* * * — En littérature, il n’y a plus que les choses et les drames de l’âme qui m’intéressent : les faits divers les plus curieux de l’existence des gens, me semblent du domaine des romans des cabinets de lecture. […] L’original, très charmant, très intelligent, très distingué, qui a eu cette idée excentrique, m’est amené aujourd’hui par Hérédia, et s’est d’avance préparé, dans sa toilette, une âme ad hoc, pour la visite.
En revenant en France, la douleur dans l’âme, il écrivait à l’un de ses amis : « Croiriez-vous, ce qui est fort en pensant à une personne centenaire, que l’espoir de la revoir, après l’erreur où j’ai été, ne s’efface que successivement de mon esprit ?
Mais que j’ai hâte, malgré les preuves d’énergie et d’habileté qu’il y donne, d’être sorti bientôt avec lui de ces époques pénibles de désordre et de confusion, où le patriotisme ne sait le plus souvent à quoi se prendre, où les routes du devoir sont douteuses et obscures, où il faut se cacher et user de ruse pour faire le moindre mal dans l’impuissance du bien, où les forces de l’État se consument dans des luttes intestines, et où les âmes généreuses seraient capables, à la longue, de s’aigrir et de s’altérer !
Il régnait à Saverne et possédait l’âme du cardinal, lorsqu’il fut obligé de s’éloigner de Strasbourg, où son séjour excitait de l’ombrage, et de voyager quelque temps.
On se le figure bien en ce prieuré perdu, en quelque âpre gorge ou sur un rocher nu des Pyrénées, plongeant son regard tour à tour sur l’Espagne et la France, vieillard tout chenu et à la face meurtrie, dur envers lui-même, se mortifiant, expiant le sang versé ; et cette âme de colère, apaisée enfin, se fixant opiniâtrement à la méditation des années éternelles.
Vauban, l’« âme des sièges », est parti de Valenciennes pour être devant Mons à l’arrivée du roi.
Sa tristesse et sa distraction se dissipèrent : elle ne résista plus au charme secret que répandait dans son âme la vue du bonheur que je lui devais ; et quand nous sortîmes de table, nos cœurs étaient d’intelligence comme si nous n’avions jamais été séparés.
Mme de Vintimille, liguée avec Mme de Mailly, ne s’était jamais senti de force à faire ce coup d’État dans l’âme du roi, et un jour qu’en une circonstance critique Mme de Mailly et elle avaient essayé de lutter directement contre l’influence du cardinal, au moment même de réussir sur l’objet en question, elles virent en définitive qu’il fallait céder, et Mme de Vintimille dit fort sensément à sa sœur : « Nous pourrions peut-être l’emporter aujourd’hui sur le cardinal, mais il est absolument nécessaire au roi, et nous serions renvoyées dans trois jours. » Mme de La Tournelle tenta hardiment l’aventure : l’eût-elle emporté si le cardinal eût vécu ?
surtout quand on le suit dans sa correspondance, l’esprit et l’âme de ces générations non moins civiques que guerrières, et il vécut assez peu pour n’avoir jamais à se démentir.
Il n’y avait pas un moment à perdre pour les dispositions : on avait affaire à Souvarof, ce vieil et ardent guerrier, qui « avait l’âme d’un grand capitaine », s’il lui manquait la science et bien des parties du métier.
Fervel vient de s’en acquitter avec exactitude et science, avec âme et talent.
C’est, on le devine, même quand M. l’abbé Moigno ne nous l’aurait pas appris (n° du Cosmos du 7 février 1862), c’est que le vieillard avait changé, c’est qu’il avait remis depuis des années sa conscience en des mains pieuses, mais en des mains étrangères ; c’est que le Père de Ravignan ou le Père de Pontlevoy, cités avec éloge à un endroit du travail, avaient passé par là, et qu’il y a un petit souffle imperceptible venu du Vatican ou du voisinage, qu’on ne voit pas, mais qu’on sent, et qui, dans ce compte rendu du procès de Galilée, est bien capable à la fin d’irriter les âmes non patelines et grossièrement généreuses14.
Parmi les sept démons dont on dit qu’elle fut possédée et que Jésus eut à faire sortir d’elle, il en est un, du moins, auquel elle ne s’est pas livrée tout entière, corps et âme.
Combien son âme dut être tourmentée en voyant le vénérable roi de Saxe dépouillé de la moitié de ses États par ces mêmes monarques pour lesquels il l’avait abandonné !
Le vrai Dieu était généralement ignoré, bien que le désir et l’idée s’en fissent sentir à quelques âmes.
Il n’y est tenu aucun compte de l’élément intérieur, du ressort principal qui explique les actions et toute la conduite de Racine dans ses dernières années, de son inspiration religieuse véritable, de son âme en un mot : et c’est elle qu’un ami du dedans va nous découvrir dans toute sa sincérité.
Tout ce qu’il y avait eu d’âme guerrière en lui s’était éteint.
Cette mort fut « légale », en ce sens qu’elle eut pour cause première une loi qui était l’âme même de la nation.
Chacun de ces ensembles, où un principe commun unit opinions, croyances, institutions, tendances, peut être considéré comme le produit d’une force unique qui agit sur les hommes durant une longue période, et l’on peut dire que cette force va d’abord croissant, s’assimilant ce qui l’entoure, conquérant et organisant à son profit le milieu où elle évolue, jusqu’au moment où elle atteint son maximum d’extension ; après quoi, épuisée par son effet même (car vivre, c’est se tuer à petit feu), elle décline, perd de sa vigueur et finit par laisser se désagréger les éléments de tout genre dont elle était l’âme et le Jien.
Mais, près de l’Or ouvrant son radieux halo, Wellgunde rit, Woglinde fuit, Flosshilde chante, Innocence mêlée à la candeur de l’eau, Et tout l’obscur destin — l’âme au gouffre penchante Les héros morts, les deux déchus, la fin, la nuit — Pour les folles enfants est un jouet qui luit !
En effet, si par exemple lorsque je rencontre dans Platon la distinction de l’âme et du corps, je développe ses arguments au point d’en tirer tout ce qu’ils peuvent contenir, et si je traite à fond cette question, je n’ai plus aucune curiosité de savoir ce qu’en ont pensé Descartes et les modernes.
Combien de traductions, semblables à des beautés régulières sans âme et sans physionomie, représentent de la même manière les ouvrages les plus disparates ?
Les plus beaux dévouements qui puissent honorer la nature humaine venaient consoler l’âme ; les pensées nobles et généreuses trouvaient un asile dans de grands caractères ; la religion et les croyances sociales recevaient d’illustres témoignages jusque sur les échafauds de la terreur ; de magnanimes protestations éclataient même dans les tribunes élevées par les crimes et les factions.
Mon âme ne s’agrandit pas du tout en sa compagnie. […] des phrases tant qu’on en veut Est-ce que, par hasard, les vers seuls seraient chargés de l’agrandissement des âmes ? […] Dès lors, on prétend que vous relevez les âmes et que vous préparez la revanche. […] C’est une volupté continue, une délicatesse d’âme, un chatouillement de l’esprit, un bercement de l’être entier. […] Mais elle existe, et elle consolera un peu les âmes pures.
Dimanche 1er mai Aujourd’hui, où l’on ne sait pas si la société française « sera mise à cul » et si un gros morceau de Paris ne sera pas dynamité, l’heureux Poitevin fait son entrée chez moi, tout réjoui, tout hilare, tout rayonnant de l’enfantement de trois ou quatre épithètes, disant à ce propos, assez éloquemment, qu’il n’y a de synonymes que pour les âmes non nuancées, et avec ces épithètes, il m’apporte la primeur de cette phrase : « Le signe de la croix inscrit sur la personne humaine les quatre points cardinaux de l’espace spirituel, dans la rose des vents de la destinée humaine. » Je traverse en sortant de mon Grenier, les Champs-Élysées. […] » Zola reprenant brutalement : « Il ne s’agit pas de couleur… ici, c’est un remuement des âmes qu’il faut peindre… Eh bien, oui, ce spectacle m’a empoigné de telle sorte que, parti pour Tarbes, j’ai passé, deux nuits entières, à écrire sur Lourdes. » Puis dans la soirée, il parle de son ambition de pouvoir parler, des essais qu’il fait de sa parole, jetant à sa femme, comme avec un coup de boutoir : « Des romans, des roman », c’est toujours la même chose ! […] » Vendredi 28 octobre « Oui, ce volume que je viens de terminer, me dit Poictevin, avec sa figure d’halluciné, ce volume, il est fait avec la sueur de mon âme… J’aurais voulu lui donner, comme épigraphe, la traduction du mot medullitus de saint Bonaventure… mais moelleux, c’est commun, ça ne rend pas l’expression latine… et méduleux, c’est botanique. » Mercredi 2 novembre.
Son âme me semble aussi sèche que sa prose. […] Quand je me réveille sur la place de la Concorde, sous un ciel d’un bleu noir, sans étoiles, et ou mortuairement brillent six ou huit flammes électriques, dans de hauts lampadaires, j’ai, une seconde, le sentiment de n’être plus vivant, et de suivre une Voie des Âmes, dont j’aurais lu la description dans Poe.
Ici, ne jouons pas sur les mots : au xviie siècle, on appelait philosophie la physique et l’astronomie, tout autant que les spéculations sur les idées ou sur l’âme.
Combien de fois ne s’est-il pas dit dans sa jeunesse comme son chevalier Des Grieux, en rêvant aux moyens de fixer son âme et d’apaiser ses inquiétudes : « Je mènerai une vie sainte et chrétienne ; je m’occuperai de l’étude et de la religion, qui ne me permettront point de penser aux dangereux plaisirs… !
Et puis, outre cette culture du millet qu’on a rappelée spirituellement, il y a, ne l’oublions pas, à compter aussi cette autre semence invisible et légère qu’on appelle la gloire, qui n’est point aussi vaine qu’on le croirait, qui étouffe et chasse des cœurs les tièdes mollesses, les empêche à temps de se corrompre, et qui, impérissable par essence, s’entretient dans les âmes et les races généreuses à travers les siècles86.
On a dit avec vérité que l’aspect des lieux prend une couleur agréable ou sombre, selon les sentiments dont l’âme est agitée : nous l’éprouvions bien fortement alors.
Davantage, je crois fermement que lesdits États feront bien pour eux et pour leur république de n’affliger et désespérer lesdits catholiques ; car nous avons éprouvé en nos jours quel pouvoir a dedans les âmes et courages des hommes la liberté de conscience et le soin de la religion : tant s’en faut que la vexation et affliction les en rende plus nonchalants et abattus, qu’elle fait des effets tout contraires.
Le Tartare est l’image de la conscience des méchants : les vérités physiques ne se dévoilent qu’aux sages, aux âmes pures et tranquilles.
Tantôt ils se flattent de ne rien devoir qu’à leur mérite, à leur vertu, sans rien laisser au hasard ; tantôt ils sont plus fiers de paraître tout devoir au hasard qu’à leurs qualités propres : c’est qu’il semble alors qu’un génie suprême, l’âme même des astres et de l’univers s’occupe d’eux, — change et incline l’ordre général pour eux.
Turretin sut intervertir habilement l’ordre calviniste, en faisant passer la morale avant le dogme, en posant en principe « qu’on ne doit jamais porter en chaire ces questions qui sont controversées entre les protestants : d’un côté parce qu’elles surpassent la portée du peuple, et de l’autre parce qu’elles ne contribuent en rien à avancer la sanctification des âmes ».
Le portrait d’un parfait secrétaire de l’Académie des Beaux-Arts, tel que je le conçois, serait à peu près celui-ci : Avoir une parole grave et agréable, sévère et ornée, même gracieuse : les beaux-arts ne se séparent jamais des grâces ; — être l’homme d’un art peut-être, mais surtout et plus encore de tous les arts ; être visité et non possédé par tous les génies : Tous les goûts à la fois sont entrés dans mon âme !
Virgile est dans toutes les mémoires et dans toutes les âmes : son seul nom le définit.
Et M. de Pontmartin est tellement homme de lettres jusqu’aux os (dans le sens qu’il a tant de fois blâmé), il est tellement caillette littéraire dans l’âme, que je ne sais si cet éloge que je fais de son esprit ne le fera pas passer sur tout le reste, et ne l’en consolera pas.
Tout ce qu’il a dit à cet égard est juste : ce qu’il faut reconnaître en effet, c’est que ce sont deux œuvres parfaites, achevées, chacune dans son genre : Bernardin de Saint-Pierre, ce Grec d’imagination et de goût, s’est inspiré de l’une pour faire l’autre, et la faire un peu autrement ; il a vu, il a deviné au premier coup d’œil ce qu’il devait introduire de neuf dans la même donnée, pour inventer et réussir à la moderne ; non content de renouveler le paysage, il a renouvelé les âmes ; il les a montrées aussi naïves, aussi primitives, mais travaillées et comme perfectionnées à leur insu par l’air qu’elles ont respiré, par la nourriture qu’elles ont reçue des parents.
Et c’est aussi ce qui rend plus merveilleux de voir que les ouvrages de Périclès aient été faits pour un si long temps et si vite : car, en ce qui est de la beauté, chacun était dès lors et tout d’abord comme antique, et, pour la fleur, aujourd’hui encore ils sont aussi frais et paraissent aussi jeunes que jamais : tellement il y fleurit je ne sais quel éclat de nouveauté qui en préserve la vue des atteintes du temps, ces ouvrages ayant en eux-mêmes un souffle d’éternelle fraîcheur et une âme secrète qui ne vieillit pas !
Il est vrai qu’ayant moins de cordes à l’âme, il avait à cela moins de peine et moins de mérite.
Molé a parlé avec élévation et sentiment de la conduite de M. de Quélen durant le choléra, et de son sermon à Saint-Roch pour les orphelins de ce fléau : « Serait-il vrai, messieurs, qu’il y eût pour tous les hommes dont la vie mérite qu’on la raconte, un moment, une journée, où ils arrivent au plus haut qu’il leur soit donné d’atteindre, où ils sentent, au plus intime comme au plus profond de leur âme, une sainte estime d’eux-mêmes qui ne saurait être surpassée ?
Et les odeurs mêmes que nous mettons dans l’eau prennent, il nous semble, cette fade et nauséabonde odeur de cérat… Il nous faut nous arracher de l’hôpital et de ce qu’il laisse en vous, par quelque distraction violente. » 23 Cette réaction au contact de la réalité dolente, est surtout l’apanage des sincères, des vibrants, des profonds artistes… « Lorsqu’on est empoigné de cette façon, lorsqu’on sent ce dramatique vous remuer ainsi dans la tête, et les matériaux de votre œuvre vous faire si frissonnant, combien le petit succès du jour vous est inférieur, et comme ce n’est pas à cela que vous visez, mais bien à réaliser ce que vous avez perçu avec l’âme et les yeux. » 24 Ce dernier desideratum n’est plus du tout celui d’Hector Malot dont les procédés de documentation, évidemment du meilleur réalisme, s’accordent le plus joliment du monde avec un très avéré désir de publicité, de succès.
« La Supérieure, disait un des articles des Constitutions, est l’âme de la maison et le chef de tous les membres qui la composent ; toute leur vertu dépend de son influence. » Elle devait être âgée de trente ans au moins ; elle était perpétuelle.
Après cette petite leçon en plein air, viennent les leçons du dedans, trois bonnes heures de lecture ; puis les jeux, la balle, la paume, tout ce qui peut servir « à galamment exercer les corps, comme ils avoient auparavant exercé les âmes ».
On a indiqué déjà, à l’occasion de Mme Bovary elle-même, que la comédie fait place au drame sitôt que le phénomène a pour théâtre l’âme d’un personnage pourvu d’une énergie violente.
Donc, nous avons vu que, malgré comme une velléité très sincère mais peureuse d’accepter pour le poète l’aide scientifique (et remercions du moins de cette velléité), ce livre n’est que déviations mystiquement amoureuses du Catholicisme étrangement mêlées à de faciles conceptions de transmigration des âmes — rêveries à la Camille Flammarion.
Certes, l’inspiration, la réalisation d’une œuvre gardent toujours ce je ne sais quoi de mystérieux qui est le don même, l’âme, le tréfond de l’être pensant, éternellement impénétrable.
Les fausses religions elles-mêmes révèlent et prouvent les principes de la vraie religion : toutes les fois, par exemple, que, dans le polythéisme, un homme a rencontré le sentiment de l’amour, il a rencontré le christianisme, et il a été ce que Tertullien appelait une âme naturellement chrétienne.
Citons en particulier : 1° L’idée implicite (on pourrait même dire inconsciente) d’une âme cérébrale, c’est-à-dire d’une concentration de la représentation dans la substance corticale.