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899. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Et souvenez-vous de moi dorénavant, lorsqu’ici viendra, après bien des travers, quelqu’un des hôtes mortels, et qu’il vous démandera : « O jeunes filles, quel est pour vous le plus doux des chantres qui fréquentent ce lieu, et auquel de tous prenez-vous le plus de plaisir ? » Et vous toutes ensemble, répondez avec un doux respect : « C’est un homme aveugle ; et il habite dans Chio la pierreuse ; c’est lui dont les chants l’emportent à présent et à jamais ! 

900. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

« L’amour est une grande chose, un grand bien, qui rend tout fardeau léger… L’amour pousse aux grandes actions, et excite à désirer toujours une perfection plus haute… Rien n’est plus doux que l’amour, rien n’est plus fort, ni plus liant, ni plus large, ni plus doux, ni plus plein, ni meilleur au ciel ni sur la terre… L’amour vole, court, il a la joie.

901. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Toute âme un peu douce, un peu tendre, un peu soucieuse de l’équité, un peu pitoyable à ce peuple dont on n’a guère le droit d’exciter les appétits quand on n’a rien à lui donner, sera effrayée et scandalisée de l’œuvre de M.  […] Le personnage que nous jouons, par nécessité ou par goût, ce que nous livrons de nous-mêmes au public, c’est rarement nous tout entiers, et, comme dit Balzac, « nous mourons tous inconnus. » Tel qui, dans son journal, sème l’outrage et la révolte ; tel qui, moitié par tempérament, moitié sous la pression des circonstances, a fait de la démagogie sa carrière, est l’homme le plus doux, le meilleur ami, le père de famille le plus tendre et plus dévoué.

902. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Douce société. […] Et que j’ai le secret de rendre exquis et doux.

903. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Delacroix : « l’énergie est chez lui l’aspiration de l’énergie, le rêve de l’énergie, la nostalgie d’un passé historique plutôt que la puissance de construction d’un avenir. » L’image de la cristallisation qui forme le leit-motiv du livre est à la fois le produit d’une imagination musicale, une figure de la réalité amoureuse : " il me semble, dit Stendhal dans une lettre, qu’aucune des femmes que j’ai eues ne m’a donné un moment aussi doux et aussi peu acheté que celui que je dois à la phrase de musique que je viens d’entendre. " la musique, surtout telle que la goûtait Stendhal qui n’y sentait qu’un motif de rêverie, c’est le monde et l’acte mêmes de la cristallisation parfaite, de sorte que Beyle, amoureux de second plan, simple amateur en musique, se définirait peut-être comme un cristallisateur. […] Camille Mauclair a écrit la transposition mystique : « Si chacun de ces frêles personnages errant dans un paysage d’or rose figurait un état du rêve, où allaient-ils tous, et qu’est-ce qui les incitait à tourner ainsi le dos, avec une obstination douce, à l’existence réelle d’où je les contemplais, pour s’aller perdre de mirage en mirage dans les zones successives de cette vaporeuse bleuité ?

904. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Il faut, pour le bonheur d’un peuple, que l’industrie soit exercée et ne soit pas fatiguée ; il faut qu’il soit encouragé au travail par le travail même ; que chaque année ajoute à l’aisance de l’année qui la précède ; qu’il soit permis d’espérer quand il n’est pas encore permis de jouir ; que le laboureur, en guidant sa charrue, puisse voir au bout de ses sillons la douce image du repos et de la félicité de ses enfants ; que chaque portion qu’il cède à l’État, lui fasse naître l’idée de l’utilité publique ; que chaque portion qu’il garde, lui assure l’idée de son propre bonheur, que les trésors, par des canaux faciles, retournent à celui qui les donne ; que les dépenses et les victoires, tout, jusqu’au sang versé, porte intérêt à la nation qui paie et qui combat ; et que la justice même, en pesant les fardeaux et les devoirs des peuples, n’use pas de ses droits avec rigueur, et se laisse souvent attendrir par l’humanité, qui n’est elle-même qu’une justice. […] Ils furent pendant trente ans ce qu’eussent été les Perses vainqueurs à Salamine et à Marathon, unissant la grandeur de Persépolis et d’Ecbatane aux arts brillants et à la politesse douce et voluptueuse d’Athènes.

905. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Comme, du haut des collines, la bacchante sans sommeil regarde au loin l’Hèbre, la Thrace blanchie sous les neiges et le Rhodope foulé d’un pied barbare, ainsi, qu’il m’est doux de m’égarer admirant les rivages et le bois solitaire ! […] C’est un doux péril, ô Bacchus, de suivre le dieu qui ceint sa tête du pampre verdoyant. » Ce sont les fêtes, ou plutôt c’est la poésie de la Grèce qui respire dans ce caprice savant d’Horace ; c’est la veillée des bacchantes d’Euripide : on voit les mille bras qui ont saisi la tige du frêne et l’ont arrachée de la terre.

906. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — Notice sur M. G. Duplessis. » pp. 516-517

Ces liaisons, commencées avec lui par le goût commun des livres, finissaient bientôt par une douce et essentielle amitié.

907. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Baudelaire.] » pp. 528-529

Mais en obéissant à l’impulsion et au progrès naturel de mes sentiments, j’ai écrit l’année suivante un recueil, bien imparfait encore, mais animé d’une inspiration douce et plus pure, Les Consolations, et grâce à ce simple développement en mieux, on m’a à peu près pardonné.

908. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — I »

D’une part, engagée par les sollicitations de votre mémoire, disons mieux, de votre conscience ; de l’autre retenue par les scrupules de votre amour-propre, ou du moins de votre délicatesse, il vous faudra, et j’adopte ici la supposition la plus douce, il vous faudra tout ménager, tout prévoir, conter avec apprêt et réserve, fausser presque à votre insu vos réminiscences, prendre à propos vos rêves pour des souvenirs, en un mot, par un officieux et perpétuel mensonge d’imagination, reconstruire le passé en croyant le reproduire ; à moins toutefois, ce que je ne redoute guère, qu’il ne vous advienne l’orgueilleux caprice de nous confesser voire vie pleine et entière, à la mode de saint Augustin, sinon de Jean-Jacques.

909. (1875) Premiers lundis. Tome III « Maurice de Guérin. Lettre d’un vieux ami de province »

Bernardin de Saint-Pierre, sans tant d’étude, y atteint mieux par simple génie ; héritier en partie de Fénelon, il a, dans Paul et Virginie, dans bien des pages de ses Études, dans cette page (par exemple) où il fait gémir Ariane abandonnée à Naxos et consolée par Bacchus, des retours de l’inspiration grecque et de cette muse heureuse ; mais c’est le doux et le délicat plutôt que le grand qu’il en retrouve et en exprime.

910. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouchor, Maurice (1855-1929) »

Henri Mercier Si la joie d’être débordait dans les Chansons joyeuses, les Poèmes de l’Amour et de la Mer, qui vinrent ensuite, révélèrent en Maurice Bouchor un autre poète, un poète du cœur, plein de tendresse pour la nature, de délicatesse en sa conception de la femme et de douce mélancolie.

911. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rimbaud, Arthur (1854-1891) »

Paterne Berrichon Dans Charleville, un ou deux mois après son retour, il concevra et rimera ce Bateau ivre, visionnaire déjà et prophétique totalement ; chef-d’œuvre orageux, terrible aussi et doux et tout, qui forme comme le symbole de la vie même du poète.

912. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Théâtre français. » pp. 30-34

Après, vint Mercure, qui pria Orphée de continuer les doux airs de sa musique, l’assurant que, non seulement les bêtes farouches, mais les étoiles du ciel danseraient au son de sa voix.

913. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre III. Massillon. »

qui pouvait douter de ta beauté, lorsque Fénélon et Bossuet occupaient tes chaires, lorsque Bourdaloue instruisait d’une voix grave un monarque alors heureux, à qui, dans ses revers, le ciel miséricordieux réservait le doux Massillon !

914. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Un petit corollaire de ce qui précède [Mon mot sur l’architecture] » pp. 77-79

C’est lui qui réfléchit et qui voit dans l’arbre de la forêt, le mât qui doit un jour opposer sa tête altière à la tempête et aux vents ; dans les entrailles de la montagne, le métal brut qui bouillonnera un jour au fond des fourneaux ardents, et prendra la forme et des machines qui fécondent la terre et de celles qui en détruisent les habitants ; dans le rocher, les masses de pierre dont on élèvera des palais aux rois et des temples aux dieux ; dans les eaux du torrent, tantôt la fertilité, tantôt le ravage de la campagne ; la formation des rivières, des fleuves ; le commerce, les habitants de l’univers liés, leurs trésors portés de rivage en rivage et de là dispersés dans toute la profondeur des continents ; et son âme mobile passera subitement de la douce et voluptueuse émotion du plaisir au sentiment de la terreur, si son imagination vient à soulever les flots de l’océan.

915. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

C’est une émotion souveraine ; c’est la douce crise où l’on pleure ou qui réconcilie, qui brise les malentendus et les haines. […] On va meurtrir la douce épaule sur laquelle il posait sa tête et froisser ces bras délicats. […] Il marche jusqu’à l’extrême de ses théories avec une violence douce et irrésistible. […] L’encens amer et doux de la mort monte en irrésistibles spirales, emplit tout d’une vapeur grisante. […] Plus loin encore sont les îles de l’enfance ; à l’entour d’elles flottent de douces mémoires.

916. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Il parle de sa famille avec cette effusion de tendresse qu’une âme douce et pure ajoute encore à la force du sentiment paternel. […] Ils sacrifièrent sur l’autel du dieu, et revinrent avec cette douce paix du cœur que le voyage seul était bien fait pour inspirer. […] qu’il est doux d’entendre et de reconnaître de tels accents !  […] Cette âme altière était pourtant ouverte à de plus douces émotions. […] Cette alliance des images douces et terribles n’est pas cependant particulière à Milton.

917. (1864) Le roman contemporain

La plus auguste souveraineté du monde s’écroulait, et le bienfaiteur de Rome, le père de la liberté italienne, le doux Pie IX, était contraint par l’ingratitude et la trahison de sortir de sa capitale, après avoir vu son ministre égorgé. […] Jadis la muse restait douce aux proscrits et fidèle aux abandonnés ; on la trouvait au pied de la tour de Richard sous les traits de Blondel. […] Une fois les paroles échangées, l’intimité des causeries, celle des correspondances commence avec la familiarité des plus doux noms, de sorte que le mariage se trouve placé pour ainsi dire entre deux lunes de miel. […] À cette page les yeux des jeunes femmes se mouillent de douces larmes. […] Il est si doux d’être apprécié pour soi-même, et il est si malséant de voir les questions d’arithmétique précéder la lune de miel !

918. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) I Quoi qu’il en soit de ce vœu, comme de tant d’autres, le livre de M. de Marcellus est un des livres de jeunesse qui sont les plus doux à emporter dans son bagage de voyageur ou à feuilleter dans son âge avancé, quand on veut se donner une odeur du printemps de la vie ; on y vogue, on y change d’horizon à tous les levers de l’aurore ; on y chante à demi-voix les vers mémoratifs de ses études, on y parle la plus riche et la plus sonore des langues ; et, par-dessus tout, on y cause avec un compagnon de route toujours instruit, toujours spirituel, toujours tempéré et souriant, qui semble avoir en lui la précoce et froide sagesse du vieillard à côté des belles illusions de la vie. […] « Aux rayons de la lune, qui répand une si douce lueur dans ces régions asiatiques, aux derniers bruits que la mer apaisée jette sur la plage, les filles de Scio venaient, sur le banc de pierre dressé à la porte de leur maison, écouter les plaintes et les déclarations d’amour des jeunes hommes, quelquefois mêler leurs voix aux chants passionnés, au son du téorbe ou de la mandoline. […] Cette Médée, redoutable patronne de notre village, fait encore trembler nos femmes du peuple sous la terreur de ses noirs enchantements ; voyons comment va s’y prendre notre maître pour nous inspirer envers elle des sentiments plus doux.

919. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

IX Le beau et doux Marius, qui a perdu son idéal à lui, l’idéal de son cœur, Cosette, depuis quelques jours, parce que le jaloux tuteur Valjean l’a enfouie dans la maison de la rue Plumet, et qui conspire aussi sans savoir pourquoi, parce que le temps lui dure, comme dit la romance ; le beau Marius rencontre la petite Éponine, une des deux filles des Thénardier, tombée de l’opprobre dans la misère, mais qui le guette, le suit et l’aime à son insu. […] « Cependant elle ne pouvait s’empêcher de se dire qu’il avait de beaux cheveux, de beaux yeux, de belles dents, un charmant son de voix, quand elle l’entendait causer avec ses camarades, qu’il marchait en se tenant mal, si l’on veut, mais avec une grâce à lui, qui ne paraissait pas bête du tout, que toute sa personne était noble, douce, simple et fière, et qu’enfin il avait l’air pauvre, mais qu’il avait bon air. […] Vous avez auprès de vous un plus doux rayonnement et un plus grand mystère : la femme !

920. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Dans la tragédie, c’est la « douce terreur », la « pitié charmante » ; ce sont les pleurs. […] Il lui suffit que les noms grecs et latins aient une plus douce harmonie que les noms germaniques, pour condamner l’épopée aux sujets païens et lui interdire le moyen âge. […] Ainsi encore, la comédie, en style « humble et doux » par une intrigue vivement conduite, nous présente les ridicules et les vices de la cour et de la ville, et nous divertit de leur exacte peinture.

921. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Où est-elle dans votre tableau de la cité marchande, la déesse aux grands yeux qui eût fait briller dans le ciel d’airain la lumière d’une civilisation plus douce ? […] Flaubert pourquoi les qualités morales, par une transposition naturelle, peuvent convenir au silence, pourquoi on peut aussi le placer, comme dirait Kant, sous les catégories du temps et de l’espace, pourquoi l’on dit dans toutes les langues du monde un silence triste, doux, lugubre, effrayant, paisible, solennel, ou bien un long silence, un éternel silence, et pourquoi enfin, même dans le patois le plus barbare, un silence énorme est impossible ; rompu à tous les manèges du style, M.  […] Qu’il relise Virgile, le chantre de la Phénicienne Didon, et le Carthaginois Térence, peintre si doux de la sympathie humaine ; qu’il songe à ces paroles si tendres, si profondes : sunt lacrymæ rerum , et qu’il achève le vers en le méditant : mentem mortalia tangunt .

922. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

» Non : sa vie est encore errante en mille atomes…       Objet de mes chastes serments, Tu n’as point revêtu la robe des fantômes, Et tes restes encor me sont doux et charmants.     Vagues parfums, vous êtes son haleine ; Balancements des flots, ses doux gémissements ;     Dans la vapeur qui borde la fontaine,     J’ai vu blanchir ses légers vêtements ;     Oh ! […] Il nous apprend à ne point accueillir, à ne point entretenir dans notre cœur ces passions amères qui, une fois qu’elles s’y sont logées, y deviennent maîtresses, y sévissent en furieuses et y corrompent ce qu’il y a de plus doux et de plus consolant au monde, et ce qui est recommandé par les sages comme le remède souverain des maux, je veux dire le sincère amour des lettres et le charme innocent des muses.

923. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Son front, où brillait cependant la majesté d’un dieu, portait une couronne de rubis cachés dans les fleurs, et si jeune, il avait déjà la teinte rubiconde des buveurs. » À sa suite heureuse, il entraînait les grâces, les élégances, les beautés, les jeux et les fêtes, mêlés aux plus douces odeurs. — Voilà un des tyrans de la jeunesse, et prenez garde, il enchante l’esprit pour le corrompre. […] qu’il faut bien que la critique ait desséché votre cœur et corrompu votre esprit, pour que, dans ce lamentable spectacle d’hier soir, vous n’ayez vu en effet qu’une petite comédienne de seize à dix-sept ans, qui joue une comédie en vers, qui imite à s’y méprendre mademoiselle Mars ; une belle personne en sa fleur qui étale de son mieux sa main, son pied, son sourire, son doux regard, et qui circule lestement à travers les vieux hommes qui l’entourent. […] Cela est si doux, en effet, et si rare au théâtre, une belle jeune fille innocente, naïve, toute blanche, heureuse, qui récite avec beaucoup d’esprit et de grâce les vers incisifs de Molière, avec beaucoup de tact et de goût la prose élégante de Marivaux !

924. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

L’âme écoute, se sent émue et troublée jusque dans ses profondeurs ; elle obéit rêveuse aux prières des doux esprits du son. […] il a caressé mon oreille comme le doux vent du sud qui souffle sur un champ de violettes, dérobant et donnant des parfums… Assez, pas davantage ! cela n’est plus aussi doux maintenant que tout à l’heure. » Entendez-vous cette voix doucement énervée ? […] Le caractère doux et inoffensif de la secte du comte Zinzendorf ne la protégea pas contre la persécution. […] Ses premières visites, par exemple, sont charmantes, pleines de douces rêveries, de tendres entretiens, d’affectueuses larmes.

925. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Fénelon est un doux lettré. […] Les ruisseaux étaient de rigueur, le climat toujours doux. […] Petit vent sifflant aigu et doux au dehors. […] Dehors on a beau écouter, on n’entend rien ; rien que le sifflement doux et continu du petit vent. […] Rien n’était plus enivrant que l’illusion du désir ; rien n’est plus doux que la mélancolie du regret.

926. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

Ces doux accents mêlés aux légendes devront, en effet, trouver plus d’un écho dans ces montagnes qui nous ont donné Nodier et Jouffroy, et Droz, et qui ont gardé le savant et bon Weiss.

927. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Stéphane Mallarmé »

Stéphane Mallarmé est un homme original et doux.

928. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Karr, Alphonse (1808-1890) »

Aristophane ou Sterne en eût été jaloux ; On y sentait leur sel, mais le tien est plus doux.

929. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIII. Beau trio » pp. 164-169

Il lui suffit du bavardage d’un doux idiot et d’une heure de chapelle pour devenir une femme du cœur le plus tendre et le plus délicat. — Richard Fénigan a seize ans et habite la campagne avec sa mère.

930. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Lettre a monseigneur le duc de**. » pp. -

Il est beau d’abandonner au printems de l’age, au milieu des douces illusions de la grandeur, & dans le sein de l’abondance, les plaisirs des sens, pour vous livrer entiérement à ceux de l’esprit.

931. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

C’est une chose bien douce pour nous, leur a-t-on répondu, que de retrouver sur la toile l’image vraie de nos pères, de nos mères, de nos enfants, de ceux qui ont été les bienfaiteurs du genre humain, et que nous regrettons.

932. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 1, de la necessité d’être occupé pour fuir l’ennui, et de l’attrait que les mouvemens des passions ont pour les hommes » pp. 6-11

Mais, comme je l’ai dit, les personnes qu’un sang sans aigreur et des humeurs sans venin ont prédestinées à une vie interieure si douce, sont bien rares.

933. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Chimène est un peu plus douce : elle ne veut seulement que faire périr Rodrigue juridiquement, d’une mort infâme, sur un échafaud. […] Une jeune fille ne doit demander le sang de personne : cela répugne au caractère de son sexe ; la nature ne lui a point donné une voix douce pour faire entendre des cris de mort. […] Zaïre même n’intéresse plus, parce qu’on ne sent pas assez la force des motifs auxquels cette jeune et belle esclave immole les plus doux sentiments de son cœur. […] Prêt à succomber sous les plus noirs complots, il n’est pas à beaucoup près aussi consterné, aussi tremblant qu’Orosmane, quand il surprend un billet doux adressé à sa maîtresse. […] Elle est au contraire plus touchante, elle fait couler de plus douces lamies qu’une intrigue amoureuse.

934. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Je n’ai eu, dans ma vie, que peu d’émotions aussi douces. […] Miel est bien le mot, alors même que votre bonté n’aurait pas semé ces deux volumes de mots si bienveillants et si doux pour moi. […] Ce que vous me dites, je me le disais, et il m’a été doux que votre amitié ait d’abord songé à moi dans mon affliction… J’ai écrit quelques lignes sur M.  […] Tous ceux que la douce beauté de Rachel attire et entraîne auprès d’elle, deviennent les victimes de Mob. […] Vraiment, lorsqu’on sort d’Ahasvérus pour entrer dans l’Évangile, on croit voir autour de soi succéder à la noire humidité du sépulcre la douce et chaude clarté d’un soleil du printemps.

935. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Innocente illusion, secret subterfuge de l’amour propre qui ne fait de mal à personne et qui console toujours un peu : il est doux de se dire, quand on a jeté le pinceau pour la plume : Quel grand peintre j’aurais été ! […] Mais une santé vermeille éclairait cette douce et charmante physionomie qui essayait vainement de s’attrister. […] « C’est un sublime et doux mystère, — n’est-ce pas ?  […] Comme ces doux souvenirs d’enfance s’encadrent bien dans ce frais paysage ! […] Quelle douce charité féminine elle déployait envers ce grand enfant de génie mutiné contre le sort !

936. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Car elle a placé dans les eaux ceux qui sont propres à nager ; dans les airs, ceux qui sont disposés à voler ; et, parmi les terrestres, elle a fait ramper les uns, marcher les autres ; elle a voulu que ceux-ci vécussent seuls, et ceux-là en troupeaux ; elle a rendu les uns féroces, les autres doux ; il y en a qui vivent cachés sous terre. […] « À ces mots, Lélius s’écria ; un douloureux gémissement s’éleva de tous côtés : mais Scipion, avec un doux sourire : Je vous en prie, dit-il, ne me réveillez pas, ne troublez pas ma vision, écoutez le reste. […] Lorsque je pus me recueillir : Quelle est donc, demandai-je à mon père, quelle est cette harmonie si puissante et si douce au milieu de laquelle il me semble que nous soyons plongés ? […] On n’est pas plus assuré de la vie à la fleur de l’âge qu’au déclin des ans : seulement la mort du vieillard a quelque chose de plus naturel et de plus doux ; la vie avancée est comme le fruit mûr, qui se détache sans effort.

937. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Le Théâtre est à quelques distance de la ville, sur une petite colline, au milieu d’un parc : une large route, en pente douce, bordée d’arbres, y mène, traversant le parc ; et, des portes du Théâtre, on aperçoit, par tous côtés, l’horizon : en face, la vieille ville de Bayreuth, et, au loin, la campagne ; par derrière, les chaînes montagneuses du Sophienberg. […] La force revécue de ce charme, à lui propre, il l’exerce, à présent, (Andante 5/4) sous une forme adorablement douce ; il y retrouve, ravi, le signe divin de l’Innocence intérieure, et il poursuit, sans cesse, cette mélodie, avec des variations toujours nouvelles et inouïes, laissant tomber sur elle, sans arrêt, les rayons de l’Eternelle Lumière. […] En réalité, ce progrès musical extraordinaire ressemble au brusque réveil d’un rêve ; et nous éprouvons, aussitôt, le bienfaisant effet de ce réveil sur l’âme que le rêve avait, au dernier point, angoissée ; car jamais, auparavant, le musicien n’avait laissé vivre devant nous la torture du monde, si tristement infinie ; aussi fut-ce, en vérité, par un élan désespéré que le Maître, divinement pur et tout rempli de son enchantement, est entré dans ce nouveau monde de lumière, dont le sol lui a présenté aussitôt, superbement épanouie, cette mélodie longtemps cherchée, cette mélodie humaine, délicieusement douce, purement innocente. […] Fantin-Latour nous a consolé de cette misère : celui-là, d’abord, est un Wagnériste conscient, connaît, admire, célèbre le Maître, mais il a, surtout, cette extrême gloire, que seul, aujourd’hui, il a, résolument compris la double tâche possible au peintre : il a, dans ses grands tableaux, dont chacun montre une victoire nouvelle, reproduit, plus exactement que tous et plus entièrement, la vie objective, réelle, totale des formes : et il a, en d’adorables dessins, écrit le poème de l’émotion plastique, communiquant aux âmes des émotions étrangement douces et tièdes, par une combinaison fantaisiste des lignes et des teintes.

938. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Un moment, il indique, en quelques mots, comme la chose la plus ordinaire, la tombée à la mer d’un matelot par un gros temps, et l’absolution, donnée du haut du pont, par l’aumônier, à ce malheureux abandonné sur sa bouée… Et comme Daudet lui demande, s’il est d’une famille de marins, il répond le plus simplement du monde, de sa petite voix douce : « Oui, j’ai eu un oncle, mangé sur le radeau de la Méduse. » Lundi 11 février D’où vient que devant un monsieur qui passe dans la rue, un monsieur anonyme et qui n’a pas même une décoration à sa boutonnière, vous avez la perception que ce monsieur a une célébrité, une notoriété, une importance dans les affaires, la science, les lettres, les arts ? […] Il disait à Pélagie de sa voix la plus douce : « Dites donc, madame, est-ce qu’on peut casser ça… et ça ?  […] Et ce rose derrière, sur un oreiller à grandes dents festonnées, fut jusqu’au jour, où je connus Mme Charles, le doux et excitant spectacle que j’avais le soir, avant de m’endormir, sous mes paupières fermées. […] » s’écrie-t-elle, et malgré les objections, la défense timide de son Alphonse, elle continue à tomber Michel, avec le doux entêtement et la parole placide, qu’elle apporte dans la contradiction.

939. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Je ne dis ni à mon père ni à ma mère pourquoi je quittais la chambre et la douce table de famille, et je partis pour Paris par les carrioles du Bourbonnais, appelées pataches, en compagnie des marchands de vin du vignoble et des marchands de bœufs des herbages de mon pays, qui causaient de leur commerce aux cahots inharmonieux de ces voitures. […] Mais ce masque romain, qui semblait moulé sur ses traits quand il était sur la scène, tombait de lui-même quand il était en robe de chambre, et ne laissait voir qu’un front large, des yeux grands et doux, une bouche mélancolique et fine, des joues un peu pendantes et un peu flasques, d’une blancheur mate, des muscles au repos comme les ressorts d’un instrument détendus. […] Dans le temple des Juifs un instinct m’a poussée, Et d’apaiser leur Dieu j’ai conçu la pensée ; J’ai cru que des présents calmeraient son courroux, Que ce Dieu, quel qu’il soit, en deviendrait plus doux. […] vous n’avez point de passe-temps plus doux ?

940. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Ces dignes gens ont là-haut des solitudes et de douces cabanes, ce qu’on appelle le Mayen de la famille ; ils se hâtent d’y monter dès qu’avril a fondu les neiges, et ils ne redescendent plus à Sion qu’à l’approche de l’hiver. […] Sous cette impression d’une douce piété communicative, il appellera donc plus d’une fois les dignes religieux du Grand-Saint-Bernard ses frères, ses coreligionnaires très certainement en dépit de quiconque pourrait y trouver à redire.

941. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Dans Le Pressoir, cette jolie comédie-idylle de Mme Sand, un paysan dit d’une jeune fille sans fortune dont il ne veut pas pour son fils : « J’avoue qu’elle est charmante et très douce. » Ce dernier mot, dit d’une certaine façon villageoise, fait un gracieux effet : et pourtant c’est un peu cherché et calculé en fait de naturel : celui de l’abbé Prévost coulait de source. […] Laissons la statue aux hommes célèbres qui ont marché sur cette terre avec autorité, d’un pied sûr, orgueilleux ou solide : pour l’homme de lettres, pour le romancier, pour celui que l’amour de la retraite poursuit jusque dans le bruit, pour ceux qu’une demi-ombre environne et que plutôt elle protège, pour ceux-là c’est le buste qui convient, et celui de l’abbé Prévost, placé comme il l’est aujourd’hui, répond bien à ce qui eût été son espérance la plus haute et son plus doux vœu.

942. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

De la porte de notre cabane, nous avions une des plus belles vues du monde : à notre gauche, mais fort au-dessous de nous, le cap Oropeza élevait dans les airs ses aiguilles qui servent de signaux aux navigateurs ; derrière nous, en se prolongeant dans l’ouest, s’étendaient les chaînes de montagnes noirâtres qui, comme un rideau, abritent le royaume de Valence du côté nord et conservent à cet heureux climat la douce température dont il jouit. […] Et avec cela une veine d’humeur douce et gaie, en causant, qui imprimait un mouvement agréable et comme un courant à ce lac immense.

943. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

C’est l’âge des illusions ; c’est le temps où la nature puissante grave des traits profonds, mais où en même temps elle peint avec des couleurs si douces et si chères. […] Le vertueux Mairan, qui a aperçu le feu central, était né pour les champs Élysées, où sa philosophie douce eût amusé les ombres du récit de ses hypothèses ingénieuses.

944. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Feuillet de Conches le décrit en des termes qui rappelleront à tous l’impression reçue : On est au moment où le soleil à son déclin rase la terre et projette des ombres plus douces. […] Il lui aurait fallu une compagne de « ce caractère doux, simple et aimant, que l’on trouve, disait-il, dans nos montagnes, et qui, lorsqu’il est joint à l’esprit naturel et même à une instruction solide, est plus fait pour plaire ».

945. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Mais nous autres que la philosophie du Moyen Âge intéresse moins que ce qui y perce d’imagination gracieuse et d’éternelle sensibilité humaine, ce sera toujours à un point de vue plus réel et plus ému que nous nous plairons, au milieu de toutes les difficultés et des énigmes du voyage, à noter des endroits comme ceux-ci, où le poète, guidé par Béatrix dans les cercles du ciel, et approchant de la dernière béatitude, se montre ingénument suspendu à son regard, et nous la montre, elle, dans l’attitude de la vigilance et de la plus tendre maternité : Comme l’oiseau, au-dedans de son feuillage chéri, posé sur le nid de ses doux nouveau-nés, la nuit, quand toutes choses se dérobent ; qui, pour voir l’aspect des lieux désirés, et pour trouver la nourriture qu’il y va chercher pour les siens et qui le paiera de toutes ses peines, prévient le moment sur la branche entr’ouverte, et d’une ardente affection attend le soleil, regardant fixement jusqu’à ce que l’aube paraisse : ainsi ma dame se tenait droite et attentive, tournée vers l’horizon, etc., etc. […] Toutefois c’est encore dans les exemplaires grecs et latins, ou dans les productions chrétiennes appartenant à des âges plus doux, qu’on retrouve le genre de beautés le plus direct, le plus naturel et, pour nous, le plus aisé à sentir, le plus exempt de toutes les ligatures et de tous les emboîtements pédantesques qui, en le reconstituant, ont déformé à de certains siècles et mis à la gêne l’esprit humain.

946. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Un gai zéphire les caresse D’un mouvement doux et flatteur ; Rien que leur extrême hauteur Ne fait remarquer leur vieillesse. […] On était loin sans doute alors de ce grand moment de renaissance pittoresque et historique où Chateaubriand devait écrire ses admirables pages sur Rome et la campagne romaine : mais Poussin n’était-il pas là, qui à cette heure y traçait tant de graves et doux tableaux, ce même Poussin, parent en génie de Corneille, et qui, ayant reçu Le Typhon ou la gigantomachie, poème burlesque de Sçarron, écrivait : « J’ai reçu du maître de la poste de France un livre ridicule des facéties de M. 

947. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Pour s’être donné le malin plaisir de faire un livre de Régence et de Directoire, qui est bien de la date où le surintendant Fouquet faisait collection de ses billets doux, et dressait une liste de ses bonnes fortunes, il manque le grand siècle, les guerres de Flandre, celle de Franche-Comté qui vient passer presque sous ses fenêtres ; tous ses compagnons d’armes y seront : « Il vient de passer dix mille hommes à ma porte (à la porte de son château de Bussy) : il n’y a pas eu un officier tant soit peu hors du commun qui ne me soit venu voir ; bien des gens de la Cour ont couché céans. » Vite il écrit au roi pour demander à servir cette campagne, et le roi impassible répond : « Qu’il prenne patience ! […] Même quand il était mélancolique, c’était « d’une mélancolie douce, et qui ne l’empêchait jamais d’être gai quand il le fallait ».

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