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43. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Il est difficile pourtant d’admettre que Ramond n’ait pas été lui-même fasciné dans les premiers temps, qu’il n’ait pas payé tribut par une courte fièvre de jeunesse à la maladie épidémique du siècle et du lieu. […] Ainsi, en montant le pic du Midi, le voyageur arrivé à une certaine élévation se trouve avoir atteint à un beau réservoir d’eau appelé le lac d’Oncet, et où la nature commence à prendre un grand caractère ; il en fait voir en peu de mots l’encadrement, et en quoi ce nouveau genre de beauté consiste : C’est un beau désert que ce lieu : les montagnes s’enchaînent bien, les rochers sont d’une grande forme ; les contours sont fiers, les sommets hérissés, les précipices profonds ; et quiconque n’a pas la force de chercher dans le centre des montagnes une nature plus sublime et des solitudes plus étranges prendra ici, à peu de frais, une idée suffisante des aspects que présentent les monts du premier ordre. […] Le lieu même où je me trouvais n’eut que mon dernier regard. […] Le carnillet moussier, riante parure des rochers élevés, et deux ou trois pieds d’une gentiane qui se plaît dans les lieux que la neige couvre longtemps et qu’elle abreuve sans cesse, fleurissaient exilés sur cette cime déserte. […] quels âges de la vie pastorale et quels lieux aimés des troupeaux ne me rappellerait-elle pas ?

44. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — III »

Le moi psychologique n’est pas autre chose que le lieu où la substance de l’être se divise, selon une infinité de proportions, en objet et en sujet et compose, pour se saisir, une infinité de compromis entre un principe d’acte et un principe contemplatif. C’est seulement dans ce lieu psychologique, où éclot le phénomène de la connaissance, qu’il est possible d’observer les formes diverses de la réalité, car c’est là seulement que la réalité prend forme objective, c’est là seulement que se rencontrent des objets. […] Elle ne laisse apparaître un objet qu’autant qu’on la suppose appliquée à un principe immobile qui, sous l’action du mouvement, est contraint de se déplacer d’un lieu dans un autre.

45. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Le soir vint : l’orgue en deuil se tut dans le saint lieu. […] Un bon nombre de métaphores qui appartiennent aux catégories que j’ai énumérées en dernier lieu et qu’on appelle proprement métonymies et synecdoches, seront dans ce cas. […] Se pare qui voudra du nom de ses aïeux ; Moi, je ne veux porter que moi-même en tous lieux. […] et pourquoi admet-on celui-ci : L’herbe que je voulais arracher de ce lieu, C’est ton oisiveté ? […] « Il y a des lieux, dit Pascal, où il faut appeler Paris Paris, et d’autres où il le faut appeler capitale du royaume. » La condition essentielle sans laquelle la périphrase n’est pas recevable, c’est qu’elle désigne si vivement l’objet qu’on ne s’aperçoive même pas de l’absence du mot propre.

46. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

Suarez n’a pu nous donner dans son ouvrage que la description de quelques morceaux que le cavalier Del Pozzo avoit fait dessiner sur les lieux. […] Les antiquaires prétendent que c’est la destinée de toutes les peintures anciennes, qui durant un grand nombre d’années ont été enterrées en des lieux si bien étouffez, que l’air exterieur ait été long-temps sans pouvoir agir sur elles. Cet air exterieur les détruit aussitôt qu’elles redeviennent exposées à son action, au lieu qu’il n’endommage les peintures enterrées en des lieux où il avoit conservé un libre accès, que comme il endommage tous les tableaux peints à fresque. […] Il fit donc rendre un édit dès le commencement de son regne par le cardinal Jean-Baptiste Spinola, camerlingue du saint siege, qui défend à tous les proprietaires des lieux où l’on aura trouvé quelques vestiges de peinture antique, de démolir la maçonnerie où elles seroient attachées, sans une permission expresse. […] Le caractere que Pline donne à ces statuës, les lieux où il nous dit qu’elles étoient dans le temps qu’il écrivoit, et qui sont les mêmes que les lieux où elles ont été déterrées depuis deux siecles, rendent constant malgré les scrupules de quelques antiquitaires, que les statues que nous avons sont les mêmes dont Pline a parlé.

47. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Je me réserve à faire voir le contraire en son lieu : il ne s’agit présentement que des répétitions fréquentes d’Homere, et de l’impossibilité de les excuser toutes, même par de mauvaises raisons. […] La premiere maniere est trop lente, et laisse languir l’imagination qui commençoit à s’échauffer ; au lieu que la seconde entretient et augmente même l’émotion par la rapidité du dialogue. […] Souvent au lieu que ces prétenduës similitudes devroient fixer l’esprit à l’objet principal, en le rendant plus clair, elles y jettent de l’obscurité, et le font même perdre de vûe, dans un amas de circonstances qui n’y ont aucun rapport. […] Ainsi une maxime vraie, peut-être vicieuse dans la bouche d’un personnage, s’il n’est en situation de la penser : au lieu qu’une maxime fausse y a bonne grace, si elle peint l’illusion que les passions font à son esprit. […] Ils donnent seulement lieu à de bonnes critiques qui ont aussi leurs succès.

48. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

L’un ne voit dans ce livre qu’une œuvre de réalisme, la peinture brutalement exacte d’un lieu et d’une classe ; les autres admirent en plus de surprenantes qualités poétiques, le don du grandiose, l’amour passionné de la force et de la masse. […] Zola à tous les usages, celui-ci polémise, expose, raconte, parle et décrit, énonce l’énorme masse de petits faits qui lui servent à poser ses lieux, ses personnages et ses ensembles. […] Zola les ensembles où les personnes agissent dans des lieux. […] Zola, notamment dans Nana, le Bonheur, Germinal, le romancier, tout en conservant une vue très nette des lieux où se passe son action, et d’excellentes aptitudes descriptives, a si bien simplifié le mécanisme de ses personnages, leur prête des conversations si banales et des caractères si généraux, qu’ils perdent toute individualité nette. […] Nana dévêtue dans un boudoir, les bonnes de Pot-Bouille, affenêtrée sur leur arrière-cour fétide, accomplissent dans un lieu convenable des actes appropriés.

49. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Le buste avait été placé pour ce jour en dehors de l’hôtel de ville, dont le caractère primitif a dès longtemps disparu sous les restaurations diverses, mais qui a conservé de son ancien style une espèce de tribune en saillie à deux étages et avec dôme : c’est ce qu’on appelle la Bretèche, terme fort en usage dans les coutumes d’Artois pour désigner « le lieu où se font les cris, publications et proclamations de justice ». […] Toutes les puissances, en ces divers lieux, s’intéressèrent à lui. […] Alphonse Prévost de Courmières, neveu du défunt, du sieur Quin, inspecteur des jardins du prince de Condé, et des curés convoqués des lieux circonvoisins. […] Quiconque a, dans sa jeunesse, conçu un idéal romanesque et tendre, et l’a vu se flétrir devant soi et se briser sous ses pieds en avançant ; quiconque a plus ou moins connu, en tout genre, les écarts, les engagements téméraires et les difficultés sans issue, et n’a pas cherché à se faire de ses fautes une théorie ni un trône d’orgueil ; quiconque (et le nombre en est grand) a connu les assujettissements pénibles de la vie littéraire et le poids des corvées même honorablement laborieuses, au lieu du joug léger des muses ; ceux-là auront pour l’abbé Prévost un culte particulier comme envers un ancêtre et un patron indulgent. […] Tout ceci mériterait discussion en son lieu.

50. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Ce n’est pas en ce moment le lieu de revenir sur Théophile dont on annonce une réédition prochaine, et je m’en tiendrai à Saint-Amant. […] Que ces lieux sacrés à la nuit, Éloignés du monde et du bruit, Plaisent à mon inquiétude ! […] Il va continuer ainsi ses descriptions des lieux d’alentour, celle du torrent roulant au creux du vallon, celle du marais et du peuple aquatique qui s’y joue ; il arrive ensuite aux ruines gothiques, là où un moderne verrait le sujet de la ballade : Que j’aime à voir la décadence De ces vieux châteaux ruinés, Contre qui les ans mutinés Ont déployé leur insolence ! […] L’orfraie avec ses cris funèbres, Mortels augures des destins, Fait rire et danser les lutins Dans ces lieux remplis de ténèbres. […] Je dois cependant avertir que depuis cette défaite des genres auxquels il s’était voué, Saint-Amant n’a pas cessé de garder çà et là des fidèles, et qu’il a même retrouvé en dernier lieu des admirateurs, ou du moins des curieux passionnés.

51. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

C’est une attention de tous les instants, à mettre si bien toutes les circonstances à leur place, qu’elles soient nécessaires où on les met, et que d’ailleurs elles s’éclaircissent et s’embellissent toutes réciproquement ; à tout arranger pour les effets qu’on a en vue, sans laisser apercevoir de dessein ; de manière enfin que le spectateur suive toujours une action et ne sente jamais un ouvrage : autrement l’illusion cesse, et on ne voit plus que le poète au lieu des personnages. […] Dans ces funestes lieux, sais-tu ce qui m’amène ? […] On y exige encore, non seulement que l’action soit une, mais qu’elle se passe toute en un même jour, en un même lieu. […] Comme toute l’action se passe en un lieu, ce lieu doit être convenable à la qualité des acteurs. […] Pourvu qu’on conserve le caractère du lieu, il est permis de l’embellir de toutes les richesses de l’art ; les couleurs et la perspective en font toute la dépense : cependant il faut que les mœurs des acteurs soient peintes dans la même scène, qu’il y ait une juste proportion entre la demeure et le maître qui l’habite, qu’on y remarque les usages des temps, des pays, des nations.

52. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

On avait essayé dans le temps de recueillir toutes les lettres de la mère Agnès comme on avait fait pour celles de sa sœur publiées en 1742-1744 ; mais l’entreprise était restée en chemin, soit qu’on n’eût pas réussi à réunir tout ce qu’on espérait, soit que le public qui s’intéressait à ce genre d’ouvrages eût fort diminué à mesure qu’on avançait dans le xviiie  siècle. « Il y a lieu surtout d’être étonné, remarquait dom Clémencet au sujet de ces mêmes lettres, que nous en ayons si peu de celles qu’elle a écrites à la reine de Pologne, avec laquelle les mémoires de Port-Royal nous apprennent que la mère Agnès continua la relation qu’avait eue la mère Angélique durant les sept années que cette reine survécut. » C’est qu’on avait eu, dès le principe, moins de précautions dans un cas que dans l’autre pour s’assurer de ne rien perdre. […] le coup était porté : Mme de Sablé voulait quitter Port-Royal pour ne pas gêner, disait-elle, puisqu’on n’avait pas d’autre lieu, et aussi pour ne pas rester exposée aux atteintes. Il fallut toute la grâce et les gentillesses de la mère Agnès pour l’apaiser, pour la faire revenir de sa bouderie ; il fallut surtout ce post-scriptum rassurant, — car Mme de Sablé, en enfant gâté, ne se contentait pas de la promesse qu’on ne ferait plus de bougie, elle disait : Vous en ferez, vous en avez besoin, je veux que vous en fassiez, je ne veux pas vous gêner, mais je m’en irai ; il fallait donc lui prouver qu’on en pouvait faire sans que l’odeur lui en arrivât : « Depuis ma lettre écrite, lui disait la mère Agnès dans les dernières lignes, nos sœurs ont été faire la ronde pour chercher un lieu, s’il en faut un absolument pour vous satisfaire ; elles en ont trouvé un dans les derniers jardins, tout à l’autre bout, proche l’apothicairerie. » — Le choix de ce lieu-là hors de toute portée tranquillisa peut-être Mme de Sablé jusqu’à nouvel ordre et nouveau caprice, jusqu’à nouvelle lune. […] Assurément la mère Agnès connaissait Mme de Sévigné et l’avait entendue causer, puisqu’un jour que cette aimable femme était venue au couvent de la Visitation de la rue Saint-Jacques où se trouvait alors reléguée la mère Agnès par ordre de l’archevêque, et avait demandé à la voir sans en obtenir la permission, la recluse et prisonnière écrivait à l’oncle : « J’aurais beaucoup perdu du fruit de ma solitude si j’avais eu l’honneur de voir Mme de Sévigné, puisqu’une seule personne qui lui ressemble tient lieu d’une grande compagnie. » Cette religieuse, on le voit, connaissait son monde ; causer en tête à tête avec Mme de Sévigné, c’était posséder plusieurs femmes d’esprit à la fois.

53. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

On pourrait croire que l’unité de ton était, au moins pour notre théâtre, la conséquence nécessaire de cette loi de l’art qui établissait l’unité de lieu, de temps, d’action : Qu’en un lieu, qu’en un temps, un seul fait accompli Tienne, jusqu’à la fin, le théâtre rempli. En effet, on ne peut méconnaître la convenance de l’unité de ton dans une crise d’un moment, entre les mêmes personnes, dans un même lieu. Mais renfermer l’espace accordé à une pièce de théâtre en du temps, en un lieu, c’est imposer une sujétion qui se conçoit mieux dans la littérature d’une nation alignée et symétrisée par des habitudes de respect que dans celle d’un peuple moins ordonné et à qui il prendrait de fréquents accès d’anarchie.

54. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 9, de la difference qui étoit entre la déclamation des tragedies et la déclamation des comedies. Des compositeurs de déclamation, reflexions concernant l’art de l’écrire en notes » pp. 136-153

Quintilien dit qu’Aesopus déclamoit beaucoup plus gravement que Roscius, parce qu’Aesopus faisoit sa profession de joüer dans le tragique, au lieu que Roscius faisoit la sienne de joüer dans le comique. […] La définition que les anciens faisoient de la tragedie et de la comedie, et que nous avons rapportée en son lieu, suffiroit seule pour nous convaincre que leur maniere de reciter ces poëmes étoit très-differente. Je me contenterai donc d’ajoûter à ce que j’ai déja dit, que les acteurs qui joüoient la comedie n’avoient d’autre chaussure qu’une espece de sandale qu’ils appelloient socque, au lieu que ceux qui déclamoient la tragedie montoient sur le cothurne, espece de brodequin dont la semele étoit de bois, ce qui les faisoit paroître d’une taille fort élevée au-dessus de celle des hommes ordinaires au rapport de Lucien, de Philostrate et de plusieurs autres écrivains qui les voïoient tous les jours. […] Celle qui servoit à la tragedie devoit representer des palais et d’autres édifices superbes, au lieu que celle qui servoit à la comedie devoit representer des maisons de particuliers et d’autres bâtimens simples.

55. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Clément Marot, et deux poëtes décriés, Sagon & La Huéterie. » pp. 105-113

Il écrivoit de Ferrare, lieu de son exil, à François premier, aux dames de France, à toutes les personnes en état de le servir, afin de les intéresser en sa faveur. […] Marot l’interrompt, entre dans le détail des injustices de ses ennemis, & se plaint ainsi de Sagon : En mon absence il feist son Coup d’essay, Pensant que plus en France, bien le sçay, Venir ne deusse, & que de prime face Il obtiendroit mon lieu royal & place. […] Honneur dit ensuite : « Voulons & ordonnons que Clément Marot, Sagon & autres cy-présens, beuront ensemble devant partir de ce lieu : leur enjoignons cy-après estre bons amys, & vivre sans aucun contredit, sous les peines contenues èsdites conditions cy-devant déclarées ; plus, sur peine d’estre privé de la court de céans, sans nul espoir de jamais obtenir grace, & estre privé de tout honneur à son grand deshonneur.

56. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Ces restes de richesses, piquantes à retrouver sur les lieux, et qui sont comme des fleurs de plus qui les embaument, n’ont guère d’ailleurs d’application littéraire, et les écrivains du pays en profitent trop peu. […] Les racines historiques y sont profondes ; l’aspect des lieux est enchanteur ; volontiers on s’y enferme, et le Léman garde pour lui ses échos. […] L’année suivante, son aïeul meurt, et l’enfant, qui suit le convoi sans trop savoir, se retrouve tout ému aux mêmes lieux. […] Mais de nuit, déjà en route, il revient sur ses pas ; il veut revoir les lieux encore, épier les derniers bruits du logis, la lumière de Louise s’éteignant. […] dans cette vie, y aurait-il lieu vraiment à la moindre rouille pour l’esprit, pour le goût ?

57. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

Donnez Racine pour interprète à Héloïse, et le tableau de ses souffrances va mille fois effacer celui des malheurs de Didon par l’effet tragique, le lieu de la scène et je ne sais quoi de formidable que le christianisme imprime aux objets où il mêle sa grandeur. […] tels sont les lieux où, captive, enchaînée, Je traîne dans les pleurs ma vie infortunée. […] Quels sont donc mes devoirs, et qui suis-je en ces lieux ?

58. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Si les lettres étaient écrites pour le public, il y aurait certainement l’indication du lieu, de l’église, du palais où se trouve ce saint Michel garni de son diable. […] Il y en avait peu en vérité à courir de Paris à Poitiers, ou de Paris à Limoges, et cependant il y avait, non très loin d’ici, il y avait, au-delà d’Arpajon, la vallée de Cocatrix, au lieu qui s’appelait alors Tréfou et qui maintenant s’appelle, je crois, Torfou. […] Mais quand La Fontaine est à Richelieu, c’est précisément alors que son ouvrage n’est bien intéressant que pour qui verrait avec lui ce lieu-là et les objets d’art qu’il a vus et qui y sont restés encore. […] « Le premier lieu où nous arrêtâmes, ce fut Cléry. […] Un valet de ce logis m’ayant averti de cette méprise, je courus au lieu où nous étions descendus et j’arrivai assez à temps pour compter » [c’est-à-dire compter parmi les convives].

59. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

« A mesure qu’on a plus d’esprit ; a dit Pascal, on trouve qu’il y a plus d’hommes originaux. » A mesure qu’on a plus de science et de sagacité dans l’érudition, on trouve qu’il y a plus de questions à se faire, et, là où un autre aurait passé outre sans se douter qu’il y a lieu à difficulté, on insiste, on creuse, et parfois on fait jaillir une source imprévue. […] Rossignol, les caractères généraux de la poésie pastorale ; on a déterminé avec assez de précision quels devaient être le lieu de la scène, le rôle des acteurs, le ton du discours, les qualités du style ; mais l’organisation intérieure, le mécanisme secret, la structure savante et ingénieuse de cette poésie, ont été jusqu’ici peu étudiés. […] Il semble véritablement avoir lu Théocrite plume en main, et avoir voulu bientôt en imiter et en placer les beautés, assez indifférent d’ailleurs sur le lieu. […] Rossignol, ne séparez pas cette forme du fond ; ou, si vous l’oubliez un instant, si vous parvenez à écarter cette molle et suave mélodie pour ne vous attacher qu’à la pensée, vous serez frappé du défaut d’unité dans le lieu et dans le sujet, du vague de la scène, et du caractère bien plus littéraire que réel de ces bergeries.

60. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Il sentait tout le premier le besoin d’aller au-devant des objections qu’on n’exprimait pas, de rectifier votre idée à son sujet et, au lieu du Jomini de prévention qu’on se figurait peut-être, d’expliquer le Jomini véritable et réel qu’il était. […] Il y eut une Réplique adressée au lieu et place du général Jomini par son frère ayant titre de colonel, à lord Londonderry, qui avait fait les dernières guerres sous le nom de général Stuart. […] Si différents que soient ces termes (tome IV, p. 368) de ceux qu’on a lus dans la Correspondance impériale, il n’est pas impossible qu’en dernier lieu Napoléon n’ait en effet porté sur lui un jugement qui se rapprochait de celui-là. […] *** Cette Étude sur Jomini, qui se compose de cinq articles publiés dans le journal le Temps, a eu la faveur d’être reproduite dans plusieurs journaux suisses : par la Revue militaire suisse, recueil spécial des plus estimés ; par le Démocrate, de Payerne, lieu de naissance du général ; enfin par le Journal de Genève. […] De même pour les mouvements du maréchal Ney dans la seconde quinzaine de mai 1813, dans les jours qui précédèrent la bataille de Bautzen, le colonel Lecomte, en discutant la Correspondance impériale, y signale des lacunes et s’attache à montrer d’ailleurs que, même avec les éléments qu’on a, il y a tout à fait lieu et moyen d’attribuer à l’influence directe de Jomini le changement de résolution qui détourna le maréchal Ney de faire front vers Berlin pour se rabattre sur Bautzen.

61. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Doux Zéphirs, qui régniez alors dans ces beaux lieux, N’en portâtes-vous rien aux oreilles des Dieux ? […] Voici toujours les lieux, les places trop connues, Et l’ombre comme hier flottant dans ce chemin. […] Aujourd’hui la terre est trop bello, Je n’en détache plus les yeux, Je t’y vois, et crois dans ces lieux Commencer la vie immortelle. […] Ta carrière n’est point remplie ; Mon sort est toujours dans tes yeux : Attends, et que le Ciel t’oublie Quelque temps encor dans ces lieux ! […] Toujours j’avais admiré la solitude du lieu, l’épaisseur du bois, et, plus d’un soir, descendant au pas le sentier couvert qui mène au vallon, respirant les parfums de seringat qui m’arrivaient par bouffées avec la brise, il m’était venu à l’idée sous ces ombrages un roman selon mon cœur.

62. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Par-là on peut expliquer la raison pourquoi nous avons du plaisir lorsque nous voyons un jardin bien régulier, & que nous en avons encore lorsque nous voyons un lieu brut & champêtre : c’est la même cause qui produit ces effets. Comme nous aimons à voir un grand nombre d’objets, nous voudrions étendre notre vue, être en plusieurs lieux, parcourir plus d’espace : enfin notre ame fuit les bornes, & elle voudroit, pour ainsi dire, étendre la sphere de sa présence ; ainsi c’est un grand plaisir pour elle de porter sa vûe au loin. […] Or il y a là deux choses, une lassitude dans les nerfs, une cessation de la part des esprits qui ne coulent plus, ou qui se dissipent des lieux où ils ont coulé. […] Les gens grossiers n’ont qu’une sensation, leur ame ne sait composer ni décomposer ; ils ne joignent ni n’ôtent rien à ce que la nature donne, au lieu que les gens délicats dans l’amour se composent la plûpart des plaisirs de l’amour. […] L’ame est étonnée de ce contraste romanesque, de rappeller avec plaisir les merveilles des romans, où après avoir passé par des rochers & des pays arides, on se trouve dans un lieu fait pour les fées.

63. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

D’Alembert, qui a fait l’article Genève dans l’Encyclopédie et qui a révoqué en doute la foi sincère en Jésus-Christ des ministres protestants, soulève l’opinion à Genève, et Voltaire, qui est sur les lieux, s’en ressent. […] Voltaire ne se laisse point tranquilliser, et il n’est point d’humeur à laisser les autres tranquilles : Je lis et je relis votre contrat, et plus je le relis, plus je vois que vous m’avez dicté la loi en vainqueur ; mais j’en suis fort aise ; j’aime à embellir les lieux que j’habite, et je fais à la fois votre bien et mon plaisir. […] Il veut, au château, des fossés grands et réguliers, des ponts tournants ; il abat sans pitié les vieux arbres : « Vos arbres de Dodone seront mieux employés à ces embellissements qu’à chauffer la ville de Genève. » Cependant les gens d’affaires qui sont sur les lieux, le notaire M.  […] Il propose au président d’acheter tout de bon sa terre, non plus à vie, mais à perpétuité ; tant que ce nouveau projet, qui n’est qu’un leurre, est sur le tapis, la reconnaissance ne se fait pas, et il gagne du temps pour changer l’état des lieux avant qu’on ait constaté le point de départ. […] Lorsque Voltaire prit possession de Tourney (décembre 1758), il y avait des coupes de bois antérieurement faites et vendues par le président à un paysan du lieu, marchand de bois de son état, nommé Charlot Baudy.

64. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

L’animal en général est-il de quelque pays, & peut-il se transporter d’un lieu en un autre ? […] Lieu inaccessible. […] c’est-à-dire, en quel lieu. […] Les variantes de la Henriade donneroient souvent lieu à de pareils anti-sigma. […] déclamateur du lieu d’exercice.

65. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

L’alternative était grande, et il y avait lieu d’être tentée. […] À quinze ans je l’ai connue, et à quinze ans j’ai commencé à l’aimer ; depuis, cette passion a toujours réglé ma vie, et il n’y a rien que je ne lui aie sacrifié… Il n’y a plus de lieu où j’aie envie d’aller, tout m’est égal ; ma chère Marianne donnait de la vie à tout ; et, en la perdant, tout est mort pour moi ; je découvrais tous les jours en elle de nouveaux sujets de l’aimer, sans pouvoir jamais en découvrir aucun de ne la pas aimer. […] Si cette lettre habilement flatteuse avait pu être montrée au roi, il avait de quoi espérer de reprendre pied en cour, et peut-être serait-il devenu un personnage employé et utile, au lieu qu’il tourna encore au roman. […] Il juge en curieux et parle à ravir des autres parties de la villa, de la forme et de l’intérieur de l’appartement ; il conseille à la princesse romaine, maîtresse de ce beau lieu, et qu’il ne nomme pas, d’y faire des changements qui soient propres à l’embellir encore. […] Il est possible que ce soit à la terre de Lassay qu’il soit allé vivre avec sa femme, et, en ce cas, Saint-Simon se serait mépris en disant la Basse-Normandie au lieu du Maine.

66. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Ramond, en même temps qu’il observait la nature en géologue, en physicien et en botaniste, s’appliquait expressément à rendre l’aspect et la physionomie des lieux, la teinte diverse des rochers, la couleur des eaux et jusqu’à l’individualité des monts. […] Des montagnes qui paraîtraient déjà considérables, quand même on n’aurait pas d’égard à l’élévation de leur base, étonnent encore par une simplicité de formes qu’elles n’affectent communément que sur la lisière des grandes chaînes, et au voisinage des lieux où elles dégénèrent en humbles collines. […] Quel spectacle, une fois que les tempêtes de l’automne se seraient emparées de ces lieux comme de leur domaine ; que l’izard léger et la triste corneille, seuls habitants de leurs déserts, en auraient fui les hauteurs ; qu’une neige fine et volage, entraînée de pentes en pentes, et volant de rochers en rochers, aurait englouti sous ses flots capricieux leur stérile étendue… Et avec un enthousiasme mêlé de joie il suit le tableau dans sa succession, jusqu’au retour du prochain printemps et jusqu’à la fonte des neiges. […] Les Voyages au Mont-Perdu et dans la région adjacente, publiés en 1801, nous rendent une partie seulement de ces résultats et de ces impressions : Ramond avait depuis augmenté cet ouvrage ; il avait voulu consigner dans un dernier récit tout ce que des lieux, tant de fois visités par lui, lui avaient inspiré d’intérêt et d’affection. […] En comparant l’imposante symétrie du cirque au désordre hideux qu’il offrait lorsqu’une brume épaisse se traînait autour de ses degrés, nous reconnaissions à peine les lieux que nous avions parcourus.

67. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Il a laissé de ce lieu inspirateur les plus aimables peintures en vers, et même en prose. […] Lorsque j’habitais ce beau lieu, au temps de l’Empire, il y avait, au pied de la tour de l’Aigle, un petit port souvent rempli de barques et de navires qui y faisaient relâche en remontant du Havre à Rouen. […] Il ne reverra plus son cher Tancarville qu’après trente années presque révolues d’absence (septembre 1845) ; en le revoyant, sa verve se ranime avec toutes les émotions de son cœur, et il le salue, il le célèbre encore une fois par une Épître où l’homme sensible et le sage jettent un dernier regard mélancolique, mais non morose, sur ce passé : Parmi tous ces débris où j’ai souvent erré, Où j’ai joui, souffert, aimé, rêvé, pleuré, Mon heureuse jeunesse en vingt lieux dispersée Soudain de toutes parts remonte à ma pensée. […] Il me semble en mon sein sentir battre des ailes ; Un air intérieur me soulève avec elles, Me porte, et je m’envole à chaque lieu connu, Léger comme un oiseau vers son nid revenu. […] À la Chambre des Pairs, au Sénat, il a toujours pris en main l’intérêt des Lettres, ne se considérant jamais mieux à sa place en ce haut lieu que lorsqu’il est appelé à les y représenter et à les défendre.

68. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Les lieux assignés aux lectures sont un point très important, et qui peut influer non seulement sur leur succès, mais sur leur caractère. […] Le Palais-Royal est un lieu commode ; mais il ne saurait être unique sans inconvénient. […] Quatre ou cinq autres lieux sont absolument nécessaires. […] Je n’ai pas à discuter ces détails, mais le choix des lieux est de toute importance. […] [NdA] La convenance des heures n’est pas moins importante que le choix des lieux.

69. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Deux choses le font emporter au père Massillon sur le père Maur : le grand succès qu’il eut l’Avent dernier qu’il prêcha devant le roi, et l’avantage de la chaire de Saint-Gervais qui est au milieu de la ville, au lieu que celle de Saint-Étienne en est à une des extrémités et qu’il y faut grimper ; joint que l’on convient qu’encore que le père Maur ne manque pas d’onction ni de pathos, le père Massillon en a davantage. […] Mais la paroisse a bien des gens de qualité et des gens riches, au lieu que Saint-Étienne n’en a que peu en comparaison et qu’il a le désavantage de la situation. […] Toutefois on sent qu’à la fin la balance l’emporte pour le plus grand des deux orateurs sacrés : « Ce jeudi 11e mars 1700. — J’ai entendu hier le père Massillon, qui repose le mardi, au lieu que le mercredi est le repos du père Maur.

70. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVI. Jésus au tombeau. »

Selon la loi juive, enlevé le soir, il eût été déposé dans le lieu infâme destiné à la sépulture des suppliciés 1203. […] On n’avait pas encore choisi le lieu où on déposerait le corps d’une manière définitive. […] En tout cas, l’aspect des lieux a été totalement modifié.

71. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

Les circonstances du temps et du lieu font voir que ce passage doit s’entendre des chrétiens. D’ailleurs, ce fut l’évêque qui fit cesser le desordre. " il n’y a pas encore long-temps, c’est la traduction du latin, que les danseurs osoient venir exercer leur art dans ce lieu si respectable, et jusques sur le tombeau de notre saint martyr. […] Je reviens au sujet de tant de discussions, je veux dire à l’usage de composer et d’écrire en notes la declamation qui avoit lieu autrefois.

72. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

(Et il me montrait Carthage d’un lieu élevé, tout brillant d’étoiles et resplendissant de clarté.) […] « Volontiers : c’est un lieu où je me plais, quand je veux méditer, lire ou écrire quelque chose. […] Je m’étonnais auparavant (car dans ces lieux je ne m’imaginais que rochers et montagnes, trompé par vos discours et par vos vers), je m’étonnais que ce séjour vous plût si fort. […] « C’est lorsque j’ai la liberté de m’absenter plusieurs jours, surtout dans cette saison de l’année, que je viens chercher l’air pur et les charmes de ce lieu : il est vrai que je le puis rarement. […] Enfin sachez que c’est en ce même lieu, mais du vivant de mon aïeul, du temps que, selon les anciennes mœurs, la maison était petite comme celle de Curius dans le pays des Sabins ; oui, c’est en ce lieu que je suis né.

73. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre V » pp. 48-49

Nous voyons en troisième lieu dans cette société d’élite un mélange heureux de personnes des deux sexes ; nous y remarquons la parité, je dirais volontiers la domination ou au moins la supériorité s’établir du côté des femmes dans les nouvelles relations dont l’hôtel de Rambouillet est le centre. Nous voyons en quatrième lieu les nouvelles combinaisons de personnes y produire cette jouissance nouvelle si féconde en autres jouissances, si féconde surtout en talents et en vertus, cette jouissance enviée à la France par foules les nations civilisées, celle de la conversation.

74. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

N’y aurait-il pas lieu de croire, enfin, que la querelle du romantisme est une simple dispute de mots, un pur malentendu, qui cesserait du moment que les esprits justes et sincères, de part et d’autre, après être tombés d’accord sur les principes qui semblent les diviser, seraient forcés de reconnaître la vanité des paroles qui les abusent ? […] Un Anglais du seizième siècle, génie sublime et inculte, ignorant les règles du théâtre, et les suppléant par tous ces artifices qu’un heureux instinct suggère, avait, dans ses drames monstrueux, étendu indéfiniment l’espace et la durée, renfermé des lieux et des années sans nombre, confondu les conditions et les langages, méconnu ou violé le costume distinctif des époques et des contrées diverses ; mais, observateur attentif et peintre fidèle de la nature, il avait répandu, dans ses compositions désordonnées et gigantesques, une foule de ces traits naïfs, profonds, énergiques, qui peignent tout un siècle, révèlent tout un caractère, trahissent toute une passion. […] Ces chefs-d’œuvre, composés dans chacune des villes savantes, des huit ou dix Athènes de l’Allemagne, par le Sophocle du lieu, et joués, pour ainsi dire, en famille, devant le Périclès du Margraviat ou de la Principauté, obtinrent un succès prodigieux ; et nos bons voisins purent croire qu’ils avaient enfin un théâtre national. […] Or, il peut, devant des spectateurs immobiles et rassemblés pour quelques heures, présenter toujours un même lieu, ou se métamorphoser en vingt lieux divers ; marquer, par la succession des événements, la durée d’un seul jour ou celle de plusieurs années. […] Un sujet de la Grèce antique, où l’homme de tous les lieux et de tous les siècles sera peint fidèlement, sous le costume rigoureusement observé de Mycènes, d’Argos ou de Sparte, réunira, pour des spectateurs modernes, les deux conditions qui constituent cette vérité : un sujet moderne pourra les enfreindre l’une ou l’autre, si les sentiments naturels sont faussement exprimés, ou les mœurs sociales inexactement rendues.

75. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Il faut espérer que des phénomenes de cette espece n’auront plus lieu sous les regards de M. de Lamoignon. […] Ce lieu donna matiere à des paralleles qui ne leur furent pas avantageux. […] Il n’y a que ce lieu dans l’univers où l’on se parle aussi facilement sans se connoître. […] D’ailleurs, comme dit un écrivain moderne, l’Anglais a toujours la fievre, ainsi que le lion ; au lieu que le Français ne se fâche que pour un moment. […] Couple heureux & formé tout exprès pour grossir les ridicules du lieu ; mais, juste ciel !

76. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Démosthéne, et Eschine. » pp. 42-52

Il s’enfermoit dans des lieux souterreins pour y travailler à la lueur d’une lampe, la tête rasée à demi. […] En voulant faire couronner un citoyen encore comptable ; 2°. en indiquant le théâtre pour le lieu de la proclamation ; 3°. en représentant comme le soutien de la patrie celui-là même qui la trahit. […] » Rhodes fut le lieu de son exil.

77. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre II. Quelques traditions sur Pindare. »

Après avoir remarqué, dans sa description de Tanagre, que les habitants de cette ville ont su le mieux, parmi les Grecs, régler ce qui concerne le culte divin, toujours attentifs à placer les temples à part, dans un lieu pur, loin de l’habitation des hommes, il ajoute, apparemment par cette liaison d’idées naturelle entre le culte et la poésie : « Le tombeau de Corinne28, qui seule, à Tanagre, a fait des hymnes, est placé dans le lieu le plus découvert de la ville. […] Quelques vers grecs, d’une date inconnue mais ancienne, consacrent par de touchants détails la fin du poëte dans les fêtes d’Argos32 : « Protomaque et Eumétis33 aux douces voix pleuraient, filles ingénieuses de Pindare, alors qu’elles revenaient d’Argos, rapportant dans une urne ses cendres retirées des flammes d’un bûcher étranger. » La gloire du poëte grandit sur sa tombe, placée dans le lieu le plus remarquable de Thèbes, près de l’amphithéâtre des jeux publics.

78. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — La Grenée » p. 97

Il semble que le lieu de la scène devait être un paysage écarté, silencieux, désert, mais riche ; que la beauté des déesses devait tenir le spectateur et le juge incertains ; qu’on ne pouvait rencontrer le vrai caractère de Paris que par un coup de génie. […] Il était bien loin de soupçonner l’effet sublime du lieu de la scène.

79. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

L’auteur y examine d’abord l’influence des lieux fatidiques ou du domaine privilégié des esprits, les hauts lieux, les lieux déserts, certaines sources, les béthyles ou les pierres mystérieuses élevées en commémoration des faits merveilleux, les animaux subissant, dans certains lieux fatidiques, la même influence que ceux qui les guident ; et sur toutes ces questions, prises à revers des solutions de la science moderne, le terrible savant ne cesse de marcher au flambeau allumé de la critique historique.

80. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

C’est sous de modestes vêtements que je dois pénétrer en ce lieu consacré à la piété. […] Le héros les remercie, il flotte entre deux courants d’idée ; il sent qu’il est nécessaire à sa capitale, mais il ne peut s’arracher des lieux habités par Sacountala. […] Elle vient de passer dans ces lieux ! […] Quel air vivifiant on respire en ce lieu ! […] « Va, céleste enfant, en quelque lieu que tu portes tes pas loin de moi, toujours tu resteras attachée à mon cœur.

81. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Montluc a oublié de nous dire la date et le lieu précis de sa naissance ; il dut naître dans les premières années du xvie  siècle et vers 1503. […] Il convient pourtant qu’il n’est pas inutile de l’être quelquefois ; car il faut avoir la tête bien grosse quand on a éprouvé une perte en un lieu pour ne pas y pourvoir lorsqu’on se retrouve exposé au même hasard ; c’est le cas de se faire sage par sa perte : « Mais je me suis bien trouvé, ajoute-t-il, de ne l’avoir pas été, et aime mieux m’être fait avisé aux dépens d’autrui qu’aux miens. » Pour un personnage tout d’action et si homme de main, il est à remarquer comme il aime les préceptes, les sentences, et à moraliser sur la guerre ; il le fait en un style vif, énergique, imaginatif, gai parfois et qui sourit : oh ! […] Il avoue ses opiniâtretés, ses colères, qui sentent le cheval de sang et de race : « Il ne me fallait guère piquer pour me faire partir de la main. » Quelquefois aussi, chez lui, c’était méthode et tactique ; on le verra user de sa réputation terrible pour obtenir de prompts et merveilleux résultats : ainsi, à Casal, ville presque ouverte, où il se jette (1552) pour la défendre, et où il lui fallut improviser des fortifications et de grands travaux de terrassement en peu de jours, il donnera ordre à tout son monde, tant capitaines, soldats, pionniers, qu’hommes et femmes de la ville, d’avoir dès le point du jour la main à l’ouvrage « sous peine de la vie » ; et, pour mieux les persuader, il fit dresser des potences (dont sans doute cette fois on n’eut pas à se servir) : « J’avais, dit-il, et ai toujours eu un peu mauvais bruit de faire jouer de la corde, tellement qu’il n’y avait homme petit ni grand, qui ne craignît mes complexions et mes humeurs de Gascogne. » Et en revanche, sans se fier plus qu’il ne faut à l’intimidation, il allait lui-même, sur tous les points, faisant sa ronde jour et nuit, reconnaissant les lieux, « encourageant cependant tout le monde au travail, caressant petits et grands. » Ces jours-là, où il était maître de lui-même, il savait donc gouverner les esprits autant par les bons procédés que par la crainte, et il s’entendait à caresser non moins qu’à menacer. […] S’il a le cœur en bon lieu, il estime plus cela que tout le bien du monde, et à la première rencontre il tâchera encore de mieux faire. » Les Commentaires de Montluc offrent ainsi mille conseils, non seulement d’une bonne tactique, mais aussi d’une bonne rhétorique de guerre. […] Corne, ancien avoué, qui s’est occupé de recherches historiques concernant la famille et la généalogie des Montluc, m’écrit de Condom que Blaise de Monluc (ainsi lui-même signait-il, et non pas Montluc), est né, selon toute vraisemblance, non à Condom, mais dans l’arrondissement de cette ville, à Sainte-Gemme, lieu situé dans la commune du Saint-Puy, canton de Valence.

82. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon16 Lundi 6 novembre 1854 Vivre en plusieurs temps, être en plusieurs lieux, est devenu de jour en jour plus facile. […] L’austérité, au reste, y est plutôt pour les maîtresses dont la vie se passe dans la vigilance, dans les précautions continuelles, et qui deviennent dès lors de vraies religieuses régulières par la solennité et la perpétuité des vœux : quant aux élèves et demoiselles, lors même qu’elles ont été guéries ou préservées, dans ce second et plus sûr régime, des dissipations d’esprit et des goûts d’émancipation trop mondaine, Mme de Maintenon a toujours lieu de dire : « Je ne crois pourtant pas qu’il y ait de jeunesse ensemble qui se divertisse plus que la nôtre, ni d’éducation plus gaie. » Les craintes qu’avait fait naître à un moment l’invasion du bel esprit étant passées, et le correctif ayant réussi, on revint à Saint-Cyr à une voie moyenne, et où le bon langage eut sa part d’attention et de culture. […] L’autre pièce que j’ai à citer est intitulée Le Retour, c’est l’être humain (homme ou femme) qui, après avoir vécu, souffert et failli, revient au lieu natal, dans le manoir domestique, et y retrouve tous les anciens témoins de son innocence et de son bonheur : « Nous reviens-tu avec le cœur de ton enfance, un cœur libre, pur, aimant ?  […] « As-tu gardé la foi au mort (ou à la morte) fidèle dont le lieu de repos est tout près d’ici ? […] Mais de mon enfance du moins je rapporte un don de larmes pour adoucir et pour expier ; et vous tous, objets et lieux témoins de mes années bénies, ces larmes me rendront encore une fois tout vôtre ! 

83. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Ce volume est né aux Roches, c’est-à-dire en un lieu riant et champêtre qui a eu son influence sur l’école poétique moderne, et dans lequel cette école à son tour a trouvé des échos aussi : redituraque Rupibus Echo. […] Comme il arrive aisément dans les lieux qui plaisent, on eut le chemin plutôt que le but ; et, au lieu de la critique qu’on cherchait d’abord, la poésie naquit. […] Je me rappelle encore la position bien dessinée du groupe dès ces premiers jours : Mlle Bertin, l’âme du lieu, préludant à ses hymnes élevés ; son frère Édouard, qui est devenu le paysagiste sévère ; Antony Deschamps, alors en train de passer du dilettantisme de Mozart au commerce de Dante, et qui y portait toutes les nobles ferveurs. […] dans ce beau lieu paré De tes plus charmantes étoiles, Cache mon âme ; elle a pleuré ; Couvre-la bien de tes longs voiles ! […] Et souvenez-vous de moi dorénavant, lorsqu’ici viendra, après bien des travers, quelqu’un des hôtes mortels, et qu’il vous démandera : « O jeunes filles, quel est pour vous le plus doux des chantres qui fréquentent ce lieu, et auquel de tous prenez-vous le plus de plaisir ? 

84. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Mme Brun, d’ailleurs, délicate de santé et fuyant l’âpreté du Nord, venait elle-même à Genève, où elle engagea Bonstetten, encore incertain du lieu où il se fixerait, à se rendre pour une saison ; ce séjour, devenu résidence, qui décida de la suite de sa vie intellectuelle, dura trente ans. […] L’ouvrage se compose de deux parties fort distinctes : la première est d’un classique et d’un antiquaire : elle s’intitule : « Voyage sur la scène des six derniers livres de L’Énéide », et nous offre l’un des premiers exemples (sinon le premier) d’un critique homme de goût relisant en détail un poète sur les lieux mêmes qui sont le théâtre de ses chants, et qui en deviennent le plus lumineux commentaire. […] En les voyant reparaître, la rancune contre lui se réveilla ; et il comprit qu’il n’avait rien de mieux à faire que de se tenir à distance de l’ours bernois et de renouveler bail avec Genève, ne fût-ce que comme le meilleur des lieux de repos et de plaisance, la mieux située des hôtelleries pour un citoyen du monde. […] N’oubliez pas tous les étrangers célèbres, à commencer par Byron, qui étaient et qui sont la bonne fortune de ce lieu de passage, ces gracieuses étrangères venues du Nord, qui rompent la roideur locale et font diversion à la contrainte ; si bien qu’à voir tant de monde séduisant arriver, plaire et aussitôt disparaître, « le cœur, disait Bonstetten, y devient mauvais sujet ». […] Quand le génie frappe, il touche au but comme la foudre, tandis que l’ignorance tombe en tous lieux comme une grêle malfaisante.

85. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Souvent, aux lieux les plus connus, un certain profil soudainement caractérisé me révèle des masses différentes, des groupes nouvellement conçus, que je n’avais jamais envisagés de cette sorte, et qui sont vrais, et qui s’ajoutent à la connaissance vivante que j’ai du tout. » Ce que cet ami me disait de ses montagnes, je l’appliquais involontairement à notre littérature, à mesure que, l’envisageant de loin, sous un aspect extérieur, et pourtant d’un lieu ‌ qui est à elle encore par la culture, elle me paraissait offrir une perspective nouvelle dans des objets tant de fois étudiés et connus. […] Les séjours de Voltaire, de Rousseau, dans ces pays, en rajeunirent à temps la littérature, et la firent toute du xviiie  siècle au lieu du xviie , où elle était restée. […] Sorti du village de Crassier ou Crassy10, qui avait été déjà le lieu de naissance de Mme Necker, il fit tout le cours de ses études à cette académie, dont la discipline était alors fort désorganisée par suite des événements publics. […] La thèse qu’il soutient, et qui serait fort à défendre à Paris même (qu’il importe d’étudier les classiques français pas à pas et dans un esprit scientifique), est surtout d’application rigoureuse aux lieux où il écrit. […] Éloignés des lieux où cette langue est intimement sentie et parlée dans toute sa pureté, ne nous importe-t-il pas de l’étudier à sa source la plus sincère et avec une sérieuse application ?

86. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Même les plus courts mystères ceux qui ne demandent qu’un jour, usent du temps et du lieu avec une extrême liberté. Le lieu change d’une scène à l’autre sans difficulté ; et sans difficulté aussi, le drame embrasse dix ans, un siècle, ou quatre mille ans, comme le Mystère du Vieil Testament. […] Sur la scène vaste, large de 30 à 50 mètres, tous les lieux à travers lesquels se transportera successivement l’action sont figurés simultanément : figurés en abrégé ou en raccourci, bien entendu, et comme par échantillons ou symboles. Les distances intermédiaires, les lieux inutiles sont abolis. […] Une Nativité, jouée à Rouen en 1474, exigeait, entre le Paradis et l’Enfer, vingt-deux lieux différents de Nazareth, Jérusalem, Bethléem et Rome.

87. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Heureuse la postérité quand elle choisit bien, et quand elle immortalise, au lieu du succès de la violence et de la conquête, le vrai génie du bien, la vérité, la sagesse et la vertu ! […] Cet arbre, qui n’est plus aujourd’hui qu’un tronc aride, subsiste encore dans le lieu même où il fut planté, malgré le bouleversement que la Chine a éprouvé plus d’une fois pendant un intervalle de temps de plus de vingt-deux siècles. […] « Après avoir tout disposé dans le lieu de la sépulture, ceux des disciples qui étaient à portée se rassemblèrent chez Tsée-sée, son petit-fils, et formèrent le convoi funèbre, en se joignant aux autres parents de l’illustre mort. […] « C’est le despotisme de la raison, dit-il, au lieu du despotisme sanguinaire et oppressif que notre ignorance leur attribue. […] Une mort prématurée l’a enlevé de ce monde lorsqu’on avait le moins lieu de s’y attendre.

88. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Il y ajoute le mouvement de translation, soit que le corps se déplace dans l’espace et change de lieu, soit qu’il fasse une révolution sur lui-même et reste en place. […] En quel lieu réside-t-il, si toutefois on peut, sur l’infini et l’éternel, élever une telle question ? […] En troisième lieu, elles jettent également par la bouche le miel qui leur doit servir de nourriture, partie l’été, partie l’automne. […] Les cerfs jettent leur bois dans des lieux où l’on ne pénètre pas aisément et qui sont difficiles à reconnaître. […] Il ne va au viandis que la nuit et dans des lieux couverts, jusqu’à ce qu’il ait refait sa tête.

89. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Ô vents, que vos ailes légères vous emportent loin de ces lieux, vous ne pouvez plus troubler le repos du barde, ses yeux s’appesantissent. […] Je viens souvent m’asseoir sous l’ombrage, dans ce triste lieu ; j’entends soupirer le vent dans le gazon, et leur souvenir se réveille dans mon âme. […] Quelque lumière bienfaisante ne me guidera-t-elle point vers les lieux où est mon amant ? Sans doute il repose, en quelque lieu solitaire, des fatigues de la chasse, son arc détendu à ses côtés, et ses chiens haletant autour de lui. […] tu meurs, au lieu du perfide Erath.

90. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Depuis qu’en ces lieux le temps m’oublia seule, La terre m’apparaît vieille comme une aïeule Qui pleure ses enfants sous ses robes de deuil. […] Moi, le triste instinct m’y ramène : Rien n’a changé là que le temps ; Des lieux où notre œil se promène, Rien n’a fui que les habitants. […] Je ne vois en ces lieux que ceux qui n’y sont pas ! […] Ils disaient : genius loci , l’âme du lieu ; ils avaient les dieux lares, la divinité du foyer. […] Si ce chant eût été noté dans des vers, il serait resté l’hymne de la félicité humaine, l’holocauste du bonheur terrestre rallumé dans le cœur de l’homme par la vue des lieux où il fut heureux !

91. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Deux autres ecclésiastiques compromis, l’un notamment nommé Bourdin, ami et compagnon de Le Noir, et qui confessait avoir pris part aux libelles de ce dernier, en s’offrant de prouver tout ce qu’on avait avancé et en demandant d’être renvoyé par devant le juge d’Église, seul compétent, au lieu des juges laïques qu’on lui avait donnés, furent condamnés aux galères, et Bourdin aux galères perpétuelles (1683). […] Il mourut subitement, le 6 août 1695, à sa belle maison de Conflans, dont il avait fait un lieu de délices. […] L’archevêque en avait fait un lieu si soigné, si peigné que lorsqu’on marchait dans les allées ; un garçon jardinier, dit-on, était là qui passait le râteau derrière. […] … Ce sont des réflexions que notre sujet nous présente… réflexions salutaires quand nous savons nous les appliquer, mais téméraires quand nous les portons hors de nous-mêmes ; car alors nous jugeons ce que nous ne connaissons pas, au lieu que nous devrions être uniquement attentifs à juger ce que nous connaissons… Ce sont ces vagues et inutiles discours que Job reprochait à ceux qui voulaient raisonner sur le malheur de son sort. […] Conflans, maison de campagne de l’archevêché, et dont l’archevêque avait fait un lieu de plaisance.

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