Les virtuoses de la parole et de la plume ont vu leur domaine se rétrécir d’autant, et aussi les plus habiles, les plus avisés d’entre eux n’ont rien trouvé de mieux, pour ne pas se laisser tout à fait dépouiller et amoindrir, que de se mettre en campagne à leur tour, de s’emparer de toutes ces langues spéciales, techniques et plus ou moins pittoresques, que s’interdisait autrefois le beau langage, de s’en servir hardiment, avec industrie et curiosité, se promettant bien d’ailleurs d’y répandre un vernis et un éclat que les spéciaux n’atteignent ni ne cherchent. […] Il y a vingt-cinq ans environ, il mourait dans le canton de Vaud un homme du premier mérite comme intelligence religieuse, philosophique et littéraire, et aussi comme talent et grâce de parole, dans la conversation surtout. […] Autrefois, du temps de l’Empire romain, il y avait des rhéteurs ou sophistes qui couraient les provinces et les villes, et dont quelques-uns, par leurs tours de force et leur dextérité de parole, obtenaient de prodigieux succès. […] C’est un excellent vulgarisateur, sans prétention, et qui se plaît à parler moins en son nom qu’avec l’esprit et les paroles des autres.
Fénelon n’avait pas assez d’énergie dans l’imagination pour exercer sur ses pensées cette pression du style qui les incruste dans le rhythme et qui solidifie, pour ainsi dire, la parole et l’image en les jetant dans le moule des vers ; mais sa prose, aussi poétique que la poésie, si elle n’a pas toute la perfection, toute la cadence et l’harmonie de la strophe, en a cependant le charme. […] On y sent une prière, une adoration perpétuelle sous chaque parole, comme la chaleur sous la vie. […] Il n’eut pas le temps d’échanger une seule parole avec son frère, qui lui avait apporté le coup pour l’adoucir. […] Il en coûte sans doute à s’humilier ; mais la moindre résistance coûterait cent fois davantage à mon cœur. » XXX Le lendemain, il publia une déclaration à ses diocésains, dans laquelle il s’accuse lui-même d’erreur dans son livre des Maximes des Saints. « Nous nous consolons, dit-il dans cette déclaration, de ce qui nous humilie, pourvu que le ministère de la parole que nous avons reçu du Seigneur pour votre sanctification n’en soit pas affaibli, et que l’humiliation du pasteur profite en grâce et en fidélité au troupeau. » Sans doute l’arrêt officiel de Rome ne changea pas au fond de son cœur ses sublimes convictions sur l’amour désintéressé et absolu de Dieu : il ne crut pas s’être trompé dans ce qu’il sentait ; mais il crut s’être égaré dans ce qu’il avait exprimé ; il crut surtout que l’Église voulait imposer le silence sur des subtilités qui peuvent troubler les âmes et embarrasser son gouvernement, et il acquiesça avec bonne foi et avec humilité à ce silence.
Billevesées, fadaises, paroles en l’air, ont crié quelquefois des juristes choqués de ces empiètements sur leurs terres et triomphant de quelques erreurs échappées à leurs confrères improvisés ! […] S’il importe ainsi, pour s’expliquer le ton, l’abondance et le succès de certaines œuvres, de connaître le régime légal où a dû évoluer la pensée écrite, il ne faut pas non plus négliger les conditions faites à la parole. […] Il n’est donc pas étonnant que la parole ait été purement et simplement étouffée par des pouvoirs ombrageux. […] Encore aujourd’hui, moitié par la mauvaise volonté persistante des dépositaires de l’autorité, moitié par la faute des auditeurs qui savent mal écouter et supporter la contradiction, on peut dire que la parole libre est à peine entrée dans les mœurs françaises et, au moindre frisson de réaction, elle est aussitôt suspendue ou menacée.
Un soir, à la tombée du crépuscule, assis dans le salon déjà sombre, devant le jardin, — comme de rares paroles, entre de longs silences, venaient d’être échangées, sans avoir troublé le recueillement où nous nous plaisions, — je demandai, sans vains préambules, à Wagner, si c’était pour ainsi dire, artificiellement — (à force de science et de puissance intellectuelle, en un mot) — qu’il était parvenu à pénétrer son œuvre, Rienzi, Tannhæuser, Lohengrin, le Vaisseau Fantôme, les Maîtres Chanteurs même — et le Parsifal auquel il songeait déjà — de cette si haute impression de mysticité qui en émanait, — bref, si, en dehors de toute croyance personnelle, il s’était trouvé assez libre-penseur, assez indépendant de conscience, pour n’être chrétien qu’autant que les sujets de ses drames-lyriques le nécessitaient ; s’il regardait, enfin, le Christianisme, du même regard que ces mythes scandinaves dont il avait si magnifiquement fait revivre le symbolisme en ses Niebelungen. […] Certes, ce furent là de profondes, de graves paroles… ― Mais, comme l’a dit Charles Baudelaire, à quoi bon répéter, ces grandes, ces éternelles, ces inutiles véritésy ! […] On le sentait, aux paroles qui coulaient de lui comme un torrent de lave, qu’il mènerait à bonne fin la tâche qu’il s’était proposée, qu’il avait cette consécration du génie, par laquelle l’idéal se transforme en une tangible réalité. […] Il cherchait un homme qui eût la puissance et la volonté de l’aider : « Si je trouvais un prince ayant dans l’âme assez d’idéal pour me comprendre, assez de grandeur pour m’aider de sa puissance, — l’avenir de l’art serait assuré. » Trouverez-vous mauvais, Elisabeth, que j’aie considéré ces belles paroles comme un appel du destin adressé à moi, à moi !
Le jeune homme, qui ne comprend rien à ces dures paroles, les reçoit comme une leçon donnée à la pauvreté qui s’expose, et jure de perdre son nom si on l’y reprend. […] Restée seule avec sa soeur Julie, Philiberte lui raconte comme quoi elle vient de se découvrir un attrait, un charme, la possibilité d’être aimée ; puis les paroles du chevalier reviennent à sa mémoire, et elle s’étonne de rougir si tard de cette impudence. […] Cependant, Raymond méconnu ne veut plus rien entendre : les paroles de Philiberte l’ont frappé au cœur ; la blessure est incurable ; il n’aime plus, il n’aimera jamais. […] Alors le peintre arrive, pâle de colère, et son cœur éclate en paroles vengeresses ; il démasque le traître, il bafoue le parvenu, il flétrit l’ingrat.
» Portant donc la parole pour cette lanterne le lendemain de la nuit du 4 août, au milieu de beaucoup d’éloges décernés aux membres de l’Assemblée et aux Parisiens, il lui fera dire : Il est temps que je mêle à ces éloges de justes plaintes. […] Il a des enfilades de mots, de ces litanies où le flux des paroles l’emporte. […] Il faut mettre ces tristes paroles en regard du troisième numéro du Vieux Cordelier, qui les expie. […] Quand il aurait conscience de ces qualités-là, il serait obligé d’imiter d’autant plus en paroles le dévergondage d’alentour, qu’il essaie pour la première fois de s’y soustraire en action.
Cette idée, qui fut pour elle une religion, lui dicte en toute occasion des paroles d’une vanité bien franche, bien naïve, et lui impose des sentiments qui visent à la grandeur et qui du moins ne dérogent pas à la dignité. […] Impatiente des pourparlers qui se prolongeaient, Mademoiselle se promenait devant les remparts, excitant les gens du dedans par ses gestes et ses paroles ; puis, voyant qu’il fallait plus compter sur le menu peuple que sur les gros bourgeois, elle se jeta dans une barque que des bateliers lui offraient, fit rompre une porte mal gardée qui donnait sur le quai, et par laquelle on ne l’attendait pas : quand il y eut deux planches rompues, on la passa par le trou, et la voilà introduite, de loin suivie par ses dames qui prirent le même chemin, portée en triomphe par le peuple, et en un clin d’œil maîtresse de la place : Car, lorsque des personnes de ma qualité sont dans un lieu, dit-elle au gouverneur et à l’échevinage un peu étonnés, elles y sont les maîtresses, et avec assez de justice : je la dois être en celui-ci, puisqu’il est à Monsieur. — Ils me firent leurs compliments, assez effrayés… Arrivée à mon logis, je reçus les harangues de tous les corps et les honneurs qui m’étaient dus, comme en un autre temps. […] Elle dit au maréchal de L’Hôpital, qui résistait le plus qu’il pouvait, ces nobles paroles : Songez, monsieur, que, pendant que l’on s’amuse à disputer sur des choses inutiles, M. le Prince est en péril, dans vos faubourgs. […] C’étaient des révérences profondes, des assurances de soumission à n’en pas finir, mais il faisait la sourde oreille à toute parole tendre ; et non seulement lui, mais Baraille, officier de sa compagnie, et qui était son homme de confiance, faisait de même : Toutes les fois que je le rencontrais (Baraille), je le saluais, nous dit Mademoiselle, pour lui donner quelque envie de m’approcher ; il faisait toujours semblant de croire que c’était à quelque autre personne que je m’adressais, et me faisait cependant de profondes révérences d’un côté, et se retirait de l’autre : dont j’étais au désespoir.
Il a des paroles de tolérance et d’intelligence universelle qu’il n’a pas toujours pratiquées, et qu’il lui arrivera d’oublier encore : C’est pour ne connaître, dit-il, que soi et les siens qu’on est opiniâtre ; c’est pour n’avoir vu que son clocher qu’on est intolérant, parce que l’opiniâtreté et l’intolérance ne sont que les fruits d’un égoïsme ignorant, et que quand on a vu beaucoup d’hommes, quand on a comparé beaucoup d’opinions, on s’aperçoit que chaque homme a son prix, que chaque opinion a ses raisons, et l’on émousse les angles tranchants d’une vanité neuve pour rouler doucement dans le torrent de la société. […] Il est clair (en prenant pour exactes au pied de la lettre les paroles d’Hérodote) que, si l’on pouvait fixer avec précision par l’astronomie la date de cette éclipse, on aurait un point fixe pour classer bien des événements de l’empire des Mèdes. […] » parole blessante, fausse en elle-même, car la France, qui voulait en effet une religion, ne voulait pas pour cela les Bourbons ; parole sans excuse d’ailleurs dans la bouche de Volney qui n’était nullement royaliste ni bourbonien.
» Une jeune fille robuste, vivante et libre est là, qui lui suggère de quitter la soutane, la livrée de deuil, qui le réconforte par son exemple, par ses franches paroles, qui s’impose bientôt à son cœur, à tout son être en éveil. « La nécessité d’une vie loyale, vécue normalement au plein jour » lui apparaît clairement. […] Comprendre, c’est une souillure ; croire sur parole, c’est être pur. […] C’est à tous qu’il importe d’ouvrir les yeux à la réalité ; mais c’est aux jeunes êtres voués au Minotaure-Église qu’il serait nécessaire d’adresser les plus pressantes paroles, les plus chauds et les plus directs avis. […] » Nous pourrions encore mieux servir les intérêts du jeune homme promis à la prêtrise, en répétant ces paroles d’un noble esprit : « Il faut qu’il prenne conscience avec nous du seul dieu réel et méconnu qui a créé à sont image tous les dieux évanouis, du dieu futur, l’Homme.
Peut-être même, chez un peuple dont l’humeur sociable et douce aime à communiquer ses sentiments et ses idées, et chez qui les femmes de tout temps exercèrent leur empire, la parole dut se perfectionner et s’adoucir un peu plus tôt que chez d’autres nations, qui avaient moins le goût et le besoin de la société que nous. […] L’un commande à ses égaux par la parole, et fier de sa grandeur, qu’il fait lui-même, court se mettre à la place que lui assignent ses talents ; l’autre, toujours resserré, toujours repoussé par les rangs qui l’environnent et le pressent, porte souvent le poids d’une grande âme déplacée. […] Pour émouvoir le peuple, pour attendrir les juges, on avait recours à cette l’éloquence de spectacle, plus puissante que celle des paroles, et qui, en s’emparant des sens, passionne l’âme et la trouble. […] Elle apprend à l’imagination l’art d’appliquer la couleur à la pensée ; à l’esprit, l’art de donner du ressort aux idées en les resserrant ; à l’oreille, le secret de peindre par l’harmonie, et de joindre la musique à la parole.
Tout cela, disait-il, ce n’est que des paroles. […] Le geste y sera et la parole et la pompe officielle. […] Tout dans sa personne, regard, gestes, parole, disait la supériorité de l’intelligence. […] Et quelle parole ! […] « Je tiens parole à M. de Turenne », répliqua-t-il.
L’éclat soudain de cette vive parole, l’impétuosité et presque la brusquerie du geste et de l’accent, font croire à quelque chose d’excessif, et même de maladif, qui tient à une singularité de nature. […] Parlant du grand sermonnaire Bourdaloue, et de son existence cachée, en apparence si calme, si régulière, et d’où il ne nous est parvenu qu’une parole éloquente, M.
Ces beaux lieux, ces horizons vermeils, l’azur de cette mer, surtout cette créature adorée, tout l’inondait d’amour, tout lui peignait Dieu ; et les paroles leur manquaient, heureux amants ! […] Douloureuse parole, qui ouvre à l’âme des abîmes de pensées, et nous reporte malgré nous vers ces époques fatales des Symmaque et des Synésius !
On ne trouve donc point, dans les écrits de ce temps, le caractère qu’imprime toujours l’espoir d’être utile, cette juste mesure qui a pour but de déterminer une action, d’amener par la parole un résultat actuel et positif. […] » Les sénateurs entendant ces paroles, se jetèrent sur Scribonius ; et comme ils n’avaient point d’armes, ils le tuèrent à coups de canif.
Blémont cite, avec émotion, ces paroles prononcées par Swinburne à propos de l’Année terrible de Victor Hugo : « Non, maintenant, après tant de sombres jours, après tant de terreurs et tant d’angoisses, aucun ami de la France ne peut refuser à Paris la grandeur et la dignité que le premier de ses enfants a ainsi constatées au temps de ses misères. […] À la même heure, Verlaine écrivait ses Romances sans paroles où il abjurait l’idéal parnassien.
La parole aujourd’hui doit être à vos succès. […] Jouffroy adressait aux élèves du lycée Charlemagne ces sévères paroles : « C’est notre rôle à nous, à qui l’expérience a révélé la vraie vérité sur les choses de ce monde, de vous la dire.
En amour comme en religion, avec les femmes comme avec Dieu, ce prince était le plus grand donneur de paroles pour ne pas les tenir qui ait jamais existé, alors que la fierté de la parole donnée existait encore, et que l’outrage n’avait pas vieilli de l’ancien mot de foi mentie.
» Ce sont là de judicieuses paroles, sur lesquelles nous ne saurions trop méditer. […] Zola ait voulu les rappeler, et je ne saurais mieux faire que de lui laisser la parole : « Tout petits, dès leur sixième, ils s’étaient pris de la passion des longues promenades. […] Il se préoccupe avant tout de régler, selon un ordre naturel, l’entrée, le geste, l’action et les paroles de ses personnages. […] Et de semblables paroles garderont la puissance d’un évangile. […] Et celle de Hugo lui est venue bien moins de la grandiose et sauvage Légende des Siècles que de ses paroles dans le vent des révolutions — et de son exil.
Ce Mallarmé a vraiment une parole séductrice, avec de l’esprit qui n’est jamais méchant, mais soutenu d’une pointe de malice. […] Alors sa parole retourne à Rome, avouant que pendant qu’il était là-bas, sa pensée appelait tout le temps la mort du pape, appelait le spectacle d’un conclave, qu’il est en train de mettre en scène, avec une documentation très à effet, très dramatique. […] Alors le ministre prend la parole, et prononce un discours, comme jamais il n’en a été prononcé par un ministre décorant un homme de lettres, se défendant d’être là, comme ministre, et me demandant presque humblement de la part du gouvernement, la faveur de me laisser décorer. […] Je ne peux donc que vous remercier, en quelques brèves paroles, de votre affectueuse sympathie, et vous dire, que cette soirée que je vous dois, me paye de bien des duretés et des souffrances de ma carrière littéraire. […] En voiture, Mme Daudet s’élève, avec des paroles colères, contre ce militariat universel, qui est le tourment de la pensée de toutes les mères, envoyant leur malédiction à Bismarck.
Sainte-Beuve a démenti plus d’une fois ces promesses et ces paroles. […] Les premières paroles décidèrent de la victoire. […] Ainsi, en quelques paroles, presque sans paroles, il dit tout. […] Il salue, il est sobre en paroles, il tâte. […] l’espace retient mes paroles ?
Dans une ode sur l’amitié fraternelle, il relève les paroles suivantes : « Un frère pleure son frère avec des larmes véritables. […] Les secrets pensers de mon âme Sortent en paroles de flamme, A ton nom doucement émus : Ainsi la nacre industrieuse Jette sa perle précieuse, Honneur des sultanes d’Ormuz. […] Puis on recueillerait les divers morceaux et les témoignages intéressants sur André, à commencer par les courtes, mais consacrantes paroles, dans lesquelles l’auteur du Génie du Christianisme l’a tout d’abord révélé à la France, comme dans l’auréole de l’échafaud. […] André a pris de la Grèce le côté poétique, idéal, rêveur, le culte chaste de la muse au sein des doctes vallées : mais n’y aurait-il rien, dans celui que nous connaissons, de la vivacité, des hardiesses et des ressources quelque peu versatiles d’un de ces hommes d’État qui parurent vers la fin de la guerre du Péloponèse, et, pour tout dire en bon langage, n’est-ce donc pas quelqu’un des plus spirituels princes de la parole athénienne ? […] Il faut la traduire et rendre l’opposition de paroles… la mer t’a reçu avec elles (les Pléiades). » 64.
« C’est la première fois que Rome se déplace ainsi, dit Tacite : car, depuis le divin Auguste, le peuple romain avait combattu au loin pour l’ambition ou la gloire d’un seul homme ; sous Tibère et sous Caligula, on n’avait eu à gémir que des calamités de la paix ; la révolte de Scribonianus contre Claude avait été découverte et étouffée au même instant ; c’étaient des murmures et des paroles qui avaient expulsé Néron, plutôt que les armes. […] Ses paroles, admirablement reproduites par Tacite, sont dignes de Sénèque, son ancien maître : V « Exposer à la mort tant de courage et tant de fidélité, dit-il à ses troupes qui lui demandent encore le combat, est un sacrifice bien au-dessus du prix de ma propre vie. […] Les paroles du peuple, à l’aspect de ce cortège, étaient décourageantes et intempestives ; les soldats restaient dans un silence menaçant. […] » XXXV Ici, la page est déchirée, et le livre des histoires, interrompu par la mort de Rome, attend sous quelques monceaux de cendres qu’un heureux hasard rende la parole à la plus grande voix de l’antiquité……………………………………………………………………… XXXVI Les Annales de Tacite sont de la même main, mais d’une main plus magistrale encore et plus ferme. […] À ces paroles, Néron s’écrie que de ce jour seulement on lui donne véritablement l’empire, et qu’il doit ce présent à un affranchi !
« Lorsque Napoléon articula ces paroles pour la troisième fois, je ne dirai pas mon courage, mais mon peu de prudence dans cette occasion, et comme un zèle excessif de mon honneur, me firent passer les bornes. […] « À cette troisième profession de foi, si j’ose ainsi parler, il ne se contint plus ; mais, me regardant fixement, il éclata en ces paroles : “Oh ! […] Il expliqua ce qu’il entendait par les principaux : c’étaient les plus versés dans les questions théologiques, comme il ressortait de l’antithèse qu’il fit en disant au cardinal di Pietro, à qui s’adressaient ces paroles : “Faites que dans ce nombre se trouve le cardinal Consalvi, qui, s’il ignore la théologie, comme je le suppose, connaît bien, sait bien la science de la politique.” […] « J’ai été assez heureux pour fournir à Mgr Bernetti toutes les preuves du contraire, et il vous dira lui-même l’effet que mes paroles ont produit sur son esprit. […] Consalvi, jeune encore, avait le délire de la musique, cette langue sans parole qui vient du ciel et qui exprime sans mots ce que l’âme rêve et ce qui est le plus inexprimable aux langues humaines ; la musique, langue des anges, quand elle avait touché son âme, y restait à jamais comme le souvenir d’un autre monde, comme une apparition à l’âme d’un sens supérieur aux sens d’ici-bas.
Toutes leurs paroles me semblaient des oracles ; j’avais un tel respect pour eux, que je n’eus jamais un doute sur ce qu’ils me dirent avant l’âge de seize ans, quand je vins à Paris. […] En tout cas, notre pauvre fille était si timide, que la parole eût expiré sur ses lèvres. […] On ne put tirer d’elle une seule parole. […] Assister à la messe encore une dernière fois, quoique morte ; entendre ces paroles consolantes, ces chants qui sauvent ; être là sous le drap mortuaire, au milieu de l’assemblée des fidèles, famille qu’elle avait tant aimée, tout entendre sans être vue, pendant que tous penseraient à elle, prieraient pour elle, seraient occupés d’elle ; communier encore une fois avec les personnes pieuses avant de descendre sous la terre, quelle joie ! […] Le vicaire prononça sur sa tombe des paroles d’édification.
L’adjonction aux sons des paroles, ce n’était nullement une survenue de l’art littéraire dans la musique ; car les paroles, toutes destinées à être chantées, n’exprimaient point des notions précises, elles dirigeaient seulement l’émotion, indiquant sa nature exacte. […] Un opéra de Gluck, au contraire, et sans rien exprimer d’autre, sinon des émotions, — nous indique, au moyen des paroles, la situation de l’âme émue, et ce qui l’émeut. […] Il y a là des paroles expliquant les vérités à croire ; la musique qui recrée le fond de l’âme, répète toujours l’affirmation furieuse : l’âme croit, veut croire. […] » Un opéra en cinq actes ou — ce qui est meilleur — en cinq paroles.
Si les paroles de la troisième Béatitude s’appliquent aux nations comme aux individus, elle mérite d’avoir un bel avenir. […] Que chacun l’établisse dans sa sphère, là où son influence est possible et non autre part, qu’il ait mission céleste ou mission terrestre, que ce soit par la parole, ou la plume, s’il a reçu le don du Saint-Esprit, et simplement par sa vie, ce qui est toujours possible. […] Et quand, d’un geste fort, elles se furent quittées, nous ne dîmes plus aucune parole. […] Tes lettres sont la parole du chef, qui ranime le courage des hommes, qui fouette le sang. […] La grande parole initiale de Déroulède sur laquelle fut bâtie la Ligne et qui l’anime toujours (je la rappelai le 12 juillet 1914 en acceptant, bien indigne, la succession de notre chef), c’est : « Républicains, Bonapartistes, Légitimistes, Orléanistes, ce ne sont là, chez nous, que des prénoms.
Chacune des paroles du bien-aimé est une blessure pour sa conscience et son cœur. […] Les œuvres d’art sont donc comme de grandes prières, dont les belles choses visibles fournissent les paroles. […] Cette parole est vraie ailleurs qu’en philosophie, et M. […] Pas de parole qui ne s’entende dans ce silence, pas d’incident qui ne se détache avec relief sur ce fond de solitude. […] dirons-nous à notre tour, que voilà une parole déplaisante et qui sonne mal !
. — Paroles de Milton. […] Les vilaines paroles le feront rire par sympathie, les images effrontées le divertiront par réminiscence. […] Avec de pareilles mœurs, la parole remplace l’action. […] dit sir Peter, une réputation tuée à chaque parole ! […] Il faut lire cet épilogue, pour voir quelles paroles et quels détails on osait mettre dans la bouche d’une actrice.
C’était sous ce titre que les sœurs du Destin s’étaient d’abord adressées à moi, me renvoyant ensuite aux événements à venir par ces autres paroles : Salut, toi qui seras roi. […] Je le serai, mon amour ; et soyez de même aussi, je vous y exhorte : que votre continuelle attention s’occupe de Banquo ; indiquez sa prééminence par vos regards et vos paroles. — Nous ne serons jamais en sûreté tant qu’il nous faudra sans cesse nous laver de notre grandeur dans ce cours de flatteries, et faire de nos visages le masque qui doit servir à déguiser nos cœurs. […] Il connaît ta pensée ; écoute ses paroles, mais ne dis rien. […] Elle aurait dû mourir plus tard : il serait arrivé un moment auquel aurait convenu une semblable parole. […] À ce présage, son désespoir n’atteint pas son énergie, il meurt en combattant avec intrépidité ; on sent dans ses dernières paroles, comme dans celles de Saül dans la Bible, l’âpre accent qui défie le ciel.
Là, il s’arrête réfléchissant, et ayant mis dans l’intonation de ses dernières paroles, comme une appréhension voilée de l’avenir, comme un doute sur la fondation définitive de la République. […] Cette parole impressionnait si vivement Villemain, qu’à la fin de la séance, lui prenant les mains, il lui disait : « Soyez bon pour moi ! […] Un causeur, où dans la divagation loquace de la parole, une expression de peintre ou d’observateur, vous repince l’attention, et vous rengrène dans sa conversation. […] L’idée chez eux bronche, comme la parole chez d’autres. […] * * * — Quel joli peintre en paroles de la vie parisienne, que ce Forain.
Mérimée, sénateur, académicien, et membre du jury d’examen, a commencé par une cantate, paroles de M. […] Louis Lurine a lu ensuite un discours vivement applaudi, auquel a succédé une autre cantate, paroles de M. […] Et le poète, prenant la parole, décrit avec feu, avec rapidité, les différentes manières de le chercher ; mais, trop jeune sans doute et trop pur pour être censeur impitoyable, il s’arrête, il considère le bien à côté du mal, tant de charité, de dévouement, de patriotisme, de vertus militaires et de sacrifices, de poésie encore, tout ce trésor moral subsistant dans de belles âmes.
« Il a pris la parole : des restes de cette voix usée à déclamer des réquisitoires, qui passe sur les idées avec l’aisance et la mélodie d’une scie édentée, il a proposé dans l’intérêt de l’Église une chose bien simple, un court article additionnel, etc… » Et cet autre plus agréable, ce garde des sceaux en fonction, mais qui évite tant qu’il peut les batailles rangées, il n’attrape qu’un mot, mais le mot est bon : « Son premier soin a été naturellement de rapetisser le débat pour le mieux remplir. » (M. […] Veuillot le respecte ; il n’a que des hommages pour la dignité, pour la majesté de sa parole ; mais la parole n’est pas tout.
Chaque parole, chaque action respire la piété et la simplicité. […] N’oublions pas que nous sommes avec des chrétiens redevenus primitifs et qui remontent aux moindres paroles de l’Écriture comme à une source sacrée. […] Mais la réflexion que vous faites, monsieur, sur cette belle circonstance de l’histoire de ces anciens enfants des Saints, convient tout à fait à la haute idée qu’une religion aussi éclairée que la vôtre donne de l’image de Dieu qui est dans l’homme, et de l’alliance que Jésus-Christ a élevée à ia dignité de sacrement… » Et il prenait de là occasion pour citer, à son tour, plus d’une parole de l’Écriture se rapportant à l’union mystique du Verbe avec la nature humaine et du Sauveur avec son Église, toutes choses divines dont le mariage humain, en tant que sacrement, n’est que l’ombre et la figure.
C’est elle qui a dit cette parole durable : « Le vrai est comme il peut, et n’a de mérite que d’être ce qu’il est. » Aussi ses Mémoires sont au contraire des romans qu’on rêve, et ils vont comme la vie, en s’attristant. […] Enfin j’avois acquis, quoique infiniment petite, tous les défauts des grands : cela m’a servi depuis à les excuser en eux. » Ainsi élevée, ainsi traitée jusqu’à l’âge de vingt-six ans sur le pied d’une perfection et d’une merveille, lorsqu’elle tomba plus tard en servitude, ce fut comme une petite Reine déchue, et elle en garda les sentiments, « persuadée qu’il n’y a que nos propres actions qui puissent nous dégrader », dit-elle ; aucun fait de sa vie n’a démenti cette généreuse parole. […] ; je suis si lasse de voir des fleurs et d’en entendre parler, que j’attends avec impatience la neige et les frimas. » Il n’y a plus rien après une telle parole.
Sa parole, remarquable dans le latin du temps, d’ailleurs toute nourrie et imitée de saint Augustin, au milieu des oppositions de mots et de sons qu’elle affecte, a une sorte de douce magnificence. […] Anselme, qui a de beaux mots et des paroles heureuses pour exprimer sa pensée, disait en écrivant à Baudouin, roi de Jérusalem : « Il n’est rien qui soit plus cher à Dieu en ce monde que la liberté de son Église. » Ç’a été comme la devise et la maxime des seize dernières années de sa vie, et l’opinion catholique universelle lui en a su gré avec une solennelle reconnaissance. […] On a cité de lui dans ses derniers moments, et au milieu de toutes ses résignations chrétiennes, une parole qui montre la persistance naïve du métaphysicien en lui.
Le catholicisme apporte au monde une métaphysique et une morale en désaccord absolu avec les conceptions helléniques de l’époque classique. « Avec l’humilité, avec le mépris de la chair, avec la haine terrifiée de la nature, l’abandon des jouissances terrestres, la passion de la mort qui délivre et ouvre le paradis, un autre monde commençait104 », a-t-on dit, et nulles paroles ne caractérisèrent mieux cette étrange apothéose du non-être qu’amena le christianisme. […] Écoutez cette touchante parole : « … Peut-être que la vieille chanson n’est pas si finie qu’on pense et pourrait bien être le prochain remède, la solution de demain aux attentes de l’heure actuelle… Qui sait si, cette fois encore, ce n’est pas la « vieille chanson » qui sera le remède et la conclusion de tant d’agitations douloureuses. […] Mais lorsque vous concluez de la brusque reculade d’un petit nombre d’affaiblis à la marche en arrière de l’humanité, comment voulez-vous que cette humanité, par la voix de ses individus conscients, ne salue pas vos paroles dérisoires de sa plus cinglante moquerie ?
» L’adulateur moderne qui renouvelait ce souvenir pour l’inexorable cardinal, ajoutait : « Aux paroles de ces hommes obscurs, proférées sans contrainte et sans flatterie, César fut si touché que, par comparaison, il comptait pour peu les plus honorifiques décrets du sénat, les noms inscrits des nations subjuguées, les trophées qu’on lui élevait et ses propres triomphes. » On le croira sans peine : le pouvoir d’Octave était fondé sur la réalité de la dictature et l’apparence de la démocratie. […] Pindare en effet se bornait à dire : « Une parole immortelle, c’est une parole bien dite. » Horace, dans son orgueil poétique, affecte plus d’ivresse.
Mais laissons la parole à M. […] Ce médecin a tenu parole. […] « Aux premières étoiles la veuve principale prend la parole. […] Mais ce qui ne saurait se dire, c’est le charme de sa parole. […] Il s’arrêta presque à chaque pas, se laissant entourer et adressant à chacun quelques paroles.
Ne pouvant lui adresser la parole, je me contentai de l’écouter parler. […] Il tint parole. […] Il tint parole. […] » L’auteur de Mlle Fifi avait tenu parole. […] Il s’était juré qu’Aicard serait de l’Académie : il a tenu parole.
Un jugement sur cet auteur ne peut être que le commentaire motivé des paroles de Louis XIV. […] Soyez fidèle à lire et à prier dans les temps de réserve, et à marcher pendant la journée en présence de Dieu. » Après la prise de Lille, il le loue d’avoir dit, en parlant de son revers, ces aimables paroles : Hi in curribus et hi in equis, etc., etc. […] En lisant Fénelon, on est poursuivi des images de ces hommes divins qu’il admirait tant dans Homère, lesquels répandaient les paroles ailées et tenaient les peuples suspendus à leur bouche d’or. […] S’il l’enlève dès les premières paroles, il ne le soutient pas. […] Voici un trait comme il ne s’en rencontre que dans les écrits de Fénelon : parlant de Démosthène : « Il se sert de la parole, dit-il, comme un homme modeste se sert de son habit pour se couvrir. » Image à la fois sévère et aimable, je la voudrais toujours présente à ceux qui manient la parole ou la plume.
Son visage est allongé ; sa démarche et son geste sont graves ; sa parole est rare et réfléchie. […] Dante fait comme vous, Marcel ; trouvant difficulté au sens de ces paroles, il s’adresse à Virgile pour qu’on les lui explique. […] À peine quelques paroles sont échangées entre les deux Toscans que, d’une tombe voisine, une ombre qui semble s’être levée sur ses genoux, surgit. […] Dante adresse à Béatrice des paroles telles que jamais ni amant ni poëte n’en dira de plus belles à aucune femme. […] Voilà une admirable parole !
Quel plaisir de s’attarder avec lui à recueillir les paroles imagées du morutier ! […] Dès les vers latins du collège, il révéla son goût pour les rythmes subtils et les paroles cadencées. […] On sait l’inanité de ses efforts antérieurs pour faire aboutir à l’impression les Romances sans paroles. […] Dès 1873, après avoir achevé ses Romances sans paroles, et à la suite d’une conférence de Vermersch entendue à Londres, il relut Eloa et les Destinées. […] Par contre, combien de pages du recueil imprimé trahissent la profane inspiration des Romances sans paroles ou semblent suggérées par le souci des événements politiques du jour !
Il a poussé un cri d’alarme, — des cris d’aigle, — comme s’il s’agissait de sauver le Capitole ; il a eu même des paroles légères pour « les étudiantes » (style du quartier Latin) ; ç’a été surtout, le dirai-je ? […] En somme, ce livre a de l’autorité à la fois et du mouvement ; il est sobre et ferme, et en même temps on y sent le souffle de la parole.
Les vers qu’on retient avec facilité, qu’on se rappelle avec plaisir, sont ceux dont le mérite ne se borne pas à l’arrangement harmonieux des paroles. […] Il est permis d’en douter beaucoup ; une grande partie de leur admiration sera sur notre parole ; ils sentiront faiblement, et se récrieront au hasard.
De là, quelques paroles d’une tristesse vraiment poétique, dans la tragédie de Thyeste : « Est roi celui qui ne craint pas, est roi celui qui ne forme pas de désir. […] Mais alors même Stace, reprenant avec une verve plus simple, trouve de belles et dernières paroles vraiment dignes de la lyre.
L’instruction n’est souvent autre chose que ce vent soufflé par la rotation des tamis et perceptible en paroles. […] La parole est féminine. […] Si on se taisait autour de lui, la parole resterait figée dans son cerveau. […] Mais que d’autres nuances et que le sourire aussi est riche en paroles ! […] Elle doit craindre un contact, un regard trop prolongé, une parole douteuse.
Sa parole fait autorité ailleurs même qu’à la Sorbonne. […] La parole jaillit abondante en des phrases larges, sonores et imagées. […] Feuillette de prendre la parole aux fêtes de Jeanne d’Arc. […] Il se pourrait que ce fût l’objet même de la parole sacrée, comme de toute parole. […] Il a une parole chaude et familière très propre à atteindre un auditoire populaire.
L’homme consentit à croire sur leur parole ses Poëtes et ses Docteurs. […] Un jour, leurs paroles se confondront en un seul magnifique Verbe. […] N’est-ce pas le sens des singulières paroles qu’il laisse échapper dans sa dédicace de Séraphîta à madame Éveline de Hanska ? […] Par ses étonnantes Romances sans paroles il a brisé les liens par trop étroits où le Parnasse avait enchainé le Vers. […] Brunetière observe que la plupart des titres des livres de vers décadents : Romances sans paroles (M.
Et j’allais quitter le boulevard du Temple, quand en face du Café Turc, je m’arrêtai, un moment, devant le nº 42, la maison à la petite porte cochère basse, où demeurait autrefois Flaubert, la maison aux bruyants déjeuners du dimanche, et où dans les batailles de parole et les violences du verbe, la spirituelle et crâne Lagier apportait une verve si drolatique, si cocasse, si amusante. […] La parole du romancier est colère, strangulée. […] Il était question des paroles à voix basse, qui se disaient avec une sorte de recueillement, devant cet autel de la pièce de cent sous, tout comme devant un autel, où figurerait la tête du Christ sur le voile de Véronique, — et même la remarque était faite de la physionomie de bedeaux, qu’avaient en ces endroits, les garçons de caisse. […] Et nos paroles remuent beaucoup de choses, et Drumont le chrétien et le socialiste, se déclare contre le revenu de l’argent, contre l’héritage : déclaration qui fait entrer Mme Daudet, dans une belle colère, pendant qu’elle couve, de la tendresse de ses yeux, ses trois enfants, et que Drumont répète assez drolatiquement : « Que voulez-vous, je suis sociologue… mon état est d’être sociologue ! […] Moi. — Si, j’y mettrais un enfant, moi, mais pas le moutard spirituel, pas l’enfant sentimentalement ventriloque du théâtre, j’y mettrais un bébé comme Mémé, un enfant de deux à trois ans, qui y jetterait le gazouillis d’un petit être de grâce, dans le sérieux des paroles.