Ces extravagances avaient leur origine dans le mémoire d’un savant chimiste, M. […] Couerbe sur la chimie du cerveau ont été entièrement détruits et réfutés par un savant mémoire de M.
A l’heure indiquée le professeur monte en chaire, débite sa science, que les auditeurs recueillent, chacun comme il peut, les uns en écoutant, les autres en se faisant des notes pour aider leur mémoire. […] Ce travail consiste à faire des réponses aux différents mémoires qui sont adressés aux facultés, à celle de médecine par les malades et souvent par le gouvernement dans les cas d’épidémie, ou pour la police des hôpitaux et autres objets de la salubrité publique.
Tout le rouge et le noir sortira de rapports dans ce genre, et Taine, grand lecteur de Stendhal et, lui, de formation très livresque, s’en inspirera évidemment (le Voyage en Italie nous rend les mémoires d’un touriste surchargés de pâte oratoire). […] Il cristallise sur ces deux registres, et aussi sur un troisième, celui dont témoignent les Mémoires d’un touriste, les Promenades dans Rome, le Journal, celui des idées : penser, apercevoir des rapports, lui donne une joie aussi vive peut-être que découvrir des perfections nouvelles chez sa maîtresse ou descendre au fil voluptueux d’une musique italienne.
Nous devons à Hamilton les Mémoires du Chevalier de Grammont (son beau-frère, un aventurier, à l’origine des Courpières !). Ces Mémoires qui annonçaient, sous Charles II, le style de Voltaire, eurent une influence incontestable. […] À chaque fois qu’il dépouille la mémoire de son père, ces dossiers bleus, ces notes, ces feuillets raturés, il nous révèle des trésors. […] L’imagination procède-t-elle ou non de la mémoire ? Peut-elle créer une mémoire ?
Ainsi Jouffroy, si j’ai bonne mémoire, s’appelait Lara, l’ami fidèle et dévoué de Gonsalve.
Thiers va publier l’Histoire du Consulat dans quelque temps, on espère exciter par là Chateaubriand à détacher de ses Mémoires toute la partie relative au duc d’Enghien et au Consulat ; le désir de rétablir les faits à son point de vue et la démangeaison de contredire Thiers feraient ainsi passer l’illustre écrivain sur la détermination, qu’on disait invariable, de ne rien laisser publier, avant sa mort, de son livre tant convoité.
Vous êtes poète, j’ai voulu surtout marquer votre place, à ce titre, dans la grande littérature, honorer en vous cette constance qui vous porte à chercher les succès difficiles, et vous inviter à marcher résolument dans ce véritable domaine de l’art, que les auteurs comme le public semblent tentés d’abandonner : non que je porte à la comédie en vers une préférence académique et que je lui croie plus de dignité qu’à la comédie en prose ; une grande comédie en prose est assurément une œuvre très littéraire, surtout si elle est l’œuvre d’un seul auteur ; mais la comédie en vers a cet avantage d’une langue particulière qui parle à la mémoire, et d’un art choisi, précis, délicat, et d’autant plus difficile que les esprits auxquels il s’adresse sont plus cultivés.
[Mémoires, tome Ier (1876).]
Doué d’une intelligence prompte, d’une imagination vive & féconde, d’une mémoire facile & solide, ses premiers pas, dans la carriere littéraire, ont annoncé un athlete singuliérement favorisé de la Nature, & destiné à surpasser les rivaux les plus renommés.
L’intervention de la mémoire, élément indispensable du fait de conscience, a pour effet de resserrer dans la minute présente et de maintenir unis ensemble deux tronçons de la durée qui tendent à se séparer l’un de l’autre, s’enfuyant vers les directions opposées de l’avenir et du passé.
I Le Salon de cette année, les réflexions qu’il a suggérées dans ce journal s’étaient bien éloignés déjà de la mémoire de leur auteur, quand tableaux et commentaires lui furent rappelés par une conversation fortuite dont l’écho lui parvint.
Montaigne, cet homme unique pour dire naïvement & fortement des choses neuves & qui restent dans la mémoire, flatté de la préférence exclusive qu’une Minerve nouvelle donnoit à ses Essais, la combla d’éloges.
si tout meurt avec nous, les soins du nom et de la postérité sont donc frivoles ; l’honneur qu’on rend à la mémoire des hommes illustres, une erreur puérile, puisqu’il est ridicule d’honorer ce qui n’est plus ; la religion des tombeaux, une illusion vulgaire ; les cendres de nos pères et de nos amis, une vile poussière qu’il faut jeter au vent, et qui n’appartient à personne ; les dernières intentions des mourants, si sacrées parmi les peuples les plus barbares, le dernier son d’une machine qui se dissout ; et, pour tout dire en un mot, si tout meurt avec nous, les lois sont donc une servitude insensée ; les rois et les souverains, des fantômes que la faiblesse des peuples a élevés ; la justice, une usurpation sur la liberté des hommes ; la loi des mariages, un vain scrupule ; la pudeur, un préjugé ; l’honneur et la probité, des chimères ; les incestes, les parricides, les perfidies noires, des jeux de la nature, et des noms que la politique des législateurs a inventés.
Tort ou raison, c’est la figure qu’il a peinte qui restera dans la mémoire des hommes à venir.
Or les hommes soigneux de leur réputation, ne doivent pas donner lieu aux faussaires à venir, d’imputer à leur mémoire des ouvrages qu’ils n’auront pas faits.
Les mémoires, les romans, — tout ce que nous n’avons point de l’Antiquité, hélas !
Cet état incohérent et stérilement fécond de la littérature américaine nous est revenu à la mémoire depuis que nous étudions2 l’état humiliant de la littérature française.
Tel était le cas pour Furetière, — Furetière, un homme de lettres énorme, qui a fatigué les mille voix de la renommée de son temps, et sur la mémoire duquel s’est assis un profond silence.
Et nous savons comme il est difficile de se souvenir, et à quel point la mémoire déforme les choses. […] Mais il y a celui de Marmontel dans ses Mémoires (livre VII). […] Celle de Rousseau est d’un ton bien excessif, et sans doute l’incident s’est amplifié et embelli dans sa mémoire. […] Madame d’Épinay dit de lui dans ses Mémoires : « Il est complimenteur sans être poli ». […] (Il est vrai qu’elle le déteste au moment où elle écrit ses Mémoires.)
Le désenchantement de Salomon nous revient aussitôt à la mémoire et nous nous rappelons ses sentences amères sur la vanité des biens terrestres. […] Je ne parle que pour mémoire d’un livre intitulé : les « Soirées de Mélancolie », publié en 1777, par un anonyme qui, d’après Barbier, est un certain M. […] Il l’avoue, « ses ouvrages sont les preuves et les pièces justificatives de ses mémoires : on y pourra lire à l’avance ce qu’il a été. » L’identité entre René et Chateaubriand résulte encore d’un rapprochement entre le passage des Natchez que je viens de citer plus haut, et une page des Mémoires d’outre-tombe. […] Les Confessions, les Rêveries d’un promeneur solitaire, annonçaient René et les Mémoires d’outre-tombe. […] On aime à suivre dans les Mémoires ce développement parallèle de deux existences sorties de la même source.
C’est qu’ils sentent que comme la leur, pure de toute bassesse, sa curiosité est la nostalgie de l’ultime, de l’insaisissable Psyché. « Penchés sur les profondeurs de leur être que sans trêve ils considèrent », — la phrase magique de Barrès revient ici à la mémoire. […] Dans ma mémoire néanmoins Prémery et Olive sont inséparablement unis, comme Jupiter et Sémélé dans la toile de Gustave Moreau. […] Il faut qu’il reste d’elle (la femme alors morte du narrateur) en ta mémoire une image aussi parfaite que possible. […] Tous nos mouvements sont pareils à ces vagues pénibles de la mémoire qui viennent frapper l’oubli comme un mur. […] comme on avait besoin de lui, comme il fait défaut, et combien il importe que vivent en nous et sa mémoire et son exemple.
Ce manuscrit commence tout simplement par une lettre en prose que le roi prisonnier écrit à une maîtresse dont on ignore le nom : « Ayant perdu, dit-il, l’occasion de plaisante escripture et acquis l’oubliance de tout contentement, n’est demeuré riens vivant en ma mémoire, que la souvenance de vostre heureuse bonne grace, qui en moy a la seulle puissance de tenir vif le reste de mon ingrate fortune. […] Il m’a toujours semblé que ce serait le sujet intéressant d’un petit mémoire que d’examiner à part le groupe des poëtes rois et princes au xvie siècle : François Ier et sa sœur Marguerite, les deux autres Marguerite, Jeanne d’Albret, Marie Stuart, Charles IX, Henri IV enfin ; car tous ont fait des vers, au moins des chansons. […] Nodier14, qui s’est complu a y voir un caractère original ; ils rappellent naturellement ceux de Ronsard : Mignonne, allons voir si la rose… L’un et l’autre poëte avaient chance de se rencontrer, puisqu’ils avaient en mémoire le même modèle.
Confucius résume en lui toutes les lumières, toutes les vertus et toutes les expériences du vieux monde indien ; il résume, de plus, selon toute apparence, le vieux univers antédiluvien, si les révélations, les monuments et les traditions antédiluviennes vivent encore dans la mémoire des hommes. […] Culte des ancêtres perpétuant la mémoire et sanctifiant la filiation humaine en reportant sans cesse l’humanité à sa source par la reconnaissance : spiritualisme filial, qui va rechercher la vie pour la bénir et la tradition pour la vénérer. […] Les mémoires du temps rappellent à toutes les pages leur nom à propos de leur familiarité avec les grandes figures de Genève, de Paris, de Berlin, de Londres, de Coppet ; ils étaient chez eux partout par droit de bienvenue, de bon goût, d’intimité avec les célébrités européennes.
C’est vivre deux fois ; admirable effet des dons de la mémoire, qui nous permet de revivre les temps que nous avons déjà vécus ! […] C’est la sensibilité plus qu’humaine d’une chienne danoise qui a fixé cette date dans ma mémoire. […] Vous n’aurez qu’une vague et lointaine mémoire De tout ce qu’au matin la vie a de plus doux, Et l’amour maternel ne sera qu’une histoire Qu’un père vous dira, seul et pleurant sur vous !
Catulle Mendès est un artiste merveilleux ; il possède la science du mot élevé et juste et sait toujours maintenir son inspiration à la hauteur où il la place ; il a trouvé, surtout dans les Poèmes épiques, des vers superbes et qui s’imposent à la mémoire, de ces vers qui semblent écrits dans le texte en caractères plus gros, tellement l’œil s’arrête sur eux, attiré par la forme des mots, leur arrangement, tout ce qui fait le dessin d’un beau vers avant que la musique en soit intelligible. […] le Livre des Dieux, si ma mémoire est bonne. […] Honneur à ceux dont l’œuvre nous accable, nous pétrit, laisse notre mémoire bouillonnante et même fatiguée !
Cet enjouement était dans le caractère du jeune Rabelais et son humeur joviale ne lui avait guère moins fait d’amis dès ce temps-là, que sa réputation de savoir et une mémoire immense, capable de recevoir et de garder tout ce que pouvait apprendre homme vivant. […] Mais ni l’impiété de Lucien, ni le spiritualisme de Platon, dont la science commence où finit celle d’Hippocrate et de Galien, ni le matérialisme de ce dernier, ne le rendaient indifférent aux systèmes opposés, et à mille autres connaissances de tout ordre qui prenaient place dans cette vaste mémoire pour en sortir quelque jour pêle-mêle, ou en leur lieu, sous les formes les plus capricieuses. […] Un torrent de mots, souvent inintelligibles s’échappe de sa mémoire surchargée, qui semble se répandre tout entière sur le papier, sans l’intervention de sa volonté.
La rareté des livres, l’absence des index et de ces concordances qui facilitent si fort nos recherches obligeaient à citer souvent de mémoire, c’est-à-dire d’une manière très inexacte Enfin les anciens n’avaient pas l’expérience d’un assez grand nombre de révolutions littéraires, ils ne pouvaient comparer assez de littératures pour s’élever bien haut en critique esthétique. […] Quand on lit les opuscules de Denys d’Halicarnasse sur Platon, sur Thucydide, sur le style de Démosthène, on croit lire les mémoires de M. et de Mme Dacier et des honnêtes savants qui remplissent les premiers volumes des Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
J’ai sous les yeux quantité de volumes anonymes ou pseudonymes de sa façon : l’Histoire du procès Fualdès (1818) ; les Mémoires de Mme Manson (il fit le voyage de Rodez exprès pour aller la voir) ; des Lettres à David sur le Salon de 1819 (en collaboration avec M. […] Il est permis de croire que, dans ce temps-là, il songeait aussi au positif et au débit ; on dit que ce fut avec le produit de la vente de ces Mémoires de Mme Manson qu’il put assurer sa modeste aisance et acquérir sa petite maison d’Aulnay, cet ermitage de la Vallée-aux-Loups. […] Il passa des Mémoires de Mme Manson (1818) à la publication des Poésies d’André Chénier (1819) ; la transition était brusque.
Sieyès nous apparaît sous sa première forme, tel qu’il sera plus tard et jusqu’à la fin, tout d’une pièce quant à la pensée, voulant la liaison exacte, rigoureuse, le parfait enchaînement et l’ordre un dans tous les objets de chaque science, et même dans la somme totale de nos connaissances : « Sans cela, dit-il, on n’a que des cerveaux décousus dont les connaissances ne tiennent à rien : ils ne savent rien, quoiqu’il y ait beaucoup dans leur mémoire, et ne sont d’aucun usage. » Rien n’égale son mépris pour ces cerveaux décousus qui constituent malheureusement l’immense majorité des hommes, et même des hommes distingués. […] Ces calomnies sont réfutées par les pièces mêmes de la comptabilité officielle : elles le sont mieux encore par les Mémoires de Napoléon, qui reconnaît à la fois le faible de l’homme et son fonds d’intégrité ; il y est dit : « Il aimait l’argent, mais il était d’une probité sévère, ce qui plaisait fort à Napoléon ; c’était la qualité première qu’il estimait dans un homme public. » Il fut, en 1832, assez malade de la grippe pour que sa tête s’en ressentît. […] Il vous fait ressouvenir de ce mot, qui est de lui, mais qu’au milieu de toutes ses lumières il n’a pas assez réalisé par son exemple : « Il est des sciences qui tiennent à l’âme autant qu’à l’esprit. » Pourtant sa mémoire devra gagner considérablement à la publication de ses œuvres secrètes et de ses papiers : Sieyès y apparaîtra non seulement à titre de haute puissance intellectuelle, mais à titre d’homme qui a sincèrement voulu pendant longtemps l’amélioration des hommes38.
Sans elles, une foule de détails et de mots, obscurs dans la mémoire, ne se retrouveraient pas. […] Je citerai des phrases, des mots, des fragments de conversation ou de mémoires, écrits ou dits non par une seule, mais par dix jeunes filles, à Paris ou en province. […] Mais n’aperçoit-on pas qu’elles pouvaient servir d’indication, et comment le rôle des cahiers et des carnets ne consiste pas simplement à rappeler des termes, des détails, des fragments d’histoire que la mémoire aurait pu perdre, mais surtout à renseigner l’écrivain sur la manière de traiter l’œuvre, sur ce qu’on nomme en peinture les valeurs ?
Il ne s’agit pas seulement d’avoir de bons yeux, ni myopes, ni presbytes, voyant de loin, voyant de près, voyant juste et rapidement, et une âme claire, qui ne déforme pas l’image ; il faut entendre par là une acuité de tous les sens, la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat, une aptitude singulière à toutes les perceptions externes dont l’art peut tirer parti, et à laquelle se joint, ordinairement, la mémoire spéciale des images. […] Nous n’avons là, en effet, qu’une autobiographie, que les mémoires d’une âme qui a souffert. […] En tout cas, il est permis de soutenir que le génie créateur y est incomplet, et que quelque chose manque à ce livre pour prendre place au premier rang, soit dans la littérature de mémoires, parce que nous n’avons là qu’un épisode d’une vie, soit dans la littérature de roman, parce que les grandes œuvres d’imagination possèdent plus d’énergie vitale, plus de force créatrice, et animent, sinon des foules, du moins des groupes entiers de personnages sortis de la pensée humaine.
Rappellerai-je ces paroles, qui sont, ou qui étaient jadis, il n’y a pas longtemps encore, dans toutes les mémoires ? […] Je ne dis rien d’un mémoire du vénérable Damiron, ni d’une thèse de M. […] Garat, Dominique-Joseph Garat, pauvre ministre, mais rhéteur élégant, a bien caractérisé, dans ses Mémoires sur la vie de M. […] C’est encore une femme auteur, et elle s’est elle-même racontée dans ses Mémoires. […] Tout le monde a lu ses Mémoires, et personne, je pense, ne les a oubliés.
Ma mémoire est là, qui pousse quelque chose de ce passé dans ce présent. […] L’observation immédiate a beau nous montrer que le fond même de notre existence consciente est mémoire, c’est-à-dire prolongation du passé dans le présent, c’est-à-dire enfin durée agissante et irréversible. […] L’évolution de l’être vivant, comme celle de l’embryon, implique un enregistrement continuel de la durée, une persistance du passé dans le présent, et par conséquent une apparence au moins de mémoire organique. […] Matière et Mémoire, Paris, 1896, chap. […] Voir, à ce sujet, Matière et Mémoire, chap. 1.
Mémoires du général baron Thiébault Les mémoires ont la vogue en ce moment ; il s’en publie par dizaines. […] Dans les Mémoires, à l’endroit le plus intéressant, il y a presque toujours une lacune. […] Il pleut des mémoires et il en pleuvra encore. […] L’énumération, quoique très riche, ne rehaussa pas la mémoire du critique ondoyant et paillard. […] Dites-moi pourquoi j’entends murmurer dans ma mémoire l’anecdote si lestement contée par Paul-Louis Courier !
Ces Mémoires même, depuis qu’ils ont paru, ont donné lieu à de vives attaques. […] ce sont d’elles surtout qu’il se plaît à nous entretenir dans ses Mémoires. […] Pourtant le souvenir de Charlotte occupe à peine deux pages de ses Mémoires. […] Mais ces fausses idées, je le répète, ne résisteront pas à une lecture attentive des Mémoires. […] Meissner envers une mémoire illustre, son style vif et coloré ont pu seuls ajouter du prix.
René d’Argenson qui avait donné l’édition des Mémoires en 1825, et qui a cherché à prouver par quantité de raisons que ces curieux documents nouveaux sur son arrière-grand-oncle étaient d’autant moins dignes de confiance qu’ils étaient plus intimes et plus personnels, plus complètement sincères et écrits en vue du bonnet de nuit.
Si votre mémoire ne se retrace pas le sujet des allusions, votre esprit ne vous suffit pas pour comprendre la gaieté de ces écrits ; et s’il faut réfléchir à une plaisanterie pour en découvrir le sens, tout son effet est manqué.
Cependant je ne me rappelle pas un seul événement de ma vie dont j’aie pu apprécier la durée avec plus de certitude, dont les détails soient mieux gravés dans ma mémoire, et dont j’aie la conscience mieux affermie. » Une troisième observation du même genre m’est communiquée par M.
Si l’on veut en effet se faire une fois le spectateur de sa réflexion solitaire, on s’apercevra qu’on ne pense point avec le langage de tout le monde, et que la rapidité de la conception crée à chaque moment un langage nouveau, hiéroglyphique, symbolique, sténographique surtout, où les mots prennent des sens étranges, lointains, méconnaissables à tous, où ils s’associent selon des affinités créées par les caprices les plus imprévus de notre mémoire, où ils se groupent selon les lois d’une grammaire et d’une syntaxe qui sont un perpétuel défi à la grammaire et à la syntaxe établies.
C’est fort beau ces vers qu’il nous a dits. » Et tâtonnant dans sa mémoire, il y rattrapait morceau par morceau et ajustait, comme on fait d’une porcelaine brisée, l’une ou l’autre pièce, par exemple, ce sonnet, que, quelques mois après, Catulle Mendès, le raffiné, notre hôte à son tour, admira autant que l’avait fait ce fils des sillons : Ta gloire évoque en moi ces navires houleux… Que de fiers conquérants aux gestes magnétiques Poussaient, dans l’infini des vierges Atlantiques, Vers les archipels d’or des lointains fabuleux.
Mais partout, et dans les plus cursives piécettes, se révèlent les qualités qu’ils contiennent ; et je crois que le vrai souvenir à donner à ce volume premier serait d’en garder dans sa mémoire quelques strophes qui sont des commencements de poèmes infinis, des débuts de sensations immortelles.
Il n’est pas surprenant que la posterité les mette au rang de ces mémoires satyriques, qui sont curieux uniquement par les faits qu’ils apprennent ou par les circonstances des faits qu’ils rappellent.
Je ne veux point ignorer qu’Écouchard-Lebrun a jeté des vers éclatants à travers des pages souvent illisibles et même fixé des strophes dignes de mémoire. […] Toujours on le retrouve en exploration, à la recherche de l’inconnu, jusque dans ces Mémoires d’outre-tombe, sa création suprême, un monde dans son œuvre ! […] Nous n’avons pas besoin de dire combien nous sommes contraire à son école philosophique, mais cette franchise suprême nous rallie à sa mémoire. […] Qui ne sait le culte filial dont l’armée honorait sa mémoire, son nom prononcé à l’appel, son cœur porté dans une botte d’argent, à la tête de la 41e demi-brigade ? […] Elle a été vraiment la moitié d’Edgar Quinet, et elle restera inséparable de son compagnon sublime dans la mémoire des âmes éprises de grandeur et de dévouement.
Horace, qui y trempait ses pieds enfant, devait la chanter un jour comme une des plus riantes images de sa mémoire. […] Horace ne parle pas de sa mère, morte sans doute pendant qu’il était en bas âge, esclave peut-être avant l’affranchissement de la famille ; mais il témoigne pour ce modèle des pères toute la tendresse et toute la reconnaissance qu’une mère laisse ordinairement dans la mémoire et dans le cœur de l’enfant. […] C’est pendant un des séjours qu’elle faisait fréquemment à Ustica près de lui qu’Horace, ivre de liberté et de solitude, écrivait ces lignes délicieuses, manuel de l’amour des champs resté dans la mémoire de tous les adorateurs de la vie cachée ; il regardait, en écrivant ses vers, sa maison, son jardin, son verger, sa rigole et la vallée de la Licenza assourdie du gazouillement de ses eaux. […] Sa maison d’Ustica dans la Sabine, sa chère fontaine de Blandusie, près de la petite villa napolitaine de Venouse, le lieu de sa naissance, aujourd’hui Palazzo, restèrent éternellement l’objet du même pèlerinage et du même culte de la mémoire.
Madame de Staël disparut à ses yeux dans la gloire de la campagne d’Italie : elle passa l’hiver de 1800 à 1801 sans être recherchée ni inquiétée par le gouvernement ; elle s’obstinait néanmoins encore à rencontrer les occasions de frapper l’imagination du premier consul ; elle en fait l’aveu dans une page de ses mémoires. […] C’est là, selon nous, le secret de cette douleur sans proportions et sans bornes, dont l’expression dans ses mémoires excite presque la pitié à force d’exagération. […] La destinée ne m’accorde plus une autre correspondance avec lui. » XLI Cette page des mémoires de la femme persécutée dans ses amis respire la vengeance d’une âme libre ; elle atteste aussi plus de constance dans la dignité de l’âme que le despotisme n’était accoutumé à en rencontrer autour de lui. […] J’invoquai plusieurs fois, dans cette anxiété, la mémoire de mon père, de cet homme, le Fénelon de la politique, dont le génie était en tout l’opposé de celui de Bonaparte ; et il en avait du génie, car il en faut au moins autant pour se mettre en harmonie avec le ciel que pour évoquer à soi tous les moyens déchaînés par l’absence des lois divines et humaines.
On doute parfois de la mémoire des enfants. […] En sa présence la phrase de Shakespeare sur César vous revenait à la mémoire : Devant lui la nature pouvait se lever hardiment et dire à l’univers : « C’est là un homme ! […] Sa mémoire était prodigieuse. […] Cette mémoire prodigieuse s’étendait à tout. […] Le vague désir de la patrie primitive agite les âmes qui ont plus de mémoire que les autres et en qui revit le type effacé ailleurs.
Rochebillère, m’a montré une édition de Manon Lescaut, portant la date de 1731 (Amsterdam), et formant le septième volume des Mémoires et aventures d’un homme de qualité, édition de la même date ; mais le titre de ce septième volume pourrait bien avoir été fait après coup, et pour se conformer aux titres des volumes précédents. […] [NdA] Cette lettre de l’abbé Prévost à M. de Maurepas se trouve incluse dans une autre lettre de lui, également datée de Francfort, et adressée à Bachaumont, l’auteur des Mémoires secrets, les originaux font partie de la riche collection de M.
On peut lire dans les Mémoires de Goethe le récit du séjour qu’il fit dans cette ville savante, et assister au mouvement littéraire tout germanique qui s’y agitait dans un cercle choisi d’étudiants. […] Ce Lenz, dont il est question dans les Mémoires de Goethe, était un Livonien de cette génération bizarre et vaguement passionnée, contemporaine de Werther, et qui en mit trop bien en pratique l’esprit et l’exaltation, jusqu’à vouloir finir par la démence et le suicide.
Adert, un des anciens élèves de notre École normale et depuis plus de dix ans établi en Suisse, en publiant aujourd’hui, d’après le vœu de la famille, les principaux essais et mémoires qu’avait préparés plutôt qu’achevés Guillaume Favre, mais qu’il avait préparés toute sa vie, a très bien marqué et défini en sa personne ce caractère original du savant pur, du savant qui étudie toujours, qui prend note sur note et amasse les éruditions autour des pages, qui ne vise qu’au complet et à l’exactitude du fond, qui est le contraire de celui qui dit : Mon siège est fait ; qui, vécût-il quatre-vingts ans, n’a de plaisir qu’à aller toujours ailleurs en avant, et, de chasse en chasse, d’enquête en enquête, scrupuleux et amusé qu’il est, n’en finit pas. […] Favre n’a préparé qu’un exact et savant mémoire, comme eût fait un bénédictin.