, la mesure du désarmement, l’idée de faire passer l’État du rang de percepteur à celui d’assureur, la suppression des octrois, le rachat par l’État de tous les monopoles…, ces fragments d’un plan général qu’il avait conçu, je n’en dirai rien, parce que de tels projets radicaux se perdaient alors dans tous ceux que chacun proposait à l’envi et qui couvraient les murailles comme une éruption universelle. […] Tout dépendait de la bonne contenance ; un faux pas, un air d’indécision eut tout perdu. […] Il lui semble qu’un Louis XVI plus énergique, en 1775, aurait pu, en soutenant Turgot, et sans rien perdre par lui-même du prestige de la souveraineté, réaliser à temps cette liberté octroyée, équitable, humaine, populaire, débonnaire sans faiblesse, la plus complète qui se soit encore vue sous le soleil.

922. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Je n’aime point cette besogne, mais il faut bien s’y résoudre, car, sans cela, nous aurions vu arriver non pas les calendes de janvier 1736, mais celles de 1836, avant que la Compagnie eût pu se trouver d’accord. » Au moment de mettre sous presse, on fut encore arrêté quelque temps, du fait de l’imprimeur : « Coignard, écrivait l’abbé d’Olivet (8 avril 1736), a depuis six semaines la lettre A, mais ce qui fait qu’il n’a pas encore commencé à imprimer, c’est qu’il n’avait pas pris la précaution de faire fondre des E accentués, et il en faudra beaucoup parce qu’en beaucoup de mots nous avons supprimé les S de l’ancienne orthographe, comme dans despescher, teste, masle, que nous allons écrire dépêcher, tête, mâle, etc. » Le xvie  siècle avait été hardi ; le xviie était redevenu timide et soumis en bien des choses ; le xviiie reprit de la hardiesse, et l’orthographe, comme tout le reste, s’en ressentit : elle perdit ou rabattit quelque peu, dès l’abord, de l’ample perruque dont on l’avait affublée. […] Tout le terrain gagné en théorie depuis Port-Royal jusqu’à Daunou semble perdu. […] Et en particulier sur cet article des termes en usage : « On a retranché, disait-il, si je ne me trompe, plus de mots (du vieux langage) qu’on n’en a introduit… Je voudrais n’en perdre aucun et en acquérir de nouveaux.

923. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

M. de Lamartine s’élevait pourtant dans le lyrique ; sa voix s’étendait et se variait, son haleine devenait plus longue et accusait plus de puissance : le talent enfin, l’art(si l’on peut lui appliquer ce mot), gagnait en lui, et à la fois les sentiments divers abondaient sur ses lèvres avec assez de nouveauté et de magnificence pour racheter ce qu’ils avaient perdu de leur première unité. […] tout homme ainsi commence… Puis, expliquant sa transformation et comment il est arrivé à perdre sa voix dans le grand chœur, il ajoute :   Alors, par la vertu, la pitié m’a fait homme ;…  Passé, présent, futur, ont frémi sur ma fibre… et dans cette longue et pénible incarnation de l’humanité en lui, qu’il nous développe, il croit qu’il ne parle plus de lui, tandis que le je y revient sans cesse et s’y articule à chaque vers. […] me disais-je, peut-être qu’après tout le grand poëte que voici n’a pas tort, et qu’en se donnant plus de peine, elle serait perdue.

924. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Mais l’art y perd. […] L’ouvrage des écrivains perdra en densité ce qu’il gagnera en volume. […] Il y a bien des aventures, aussi, dont Gil Blas est le vrai héros, et dont la suppression ne ferait rien perdre à l’ouvrage.

925. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Mais, séparée des faits de l’histoire, saisie seulement dans ses formes littéraires, l’éloquence révolutionnaire perd singulièrement de sa valeur. […] Une vie désordonnée, des dettes, des duels, des séductions : tout ce que de charmants seigneurs faisaient communément sans perdre leur réputation de galants hommes, tout ce qui valait à un Lauzun sa royauté mondaine. […] Mais ceux qui le payaient ne croyaient pas en lui ; ceux qui l’écoutaient n’y croyaient plus : la cour perdit son argent.

926. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Le nombre des acteurs se montait à dix-sept ou dix-huit, entre lesquels brillaient M. et Mme de Bouillon, et M. de Vendôme, lequel, suivant son train ordinaire, perdit au moins la moitié de l’hôtel de Vendôme. […] Je ne sais si Mme d’Aligre mena La Bruyère plus loin que l’amitié ; quant à Chaulieu, qui la posséda, la perdit et la reconquit tour à tour, il l’a célébrée elle et sa grâce, son esprit de saillie, ses vivacités brillantes et ses infidélités même, d’une manière qui fait un contraste piquant, mais non pas un désaccord avec le portrait nuancé de La Bruyère. […] Entre vous et moi, je le crois totalement perdu. » En maint endroit de ses Mémoires, La Fare déplore la perte de la galanterie et l’invasion des mauvaises mœurs, comme on le ferait de nos jours.

927. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

Ainsi plus tard, en écrivant, elle ne perdra aucune occasion de placer un précepte, une recette, soit de morale, soit de médecine. […] Le manuscrit s’est perdu ; mais ce qu’elle ne perdit jamais, c’est l’habitude de traduire en livre, en roman, en leçon, tout ce qui s’offrait à elle.

928. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Lui donc, comme Pline l’Ancien, auquel en cela on l’a justement comparé, il n’aurait pas perdu une minute de temps utile, même pendant ses repas. […] A voir s’ouvrir cette lice grandiose et presque olympique dont Montesquieu eût envié avec la justesse le relief éclatant, il devient clair que le lecteur de Pindare n’a point perdu ses veilles, et que M. de Maistre est déjà trouvé. […] Le xviiie  siècle ne nous a pas accoutumés à ces regards d’en haut, perdus en France depuis Bossuet. […] On perdrait soi-même la juste mesure si on le voulait juger sur le pied d’un philosophe impartial. […] Le Consulat surtout en tint compte et s’y fonda ; l’Empire à la fin la méconnut tout à fait et se perdit.

929. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Il avait perdu la vue, volontairement, en écrivant, quoique malade, et malgré la défense des médecins, pour justifier le peuple anglais contre les invectives de Saumaise. […] La conscience, ami, de les avoir perdus, usés pour la défense de la liberté, ma noble tâche, dont l’Europe parle d’un bord à l’autre. […] et toi aussi, roi tout-puissant, rédempteur de ce reste perdu dont tu as pris la nature, ineffable et immortel amour ! […] Il rencontre dans Samson une tragédie froide et haute, dans le Paradis regagné une épopée froide et noble, et compose un poëme imparfait et sublime, le Paradis perdu. […] Un scrivener lui fit perdre une somme de 2000 liv. sterl.

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