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1708. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Dans le chapitre de la Ville, il plaint les citadins qui « ignorent la nature, ses commencements, ses progrès, ses dons et ses largesses… Il n’y a si vil praticien qui, au fond de son étude sombre et enfumée… ne se préfère au laboureur qui jouit du ciel… » Tout ce que développeront un jour Rousseau, Bernardin, Chateaubriand et Sand n’est-il pas enclos dans ces deux brèves et charmantes pensées : « Il y a des lieux qu’on admire ; il y en a d’autres qui touchent et où l’on aimerait à vivre  Il me semble que l’on dépend des lieux pour l’esprit, l’humeur, la passion, le goût et les sentiments. » L’auteur des Caractères était essentiellement de ces esprits ouverts, « vacants » et inquiets, révoltés contre le présent, ce qui donne une bonne posture dans l’avenir ; de ces âmes qui sentent beaucoup et pressentent plus encore, par un désir de rester en communion avec les hommes qui viendront, et par une sympathie anticipée pour les formes futures de la pensée et de la vie humaine.

1709. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Il passa encore trois années au collège, de plus en plus inquiet de l’avenir, à mesure qu’il approchait du monde, appauvri, s’il était possible, par la mort de son oncle Godwin, secouru de meilleur cœur, mais avec aussi peu d’efficacité par son oncle William.

1710. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Dimanche 23 mars Ce jeune souverain allemand, ce névrosé mystique, ce passionné des drames religioso-guerriers de Wagner, cet endosseur en rêve de la blanche armure de Parsifal, avec ses nuits sans sommeil, son activité maladive, la fièvre de son cerveau, m’apparaît comme un souverain bien inquiétant dans l’avenir.

1711. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Ne nous étonnons plus que les anciens aient appelé les poètes des devins ; ils devinent le passé comme l’avenir.

1712. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Or, rien n’est plus supposable que, durant une longue suite de générations, chaque insecte qui fit un moins grand usage de ses ailes, soit par suite de leur moindre développement, soit par suite d’habitudes indolentes, ait eu plus de chances de n’être pas emporté par le vent et de survivre ; tandis que d’autre part, au contraire, ses congénères plus agiles, qui plus volontiers prenaient leur vol, étaient plus souvent jetés à la mer, où se noyait avec eux l’avenir de leur race.

1713. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Enfin, la provision nécessaire à la nourriture d’un grand nombre d’Abeilles pendant l’hiver est considérable, et l’on sait que l’avenir de la ruche et sa prospérité dépendent principalement du grand nombre d’Abeilles qui parviennent à hiverner.

1714. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Tous les genres d’éloquence et de litterature ont été cultivez sous le regne du roi par des personnes qui seront citées pour modeles aux sçavans, qui dans l’avenir s’appliqueront aux mêmes études qu’eux.

1715. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Commencée en 709, — entre Clovis et Charlemagne, par la révélation de saint Aubert, évêque d’Avranches, auquel l’archange Michel ordonna de bâtir sur le roc escarpé, au péril de la mer, qui allait devenir tous les genres de périls, un monastère impossible, et qui, pour preuve de la réalité de son apparition, laissa l’empreinte de son doigt dans la tête du saint à une telle profondeur qu’on retrouve le trou dans l’ossature du crâne qui nous reste, — traversant tout le Moyen Âge, et ne finissant qu’en 1594, après les terribles guerres protestantes, cette histoire du Mont Saint-Michel, qui recommencera peut-être dans l’avenir, a laissé là, écrite entre le ciel et l’eau, comme une immense lettre cunéiforme de granit devant laquelle nos pattes de mouche humiliées paraîtraient bien petites, si un esprit venant de Dieu ne les animait et ne les grandissait, en les animant… Or, c’est cet esprit-là, allumé dans le romancier devenu chrétien, qui lui a fait écrire une histoire qui, sans cet esprit, n’aurait que l’intérêt d’un roman, quoique ce soit certainement le plus magnifique de ses romans.

1716. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Tandis que tout le siècle tournait des yeux avides vers l’avenir, et se précipitait dans les routes nouvelles que lui ouvrait la philosophie, Vico eut le courage de remonter vers cette antiquité si dédaignée, et de s’identifier avec elle.

1717. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Brunetière, que de l’avenir intellectuel de notre pays, et enfin le choix de mes complices, M.  […] L’avenir tient dans le présent comme toutes les propriétés du triangle tiennent dans sa définition. » Une telle philosophie ne saurait admettre la réalité du bien et du mal, du mérite et du démérite. […] Nous ne sommes point les juges de l’avenir. […] Car il est à peine exagéré de dire qu’elle est à la fois la dernière mystique et la première réformée, et qu’elle tend une main, dans le passé, à saint François d’Assise et l’autre main, dans l’avenir, à Luther.

1718. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

On cite le café où chaque soir l’aède du symbolisme enseigne les rhapsodes de l’avenir. […] Mais sur ce point encore, qui est le grand point, je ne voudrais pas être plus conservateur que de raison et me brouiller avec l’avenir. […] Car il veut entendre, avant toutes les autres âmes, celle de Tirésias, qui doit lui révéler l’avenir et lui enseigner des choses utiles à connaître. […] Puis, dévoilant un avenir plus lointain, il annonce des aventures étranges, dont l’Odyssée ne parle pas, et qui se rapportent à des traditions à jamais perdues. […] Ce qui signifie peut-être que l’avenir est fait du passé, que nous tissons chaque jour notre destinée comme le filet qui nous enveloppera, que les conséquences de nos actes sont inéluctables et que les baisers des magiciennes réapparaissent comme des fantômes au lit de mort des vieux rois à la barbe de neige.

1719. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Nous connaissons déjà dans les animaux et les végétaux un assez grand nombre de cas de vie latente, mais outre ces exemples caractéristiques, on peut dire sans craindre de se tromper que la vie latente est répandue à profusion dans la nature et qu’elle nous expliquera dans l’avenir un très grand nombre de faits réputés mystérieux aujourd’hui. […] C’est à l’avenir, et probablement à un avenir prochain, qu’il appartiendra de résoudre ces problèmes qu’on ne peut qu’indiquer aujourd’hui, mais dont nous sommes déjà parvenus à analyser les principales conditions.

1720. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Cependant, en dépit de ces heures de faiblesse humaine, l’orgueil le soutient secrètement et lui rend déjà l’avenir visible. […] Ainsi, lorsque quelqu’un insistait trop afin qu’il lui prédit l’avenir, il se faisait tout à coup lion, par exemple, ou serpent, ou terrible sanglier ; puis encore onde limpide et arbre au beau feuillage. […] Nous fûmes ensemble aux Evelpides, mais j’ai dû abandonner, briser mon avenir… Des malheurs de famille, vous savez… une vieille mère à nourrir… un jeune frère à élever.

1721. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Il voit le mal, il voit la souffrance, il s’insurge contre les injustices et les gênes de l’état social (le Joug) ; mais il ne désespère point de l’avenir et il attend la cité définitive des jours meilleurs (Dans la rue, la Parole). […] Je compte avec horreur, France, dans ton histoire, Tous les avortements que t’a coûtés ta gloire : Mais je sais l’avenir qui tressaille en ton flanc. […] Déjà la jeune École, tout ce qui porte l’avenir dans ses entrailles, se tourne vers l’Orient, vers les pays de grand soleil, dont toutes les routes de terre et de mer conduisent en Grèce.. […] Car, s’il conclut presque toujours par un optimisme déclaré, il n’en est pas moins vrai que sa conception du monde et de l’histoire, ses idées sur la société contemporaine et sur son avenir prêtent tout aussi aisément à des conclusions désolées.

1722. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Celui qui connaîtrait parfaitement l’état actuel de la littérature et des esprits n’en serait pas moins incapable de prévoir ce que sera la littérature dans cinquante ans — et même cette impossibilité de deviner l’avenir est, quand on y songe, pleine d’angoisse. Or, si nous ne pouvons, bien qu’ayant dans le présent un point de départ solide, enchaîner avec quelque certitude les effets aux causes dans l’avenir, comment le pourrions-nous dans le passé, où tout est si confus, et où nous manque même l’appui de ce point de départ ? […] Sur l’avenir béant L’esprit générateur qui remplit le néant Plane, jeune et divin, ravivant la nature ; Et c’est un créateur que chaque créature !

1723. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Et, malgré leur haute valeur commerciale, ces expositions donneraient vraiment une idée par trop désolante de l’état présent et de l’avenir probable de notre peinture, si nous ne savions pas, fort heureusement, que ceux qui survivent encore des maîtres de cet art poursuivent, dans la solitude qui désormais est leur sauvegarde, loin des salons et loin de la foule, leur haut travail de création artistique. […] Puisque le drame poétique est aujourd’hui impossible, — car les hommes sont égarés dans les intérêts vils, et détournés de la joie artistique, — le Poète, du moins, doit écrire ce drame, faire le Livre, enfermer l’œuvre là, pour l’avenir.

1724. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

La seule paix qu’il a faite avec l’Espagnol143 est une action qui jusques ici n’a jamais eu d’exemple et qui, peut-être, n’en aura jamais à l’avenir.

1725. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

L’admiration de l’antiquité, c’est le progrès de l’avenir.

1726. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Banville et moi allons fumer une cigarette dans l’escalier, avec la promesse d’un fumoir dans un avenir prochain.

1727. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Comme il lui était demandé, comment il avait pu prêter cinquante mille francs à un garçon sans espérance, sans avenir, et quel gage il pouvait avoir, le jeune usurier avait souri et n’avait pas craint de dire : « J’ai le meilleur des gages, le monsieur en question m’a donné un paquet de lettres de sa maîtresse qui est une femme du grand monde… s’il ne paye pas, c’est elle qui paiera. » Ce soir, Daudet, comme je m’indignais du manque d’indignation de la France contre les saletés gouvernementales, me disait peut-être justement : « Ça tient à une chose, c’est que maintenant tout le monde est soldat, est maté, discipliné, asservi, et reste l’esprit, sous le coup de la salle de police ! 

1728. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Si nous regardons l’avenir, il nous est naturellement impossible de dire de quelle manière une partie quelconque de l’organisme se développera, et si elle est aujourd’hui naissante.

1729. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

La confiance que la religion statique apportait à l’homme s’en trouverait transfigurée : plus de souci pour l’avenir, plus de retour inquiet sur soi-même ; l’objet n’en vaudrait matériellement plus la peine, et prendrait moralement une signification trop haute.

1730. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Alors les mots choisis seraient tellement impermutables qu’ils suppléeraient à tous les autres ; l’adjectif posé d’une si ingénieuse et d’une si définitive façon qu’il ne pourrait être légalement dépossédé de sa place, ouvrirait de telles perspectives que le lecteur pourrait rêver, pendant des semaines entières, sur son sens, tout à la fois précis et multiplet constaterait le présent, reconstruirait le passé, devinerait l’avenir d’âmes des personnages, révélés par les lueurs de cette épithète unique.

1731. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Ni ses succès passés, ni ses espérances, ni le présent, ni l’avenir, n’ont pu la retenir plus qu’il ne fallait. […] N’obtient pas qui veut les sarcasmes, c’est-à-dire l’attention de la presse ; pour ma part, je ne sais pas de châtiment plus grand qu’un silence obstiné, ce qui ne veut pas dire que même les artistes dont s’occupe la critique, aient toujours un grand avenir devant eux, témoin un jeune homme qui a très bien joué le rôle d’Alceste à côté de mademoiselle Mars, et qui a disparu, on ne sait où, après avoir été fort applaudi.

1732. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Timidement, pour commencer ; mais bientôt avec plus d’audace, on la voit poindre et s’essayer dans la comédie de Marivaux : — Le Jeu de l’amour et du hasard, 1730 ; Les Serments indiscrets, 1732 ; La Mère confidente, 1735 ; Les Fausses confidences, 1737, — dix autres pièces, qui non seulement vengent les femmes des dédains de Molière, mais encore qui font passer la comédie sous l’empire de leur sexe, l’y rangent, et l’y maintiendront à l’avenir. […] On leur doit cet usage de traiter spirituellement les questions sérieuses, — c’est-à-dire à contresens, car comment traiterait-on spirituellement la question de la misère ou celle de l’avenir de la science ? 

1733. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Eh bien, je lui rendrai justice à l’avenir. […] Si c’est pour m’affoler, c’est fait ; à l’avenir je tâcherai de ne plus écouter toutes vos perfidies dissolvantes et voilà tout.

1734. (1876) Romanciers contemporains

Émile Zola a foi dans un avenir nouveau. […] Zola sent tressaillir en lui les vérités de l’avenir. […] Qu’il continue à prophétiser l’avenir, à réchauffer les âmes dont il se croit le maître, à entraîner son époque vers l’inconnu ; qu’il continue à être toujours en avant, jamais à la suite, toujours dominant, jamais dominé, nous n’y contredirons pas et nous y voyons au contraire de précieux avantages. […] Quand nous aurons signalé quelques expressions hors d’usage, telles que rancœur et bâtir des châteaux en avenir, qui reviennent bien souvent sous la plume de M. 

1735. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Tout l’avenir est là.

1736. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Leur conclusion fut que, comme ils voyaient que le prince aîné ne pouvait pas vouloir du bien aux grands, que c’était à eux une imprudence de lui en faire, particulièrement un bien de cette nature, qui le mettait en pouvoir de leur faire tout le mal qu’il lui plairait ; et dans cette conjoncture, le parti le plus assuré était de faire tomber leur élection sur le puîné, Hamzeh-Mirza ; que ce jeune prince promettait beaucoup et donnait pour l’avenir de grandes espérances pour la grandeur de l’empire des Perses, et pour le présent il leur donnait sujet à tous de s’attendre à un doux repos, puisque, étant incapable des affaires, il leur en laisserait le maniement un fort long temps, qui ne pouvait être moindre que de douze ou quinze ans.

1737. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Cela ne nous ôte rien de notre confiance et de notre conscience dans l’avenir ; mais cela nous est amer de sentir que, pendant toute notre vie, rien ou presque rien ne nous sera payé pour tout ce que nous avons apporté de neuf, d’humain, d’artiste ; tandis qu’à côté de nous, le tintamarre des moindres petits talents fait tant de bruit, et que ces petits talents touchent un si retentissant viager.

1738. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

C’est le moment où sa chimère lui échappe, où le présent lui tue l’avenir, où, pour employer une vulgarité énergique, sa destinée rate.

1739. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Oui, vous avez raison ; c’était un beau temps que celui où, riche de jeunesse, d’espérances, et j’oserai presque dire d’avenir, toute une génération se précipitait à notre suite, par la brèche qu’avaient ouverte Henri III, Hernani et la Maréchale d’Ancre.

1740. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Belinda dit à sa tante, dont la vertu chancelle : « Plus tôt vous capitulerez, mieux cela vaudra. » Un peu plus tard, quand elle se décide à épouser Heartfree, pour sauver sa tante compromise, elle fait une profession de foi qui pronostique bien l’avenir du nouvel époux : « Si votre affaire n’était pas dans la balance, je songerais plutôt à pêcher quelque odieux mari, homme de qualité pourtant, et je prendrais le pauvre Heartfree seulement pour galant664. » Ces demoiselles sont savantes, et en tout cas très-disposées à suivre les bonnes leçons. […] Contre un tel besoin d’improviser, de jouir et de s’épancher, un homme est tenu de se mettre en garde ; la vie ne se mène point comme une fête ; elle est une lutte contre les autres et contre soi-même ; il faut y considérer l’avenir, se défier, s’approvisionner ; on n’y subsiste point sans des précautions de marchand et des calculs de bourgeois.

1741. (1921) Esquisses critiques. Première série

Claudel, qui dans l’avenir fera plutôt figure d’homme du xxe  siècle que du xixe  finissant, traduisait à cette date l’Agamemnon d’Eschyle, et peut-être qu’un homme de génie qui ne s’est point encore manifesté naissait alors. […] Je le souhaite aux lecteurs de l’avenir et à M. 

1742. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Les réputations, les génies futurs, les livres, peuvent se multiplier, les civilisations peuvent se transformer dans l’avenir, pourvu qu’elles se continuent ; il y a cinq ou six grandes œuvres qui sont entrées dans le fonds inaliénable de la pensée humaine.

1743. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Pour lui l’avenir a disparu ; il ne voit que le présent.

1744. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

La science précédoit la connoissance du monde ; & loin de regarder comme perdues ces premières années consacrées à l’étude, & si nécessaires à bien employer pour fonder quelque espérance sur l’avenir, les heures n’étoient pas encore assez longues pour remplir un objet si essentiel & si intéressant.

1745. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

La sensibilité n’endure rien d’extrême, et les chagrins nous détruisent ou se détruisent… Nous ignorons nos maux avenir, nous oublions nos maux passés par une miséricordieuse prévoyance de la nature, qui nous fait digérer ainsi notre mélange de courts et mauvais jours, et qui, délivrant nos sens des souvenirs qui les blesseraient, laisse à nos plaies saignantes le temps de se refermer et de se guérir. » Ainsi de toutes parts la mort nous entoure et nous presse. « Elle est l’accoucheuse de la vie, et puisque le sommeil son frère nous hante journellement de ses avertissements funéraires ; puisque le temps, qui vieillit de lui-même, nous défend d’espérer une grande durée, c’est à nous de regarder les longs espoirs comme des rêves et comme une attente d’insensés352. » Voilà presque des paroles de poëte, et c’est justement cette imagination de poëte qui le pousse en avant dans la science353. […] Le plus admirable de tous, le Novum Organum, est une suite d’aphorismes, sortes de décrets scientifiques, comme d’un oracle qui prévoit l’avenir et révèle la vérité.

1746. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Il me sauvait du travers noté par Horace parmi les incommoda qui circonviennent le vieillard1, de cette peur de l’avenir qui mène si souvent à n’y prévoir que du mal. […] Marchant à petits pas, nous devisions de notre fin politique sans une parole de regret — je le dis pour sa noble mémoire comme pour moi-même, — sur ce que nous perdions personnellement, mais non sans échanger de douloureux sentiments sur le malheur présent de notre pays et sur les menaces de l’avenir.

1747. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Je sais qu’il y a beaucoup d’art à enrichir ainsi une piece de tous les événemens qui regardent les principaux personnages, soit en rappellant le passé, soit en présageant l’avenir : mais c’est encore un plus grand art de n’en choisir que ce qui peut contribuer au but qu’on se propose. […] Le crime de Neron n’est point puni ; mais ce qu’Agrippine lui présage, lui tient lieu de châtiment ; et cet avenir affreux qui attend le coupable, console le spectateur de son impunité présente.

1748. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Pour décider les artistes à renoncer immédiatement à la méthode imaginative, il ne reste plus à leur montrer qu’une chose, c’est que cette méthode n’a devant elle aucun avenir. […] Je crois que le réalisme, loin de pouvoir être regardé comme l’art de l’avenir, est destiné à perdre de jour en jour du terrain. […] C’est à lui qu’est l’avenir : à jamais il gardera son prix.

1749. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Elle est sortie, sans trop d’effort, de la mise en œuvre combinée de trois remarques faciles à faire : 1e Nous avons pu constater maintes fois ce que coûte à une comédienne d’avenir le sentiment touchant et absurde qui la fait s’empêtrer d’un cabot qu’elle aime, et qu’elle traîne ensuite comme un boulet ; 2e il peut arriver à un comédien, qui n’a été jusque-là qu’un imbécile, de devenir, en un soir, un grand comédien. […] Je suis prête à quitter sans regret la Rome avilie sous le joug des Césars, et je foulerai avec bonheur cette terre gauloise qui porte dam ses flancs les germes de l’avenir… » Elle y est enfin, la terrible « couleur locale », la couleur empire romain.

1750. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Ceux-ci trembleront de subir à leur tour l’arrêt qui flétrit leurs modeles ; ils se verront dans l’avenir ; ils frémiront de leur mémoire. […] Celui qui se transporte dans l’avenir & qui joüit de sa mémoire, travaillera pour tous les siecles, comme s’il étoit immortel : que ses contemporains lui refusent la gloire qu’il a méritée, leurs neveux l’en dédommagent ; car son imagination le rend présent à la postérité.

1751. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Cela, dira-t-on, est nécessaire, parce que les hommes, abusant de leur prospérité, en deviennent si insolents qu’il faut qui leur chute soit la punition du mauvais usage qu’ils ont fait des faveurs du ciel, la consolation des malheureux, et une leçon pour ceux à qui Dieu fera des grâces à l’avenir. […] De même donc que dans le passé, l’histoire entière de la civilisation est l’histoire de ce que nous avons fait pour nous élever au-dessus de la nature, de même, dans l’avenir, l’objet de la société sera de nous aider à nous débarrasser des obstacles que rencontre encore dans nos appétits ou dans nos passions la réalisation de la morale parmi les hommes. […] Je ne le crois pas, quand je l’entends lui-même nous dire, en s’étonnant de la grandeur et de la rapidité du progrès des sciences de son temps, qu’il ne craint qu’une chose, qui est de « laisser peut-être aller trop loin ses espérances pour l’avenir ».

1752. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

L’âge d’or que ses contemporains, à l’imitation des Romains ou des Grecs, mettaient toujours dans le passé, c’est dans l’avenir qu’il nous en montre la vision confuse. […] Au regard de Voltaire lui-même — en qui, comme l’on sait, quelque timidité ou quelque respect humain se mêle à beaucoup de hardiesse, et la superstition du siècle de Louis XIV à un pressentiment si vif de l’avenir, — Descartes n’est qu’un esprit rare et singulier » ; mais, pour Diderot et pour les encyclopédistes, l’auteur du Discours de la méthode n’est proprement qu’un faiseur de systèmes, dont les « tourbillons » et les « idées innées » n’ont pas plus de valeur à leurs yeux que les « universaux » ou les « quiddités » de la scolastique. […] Le talent, qui sait tout ce qu’il fait, qui peut en rendre compte, ne le peut et ne le sait que comme incapable d’étendre son regard au-delà des horizons dès son temps ou des bornes actuelles de son expérience ; mais le génie, lui, c’est vraiment le pouvoir d’anticiper sur l’avenir ; et d’âge en âge, ses créations ne changent pas pour cela, comme on le dit quelquefois, de nature ou de sens, mais il faut les comparer à ces lois dont la formule féconde enveloppe jusqu’aux phénomènes qu’elles n’ont pas prévus. […] Il a Rome et l’antiquité dans sa bibliothèque, il a la Turquie, la France et l’Angleterre sous les yeux ; mais il a aussi les Délations des voyageurs, il a la collection des Lettres édifiantes ; il voit les lois se faire et se défaire, les institutions changer avec les mœurs ; et de tout cela il a bien la prétention de tirer des conséquences, d’induire des principes qui soient vrais de l’avenir comme du présent et comme du passé, de conclure enfin des rapports fondés sur la « nature des choses », et qui participent de sa nécessité.

1753. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Je commence depuis deux jours à me ranimer, à reprendre à des projets, à de l’avenir, et à sortir un peu de ce cercle d’idées si fatal que je suis bien décidée à éloigner le plus possible. — Je commence à observer ce qui m’entoure et à voir quelques personnes. — L’influence de l’Italie commence à se faire sentir ici non par le climat, mais par les mœurs. — Les femmes ont des sigisbées pour société et des abbés pour intendants. — Le prince Borghèse, qu’on n’appelle ici que le prince, a, dit-on, la petite cour la plus solennelle de l’Europe.

1754. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Ce Mexique d’Ampère, à sa date, avait sa nouveauté : il était observé dans ses mœurs avec justesse, avec ironie dans son gouvernement et sa politique, avec érudition et lumière dans ses antiquités, et il offrit à l’auteur le prétexte d’une prophétie ou d’une utopie grandiose sur l’avenir réservé à l’isthme de Panama.

1755. (1927) André Gide pp. 8-126

, s’éprend de Laura (d’une façon platonique, il est vrai), mais ensuite, et sans platonisme, d’une jeune fille nommée Sarah Vedel, passe brillamment son bachot, lutte victorieusement avec l’ange, c’est-à-dire qu’il se dérobe à la discipline traditionnaliste ; il entre comme rédacteur dans un journal et semble destiné à un brillant avenir.

1756. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Dans Don Juan comme dans Tartuffe, mieux encore que dans Tartuffe, Molière a découvert et montré, non ce que le présent étalait à tous les yeux, mais ce qu’il recelait, pour ainsi dire, dans ses entrailles, le germe que développerait l’avenir.

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