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673. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

L’ennui qui dévore les âmes promptement rassasiées des joies vulgaires, et éprises de l’idéal ; — les fureurs de l’amour que font naître non les transports des sens ou l’épanouissement d’un cœur jeune et crédule, mais les raffinements d’une curiosité maladive ; — l’expiation providentielle suspendue sur le vice frivole de l’individu, comme sur la corruption dogmatique des sociétés ; — la brutalité conquérante qui ignore les joies et la puissance du sacrifice ; — les âmes cupides qui fraudent et calomnient les âmes droites et contemplatives ; — enfin, l’orgueil qui se dresse contre Dieu, et qui même, foudroyé, respire avec délices l’encens des malheureux qu’il abuse, des sophistes qu’il enlace, des superbes qu’il enivre. […] La Mort ferme le livre du poète, comme elle ferme les courtes joies et les sinistres égarements de la vie.

674. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Comme ils se laissaient accabler, elle éprouvait une joie secrète, la joie des lâches quand ils s’aperçoivent qu’ils avaient bien tort de trembler. […] Dans leur joie, ils allèrent presque jusqu’à béatifier Clément XIV : « Les calvinistes de Hollande et les jansénistes d’Utrecht, — dit Crétineau, — frappèrent une médaille à son honneur. » Le Pape sentit l’outrage de cet hommage.

675. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Arrivant à l’éloge de Louis le Grand, l’orateur ne se contient plus : « Vous le voyez, messieurs, et je le sens encore plus, je tremble de peur et je suis transporté de joie… » C’est ici que Tertullien revenait encore assez singulièrement : Il y a deux personnes dans un même homme, lorsque la Providence l’élève aux premières places : la personne particulière et la personne publique. […] Il sait mieux que personne ce que vous valez, il vous connaît à fond, il aime à vous entretenir, et lorsqu’il vous parle, une joie se répand sur son visage, dont tout le monde s’aperçoit.

676. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

C’est un orgueil misérable que de se croire sans vices, et c’est un défaut odieux que d’être vicieux et sévère en même temps ; nul esprit n’est si corrompu, que je ne le préfère, avec beaucoup de joie, au mérite dur et rigide. […] Pour moi, je pleurais de joie, lorsque je lisais ces Vies ; je ne passais point de nuit sans parler à Alcibiade, Agésilas et autres ; j’allais dans la place de Rome, pour haranguer avec les Gracques, et pour défendre Caton, quand on lui jetait des pierres.

677. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

De même que ceux qui voulaient la délivrance et la liberté en 89, eurent un moment d’ineffable joie et d’espérance trop tôt déçue, trop tôt souillée par des excès, et qu’ils virent le plus cher de leurs vœux se tourner en mécompte, de même bien des esprits sages, modérés, tolérants ou même religieux de sentiment et d’intention, ouverts à la haute pensée de la civilisation renaissante, qui se réjouirent de la réconciliation de la religion et de la société en 1801, et qui y poussèrent ou y applaudirent, eurent bientôt à revenir de cette satisfaction première, et quelques-uns, s’ils vécurent assez, purent douter s’ils n’avaient pas erré. […] Aussi l’impopularité du Clergé vers 1827 était-elle au comble ; ce siècle qui, à son aurore, avait applaudi et tressailli de joie à la restauration du culte, en était revenu à la haine du prêtre ; l’insulte s’attachait à l’habit90.

678. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Soulié nous a exposé brièvement, dans son Introduction, comment il parvint à trouver cette première pièce quelconque (un titre de propriété), laquelle le renvoya à d’autres, à des actes passés à Paris, et comment, de contrat en contrat, de testament en testament, de fil en aiguille, il en vint à reconquérir péniblement, mais avec une joie indicible, quelques faits précis et certains sur l’état de maison, la famille, les obligations de théâtre, les dettes, et les mœurs domestiques du grand poète chef de troupe. […]  » Et voilà notre homme enfermé, dévorant tout ce grimoire sans en rien passer, car il s’agit d’un seul nom propre qui peut vous mettre sur la voie ; et si, après une journée tout entière employée à cette chasse d’un nouveau genre, l’érudit sort tout poudreux, plus couvert de toiles d’araignée que Gabriel Naudé à Rome au sortir de chez les bouquinistes, mais tenant en main l’acte qu’il désirait, qu’il avait flairé et dénoncé à l’avance, quelle joie, quel triomphe !

679. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

. — « J’ai donc des parents, repris-je vivement avec un mouvement qui ressemblait à de la joie, mais qui dura moins de temps qu’il n’en fallut pour l’exprimer. » —    Ceci est beau, beau de nature ; car, au moment même où cette joie le traverse, une angoisse cruelle a saisi l’âme d’Émile : il avait déjà provoqué Édouard, déjà le duel est réglé, c’est le lendemain malin qu’il doit se battre, et il apprend que c’est contre un frère !

680. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Il y eut, entre autres, un moment de crise, d’inquiétude suprême et d’amertume dernière, d’une amertume d’autant plus cuisante et plus sensible qu’elle avait été précédée d’un éveil de joie et d’espérance : ce fut pendant la maladie de Metz et à la convalescence du roi. […] Vous comprenez que tant d’espérances furent révélées par la joie des uns et l’étonnement des autres.

681. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Et quelle joie dénaturé égale cette joie de société que l’homme se fait ? 

682. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Quelle joie pour Christel, quel attendrissement pour la mère de s’y rencontrer avec lui comme en un coin libre et vaste de la forêt des aïeux ! […] Vous prendrez garde à toutes ces haines de là-bas, et vous tâcherez surtout de concilier ici. » Et la famille, et les enfants, elle venait aussi en parler, et embellissait par eux les devoirs : « Ils auront es mêmes fées que vous sous vos mêmes ombrages. » Hervé n’essayait plus de comprendre, il nageait dans une sainte joie ; le jour tombant et de si franches paroles l’enhardissaient ; il exprima nettement ce désir prochain d’union, et cette fois, soit qu’elle fût trop faible, après tant d’efforts, ou trop attendrie, elle le laissa s’expliquer jusqu’au bout sans l’interrompre.

683. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Les pompes, les cérémonies de l’Église étaient sa joie. […] Le tavernier, son valet qui crie le vin à la porte, trois voleurs aux noms pittoresques, Pincedés, Cliquet et Rasoir, voilà les personnages du premier plan, que le poète fait dialoguer avec une certaine aisance : ces propos de buveurs, ces parties de dés, cette épaisse joie populaire s’étalent largement.

684. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Ce que Racine a fait pour l’amour tragique, principe de folie, de crime et de mort, Marivaux le fait pour l’amour qui n’est ni tragique ni ridicule, principe de souffrance intime ou de joie sans tapage, pour l’amour simplement vrai, profond, tendre. […] Ce sont deux égoïsmes, prêts à se donner, mais « donnant donnant », en échange, non gratuitement ; on les voit s’avancer, se reprendre, craindre de faire un pas que l’autre n’ait pas fait, estimer ce qu’un non laisse encore d’espérance, ce qu’un oui contient de sincérité, négocier enfin avec une prudence méticuleuse l’accord où chacun compte trouver pour soi joie et bonheur.

685. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

L’incendie est un feu de joie, l’exécution a l’entrain d’une fête. […] Giboyer se sent renaître dans ce noble enfant, avec la joie d’un paria qui, assistant vivant à sa métempsycose, se verrait, du fond de son abjection, revivre sous la forme d’un être sacré.

686. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

L’oraison funèbre du général Drouot, prononcée dans la cathédrale de Nancy le 25 mai 1847, me donne cette joie. […] Drouot était fils d’un boulanger de Nancy, le troisième de douze enfants : Issu du peuple par des parents chrétiens, il vit de bonne heure, dans la maison paternelle, un spectacle qui ne lui permit de connaître ni l’envie d’un autre sort, ni le regret d’une plus haute naissance ; il y vit l’ordre, la paix, le contentement, une bonté qui savait partager avec de plus pauvres, une foi qui, en rapportant tout à Dieu, élevait tout jusqu’à lui, la simplicité, la générosité, la noblesse de l’âme, et il apprit, de la joie qu’il goûta lui-même au sein d’une position estimée si vulgaire, que tout devient bon pour l’homme quand il demande sa vie au travail et sa grandeur à la religion.

687. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

M. de Balzac, vous pensez donc… » De surprise et de joie elle fait un mouvement, elle laisse tomber le plateau de ses mains, et tout se brise. […] Ceux qui cherchent joie, gaieté, épanouissement, la veine satirique et franche du Tourangeau rabelaisien, ne sauraient méconnaître les illustres Gaudissart, les excellents Birotteau et toute leur race.

688. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Son Arlequin, toujours simple et bon, toujours facile à tromper, croit ce qu’on lui dit, fait ce que l’on veut, et vient se mettre de moitié dans les pièges qu’on veut lui tendre : rien ne l’étonne, tout l’embarrasse ; il n’a point de raison, il n’a que de la sensibilité ; il se fâche, s’apaise, s’afflige, se console dans le même instant : sa joie et sa douleur sont également plaisantes. […] Lacretelle l’a très bien fait observer en nous peignant ce Florian réel, qui avait le privilège d’inspirer partout la joie par ses bons mots, ses contes et ses chansons : « Il osait peu se livrer à sa gaieté naturelle en écrivant.

689. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Le même homme qui va écrire une lettre d’effusion et d’ivresse au sujet de la victoire d’Ivry, une lettre qui est comme le bulletin de triomphe et le cri populaire de la joie française, cet homme croit de son strict devoir d’avocat du roi près d’une cour souveraine, d’avertir son maître, de l’arrêter résolument dans une de ses volontés, au risque de lui déplaire. […] Mais qui ne sourirait d’un sourire d’attendrissement à voir les joies dernières et pures de ces grandes âmes innocentes ?

690. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Ils étaient noirs, brillants, doux, passionnés et pleins d’esprit ; leur éclat avait je ne sais quoi qu’on ne saurait exprimer : la mélancolie douce y paraissait quelquefois avec tous les charmes qui la suivent presque toujours ; l’enjouement s’y faisait voir à son tour avec tous les attraits que la joie peut inspirer. […] Ici, on aura beau épuiser toutes les explications et les artifices de l’apologie, on ne fera jamais que Mme de Maintenon (car elle en eut le titre vers ce temps), installée par Mme de Montespan, prenant intérêt en apparence à sa passion et à toutes les vicissitudes qui y survenaient, lui écrivant encore le 13 mars 1678 : « Le roi va revenir à vous, comblé de gloire, et je prends une part infinie à votre joie », n’ait pas joué à un certain moment un jeu double, et n’ait pas conçu une idée personnellement ambitieuse.

691. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Le poète, en se promenant, entend le coup de fusil d’un chasseur, et cela réveille en lui aussitôt un souvenir d’enfance, un remords qui se mêle à toute une image de joie et de fraîcheur : L’aube sur l’herbe tendre avait semé ses perles, Et je courais les prés à la piste des merles, Écolier en vacance ; et l’air frais du matin, L’espoir de rapporter un glorieux butin, Ce bonheur d’être loin des livres et des thèmes, Enivraient mes quinze ans tout enivrés d’eux-mêmes : Tel j’allais par les prés. […] Homme, si, le cœur plein de joie ou d’amertume, Tu passais, vers midi, dans les champs radieux, Fuis !

692. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Mme des Ursins, qui n’était là qu’une âme de passage, était de celles en qui la joie de plaire et le sentiment du succès redoublent les grâces. […] Elle se contenta donc d’égayer tout ce monde, de le consoler, d’inspirer la fermeté et une sorte de joie autour d’elle, de ne pas trop voir les choses en noir de son œil malade, d’obéir plutôt à sa douce humeur et à une certaine inclination d’espérer qui lui venait de la nature : Il arrive souvent, madame, écrit-elle à Mme de Maintenon, que lorsqu’on croit tout perdu, il survient des choses heureuses qui changent absolument la face des affaires. — Je pense, dit-elle encore, que la fortune peut nous redevenir favorable ; qu’il est de ses faveurs comme du trop de santé, c’est-à-dire qu’on n’est jamais si près d’être malade que lorsqu’on se porte trop bien, ni si proche d’être malheureux que quand on est comblé de bonheur.

693. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Soyons sages ; surtout tenons-nous gais, car ils ne veulent que nous fâcher ; ne leur donnons pas cette joie. C’est bien là l’homme qui fut aimé de tous ceux qui l’approchèrent, qui mêlait un fonds de bienveillance à la joie, un fonds de simplicité à la malice, qui avait écrit sur le collier de sa chienne : « Beaumarchais m’appartient ; je m’appelle Florette ; nous demeurons Vieille-Rue-du-Temple » ; et de qui son biographe et son fidèle Achate, Gudin, a écrit naïvement : « il fut aimé avec passion de ses maîtresses et de ses trois femmes. » Et ce n’est pas seulement Gudin qui parle ainsi, c’est La Harpe, peu suspect de trop d’indulgence, et qui dit, en nous montrant le Beaumarchais de la fin et au repos, tel qu’il était assis dans le cercle domestique et dans l’intimité : « Je n’ai vu personne alors qui parût être mieux avec les autres et avec lui-même. » C’est Arnault encore, qui, dans ses Souvenirs, lui a consacré des pages pleines d’intérêt et de reconnaissance ; c’est Fontanes enfin, qui, trouvant qu’Esménard l’avait traité bien sévèrement dans le Mercure, écrivait une lettre où on lit (septembre 1800) : Quant au caractère de Beaumarchais, je vous citerai encore sur lui un mot de Voltaire : « Je ne crois pas qu’un homme si gai soit si méchant » ; et ceux qui l’ont vu de près disent que Voltaire l’avait bien jugé.

694. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

De retour au pays natal, plein de doctrine, et d’une imagination riante où brillait la pudeur, d’une figure attrayante et d’un regard où se lisait la tendresse et la beauté de son âme, il faisait la joie de ses parents et « contraignait même ceux qui ne lui appartenaient en rien de l’aimer ». […] L’objet principal de son livre, qu’il adresse à Philothée, c’est-à-dire à une âme amie de Dieu, est de faire voir en exemple encore plus qu’en préceptes comment la piété peut se mêler aux nombreuses occupations de la société, et doit être différemment exercée selon les conditions diverses, par le gentilhomme, par l’artisan, par le valet, par la femme mariée, par la veuve, et toujours d’après le même esprit qui répand la vie et la joie au-dedans.

695. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Lorsque Marguerite est désignée pour aller trouver son frère en Espagne (septembre 1525) et pour travailler à sa délivrance, sa joie est grande. […] Cette dame Oisille répond de la manière la plus édifiante : Mes enfants, vous me demandez une chose que je trouve fort difficile, de vous enseigner un passe-temps qui vous puisse délivrer de vos ennuis ; car, ayant cherché le remède toute ma vie, n’en ai jamais trouvé qu’un, qui est la lecture des Saintes Lettres, en laquelle se trouve la vraie et parfaite joie de l’esprit, dont procède le repos et la santé du corps.

696. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Nous venons de voir que les sentiments analogues, par exemple les sentiments tendres, les sentiments douloureux, s’évoquent mutuellement : l’espérance excite la joie, elle rend bienveillant, elle porte à aimer ; l’inquiétude, la tristesse, l’humeur chagrine, la misanthropie vont de pair. […] La douleur de la haine est amère ; la joie d’aimer est douce ; la tristesse est sombre ; le souci est noir ; le regret est cuisant.

697. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Il me prend une envie insurmontable de fuir cette maison en gaieté et en joie, autour de ce mourant. […] » Aujourd’hui, j’ai eu une petite joie.

698. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

On établirait aussi que telles suites de vers libres ne sont que des alexandrins décomposés ; on donnerait comme exemples, sinon comme preuves : Car vois | les marbres d’or aux cannelures fines | Sont riches du soleil qui décline, | versant Avec sa joie la soif des vins | qu’elle mûrit ; |  fragment qui dans l’original forme cinq vers de 2, 10, 9, 10, 4 syllabes ; Oui c’est l’orfroi, | ce sont les pourpres constellées | Des rêves orgueilleux comme des nefs | s’inclinent | Ma gloire, à moi, | c’est d’embrasser tes deux genoux | Ramenant vers leur cou | leur tunique défaite, | Protégeant de leurs mains leurs regards aveuglés | Baissent la tête | autour de nous, | silencieux | Tu ris !  […] L’on voit volontiers accouplées ces sonorités identiques, hier ennemies, cuir — buires, roi — voix — joie au mépris de la vaine habitude des yeux ; des assonances fort délicates, telles que : ciel — hirondelle, quête — verte, guimpe — limbe ; d’agréables rimes intérieures qui rappellent, avec beaucoup plus d’art, les jeux des poètes latins du XIIIe siècle : Ô Méditerranée, salut ; voici Protée qui lève de tes vagues son front couronné d’algues.

699. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Nul, maintenant qu’Émile Augier est mort, ne tentera plus de raconter les douleurs, les joies, les défaillances, les passions et les préjugés d’une classe, d’une caste qui disparaîtra un jour dans l’affairement compliqué, le fracas et l’instabilité de nos sociétés modernes. […] et aujourd’hui un silence funèbre, entrecoupé de chuchotements et de sanglots, emplit la jolie maison de Croissy, théâtre de tant de joies, de tant de paisible et glorieux bonheur.

700. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Je puis être, par tempérament, peu sensible aux joies de l’art ; ce n’est pas une raison pour que je nie qu’il y ait des valeurs esthétiques. […] Celui-ci la veut intense ; celui-là met sa joie à la réduire et à la simplifier.

701. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

On voit si bien, à travers sa phrase émue, qu’il a souffert toutes ces douleurs, tressailli de toutes ces joies, combattu toutes ces luttes ! […] C’est en vain que Murger s’évertuera à reproduire des joies et des douleurs qu’il n’a pas éprouvées lui-même !

702. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Ainsi, au milieu des sentiments qui font éclater la joie publique, il existe pour nous un motif particulier de nous réjouir, et d’honorer, dans le père de la patrie, le père des lettres, des sciences et des arts. […] Mais l’innocente joie et la franche gaîté ont bien aussi leurs charmes ; et l’expression du bonheur est peut-être un hymne aussi respectueux pour le Dieu de qui nous tenons la vie, que ces éternelles lamentations qui semblent la lui reprocher comme un don funeste.

703. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Rappelez-vous ce que Pindare aimait quelquefois à dessiner dans ses vers, la demeure splendide d’un riche citoyen, les élégants portiques, l’appareil de la fête, la joie des amis et l’empressement de la foule. […] « Elle va venir l’étoile du soir, apportant les joies désirées des époux ; elle va venir, avec l’astre favorable, l’épouse qui pénétrera ton âme de son impérieux amour et partagera près de toi la langueur de ton doux sommeil, ses bras gracieux passés sous ton col héroïque.

704. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

L’orgueil le plus exigeant devait être content d’un pareil hommage, et pourtant il est permis de douter que la joie de Pétrarque fût vraiment complète. […] Au milieu de tant de soupirs, de tant de gémissements, elle seule était assise dans le silence et dans la joie, cueillant déjà les fruits de sa belle vie. […] « Ma mort, qui t’afflige, dit Laure à son amant, te remplirait de joie, si tu sentais la millième partie de mon bonheur. […] Pétrarque eût-il chanté sa joie comme il a chanté ses souffrances ? […] La joie de connaître ce que tout le monde ne connaissait pas excluait toute discussion.

705. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Note »

« Je vous quitte pour retourner à vous ; je pense avec la joie d’un poëte que je laisserai après moi de véritables talents sur la terre.

706. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Et je restai longtemps, longtemps sans la comprendre, Et longtemps à pleurer son secret sans l’apprendre, A pleurer de sa mort le mystère inconnu, Le portant tout scellé dans mon cœur ingénu… Et ce cœur, d’avance voué en proie à l’amour, où pas un chant mortel n’éveillait une joie, voilà comme elle nous le peint en son heure d’innocente et muette angoisse : On eût dit, à sentir ses faibles battements, Une montre cachée où s’arrêtait le temps ; On eût dit qu’à plaisir il se retînt de vivre ; Comme un enfant dormeur qui n’ouvre pas son livre, Je ne voulais rien lire à mon sort ; j’attendais, Et tous les jours levés sur moi, je les perdais.

707. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

De là un déluge de plaisanteries sur la religion ; l’un citait une tirade de la Pucelle ; l’autre rapportait certains vers philosophiques de Diderot… Et d’applaudir… La conversation devient plus sérieuse ; on se répand en admiration sur la révolution qu’avait faite Voltaire, et l’on convient que c’était là le premier titre de sa gloire. « Il a donné le ton à son siècle, et s’est fait lire dans l’antichambre comme dans le salon. » Un des convives nous raconta, en pouffant de rire, qu’un coiffeur lui avait dit, tout en le poudrant : « Voyez-vous, monsieur, quoique je ne sois qu’un misérable carabin, je n’ai pas plus de religion qu’un autre »  On conclut que la révolution ne tardera pas à se consommer, qu’il faut absolument que la superstition et le fanatisme fassent place à la philosophie, et l’on en est à calculer la probabilité de l’époque et quels seront ceux de la société qui verront le règne de la raison  Les plus vieux se plaignaient de ne pouvoir s’en flatter ; les jeunes se réjouissaient d’en avoir une espérance très vraisemblable, et l’on félicitait surtout l’Académie d’avoir préparé le grand œuvre et d’avoir été le chef-lieu, le centre, le mobile de la liberté de penser. « Un seul des convives n’avait point pris de part à toute la joie de cette conversation… C’était Cazotte, homme aimable et original, mais malheureusement infatué des rêveries des illuminés.

708. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

Choses d’autrefois Par ce temps de lycées de jeunes filles, c’est une joie pour l’esprit que ce journal enfantin où la petite princesse Hélène Massalska nous raconte la vie qu’on menait, de 1772 à 1779, au couvent de l’Abbaye-au-Bois10.

709. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le termite »

Obscure, la hantise du fatal y dominait avec l’image de pauvres chevaux qui « travaillent », de laboureurs qui « travaillent », de mineurs qui « travaillent », d’une foule humble et immense à qui les sueurs et les supplices à peine donnent le pain quotidien, le sommeil pitoyable et des joies confuses de reproducteur. » « … Comme une pluie d’automne, comme un firmament lourd et sans nuances, comme une lande stérile, les pages lui pleurèrent sur l’âme et la racornirent.

710. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les derniers rois »

Il y a une reine charmante, extraordinairement instruite, d’une intelligence supérieure et d’une imagination puissante, qui, pouvant exercer le métier de reine, préfère celui d’homme de lettres, recherche l’approbation de ses « confrères » bourgeois et accepte avec joie et simplicité, si même elle ne les sollicite, les récompenses de l’Académie française.

711. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Bilan des dernières divulgations littéraires. » pp. 191-199

Et enfin, parmi cette étrange puissance d’illusion, au travers des confusions qu’elle fait de ses sens avec son cœur, et sous les boursouflures de son inlassable lyrisme, nous avons la joie de retrouver quand même sa bonté et sa bonhomie profonde, et son invincible maternité.

712. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maeterlinck, Maurice (1862-1949) »

Le poète recueille ses petites tristesses et ses petites joies.

713. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Silvestre, Armand (1837-1901) »

Armand Silvestre avec une complaisance jamais lasse et une joie jamais ralentie.

714. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

Y a-t-il donc tant de joie dans l’œuvre de Sully Prudhomme ?

715. (1911) La valeur de la science « Introduction »

Ces deux sortes de vérités, une fois découvertes, nous procurent la même joie ; l’une et l’autre, dès qu’on l’a aperçue, brille du même éclat, de sorte qu’il faut la voir ou fermer les yeux.

716. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

La joie et le travail sont deux choses saines et qui s’appellent réciproquement.

717. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 124-134

On proscriroit sur-tout ces Bureaux d’esprit où l’on anathématise les meilleurs Ouvrages, quoiqu’on ne puisse s’en dissimuler le mérite ; où l’on encense la médiocrité, parce qu’elle est en état de protéger ou de nuire ; où l’on n’admet tant d’adorateurs stupides, que pour en faire des écho, dont la voix ira d’oreille en oreille déifier tous les Membres du tyrannique Sénat, & promulguer ses intrépides Arrêts ; nous aurions la douce joie de voir couler le lait & le miel à côté de l’Hipocrene, de pouvoir cueillir les fruits du sacré Vallon, sans redouter ceux de la Discorde, de dormir sur le Parnasse sans craindre de réveils fâcheux ; nous verrions renaître en un mot l’âge d’or de la Poésie, & le Monde savant retraceroit le modele de cette République, dont M.

718. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Démosthéne, et Eschine. » pp. 42-52

Le peuple est au comble de la joie.

719. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Voiture, et Benserade. » pp. 197-207

Les Jobelins furent au comble de leur joie de remporter un pareil triomphe, & les Uranistes se consolèrent de leur défaite par les termes dans lesquels l’arrêt qui les condamne est conçu.

720. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

Si par hasard une larme s’échappe de ses yeux, arrachez-vous de ses bras ; allez pleurer de joie dans un endroit écarté ; vous êtes la plus heureuse des mères.

721. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

Ce sont bien les paysans de sa province, non de la province à côté… Seulement, disons-le avec une joie qu’il ne partagera peut-être pas, les paysans de ce républicain ne sont pas plus républicains que les autres.

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