Il étudia et partagea, en souriant parfois, les mœurs de cette époque du Directoire qui est après Robespierre ce que la Régence est après Louis XIV ; le tumulte joyeux d’une nation intelligente échappée à l’ennui ou à la peur ; l’esprit, la gaîté et la licence protestant par une orgie, ici, contre la tristesse d’un despotisme dévot, là, contre l’abrutissement d’une tyrannie puritaine.
Quoique le départ de son apport et de celui de son frère et collaborateur soit assez malaisé, on s’assure, par leurs témoignages communs et par l’examen des écrits du survivant, que Jules de Goncourt fut le virtuose habile et fécond, l’improvisateur toujours prêt, l’homme d’imagination et d’esprit, un peu le Monsieur en habit noir d’Henriette Maréchal.
Le voyageur s’assied sur le tronc d’un chêne, pour attendre le jour ; il regarde tour à tour l’astre des nuits, les ténèbres, le fleuve ; il se sent inquiet, agité, et, dans l’attente de quelque chose d’inconnu ; un plaisir inouï, une crainte extraordinaire font palpiter son sein, comme s’il allait être admis à quelque secret de la Divinité : il est seul au fond des forêts ; mais l’esprit de l’homme remplit aisément les espaces de la nature ; et toutes les solitudes de la terre sont moins vastes qu’une seule pensée de son cœur.
Soit que l’on commence à s’accoutumer à l’idée de ces tourments, soit qu’ils n’aient rien en eux-mêmes qui produise le terrible, parce qu’ils se mesurent sur des fatigues connues dans la vie, il est certain qu’ils font peu d’impression sur l’esprit.
le fanatisme et son atrocité muette règnent sur tous les visages de son tableau de St Victor ; elle est dans ce vieux préteur qui l’interroge ; et dans ce pontife qui tient un couteau qu’il aiguise ; et dans le saint dont les regards décèlent l’aliénation d’esprit, et dans les soldats qui l’ont saisi et qui le tiennent.
Ils sont si mauvais que c’est presque un des caractères d’un bon esprit que de ne pas les entendre.
De tous les talens qui donnent de l’empire sur les autres hommes, le talent le plus puissant n’est pas la superiorité d’esprit et de lumieres : c’est le talent de les émouvoir à son gré, ce qui se fait principalement en paroissant soi-même ému et penetré des sentimens qu’on veut leur inspirer.
Or il est presqu’impossible que le genie du poëte soit assez fertile en beautez, et que le poëte puisse les diversifier encore avec assez de varieté pour nous tenir attentifs, pour ainsi dire, à force d’esprit, durant la lecture d’un poëme épique.
Ceux qui se ressemblent d’idées et d’esprit se retrouvent.
Il ne se pique jamais de reviser les jugements de la société ; tout jeune, il prit le parti d’accorder qu’un académicien est toujours un esprit « extrêmement distingué » et un collaborateur des Débats « un homme éminent ».
Corollaires relatifs à la logique des esprits cultivés.
Contre eux, depuis un siècle, un long murmure s’élève et va s’enflant jusqu’à devenir une clameur où l’esprit ancien et l’esprit nouveau, les idées philosophiques grondent à l’unisson. « Je vois, disait le bailli de Mirabeau119, que la noblesse s’avilit et se perd. […] Un ancien fermier général, homme d’esprit et sans préjugés, écrit sérieusement pour justifier l’achat de Saint-Cloud : « C’était une bague au doigt de la reine ».
… Dieu a fait de l’espérance un des aliments de l’esprit humain ; ne le nions pas, soyons-en soutenus sur notre route afin de marcher, mais n’en soyons pas ivres de peur de tomber comme des fous dans le délire du mieux. […] La fidélité méritoire à ses princes, l’esprit d’aventure, le caractère assoupli aux fortunes diverses de l’exil, et l’intarissable conversation qu’on y puise. […] Et quand mon esprit n’y croirait pas complétement, mon cœur y croirait toujours.
Les Français, qui demeureront toujours persuadés qu’un homme d’esprit ne peut avoir le sens commun — ils n’ont confiance que dans ceux qui les embêtent — ne l’ont pas écouté. […] Cela seul me paraîtrait conforme à l’esprit de justice d’une démocratie. […] … Mais cela m’amuse de penser que tous ces poètes, poétards et poétaillons, ces prosateurs d’art, ces nobles écrivains, ces esprits libérés, etc., nous méprisent, nous autres, les journalistes !
Jamais il ne s’étendait sur un objet, quel qu’il fût : il réservait la forte contention de son esprit pour les heures du travail et la causerie ne lui était, visiblement, qu’une manière de se délasser. […] Le numéro de janvier 1885 contient les articles suivants : 1° Richard Wagner : motifs extraits de ses écrits. — Cet article composé de passages pris aux livres de Wagner, expose comme quoi il faut juger toute œuvre en tenant compte du milieu où elle a été produite ; 2° Sur Jacob Grimm, en mémoire du 4 janvier 1785 — Jacob Grimm est le philosophe allemand qui s’est le premier attaché à l’étude de l’esprit germanique ; 3° Etudes sur l’éternité, par Philipp van Hertefeld ; 4° Sur l’architecture théâtrale, par Friedrich Hofmann. — Cette étude montre que Wagner a repris l’idée du théâtre grec ; elle compare le théâtre de Bayreuth aux théâtres anciens et modernes ; 5° Observations sur Parsifal : explication de passages douteux ; 6° Un dialogue de fin d’année, au sujet du nouveau calendrier wagnérien ; enfin les communications nouvelles, etc. […] Elle va donc se coucher près de lui, elle le serre dans ses bras, puis se roidit et rend l’esprit. » Tristan mourut pur sun désire Iseult qu’à lui ne peu venir ; Tristan mourut pur su amour E la belle Iseult pur tendrur.
Dans la pensée de l’auteur ils sont ainsi parodiés, mutilés même par « l’Esprit de Négation » : il faut lire de quelle façon intelligente et vraiment supérieure le docteur Pohl a interprété la conception et la mise en œuvre générales de toutes ces transformations, dans sa magnifique étude de l’œuvre qui nous occupe63. […] Que l’on considère les partitions des diverses ouvertures : chaque instrument, toujours, intervient lorsqu’est à traduire tel état de l’esprit. […] La musique romantique, sous ses formes diverses, a séduit, comme elle le devait, les esprits peu complexes.
* * * — Une monarchie tempérée par de l’esprit philosophique : au fond, voilà ce qu’il me faudrait. […] L’esprit de X…, on pourrait dire qu’il ressemble à d’amusantes caricatures, tracées par la badine d’un peintre humoristique, sur le sable, à la margelle de la marée montante. […] Lundi 31 décembre La patrie de mon esprit, toute cette fin d’année, a été la salle à manger et le petit cabinet de travail de Daudet.
Je priai longtemps, je crois, si j’en juge par l’innombrable revue de choses, de jours, d’heures douces ou amères, de visions apparues, embrassées et perdues qui passèrent devant mon esprit. […] J’ai relu, pour ainsi dire, ma vie tout entière sur ce livre de pierre composé de trois sépulcres : enfance, jeunesse, aubes de la pensée, années en fleurs, années en fruits, années en chaume ou en cendres, joies innocentes, piétés saintes, attachements naturels, études ardentes, égarements pardonnés d’adolescence, passions naissantes, attachements sérieux, voyages, fautes, repentirs, bonheurs ensevelis, chaînes brisées, chaînes renouées de la vie, peines, efforts, labeurs, agitations, périls, combats, victoires, élévations et écroulements de l’âge mûr sur les grandes vagues de l’océan des révolutions, pour faire avancer d’un degré de plus l’esprit humain dans sa navigation vers l’infini ! Puis les refroidissements d’ardeur, les déchirements de destinée, les martyres d’esprit, les pertes de cœur, les dépouillements obligés des choses ou des lieux dans lesquels on s’était enraciné, les transplantations plus pénibles pour l’homme que pour l’arbre, les injustices, les ingratitudes, les persécutions, les exils, les lassitudes du corps avant celles de l’âme, la mort enfin, toujours à moitié chemin de quelque chose.
Mais alors, Paul est bien un être vivant et conscient à l’instant où il quitte Pierre ; il est bien encore un être vivant et conscient à l’instant où il revient à Pierre ; (il resterait même un être vivant et conscient dans l’intervalle si l’on convenait, pendant cet intervalle, de laisser de côté toute considération de mesure et plus spécialement toute physique relativiste) ; mais pour Pierre physicien, prenant des mesures et raisonnant sur des mesures, acceptant les lois de la perspective physico-mathématique, Paul une fois lancé dans l’espace n’est plus qu’une représentation de l’esprit, une image — ce que j’ai appelé un « fantôme » ou encore une « marionnette vide ». […] Il s’agit d’horloges qu’on se représente en mouvement, et elles ne peuvent être représentées en mouvement que dans l’esprit d’un observateur censé à son tour immobile, c’est-à-dire extérieur au système. […] Si l’on résout la secousse en ses éléments visuels, et si l’on tient présent à l’esprit le sens du mot « système », la réciprocité de l’accélération redevient évidente.
Il se hâta aussi d’oublier les langues savantes et importunes dont on avait obsédé sa mémoire et la chicane dont on avait sophistiqué son esprit. […] ” Et devant eux elle fila comme un esprit. […] À chaque stance le souffle s’arrête dans la poitrine et l’esprit se repose par un point d’admiration ! […] Parmi ces grands esprits, morts ou vivants, il y en a dont le génie est aussi élevé que la voûte du ciel, aussi profond que l’abîme du cœur humain, aussi étendu que la pensée humaine ; mais, nous l’avouons hautement, à l’exception d’Homère, nous n’en avons lu aucun qui ait eu pour nous un charme plus inattendu, plus naïf, plus émané de la pure nature, que le poète villageois de Maillane.
« Je quittai Cacault l’esprit plein de doutes et d’appréhensions, et le cœur agité en prévision de ce que le Pape résoudrait. […] Et il manœuvra avec tant d’esprit que le premier consul, après quelque résistance, s’écria : “Eh bien ! […] Ils restèrent tout ce temps dans une ignorance parfaite de l’impression produite par leur abstention sur l’esprit de l’empereur ; car, ainsi que je l’ai raconté, ils ne quittèrent pas leurs appartements, et personne n’osa les visiter. […] « Il arriva donc qu’un de nous, perdant un peu l’équilibre, admit les formules proposées et même les copia avec assez d’imprudence afin de pouvoir plus facilement se rendre compte de la différence qui existait entre elles et cette autre formule qu’un esprit moins troublé et l’union des avis devait adopter plus tard et transcrire pour être remise à l’Empereur.
C’est comme un écho de ces mots, « l’épée », et instantanément nous sentons comme la « grande pensée » de Wotan lui traverser l’esprit, celle qui le remplissait de joie et d’ambition démesurée lorsque pour la première fois il salua son Burg du nom de Walhail (Voir Rheingold, partition, page 207). […] Mais malheureusement ce n’est là que le symptôme le plus morbide parmi tant d’autres, qui indiquent un fourvoiement inquiétant des esprits par rapport à tout ce qui concerne Wagner. […] Et voici que ces mêmes gens, ont aujourd’hui l’esprit tellement faussé par tout ce qui se dit sur Wagner et le goût tellement dépravé par ce qui se passe dans les salles de concert, qu’ils battent des mains et trouvent cela beau ! […] De cet ensemble de circonstances fâcheuses, il résulte un état désastreux des esprits.
Il me paraît un esprit bien inquiet. […] Jeudi 12 mars Hier, c’était funèbre, cette espèce de glace tombant peu à peu, à la représentation du Candidat, dans cette salle enfiévrée de sympathie, dans cette salle attendant des tirades sublimes, des traits d’esprit naturel, des mots engendreurs de batailles. […] Rien de douloureux, dans ces pays limitrophes de la France, comme un dîner de table d’hôte, ce dîner jusqu’à ce jour, où régnait le Français par le droit de la grâce, de l’esprit, de la gaîté ! […] Dans deux ans, il ne fera plus que sa besogne, ne lira plus un livre, perdra la curiosité des choses de l’esprit, deviendra un estomac.
Curiosité pure, croyons-nous en effet de la part d’un esprit aussi radicalement sceptique en matière de médecine. […] Peut-être a-t-il, quant à l’essence réelle de son esprit, pleinement raison, et reste-t-il le plus souvent, même au milieu de son laboratoire littéraire, un véritable poète épique 83.
coulez longtemps et sans mesurer l’heure ; Laissez dans le sommeil mes esprits absorbés ; La douleur est moins vive alors que l’âme pleure : Ô mes larmes, tombez !
La peur des troubles doit avoir été bien puissante sur son esprit, puisqu’il alla se cacher, pour plus de sécurité, jusqu’en Thrace, parmi les Abdéritains.
Mais il est clair que cette utilité n’est plus présente que très accessoirement à l’esprit de nos tailleurs et de nos couturières.
1881 — Victor Hugo : Les Quatre vents de l’Esprit.
L’invention en eût été plus riche, la diction plus naturelle, & l’intérêt plus sensible ; l’Auteur auroit employé des expressions plus correctes, & évité les tournures Gasconnes ; ses images auroient été mieux choisies, ses comparaisons plus justes & moins ridicules ; il n’eût point appelé le Soleil le Duc des Chandelles les Vents les Postillons d’Eole, le Tonnerre le Tambour des Dieux ; le total de l’Ouvrage eût été dans le goût de ces vers du quatrieme Chant, qu’on peut citer avec estime, dès qu’il ne s’agit pas de l’Astronomie : Il se trouve entre nous des esprits frénétiques Qui se perdent toujours dans des sentiers obliques, Qui, sans cesse créant des systêmes nouveaux, Prouvent que la raison gît loin de leurs cerveaux.
Je ne suis pas éloigné de songer qu’il serait plus utile de faire apprendre aux enfants les termes de métier que les racines grecques48 ; leur esprit s’exercerait mieux sur une matière plus assimilable, et si l’on joignait à cela des exercices sur les mots composés et les suffixes, peut-être prendraient-ils plus de goût et quelque respect pour une langue dont ils sentiraient la chaleur, les mouvements, les palpitations, la vie.
Il leur prodigua plus ou moins les épithètes de fou, de sot-orgueilleux, de bête, d’opiniâtre, de plagiaire, de misérable esprit, de rustique, de méchant pédant, de grosse bête, d’étourdi, de conteur de sornettes, de pauvre homme, de fat, de sot, de fripon, de voleur, de pendard.
À mon retour, en 1837, il me vint à l’esprit qu’on pourrait peut-être faire avancer cette question en accumulant, pour les méditer, les observations de toutes sortes qui pourraient avoir quelque rapport à sa solution.
On lui donne de l’esprit ; rien ne le presse de finir un ouvrage.
Le tableau de Le Brun où nous voïons l’imitation de cet évenement tragique, nous émeut et nous attendrit, mais il ne laisse point dans notre esprit aucune idée importune : ce tableau excite notre compassion, sans nous affliger réellement.
Il semble que l’esprit oublie ce qu’il sçait des évenemens d’une tragedie dont il connoît parfaitement la fable, afin de mieux joüir du plaisir de la surprise que ces évenemens causent lorsqu’ils ne sont pas attendus.
Il consiste à plaire et à interesser autant que ces grecs et ces romains, qu’on croit communément être parvenus au terme que l’esprit humain ne sçauroit passer, parce qu’on n’a rien vû encore de meilleur que ce qu’ils ont fait.
L’auteur du Fils de Giboyer avait le droit, sinon la puissance, d’être féroce comme Aristophane contre Socrate, comme Voltaire contre Fréron, sans avoir besoin de demander pardon pour l’atrocité de son génie dans une préface sans esprit, sans style et sans fierté.
De sorte qu’il est nécessaire que l’esprit travaille toujours la même matière, opère toujours le même monde). […] Il faut que l’image de Polyeucte vainque dans l’esprit de Sévère. […] Toute leur pensée est de mettre l’esprit humain en état de prendre sa retraite et de jouir de sa retraite. […] Elle est toute venue de ce que par esprit d’épargne on a voulu mettre de côté le présent. […] Tout ce que l’on prendra à l’esprit, tout ce que l’on retirera à un esprit, ce n’est pas un autre esprit, c’est l’argent qui le gagnera.
Andrieux est mort, content de laisser ses deux filles unies à deux hommes d’esprit et de bien, content de sa médiocre fortune, de sa grande considération, content de son siècle, content de voir la Révolution française triomphante sans désordres et sans excès. » M.
Il l’aura mis partout, parce qu’il a tout manié, et partout où sera ce charme, cette empreinte, ce caractère, là sera aussi un plaisir dont l’esprit sera satisfait.
Il se plaisait — et c’était un tort de son esprit — aux gros mots et aux jurons.
Alfred de Vigny Le plus grand esprit féminin de notre temps.
Tandis que la tradition burlesque régnait presque souverainement sur la scène italienne, et que les types, inventés une fois pour toutes, y reproduisaient chaque ridicule dans son expression générale, nos bouffons ne perdaient pas l’habitude de regarder autour d’eux, de peindre sur le vif un caractère particulier, de saisir l’actualité au passage, d’exercer enfin l’esprit observateur et satirique propre à la nation.
La Fontaine lui a donné le fatal exemple, et leur génie ne les absout pas plus que son esprit en prose n’absout le d’ailleurs “affreux” Voltaire.
Sébastien-Charles Leconte : L’Esprit qui passe. — Le Bouclier d’Arès, Charles Le Goffic : Sur la Côte.
C’est qu’il a trouvé dans la religion une solitude ; c’est que son corps était dans le monde, et son esprit au désert ; c’est qu’il avait mis son cœur à l’abri dans les tabernacles sacrés du Seigneur ; c’est comme il a dit lui-même de Marie-Thérèse d’Autriche, « qu’on le voyait courir aux autels pour y goûter avec David un humble repos, et s’enfoncer dans son oratoire, où, malgré le tumulte de la Cour, il trouvait le Carmel d’Élie, le désert de Jean, et la montagne si souvent témoin des gémissements de Jésus. » Les Oraisons funèbres de Bossuet ne sont pas d’un égal mérite, mais toutes sont sublimes par quelque côté.
Des morceaux d’André Chénier, publiés par M. de Chateaubriand dans le Génie du Christianisme, et par Millevoye à la suite de ses poésies, donnaient déjà beaucoup à réfléchir à cet esprit avide de l’antique, qui cherchait une forme, et que le faire de L’elille n’amorçait pas : Myrto la Jeune Tarentine, et la blanche Néère, faisaient éclore à leur souffle cette autre vierge enfantine, la Lesbienne Symétha. […] Buchez, contribuèrent à l’éclairer et à le désabuser sur l’esprit envahissant des systèmes, et sur la prétention des philosophes et savants qui voudraient faire de l’art un serviteur. […] Et d’abord il est bon de savoir que depuis la rivalité dramatique qui s’était introduite dès 1830 entre De Vigny et Hugo, rivalité qui n’exista jamais que dans l’esprit du premier, la prétention de De Vigny était d’avoir eu son développement unique, indépendant, isolé même, en dehors de tous les autres poëtes de sa génération, et cette prétention à une lignée à part et à une originalité sans pareille, il l’avait fait accepter par Planche qui, déjà brouillé avec Victor Hugo, avait dans un article de la Revue des Deux Mondes caressé en ce sens la susceptibilité du chantre d’Éloa.
Ce mouvement interne, (indépendant des rythmes marqués par la durée relative des sons et par la phrase musicale), cette sorte de courant qui glisse de note en note comme glissent en notre esprit les associations d’idées, est surtout perceptible lorsque des harmonies se suivent en série continue et dans plusieurs tons. […] Le Rythme dit tous les mouvements du sujet, il est la trouvaille, l’esprit libre, les mille gestes juvéniles… Mais l’Harmonie composée et concordante corrige dans le Rythme l’excès du caprice. […] Robert de Souza ; je ne connais malheureusement ses études rythmiques que par des comptes-rendus, mais un esprit actif et curieux me paraît s’y dessiner.
Un bouillant esprit, et qui exagérait tout37, a dit avec emphase : « Comprendre, c’est égaler. » C’est là, sous air d’axiome, une pensée fausse. […] Villars, dans ses Mémoires, parle avec grand dédain et pitié de cette campagne de 1711, si peu féconde en entreprises et en résultats, et où l’on se ruinait misérablement en détail : l’historien des Mémoires militaires, qui a suivi de près le général dans ses moindres mouvements et dans ses lettres au roi et au ministre, lui rend plus de justice pour « la fermeté de ses vues, la justesse de ses combinaisons et la précision de ses manœuvres », pour être parvenu aussi à rétablir le bon esprit et la confiance dans l’officier et le soldat : « En résumant, dit-il, les détails contenus dans ce Mémoire, et en se rappelant non seulement les progrès que les alliés avaient faits la campagne précédente sur les frontières du royaume, mais aussi les vastes projets que leurs généraux avaient formés pour celle-ci, il est difficile de refuser à M. le maréchal de Villars la gloire d’avoir, pour la troisième fois, sauvé la France. » II.