/ 1894
801. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

C’est cet humble frère qu’il s’agissait à tout instant de relever, de réconforter, de secourir aussi par de rares envois d’argent (20 francs par mois, quand on le pouvait) ; mais, en lui servant sa minime obole, cette âme de sœur trouvait moyen de diversifier à l’infini le baume moral qu’elle répandait sur ses blessures. […] Te relever, te grandir jour par jour ; — faire rougir ou du moins attendrir ceux qui nous ont dédaignés, les rendre même fiers d’être nos alliés ou nos anciens amis, il y a encore là de quoi bénir la vie. » Aucune des piétés, des fraîcheurs morales les plus délicates ne s’est ni fanée ni ternie un seul instant durant cette vie errante. — Et ceci encore : « Je t’aime bien et te remercie de planter ton nom, comme tu fais, dans l’estime de ce qui t’entoure. — Grain à grain, c’est une moisson qui ne trompe pas.

802. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Ayant ainsi pourvu jusqu’aux derniers instants aux soins de son office, et après s’être mis autant que possible en règle avec le passé, Jomini alla joindre l’empereur Alexandre à Prague. […] Le maréchal Ney était le type de ce que l’on pouvait désirer de plus parfait en ce genre. » C’est qu’en effet, dans ce rôle de général d’arrière-garde, on ne perd pas de vue l’ennemi un seul instant.

803. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Ils peuvent ensuite modifier ou développer, ou mûrir ou racornir leurs idées, mais, pour la forme, pour la mode et pour la coupe, si j’ose dire, on les reconnaît ; ils ont une date, ils nous la donnent fixe et bien précise, celle de l’instant de leur départ. […] La matière qui alimentait ces conversations si particulières, ces confidences infinies d’autrefois, est soutirée à chaque instant, désormais, par la circulation du dehors ; le huis clos de l’intimité est éventé.

804. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Il en est de la vie comme de la personne la plus aimée : il n’y a pas tellement loin de la haine passionnée à l’amour ; c’est précisément parce qu’on l’a trop aimée, trop rêvée idéale, cette vie passagère, trop embrassée dans de rares et uniques instants, qu’on se met ensuite, quand on a l’âme grande, à s’en dégoûter opiniâtrement et à s’en déprendre. […] Dans l’ordre humain, ce qui fait pour nous la puissance singulière et le charme du frère d’Amélie, de l’Eudore de Velléda, c’est au contraire la composition et le mélange ; lui aussi, il essaye d’entrer dans la haine passionnée de la vie, mais il s’y reprend au même instant ; il la hait et il la ressaisit à la fois ; il a les dégoûts du chrétien et les enchantements du poëte ; il applique sa lèvre à l’éponge trempée d’absinthe, et il nous rend tout à côté les saveurs d’Hybla.

805. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Sans s’abuser un seul instant sur les Bourbons qu’il avait eu de bonne heure occasion de connaître d’après des circonstances fort particulières  ; sans donner jamais en plein dans la Charte, comme Courier, Béranger attendit les excès de 1815 et 1816 pour se prononcer hautement contre la dynastie restaurée, et en cela il fit preuve de plus de sens que ceux qui lui ont reproché sa chanson du Bon Français, de mai 1814. […] Étienne, en nombreuse et spirituelle compagnie, on le pressa au dessert de chanter, selon l’usage ; il commença cette fois d’une voix un peu tremblante, mais l’applaudissement fut immense, et le poëte sentit à cet instant-là, en tressaillant, qu’il pouvait rester simple chansonnier et devenir tout à fait lui-même.

806. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Au milieu de toutes ces merveilles qu’il gaspille, de ces trésors qu’il dissipe en fumée, Balthazar Claës, qui croit se mettre au courant de la science moderne en poursuivant le but mystérieux des Nicolas Flamel et des Arnauld de Villeneuve, est proclamé à tout instant homme de génie, et ses actes déréglés ou même cruels envers sa famille nous sont donnés comme la conséquence inévitable d’une intelligence supérieure en désaccord avec ce qui l’entoure. […] Après avoir réfléchi mûrement, je pris la résolution de vivre au sein de l’obscurité sans éclat, et de borner mon ambition à faire des heureux en secret, sans me faire connaître. » C’est le jeudi saint 1831, à 10 heures 7 minutes du matin, que l’alchimiste avait opéré seul la transmutation ; il a noté le jour et l’heure comme Dante et Pétrarque ont fait pour le jour et l’instant béni où ils virent leurs divinités, et la page que je viens de citer du bon alchimiste me semble presque rappeler en naïve allégresse certains passages de la Vita Nuova.

807. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

J’a cru un instant rencontrer une critique à faire à propos de Saint-Évremond, dont le nom venait un peu tard dans la série, après Rollin ; mais à peine avais-je achevé de lire la phrase, que l’adresse de l’auteur l’avait déjà fait rentrer dans le tissu et ma critique était déjouée. […] Le vif seul des observations morales, ou le touchant des prières qui terminent, ressortent par instants.

808. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Sue sait tout cela aussi bien et mieux que nous, lui qui, dans Arthur même, nous a si bien motivé en deux endroits sa préférence pour Walter Scott sur Byron54 ; lui qui nous dit encore par la bouche de son héros que, « si le monde pénètre presque toujours les sentiments faux et coupables, jamais il ne se doute un instant des sentiments naturels, vrais et généreux. » M. […] Qu’on veuille l’étudier ici un instant avec nous, avant son coup de fortune.

809. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Dans l’Hippolyte d’Euripide, lorsque le jeune et innocent chasseur est tombé victime de l’embûche que lui a dressée Vénus, Diane, sa divinité chérie, sa protectrice de tout temps et qui n’a pu toutefois le sauver, arrive du moins pour mettre ordre aux derniers instants, pour éclairer le malheureux Thésée et pour consoler, autant qu’il est en elle, le mourant. […] Il y a des chapitres où l’astérisque, signe placé par l’éditeur en tête des pensées inédites, reparaît à chaque instant.

810. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Considérez donc la société future telle qu’elle apparaît à cet instant à nos législateurs de cabinet, et songez qu’elle apparaîtra bientôt sous le même aspect aux législateurs d’assemblée. — À leurs yeux le moment décisif est arrivé. […] Pour acquérir l’intelligence des mots abstraits et l’habitude des déductions suivies, il faut au préalable une préparation spéciale, un exercice prolongé, une pratique ancienne, outre cela, s’il s’agit de politique, le sang-froid qui, laissant à la réflexion toutes ses prises, permet à l’homme de se détacher un instant de lui-même pour considérer ses intérêts en spectateur désintéressé.

811. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

C’est le caractère le plus mobile et le plus extraordinaire qu’il y ait : sensible, brusque, plein d’humeur, boudant toute une soirée pour un verre de vin du Rhin que Mme du Châtelet l’a empêché de boire parce que ce vin lui fait mal, se querellant sans cesse avec elle, déjà malade éternel, se droguant à sa fantaisie, se gorgeant de café, mourant et, l’instant d’après, vif et gaillard si un rien l’a mis en train : avec cela, travailleur acharné, infatigable. […] La rançon, la contrepartie de la splendeur du règne, se trouvent dans les querelles du protestantisme, du jansénisme, du quiétisme ; ainsi s’amène la conclusion enveloppée dans le dernier chapitre, et pourtant bien claire, si l’on veut y réfléchir un instant : Voltaire y conte comment un sage empereur expulsa de Chine les missionnaires chrétiens, colporteurs de sottises mensongères et l’auteurs de funestes séditions.

812. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Le récit s’enchevêtre à chaque instant des réflexions de l’auteur. […] « Une ondée arrose un instant ses feuilles endormies, et de ses branches tombe une pluie mortelle sur le sol brûlant.

813. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Il serait de mauvais ton de se demander un instant si c’est vrai ; on l’accepte comme on accepte telle forme d’habits ou de chapeaux ; on se fait à plaisir superstitieux, parce qu’on est sceptique, que dis-je, léger et frivole. […] J’eus un instant l’idée de les détruire.

814. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Je n’ai pourtant pas cessé un instant de regarder le ciel. […] Il faut marcher et se déclarer très positivement : « Je verrai toujours comme j’ai vu par le passé, et je ne verrai pas autrement. » Comment vivre un instant en se disant cela ?

815. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

On voit l’enchevêtrement de la littérature et de la vie ; et on peut le constater à chaque instant. […] Cette action permanente que les femmes exercent ainsi, même sans y tâcher, explique bien des caractères de notre littérature  ; mais il me suffit pour l’instant de l’indiquer ; nous la préciserons un peu plus tard en étudiant les effets de la vie mondaine qui est l’intermédiaire ordinaire par où passe cette subtile et puissante influence.

816. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

A peine ose-t-il par instants fermer les paupières, de peur de manquer la flamme attendue. […] Le dieu qui la fatigue s’arrête par instants ; alors la vierge peut laisser respirer son âme : on croit la voir essuyer la sueur de ses joues, l’écume de ses lèvres.

817. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Mais ce fond d’indifférence subsista toujours, et il se retrouve subitement chez lui aux instants où l’on s’y attend le moins. […] Pourvu qu’il ait son jour et qu’il en vienne à posséder enfin la réalité des choses, que lui importent quelques vanités et quelques apparences d’un instant ?

818. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Il n’avait que vingt-sept ans, et, pendant deux années encore, jusqu’en 1792, nous le voyons prendre part au mouvement dans une certaine mesure, donner en quelques occasions des conseils par la presse, ne pas être persuadé à l’avance de leur inefficacité : en un mot, il est plus citoyen que philosophe, et il se définit lui-même à ce moment « un homme pour qui il ne sera point de bonheur, s’il ne voit point la France libre et sage ; qui soupire après l’instant où tous les hommes connaîtront toute l’étendue de leurs droits et de leurs devoirs ; qui gémit de voir la vérité soutenue comme une faction, les droits les plus légitimes défendus par des moyens injustes et violents, et qui voudrait enfin qu’on eût raison d’une manière raisonnable ». […] La ligne honorable d’André Chénier s’y dessine déjà tout entière : Lorsqu’une grande nation, dit-il en commençant, après avoir vieilli dans l’erreur et l’insouciance, lasse enfin de malheurs et d’oppression, se réveille de cette longue léthargie, et, par une insurrection juste et légitime, rentre dans tous ses droits et renverse l’ordre de choses qui les violait tous, elle ne peut en un instant se trouver établie et calme dans le nouvel état qui doit succéder à l’ancien.

819. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Quels qu’ils soient, les mots qui nous viennent alors à l’esprit ont un sens ; par leur usage et par leur rapprochement, ils éveillent une pensée, et cette pensée venue avec les mots et par eux coexiste un instant dans la conscience avec la pensée qui a suscité les mots. […] C’est qu’entre elle et l’idée il n’y a eu qu’une coïncidence d’un instant.

820. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

La Russie accepte… Dès cet instant, voilà les socialistes couverts. […] Qui de nous n’a pas eu un instant ce beau chant près de son cœur ?

821. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

En résumé, si nous supposons une continuité étendue, et, dans cette continuité même, le centre d’action réelle qui est figuré par notre corps, cette activité paraîtra éclairer de sa lumière toutes les parties de la matière sur lesquelles à chaque instant elle aurait prise. […] En d’autres termes, nous avons d’abord, pour la commodité de l’étude, traité le corps vivant comme un point mathématique dans l’espace et la perception consciente comme un instant mathématique dans le temps.

822. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

Il a été remarqué que l’auteur, en se proposant et en professant hautement un but moral des plus honorables, jette quelquefois bien durement le défi à la société ; qu’il la maltraite en masse et de parti pris plus qu’il ne conviendrait dans une vue plus impartiale et plus étendue ; qu’il n’est pas très juste de croire, par exemple, qu’un jeune homme tel qu’il nous a montré le sien, Georges, le personnage principal de la pièce, riche, aimé, considéré à bon droit, puis ruiné un matin à vingt-cinq ans par un si beau motif, doive perdre en un instant du même coup tous ses amis, moins un seul ; il a été dit que l’honneur et la jeunesse rencontrent plus de faveur et excitent plus d’intérêt, même dans le monde d’aujourd’hui.

823. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Depuis Juillet, la position de l’école du Correspondant est devenue meilleure et plus vraie ; elle se dessine plus nettement dans la Revue européenne, où nous regrettons toutefois de trouver par instants des restes de superstition dynastique qui nuisent, sans y tenir, à la réalité des doctrines.

824. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Dans la jeunesse on a tout, et on est prêt à chaque instant à le donner, parce qu’on voit au delà plus que tout.

825. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. IXe et Xe volumes »

Thiers sur cette journée célèbre : « on a dit que le coup d’État du 18 fructidor était devenu inutile a l’instant où il lut exécuté, que le Directoire, en effrayant la faction royaliste, avait déjà réussi à lui imposer, qu’en s’obstinant à faire le coup d’État, il avait préparé l’usurpation militaire, par l’exemple de la violation des lois.

826. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

Conclusion : Devons-nous établir notre durée, qui n’est que d’un instant, pour la mesure de quelque autre ?

827. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Plus pénétrant que La Bruyère et que Lesage, opérant sur la matière vivante, toujours en mouvement et qui se dérobe à chaque instant, il démonte les actions avec une sûreté magistrale, dissèque les sentiments, saisit les plus fugitives traces des forces qui composent la vie morale.

828. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

Après un instant de méditation rêveuse, ces images isolées s’enchaînent, et, sur un tréteau chimérique, se dessine un profil d’homme.

829. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

C’est que la première se trouve dans une nécessité physique, instante, évidente et incontestable d’étrangler l’orphelin pour l’intérêt de sa propre sûreté : nécessité qui ne saurait avoir lieu pour l’autre monarque.

830. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 9, de la difference qui étoit entre la déclamation des tragedies et la déclamation des comedies. Des compositeurs de déclamation, reflexions concernant l’art de l’écrire en notes » pp. 136-153

Ce port de voix extraordinaire dans la déclamation, étoit excellent pour marquer le désordre d’esprit où Monime doit être dans l’instant qu’elle apperçoit que sa facilité à croire Mithridate, qui ne cherchoit qu’à tirer son secret, vient de jetter, elle et son amant dans un péril extrême.

831. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

Désormais les opinions n’auront plus le temps de se consacrer : celles qui continueront d’exister n’existeront point par une puissance de perpétuité : mais elles seront adoptées de nouveau à chaque instant de la vie sociale.

832. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

Est-ce parce qu’elle avait de son vivant les yeux de Junon, qui sont des yeux de vache dans Homère, qu’elle dit qu’elle pleure, à chaque instant, comme un veau, quand elle ne pleure pas comme un âne, qui est sa manière de pleurer lorsqu’elle lit le Jocelyn de Lamartine ?

833. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

fut un philosophe plus et mieux que Kant et Hegel, par exemple, les Veaux non pas d’or, mais d’idées, de la philosophie contemporaine ; montrer qu’on peut très bien dégager de son œuvre théologique une philosophie complète avec tous ses compartiments, et que le monde d’un instant qui l’a pris pour une tête énorme, ce grand Bœuf de Sicile dont les mugissements ont ébranlé l’univers, ne fut dupe ni de l’illusion ni de l’ignorance, demander enfin pardon au dix-neuvième siècle pour une telle gloire, voilà le programme de l’Académie et le livre de son lauréat.

834. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

Il est peut-être, en théorie, contre la guerre ; car c’est là, pour l’instant, la plaie commune à la démocratie extrême.

835. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Admettons un instant que les relations que nous avons établies puissent être ainsi retournées et comme lues à l’envers.

836. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Il ne faut pas connaître ce très galant homme et ce parfait écrivain, en qui notre profession s’honore, pour supposer un instant qu’il puisse rechercher le succès dans le scandale. […] Dès l’instant où le gendarme lui a mis la main à l’épaule, il est, irrémédiablement, par ce geste, séparé du monde. […] Je vis l’instant critique où ce silence allait s’interposer entre nous. […] Elles passent, l’astre demeure ; Astra manent… Et elles ont ceci d’admirable et de consolateur qu’elles semblent garder plus de lumière à l’astre qu’elles ont voilé un instant ! […] À peine si la mort imprévue de Puvis de Chavannes put, un instant, nous arracher aux obsessions de l’idée fixe.

837. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Chaque jour il écrit les pensées d’amour qui l’agitent, et dans ce long journal continué pendant cent pages, on sent le souffle embrasé croître à chaque instant. […] Je supplie le lecteur de les oublier, de s’oublier lui-même, de se faire pour un instant poëte, gentilhomme, homme du seizième siècle. […] S’il regarde un paysage, au bout d’un instant il le voit tout autre. […] Sous les chênes aux feuilles luisantes, au vieux tronc profondément enfoncé dans la terre, il peut voir deux chevaliers qui se pourfendent, et un instant après une bande de Faunes qui viennent danser. […] Voici que tout d’un coup il vous décrit une forêt ; est-ce qu’au même instant vous n’y êtes pas avec lui ?

838. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Vous trouverez des qualités de même ordre chez Verhaeren, que notre jeune ami Heumann aime par-dessus tout, d’une amitié de tout instant et d’une sympathie profonde. […] Dans le faste et la magnificence des visions verhaereniennes, c’est Van Eyck qui, à tout instant, resplendit. […] C’est, de compte fait, pour l’instant, et malgré tous les efforts de nos volontés, le fond de notre vérité humaine. […] Songez-y un instant. […] Il aperçoit le Droit à chaque instant, et partout, au hasard de la vie quotidienne ; il veut suggérer l’idée du Droit aux jeunes gens en les obligeant à observer autour d’eux.

839. (1881) Le roman expérimental

Je m’y arrêterai un instant, car il y a là des observations précieuses à faire. […] Qu’on examine un instant cette situation ; elle est des plus curieuses et des plus instructives. […] Comparez Séraphine à madame Marneffe, mettez un instant face à face M.  […] Que l’on compare un instant la situation d’un écrivain sous Louis XIV à celle d’un écrivain de nos jours. […] Au bout d’un instant, il lie conversation avec un voisin.

840. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Nous tournons-nous un instant du côté du théâtre : même anarchie, même indépendance, mêmes tentatives dans les sens les plus opposés, avec beaucoup moins de talent du reste. […] Je sens sa morsure infatigable me ronger toujours plus intimement, et ma vie s’épuise d’instant en instant. […] En un mot, elle est pour tous les Français qui pensent une préoccupation grave et de tout instant. […] Il semble qu’il peut tout pour ceux qui l’aiment, excepté leur consacrer quelques instants. […] Creusez un instant, et vous verrez que je n’exagère point tant.

841. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

L’immersion dans l’eau sucrée est également un bon moyen pour conserver ensuite sans altération les glandes desséchées ; elles reprennent très bien leurs caractères quand on les remet pendant quelques instants dans l’eau. […] Au bout de quelques instants de contact à la température ordinaire, on filtra les deux mélanges. […] Un instant après, et lorsque toutes les sécrétions étaient arrêtées, j’ai introduit de l’eau dans la gueule de l’animal. […] Au bout de dix minutes environ, l’animal commença à éprouver des convulsions qui, en peu d’instants, amenèrent la mort. […] Enfin, la sécrétion du pancréas ne subit plus d’autres altérations, si ce n’est que dans les derniers instants de la fistule temporaire il s’y montre des globules de sang, de pus, qui lui donnent une couleur rougeâtre.

842. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Il faut voir la houle du nord clapoter au niveau du sol, blafarde et méchante9 ; l’énorme mer jaunâtre arrive d’un élan sur la petite bande de côte plate qui ne semble pas capable de lui résister un seul instant ; le vent hurle et beugle, les mouettes crient ; les pauvres petits navires s’enfuient à tire-d’aile penchés, presque renversés, et tâchent de trouver un asile dans la bouche du fleuve, qui semble aussi hostile que la mer. […] Toutes ses faces se sont levées en un instant devant les yeux du barbare, et chaque mot a été comme un accès de la demi-hallucination qui l’obsédait. […] D’un élan, elle parcourt les quatre coins de son horizon, et touche en un instant des objets qui semblent séparés par tout un monde. […] Vient alors un passereau qui traverse la salle à tire-d’aile ; il est entré par une porte, il sort par une autre ; ce petit moment, pendant lequel il est dedans, lui est doux ; il ne sent point la pluie ni le mauvais temps de l’hiver ; mais cet instant est court, l’oiseau s’enfuit en un clin d’œil, et de l’hiver il repasse dans l’hiver.

843. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Le roi, qui se trouva gai et de bonne humeur, leur dit en souriant: « Allez le punir. » Ces gens, emportés de fureur, n’entendirent point raillerie ; ils coururent à son logis, et l’ayant rencontré comme il en sortait à cheval avec un laquais seulement, ils le renversèrent par terre, ils lui déchirèrent ses habits, et ils exécutèrent en un instant l’ordre du roi avec la rage qu’on peut s’imaginer en des gens irrités comme ils l’étaient: car c’est ainsi que souvent, en Perse, chacun venge de ses propres mains les torts qu’on lui a faits dès que la justice l’ordonne ou le permet. […] Sa suite se trouva en un instant grossie de plusieurs grands seigneurs, avec qui il alla se présenter au roi, et lui dit, selon les compliments du pays: « Sire, que votre tête soit toujours glorieuse et saine. […] Il arriva la dernière fois que l’épicier fut alité, que sa pauvre bête devint aussi malade, et elle se démena et se tourmenta si furieusement jusqu’au jour de sa mort, qu’elle mourut aussi au même instant. […] Je m’assure qu’il vous punira, et que le moindre châtiment que vous en devez attendre est d’être envoyés nus en quelque désert, prier Dieu pour lui de ce qu’il vous aura laissé la vie. » Là-dessus, il s’arrêta tout court, le visage un peu ému ; puis reprenant la parole au même instant avec une exclamation subite: « Hamzeh-Mirza, s’écria-t-il, Hamzeh-Mirza !

844. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Elles sont là, comme devant une pénétrante et divine fascination, dans des immobilités de rêve, que chatouille, par instants, l’effleurement d’un frisson. […] Par moments, la note douloureusement raclée sur un violoncelle, fait tressaillir leur engourdissement ravi ; et des pâleurs d’une seconde, des diaphanéités d’un instant, à peine visibles, passent sur leur peau qui frémit ; suspendues sur le bruit, toutes vibrantes et caressées, elles semblent boire, de tout leur corps, le chant et l’émotion des instruments. […] * * * — Quand la nature veut faire la volonté chez un homme, elle lui donne le tempérament de la volonté : elle le fait bilieux, elle l’arme de la dent, de l’estomac, de l’appareil dévorant de la nutrition, qui ne laisse pas chômer un instant l’activité de la machine ; et sur cette prédominance du système nutritif, elle bâtit au dedans de cet homme un positivisme inébranlable aux secousses d’imagination du nerveux, aux chocs de la passion du sanguin. […] Du gazon et des arbres éclairés par un clair de lune féerique, un clair de lune à la Titania, et des feuilles, dont la découpure semble une minuscule rampe de gaz, et sur le bleu d’encre du ciel, des luminosités, où les chauves-souris grises deviennent, un instant, toutes blanches, et tout au fond, à travers les fenêtres, le feu des lustres sur la pourpre de la tenture, et çà et là, dans le chaud brouillard des salons, du noir traversé par quelque chose d’un rouge éclatant : — un grand’croix de la Légion d’honneur sur un divan.

845. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Est-ce autre chose en effet que ce contraste de tous les jours, que cette lutte de tous les instants entre deux principes opposés qui sont toujours en présence dans la vie, et qui se disputent l’homme depuis le berceau jusqu’à la tombe ? […] — Soit. — Un instant après : — Quoi, reprendra-t-il s’il est conséquent, le Cid parle français ! […] C’est l’instant où Cromwell, arrivé à ce qui eût été pour quelque autre la sommité d’une fortune possible, maître de l’Angleterre dont les mille factions se taisent sous ses pieds, maître de l’Écosse dont il fait un pachalik, et de l’Irlande, dont il fait un bagne, maître de l’Europe par ses flottes, par ses armées, par sa diplomatie, essaie enfin d’accomplir le premier rêve de son enfance, le dernier but de sa vie, de se faire roi. […] Il ferait passer à chaque instant l’auditoire du sérieux au rire, des excitations bouffonnes aux émotions déchirantes, du grave au doux, du plaisant au sévère.

846. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Mais au même instant un immense éclair, qui sembla entrouvrir le ciel derrière nous sur la dent de Jaman, perça la brume et vint se répercuter sur l’écoute blanche d’un petit yacht qui cinglait à travers ces montagnes d’écumes, la proue sur Genève, comme un goéland, une aile dans la lame, l’autre dans le nuage. […] Encore aujourd’hui, si je viens à penser à l’expression qu’un grand peintre devrait donner au génie, cette tête sublime reparaît tout à coup devant moi. » Et dans une autre occasion : « J’eus un instant d’enthousiasme. […] Mais je ne m’y trompai pas un instant. […] Je ne doutai pas un instant de sa grande fortune ; il y a des hommes qui se prophétisent au premier regard ; c’est l’évidence de la supériorité.

847. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Cela posé, admettons un instant avec Bain que la parole intérieure soit une simple image tactile : les voyelles n’étant jamais remémorées que sous une forme où elles sont à peu près indiscernables les unes des autres, leur mobilité serait presque illimitée ; elles ne persisteraient pas intactes durant une seule génération, et l’écriture à ses débuts aurait négligé de les noter ; toutes ces conséquences sont démenties par les faits. […] Les états que nous rejetons de nous à chaque instant sont tous des états qui nous paraissent posséder la qualité de l’étendue. […] Dans la série de nos états, il en est qui semblent en constituer le fond ou la trame ; d’autres semblent des broderies ajoutées aux premiers ; ils l’enrichissent, ils l’enveloppent à chaque instant, ils ne la constituent pas ; dans le silence, dans l’obscurité, quand le corps reste immobile, ils disparaissent plus ou moins complètement ; le fond de l’âme paraît alors à nu. […] Alors que le personnage est accablé par la lettre anonyme lui apprenant les amours de sa femme et de Julien, il finit par être un instant absorbé et consolé par l’idée de la magnificence de son château de Vergy : « telle est l’intervention des idées involontaires qui rompent le mouvement de la passion et lui ôtent l’éloquence pour lui donner le naturel. […] Comme la passion n’est qu’une idée douloureuse sans cesse traversée par d’autres, les mots associés aux idées doivent surgir aussi à l’improviste et jeter la maladie morale dans des accès inattendus » (Nous soulignons).

848. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Au lieu de ce lion du Sahara qui m’éblouit, je suis content si je vois l’homme dans le héros et si je ne le perds pas de vue un seul instant.

849. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Soulary possède à merveille la langue poétique de la Renaissance, et, grâce à l’emploi d’un vocabulaire très-large, mais toujours choisi, il a trouvé moyen de dire, en cette gêne du sonnet, tout ce qu’il sent, ce qu’il aime ou ce qu’il n’aime pas, tout ce qui lui passe par le cœur, l’esprit ou l’humeur, son impression de chaque jour, de chaque instant.

/ 1894