… Les Dévotes ont bien évidemment la prétention d’être des caractères, et les Dévotes, si j’en crois les éditions que j’ai sous les yeux, furent son premier livre. […] L’idée de ce livre fascinant de J’aime les Morts a, au fond, même quand on ferme les yeux à l’éblouissante enluminure, une douceur dans l’amertume qui y fera sans cesse revenir.
On remarque que Trajan fut l’ami de Plutarque, de Tacite, de Pline et de Dion : cela devait être ; on ne hait que ceux dont on redoute le mépris ; et Trajan n’avait à rougir aux yeux ni de la raison, ni de la vertu. […] Son visage est ardent et sombre, son œil inquiet, ses manières sauvages.
Tous les objets dont on s’y occupe sont grands, et en même temps sont utiles ; c’est l’empire des connaissances humaines ; c’est là que vous voyez paraître tour à tour la géométrie qui analyse les grandeurs, et ouvre à la physique les portes de la nature ; l’algèbre, espèce de langue qui représente, par un signe, une suite innombrable de pensées, espèce de guide, qui marche un bandeau sur les yeux, et qui, à travers les nuages, poursuit et atteint ce qu’il ne connaît pas ; l’astronomie, qui mesure le soleil, compte les mondes, et de cent soixante-cinq millions de lieues, tire des lignes de communication avec l’homme ; la géographie, qui connaît la terre par les cieux ; la navigation, qui demande sa route aux satellites de Jupiter, et que ces astres guident en s’éclipsant ; la manœuvre, qui, par le calcul des résistances et des forces, apprend à marcher sur les mers ; la science des eaux, qui mesure, sépare, unit, fait voyager, fait monter, fait descendre les fleuves, et les travaille, pour ainsi dire, de la main de l’homme ; le génie qui sert dans les combats ; la mécanique qui multiplie les forces par le mouvement, et les arts par l’industrie, et sous des mains stupides crée des prodiges ; l’optique qui donne à l’homme un nouveau sens, comme la mécanique lui donne de nouveaux bras ; enfin les sciences qui s’occupent uniquement de notre conservation ; l’anatomie par l’étude des corps organisés et sensibles ; la botanique par celle des végétaux ; la chimie par la décomposition des liqueurs, des minéraux et des plantes ; et la science, aussi dangereuse que sublime, qui naît des trois ensemble, et qui applique leurs lumières réunies aux maux physiques qui nous désolent. […] Son art de présenter les objets, est pour l’esprit ce que le télescope est pour l’œil de l’observateur : il abrège les distances.
Les Pleureuses viennent l’une après l’autre ; tous leurs yeux n’ont pas les mêmes larmes, mais c’est le même convoi qu’elles suivent, le convoi, dirait-on, d’une âme morte avant de naître… C’est bien une âme, oui, plutôt même qu’un cœur, qui se désole en ce poème, tant tous les sentiments, l’amour, les désespoirs, et les haines aussi, s’y font rêve… Les Pleureuses pleurent en des limbes, limbes de souvenance où se serait reflété le futur.
Aussi fut-elle tout cela, comme l’exigeaient impérieusement la mode et les convenances ; mais quels démentis cruels donnaient à ce parti pris nécessaire son beau front droit, ses grands yeux plus éveillés que les cloches de matines, son petit nez retroussé comme ceux qui changent les lois d’un empire, et l’arc de sa jolie bouche, et son menton rose, et les énormes boucles de cheveux clairs, lumineux, couleur d’or, tombant à profusion sur un buste dont les blanches, éclatantes et superbes richesses chantaient glorieusement à tue-tête la gloire de Rubens, ivre de rose !
. — Des yeux au cœur (1890)
Il a vu le monde avec des yeux ingénus et avertis à la fois ; il sait les transformations des choses, la grande loi des pourritures renaissant en des êtres nouveaux (cf.
mais sa tête pâle, souffrante, ses yeux enfoncés et inquiets, sa bouche tourmentée, son grand front plein d’orages montrent clairement que. riche, heureux enfin, maître de son succès et de son art, propriétaire d’un beau château et d’un nom qui voltige sur les bouches des hommes, roi absolu du théâtre du Gymnase et du théâtre du Vaudeville, assez affermi dans sa tyrannie légitime pour pouvoir ne faire qu’une bouchée d’Edgard Poe et de Cervantès, et pour contraindre les poètes morts à lui gagner les droits d’auteur, — il ressent encore les souffrances passées du temps où les directeurs de spectacles, aujourd’hui ses esclaves !
Il étoit naturel que l’Abbé Desfontaines fût sensible à la dégradation des Lettres ; personne ne connoissoit mieux que lui les regles & les raisons des regles ; personne ne les développoit avec plus de finesse, d’agrément & de clarté ; personne ne saisissoit avec autant de précision les différens degrés du beau & les moindres nuances du ridicule ; l’œil sans cesse ouvert sur les moindres défauts, il les sentoit vivement, & ne faisoit grace à rien.
Il y a cependant apparence qu’il eût trouvé grace aux yeux des Auteurs du Systême de la Nature.
Armand, l’âge affoiblit mes yeux, Et toute ma chaleur me quitte ; Je verrai bientôt mes Aïeux Sur le rivage du Cocyte.
La Comédie du Persifleur mériteroit aussi des reproches du côté de l'intrigue & de l'action ; mais la finesse avec laquelle l'Auteur a saisi ce caractere si délié dans ses nuances, l'agrément des détails, la gaieté & la vérité des tableaux, la peinture des travers de nos mœurs, & surtout l'aisance de la versification, lui obtiendront grace aux yeux des connoisseurs, & justifieront le succès dont cette Piece a joui.
Après tout, si cette indulgence peut paroître excessive aux yeux des Gens de goût, l'ouvrage n'en fait pas moins d'honneur aux sentimens de M.
Enfin, le magistrat ouvrit les yeux, et se crut obligé, en 1545, de proscrire sévèrement cet alliage honteux de religion et de bouffonnerie.
pourquoi cette action ne l’écrase-t-elle pas ; ne lui tient-elle pas la bouche entrouverte, ne lui fait-elle pas sortir les yeux de la tête ; ne me la montre-t-elle pas prête à être étouffée ?
La lettre se termine ainsi par une dernière feuille datée du 17 au matin : « … J’ai repris mes petits Grecs qui grossissent à vue d’œil. […] On n’a pas les réponses de Mme de Charrière, ou du moins nous n’en avons sous les yeux que quelques-unes ; ces réponses existent pourtant, elles sont en d’autres mains. […] Ce 14 septembre 1789. » La réponse ou le projet de réponse qu’elle lui adressait est sous nos yeux, sur le papier même et au revers de la lettre d’injure : « Faites-moi la grâce de me dire si vous êtes bien ingrat et bien mauvais, ou si vous n’êtes qu’un peu fou. […] C’est ce que j’ignore ; mais j’ai peur qu’il n’en soit de ce secret comme de celui des francs-maçons, qui n’a de mérite qu’aux yeux des profanes. […] Les autres ne passent pas les yeux ni les oreilles, et ils laissent un vide que je n’éprouve pas lorsque j’ai été avec vous.
Mais je perds des semaines, des mois entiers ; je cède aux caprices du jour, je suis le regard de mes yeux. » À cela quel remède ? […] Le premier possède l’œil intérieur, qui voit la complexité et la vie. Le second projette le regard d’un œil à facettes qui décompose indéfiniment un objet par un morcelage fastidieux. […] L’œil ironique de M. de Voltaire est présent aux rendez-vous. […] Il y a un moment où la mort se confond avec le soleil du monde intelligible, et où l’œil intérieur les contemple avec une égale fixité.
Cladel a écrit pour lui une préface curieuse et il a eu bien raison de signaler la Chatte noire comme un chef-d’œuvre en son genre : Dans le moulin de Ponpeyrac, Se tient assise sur son sac Une chatte couleur d’ébène, Il est bien certain qu’elle dort : Ses yeux ne sont que deux fils d’or Et ses griffes sont dans leur gaine.
La gaieté du ciel et des arbres, le piaillement criard des moineaux, l’allégresse des cloches qui appelaient aux vêpres du dimanche, la quiétude heureuse, l’apaisement des choses de ce coin provincial, accentuaient le délabrement de la salle nue et froide où toussait ce pauvre malade, en qui les yeux seuls brillaient, comme si tout le vœu de vivre s’y était réfugié.
Le cœur gros de soupirs, les yeux noyés de larmes, Plus triste que la Mort dont je sens les larmes, Jusque dans le tombeau je vous suis, cher époux ; Comme je vous aimai d’une ardeur sans seconde, Comme je vous louai d’un langage assez doux, Pour ne plus rien aimer, ni rien louer au monde, J’ensevelis mon cœur & ma plume avec vous.
« Il faut bien se garder encore d’ouvrir les yeux ni trop, ni trop peu, de cligner ni de clignoter, de faire comme quelques Prédicateurs, qui ouvrent la bouche avec tant d’effort, qu’ils semblent vouloir y faire entrer leur Auditoire, & d’en imiter certains qui remuent la mâchoire inférieure avec tant de force, qu’ils paroissent croquer des noix.
Il est vrai qu’ils amusent par-là le peuple & les esprits légers ; mais les esprits éclairés n’en reconnoissent que mieux leur foiblesse, & bientôt les sots mêmes seront forcés d’ouvrir les yeux au milieu de la fumée enivrante dont ils les repaissent.
M. l’Abbé Veli avoit très-sagement senti que l’Histoire d’un Peuple ne se borne pas à l’Histoire de ses Rois ; que le tableau de ce qu’il a été dans l’ordre moral & civil, est pour le moins aussi piquant, aux yeux d’un Lecteur avide & éclairé, que celui des révolutions de son Gouvernement.
Il faut cependant rendre justice à quelques Strophes, & sur-tout à celle-ci, dont le quatrieme Vers paroîtra très-heureux : Qu’on te bénisse dans les Cieux, Où ta gloire éblouit les yeux, Où tes beautés n’ont point de voiles, Où l’on voit ce que nous croyons, Où tu marches sur les étoiles, Et d’où jusqu’aux Enfers tu lances tes rayons.
Pour ne les voir, les yeux tient toujours bas, Et si leur dit, laissez-moi, je vous prie ; Puis aussi-tôt revient à son, hélas !
On étoit alors si peu accoutumé à voir tourner en ridicule les objets les plus graves, à trouver dans les Livres des Satires si mordantes & si libres, des entretiens si licencieux & si orduriers, que la hardiesse qui enfanta cette singuliere & extravagante Production, en grossit le mérite aux yeux même de ceux qui l’eussent condamnée avec sévérité, en conservant leur sang froid.
L’Ange de la nuit repose au milieu des cieux, où il ressemble à la lune endormie sur un nuage ; ses yeux sont couverts d’un bandeau d’étoiles ; ses talons et son front sont un peu rougis de la pourpre de l’aurore et de celle du crépuscule ; l’Ange du silence le précède, et celui du mystère le suit.
« L’intention des chefs est qu’alors la gaieté des enfants soit sans entraves, et je n’ai pas de peine à croire que dans ces moments la discipline soit oubliée, qu’il se fasse mille espiègleries, qu’il y ait quelque dégât, que les gouverneurs soient inquiétés et tourmentés, qu’à la première issue qui se présente les élèves ne s’échappent de leurs yeux et ne se livrent à toutes leurs fantaisies.
Encore si l’on avait devant soi le tableau dont on écrit ; mais il est loin, et tandis que la tête appuyée sur les mains, ou les yeux égarés dans l’air, on en recherche la composition, l’esprit se fatigue, et l’on ne trace plus que des lignes insipides et froides.
Lueur, c’est l’effet direct d’une flamme, Luisance sera un reflet de flamme dans un panneau verni, dans la nacre humide de l’œil, dans le froncis d’une sombre et soyeuse étoffe, etc., la syllabe ance produisant l’illusion sonore des dernières vibrations d’une corde harmonique au moment où elle va cesser de bruire.
Un œil si doux peut-il rien percer ?
L’homme compatit aux maux dont il est le témoin ; il faut l’absence pour en émousser la vive impression ; le cœur en est touché quand l’œil les contemple. […] Les cent trente et un évêques et archevêques ont ensemble 5 600 000 livres de revenu épiscopal et 1 200 000 livres en abbayes, en moyenne 50 000 livres par tête dans l’imprimé, 100 000 en fait : aussi bien aux yeux des contemporains, au dire des spectateurs qui savaient la vérité vraie, un évêque était « un grand seigneur ayant 100 000 livres de rente73 ». […] L’absence, à ses yeux, n’a pas d’excuse, même quand elle a pour cause une conversion, et pour motif la pénitence ; on lui a préféré Dieu, c’est une désertion. […] Au reste, sa geôle est souvent une cave du château ; « sur cent justices, il n’y en a pas une qui soit en règle du côté des prisons » ; ses gardiens ferment les yeux ou tendent la main. […] Près de Fontainebleau et de Melun, à Bois-le-Roi, les trois quarts du territoire restent en friche ; presque toutes les maisons de Brolle sont en ruines, on n’y voit plus que des pignons demi-écroulés ; aux Coutilles et à Chapelle-Rablay, cinq fermes sont abandonnées ; à Arbonne, quantité de champs sont délaissés ; à Villiers et à Dame-Marie, où il y avait quatre corps de ferme et nombre de cultures particulières, huit cents arpents demeurent incultes Chose étrange, à mesure que le siècle va s’adoucissant, le régime de la chasse empire ; les officiers de la capitainerie font du zèle, parce qu’ils travaillent sous les yeux et pour les « plaisirs » du maître.
Nous le connaissons vers par vers et jour par jour comme s’il était des nôtres ; nous avons vécu dans sa familiarité, quant à moi, qui me suis assis vingt fois, son livre à la main, sur les décombres de sa petite métairie d’Ustica, dans sa vallée de la Digentia, toute semblable à la vallée de Saint-Point, quelquefois sous les oliviers trempés de l’écume de l’Anio, sur les voûtes recouvertes de gazon de son cellier de Tibur, il me semble qu’Horace a été un des amis de ma jeunesse, non pas précisément un de ces amis sérieux, chéris ou estimés, dont le souvenir fait monter la religion au cœur et les larmes aux yeux ; non, mais un de ces amis légers, insoucieux du lendemain, amoureux de toute ombre qui passe, convives de tout festin sous le lambris ou sous le feuillage, amis qu’on se repent d’aimer parce qu’on ne les estime pas jusqu’au cœur, mais qui peuvent se passer d’estime tant il y a d’attrait dans leur nature, de grâce dans leur faiblesse, et, si l’on osait le dire, tant il y a d’innocence dans leur corruption. […] Il y distingua ce fils d’affranchi déjà célèbre par son talent poétique, il l’enflamma aisément pour sa cause, qui était aux yeux d’Horace la cause même de la gloire, du patriotisme, de la philosophie, de la vertu stoïque. […] « Sa taille était petite, mais robuste ; ses traits étaient fins et gracieux ; son teint avait la délicatesse et le coloris d’un teint de femme ; ses cheveux noirs, flottant en boucles naturelles sur un front très ombragé, ses yeux grands et bien ouverts annonçaient l’audace sans insolence. […] C’est le tempérament et la stature ordinaire des poètes de plaisir, de raillerie et de bonne humeur ; c’est sous cette forme un peu obèse, dans ces grands yeux à fleur de tête et dans cette bouche souriante que la verve satirique, soldatesque ou épicurienne, de Béranger et de Désaugiers, ces Horaces du couplet, s’est complu à s’incarner de nos jours. […] Il était jeune, il était beau de visage, il était paresseux et bienveillant de caractère, il était ami de la table et de ce que les Romains appelaient alors les amours, c’est-à-dire les licences des yeux et du cœur ; ses malignités de plume dans ses premières satires n’étaient donc que des ressentiments de républicanisme amnistié et des cajoleries consolantes au parti vaincu avec lui à Philippes.
L’expérience et la raison tinrent la plume de ces sages ; ils ne se livrèrent jamais aux séduisantes idéalités de leur imagination pour éblouir et fasciner les hommes par des perspectives d’institutions fantastiques qui donnent les rêves pour des réalités aux peuples ; ils respectèrent trop la société pratique pour la démolir, afin de la remplacer de fond en comble par des chimères aboutissant à des ruines ; ils étudièrent consciencieusement la nature de l’homme sociable dans tel temps, dans tels lieux, dans telles mœurs, à tel âge de sa vie publique, et ne lui présentèrent que des perfectionnements graduels ou des réformes modérées, au lieu de ces rajeunissements d’Éson qui tuent les empires sous prétexte de les rajeunir ; en un mot, ces écrivains, les yeux toujours fixés sur l’expérience et sur l’histoire, ne furent ni des rêveurs, ni des utopistes, ni surtout des radicaux. […] Esprit et cœur, sa République est en tout le paradoxe de Dieu, le contrepied de la nature, le roman de l’homme, depuis l’égalité des biens, aussi impossible à réaliser que le niveau constant des vagues sur la surface incessamment mobile de l’Océan ; depuis la communauté des produits, produits aussi impossibles à répartir qu’à créer, puisque la répartition suppose l’infaillibilité divine dans le gouvernement, et que le produit lui-même suppose l’uniformité du travail dans l’oisif, qui consomme sans rien faire, et dans l’homme laborieux, qui travaille sans salaire ; depuis la destruction de la famille, ce nid générateur et conservateur de l’espèce humaine, pour remplacer le père et la mère par une maternité métaphysique de l’État, qui n’a pas de lait, et par une paternité métaphysique de l’État, qui n’a pas d’entrailles ; depuis la communauté des femmes, qui change l’amour en bestialité, jusqu’à la communauté des enfants, qui détruit la piété filiale en défendant aux enfants de connaître leur père ; depuis le meurtre des nouveau-nés mal conformés, pour épurer la race, jusqu’au meurtre des vieillards, pour écarter des yeux le spectacle de la décadence et la céleste vertu de la compassion. […] Il s’enivre, paresseusement et sans choix, de lectures qui donnent le vertige à ses yeux et à son imagination ; il devient incapable d’aucun emploi honnête et sérieux de ses mains ; il s’évade de Genève sans avoir d’autre but que de fuir tout ordre réglé et tout travail utile d’une société laborieuse ; il veut de sa vie réelle faire un roman d’aventures semblables aux romans dont il est saturé. […] Je m’étais figuré une vieille dévote bien rechignée ; je vois un visage pétri de grâces, de beaux yeux bleus pleins de douceur, un teint éblouissant, des formes séduisantes ; rien n’échappa au rapide coup d’œil du jeune prosélyte, car je devins à l’instant le sien, sûr qu’une religion prêchée par de tels missionnaires ne saurait manquer de mener en paradis. […] Nous allons procéder dans cet examen axiome par axiome, afin d’en mettre en relief la fausseté radicale, et, quand nous aurons entassé sous vos yeux assez de ces simulacres de pensées, assez de ces cadavres vides, pour vous convaincre que ce ne sont là que les sophismes d’un rêveur éveillé qui se moque de lui-même et des peuples, nous en démontrerons le néant.
Cette munificence acquit à mes yeux un triple prix parce qu’elle me fut transmise par madame Récamier, femme digne de cette société avec les illustrations de Londres, de Paris et de Rome, et qui m’a légué elle-même un souvenir immortel, le beau portrait de notre ami commun le duc Matthieu de Montmorency. […] La pauvreté et la solitude de ces murs, le spectacle de deux ou trois malheureuses personnes composant tout son service, m’arrachaient les larmes des yeux. […] Il me posa les mains sur la tête, et, comme le plus vénérable des patriarches anciens, il leva les yeux au ciel, il pria le Seigneur, et il me bénit dans une attitude si résignée, si auguste, si sainte et si tendre, que, jusqu’au dernier jour de ma vie, j’en garderai dans mon cœur le souvenir gravé en caractères ineffaçables. « Je me retirai les larmes aux yeux. […] Cependant, quand on eut bien étudié le caractère de ce chef (Antonelli) qui s’aimait naturellement en lui et en ses œuvres, et qui n’applaudissait pas toujours à celles des autres, parce qu’elles blessaient son orgueil et qu’elles avaient à ses yeux le défaut de venir d’un autre et non de lui, on ne voulut pas exposer le succès de l’affaire qui aurait infailliblement avorté si le dessein ne lui eût pas été agréable.
Madame de Staël disparut à ses yeux dans la gloire de la campagne d’Italie : elle passa l’hiver de 1800 à 1801 sans être recherchée ni inquiétée par le gouvernement ; elle s’obstinait néanmoins encore à rencontrer les occasions de frapper l’imagination du premier consul ; elle en fait l’aveu dans une page de ses mémoires. […] Ses faibles yeux ne peuvent supporter tant d’éclat, son cœur modéré ne peut fournir d’aliment à tant de flammes. […] C’est le 31 août 1811 que je brisai le premier et le dernier de mes liens avec ma patrie ; je le brisai, du moins, par les rapports humains qui ne peuvent plus exister entre nous ; mais je ne lève jamais les yeux au ciel sans penser à mon respectable ami, et j’ose croire aussi que dans ses prières il me répond. […] Penser fortement, sentir sincèrement, agir dignement, parler éloquemment, agir au besoin héroïquement étaient à ses yeux une même condition littéraire. […] Oui, quand ton époux t’emmènera loin de moi, des sanglots m’échapperont et mes yeux mouillés de pleurs te suivront longtemps encore, car je suis homme et père, et j’aime avec tendresse cette fille qui m’aime aussi sincèrement.
Pendant que sas partisans et ceux de Condé, armés jusqu’aux dents, se profitaient et se mesuraient des yeux dans la grande salle Retz, myope comme pas un, s’aventura trop loin des siens. […] Cette vue, nous l’avons acquise par nos propres expériences, nous la devons aux prodigieuses mutations du pouvoir et de la société qui se sont opérées sous nos yeux ; et, chose singulière, une nouvelle intelligence de l’histoire semble naître en nous, à point nommé, au moment où se complète la grande série des renversements politiques, par la chute de l’empire élevé sur les ruines de la République française, qui avait jeté à terre la monarchie de Louis XVI. » En même temps que le sens historique s’aiguisait ainsi, des idées inconnues surgissaient ; des émotions nouvelles, matière littéraire s’il en fut, sollicitaient les écrivains. […] La chose crève les yeux sous le premier Empire, qui est peut-être dans notre histoire l’époque du despotisme le plus complet et le plus brutal. […] L’argument peut lui avoir paru commode pour la thèse pessimiste qu’il soutenait ; il n’a pas grande valeur aux yeux d’une logique froide et sévère. […] A ceux-là, nous devons des œuvres niaises et plates, ou criardes et enluminées comme des images d’Epinal, n’ayant souci ni de style ni de vraisemblance, relevant moins de l’art que de l’industrie : chansons dont la musique aigrelette est digne des paroles ineptes ou grossièrement bouffonnes ; romans interminables déroulés durant des mois au rez-de-chaussée d’un journal, débités par tranches à des abonnés patients et promenant du bagne à la cour, du boudoir à l’hôpital, tout un monde de personnages comme on n’en voit qu’en rêve ; mélodrames naïfs et voyants, pauvres de psychologie, mais riches de coups de théâtre et de coups de fusil, rouges de sang et de feux de Bengale, fertiles en miracles de la Providence et du machiniste, étourdissant les yeux et les oreilles par l’éclat des costumes, des décors et des tirades ; littérature faite Sur commande pour un public friand de grosses émotions et de spectacles qui parlent aux sens, parce qu’il ne sait pas encore apprécier des mets plus délicats, parce qu’il n’est initié que d’hier aux jouissances esthétiques, parce qu’il n’a pas fait son apprentissage littéraire.
Au lieu d’ouvrir les yeux, d’observer l’homme et la nature, de grossir le bagage scientifique transmis par les siècles, on jugeait de la vérité par ouï-dire, sur la parole d’un ancien. […] Il a sans cesse à, la bouche et devant les yeux les héros de Plutarque. […] N’est-ce pas lui qui s’avisa le premier de composer pour les écoliers une histoire ancienne, de leur mettre sous les yeux un tableau complet des guerres, des révolutions, des conquêtes de la Grèce et de Rome ? […] Ils apprennent à parler au peuple avec les orateurs antiques, et Camille Desmoulins, sortant du collège, laisse voir l’impression qu’ils ont faite sur son âme ardente : J’entends plaider encor dans le barreau d’Athènes : Aujourd’hui, c’est Eschine et demain Démosthènes ; Combien de fois avec Plancius et Milon, Les yeux mouillés de pleurs, j’embrassai Cicéron159 ! […] Autre est le résultat produit par l’enseignement, autres sont les qualités et les défauts qu’il développe, selon qu’il est actif ou passif, concret ou abstrait, selon qu’il s’adresse à la mémoire ou au jugement, à l’oreille ou aux yeux, etc.
Rien de plus utile et de plus intéressant que l’histoire naturelle, point de science plus faite pour les enfants ; c’est un exercice continu des yeux, de l’odorat, du goût et de la mémoire. […] La gloire littéraire est le fondement de toutes les autres : les grandes actions tombent dans l’oubli ou dégénèrent en fables extravagantes, sans un historien fidèle qui les raconte, un grand orateur qui les préconise, un poète sacré qui les chante, ou des arts plastiques qui les représentent à nos yeux. […] Qui est-ce qui ne connaît pas Virgile, dont le buste est placé dans le temple du Goût, les yeux attachés sur celui d’Homère, et sur le piédestal duquel on voit un génie qui s’efforce d’arracher un clou à la massue d’Hercule ? […] Presque tous ces écrivains sont peut-être sans conséquence entre les mains d’un homme fait ; mais je demande si l’on parle de bonne foi lorsqu’on assure que la langue de ces auteurs, difficiles pour le style, profonds pour les choses et souvent dangereux pour les mœurs, peut être la première étude de la jeunesse ; si l’on souffrira sous des yeux innocents et purs les leçons de Plaute, dont je n’ai point parlé ; celles de Térence que je me rappelle en ce moment, Térence, dont l’élégance et la vérité sont au-dessus de tout éloge, mais dont les peintures n’en sont que plus séduisantes ; les leçons d’athéisme de Lucrèce : j’aimerais encore mieux qu’on exposât les élèves à se corrompre le goût dans le dur, sec et boursouflé Sénèque le tragique, à qui je devais cette petite égratignure pour l’ennui qu’il m’a causé, et à qui j’en demande pardon pour quelques belles scènes qu’il a inspirées à notre Racine. […] Que signifient ces lettres de Cicéron à Atticus, à Brutus, à César, à Caton, où les replis tortueux de la politique romaine sont développés sous les yeux d’un enfant ?
Les yeux de ces femmes vous regardent avec des yeux bleus du Nord, où toute la froideur d’un ciel voilé semble avoir passé ; des yeux noirs du Midi, brûlants de soleil ; des yeux d’Orient, veloutés et impénétrables. […] Les formes qui vivaient dans leur pensée ont pris un corps devant leurs yeux. […] La pâle figure aux grands yeux tristes lui apparaît, derrière les meurtrières des remparts. […] Elle ne surgit pas devant ses yeux. […] À quatorze ans, il envoie à François Coppée des vers que j’ai sous les yeux.
car Mme de Staël se plaisait à les mettre aux prises sur l’Allemagne, Fauriel et lui, les faisant jouter bon gré mal gré sous ses yeux. […] Nous devons à son obligeance d’en avoir sous les yeux une copie. […] Si ce dernier s’essaya jamais à toucher au sein de l’autre un coin de cette chose, à ses yeux la plus importante, ce dut être avec une discrétion bien tendre. […] Quand je songe à ces deux pièces isolées qui se tiennent debout là-bas comme deux belles colonnes, et qui semblaient nous prêter d’avance le portique de l’édifice, à charge pour nous de le poursuivre, j’ai peine à ne pas rougir de ce que, sous nos yeux, ce rêve de théâtre est devenu. […] Il nous est possible aujourd’hui de dire ce que nous avions craint d’avouer dans le premier moment, de peur de déplaire à Manzoni et d’effaroucher sa délicatesse : c’est que toutes ces paroles sont extraites textuellement de lettres de lui qui ont passé sous nos yeux.
C’est ce que voit l’œil intérieur. […] Dans quel soir empourpré avons-nous fermé les yeux ? […] Elle rend la vue à l’enfant de cette sœur qui lui a crevé les yeux. […] Angela dit à Hippolyte quelle le donnerait tout entier pour les yeux de Giulio. Le cardinal fit alors crever les yeux à son frère et rival.
La peur des coups se joignant à la gourmandise d’un enfant craintif pour une belle femme, ses yeux la supplièrent de regarder. […] On le croit la tendresse même : un procédé amical lui mouille les yeux. […] Quand les plus illustres noms de France entraient dans sa chambre, il lui plaisait souvent de ne pas lever les yeux de sa besogne. […] Un Constant chez Voltaire, c’est un oiseau de nuit qui va blesser ses yeux à des étincelles païennes et françaises. […] Mais tout ce qui s’est conté, depuis Platon jusqu’à Cousin, sur le mystère de l’univers, n’existe pas à yeux, bien qu’il ait tant lu.
Et pourquoi ne croirais-je pas l’écrire sous vos yeux, lorsque c’est au souvenir religieux de quelques amis, plus qu’à l’opinion de l’univers existant, que j’aime à rapporter mes actions et mes pensées, en harmonie, j’ose le dire, avec une telle consécration ? […] Lorsque, apprenant la mort de son ami La Rochefoucauld, il écrivait de sa prison que le charme était détruit et que le sourire de la multitude n’avait plus pour lui de délices, il allait trop loin, il oubliait l’effet du temps qui cicatrise ; le sourire, plus tard, à ses yeux est encore revenu. […] Cette lettre démontre de plus, à mes yeux, que ce qui arriva, à partir du 8 août 1830, ne déjoua pas l’idée intérieure de La Fayette autant que lui-même le crut et le ressentit. […] Il avait beau s’ensevelir à Lagrange, dans une vie de fermier et de patriarche, on le savait là ; Bonaparte ne le perdit jamais de l’œil un instant : « Tout le monde en France est corrigé, disait-il un jour dans une sortie au Conseil d’État, il n’y a qu’un seul homme qui ne le soit pas, La Fayette ! […] Le temps des parallèles en règle est passé ; mais, sans y faire effort, combien de Sieyès à La Fayette le contraste saute aux yeux frappant !
Ils s’en fient à leur memoire qui les trompe assez souvent ; au lieu qu’avec le témoignage que nous nous rendons de nôtre ignorance, nous ne nous en rapportons qu’à nos yeux, ou du moins à des suretez équivalentes. […] Ainsi l’ancienne réputation et les langues sçavantes leur imposent, et changent tout à leurs yeux. […] Ils cherchent donc un sens mystérieux à quelque prix que ce puisse être ; et à la faveur d’une allégorie forcée, ils tournent en beautez profondes les défauts mêmes qui sautent aux yeux. […] Car enfin à tes yeux, je ne m’en cache plus, mes feux pour ma captive ont fondé mes refus : je l’aime, et de ce bien mon ame trop jalouse, déja se partageoit entr’elle et mon épouse. […] Il les avertit qu’ils sont très-petits à ses yeux ; il leur ôte même tout espoir d’obtenir un jour son admiration ; et devant qui prend-il ce ton si peu convenable à un conciliateur ?
Mais un charme nouveau les remplace ; elle reporte sur les deux guerriers des yeux où la honte se mêle à la joie. […] Il arrêta les yeux sur moi. […] En fait, ses concessions s’adressaient aux systèmes, aux doctrines, et les personnes et les faits n’étaient de rien ou de presque rien à ses yeux. […] Des instincts droits, éveillés par une petite révolution sentimentale, lui font comprendre la bassesse des exemples qu’elle a sous les yeux. […] Sous son front qui porte un monde, ses yeux sont clos ; il faudra bien qu’il vous suive !
Et, pour les yeux, quelle fraîcheur ! […] Il fallut bien ouvrir les yeux à l’évidence. […] Ainsi se découvre à nos yeux la pensée de M. […] Ensuite, je ne le voyais que loin et mes yeux l’ont perdu. […] Les yeux sont noirs, vifs et insistants.
La littérature est certes à ses yeux une chronique, pour emprunter une expression habituelle à Stendhal et à Mérimée, mais c’est une chronique à idées. […] Le beau portrait placé en tête du livre du Père Lebreton conserve le regard de ses yeux, à la fois rayonnants de vie intérieure et d’attention réfléchie. […] J’ai sous les yeux une longue lettre de M. […] Et tout de suite, les sourcils froncés, un éclair dans ses yeux bleus, il regarde fixement le ministre du roi des Belges. […] Tournez-vous ensuite, et caressez vos yeux aux gaies et fraîches verdures des gazons ensoleillés, aux reflets des eaux dans lesquelles descend la joie lumineuse du ciel.
Nos yeux lisent, nos oreilles écoutent : nous pensons les formes et les sons des mots ; rien ne va à l’imagination ni au cœur, et rien par conséquent n’en sortira, si nous n’insistons et ne forçons le mot à céder sa place à la sensation même de l’objet, réveillée et rafraîchie.