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73. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Horace a peint l’homme juste restant debout sur les ruines du monde. […] Déjà même l’homme a trop souffert comme homme pour que les dignités, le pouvoir, les circonstances enfin qui sont particulières à quelques destinées seulement, ajoutent beaucoup à l’émotion causée par le malheur. […] Toutes les affections des hommes pensants tendent vers un but raisonnable. […] Il faut analyser l’homme, ou le perfectionner. […] En effet, l’homme supérieur ou l’homme sensible se soumet avec effort aux lois de la vie, et l’imagination mélancolique rend heureux un moment, en faisant rêver l’infini.

74. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Il fait remarquer que sur les huit hommes supérieurs de M.  […] « L’homme, disait-il, est un matras. […] Les Leçons sur l’homme sont un plaidoyer passionné en faveur de la parenté de l’homme et du singe. […] De là, je le répète, de grands efforts pour distinguer anatomiquement le singe de l’homme. […] Le cerveau du singe est en effet moins gros que celui de l’homme ; mais on a vu que ce caractère était insuffisant, puisque le cerveau de l’éléphant est de beaucoup plus gros et plus lourd que celui de l’homme.

75. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature, et cet homme ce sera moi. Moi seul, je sens mon cœur, et je connais les hommes. […] C’est à la fois la faiblesse et l’honneur de l’homme. […] Rien n’est plus commun d’entendre dire de tel ou tel homme : Il est dans le monde ce qu’il était au collège, homme ce qu’il était enfant. […] Comment ne se serait-il pas trompé sur les hommes ?

76. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Sous la coquille, il y avait un animal, et sous le document il y avait un homme. […] L’Homme corporel et visible n’est qu’un indice au moyen duquel on doit étudier l’homme invisible et intérieur. […] L’homme invisible. […] Il y a un homme intérieur caché sous l’homme extérieur, et le second ne fait que manifester le premier. […] Qu’y a-t-il, au point de départ, dans l’homme ?

77. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Il y a dans ce grand homme un moraliste supérieur qui a profondément observé la vie, et qui a ce privilège des hommes de génie de n’en être jamais touché médiocrement : mais il sait taire tout ce qui ne va pas à son propos. […] On a dit de Descartes : Ce fut plus qu’un homme, ce fut une idée. […] Toutefois, on estime plus l’homme singulier que l’homme à la mode. […] C’est donc l’homme, dans ce qui lui est commun avec tous les autres hommes, avec Pascal tout le premier, dans ce qui est conforme à la nature immuable et universelle, la raison. […] Sa métaphysique a inspiré deux hommes de génie.

78. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Certainement, il n’y a en France qu’un seul homme qui ait pu parler ainsi d’un autre homme : c’est M.  […] Hello ne devait pas être un si vaniteux homme de lettres. […] C’est l’homme, en effet, que Hello étudie et scrute devant nous ; non pas l’homme d’un temps, mais de tous les temps : l’homme tombé et racheté, l’homme d’avant la Croix et d’après la Croix, — cette Croix qui partage en deux l’histoire du monde ! […] Qu’il y en a qui brillent, dans ce livre de l’Homme ! […] … Encore une fois, c’est moins un livre qu’un assemblage de forces vives, qui prouvent qu’il y a un homme sous cet Homme.

79. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre I. Définition des idées égalitaires »

La notion de valeur, dans sa généralité, s’applique à la fois aux choses et aux hommes ; la valeur des choses apparaît lorsque un échange les rapproche comme la valeur des hommes apparaît lorsqu’une société les met en relation. […] Nous ne pouvons reconnaître aux hommes des droits égaux sans leur reconnaître une certaine identité de nature. […] L’idée de l’égalité des hommes entraînerait-elle nécessairement la méconnaissance des différences qui séparent les individus ? […] L’idée de la valeur commune aux hommes n’écarte nullement, mais appelle, au contraire, l’idée de la valeur propre à l’individu. […] Bien plutôt, c’est parce que les hommes se présentent sous ces deux aspects à la fois que nous leur attribuons une valeur égale.

80. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Un tel homme sort des rangs. […] La première qualité de l’homme né pour mener et asservir les hommes, c’est de connaître les hommes. […] Si quelque homme romanesque voulait se contenter du bonheur !  […] Voilà l’homme chez M. de Maistre dans toute sa candeur et sa sincérité. […] — Mais qu’est-ce que le commun des hommes ?

81. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXII. Des éloges des hommes illustres du dix-septième siècle, par Charles Perrault. »

Des éloges des hommes illustres du dix-septième siècle, par Charles Perrault. […] Il y a plus de mérite à louer un grand homme, qu’un homme médiocre ; ainsi l’on exagère. […] Ses connaissances étaient beaucoup plus étendues que celles d’un homme de lettres ordinaire. […] Chez la postérité il n’y a plus de rangs, il n’y a que des hommes. […] « Je puis, leur dit-il, en un moment, faire vingt hommes plus grands que vous ; Dieu seul peut faire un homme tel que le Titien. » Voilà ce que Perrault avait répondu d’avance à ses censeurs.

82. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Vous parlez des droits de l’homme, vous faites une constitution pour l’homme. Cela s’entend ; c’est que vous croyez que d’un homme à un autre, il n’y a point de différence, et qu’un homme et un homme cela fait l’homme. […] L’homme est un animal traditionnel. […] Des hommes ont inventés. […] C’est un homme énergique qui a inventé les droits de l’homme.

83. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

L’homme extérieur se peint dans ses œuvres, l’homme intérieur se peint dans ses lettres. […] Si chaque homme aimait tous les hommes, il posséderait le monde entier !  […] Elle voulut le venger de l’injustice des hommes pour un homme plus grand que l’humanité. […] Il est beau d’être un homme, il est plus beau peut-être d’être plus qu’un homme. […] Élever l’homme au beau, c’était, selon lui, élever l’homme à la vertu.

84. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Le législateur prend les hommes en masse, le moraliste un à un ; le législateur doit s’occuper de la nature des choses, le moraliste de la diversité des sensations ; enfin, le législateur doit toujours examiner les hommes sous le point de vue de leurs relations entre eux, et le moraliste considérant chaque individu comme un ensemble moral tout entier, un composé de plaisirs et de peines, de passions et de raison, voit l’homme sous différentes formes, mais toujours dans son rapport avec lui-même. […] Il ne serait pas juste de vanter autant la puissance intérieure de l’homme, si ce n’était pas, par la nature et le degré même de cette force qu’on doit juger de l’intensité des peines de la vie. […] L’homme est tout entier dans chaque homme. […] Les hommes, pour lesquels il n’existe que des unités, des moments, des occasions, doivent rarement se refuser aux biens partiels qu’ils peuvent répandre. […] pardonnez, vous êtes vainqueurs, la terreur ou l’enthousiasme prosternent à vos pieds plus de la moitié de l’univers ; mais qu’avez-vous fait encore pour le malheur, et qu’est-ce que l’homme, s’il n’a pas consolé l’homme, s’il n’a pas combattu la puissance du mal sur la terre ?

85. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

L’homme est le miroir pensant de la nature ; tout s’y retrace, tout s’y anime, tout y renaît par la poésie. […] Il continua à parler en langage divin avec les hommes lettrés, et à s’entretenir, jusqu’à son dernier soupir, avec les hommes simples dont il avait décrit tant de fois les mœurs, les travaux et les misères dans ses poèmes. […] L’homme sauvage lit, et un monde nouveau apparaît page par page à ses yeux. […] ce qu’un tel poète aurait fait pour un seul homme, Homère le fit pour tout un peuple. […] L’âme d’un seul homme souffla pendant deux mille ans sur cette partie de l’univers.

86. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Et non seulement en lui, l’homme de génie, comme dans tout homme de génie, il n’y eut qu’une pensée, mais c’est que cette pensée fut la pensée même de l’unité ! […] tu peux donner une âme commune à plusieurs millions d’hommes ? […] Donner ta pensée aux hommes qui n’existent pas encore ? […] Quand un homme ou un livre lui imposent, elle n’en parle pas, cette brave Critique ! […] Votre révolution n’est qu’un grand sermon que la Providence a prêché aux hommes.

87. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

De ces natures le sort peut faire à son gré des hommes obscurs ou des hommes célèbres, mais on peut le défier de faire des hommes ordinaires. […] L’un était un rôle, l’autre était un homme. […] On sortait aigri contre les hommes, de son entretien. […] Homme qui n’était bon pour moi qu’à lire ! […] Ce grand homme d’esprit ne faisait jamais d’esprit.

88. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Désormais il y aura deux histoires425, l’une celle du passé, l’autre celle de l’avenir, auparavant l’histoire de l’homme encore dépourvu de raison, maintenant l’histoire de l’homme raisonnable. […] Retranchez toutes les différences qui séparent un homme des autres ; ne conservez de lui que la portion commune à lui et aux autres. […] On est convaincu que l’homme, surtout l’homme du peuple, est naturellement sensible, affectueux, que tout de suite il est touché par les bienfaits et disposé à les reconnaître, qu’il s’attendrit à la moindre marque d’intérêt, qu’il est capable de toutes les délicatesses. […] Autant la raison est boiteuse dans l’homme, autant elle est rare dans l’humanité. […] Non seulement la raison n’est point naturelle à l’homme ni universelle dans l’humanité ; mais encore, dans la conduite de l’homme et de l’humanité, son influence est petite.

89. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

L’homme a très certainement passé par des états divers où il n’était pas un homme ; mais du jour où l’homme a produit un homme, l’humanité était immuable. […] Quelle vie et de quels hommes ? […] Il parle, et c’est tout l’homme. […] Mais qui connaît les hommes ? […] L’homme à demi chaste est commun.

90. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Ô trompeuses espérances des hommes ! […] Nous ne sommes que des hommes ! […] et que de philosophies, qu’il croit d’hier, l’homme retrouverait à l’origine des hommes ! […] Que font les hommes de cœur ? […] Le plus éloquent des hommes en est en même temps le plus sage.

91. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Maints vaillants hommes coururent à sa rencontre. […] Elle vit venir maint homme de sa patrie. […] Ici ils devinrent hommes. […] C’est un homme terrible. […] Comme il gémissait, cet homme fort !

92. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Mais cette loi s’arrêtera-t-elle à l’homme ? […] C’est l’homme qui est chargé d’égorger l’homme. […] Est-ce un homme ? […] Ce n’est plus là l’arsenal de l’esprit de parti ; c’est le portefeuille d’un homme de bien, d’un homme de cœur, d’un homme d’esprit. […] Que fera cet homme ?

93. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

S’il a été exact de dire de Descartes qu’il est moins un homme qu’une idée, il ne l’est pas moins de dire de Pascal qu’il est plus un homme qu’un esprit. […] Il ne parle jamais sans émotion de la faiblesse de l’homme. […] Le doute de Montaigne, à combien d’hommes sied-il ? […] Est-il pour l’homme quelque intérêt plus grand et plus pressant ? […] Si le logicien faiblit, c’est un homme, ce sont tous les hommes qui ont fait dépendre leur foi de son raisonnement, dont il peut mettre les âmes en danger de mort éternelle !

94. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Or nous avons représenté les hommes comme les gardiens d’un troupeau. […] Rousseau, un système d’éducation qui transforme les hommes. […] L’homme ne vit que des choses qu’il s’approprie, c’est-à-dire qu’il incorpore à son être. […] L’homme isolé n’est pas tout entier homme, car il n’a pas la faculté de se reproduire et de se perpétuer. C’est la famille qui est l’homme, car elle est l’homme dans les trois temps de son être : le passé, le présent, l’avenir.

95. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Tout ce que les hommes d’ordre ne diront pas en l’expliquant, les hommes de désordre le diront en le travestissant. […] On se sent couvert par ce grand homme. […] La sagesse de ces hommes ne ressemble pas à nos sagesses. […] Un tel homme, servi par de tels moyens, devait triompher. […] Hommes héroïques, ils ne le faisaient pas !

96. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Il n’en est pas des temps comme des hommes. Quand les hommes meurent dans la fleur de leurs promesses, il n’y a pas d’histoire. […] En face de toute cette argile de Voltaire, l’homme religieux, en M.  […] Écoutez-le plutôt dans sa préface, quand il nous rapporte avec l’accent d’un homme flatté l’impertinent éloge qu’un homme d’État du gouvernement de juillet fit un jour tomber sur son livre. […] Il devait être hardi avec les hommes comme avec les doctrines.

97. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Les hommes de lettres d’Allemagne vivent entre eux en république ; plus il y a d’abus révoltants dans le despotisme des rangs, plus les hommes éclairés se séparent de la société et des affaires publiques. […] Les princes traitent avec distinction les hommes de lettres ; ils leur accordent souvent des marques d’honneur. […] L’esprit des hommes de lettres doit donc se tourner vers la contemplation de la nature et l’examen d’eux-mêmes. […] Le caractère de Werther ne peut être celui du grand nombre des hommes. […] Comment un seul homme pourrait-il donc avoir un enchaînement de pensées entièrement nouvelles ?

98. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Tel est le cas du sentimental déçu, de l’homme sociable devenu ennemi de la société (Rousseau) ; de l’ami des hommes devenu misanthrope à leur contact. Chez un tel homme on conçoit que le frein volontaire fonctionne désormais dans un sens égoïste et antisocial. — La plupart des hommes n’ont d’ailleurs pas eu à opérer la conversion que nous venons d’indiquer. […] D’ailleurs l’homme supérieur, s’il s’isole de son groupe, ne s’isole pas de toute société. […] Le conducteur d’hommes, l’homme qui délient l’autorité ou qui aspire à l’autorité ne peut réussir dans sa mission qu’en sacrifiant une bonne part de sa personnalité ; qu’en renonçant à bien des désirs d’indépendance, à bien des velléités de révolte. […] Il n’y a guère d’autre moyen de se faire obéir des hommes que de leur obéir soi-même.

99. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

En un mot, la parole est nécessaire à l’homme pour penser, et alors l’homme n’a pu inventer la parole ; car on ne peut supposer un temps où il ait été sans pensée, et on ne peut expliquer comment il aurait pu créer la parole, sans laquelle il ne pouvait penser ; ou la parole n’est pas nécessaire à l’homme pour penser, et alors il a pu graduellement inventer la parole. […] Voilà pourquoi les hommes de cette classe sont aventureux et prompts à l’exécution. […] Les idées morales ou intellectuelles mènent bien plus les hommes que les grossiers intérêts de fortune et de subsistance. […] La royauté était libre dans l’exercice de ses prérogatives, comme l’homme est libre dans l’exercice de ses facultés. […] Il n’était pas venu dans la pensée d’imaginer que l’invention du langage pût être au pouvoir de l’homme.

100. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

Des milliers d’hommes ne forment qu’un seul homme. […] « Un bienfait, dit-il, accordé à l’homme vertueux, est un bienfait pour l’État. […] Mais, ce qu’il y a de céleste et de divin, c’est d’avoir entre ses mains le bonheur des hommes, et de faire ce bonheur. […] Un homme éloquent adoucit les fureurs de ce tigre. […] Ainsi cet homme vertueux parlait aux princes, sous prétexte de les louer.

101. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Les hommes imitent tout, même le bien. […] Exagérer la louange, c’est l’affaiblir ; mais aussi refuser de rendre justice à un homme estimable, par la crainte quelquefois de déplaire à des hommes puissants, ce serait le comble de l’avilissement ; et il y en a des exemples. […] Vous y voyez l’homme dans les cieux, sur les mers, dans les profondeurs des mines ; l’homme bâtissant des palais, perçant des montagnes, creusant des canaux, et faisant servir tous les êtres à ses besoins, à sa défense, à ses plaisirs, à ses lumières. Il semble qu’on soit admis dans l’atelier du génie, qui travaille en silence à perfectionner la société, l’homme et la terre. […] L’homme peu instruit voit une surface d’idées qui l’intéresse ; l’homme savant découvre la profondeur cachée sous cette surface ; ainsi il donne des idées à l’un, et réveille les idées de l’autre.

102. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Hildebrand ne lui a pas seulement paru un grand homme, qui a plus ou moins raison et qui s’est plus ou moins trompé dans ses desseins, selon la triste condition des grands hommes. […] Il lui a paru un grand homme qui a toujours raison et qui ne s’est jamais trompé. […] Pour lui, ce n’est peut-être qu’un saint homme. […] Il était homme par les passions, sans être, comme Luther, charnel et grossier. […] Mais il y avait plus beau, et je parle à un homme littéraire ; oui !

103. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

D’ailleurs tous les sujets ne sont point à la portée des yeux d’un seul homme. […] Il en est de l’esprit et du caractere des hommes à peu près comme de leur visage. […] Ainsi les caracteres des hommes doivent être encore plus variez, plus differens que les visages des hommes. […] Tous les hommes paroissent uniformes aux esprits bornez. Les hommes paroissent differens les uns des autres aux esprits plus étendus ; mais les hommes sont tous des originaux particuliers pour le poëte né avec le genie de la comedie.

104. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

La génération des hommes politiques de 1799 était détrempée. […] Thiers prend-il au sérieux un tel homme ? […] Moreau n’était qu’un grand homme de guerre, Bonaparte était un grand homme de guerre et un grand homme de gouvernement. […] Quel plus bel hommage que l’amitié d’un tel homme ? […] Ôtez l’homme, qu’est-ce qu’une chose ?

105. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

— Je me trompe, un seul homme l’a su dans Falstaff. — Mais cet homme était Shakespeare. […] Il fut du nombre des hommes de bonne volonté. […] L’homme créé bon par Dieu peut-il être fait méchant par l’homme ? […] Relâchez cet homme et enchaînez-moi. […] N’allez point condamner cet homme, au moins !

106. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Mais pourquoi cet homme-là a-t-il fait des fables ?  […] Je me sers d’animaux pour instruire les hommes. […] Oui, cela pourrait être ainsi, l’imbécillité des hommes qui, devenus animaux, ne veulent pas redevenir hommes. […] Et ceci peut encore servir de leçon aux hommes. […] dans sa première nature, dans sa première origine, l’homme lui-même, a eu à apprendre tout pour soutenir et défendre sa pauvre vie ; l’animal comme l’homme.

107. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Chateaubriand homme d’État et politique. […] L’homme politique, l’homme d’État supérieur est patient : il ne met pas du premier jour le marché à la main à la fortune : il attend, il se plie, il sait être le second et même le troisième avant d’arriver à être le premier. […] Les nécessités du moment avaient fait considérer Fouché comme l’homme essentiel et unique dans cette crise périlleuse. […] Mais… Et c’est précisément ce qu’il faisait ; il se vengeait, non comme un homme d’État, mais comme un homme de talent blessé, et il forçait ses adversaires à se repentir. […] Si un homme nous donnait un soufflet, nous ne tendrions pas l’autre joue ; cet homme, s’il était sujet, nous aurions sa vie ou il aurait la nôtre ; s’il était roi !

108. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

M. de Meilhan semble s’être divisé à plaisir entre ces deux personnages qui souvent se combattirent en lui, l’homme d’État et l’épicurien. […] La présomption que l’homme est porté à avoir de ses talents et de son esprit faisait croire à plusieurs jeunes gens qu’ils joueraient un rôle éclatant ; mais la Révolution, en mettant en quelque sorte l’homme à nu, faisait évanouir promptement cette illusion qu’il était aisé de se faire à l’homme de cour, à celui du grand monde, qui se flattait d’obtenir dans l’Assemblée les mêmes succès que dans la société. […] Ce président de Longueil eût été homme à écrire dans Le Globe de 1825. […] Ami de la perfectibilité au début, il a fini par douter de l’utilité de la science et des avantages que retire l’homme du progrès des lumières. […] Certes, il était plus qu’un homme d’esprit dans le sens ordinaire et même dans le sens distingué où on emploie le mot.

109. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Nous possédons dans les sciences, et particulièrement dans les mathématiques, les plus grands hommes de l’Europe. […] Il faut que ces calculs aient pour base l’uniformité constante de la masse, et non pas la diversité de chaque exemple : un à un, tout diffère dans l’ordre moral ; mais si vous admettez cent mille chances, si vous calculez d’après cent mille hommes pris au hasard, vous saurez, par une approximation juste, quelle est dans ce nombre la proportion des hommes éclairés, des hommes faibles, des scélérats et des esprits distingués. […] Une opinion abstraite qui devient l’objet d’un sentiment fanatique, produit dans l’homme les effets les plus remarquables. […] Les opinions les plus absurdes, les maximes les plus détestables entrent dans la tête des hommes, dès qu’on leur a donné la forme d’une idée générale. […] Leibnitz disait que si les hommes avaient intérêt à nier les vérités mathématiques, ces vérités seraient mises en doute.

110. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Il ne s’agit ici que des hommes qui flattaient avec génie. […] Des hommes sans cesse entourés de malheurs publics et des leurs, des hommes qui n’entendent parler au-dehors que de batailles perdues, et qui, chez eux, ont le triste spectacle de la misère et de la faim, ne seraient pas disposés à louer le gouvernement même qui serait le plus sensible à leurs maux. […] Entouré de grands hommes, il eut le mérite de les croire. […] Il est peut-être difficile de déterminer à quel point il connut les talents et les hommes. […] Louis XIV, armé de la souveraineté, commandait à des hommes qui lui devaient en tribut leur sang et leur génie.

111. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Ils sont vrais, ils sont hommes. […] L’homme raffiné trouve niaises les choses auxquelles le peuple et l’homme de génie prennent le plus d’intérêt, les animaux et les enfants. […] Les hommes qui feront l’avenir ne seront pas de petits hommes disputeurs, raisonneurs, insulteurs, hommes de parti, intrigants, sans idéal. […] On a fait jusqu’ici deux catégories parmi les hommes au point de vue de la religion : les hommes religieux, croyant à un dogme positif, et les hommes irréligieux, se plaçant en dehors de toute croyance révélée. […] Ceci a faussé toute la poétique de ce grand homme.

112. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Guizot, c’est de ne voir dans l’esprit humain que la raison, d’exclure le cœur, de mutiler l’homme. […] Jouffroy, l’homme croit par instinct et doute par raison. […] Le dogme de la création explique l’origine du monde et l’origine de l’homme. […] Ce remède, c’est Dieu fait homme. […] L’homme lui-même n’est-il pas une incarnation divine ?

113. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Si vous perdez le sentiment de la différence de l’homme qui se présente en compagnie, et de l’homme intéressé qui agit, de l’homme qui est seul, et de l’homme qu’on regarde, jetez vos pinceaux dans le feu. […] Tout à l’heure vous étiez son homme ; vous ne l’êtes plus. […] Tout passe, l’homme et la demeure de l’homme. […] C’est que l’homme s’assied où la cendre de l’homme repose. […] C’est que l’hommage des hommes y était porté d’une manière plus secrète et plus libre.

114. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Serait-ce connaître l’homme que de dire : L’homme ne peut se connaître ? […] L’homme ne peut être absurde. […] L’homme en général ! Mais où est l’homme en général ? […] L’homme n’invente pas ainsi ; inventer, pour l’homme, c’est combiner.

115. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 17, s’il est à propos de mettre de l’amour dans les tragedies » pp. 124-131

L’homme sans passion est une chimere, mais l’homme en proïe à toutes les passions n’est pas un être moins chimerique. […] Ils ne les regardent plus comme des hommes troublez par une passion, mais comme des hommes tombez en une veritable demence. Suivant leur sentiment ce sont des hommes moins propres à joüer un rolle sur la scene, qu’à être reclus dans ces maisons où les nations polies renferment une partie de leurs fols. […] Pourquoi se desesperer si fort, diront-ils, pour un malheur aussi commun parmi les hommes que la fievre ? […] Il suffit d’être un homme raisonnable.

116. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Un homme perd, tombe ruiné : « C’était un grand joueur, un beau joueur !  […] C’était cette vieille idée de la conquête, qui fait qu’un homme, à la tête de quelques hommes comme lui, s’empare d’un pays mal gouverné, malheureux, exploité par des corrupteurs imbéciles, et le pousse dans des voies de prospérité, d’intelligence et de gouvernement. […] Un homme meurt, tué sur son idée, cela fait engrais à l’avenir sous les gouvernements qui prévoient et qui se souviennent. […] Cette explication qui n’est que le pléonasme de l’ignorance, et que l’homme jette à l’événement lorsqu’il ne le comprend plus. […] Sa plus belle conversion fut de changer l’auteur en homme ; car il fut un homme, comme dit Shakespeare, et la Nature pourra s’en vanter !

117. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

… Buffon, l’homme aux manchettes, qu’il mettait pour lui seul, est presque un solitaire dans son siècle. […] Voilà l’homme, — le seul homme calme, comme un Ancien, d’un temps ivre de vin de Champagne et de pire encore ; voilà le Buffon que M.  […] Flourens nous l’a écrite, ainsi qu’un homme d’action qui n’abstrait pas l’action humaine de l’existence du plus grand des contemplateurs. […] Une fois nommé à cette fonction, l’homme d’ordre de l’intimité apparut dans la vie publique. […] Il avait beau être un homme de génie, c’était aussi un grand seigneur de sentiment, toujours prêt à l’hospitalité, vous tendant sa belle main du fond de ses manchettes ; qui se levait de son bureau pour vous faire accueil, « mis plutôt comme un maréchal de France que comme un homme de lettres », disait Hume étonné, car il avait cette faiblesse d’aimer la parure, qui fut la faiblesse de tant de grands hommes.

118. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

Les limites de la liberté ont été reculées pour l’homme. […] Tous les hommes marcheront à la fois, mais chacun a son rang, sous peine de ne pouvoir marcher. […] L’homme était emprisonné à la fois dans des toiles d’araignée et dans des filets d’airain. […] Non, l’homme, tant qu’il est sur la terre, est fait pour tout mettre en commun avec ses semblables ; songez donc à perfectionner l’homme plutôt qu’à le rendre heureux, car vous n’y parviendriez pas. […] Les opinions ont toujours changé parmi les hommes, par des modifications lentes et successives.

119. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Les événements sont plus forts que les hommes et les hommes sont balottés en tous sens ne comprenant pas grand chose à ce qui arrive. […] C’est comment l’homme peut conserver l’équilibre. […] En tant qu’homme, il doit se considérer comme la couronne de la création, mais n’étant qu’un homme il est le plus grand des pécheurs. […] Mon homme ! […] Gare à Malikoko qui mangera Mon homme.

120. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Il vient d’un homme. […] Marot était un homme et un homme de son temps. […] L’homme non plus. […] L’homme renseignant Dieu ! […] — Les mérites de l’homme ?

121. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

L’homme, dont il faut occuper les facultés de l’esprit, obtient de même par leur exercice le moyen d’échapper aux tourments du cœur. […] Le pur amour de l’étude ne met jamais en relation avec la volonté des hommes, quel genre de douleur pourrait-il donc faire éprouver ? […] Il n’est rien qui puisse distraire l’homme soumis à l’empire d’une idée unique. […] C’est là que l’on voit l’homme véritablement aux prises avec ses propres forces. […] faites qu’il s’élève au-dessus de ces douleurs dont les hommes ne cesseront de l’accabler !

122. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Nous avons de lui, outre son histoire, sept livres d’éloges, consacrés aux hommes les plus célèbres dans le gouvernement ou dans la guerre, et un autre livre très considérable sur les gens de lettres et les savants du quatorzième, quinzième et seizième siècles. […] Au centre de cette belle habitation, était un cabinet où Paul Jove avait rassemblé à grands frais les portraits de tous les hommes célèbres. On peut dire qu’il avait une collection de grands hommes, comme dans d’autres temps on a fait des collections d’histoire naturelle ; il fut aidé dans cette recherche par des particuliers et des souverains. […] Enfin, ils ont le mérite de présenter une grande variété d’hommes, quelques-uns grands, et presque tous fameux, de tous les pays, de toutes les religions, de tous les rangs et de tous les siècles. […] Si nous parcourons l’Italie, ces éloges nous offrent un très grand nombre d’hommes qui, dans le cours du quinzième ou seizième siècle, s’y distinguèrent par le gouvernement, ou par les armes.

123. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

C’est un étrange phénomène que cette transformation, avec l’aide du temps, d’un homme de style, d’un homme d’esprit ou d’un homme de génie, en prophète, par les enfants de ceux qui l’ont connu simple mortel comme vous et moi. […] Quand un homme représente son souverain, l’homme disparaît sous le ministre. […] Cet homme se prend de quelque intérêt pour moi. […] La première qualité de l’homme né pour mener et asservir les hommes, c’est de connaître les hommes. […] Il ne flatte pas le rêve, mais il écoute l’homme.

124. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Le 12 novembre dernier, nous avons assisté aux touchantes funérailles d’un homme universellement estimé, qui personnifiait en lui toute l’idée qu’on peut se faire de l’homme de bien et aussi de l’homme de lettres d’autrefois. […] L’auteur reconnaît très bien qu’on ne saurait réduire en art les moyens de former les grands hommes ; mais il croit qu’on pourrait porter très loin l’art de rendre les hommes bons. […] Chamfort ulcéré s’écriera : « Tout homme qui est arrivé à quarante ans et qui n’est pas misanthrope, n’a jamais aimé les hommes !  […] Il en sortit en 1814, et depuis lors il n’eut plus d’autre fonction que celle d’écrivain et d’homme de lettres. […] Le groupe d’hommes auquel se rattache M. 

125. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Chrysante, dit-il, homme opulent et impertinent, ne peut pas être vu avec Eugène, homme de mérite, mais pauvre. […] Rirez-vous d’un homme après de telles paroles ? […] Que de joies a goûtées cet homme ! […] Entre les deux poètes, les hommes se sont polis. […] À force de s’endurcir, l’homme devient insensible ; à force de se réduire, l’homme cesse de donner prise à la douleur.

126. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Les productions nutritives, les idées élémentaires, ont été, pour ainsi dire, offertes à l’homme spontanément. […] Homère, quelque grand qu’il soit, n’est point un homme au-dessus de tous les autres hommes, ni seul au milieu de son siècle, et de plusieurs siècles supérieurs au sien. […] La démocratie qui appelle tous les hommes distingués à toutes les places éminentes, portait les esprits à s’occuper des événements publics. […] La vie des hommes célèbres était plus glorieuse chez les anciens ; celle des hommes obscurs est plus heureuse chez les modernes. […] Il faut se glisser dans la gloire, il faut dérober aux hommes leur admiration à leur insu.

127. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

« Que mérite un tel homme, si ce n’est d’être nourri, aux frais du public, dans le Prytanée ? […] Mais le péril où j’étais ne m’a pas paru une raison de rien faire qui fût indigne d’un homme libre. […] C’est le plus bel hymne que l’homme puisse chanter à l’incompréhensible, c’est-à-dire à Dieu. […] Entre la vie et l’éternité, on se sent homme si on regarde Socrate, on se sent dieu quand on l’écoute. […] Et, se tournant vers nous : — Voyez, nous dit-il, quelle honnêteté dans cet homme !

128. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

L’homme vraiment élevé a toute sa fierté au-dedans. […] Aux yeux d’hommes grossiers, un homme qui jeûne, qui se flagelle, qui est chaste, qui passe sa vie sur une colonne, est l’idéal de la vertu. […] Or la femme ne sera jamais qu’un homme très médiocre. […] Elle est diverse de l’homme, mais non inférieure à l’homme. Une femme parfaite vaut un homme parfait.

129. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Le bonheur d’un homme dans la société dépend, pour une grande part, de la bienveillance que lui témoignent les autres hommes, de la bonne foi et de la douceur générale, de la compassion, de l’aide, de l’appui qu’il reçoit. […] Un homme qui peut assister, l’âme paisible, à la torture de ses ennemis, ne ressent pas au moindre degré la douleur qu’il fait souffrir. […] La somme de la douleur qu’ils oseront infliger aux antres hommes se diminuera sans cesse de celle qu’ils peuvent partager. […] Car la manifestation des caractères qu’il produit peu à peu rend les hommes compatissants pour tous les autres hommes et les empêche de haïr sauvagement qui que ce soit. […] L’homme social selon Tarde est donc un « endormi ».

130. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Les uns et les autres s’érigent en hommes capables d’enseigner. […] Un homme ne sçauroit établir si bien une opinion par voïe de raisonnement et de conjecture, qu’un autre homme plus pénetrant ou plus heureux, ne puisse la renverser. […] Ainsi les hommes ne changeront point d’opinion sur ce point-là, que les ressorts de la machine humaine ne soient changez. […] Les hommes sçavent bien qu’il est plus facile d’éblouir leur esprit que d’en imposer à leur sentiment. […] Mais ils demeurent toujours entre les mains des hommes.

131. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Le nom de l’homme, nous le savons bien, était lumineux, mais la lumière ne tombait pas assez à plein sur toute sa vie. […] Mais il y a là autre chose qu’un grand homme à tailler dans son marbre. […] Le grand homme est un mystique ; le livre qui parle de lui est mystique. […] Il y avait là deux justices à faire, l’une au nom d’un homme, l’autre au nom de Dieu. […] On sent que l’enthousiasme de l’auteur pour les Saints ne l’empêche pas de juger fermement les hommes.

132. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

. — L’homme avant le feu. — Découverte du feu, ses créations et ses œuvres. […] L’homme qui était son esclave, en devient subitement le roi. […] L’homme sait combien elle est fallacieuse, mais il se laisse toujours prendre à ses doux mensonges. […] Bien plus, c’est Prométhée qui a créé les hommes en les pétrissant dans le limon du Chaos. […] Ailleurs, il tient paternellement sur ses genoux la maquette d’un homme qu’il termine.

133. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Il faut se garer de cet homme, c’est un malin ! […] L’Antiquité avait fait l’homme fier ; l’Église, l’homme bon (qu’il appelle le bonhomme, par stupide moquerie) ; mais l’avenir produira l’homme juste. […] Qu’est-ce que l’homme juste ? […] Il se trompait sur l’homme et sur son histoire. […] moi, je suis un bon homme.

134. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Et d’abord : comment l’Homme est-il venu sur la terre, et d’où ? […] … Vous êtes bien curieux, ô homme ; ayez foi et confiance ! […] s’écrie-t-il ; se figure-t-on ce que deviendraient l’homme, les hommes, l’âme humaine et les sociétés humaines, si la religion y était effectivement abolie, si la foi religieuse en disparaissait réellement ? […] Et lorsque après une période, une série de périodes incommensurables, l’homme paraît, quel était cet homme d’abord ? […] Guizot, c’est l’individualité de l’homme persistante, et qui s’applique à tout ce qu’il touche.

135. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

L’homme n’est pas un seul moment privé de la raison qui conçoit ces idées. […] Demandons d’abord à la philosophie comment elle explique l’homme. […] Elle appauvrissait l’homme : comment aurait-elle eu l’idée de l’humanité ? […] Mais a-t-elle pénétré plus avant dans l’homme ? […] Dans les théologiens, l’homme n’est que le néant, par rapport à Dieu, qui est l’être.

136. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

Il y a des hommes grands pendant qu’ils vivent, et qui ne sont pas toujours sûrs de l’être après la mort. […] Leur but est de perfectionner, non pas un homme, mais le genre humain.  […] Il a fallu trois mille ans pour que les hommes apprissent qu’un homme vertueux, qui a passé soixante ans à s’instruire et à éclairer son pays, pourrait bien mériter quelque reconnaissance du genre humain. […] Il fut un exemple frappant du pouvoir des circonstances sur l’homme. […] David Czuittinger, les hommes de lettres de la Hongrie.

137. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Les besoins de l’humanité sont des prophéties, peut-être cet homme est-il né. […] Elle parle à tous les hommes le même langage, quoique tous ne l’entendent pas également. […] C’est parce que l’homme sent ou se dit que les autres hommes comprennent aussi la loi morale, à laquelle il est soumis lui-même, qu’il peut traiter avec eux. […] Indépendamment des lois extérieures, l’homme avait une loi tout intérieure à observer. […] Elle suffit à expliquer et à conduire l’homme.

138. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

La nature avait fait l’homme bon, et la société l’a fait méchant : la nature avait fait l’homme libre, et la société l’a fait esclave ; la nature a fait l’homme heureux, et la société l’a fait misérable. […] Car l’homme civil, d’un certain point de vue, est supérieur à l’homme de la nature. […] Dieu, qui n’a pu faire l’homme mauvais. […] Rousseau nous l’a dit : l’homme naturel, c’est lui. […] Il a hardiment fait sortir l’humanité de l’animalité par une lente évolution : c’est lui, non pas Darwin, qu’on peut accuser d’avoir fait descendre l’homme du singe ; et, quand on saisit sa vraie pensée, on s’aperçoit qu’il n’exclut pas du tout de notre histoire « l’homme loup pour l’homme », la brute féroce et avide de Hobbes ; mais il n’y voit pas l’homme primitif : c’est l’homme déjà homme, apte et condamné à la société.

139. (1898) La cité antique

C’est l’homme qui passe. […] La religion ne disait pas à l’homme, en lui montrant un autre homme : Voilà ton frère. […] C’était un homme divinisé, unhéros. […] Ni les dieux n’aimaient l’homme, ni l’homme n’aimait ses dieux. […] Il ne peut être homme que là.

140. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

On y verra que cet homme n’a pas mal de sang sur les mains. […] Il est encore plus historien qu’il n’est homme politique. […] Barrot n’a jamais été quand même que trois choses : un homme honnête, un homme sans conviction, et un homme sans fermeté. […] L’homme s’est simplifié. […] L’homme n’y peut rien.

141. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

La connaissance parfaite des hommes doit amener, ou à s’affranchir de leur joug, ou à les dominer par la puissance. […] Enfin, nul n’est descendu sans douleur d’un rang qui le plaçait au-dessus des autres hommes ; nul ambitieux du moins, car que sont les destinées sans l’âme qui les caractérise ? […] La gloire d’un grand homme jette au loin un noble éclat sur ceux qui lui appartiennent ; mais les places, les honneurs dont disposait l’ambitieux atteignent à tous les intérêts de tous les instants. […] Les revers et les succès de tout ce qu’on voit dominer dans une révolution, ne sont que la rencontre heureuse ou malheureuse de tel homme avec telle période de la nature des choses. […] L’homme donc qui veut acquérir une grande influence dans ces temps de crise doit rassurer la multitude par son inflexible cruauté.

142. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Combien je regrette ce chroniqueur sincère des hommes de 1793, ce pauvre Georges Duval, qui devait voir en homme d’esprit ce que les autres n’ont vu qu’avec stupeur ! […] Entre l’homme actif et l’homme inerte, l’égalité de biens devient une injustice ; car l’un crée et l’autre dépense. […] Tout périssait entre les mains de ces hommes de paroles. […] Le duc d’Orléans fut peut-être un de ces hommes. […] L’indulgence, en parlant des hommes faibles, est aussi une justice.

143. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Vers la fin de l’année, ayant rejoint avec son corps M. de Turenne, il eut part aux bontés et à l’amitié de ce grand homme, qui se plaisait à le faire parler sur les choses de guerre et à lui donner jour dans ses desseins. […] Ainsi finit au comble de sa gloire, dit-il, non seulement le plus grand homme de guerre de ce siècle et de plusieurs autres, mais aussi le plus homme de bien et le meilleur citoyen ; et, pour moi, j’avouerai que, de tous les hommes que j’ai connus, c’est celui qui m’a paru approcher le plus de la perfection. […] Enfin ce fut un homme qui, avec une autorité suprême, compta un peu avec le genre humain. […] Les Mémoires de La Fare, dans les trop courts récits et les portraits qu’ils renferment, sont pleins d’esprit, de finesse, de bonne langue, et tous les jugements qu’il fait des hommes sont à considérer. […] … La Fare était un homme que tout le monde aimait, excepté M. de Louvois, dont les manières lui avaient fait quitter le service.

144. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

Et voilà la raison, sans doute, pourquoi il n’est pas d’homme ou de livre, si infime qu’il soit par l’intelligence, qui ne puisse être dangereux. […] Il recevait alors, — comme un homme plus grandement doué que lui, M.  […] Seulement, pour tous ceux qui ont touché à ces questions dévorantes, on sera suffisamment fondé à affirmer que Ce n’est pas la métaphysique, qu’elle s’appelle des plus beaux noms que le génie ait eus dans l’histoire, qui peut combler l’abîme existant entre l’homme et Dieu, et tracer pour l’homme un chemin, au-dessus de ce gouffre. […] Si du temps de Leibnitz, en effet, et après Leibnitz surtout, l’homme se spécialise chaque jour davantage et peut s’abstraire de tout ce qui n’est pas sa pensée et le mouvement extérieur de sa pensée, il n’en était point ainsi au Moyen Âge où la société tenait bien plus d’espace que l’homme : mère aux bras puissants, dans lesquels l’homme se tassait et, si grand qu’il fût, paraissait petit ! […] Au fond l’intelligence profonde de la double grandeur du temps et de l’homme lui échappe.

145. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Il s’ensuit qu’il y a pour l’homme deux destinées. […] La beauté dans les œuvres de l’homme ne se mesure pas, elle se sent. […] La nature a fait la chair, l’homme a fait l’étoffe et la draperie. […] Ce n’est pas un homme, c’est un oracle. […] L’homme de lettres disparaît en lui dans le prêtre.

146. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Les hommes lettrés vivaient dans la solitude et dans l’inaction du cabinet. […] Les hommes médiocres n’ont point appris à suivre ces traces. […] Ainsi partout vous trouverez l’homme ayant la notion de cause et d’effet. […] En réalité, il est un homme ou plusieurs hommes animés d’intérêts personnels, agités de passions et sujets à des erreurs. […] Tel est le tableau de l’Univers dans ses rapports directs avec l’homme.

147. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Tout prince qui écrit est presque sûr d’intéresser les hommes. […] Ce poète, que quelques hommes ont trouvé ridicule, et que des milliers d’hommes ont trouvé sublime ; qu’on a déchiré avec excès, parce qu’on l’admirait avec fanatisme ; et qui a fait des partis et des sectes, comme tout ce qui ébranle fortement les hommes, régnait alors sur la poésie et l’éloquence, comme Platon sur la philosophie. […] L’homme, dans cet état, ressemble à un enfant timide, qui n’ose faire un pas sans les lisières qui le soutiennent. […] « Toujours gouverné par l’équité, il récompense l’homme vertueux, il tâche de guérir le méchant. […] Le premier crime est rare : mais on ne trouve que trop souvent des hommes dont le silence ingrat cache et dissimule les bienfaits.

148. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Par un effet de la nature infime de l’intelligence de l’homme, lorsqu’il se trouve arrêté par l’ignorance, il se prend lui-même pour règle de tout. […] Ces deux sectes isolent l’homme et devraient s’appeler philosophies solitaires. […] La législation considère l’homme tel qu’il est, et veut en tirer parti pour le bien de la société humaine. […] Les hommes à courtes vues prennent pour la justice ce qu’on leur montre rentrer dans les termes de la loi. […] Les hommes éclairés estiment conforme à la justice ce que l’impartialité reconnaît être utile dans chaque cause.

149. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Sur cette première question, il n’y a que deux classes d’hommes : les hommes honnêtes, qui se subordonnent à la grande fin sociale, et les hommes immoraux, qui veulent jouir et se soucient peu que ce soit aux dépens des autres. […] Lâcher les brutes sur les hommes ? […] Un gouvernement d’hommes sans nom est fatalement condamné à être soupçonné, calomnié. « Comment cet homme qui est mon égal a-t-il fait pour parvenir ? […] L’homme qui a raison est toujours assez libre. […] (L’homme et la Société, p. 53, 81).

150. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

L’homme des idées générales y brille dans son éther. Mais l’homme de ces idées générales, appliquées à l’œuvre et à l’auteur que Fréron critique, n’y est pas. […] Cet homme, moralement et littérairement si brave, fut un Achille sans talon. […] Un homme de génie peut traiter le même sujet qu’a immortalisé Molière. » Idée hardie très moderne, sur laquelle Fréron est revenu cent fois. […] On sait qu’à moitié mort, il rouvrit les yeux pour demander qu’on la respectât… Fréron fut l’homme de la famille chrétienne, comme il avait été l’homme de la Société et de la Monarchie chrétiennes.

151. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IX. Suite des éloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque et de Lucien. »

Il fut à la fois écrivain et homme d’État. […] Tiens, prends ce livre ; parcours avec attention les caractères qui le composent ; à mesure que tu liras, tu verras s’élever autour de toi les ombres des grands hommes, et elles ne te quitteront plus. » Ce livre était Les Hommes illustres du philosophe de Chéronée. […] Son grand art surtout est de faire connaître les hommes par les petits détails. […] On aime à voir le crime rendre hommage à la vertu, et l’homme libre échappé au tyran, célébré par le tyran même. […] Antipater admire en écoutant : il semble qu’au spectacle d’un homme libre, son âme s’élève.

152. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Voilà ces deux hommes se peignant dans leur idéal. […] Ils se défiaient de l’ambition de l’homme d’État, ils préféraient leur innocente indépendance d’hommes de lettres aux engagements sans retour avec le héros du temps. […] Il m’aimait comme un homme de même nature, je le vénérais comme un modèle d’homme public et d’homme privé ; enfin il mourut. […] Il n’est plus un prophète de Dieu, il est un homme qui veut être plus qu’un homme. […] Tout homme qui a eu beaucoup à se plaindre des hommes cherche la solitude.

153. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

L’homme est trop faible pour respirer longtemps dans cet étouffoir qu’on appelle un masque. […] Or, comme l’homme est un, à moins d’inconséquence formelle et résolue, et qu’en lui un ordre de pensées bien déterminé implique assez généralement tous les autres, on est légitimement tenté de juger les opinions qu’on tait par celles qu’on avoue, et c’est ainsi que l’on refait tout le visage intellectuel de cet homme (faut-il dire habile ou contenu ?) […] En somme, dans ce premier volume, qui doit être suivi d’un second, on voit que l’auteur sera pour Boileau plus tard On sent l’homme de grand sens, l’homme de bon sens, l’homme du pouvoir, le monarchique en littérature, très peu gâté par le langage de son temps quoique, ici ou là, il en ait encore de temps en temps les logomachies. […] L’homme de Malherbe devient l’homme de Vaugelas, de Vaugelas dont les mérites si grands sont oubliés, et qu’il nous rappelle. […] C’est un homme d’une tout autre constitution que Saint-Marc Girardin, par exemple, dont l’érudition a la légèreté brillante et reconfortante d’un verre d’eau.

154. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Les prêtres ont, par les habitudes et les servitudes de leur état, une personnalité plus élevée que les autres hommes. […] Le devoir est le seul poids qui donne à l’homme la force de le porter. […] Ce sont les deux parties de cet organisme mystérieux qu’on appelle la force d’un grand homme. […] Voilà l’homme dont Hefele nous a donné… non ! […] Le docteur Hefele est essentiellement un homme d’académie.

155. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Un homme quelquefois a plus d’instinct qu’un monde. […] Quoi qu’il en soit, l’homme toujours modéré, toujours égal, toujours en paix avec lui-même, jusqu’au point de ne se laisser jamais ni accabler par le chagrin, ni abattre par la crainte, ni enflammer par de vains désirs, ni amollir par une folle joie, c’est là cet homme sage, cet homme heureux que je cherche. […] Elle dépasse tout ce que l’homme a pu jamais soupçonner. […] C’était le citoyen, l’homme social après la société. […] Quelque chose, quelque homme qu’on lui compare, cette chose et cet homme diminuent dans la comparaison ; et cependant on ne lui rend pas encore pleine justice !

156. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

L’homme avait jeté sa gourme professorale, chose rare ! […] Seulement, ce n’est que l’esprit de l’homme. […] Or, malgré leurs entraînantes gloires militaires, cette femme paraît plus homme que ces hommes, parce qu’elle a l’unité de son ambition et qu’eux sont entre leur ambition et leur foi. […] Le duc d’Albe défit brutalement ce qu’elle avait fait ; car cette femme, à barbe au menton comme un homme, avait gouverné comme un homme. […] L’horreur qu’il fallait éveiller dans les cœurs des hommes, on l’y endormait, au contraire.

157. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Lorsqu’en effet les associations partielles sont assez différenciées pour ne prendre les hommes que par un côté et ne satisfaire qu’à un de leurs besoins, il est naturel que ces mêmes hommes, ayant plus d’un besoin à satisfaire, tiennent à plusieurs associations. […] L’homme ne se laissera plus emprisonner dans le métier. […] La variété des corps dont les hommes deviennent, les éléments diminue en eux l’étroitesse de l’esprit de corps. […] En ce cas, est-il vrai que la multiplicité des groupes dont un homme fait partie tend à l’égaliser aux autres hommes ? […] Des hommes à chaque instant nouveaux se succèdent dans les hautes situations.

158. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

« La force des États, pensait-il, consiste dans les grands hommes que la nature y fait naître à propos. » Il voulut être et il fut un de ces grands hommes ; il remplit dignement sa fonction de héros. […] « Cet homme-là, disait un jour Voltaire en montrant un tas de paperasses du roi, voyez-vous ? […] Enfin vous seriez parfait si vous n’étiez pas homme. […] Des hommes dignes et ayant le respect d’eux-mêmes, tels que d’Alembert, l’eussent forcé à son tour de les respecter. […] L’homme est un animal plus sensible que raisonnable.

159. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

C’est de l’homme, qu’elle est évidemment jalouse. […] Elles sont des hommes par la pensée » ; mais le temps, qui est un galant homme aussi, et plus homme qu’elles, les a prises sous son bras et, comme on fait à l’enfant qu’on va fouetter, il leur a, d’une main patiente et douce, mais irrésistible, ôté simplement leurs culottes. […] Il y a aussi toujours un homme à côté, quand une femme prend l’ambition de faire œuvre d’homme, et quelle plus œuvre d’homme que l’histoire ? […] Mais s’ils y ont été au temps orageux des folies, comme dit la romance de Julie Candeille (un autre bas-bleu), elle les aura éteints pour se faire plus homme ; pour penser plus en homme, pour s’insensibiliser mieux en homme ; car être homme, être homme à tout prix, voilà l’idée fixe dans ces cerveaux femelles ! […] Il faut être homme !

160. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Ce grand homme mérita sans doute que cet usage commençât par lui. […] Il fut, comme on sait, le plus grand homme de son siècle. […] Cent ans plus tard, ils eussent été probablement de grands hommes. […] Les mémoires de Sully, en peignant les détails de sa vie domestique, nous ont rendu son souvenir encore plus cher, parce qu’ils montrent partout l’homme sensible à côté du grand homme. Un homme célèbre a immortalisé ses vertus comme sa valeur.

161. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Le poète s’en va, l’homme de lettres commence. […] Le rédempteur promis à l’homme à l’instant même de sa chute doit sortir de la femme, c’est-à-dire de la faculté volitive de l’homme. […] Dieu présent au fond de l’homme et l’homme docile à l’action de Dieu. […] L’homme ne peut rien sans Dieu pour réaliser le bien moral ; mais Dieu ne peut rien sans l’homme. […] Alors le génie grec se personnifia dans un homme.

162. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

— de quelle race d’hommes es-tu ?  […] Sous la brute il y a l’homme libre et aussi l’homme de cœur. […] Comme l’homme et à côté de l’homme, la loi et les mœurs la maintiennent debout. Comme l’homme et à côté de l’homme, c’est le cœur qui l’attache. […] Et il dit : Donnons à l’homme sa femme.

163. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

L’éducation de ce plus grand des hommes avait été l’heureux chef-d’œuvre de sa vie. […] Tel devait être le destin du plus modéré des hommes, Aristote. […] Ce n’est pas un homme de style, c’est l’homme des réalités. […] Rousseau argumentant contre l’éternelle sagesse, et plaçant l’homme sauvage au-dessus de l’homme civilisé ? […] Un gouvernement est donc le premier cri et le dernier cri de l’homme !

164. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

C’est l’homme sensible de Mackenzie. […] En fait de talent et d’intelligence, ce n’est pas comme en fait d’hommes. […] car chez Luther, le sycophante et le menteur ont également dégradé l’homme de cœur et l’homme de génie. […] Il a saisi ce grand fait par le côté qui intéresse le plus les hommes. […] Voilà sous quels dehors nous apparut cet homme de bien en toutes choses.

165. (1772) Éloge de Racine pp. -

Je ne me flatte pas d’avoir embrassé toute l’étendue de tes talens : l’homme de génie n’est bien jugé que par ses égaux. […] Un homme a ajouté aux travaux d’un homme ; un siècle a ajouté aux lumières d’un siècle ; et c’est ainsi qu’en joignant et perpétuant leurs efforts, les générations qui se reproduisent sans cesse ont balancé la faiblesse de notre nature, et que l’homme, qui n’a qu’un moment d’existence, a jeté dans l’étendue des âges la chaîne de ses connaissances et de ses travaux, qui doit atteindre aux bornes de la durée. […] Ils réveillaient des idées imposantes, ou des souvenirs chers et flatteurs, et parlaient à la fois à l’homme et au citoyen. […] Quel homme, témoin de ce grand réveil de la nature, n’est pas saisi de respect et d’enthousiasme ? […] L’éloge de ce grand homme doit vous être cher, et peut-être n’est-il pas inutile.

166. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

L’homme individuel, si misérable qu’il soit, ne peut tirer de tels soupirs de son âme. […] » Jamais les entrailles de l’homme n’ont fait sortir de leur profondeur un cri plus douloureux. « L’homme né de la femme vit peu de temps, et il est rempli de beaucoup de misères96. » Cette circonstance, né de la femme, est une redondance merveilleuse ; on voit toutes les infirmités de l’homme dans celles de sa mère. […] Jean fut encore le seul des apôtres qui accompagna le Fils de l’Homme jusqu’à la croix. […] Le langage de cet apôtre est pur et élevé : on voit que c’était un homme versé dans les lettres, et qui connaissait les affaires et les hommes de son temps.

167. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Les immoraux et les athées, ce sont ces hommes fermés à tous les airs venant d’en haut. L’athée, c’est l’indifférent, c’est l’homme superficiel et léger, celui qui n’a d’autre culte que l’intérêt et la jouissance. […] Car le barbare, avec ses rêves et ses fables, vaut mieux que l’homme positif qui ne comprend que le fini. […] C’est la force morale de l’homme exagérée, dévoyée, mais originale et hardie dans ses excès. […] Mais n’importe ; il tient le dépôt sacré, il porte l’avenir, il est homme dans le grand et large sens.

168. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Il ne lui manqua rien d’un grand homme, excepté la vertu. […] Il joua le grand homme, il ne le fut pas. […] Homme de tempérament plus que de pensée, élément plus qu’intelligence, il fut homme d’État, cependant, plus qu’aucun de ceux qui essayèrent de manier les choses et les hommes dans ce temps d’utopies ; plus que Mirabeau lui-même, si l’on entend par homme d’État un homme qui comprend le mécanisme du gouvernement. […] Il oublie que si chaque homme se divinisait ainsi lui-même, il ne resterait à la fin qu’un seul homme sur le globe, et que ce dernier des hommes serait l’assassin de tous les autres ! […] Une cause n’est souvent qu’un nom d’homme.

169. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Il joint à un coup d’œil lumineux et profond une vaste et solide érudition, aux vues d’un homme de génie l’enjouement et les agréments d’un homme qui ne cherche qu’à amuser et à plaire. […] Quand il avait dit d’un homme : « C’est un économiste, et rien de plus », il le croyait jugé et retranché de la sphère des hommes d’État. […] Turgot lui-même, à plus forte raison aux hommes de la secte. […] Galiani définit son homme d’État « un homme qui a la clef du mystère, et qui sait que le tout se réduit à zéro ». […] On pourrait ajouter son nom à la liste des hommes célèbres morts en plaisantant.

170. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Thiers, à l’homme ? […] L’homme du 18 brumaire ne pouvait ni estimer politiquement ni aimer M. Fox, homme de 1792. […] Pitt était, pour l’Angleterre libre, l’homme de salut ; M. Fox n’était que l’homme de bruit.

171. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

C’est qu’il est un homme d’État et un homme du monde. […] Les lumières, les secours arrivent de toutes parts à l’homme en place, en raison surtout de son élévation. […] Un homme doué d’une médiocre intelligence, qui a quelque mémoire et de l’application, peut acquérir une grande réputation, surtout s’il a une physionomie imposante ou spirituelle… Mais il faut distinguer pour l’élévation du génie l’homme d’État d’avec l’homme propre aux affaires. […] Il n’est ni magistrat, ni financier, ni père de famille, ni mari ; il est homme du monde. […] Il y a de la fatuité parmi les hommes, parce que la présomption domine plus ou moins ; mais le fait d’une société est souvent un homme modeste dans une autre.

172. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 23, que la voïe de discussion n’est pas aussi bonne pour connoître le mérite des poëmes et des tableaux, que celle du sentiment » pp. 341-353

On en croit l’homme préferablement au philosophe, parce que le philosophe se trompe encore plus facilement que l’homme. […] Sur sa réputation le pape Paul V lui confia la police d’une petite ville qu’un homme sans latin auroit très-bien régie. […] Le sentiment dont je parle est dans tous les hommes, mais comme ils n’ont pas tous les oreilles et les yeux également bons, de même ils n’ont pas tous le sentiment également parfait. […] C’est ainsi qu’un homme, dont la vûë porte loin, reconnoît distinctement d’autres hommes à la distance de cent toises, quand ceux qui sont à ses côtez discernent à peine la couleur des habits des hommes qui s’avancent. […] De même tous les hommes qui jugent par sentiment, se trouvent d’accord un peu plûtôt ou un peu plus tard sur l’effet et sur le mérite d’un ouvrage.

173. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Ce n’est donc pas un grand homme que ce métaphysicien à la fois prédestiné à l’être et insuffisant, ce n’est qu’un commencement de grand homme, ce n’est pas un homme complet. […] Si on le prenait au mot et si l’on s’emparait de ses aveux au pied de la lettre, il serait l’homme le plus impropre aux affaires qui y ait jamais été mêlé ; mais, capable ou non dans tel ou tel emploi particulier, il est certes le moins homme d’État de tous les hommes. […] Heureux les hommes qui sont ou se sentent inspirés ! […] Il trouve sa liberté de vouloir absente ou insuffisante ; il ne trouve nulle part le repos, pas même en soi ; non seulement l’homme extérieur en lui contrarie l’homme intérieur, mais du fond de l’homme intérieur il sent ressortir des contradictions dont il n’est pas maître : « Quel sera le terme de ces contradictions ? […] mais le progrès, dans le sens où il l’entend, gagne et avance toujours ; il est de ceux qui travaillent à se perfectionner sans cesse « L’homme extérieur se détruit, l’homme intérieur se renouvelle », se dit-il avec l’apôtre.

174. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

L’homme, par un instinct occulte, mais fatal, semble avoir senti, dès le commencement des temps, le besoin d’exprimer dans un langage différent ces choses différentes. […] L’homme n’a pas besoin de le discerner, il le sent. […] Mais vous traverseriez pendant des jours et des mois une plaine de cette fécondité et de ce niveau sans qu’un atome de poésie sortît pour les yeux ou pour l’âme de ce grenier de l’homme. […] Le directeur de Saint-Sulpice, homme sage et prudent, avertit le marquis Antoine de Fénelon de la résolution de son élève. […] On y sent le tact parfait d’un homme qui n’écrit pas pour être lu, mais pour profiter aux familles.

175. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Nous n’avons qu’un abrégé de Rivarol ; mais vous savez si Rivarol est un de ces hommes qu’on abrège ! […] Là, comme ailleurs, c’est l’homme de son temps, et c’en est la victime. […] ce grand homme sut s’arracher aux enivrements de la causerie dans laquelle il était passé maître, et qui dévora Rivarol. […] Et je n’ai rien vu de plus beau, je l’avoue, que cette martingale de bon sens politique mise à l’hippogriffe de l’imagination, et qui est plus forte que l’imagination et les passions d’un homme, qui avait de l‘une comme un poète, et des autres comme un homme de parti. […] J’ai signalé déjà le spiritualisme du Discours sur l’homme intellectuel et moral.

176. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

Tuer un homme endormi, après possession préalable, bien entendu, — une idée qui a passé dans la tête, et jusque dans la main de la dame cosaque d’aujourd’hui, car son poignard était déjà levé, quand l’homme menacé se réveilla ; — le tuer, cet homme endormi qui avait été à tant de femmes, pour qu’il ne fût plus à personne, n’est pas une idée d’originalité très cosaque, mais du plus vieux, du plus usé et du plus plat romanesque de partout, à cette heure, sotte et folle, de ce beau monde civilisé ! […] — non, ce n’est point parce qu’on a fait tout cela, parce qu’on a vécu en plein ciel d’indiscrétions d’abord et en plein enfer d’indiscrétions ensuite, avec un homme moralement violé (drôle d’alliance de mots), qu’on aime nécessairement, sincèrement, ingénument cet homme. […] Ni l’âge de cet homme, ni les cheveux blancs de cet homme, ni la robe de cet homme, qui n’est pas encore descendu complètement dans la soutane du prêtre catholique, mais qui s’est arrêté à moitié, dans la soutanelle de l’abbé romain, ni la vocation ou l’affectation ecclésiastiques de cet homme n’ont pu la retenir. […] Elle a moins vécu avec cet homme qu’elle n’a paradé avec lui. […] — l’abandon dans une société qui a exaspéré toutes les vanités de la femme jusqu’au délire de vouloir devenir des hommes contre les homme, et qui, pour les consoler de ces abandons qui prouvent bien qu’elles ne sont pas des hommes, ces pauvres orgueilleuses, ne leur a même pas laissé Dieu !

177. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

… Pourquoi ne pas laisser tranquilles un temps et un homme qui ont eu assez d’historiens comme cela, et qui prouvent, avec la plus désagréable évidence, combien le passé l’emportait, dans ses idées, ses mœurs, ses institutions et ses hommes, sur les hommes, les institutions, les mœurs et les idées sortis de nos glorieuses et modernes révolutions ? […] — un grand homme, et peut-être le plus grand des hommes, lui sauter aux yeux. […] L’artiste n’est pas plus ici que l’homme de foi. […] L’homme n’a foi qu’aux Incarnations ! […] L’écrivain, tout froid qu’il est, a été séduit par l’homme incomparable dont il a écrit l’histoire.

178. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

On y faisoit déchirer des hommes vivans par des bêtes feroces. […] On vouloit diversifier les genres de mort de ces hommes souvent innocens. […] Le peuple dont je parle contemple encore avec tant de plaisir des hommes, païez pour cela, se battre jusqu’à se faire des blessures dangereuses, qu’on peut croire qu’il auroit de veritables gladiateurs à la romaine, si la bible défendoit un peu moins positivement de verser le sang des hommes hors les cas d’une absoluë necessité. […] Les hommes riches et ruinez par le jeu passent en nombre les gens robustes que les medecins ont rendus infirmes. […] trabit sua quemque voluptas. en cela les hommes ont le même but ; mais comme ils ne sont pas organisez de même, ils ne cherchent pas tous les mêmes plaisirs.

179. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

Qu’on me cite un homme qui ait jamais donné un caractère plus imposant à l’histoire, un air plus terrible à la postérité. […] Enfin dix pages de Tacite apprennent plus à connaître les hommes que les trois quarts des histoires modernes ensemble. […] Il console des hommes, celui qui en est loin ; il éclaire celui qui est forcé de vivre avec eux. […] S’il est un séjour pour les ombres vertueuses, si, comme le disent nos sages, les âmes des grands hommes survivent à leurs cendres, oh ! […] Ce n’est point par l’art, ce n’est point par de vils métaux qu’on peut représenter l’âme d’un grand homme, c’est par notre conduite et par nos mœurs, etc.

180. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

C’est à ces hommes que nous devons notre salut. […] Assuré de tout émouvoir, cet homme suscite d’atroces expéditions. […] Zola nous a rendu agréable la société de l’Homme. […] Dans les romans de ses devanciers, un homme cesse d’être un homme pour devenir un personnage. […] Il aura simplifié les gestes et les aventures des hommes.

181. (1887) Essais sur l’école romantique

Et quel homme, quel homme de génie oserait forcer la critique à tirer cette conséquence ? […] Le temps qui abat l’homme, fortifie le chêne. […] Où va l’homme sur terre ? […] Il est des hommes merveilleusement doués chez qui l’écrivain est une personne et l’homme un autre. […] Je n’ai pas été doué comme ces hommes-là.

182. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 1, de la necessité d’être occupé pour fuir l’ennui, et de l’attrait que les mouvemens des passions ont pour les hommes » pp. 6-11

L’ame a ses besoins comme le corps, et l’un des plus grands besoins de l’homme est celui d’avoir l’esprit occupé. […] C’est l’unique ressource de la plûpart des hommes contre l’ennui ; et même les personnes qui sçavent s’occuper autrement sont obligées, pour ne point tomber dans la langueur qui suit la durée de la même occupation, de se prêter aux emplois et aux plaisirs du commun des hommes. […] Voilà pourquoi nous voïons les hommes s’embarasser de tant d’occupations frivoles et d’affaires inutiles. […] L’inquietude que les affaires causent, ni les mouvemens qu’elles demandent, ne sçauroient plaire aux hommes par eux-mêmes. […] Quand les hommes dégoutez de ce qu’on appelle le monde prennent la resolution d’y renoncer, il est rare qu’ils puissent la tenir.

183. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Mais que l’on réfléchisse sur les moyens qu’il faut employer pour arrêter la tendance des hommes vers les lumières ! […] Qu’est-ce que l’homme s’il se soumet à suivre les passions des hommes ; s’il ne recherche pas la vérité pour elle-même, s’il ne marche pas toujours vers les hauteurs des pensées et des sentiments ? Il faut à toutes les carrières un avenir lumineux vers lequel l’âme s’élance ; il faut aux guerriers la gloire, aux penseurs la liberté, aux hommes sensibles un Dieu. […] Ce que l’on admire dans les grands hommes, ce n’est jamais que la vertu sous la forme de la gloire. Plusieurs, il est vrai, ont commis des actes criminels, et la médiocrité qui confond tout, se persuade que les forfaits d’un homme de génie ont illustré sa destinée.

184. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

Il a cru, l’habile homme ! […] Weill est un moraliste qui ne croit point à la supériorité de l’homme sur la femme : « Il faut qu’un homme soit bien sottement infatué de son sexe — dit-il, presque avec colère, — pour pouvoir admettre un instant (quoi ! […] Weill, qui nie la supériorité de l’homme, ne veut pas davantage de l’égalité de l’homme et de la femme. […] , et tous les privilèges sociaux de l’homme (p. 31) doivent disparaître et disparaissent devant la grandeur de la vertu de la femme ». […] On y voit, en effet (page 36), que « la concupiscence de la femme est illimitée ; (page 49) que les plaisirs de l’amour, dès qu’ils ne sont plus légitimes, exposent l’homme et la femme à d’horribles maladies ; (page 36) que la femme infidèle à un homme, par sa nature même n’est plus fidèle à aucun autre homme », ce qui n’est que la moitié du vrai, par parenthèse, car le vrai tout entier c’est que la femme n’est, de nature, fidèle à aucun homme, et ne le peut si Dieu ne l’aide pas !

185. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

On n’avait pas inventé alors ces divisions de facultés et ces spécialités de professions qui décomposent un homme entier en fractions d’homme, et qui le rapetissent en le décomposant. […] Ce n’était pas la profession, c’était le génie qui faisait l’homme, et l’homme alors était d’autant plus homme qu’il était plus universel : de là la grandeur de ces hommes multiples de l’antiquité. […] Nous ferons des hommes, et non plus des rouages humains. […] Il y découvrit le tombeau d’Archimède, un des plus grands génies que la mécanique ait jamais donnés aux hommes, et il fit restaurer à ses frais le monument de cet homme presque divin. […] Voilà ces hommes !

186. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Pour mon compte, j’en doute un peu, mais je ne m’occupe pas des hommes. […] qui ne l’avait jamais vu, mais qui l’avait lu, et le style est l’homme, a dit le naturaliste Buffon. […] Singulier nom donné à un homme ! […] Mais voyez encore le bonheur de cet homme heureux. […] L’amour de la fin, chez les hommes, est toujours terrible.

187. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Il n’en est pas de même pour l’homme, surtout pour l’homme civilisé, dont la nourriture est indépendante des saisons. […] Mais la mutation, qui a donné l’homme, peut donner un homme nouveau. […] L’homme est perdu. […] L’homme cherche instinctivement le plaisir. […] » Les hommes sont bêtes.

188. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Je doute qu’un homme né de la femme la puisse soutenir. […] Il a été le grand amour de millions et de millions d’hommes. […] » tous se levaient comme un seul homme. […] Parce que ce philosophe positiviste est un homme très moral. […] Quel homme que celui qui peut le contenir d’une seule main !

189. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Tous les magasins et tous les trésors sont dans les œuvres de ce grand homme. […] Il y a de tous les caractères dans ce caractère, il y a de tous les hommes dans cet homme. […] Pour Calvin, il tourne toute science de l’homme à la théologie. […] Le doute, c’était la seule sagesse possible alors, sagesse qui deviendra bientôt insupportable ; et si Montaigne a plus douté qu’homme de son siècle, c’est qu’il était plus homme de génie qu’aucun de ses contemporains. […] Le plus grand homme de cette pieuse compagnie, Pascal, se montre plus sévère pour Montaigne que pour les jésuites.

190. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Non, les peuples européens ne sont pas encore chrétiens ; sont-ils donc pareils en ce qu’ils sont hommes issus d’hommes ? […] L’homme absolu n’est qu’une abstraction. […] Les Européens ne sont donc point parents parce qu’ils sont tous des hommes : mais parce qu’ils sont parents ils peuvent devenir des hommes, ces hommes idéals que l’art seul peut maintenant réaliser ; et ces hommes idéals, dans la vie réelle, ne pourront être autre chose que des chrétiens. […] Dieu avait dû devenir homme pour s’attirer la toi vivante des hommes. […] C’est que désormais l’esprit religieux n’a plus pour tâche de faire que Dieu devienne homme (Deus fiat homo), mais bien que l’homme parvienne à Dieu, son idéal.

191. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Cet homme, j’allais oublier de vous dire son nom, c’est Nicolas Machiavel. […] On y sent l’homme qui se plie humblement comme le roseau au vent de son adversité et de sa misère. […] Souvenez-vous des Dante, des Pétrarque, des Médicis, des Capponi, des Strozzi, des Guicciardini, des Michel-Ange, des Mirabeau, des Bonaparte ; poètes, artistes, écrivains, hommes de tribune, hommes d’État, hommes de guerre et de tyrannie, la Toscane est une mère féconde ; Florence a du sang étranger dans les veines. […] L’occasion ne peut rien sans l’homme, l’homme rien sans l’occasion ; c’est du mariage de la fortune avec le génie que naît la puissance ; sans cela, rien. […] Avoir égalé Tacite, avoir inspiré Bossuet et Montesquieu, c’est être trois grands hommes en un seul homme.

192. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

À cet horizon, où le ciel et la terre se confondent, l’homme était dieu et le dieu était homme. […] Si l’homme perdait le langage, il l’inventerait de nouveau. […] Infâme, tant qu’il vous plaira ; c’est le siècle, c’est l’homme. […] Que me fait cet homme qui vient se placer entre l’humanité et moi ? […] Certes, la bonne critique doit faire aux grands hommes une large part.

193. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

Il s’agit de savoir quel rôle y jouent les grands hommes et quelle place doit leur être accordée. […] Un grand homme aurait-il une puissance semblable ? Pourrait-il traiter les autres hommes comme Jupiter traitait les autres dieux ? […] Il faut, par conséquent, se rendre compte des conditions auxquelles un homme est reconnu pour supérieur et comme sacré grand homme de son vivant. […] Non pas, certes, qu’il faille crier : A bas les grands hommes !

194. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 20, de quelques circonstances qu’il faut observer en traitant des sujets tragiques » pp. 147-156

Nous sçavons des détails sur les petitesses des grands hommes que nous avons vûs, ou que nos contemporains ont pû voir, qui rapprochent si bien ces grands hommes des hommes ordinaires, que nous ne sçaurions avoir pour eux la même veneration avec laquelle nous sommes en habitude de regarder les grands hommes de Rome et ceux de la Grece. […] Il n’est point d’homme qui soit admirable, s’il n’est vû d’une certaine distance. Dès qu’on peut voir les hommes d’assez près pour discerner leurs petites vanitez et leurs petites jalousies, comme pour demêler les inégalitez de leur esprit, l’admiration cesse. […] Quant à ceux qui veulent dire du mal, ils font bien quelquefois les hommes plus méchans que peut-être ils n’ont été, mais il est très-rare que ces historiens fassent les hommes plus petits. […] On ne doit traduire à son tribunal que des hommes coupables envers la societé de délits legers.

195. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

Le théisme des hommes éclairés, des âmes sensibles, est de la véritable philosophie, et c’est en considérant toutes les ressources que l’homme peut tirer de sa raison, qu’il faut compter cette idée, trop grande en elle-même, pour n’être pas d’un poids immense encore, malgré ses incertitudes. […] L’imagination est la plus indomptable des puissances morales de l’homme, ses désirs et ses incertitudes le tourmentent tour à tour. […] Lorsqu’un homme, après avoir commis de grands crimes, en éprouve un vrai remord, cette situation de l’âme est si violente qu’on ne peut la supporter qu’à l’aide d’idées surnaturelles. […] Ces réflexions ne suffisent pas pour encourager de semblables institutions, mais on voit que, sous toutes les formes, l’ennemi de l’homme c’est la passion, et qu’elle seule fait la grande difficulté de la destinée humaine. […] Cet homme cependant, qui manqua de la force nécessaire pour préserver son pouvoir, et fit douter de son courage, tant qu’il en eut besoin pour repousser ses ennemis ; cet homme, dont l’esprit naturellement incertain et timide, ne sut ni croire à ses propres idées, ni même adopter en entier celle d’un autre ; cet homme s’est montré tout à coup capable de la plus étonnante des résolutions, celle de souffrir et de mourir.

196. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

Ces étourdis d’hommes n’y avaient pas pensé ! […] L’homme n’est pipé que par les idées les plus simples. […] Il est à son affaire, et son affaire, c’est l’homme : la sagesse de l’homme, l’amour de l’homme, le droit de l’homme ! […] Louis-Auguste Martin est un homme de rare conséquence. […] Martin, pour dire que le Christianisme dépasse la puissance de l’homme !

197. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

— L’homme ainsi parle à l’homme et l’onde au flot sonore. […] L’homme éternel, voilà ce que l’homme comprend. […] L’homme que voilà qui passe, aurait mon âme ! […] Que d’hommes ressemblent à l’ortie ! […] Pertes d’hommes et d’âmes chemin faisant !

198. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Ce brillant homme de lettres était un pleutre. […] Les hommes aussi ? […] Dès lors les « le pauvre homme !  […] Et ne faire que cela est une abdication de l’homme comme père de famille, comme citoyen et comme homme. […] Ces hommes prennent ici leur revanche delà.

199. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Est-ce un grand homme de lettres ? […] Ce n’était point un homme de chant ; c’était un homme de chuchotement ingénieux et à voix basse, ou plutôt à peine était-ce un homme. […] Une épigramme est un coup d’épingle à une vie, à un ridicule ou à un homme. […] La postérité veut des hommes faits, des cœurs virils, des âmes fortes. […] On est homme de sens, homme d’esprit, homme de talent, homme de goût, le premier des critiques en action ; on contribue à faire les grands poètes, comme Boileau fit Racine, mais on est dépassé par ses disciples et on reste à jamais terre à terre, tandis qu’ils prennent leur vol vers la gloire avec les ailes que vous leur avez façonnées.

200. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

sans cet homme noir, je n’aurais pu t’aimer ? […] Je m’inscris en faux contre votre manière d’envisager les hommes de ma classe. […] Tant d’amertume, toutefois, ne saurait venir d’un esprit sain ni d’un homme bien portant. […] Je me suis toujours étonné qu’un homme qui avait tant de connaissance des hommes, eût pu épouser si chaudement une cause quelconque. […] Littré, des hommes de pensée, de labeur, de moralité pratique et de haute doctrine sociale comme M. 

201. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

De tous ces hommes multiples qui vécurent en moi, à un certain degré, homme de sentiment, homme de poésie, homme de tribune, homme d’action, rien n’existe plus de moi que l’homme littéraire. L’homme littéraire lui-même n’est pas heureux. […] … Il faut supposer une grande dose de puérilité, je l’avoue, à un homme qui a vécu âge d’homme et qui a vu ce que j’ai vu, pour croire qu’il tienne à cet écho du néant qu’on appelle la mémoire des hommes ! […] J’ai trouvé les hommes bons et le sort cruel ; voilà le vrai. […] L’homme n’y peut rien.

202. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Tel est l’homme en Vauvenargues, ou ce qu’il était ou ce qu’il voulait être. […] Un homme amolli me touche, s’il a l’esprit délicat ; la jeunesse et la beauté réjouissent mes sens, malgré l’étourderie et la vanité qui les suivent ; je supporte la sottise, en faveur du naturel et de la simplicité, etc. […] Les deux premiers n’ont que l’esprit de leur siècle, et les mœurs de leur patrie ; mais le génie de César est si flexible à toutes les mœurs, à tous les hommes, à tous les temps, qu’il l’emporte. […] Je suis fortement persuadé que ce qu’il y a de meilleur n’est pas fait pour tous les hommes, et qu’au-dessous de ce degré l’on en peut trouver d’estimables, d’aimables, de raisonnables. […] Gilbert pense que je suis resté beaucoup trop en deçà et que Vauvenargues eût été homme à aller presque jusqu’à Saint-Just.

203. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Nous ne sommes pas si hommes que cela, pas si enfants non plus ! […] Quand on frappe insolemment dans l’histoire les hommes comme Louis XIV, on ne les lue pas. […] Saint-Simon fut un de ces faux honnêtes hommes ; Pascal aussi. […] Il y avait enfin à prononcer sur l’homme devenu ministre le jugement définitif qu’un homme ayant en soi instinct de ministre, comme croyait l’avoir Saint-Simon, aurait du moins essayé de le prononcer ! […] mais que Louis XIV, ce grand connaisseur en hommes, avait remarqué et même employé.

204. (1900) La culture des idées

L’homme n’est pas libre, ni la nature, pas plus que ne sont justes ni l’homme ni la nature. […] Il est malaisé de comprendre l’écriture la plus sincère et l’auteur même de l’écriture y échoue souvent, parce que le sens des mots varie non seulement d’un homme à un autre homme, mais, des moments d’un homme aux autres moments du même homme. […] Enfin, elle invite l’homme. […] Tous les moyens lui sont bons, soit ; mais ce qui est utile à un homme sans nuire aux autres hommes n’est jamais mauvais. […] Un homme est un homme, un pays est un pays.

205. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Ces trois hommes se touchaient par le temps. […] Horace était un homme universel, un homme de bonne compagnie, un délicieux convive de cour. […] Cette triple liaison fit longtemps le bonheur de ces trois hommes. […] Belle mort pour un homme si aimant et si aimable. […] L’homme illustre, surtout l’homme aimé, laisse comme le cygne une plume de ses ailes et une harmonie de son chant suprême aux lieux où il s’est abattu.

206. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — III »

L’homme ainsi défini et restreint, la destinée de l’homme n’est plus que celle du moi et de l’esprit ; celle du corps, qui est distincte, ne saurait être comptée que comme embarras et obstacle ; du moment qu’il y a en nous quelque chose qui n’est pas nous, selon l’expression de M.  […] La force vitale et le moi, voilà donc la dualité de l’homme ; mais l’homme véritable gît tout entier dans le moi. […] Ils se réduisent à l’intelligence, comme si l’homme n’était que cela ; ils appellent conscience le sentiment que le principe intelligent a de lui-même, comme si c’était là tout le sentiment dans l’homme ; les phénomènes qui se passent hors de la portée de la conscience ainsi définie sont déclarés extérieurs au moi véritable, étrangers à l’homme réel. […] Mais l’homme étant tout entier dans l’âme, celle-ci doit gouverner en souveraine ; elle doit dans tous les cas douteux se sacrifier l’autre. […] Les lois orageuses, et toutes pleines de perturbation, du monde extérieur, ne se réfléchissaient qu’obscurément dans la pensée terne et stagnante de l’homme.

207. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Elle y fait tête d’homme, sous son turban, comme un Mameluk… C’est une espèce de grenadier bas-bleu des compagnies d’élite du Bas-Bleuisme littéraire. […] Et ils ont osé dire qu’elle était laide, parce que être laide, c’était être plus homme et qu’il fallait qu’elle fût homme par là encore ! […] Mme de Staël, l’hommasse Mme de Staël (on l’a profanée de ce mot) est restée pour la plupart, intellectuellement, un homme tout à fait, et presque un grand homme, — et l’un n’est pas plus vrai que l’autre. […] Quant aux facultés de domination absolue, de certitude et de sécurité qui distinguent l’homme de génie, elle n’en a pas une seule… et on peut le prouver. […] La fixité, le solide établissement de l’esprit dans une idée première, l’impersonnalité, la vigueur objective, la rigueur dans la déduction, toutes ces choses de l’homme, quand l’homme a du génie, Mme de Staël ne les connaît pas !

208. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Il montre à quoi se réduisent pour l’homme naturel et grossier, commandé par le besoin, par la faim de chaque jour, tous ces sentiments compliqués et souvent enchanteurs que l’homme civilisé prolonge et orne à plaisir de rêveries, de souvenirs ou d’espérances. […] Ne croyez-vous pas qu’il viendra un temps où les lumières seront répandues généralement, où tous les hommes seront instruits ?  […] Ainsi sur tous les points : voilà ce que le Kalender ou l’homme blasé oppose à Aladin, l’homme d’espérance et de désir ; voilà comment se répondent l’un à l’autre les deux âges de la vie. […] Les hommes sont-ils bons, sont-ils méchants ?  […] Cet homme à l’âne le devance : c’est l’image de son cousin Salem qui arrive à tout avant lui avec ses qualités compassées et son activité incessante.

209. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Le père de Rivarol, homme instruit, dit-on, et qui même aurait eu le goût d’écrire, manquait de fortune ; il eut seize enfants, dont Rivarol était l’aîné. […] que vous avez été bien inspiré de vous faire homme des champs ! […] Rendez-vous de la France et de l’Europe, Paris n’est la patrie de personne, et on ne peut que rire d’un homme qui se dit citoyen de Paris. […] Venant aux passions des hommes, Rivarol les analyse et les définit avec une précision colorée qui lui est propre. […] Rivarol n’était point un homme de génie, mais c’était plus qu’un homme d’esprit : il réalisait tout à fait l’idéal de l’homme de talent, tel qu’il l’a défini : « Le talent, c’est un art mêlé d’enthousiasme. » Il est dommage que ce talent, chez lui, fût un peu gâté par du faste et de l’apprêt.

210. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Des fables de cette sorte je vous donnerai les exemples suivants : l’Homme qui court après la fortune et l’Homme qui l’attend dans son lit. […] Etudier l’homme, toujours l’homme, ne pas sortir de l’étude de l’homme et de la peinture de l’homme tel qu’il est ; étant toujours permis, du reste, d’ajouter un peu d’imagination pour faire rayonner, en quelque sorte la vérité, pour donner le radium à la vérité. […] Il y a là cependant, chez cet homme qui était un homme d’esprit, ironique, sarcastique, il y a là une petite merveille d’intelligence poétique, et Dieu sait si je voudrais que tous nos écrivains célèbres eussent tous, pour commentateur, un homme comme Chamfort. […] Il est, avec Corneille, l’homme que le romantisme a épargné. […] Ce n’est pas aux hommes d’esprit qu’il appartient de traiter de La Fontaine.

211. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

Plusieurs de ses disciples devinrent de grands hommes ; et comme partout le succès fait le mérite, leur gloire ajouta à la sienne. […] À l’égard de son éloquence, si nous en jugeons par la célébrité, il fut du nombre des hommes qui honorèrent leur patrie et la Grèce. […] Faut-il penser qu’un grand homme connût l’envie ? […] Les trois vers sont d’un grand homme, les vingt pages sont d’un rhéteur. […] Il faut en vérité estimer bien peu l’art d’écrire et de parler aux hommes pour donner de pareilles leçons.

212. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

voit-on l’homme ? […] Mais où est cet homme à idées ? […] Dans tout homme, il y a deux hommes, quelquefois plus : or chacun des écrivains que je mets en présence a connu l’un de ces hommes et ignoré l’autre. […] Tout homme se trompe. […] Pour moi, l’homme est toujours séparé de son livre.

213. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Aucun homme ne pouvait, mieux que Voltaire, profiter de cette disposition des nobles de France ; car il se peut que lui-même il la partageât. […] Le temps en est passé : les Philippiques de Démosthène, au contraire, sont toujours contemporaines, parce qu’il parlait à l’homme, et que l’homme est resté. […] L’homme sans talent littéraire aurait trouvé ces expressions que nous admirons, si le malheur avait profondément agité son âme. […] Lorsque la pensée ne peut jamais conduire à l’amélioration du sort des hommes, elle devient, pour ainsi dire, une occupation efféminée ou pédantesque. […] Il trouvera des idées, des expressions que l’ambition du bien peut seule faire découvrir ; il sentira son génie battre dans son sein, il pourra s’écrier un jour avec transport, en relisant ce qu’il aura écrit, ce qu’il aura dit dans un tel moment, comme Voltaire en entendant déclamer ses vers : « Non, ce n’est pas moi qui ai fait cela. » Ce n’est pas, en effet, l’homme isolé, l’homme armé seulement de ses facultés individuelles, qui atteint de son propre essor à ces pensées d’éloquence dont l’irrésistible autorité dispose de tout notre être moral : c’est l’homme alors qu’il peut sauver l’innocence, c’est l’homme alors qu’il peut renverser le despotisme, c’est l’homme enfin lorsqu’il se consacre au bonheur de l’humanité : il se croit, il éprouve une inspiration surnaturelle.

214. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Les hommes pris sur place pèsent plus, sur cette place, qu’on ne pense. […] Cet homme est en histoire une simplification terrible. […] Cet homme, qu’on a transformé en victime, par prestige ou par pressentiment d’échafaud, eût été — mais voudra-t-on le voir ? […] Pour un homme de monarchie et d’entrailles (et Renée est l’un et l’autre), il est difficile, en effet, de parler de Louis XVI. […] Il y a l’homme d’esprit, il y a l’homme politique, l’homme politique sceptique quelquefois dans l’histoire où, excepté l’action du caractère et de la main, il y a tant de choses qui pourraient ne pas être et qui sont indifféremment là ou là ; mais, par-dessus ces divers hommes, il y a le peintre de plume, l’écrivain d’imagination et de style, l’anti-Genevois, l’anti-Sismondi !

215. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Il n’en est pas ainsi des hommes privés. […] Un galant homme, chez les Anglois, signifie un homme de courage : en France, il veut dire de plus, un homme à nobles procédés. Un homme galant est tout autre chose qu’un galant homme ; celui-ci tient plus de l’honnête homme, celui-là se rapproche plus du petit-maître, de l’homme à bonnes fortunes. […] C’est pourquoi on dit, un homme, un auteur, des maximes de poids, pour homme, auteur, maximes graves. […] Mais pourquoi faire dire à un homme ce qu’il n’a pas dit ?

216. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

L’homme particulier qui est en lui, sans diminuer son individualité ni effacer son caractère, rejoint aisément l’homme éternel. […] Comme un homme sans doute, mais surtout comme un chef barbare. […] Il l’est en effet, mais c’est aussi un homme en chair et en os, un homme très compliqué, très ondoyant et très divers, comme disait Montaigne. […] Un des traits de cette bonté est le sentiment profond du respect que l’homme doit à l’homme, sentiment que personne n’a eu au même degré que lui. […] l’étrange créature que l’homme ! 

217. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Après tout, l’homme est toujours son propre maître, et son propre esclave. […] Son tempérament le fait raisonnable ; il peut se passer de gendarme ; les chocs de l’homme contre l’homme n’aboutissent point ici à des explosions. […] Un pont se lève au moyen d’une machine, il pèse cent tonnes, et il ne faut qu’un homme pour le mouvoir. […] L’homme lui-même, esprit et corps, semble fait pour mettre à profit ces avantages. […] C’est un homme du siècle, souvent un homme du monde, souvent de bonne famille, ayant les intérêts, les habitudes, les libertés des autres, parfois une voiture, des gens, des mœurs élégantes, ordinairement instruit, qui a lu et qui lit encore.

218. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Quant au style, quant à l’écrivain et à l’homme, M.  […] Quand il parle des animaux, c’est toujours des animaux plus ou moins analogues à l’homme, des animaux vertébrés d’un ordre supérieur. […] Ce qui rompt l’équilibre dans l’homme, c’est son imagination qui corrompt le bien et qui, devançant le mal, le produit souvent. […] Il voudrait détourner l’homme des passions insensées qui forcent la nature et amènent après elles l’ennui et le dégoût. […] Un tel homme est sans doute l’être le plus heureux de la nature.

219. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Qu’est-ce que l’homme ? […] Le rire est la dernière des facultés de l’homme. […] Satan seul rit quand l’homme tombe. […] Tu es la perle des femmes, et Nala est le diadème des hommes ! […] Ton nom ne signifie-t-il pas celui qui enlève les douleurs aux hommes ?

220. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Incapacité des premiers hommes de s’élever aux idées générales, surtout en législation. […] Caractère farouche et religions sanguinaires des hommes de l’âge d’or. […] La sévérité du gouvernement de la famille prépara les hommes à obéir au gouvernement civil. […] Note sur l’incapacité de généraliser, qui caractérisait les premiers hommes. […] Les premiers hommes rapportaient aux cinq sens les fonctions externes de l’âme.

221. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

Aux yeux de l’homme passionné, les objets extérieurs ne représentent qu’une idée, parce qu’ils ne sont jugés que par un seul sentiment. […] Les années, avec tout ce qu’elles amènent avec elles, se succèdent tranquillement suivant l’intention de la nature, et l’homme participe au calme de l’ordre universel. […] Il faut de la solitude à ce genre d’occupation ; et s’il est vrai que la solitude est un moyen de jouissance pour le philosophe, c’est lui qui est l’homme heureux. […] Ce repos auquel la nature nous appelle, qui semble la destination immédiate de l’homme ; ce repos dont la jouissance paraît devoir précéder le besoin même de la société, et devenir plus nécessaire encore après qu’on a longtemps vécu au milieu d’elle ; ce repos est un tourment pour l’homme dominé par une grande passion. […] La solitude finit par effrayer l’homme malheureux, il croit à l’éternité de la douleur qu’il éprouve.

222. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Par une vertu particulière de la race slave, ou par un penchant de l’écrivain, les hommes de Tolstoï sont naturellement bons, portés d’un premier mouvement affectueux vers leurs semblables, disposés d’instinct à la confiance, à la compassion, aptes à sentir, en dépit des hiérarchies et des préjugés sociaux, les penchants secrets de fraternité qui forcent finalement les hommes à agir humainement l’un à l’égard de l’autre. […] L’homme le plus près d’accomplir cet acte d’adhésion à tout le réel, qui est le principe de tout grand poète et de tout grand penseur, est aujourd’hui le plus loin de cette soumission : il n’a souci que de réformer l’homme et la société, mettant en balance nos innombrables siècles de souffrances, de leçons, de règles lentement acquises, chimériques inspirations dont s’est consolée son âme inquiète. […] C’est sans joie, sans le cri de l’enfantement que jaillit son livre, mais lentement et lourdement produit avec la tristesse déçue d’un homme qui aperçoit l’inanité de tout ce que ses fibres le portent à aimer. […] Pour tout homme réfléchi, la pensée de sa propre mort et de celle de ses proches est la suprême épreuve du système de croyances sur lequel il a construit sa vie. […] Encore une fois, et pour un des grands hommes de ce temps, la sensibilité, cette forme primaire de la relation entre les choses et nous, l’avait emporté sur la forme seconde de la connaissance, l’intelligence, et en avait suspendu l’exercice.

223. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Théobald était un pauvre homme, et M.  […] Il y a deux manières de faire rire des défauts des hommes. […] J’aime mieux agrandir l’homme devant l’homme, que de le rapetisser à ses yeux. […] C’était le seul homme de la troupe. […] Est-ce pour les hommes qui n’y pensent pas ?

224. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Le rôle public appartient essentiellement à l’homme ; le rôle domestique, à la femme. […] Dans la vie commune, l’homme est l’être public, la femme est l’être domestique. […] Les hommes sentent ces périls d’instinct. […] Cet homme était l’abbé Raynal. […] Un livre était un homme, une nation, un siècle, une postérité.

225. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Et, d’autre part, l’homme qui, avec Molière, a eu le moins le sentiment religieux à travers tout le dix-septième siècle, cet homme a songé, à un moment donné, à la prêtrise et est entré à l’Oratoire. […] Voilà qui fait compensation à un autre homme célèbre — d’une autre façon — de l’époque. […] Le bonheur enivre les hommes, il n’a pas eu d’autre tort à se reprocher. […] Faisons donc la biographie des hommes illustres. […] Cela est nécessaire pour connaître le départ qu’il convient de faire entre l’admiration qu’on doit à l’homme de génie, et l’estime quelquefois un peu flottante que l’on doit à l’homme lui-même.

226. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

la gloire d’un homme comme Saint-Bonnet n’est point une gloire à l’heure. […] « Toute la création — dit Saint-Bonnet — est dans l’homme, l’homme dans la liberté, la liberté dans la loi, la loi dans l’infaillibilité. […] C’est là, tout le problème de l’homme. […] « Le mérite est l’apport de l’homme dans sa création », dit Saint-Bonnet. […] Sans ce mal de la vie ici-bas, qui est toute la vie, l’homme n’agirait pas : « La liberté, ce pouvoir d’être cause, — dit, avec sa profondeur perpétuelle, Saint-Bonnet, — cette faculté du mérite, exige que l’homme se refasse lui-même.

227. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Tels furent les premiers hommes. […] Peu à peu tous les phénomènes de la nature, tous les rapports de la nature à l’homme, ou des hommes entre eux devinrent autant de divinités. […] Les anciens Romains disaient un Tarentin pour un homme parfumé. […] Il faut bien qu’il y ait là une sagesse au-dessus de l’homme.... […] Depuis que j’ai fait mon grand ouvrage, je sens que j’ai revêtu un nouvel homme.

228. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Quel homme ! […] Le pauvre homme ! […] Le pauvre homme ! […] un homme… un homme enfin ! […] le misérable homme !

229. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

Seulement, le dégoût n’en fit pas un homme. […] Il adorait sa petite femme, il pourléchait son enfant, et il vota la mort de Louis XVI ; et, tout homme d’esprit qu’il fût dans un temps où il n’y avait plus d’hommes d’esprit en France, il ne se contenta pas de voter cette mort, mais il écrivit ces mots d’imbécile : « Louis XVI avait les instincts du tigre ». […] pour un homme, que cette seule virilité des lettres, quand elle n’est pas doublée de la virilité humaine ! […] Dans un temps où un si grand nombre de femmes devinrent des hommes sous la foudre des sentiments publics, ce garçon d’entre les cris et les larmes, d’entre les enthousiasmes et les terreurs, fut certainement bien moins un homme que Théroigne de Méricourt, par exemple, ou telle autre chevaucheuse de canon sur la route de Versailles. […] L’homme, avec sa conscience droite et ferme, n’a jamais habité en cette pâle forme agitée qui, en répandant de l’encre éloquente, s’est trouvée répandre du sang.

230. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Selon moi, il a extrêmement simplifié sa tâche, dans son Introduction, en ne prenant chez Benjamin Constant que l’homme public, et en n’envisageant dans cet homme public que les doctrines et les théories64. […] Le savant éditeur et commentateur a trouvé moyen de nous rendre la plupart des écrits et de ne pas nous montrer l’homme. […] Ne me confiez rien ; agissez sans moi et contre moi-même. » Voilà parler en homme qui se connaît et qui se juge. […] Aucun, parmi les hommes célèbres de l’Opposition d’alors, ne donnait plus l’idée d’un personnage usé. […] Tel il était en réalité, tel il paraissait alors aux hommes de notre génération.

231. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Ne sauras-tu donc pas te mettre à la raison, Servius, et te souvenir que tu es né homme ! […] Il y a à faire aussi celle de l’esprit de l’homme et de sa nature. […] À l’époque du Concordat, Volney sentit le vieil homme, l’homme des Ruines, se soulever en lui, et il le laissa voir avec aigreur. […] Ces détails, s’ajoutant au reste, peignent l’homme. […] J’ai un peu été de cette étoffe, jadis ; j’étais un homme précis : j’en suis bien revenu.

232. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

L’homme est double, il est lui, il est les autres. […] Ainsi font les hommes. […] Et même il l’a sans doute toujours été, il est naturel à l’homme. […] Puisque nous sommes des hommes, puisque nous ne pouvons pas ne pas vouloir en être, nous « devons » agir comme il convient à des hommes, et tous les devoirs généraux des hommes nous sont par là même imposés. […] Un ordre émané d’un homme en tant qu’homme le heurte et lui est suspect.

233. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Maine de Biran répond au livre des Rapports du physique et du moral en distinguant deux vies, deux âmes, deux hommes, la vie, l’âme propres à l’homme animal, et la vie, l’âme propres à l’homme vraiment humain, dont l’attribut est la volonté. […] On ne pouvait expérimenter sur l’homme, parce que la conscience humaine, dont la loi écrite n’est que l’expression, ne permet pas de faire de l’homme, même criminel et condamné à mort, un sujet d’expérience. […] Vulpian, il n’y a entre l’homme et les animaux supérieurs que des différences de degré. […] Littré sait pourtant gré à l’homme de sa laborieuse destinée, oubliant que ce labeur dont l’homme souffre n’est que le travail forcé d’une machine qui serait douée de sensibilité. […] Que l’homme essentiellement passionné suive sa voie ; que l’homme essentiellement raisonnable suive la sienne ; que l’homme, chez lequel la raison et la passion se disputent l’empire, flotte entre les deux voies sans s’engager résolument dans aucune : qu’y a-t-il à cela de contradictoire à la notion de liberté ?

234. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Quand cinq millions d’hommes se convertissent, c’est que cinq millions d’hommes ont envie de se convertir. […] Croyez-vous que, l’homme brûlé ou enfermé, tout soit fini ? […] Peu d’hommes, par leur vie et leur parole, ont mieux que celui-ci mérité des hommes. […] Nous prenons un homme compassé pour un homme religieux. […] D’Homère à Constantin, la cité antique est une association d’hommes libres qui a pour but la conquête et l’exploitation d’autres hommes libres.

235. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Michelet qui est amusant, intellectuellement, n’a rien d’un homme. […] Les Mémoires de l’homme ont un langage, mais l’Histoire générale en a un autre. […] c’est assurément là de la grandeur et de la gloire pour plus d’un homme ; mais il y a deux hommes pourtant qui ne se contentent pas à un tel prix, c’est M.  […] Pourquoi les femmes, quand on ne croit pas même aux hommes de la Révolution ? […] Cet homme peut-il foncer d’une nuance de plus cette pensée extrême ?

236. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

L’Homme de guerre méconnoît les rapports qui lient aux autres hommes ; il plongera, si l’on veut, l’épée dans le sein du Citoyen, de son frere, de son ami ; en un mot, l’Homme de guerre, de même que le Dévot fanatique, ne se croit pas fait pour penser. […] Que d’Ouvrages ils ont enfantés pour prouver à l’Homme que l’Homme n’est qu’une machine, qu’il n’est point libre, qu’il n’a aucun mérite d’être vertueux ! […] il vaut mieux mourir, que de servir de trophée à des hommes stupéfiés d’orgueil & pétris de vices. […] quel homme ! […] Ce n’est pas être méchant, c’est être bon, ajoute l’Homme de bien, que de ne pas savoir pardonner à ceux qui font du mal aux hommes.

237. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Ils disent tous : Il voit autrement, donc c’est un homme dangereux, etc. […] Les hommes veulent, souffrent qu’on leur plaise ; ils ne souffrent pas qu’on les instruise. […] Les hommes, je le répète, ne croient ni à la probité ni à la bonté morale. […] Car, pour lui, homme d’unité, une idée morcelée perdait tout son prix : Tout ou rien ! […] Le premier de ses chapitres sur l’homme est d’un idéaliste.

238. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

D’abord il s’élève du milieu des peuples, un homme tel qu’Auguste, qui y établit la monarchie. […] Ne devons-nous pas y reconnaître le conseil d’une sagesse supérieure à celle de l’homme ? […] Sans doute les hommes ont fait eux-mêmes le monde social, c’est le principe incontestable de la science nouvelle ; mais ce monde n’en est pas moins sorti d’une intelligence qui souvent s’écarte des fins particulières que les hommes s’étaient proposées, qui leur est quelquefois contraire et toujours supérieure. […] ce fut sans doute l’esprit, puisque les hommes le firent avec intelligence. […] et Polybe, s’il est vrai, comme il l’a dit, qu’on n’aura plus besoin de religion, quand les hommes seront philosophes.

239. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Mais l’homme sait qu’il mourra. […] Elles commencent l’acte que l’homme ne peut pas achever. […] Considérons, en effet, un animal autre que l’homme. […] Le traite-t-il comme un homme ? […] Le panthéon existe indépendamment de l’homme, mais il dépend de l’homme d’y faire entrer un dieu, et de lui conférer ainsi l’existence.

240. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Cet homme-là, né français, serait le plus heureux des hommes. […] Fréquentez les hommes d’église. […] Dans les deux conceptions il y a bien l’homme de la nature et l’homme modifié ; l’homme de la nature et l’homme qui lutte victorieusement contre sa nature. […] L’homme artificiel, c’est l’homme moral. […] Cet homme-là, c’est l’homme que veulent les partisans du monopole de l’enseignement ; c’est pour eux l’homme de l’avenir.

241. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

À toutes les époques il y a eu des traités destinés à former l’Honnête Homme, l’Homme comme il faut, le Courtisan quand on ne vivait que pour les cours, le Cavalier accompli. […] En y regardant bien toutefois, si le livre a été écrit par un homme sensé et qui ait connu l’homme véritable, on trouvera encore à profiter dans l’étude de ces modèles qui ont été proposés aux générations précédentes. […] Stanhope, sans être un modèle de grâce, avait tout l’air, en réalité, d’un homme bien élevé, poli et convenable. […] Il a pour principe « qu’un arrangement honnête sied bien à un galant homme ». […] Presque tous les hommes sont nés avec toutes les passions à un certain degré ; mais il n’y a presque point d’homme qui n’en ait une dominante, à laquelle les autres sont subordonnées.

242. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Necker, et ce en quoi il parut qu’il n’était qu’un homme d’infiniment d’esprit, non un véritable grand ministre. […] Il croyait remplir ces trois conditions parfaitement, et avoir observé l’homme dans toutes les perspectives. […] Franchement est un mot souvent employé par une personne dissimulée, sans façon par un homme exigeant. […] Les hommes qui se querellent sans cesse sont des infortunés estimables. […] Necker assez diversifié : je n’ai pas encore achevé de faire le tour de l’homme, pour parler son langage.

243. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

C’est un homme en traduction perpétuelle, plus ou moins exacte, il est vrai. […] Elle lui a dû l’inspiration de ses plus grands hommes : Frédéric, Goethe, Lessing, Kant, Hegel. […] Heureuse chance déjà, car la douleur apprend aux hommes bien autre chose que la pitié. […] Une modération mal calculée n’énerva-t-elle jamais les décisions de l’homme d’État dans Innocent ? […] Malheureusement, il ne sert pas beaucoup devant les hommes de mourir en se repentant de sa faute.

244. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

L’homme intelligent et fin qui le dirige s’y est résigné. […] Tous trois sont hommes d’esprit ; M.  […] Wolff patronne les grands hommes et les tutoie ; il est lui-même un homme illustre. […] Cet homme d’esprit n’a jamais été spirituel, du moins à ma connaissance. […] Après le critique, voulez-vous l’homme ?

245. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

Cependant, bien loin d’affliger les admirateurs d’un homme qu’on appelle un grand homme, — que dis-je ! le plus grand homme de l’Allemagne moderne, — que dis-je encore ! […] Mais j’admettais très largement qu’il avait de hautes facultés critiques et qu’il savait pénétrer profondément dans la pensée, la vie et les hommes. […] Or, il est certain que si elles sont vagues, pédantesques et vulgaires (le triple caractère du livre d’Eckermann), la faute n’en est à aucune distraction du grand homme, qui se permet çà et là d’être homme. […] C’est précisément l’homme qu’il faut a la nation ! 

246. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

Poitou avec la fidélité aveugle d’un homme qui n’a pas une idée à soi. […] Après cette vue d’ensemble sur l’homme et son œuvre, M.  […] Au crible du Temps, les hommes sont rares ; ceux qui peuvent s’imposer comme tels. […] Il frappe, comme il peut, ses quatorze coups sur le talent et sur l’homme ! […] Eugène Poitou manque du mordant qui fait rester la tache sur un homme.

247. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

… Comme si pécher n’était point de l’homme, et même de l’homme juste ! […] Mais comment l’homme a-t-il inventé la parole ? […] quel homme ! […] … En vérité, pour faire un homme, il faut être père ou plus qu’homme soi-même. […] Homme, ne déshonore point l’homme.

248. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Il est curieux, quand on a connu l’homme de cour par les écrivains et par les peintres, de connaître par Saint-Simon le véritable homme de cour. […] C’est un homme que je ne vois point. » Le premier favori, l’homme habile, le grand courtisan est le duc de la Rochefoucauld : suivez son exemple. […] Cela est dur, l’homme est grossier. […] Il était trop passionné pour être homme d’action. […] Quand un homme nous donne des sensations, nous ne le quittons plus.

249. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Que fait donc l’homme ? […] que parles-tu d’hommes ? […] Évidemment, c’est l’homme. […] Il n’y a pas d’autre différence de l’homme à l’homme. […] Un grand homme est également éloigné de l’original et de l’homme ordinaire.

250. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Cet homme était le général Bernadotte, depuis roi de Suède, qui caressait alors les restes du parti jacobin. […] Comment, après cette horrible action, un seul roi de l’Europe a-t-il pu se lier avec un tel homme ? […] un amusement libéral qui ne conviendrait qu’aux paisibles loisirs des hommes privés. […] Femme, elle fut plus homme que les hommes : de trop illustres exemples pouvaient excuser sa faiblesse. […] Si on la compare à ces hommes, madame de Staël paraît seule plus grande que le sort.

251. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Quand nous étions jeunes et que nous entendions ceux qu’on appelait alors les hommes de l’Ancien Régime raisonner de politique, que disaient-ils ? […] Ainsi de tout temps pour l’homme de pouvoir : il n’est jamais seul. […] Je connais des hommes d’une nature sociale heureuse et d’un bon sens bien tempéré qui ont peut-être retrouvé leur philosophie dès le soir même. […] Croiriez-vous cependant que cet homme disgracié trouve encore des amis, et que le meilleur de ces amis soit un homme de lettres ? […] Ayez meilleure opinion de l’homme et de vous-même.

252. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Un homme que l’on pouvait croire redevenu obscur à force de temps et d’oubli, un homme retiré de toute scène par sa modestie, et retiré presque de la vie par sa vieillesse ; un homme caché sous les toits, dans une maison muette d’une rue éloignée du cœur de la ville ; un homme qui n’affectait pas, comme Diogène ou comme J. […] Cet homme si laid est le plus beau des hommes !  […] Entre nous, c’était l’homme qui aimait l’homme ; le poète était réservé. […] C’est un homme possédé et souvent égaré par l’enthousiasme. […] Mais alors il n’était encore qu’un homme de parti.

253. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Enfin de nuance en nuance, il se trouve avoir fait le portrait d’un homme content, au lieu du portrait d’un homme affligé. […] Ceux-là sont du bon homme ; ceux-ci de l’homme d’esprit. […] Le bon homme & le grand homme ont cela de commun, qu’ils ne peuvent se resoudre à l’être. […] D’abord un seul homme à la tête de vingt milie hommes déterminés & dociles, intrépides & soumis, a étonné la multitude. […] L’histoire ancienne est celle des hommes, l’histoire moderne est celle de deux ou trois hommes : un roi, un ministre, un général.

254. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Autrement dit, à mérite égal, les hommes mûrs ont plus de sagesse que les jeunes gens. […] Une telle théorie insulte à la fois l’homme et Dieu. […] Le génie de l’homme d’État manquait, selon mes idées politiques, à cette parole. […] Jamais scandale aussi humiliant pour le caractère des hommes d’État ne fut donné au monde politique. […] Un mot surtout me frappa par la signification de l’homme qui le prononça, et par le geste, l’accent et le regard d’intelligence avec lesquels cet homme d’État affirma sa résolution et sa fureur.

255. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Or, on sait l’importance de la femme dans les œuvres des hommes de génie. […] Porchat, s’était légèrement senti matagrabolisé, le pauvre homme ! […] L’abîme lui a fait peur, à cet homme de surface. […] D’un autre côté, pas un portrait non plus qui fasse voir un homme, et quels hommes Gœthe n’a-t-il pas connus ? […] Un homme passionné remonterait… Gœthe ne remonte pas.

256. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Quels hommes étaient-ils ? […] Tant qu’il est un homme, sa chair s’interpose entre les autres hommes et lui. […] Les hommes ne trouvent pas cet homme-là assez leur semblable. […] La haute tête d’un grand homme est une clarté. […] Le monument provoque à connaître l’homme.

257. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

comment l’homme aurait-il le droit de préférer le faux au vrai ? […] Lorsque les autres hommes ne sont pas de notre avis, que leur répondons-nous d’ordinaire ? […] On affirme tous les jours que les hommes s’éclairent par l’expérience. […] Chaque homme, dit-on, aura donc le droit de décider ce qui est bien et ce qui est mal ? […] A mesure que les hommes se serviront plus de leur raison, ils s’en serviront mieux.

258. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Il semble que l’homme de guerre, le politique, l’homme de finances soient plus inattaquables que le philosophe ou le poète. […] Le pauvre homme ! […] Les vrais personnages historiques du temps sont des écrivains, des philosophes, des hommes d’esprit ou de génie. […] Si de tels hommes ont été frappés d’incapacité, est-ce leur faute ? […]  Aucuns, voyants la place du gouvernement politique saisie par des hommes incapables, s’en sont reculés.

259. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

L’homme pousse un cri affreux. […] Que faisait-il donc au fond de sa voiture, cet homme pendant qu’on massacrait un homme ? […] Qui est-ce qui sait que vous tuez un homme là ? […] Cet homme ignore. […] L’âme de cet homme, y songez-vous ?

260. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Dans l’ordre naturel, nul homme n’est le maître d’un autre homme, quelque supériorité qu’il ait sur lui. […] La raison et l’expérience nous disent que les hommes sont à la fois égaux et inégaux. […] La démocratie met donc l’homme dans l’état où il doit être ; mais c’est à lui d’être ce qu’il doit être. […] Il reste donc toujours à examiner comment les choses se passent, et ce qui advient des principes abstraits, lorsqu’ils sont réalisés par les hommes et parmi les hommes. […] Homme des anciennes races, il se mêlait de trouver à redire à l’idole du siècle.

261. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Lorsque vous verrez un homme, ou comme Bossuet, ou comme Voltaire, lorsque vous verrez un homme multiplier les écrits, multiplier les travaux, multiplier les ouvrages, soyez sûrs que c’est parce que chacun de ses ouvrages est un acte et parce que lui est avant tout un homme d’action. […] Or, je dis que cet homme n’est pas aussi éloigné de la morale qu’il le croit. […] Il y a des hommes qui sont ainsi. […] Mais le véritable plaidoyer pour les animaux opprimés par l’homme, pour les animaux souffrant de la domination souvent rigoureuse, quelquefois injuste, de l’homme, ce plaidoyer, c’est la fable intitulée, la merveilleuse fable intitulée : l’Homme et la Couleuvre. […] Lecture, ici, de l’Homme et la Couleuvre en entier.

262. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

L’homme lui-même disparaît ; la brute le reprend. […] Cet homme qui devait tout à Napoléon, même sa gloire, et sur lequel Napoléon s’appuyait avec cette confiance des grands hommes, plus grands encore quand ils sont aveugles que quand ils y voient clair, ce Marmont enfin qui se rompit comme un roseau et perça la main de son maître, n’est point ce qu’on peut appeler brutalement un traître. […] Cette boue d’une défection sur les pieds d’un homme les scelle d’un poids impossible à lever, et toutes les souplesses du sophisme ne les arracheraient pas à cette glu d’ignominie. […] Il n’a invoqué à la décharge de Marmont ni la collision des devoirs, ni le coup d’œil de l’homme politique éclairant l’homme de guerre, ni le salut du pays, ni l’économie des quelques gouttes d’un sang précieux, versé inutilement sur une terre qui en avait déjà tant bu. […] Les entrailles de l’homme qui sait la vie et qui compatit à ses misères, les entrailles de l’homme y sont et y saignent, mais, grâce à Dieu !

263. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

C’est un des hommes qui a été le plus loué, et de son vivant et après sa mort. […] Son grand mérite fut l’art de négocier ; il y porta toute la finesse italienne avec la sagacité d’un homme qui, pour s’élever, a eu besoin de connaître les hommes, et a appris à les manier, en les faisant servir d’instruments à sa fortune. […] À la tête de sa tragédie de Pompée, il loue ce cardinal comme on loue un homme qui peut tout. Il lui apprend qu’il est le plus grand homme de Rome moderne, et il l’appelle très sérieusement l’ homme au-dessus de l’homme . […] D’ailleurs, Corneille dans son cabinet connaissait plus les places que les hommes.

264. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Car on marque encore la même estime à l’homme qu’il était, à l’homme qu’il n’est plus ; ce n’est donc plus à lui que la société s’adresse : elle parle à un autre. […] Il reprendrait avec les autres hommes sa collaboration. […] D’où vient que les hommes qui en ont donné l’exemple ont trouvé d’autres hommes pour les suivre ? […] Entre l’immobilité de l’homme assis, et le mouvement du même homme qui court, il y a son redressement, l’attitude qu’il prend quand il se lève. […] Au respect de soi que professe tout homme en tant qu’homme se joint alors un respect additionnel, celui du moi qui est simplement homme pour un moi éminent entre les hommes ; tous les membres du groupe « se tiennent » et s’imposent ainsi une « tenue » ; on voit naître un « sentiment de l’honneur » qui ne fait qu’un avec l’esprit de corps.

265. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Et, si on va au fond des choses, l’homme n’est pas seul à résister de la sorte. […] Cet homme essayera de ne pas nuire, de ne pas accomplir des actes qui lui répugnent. […] Toute œuvre d’art, si elle touche par un bout à l’homme qui l’a créée, touche par l’autre au groupe d’hommes qu’elle émeut. […] Cet homme intérieur, parfois extrêmement différent de l’homme social, on ne peut le connaître que par ses actes libres, ses actes non intéressés, par le choix de ses plaisirs, par le jeu de ses facultés inutiles. […] Précisons que la formule « homme intérieur » se trouve chez Taine, pour désigner l’objet même de la science psychologique : « il y a un homme intérieur caché sous l’homme extérieur et le second ne fait que manifester le premier » (Histoire de la littérature anglaise, Hachette, 1863, p. 

266. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

Qui a le cœur d’absoudre un homme coupable ou de vanter un homme funeste, prend sur soi la moitié du mal qu’il a commis et l’applique à froid sur sa conscience. […] Voilà pour la moralité de l’homme ! […] Un homme seul, quelle que soit sa force, ne déracine pas d’un seul coup le mal fait par plusieurs générations. […] Dans sa haletante existence l’homme est, ce semble, encore plus pressé de conclure que de savoir. La loi que la critique, qui veut conclure, selon l’instinct naturel à l’homme, doit appliquer aux historiens, est la même que les historiens appliquent aux hommes historiques, et cette loi, c’est le résultat !

267. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Un homme à qui il avait servi de protecteur et de père, vendit son sang ; un homme à qui il avait sauvé la vie, fut son assassin. […] Pendant sa vie, il s’attacha moins sans doute à louer les grands hommes qu’à les imiter ; cependant il célébra presque tous les hommes fameux de son siècle, à commencer par lui. […] Il est très probable qu’entre les deux éloges, il y avait la même différence qu’entre les deux hommes. […] Elles respirent d’un bout à l’autre les sentiments d’un vieillard généreux et d’un grand homme. […] Pardonnons-lui pourtant, et surtout après son exil : songeons qu’il eut sans cesse à combattre la jalousie et la haine ; un grand homme persécuté a des droits que n’a pas le reste des hommes.

268. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Par les hommes puissants la cité périt. […] L’homme de courage met en deuil le peuple par sa mort ; et, vivant, il est l’égal des demi-dieux. […] Voilà l’homme puissant à la guerre ! […] Pour un homme ainsi banni nul souci de lui-même, nulle pudeur sur son nom dans l’avenir. […] C’est opprobre de frapper par derrière l’homme qui fuit dans le combat.

269. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Dans ce cas le peuple est libre, mais l’homme ne l’est pas. […] Volonté d’un homme commandant à des millions d’hommes selon son jugement, sa réflexion ou son caprice […] C’est le privilège de l’homme considéré en tant qu’homme et non en tant que rouage de l’Etat. A le bien prendre, tout homme qui a un droit de l’homme et qui l’exerce est un Etat dans l’Etat, tout comme un corps privilégié. […] Quel homme n’est pas convaincu de cette vérité ?

270. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

« La vie morale même d’un homme dépend du sort, etc. […] « Me croirai-je pour tout cela le plus malheureux des hommes ? […] « En plus d’un sens la destinée fait les hommes. […] Ainsi, quand on dit que c’est dans l’adversité qu’on connaît les hommes, c’est une sentence trop vague. […] Il est rare, je le répète, qu’un homme puisse être bien jugé même par ce qu’il fait.

271. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

C’est la puissance de l’inconnu, c’est l’attrait de l’énigme pour les hommes, qui aiment à deviner. […] Ces hommes sont les adulateurs et non les auxiliaires de la Providence. […] Moscou anéantissait huit cent mille hommes pour conquérir un monceau de cendres. […] C’était l’œuvre des orateurs et des tribuns, des hommes de caractère et de paroles. […] Que la Providence nous assiste ; en tout temps, voyez-vous, les choses se personnifient dans un homme ; et cet homme n’est plus un homme : il devient une puissance divine de destruction ou de conservation pour tout un monde.

272. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Les hommes de goût diront oui, les hommes de bon sens répondent non. […] D’autres veulent qu’on distingue entre l’homme et un homme, et qu’on peigne non pas un homme, mais l’homme. […] Par suite de quoi, un homme très exactement imité par la peinture n’est en résumé que le cadavre d’un homme. […] Que d’hommes savent chanter comme font les poètes ! […] Est-ce que la poésie française a produit un homme ?

273. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

« Comment le malheur agit-il sur les hommes ? […] Il faut se ressouvenir que partout on honore l’habit et non l’homme. […] Travailler, répondent ceux qui n’entendent rien au cœur de l’homme. […] Il visita à loisir les choses et les hommes du midi de la France. […] Il était homme d’honneur, de talent et de vertu, mais non homme de lutte.

274. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

De quel homme assez sur ses gardes ne se moque-t-elle donc pas ? […] Que reste-t-il des hommes et des siècles évanouis ? […] C’est toujours l’esprit de l’homme qui donne le prix aux choses, et l’esprit de l’homme est sujet à de profondes modifications périodiques. […] Le grand homme est, dans sa pensée, l’homme que Dieu a fait pour agir sur les autres hommes, pour les dominer et les diriger. […] Ce qui fait les grands hommes, mon ami ?

275. (1890) L’avenir de la science « I »

Qui sait si un jour la vue du bien général de l’humanité, pour laquelle on construit, ne viendra pas adoucir et sanctifier les sueurs de l’homme ? […] Envisagé comme homme, un Newton, un Cuvier, un Heyne, rend un moins beau son qu’un sage antique, un Solon ou un Pythagore par exemple. La fin de l’homme n’est pas de savoir, de sentir, d’imaginer, mais d’être parfait, c’est-à-dire d’être homme dans toute l’acception du mot ; c’est d’offrir dans un type individuel le tableau abrégé de l’humanité complète et de montrer réunies dans une puissante unité toutes les faces de la vie que l’humanité a esquissées dans des temps et des lieux divers. […] Il sera à tout jamais impossible que le même homme sache manier avec la même habileté le pinceau du peintre, l’instrument du musicien, l’appareil du chimiste. […] Le philosophe et l’homme religieux peuvent seuls à tous les instants se reposer pleinement, saisir et embrasser le moment qui passe, sans rien remettre à l’avenir.

276. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

Il ne sera qu’un heureux hasard, un homme de génie tombé dans la diplomatie, comme il pouvait très bien tomber ailleurs ! De cela seul qu’il est un diplomate, par exemple, il ne s’ensuit nullement qu’il soit un homme d’État. […] même un sot, dans un poste diplomatique, peut l’emporter, au point de vue du succès, sur un homme supérieur. […] … Les hommes d’État à grande politique sont encore moins nombreux que les diplomates chargés d’en faire accepter ou d’en imposer les décisions. […] Écœurant travail, qui dure souvent des années… Des hommes à idées et à convictions fortes, des hommes comme Donoso Cortès et Raczynski, ces nobles forçats du devoir monarchique, ont traîné pendant dix ans ce boulet creux de la diplomatie, plus cruel par son vide que par sa pesanteur, et qui fit saigner leur courage.

277. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

C’est aux idées que je m’attaque, non aux hommes. […] La puissance fatale qui conduit l’homme et opprime sa volonté, elle n’est pas au ciel, elle est dans l’homme même. […] La loi n’a jamais fait un grand homme. […] … Le vin et l’homme, poison ! […] Les hommes sont inconséquents : l’homme est profondément logique.

278. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

S’il porte envie aux hommes de guerre, il va de ce côté ; si c’est aux hommes d’argent, il va de cet autre. […] Cela est dur, l’homme est grossier. […] Des hommes libres vendaient leurs enfants. […] Les coutumes qu’il expose et qu’il admire en grand seigneur, en homme de cœur et en homme de parti, sont des héritages. […] Braves, spirituels, prodigues, hommes de tournois, hommes d’avant-garde, hommes de salons, qu’importe ?

279. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Pauvre homme ! […] L’homme qui rit est plus féroce que le tigre qui dévore […] Cet homme si faible, qu’il en est lâche ! […] Cet homme volé, c’est lui ! […] L’amour d’un homme pour une femme n’a jamais été plus loin.

280. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

À quoi bon discuter avec un tel homme ? […] Que dire à un tel homme qui, d’ailleurs, est de très bonne foi ? […] Qui même a jamais osé concevoir la folle espérance d’égaler ces grands hommes ? […] Ils y ont porté de la raison, et voilà le grand chagrin des hommes de lettres. […] Voilà une haute leçon ; la nation a des torts ; le grand homme aussi a les siens.

281. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

— Voilà un nom de vrai grand homme ! […] L’écrivain écrit, l’homme sent et pense. […] Il n’avait rien d’un homme de ce siècle. […] Il faut se défier des hommes de conscience. […] Il grossissait l’homme au lieu de le grandir.

282. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Défions-nous des hommes d’esprit qui entendent malice à la nature ! […] Tout hommage à un homme, qui n’est pas une insulte à un autre, ne réussit pas parmi nous. […] L’homme est homme, il pardonne, mais il n’oublie pas. […] À ses premières publications, les hommes s’aperçurent qu’il n’était pas comme les autres hommes. […] Tel fut l’homme, plus acteur que citoyen.

283. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Le propre de l’âme de l’homme, tant elle a conservé de royales marques de sa hauteur première, est de ne vivre que d’admiration, « et ce besoin d’admiration dans l’homme suppose au-dessus de nous une source inépuisable de cette même admiration qui est notre aliment de première nécessité ». […] Il tend à refaire, avec les hommes, des dieux. Selon lui, il ne tiendra qu’à chaque homme restauré de redevenir un roi-mage faisant miracle tout le long du jour. […] Il a pour lui un grand attrait et un grand faible : En lisant Rousseau, dit-il, et voyant que c’est un homme qui dit si bien, on est tenté de penser que c’est un homme qui ne peut que dire vrai. […] Or, cette maladie est le spleen de l’homme.

284. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

On sent que cet homme sans mollets souffre beaucoup de son indigence de plastique. […] Étonnement profond pour ceux qui ont connu l’homme ! […] Le ridicule de l’homme pouvait au moins nous sauver de l’ennui du livre. […] Comme homme, Mérimée était trop ce qu’il était comme écrivain pour avoir jamais eu un sentiment profond et passionné dans l’âme. […] C’est un outrage peut-être… Que doivent être, en effet, les saints, pour l’homme qui a écrit froidement cette monstrueuse brochure H. 

285. (1903) Zola pp. 3-31

Cela se ramène à ceci : un romancier qui a pour premier soin de ne pas étudier l’homme. […] Édouard Ruel disait bien finement : « Mérimée dessine les hommes comme des marionnettes ; moins pour nous faire croire que ces marionnettes sont des hommes, que pour nous faire sentir que les hommes sont des marionnettes. » Les marionnettes de Zola sont des marionnettes colossales, mais comme marionnettes, elles ne sont pas des hommes et comme colossales, elles le sont encore moins. […] Jamais homme n’avait à ce point méconnu l’idéal des hommes. » Si Zola a tant déplu aux délicats et à ce qu’on appelait, au xviie  siècle, « les honnêtes gens », pourquoi, ce qu’on ne peut nier, a-t-il eu tant de succès auprès de la foule ? […] La force brutale et le défaut de mesure ont sur les hommes à demi lettrés, ou qui ne sont point lettrés du tout, un prestige incomparable. La vérité plaît à un petit nombre d’hommes, l’hyperbole ravit la majorité des hommes.

286. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Ils prêtent par trop de faiblesse à la femme, et à l’homme par trop de sublimité. […] « … Qui aura le courage de discuter si elle est plus haut ou plus bas que l’homme ? […] Tout homme qui eut une mère le remerciera. » Voilà qui dénote un état d’esprit bien curieux. […] Il est d’ailleurs peu philosophique d’introduire dans la considération des rapports de l’homme et de la femme ces idées de supériorité et d’infériorité, l’homme n’étant pas moins « complémentaire » de la femme que celle-ci de l’homme. […] Formée par l’homme dans sa première jeunesse, à son tour elle agit sur lui.

287. (1902) L’humanisme. Figaro

Nous voulons une poésie qui dise l’homme, et tout l’homme, avec ses sentiments et ses idées, et non seulement ses sensations, ici plus plastiques, là plus musicales. […] Je fus un homme. » Poètes d’aujourd’hui et de demain — et par ce mot j’entends, au beau sens étymologique, tous ceux qui créent, — soyons des hommes ! […] Ils déclarent n’en avoir pas besoin, ils se flattent d’assurer, sans ce reste de mythologie, le bonheur de l’homme par l’homme. […] Il induira les hommes, sans autre évangile, à s’aimer et à s’aider les uns les autres. […] Paul Bourde a eu mainte occasion d’observer, de manier les hommes.

288. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

C’était un nom d’homme que son livre démentait. […] Le nom d’un homme jurait là-dessus…, mais quand on prend du masque, on n’en saurait trop prendre. […] Une femme regarde toujours un homme comme un homme, et réciproquement, un homme regarde toujours une femme comme une femme. […] Il faut se défier de la raillerie des hommes mourants. […] ; c’est, dit textuellement et emphatiquement le roman, à « l’homme nouveau qui jette dans l’esprit des hommes les semences destinées à fertiliser l’avenir ».

289. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

Ces hommes eux-mêmes l’accepteront-ils pour leur propre compte ? […] Voici pour les hommes, à présent ! […] C’est un homme foule. […] affirme l’excellence de la nature humaine, qui pense que toute direction morale comme tout gouvernement politique est un abus, et que l’adoration de l’homme par l’homme, ou de la femme par la femme, et la satisfaction de tous les besoins, n’importe à quel prix ! […] » Telle est, selon Bellegarrigue, la destination de l’homme fait à l’image de Dieu.

290. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Prenez-les tous, et voyez si, dans l’histoire, un seul manqua jamais à cette loi organique de l’homme ! […] Ainsi, par l’homme politique encore plus que par l’orateur, le P.  […] Un homme plus puissant sur les sentiments généraux de son temps que le P.  […] Quand il a un certain génie, cet homme-là s’appelle Shakespeare ou Molière ; quand il en a un certain autre, La Rochefoucauld, La Bruyère, Vauvenargues ; mais, quand il est prêtre et qu’il a quelque intelligence, il en sait plus sur la nature humaine que les hommes d’un génie supérieur au sien. […] Il faut prendre l’homme par quelque endroit de son esprit ou de son cœur, pour l’arracher à la terre et l’élever vers Dieu.

291. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

Sa manière tient à celle des deux hommes célèbres qui, en le suivant, l’ont effacé. […] Son plus grand mérite est d’avoir eu la connaissance des hommes. […] On dit que c’était le seul homme vraiment éloquent sous le siècle de Louis XIV. […] Il suit les débris de l’homme jusque dans sa tombe. […] L’homme, dans cet état, devient un je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue.

292. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

— Ce qu’il y a jamais eu de plus rare sur la terre, un homme qui meurt pour la vérité » ; et il fit Socrate mourant. […] Il fait voir ensuite quelle est l’origine et la source des bruits répandus contre lui dans Athènes ; c’est qu’il n’a pas respecté les faiblesses et les vices des hommes, et surtout de quelques hommes puissants : voilà son crime. […] Hommes athéniens, leur dit-il, n’exigez donc point de moi ce qui n’est ni honnête, ni conforme à la sainteté et à la justice. […] Juges qui condamnez les hommes, vous pouvez immoler un sage et flétrir un instant l’homme que la calomnie poursuit, le glaive est dans vos mains ; vous frappez, mais l’œil inévitable du temps vous observe et vous juge. […] Enfin, dans tous les temps, il est bon de présenter aux hommes des exemples de courage.

293. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

Une confiscation du monde au profit de Dieu, de l’homme au profit des représentants de Dieu ici-bas. […] L’homme, qui l’avait maudite, se sentit envahir par elle. Des impulsions de la nature au cœur de l’homme est sorti le salut, c’est-à-dire le réveil du corps, du cœur, du cerveau. […] A travers le serf et le seigneur, elle à vu l’homme, et par-delà le pouvoir, la justice : c’est d’elle que date la cité. […] Dès qu’il a connu la nature, l’homme a rejeté l’artificiel divin autrefois imposé à son ignorance.

294. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

L’homme se tait. […] L’homme et Rome. […] Il n’est déjà plus l’homme qui se vante et l’homme qui se bat. Il est déjà l’homme qui se tait et l’homme qui gagne. […] Il est devenu un homme parmi les hommes.

295. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

l’homme est intelligent et libre. […] Elle attribue à l’homme des droits inviolables. […] Elle a doté l’homme d’une intelligence fabricatrice. […] Des millions d’hommes ne mangent pas à leur faim. […] Il s’agira d’un empire à exercer, non pas sur les hommes, mais sur les choses, précisément pour que l’homme n’en ait plus tant sur l’homme.

296. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

Mais, chose remarquable et qui prouve bien l’aridité foncière de ce pauvre homme ! […] La vie de cet homme est mal connue. […] Il y a de tous ces hommes en lui. […] ils y sont, car il y a de l’homme encore dans le magot ! […] Qu’a de commun un pareil homme avec le banal et piaillard Tallemant des Réaux ?

297. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

L’homme a malgré lui des blasons. […] Or, l’homme se souvient d’abord, dit Platon. […] Il ne se douta pas, l’homme d’esprit, qu’il riait de lui-même ! […] Vaniteux comme un homme d’en bas, il était plus triste encore que spirituel. […] Ils se sont levés comme un seul homme !

298. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Ce n’est qu’à ce prix qu’il est donné à quelques-uns d’agir en un instant sur tous les hommes. […] Arrivons au ministre maintenant, c’est-à-dire à l’homme moral dans le ministre, et connaissons-le. […] Necker n’était rien moins que cet homme d’État, et il est le premier à nous le dire. […] Necker, et l’on est étonné de trouver tant de superbe chez un homme si religieux et si excellent. […] disait-il, tous les hommes sans doute sont égaux devant vous, lorsqu’ils communiquent avec votre bonté, lorsqu’ils vous adressent leurs plaintes, et lorsque leur bonheur occupe votre pensée ; mais, si vous avez permis qu’il y eût une image de vous sur la terre, si vous avez permis du moins à des êtres finis de s’élever jusqu’à la conception de votre existence éternelle, c’est à l’homme dans sa perfection que vous avez accordé cette précieuse prérogative ; c’est à l’homme parvenu par degrés à développer le beau système de ses facultés morales ; c’est à l’homme enfin, lorsqu’il se montre dans toute la gloire de son esprit.

299. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Aucun homme en la contemplant ne pouvait être jaloux d’un autre homme ; on jouissait de ne pas savoir possédé par un autre ce que nul mortel ne pouvait jamais espérer pour soi. […] Heureux les hommes qui sont assez âgés pour avoir vu fleurir ce visage de seize ans ! […] L’amour et la religion, ces deux idolâtries de leur cœur, avaient en lui leur représentant dans un même homme. […] Dans les Mémoires d’outre-tombe l’homme pose, l’homme s’affiche, l’homme s’étale ; dans cette correspondance l’homme se révèle, ou plutôt il se trahit involontairement dans l’épanchement de son âme. […] — Oui, certainement, me répondit l’homme d’État. — Eh bien !

300. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Tout ce livre sur l’Homme est d’ailleurs des plus curieux chez lui. […] Sans parler des victoires remportées dans les guerres civiles, 1 192 000 hommes ont péri dans les combats livrés par lui. […] Telle fut la préoccupation dernière de cet homme, le seul qui se soit proclamé heureux. […] Littré, et qui proviennent d’hommes spéciaux dans les sciences, ils sont sévères jusqu’à sembler durs. […] Il est homme en tout, et il se fait honneur de l’être.

301. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Un enseignement moral, d’ailleurs, sortira de tout ceci et va se déduire de lui-même par le développement naturel de l’homme. […] à dessiner comme un profil de lui-même, et à nous retracer avec amour l’idéal de l’homme auquel il aurait le mieux aimé ressembler. […] Mais vous êtes certainement le seul préfet de France pour qui je ne sois pas un homme à pendre. C’est que vous connaissez le fond de l’homme mieux que personne. […] Il était sobre, et il n’aimait de la vie large que ce qu’il faut pour donner à l’homme tout son ressort et toute son activité.

302. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

C’est un homme qui dans un salon prend la parole ; c’est un homme qui dans un salon va du côté de la cheminée ; il faut qu’un homme ait bien de l’esprit pour se taire pardonner de s’être dirigé du côté de la cheminée. […] Ils ne se donnent point des airs d’hommes supérieurs. […] Que de passions n’a pas et ne doit pas avoir l’homme qui lit ! […] » Or croyez-vous que cet homme ne jouissait pas ? […] On connaît assez l’homme qui en politique est toujours de l’opposition.

303. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

On avait tiré de ses courts et inachevés ouvrages la plus haute idée qu’on se pût faire de l’homme. […] Il s’est donc mis à la recherche de tout ce qui pouvait compléter les Œuvres et ajouter à l’idée de l’homme. […] Il ne faudrait pas voir de trop près les premiers tâtonnements des hommes distingués. […] L’homme de lettres généreux est exposé à la calomnie du lâche. […] Homme d’action et homme d’épée, même quand il était déjà condamné à garder la chambre, et que ses souffrances l’allaient clouer sur le lit d’où il ne se relèvera pas, il a des réveils, et comme des remords.

304. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Aura-t-il, du fond de sa retraite, su connaître et apprécier la pensée intime qui travaille les hommes dans ce moment ? […] Cet homme n’avait pas assez de cette révolution, immense héritage de force et de puissance qui lui fut cédé si gratuitement. […] Ce que les hommes appellent le destin est trop souvent fait par eux. […] Dans nos gouvernements modernes, les hommes et les choses sont étroitement unis. […] Malheur à l’homme qui a pu abuser d’une telle nation !

305. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

On s’enorgueillit et on s’humilie d’être homme. […] Rêve de Dieu exécuté par les hommes. […] C’est l’homme ! […] Le Cosmos a une âme, comme l’homme ; cette âme, c’est sa loi. […] Les hommes et tous les siècles lui ont donné son vrai nom : Mystère, Humboldt !

306. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Le plus triste rôle à jouer parmi les hommes est celui de la nullité. […] C’est vainement qu’on veut séparer l’homme de ses ouvrages. […] Quelle différence existe-t-il donc à cet égard entre l’enfant et l’homme fait, entre le paysan et l’homme instruit ? […] Il importe donc de réunir l’action à l’élocution, la pantomime au langage, pour que la pensée arrive pleine et entière, de l’homme qui parle à l’homme qui écoute. […] Des trois voix que l’homme possède, M. 

307. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Le mot tête fut pris pour l’homme, dont elle est la partie la plus capable de frapper l’attention. […] En effet, chez les Égyptiens, cette langue correspondait à l’âge des hommes ; et ce nom d’hommes désigne les classes inférieures, chez les peuples héroïques (particulièrement au moyen âge, où homme devient synonyme de vassal), par opposition aux héros. […] Ces premiers hommes ne devaient s’essayer à parler que lorsqu’ils éprouvaient des passions très violentes. […] Or, dans les premiers temps, les hommes avaient à trouver, à inventer toutes les choses nécessaires à la vie. […] C’est cette langue naturelle que les hommes ont parlée autrefois, selon Platon et Jamblique.

308. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Cet homme est un capital. […] Que pensez-vous de cet homme ? Qu’il est méprisable aux yeux de Dieu et aux yeux des autres hommes. […] Nous l’adressâmes à un homme de cœur et de talent ; cet homme fut aussitôt associé, pour ce crime d’amitié, aux injures qu’on nous réservait. […] Tout homme avec fierté peut vendre sa sueur !

309. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

… Toujours est-il que sa biographie donne un homme, — en attendant le grand homme qui peut venir. […] Il est un coup de baguette miraculeux qu’une grande situation frappe sur les hommes et qui éveille le genre de génie qu’il faut pour cette situation même, et ce coup de baguette doit être encore plus puissant sur les papes que sur les autres hommes, puisque, dans l’opinion catholique, leur situation est plus qu’humaine. […] — être le pape du règne qui allait s’ouvrir après Pie IX, Léon XIII, cet homme de pouvoir et de pouvoir si longtemps éprouvé, a toujours été le même homme, de la première à la dernière marche de cet escalier sublime, dont la dernière est la papauté ! […] Si jamais homme a fait un éclatant contraste avec son époque, c’est incontestablement Léon XIII, et comme on ne domine les hommes qu’en faisant contraste avec eux, ce sera peut-être, si tout n’est pas perdu dans les choses humaines, la raison qui les lui fera dominer ! […] Parmi elles, la Prusse tient encore au monde qui n’est plus par sa féodalité militaire, mais elle n’est séparée de la démocratie qui doit la dissoudre que de l’épaisseur d’un seul homme… Après cet homme, elle deviendra ce que sont devenues toutes les autres La prophétie de Napoléon s’accomplit.

310. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Pour lui rien n’est vil ni bas dans la nature et dans l’homme. […] Il retrouve la pulsation de la nature, à travers la vie de l’homme et la vie des choses.‌ […] Il nie l’homme métaphysique en lui substituant l’homme physiologique ; mais il ne voit pas que par cette négation même, il tombe dans un autre exclusivisme, dans une autre figuration artificielle de la vie. Il oublie de voir l’homme tout simplement. […] Tolstoï se présente devant nous comme un homme qui a vécu lui-même profondément, un homme qui a une soif intense de la vie, qui a satisfait cette soif.

311. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Ils ne chanteront ou ils ne parleront du cœur que s’ils ont plus de cœur que le reste des hommes. […] Il règne, il combat, il est un grand homme ; mais ce grand homme est, comme Jules César, sujet aux infirmités mentales du génie. […] Et si Dieu lui-même a voulu se façonner, dans un cœur d’homme, un instrument capable de crier, de chanter ou de pleurer pour l’humanité tout entière, Dieu lui-même aurait-il pu pétrir autrement le cœur de cet homme ? […] Il n’y a pas une note de cette harpe qui ne soit un homme ; il n’y a pas une fibre du cœur de cet homme qui ne soit une note ! […] Ces Psaumes sont le vocabulaire universel des joies ou des douleurs de l’homme.

312. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Montesquieu s’y plaît, et comme il arrive aux hommes de génie, dans leur sujet de prédilection, il y excelle. […] Montesquieu est du petit nombre des hommes qui sont devenus illustres sans faire de bruit. […] Montaigne et Montesquieu sont plutôt de très grands esprits que des grands hommes. […] Cette cause, c’est qu’il n’a pas eu une connaissance complète de l’homme. […] Quels hommes furent plus mêlés aux affaires de leur temps ?

313. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

Il dit à un homme : « Suis — moi !  […] A force de détacher l’homme de la terre, on brisait la vie. […] Ces foudroyantes maximes devaient dormir pour le grand nombre dans un profond oubli, encouragé par le clergé lui-même ; l’homme évangélique sera un homme dangereux. […] Les sociétés chrétiennes auront deux règles morales, l’une médiocrement héroïque pour le commun des hommes, l’autre exaltée jusqu’à l’excès pour l’homme parfait ; et l’homme parfait, ce sera le moine assujetti à des règles qui ont la prétention de réaliser l’idéal évangélique. […] Les hommes en le touchant l’abaissaient à leur niveau.

314. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Je ne sache guères d’homme plus heureux. […] Il eut cette rare chance d’être deviné et apprécié par trois grands hommes d’État qui se connaissaient en hommes : — Richelieu, Mazarin, Louis XIV, — le Dieu en trois personnes de la Monarchie absolue ! […] Elle ne renferme ni faits ignorés et nouveaux, ni valeur d’homme méconnue et restituée, ni lumière éteinte et rallumée dans les ténèbres. […] Les gouvernements et les hommes ont ordinairement de plus lâches coutumes. Mazarin disait cyniquement qu’il voulait, pour s’en servir, qu’un homme fût heureux.

315. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Collé »

tu es un homme de lettres ; tu ne peux donc pas être un homme politique ! […] Et le préjugé est si fort, qu’un homme d’esprit et un éditeur le partagent !! Un homme d’esprit, je le comprends encore. […] Jamais homme ne s’est mieux gouverné et n’a mieux gouverné sa plume que Collé. […] L’homme du xviiie  siècle, ce n’est pas Collé, c’est M. 

316. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Par quoi donc a-t-il eu l’esprit bouché, cet homme d’esprit pourtant, cet homme qui n’avait pas attendu, comme Goethe, que le temps le fît spectateur, qui l’était dès sa première jeunesse et qui même ne voulut jamais être que cela ? […] … Comment a-t-il apprécié les choses et les hommes ? […] Lamartine est raillé, à nombre de pages, sous sa double espèce de poète et d’homme politique. […] Les éditeurs d’un homme seront toujours les mêmes trembleurs ! […] Les impressions d’un homme d’esprit sont toujours intéressantes ; car, nous qui ne sommes pas du salon de Broglie, nous ne prenons Ximénès Doudan ni pour un homme d’État, ni pour un homme de lettres, mais pour un homme d’esprit qui, comme un jeune chat, a joué toute sa vie avec cette queue que les académiciens voulaient lui couper.

317. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

« Je crains l’homme d’un seul livre », a-t-on dit en plus d’un sens. […] Les hommes de parti s’en sont servis en tout temps pour s’en faire une arme. […] Une femme cependant regarde toujours un homme comme un homme ; et réciproquement un homme regarde une femme comme une femme. […] [NdA] Des hommes bien distingués en ont jugé pareillement de nos jours : « Notre époque manque de grands hommes », a dit M. de Rémusat […] — « Je ne vois nulle part le grand homme », a dit Tocqueville.

318. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Je ne suis point homme à me rendre lâchement au despotisme. […] il ne manque qu’une seule chose à ces conseils, pour que l’admiration soit heureuse et tout à fait à l’aise en les recueillant de la bouche de l’homme d’État et de l’homme de génie : c’est d’avoir été donnés gratuitement. […] Pour être complètement homme politique et homme d’État en restant simple conseiller intime et mystérieux, Mirabeau avait à modérer et à sacrifier ses instincts et ses appétits d’orateur éloquent et populaire, et il ne pouvait toujours s’y résoudre. […] Les premières sont surtout destinées à battre en brèche La Fayette que la reine certes n’aimait pas, mais qu’on croyait aux Tuileries l’homme nécessaire. […] Le roi n’a qu’un homme, c’est sa femme.

319. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

L’homme écoute en lui. […] Le xixe  siècle demande l’homme qui était cet homme d’État, cet homme de guerre, ce poète, ce peintre, ce grand homme de science ou de métier. […] Où l’homme enfin avouera-t-il davantage l’homme, qu’en ces lignes échappées de sa main ? […] Quelle survie de l’homme ! […] La patrie est un homme et n’est plus qu’un homme : et c’est l’homme même que l’histoire va peindre.

320. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

C’est un homme très-artificiel qui s’est mis à imiter les idées du temps. […] Il a l’encolure épaisse des hommes de la halle ou des gros propriétaires. […] Derrière une porte, l’Homme se devine. […] Tout cet homme est musclé et charpenté comme les figures des grands maîtres. […] Comme tous les hommes de lettres, homme de lettres lui-même, il est légèrement teinté de corruption.

321. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Les œuvres complètes d’un homme disent très haut que tout est à lire dans cet homme et qu’il est complet comme ses œuvres. […] Ce n’est là qu’une idée générale de l’homme dans Diderot. […] Il n’est pas compliqué d’un autre homme. […] Les hommes de génie sont unitaires comme les grands gouvernements. […] Les hommes ne veulent plus voir ce qui s’élève et plane.

322. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Le Dieu des Sermons est plus occupé de l’homme. […] C’est la physionomie de l’homme, et il ne faut pas oublier que cet homme fut un des meilleurs et des plus doux de son temps. […] Elle n’est pas non plus la théorie de la conduite d’un d’homme, fût-ce le plus homme de bien, fût-ce un sage. […] Point du tout : c’est l’homme pesant. […] Il l’aime comme un homme mûr aime un jeune homme qu’il respecte.

323. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

On considérait ses quatre-vingt mille hommes de troupes comme une montre de parade, et comme une manie grandiose de caporal. […] Connaissant, comme il faisait, les hommes et les choses de ce monde ; il sentait bien qu’il n’est permis d’être un peu philosophe sur le trône qu’après qu’on a prouvé qu’on sait être autre chose encore. […] Il conduisait et soignait énergiquement les hommes qui étaient confiés à sa garde ; il mettait son honneur et sa dignité dans ce devoir : mais il ne le fondait pas plus haut. […] « Un homme qui ne se croit pas tombé du ciel, dit-il, qui ne date pas l’époque du monde du jour de sa naissance, doit être curieux d’apprendre ce qui s’est passé dans tous les temps et dans tous les pays. » Tout homme doit au moins se soucier de ce qui s’est passé avant lui dans le pays qu’il habite. […] et ne paraît-il pas qu’il y a un certain je ne sais quoi qui se joue avec mépris des projets des hommes ?

324. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Il y a l’homme littéraire et l’historien. […] ce sera l’homme littéraire. […] C’est là pourtant ce qu’on prétend qu’il est : un très grand critique ; mais moi, je dis que l’homme littéraire n’est pas chez lui monté jusque-là. […] En France, un homme qui a manqué son coup ne s’appelle jamais qu’un homme malheureux… Or, l’essayisme anglais n’est pas une infortune. […] Tout ce qui écrivait voulut écrire dans cette espèce de rhythme, oserai-je dire, dans cette forme équilibrée et docte où le critique pouvait se montrer aussi grand à sa manière que l’homme qu’il critiquait s’était montré grand à la sienne, et créer à son tour, comme l’homme dont il jugeait l’œuvre avait créé.

325. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

Jusques à ce qu’il eût rencontré le méchant, l’homme bon n’a pas dû croire à la possibilité d’une manière d’être différente de la sienne propre. […] Lorsqu’on est fidèle à cette résolution, ces hommes mêmes qui troubleraient le repos de la vie, si l’on se rendait dépendants de leur reconnaissance, vous donnent cependant des jouissances momentanées par l’expression de ce sentiment. […] Qu’il est heureux celui qui a sauvé la vie d’un homme ! […] Si l’amour propre est content, Almont l’abandonne, mais s’il est humilié, s’il cause de la douleur, il le replace, il le relève, il en fait l’appui de l’homme que cet amour propre même avait abattu. […] c’est là l’homme, tel que l’homme doit désirer qu’il soit.

326. (1739) Vie de Molière

On pria un homme très-connu de faire cette vie et ces courtes analyses destinées à être placées au devant de chaque pièce. […] Son Misanthrope hait les hommes, encore plus par humeur que par raison. […] Quelque peine qu’il y eût prise, les plus grands efforts d’un homme d’esprit ne remplacent jamais le génie. […] Un homme supérieur, quand il badine, ne peut s’empêcher de badiner avec esprit. […] Il ne manquait à cette société de grands hommes que le seul Racine, afin que tout ce qu’il y eut jamais de plus excellent au théâtre se fût réuni pour servir un roi, qui méritait d’être servi par de tels hommes.

327. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Pauvre homme ! […] dit-il, ce vil eunuque, — heureux homme !  […] Un homme entra. […] Casimir Bonjour a marié ce même homme du monde ; que Boissy, en homme de bon sens, n’a pas osé marier. […] » Bon homme en effet.

328. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Quel homme, en effet, plus que M.  […] Saint-Marc Girardin, cet ingénieux, ce grand écrivain si rempli de bon sens et de verve, homme docte et homme d’esprit. […] est-ce un homme ? […] La nécessité en avait fait un homme brave. […] Qui nous eût dit que cet homme si puissant par la pensée, par la parole, par le style, était un homme mort ?

329. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Grec de la décadence, Florentin d’il y a trois siècles, roué du siècle dernier, Parisien d’aujourd’hui et Français de toujours, homme de plaisir et homme d’action…, voilà bien des affaires ! […] Cet homme qui n’a guère de foi ni de principes a d’excellentes habitudes d’esprit. […] Un parfait épicurien est nécessairement un homme de sens très rassis. […] La femme est, en effet, ce qui tient, pour l’homme, la plus grande place en ce monde. […] Pour vous, don Juan touche au fat, et, dans son amour des femmes, entre la préoccupation des hommes.

330. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

Le Fils de l’homme, après sa mort, viendra avec gloire, accompagné de légions d’anges, et ceux qui l’auront repoussé seront confondus. […] Il se croit plus qu’un homme ordinaire, mais séparé de Dieu par une distance infinie. […] D’ailleurs, l’idée que Jésus se fait de l’homme n’est pas cette idée humble, qu’un froid déisme a introduite. Dans sa poétique conception de la nature, un seul souffle pénètre l’univers : le souffle de l’homme est celui de Dieu ; Dieu habite en l’homme, vit par l’homme, de même que l’homme habite en Dieu, vit par Dieu 701. […] La position qu’il s’attribuait était celle d’un être surhumain, et il voulait qu’on le regardât comme ayant avec Dieu un rapport plus élevé que celui des autres hommes.

331. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Rareté charmante, du reste, dans un homme qui s’est mêlé d’écrire, — dont le talent n’a pas fait la vie, mais dont la vie, au contraire, a fait le talent ! […] C’était un homme d’action, fils d’une époque qui avait été l’action même, et qui portait la réverbération de Napoléon sur sa pensée. […] Quoique homme d’action, il avait, de tout temps, beaucoup regardé dans son âme, — dans cette âme à laquelle il ne croyait pas ! […] on peut affirmer que les pauvretés d’opinion et les superficialités d’aperçu ne manquent pas à cet homme de l’esprit le plus retors depuis Voltaire et qui a vu Napoléon ! […] Mais le matérialisme raccourci et brute d’Holbach, d’Helvétius, de Cabanis, que peut-il être pour le génie d’un homme ?

332. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Rareté charmante, du reste, dans un homme qui pourtant s’est mêlé d’écrire, — dont le talent n’a pas fait la vie, mais dont la vie, au contraire, a fait le talent. […] Quoique homme d’action, il avait, en tout temps, beaucoup regardé dans son âme, — dans cette âme à laquelle il ne croyait pas ! […] Il n’a jamais frappé qu’un petit nombre d’hommes, mais il les a frappés, de sorte qu’ils sont restés timbrés à l’effigie de ses sensations ou de ses idées, tandis que la masse lui a toujours échappé. […] « Vous êtes un homme de cœur », lui dit M.  […] Mais le matérialisme raccourci et brute de d’Holbach, d’Helvétius, de Cabanis, que peut-il pour le génie d’un homme ?

333. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Chaque ville, chaque pays a voulu avoir la liste de ses grands hommes. […] Cet exemple nous rappelle les temps où le même homme était orateur, poète, faisait des lis, et gagnait des batailles. […] Leur imagination solitaire et forte agrandit les hommes et les choses. […] Un jour, ô grand homme ! […] Nous avons un panégyrique de ce grand homme, en langue russe, qui mérite d’être connu ; il est de M. 

334. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Fox avait été un homme d’État tel que M.  […] Aussi ce livre sera-t-il à jamais le manuel des administrateurs et des militaires ; les philosophes, les politiques, les hommes de pensée, les hommes de liberté, les hommes de religion, les hommes d’humanité, les hommes de bien écriront à leur tour cette histoire en se plaçant à un autre point de vue que le champ de bataille, au point de vue du bien ou du mal fait au genre humain par ce héros de l’armée et par ce héros du despotisme. […] Détestez-vous plus les trompeurs ou les tueurs d’hommes ? […] Cet homme est grand comme le monde, mais enfin ce n’est qu’un homme ; il ne doit pas nous cacher le monde. […] Qu’est-ce qu’un homme qui a rapetissé l’humanité tout en immolant des millions d’hommes à sa seule personnalité ?

335. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

L’homme ne va pas plus loin. […] Napoléon, en effet, a été un des hommes les plus féconds qui aient jamais vécu. […] L’Allemagne entière pleura à l’envi son grand homme. […] Quand on l’a lu avec bonne foi, on change sa manière de voir sur ce grand homme. […] Il y a deux hommes en lui : l’adolescent et le vieillard.

336. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Un jour, le mur d’airain fondit et laissa passer l’homme de foi jusqu’à l’homme d’action. […] Mais la puissance réelle de l’homme dans lequel on trouvait des morceaux de tels hommes, n’était pas là. […] Dans les hommes richement doués, il y a plusieurs hommes. […] Des hommes politiques ! […] Il est allé de l’archange à l’homme.

337. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Il égale et dépasse l’homme des Charmettes, plus fastueux de forme, mais plus vrai d’idées ; un homme d’État pouvait naître de lui, un rhéteur seul pouvait naître de Rousseau. […] L’historien est le seul poëte des grands hommes. […] Dieu avait raison, mais les hommes n’avaient pas tort. […] Sa réputation d’homme d’État finit avant lui. […] L’éternelle plaisanterie est une insulte au sort de l’homme.

338. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

En vérité, faut-il donc démontrer que rien de ce qui sort de l’homme n’est frivole aux yeux du philosophe ? […] L’Être qui voulut multiplier son image n’a point mis dans la bouche de l’homme les dents du lion, mais l’homme mord avec le rire ; ni dans ses yeux toute la ruse fascinatrice du serpent, mais il séduit avec les larmes. Et remarquez que c’est aussi avec les larmes que l’homme lave les peines de l’homme, que c’est avec le rire qu’il adoucit quelquefois son cœur et l’attire ; car les phénomènes engendrés par la chute deviendront les moyens du rachat. […] Je veux dire que dans ce cas-là le rire est l’expression de l’idée de supériorité, non plus de l’homme sur l’homme, mais de l’homme sur la nature. […] Son père, homme prudent et bien instruit dans la sorcellerie, veut lui montrer l’envers de toutes ces splendeurs.

339. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Jouffroy ; elle s’applique dans son raisonnement au bœuf aussi bien qu’à l’homme. […] Jouffroy ; elle s’applique dans son raisonnement au bœuf aussi bien qu’à l’homme. […] Si cette maxime vous jette à l’eau pour sauver un homme, vous êtes vertueux. […] Cousin, nous allons le transporter dans un autre siècle ; nous gardons l’homme, nous refaisons les circonstances ; et l’homme, aidé par les circonstances, devient plus heureux et plus grand. […] Il était marié et jouissait, en homme solitaire, des affections de la famille.

340. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Sous cette pression, l’homme s’est tour à tour ou à la fois étriqué et exalté. […] Combien de choses aujourd’hui dans l’habillement d’un homme ordinaire ! […] Il faut clone, selon lui, que l’homme change de voie. […] Un homme de Chio invente l’art d’amollir, de durcir et souder le fer. […] Mais ce que l’on voyait dans les façons, le geste et la pose du Grec, ce n’était pas l’homme de cour, c’était l’homme de la palestre.

341. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Seulement pour parvenir à cette erreur savante, il fallait encore la poussée de l’épaule d’un homme. L’homme pour Mme de La Lézardière fut Feudrix de Brequigny. […] L’égalité, ici, entre l’homme et la femme, n’est ni une égalité de facultés ni une égalité de fonctions. […] Elles sont moins femmes que certains hommes et elles n’en sont pas plus hommes pour cela. Il y a des hommes qui ne pourraient pas être bas-bleus, et il y a des hommes qui le sont.

342. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Il fut tour à tour, ou tout à la fois, en Italie, un homme de guerre, de politique, d’administration. […] Et quand, par rareté, une d’elles a surgi dans l’histoire, c’est toujours à meilleur marché qu’un homme et, pour cette raison, ses qualités y saillent davantage. Le roi René, je l’ai dit déjà, appartient à un temps où les femmes furent plus grandes que les hommes. […] C’était trop que Louis XI — un grand homme absolu — pour noyer dans l’éclat de sa personnalité la personne de René d’Anjou. […] Il a vu surtout dans René l’homme politique, le guerrier et le roi.

343. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

Μ. de Girardin n’est pas un homme de lettres : c’est un journaliste. […] Un journaliste peut être un homme de lettres par-dessus le marché, et tant mieux ! […] L’homme politique n’a pas cru déroger à sa pensée en écrivant La Fille du millionnaire. […] Inconnu donc il n’y a qu’un instant, méprisé même comme homme d’argent et de Bourse, Μ.  […] Elle y serait aidée encore par les opinions du jeune marquis, qui veut se faire médecin et qui est l’homme de ce temps de transition, l’homme crépusculaire, s’il n’aimait pas une de ses cousines germaines, sans fortune.

344. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

Pelletan, qui a l’esprit ardent des hommes faits pour la vérité, a mesuré la difficulté avec son courage. […] Il ne commence point par creuser dans les facultés de l’homme pour mieux juger du but de l’humanité. […] Mais ce dont nous sommes dispensés, nous les hommes du passé et les mystiques, comme nous appellent nos ennemis, M.  […] Le premier homme, cet Adam qui avait la lumière d’une innocence sortie fraîchement, comme un lis, des mains du Seigneur, Adam dans l’Éden, pour M.  […] Citons-en une seule en passant : « L’homme, dit-il, recruta d’abord ces races expiatoires qui devaient régénérer l’homme en donnant sa vie pour lui et racheter par leur sang sa pauvreté ! 

345. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Elle a eu de grands poètes, de grands artistes, des hommes politiques à la manière de Machiavel, comme furent Talleyrand et Fouché, des observateurs scientifiques de la force de Cuvier et de Geoffroy Saint-Hilaire, et par-dessus tout elle a eu Napoléon, un homme taillé comme un diamant de plusieurs côtés différents, et par tous jetant le feu et la lumière, — Napoléon, l’homme le plus étonnant dans le fait qui ait peut-être jamais existé ; — mais de métaphysicien égal à ces esprits supérieurs dans sa spécialité transcendante, il faut le dire, pour apprendre aux philosophes à être modestes, le xixe  siècle et la langue française n’en ont point encore. […] Homme d’un grand sens et d’une érudition qu’il respecte trop pour la fouler aux pieds, l’abbé Gratry ne s’exagère pas les proportions de son mérite, parce qu’il n’a pas besoin de les exagérer. […] et que l’unité de l’homme de la philosophie sort refaite de la poussière même de l’abstraction ! […] Dans le système de l’abbé Gratry, l’homme moral double toujours l’homme métaphysique, et c’est l’homme moral qui a vivifié ce beau travail de sa chaleur presque rayonnante et qui l’a trempé dans les saintes tendresses de l’onction. […] N’est-il pas des esprits dont la misère est d’avoir besoin d’une tautologie pour comprendre, et qui n’entendraient rien aux mots les plus profonds dits par la religion aux hommes, si la philosophie ne venait les leur répéter ?

346. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Tout le temps qu’un homme est vivant, il peut y avoir un hasard ou une illusion dans sa gloire, un malheur dans son obscurité. […] Stendhal, ou, pour l’appeler par son vrai nom, Henri Beyle, a, comme tous les hommes d’un talent réel, gagné à mourir. […] Mais à cela près de cette nappe de lumière qu’un homme de génie versa, comme un Dieu bienfaisant, sur la tête d’un homme de talent trop obscur, Henri Beyle n’aurait été, aux yeux des hommes de son temps, qu’un dilettante supérieur d’art et de style, et non l’homme qui, dans cette première moitié du xixe  siècle, devait, après Balzac, marcher à la tête des artistes, des observateurs et des écrivains. S’il y eut jamais un homme d’esprit tourné pour comprendre Henri Beyle, c’est à coup sûr Paulin Limayrac. […] Il avait l’impartialité sereine d’un homme de génie qui en comprend un autre, et qui le dit simplement et grandement, en ajoutant pourquoi il l’admire.

347. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Heureux les hommes qui croient l’avoir retrouvé ! […] Tu étais cet homme ! […] Ce qui intéresse l’homme dans le livre, ce n’est pas le livre, c’est l’homme. […] J’étais un volume plus qu’un homme. […] Triste mort pour celui que l’on croyait un grand homme !

348. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

L’homme lisait toujours, et il avait toujours la main de la jeune femme dans la main. […] » Au fond, nous avons souffert tout le temps, comme un homme qui verrait tutoyer sa maîtresse, chez un marchand de vin, par des hommes de barrière. […] Ils ne vont pas chez un grand homme ; ils vont chez l’homme aux millions, comme s’il était le seul digne de les recevoir. […] — Les hommes, surtout ! […] Tous les hommes de lettres passeraient ici, que pas un n’irait figurer dans ce trémoussoir.

349. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Qu’est-ce qu’un homme ? […] ô vanité de l’homme ! […] Quelle différence, m’écriai-je, du génie et du sens commun de l’homme tranquille et de l’homme passionné ! […] Rien ne ressemble tant à un homme qu’un enfant. […] Le sanctuaire de l’homme civilisé et de l’homme sauvage est rempli de ténèbres.

350. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

Dans ses six chapitres sur l’homme. […] Est-ce faute d’avoir connu les objections contre la religion, que tant de grands hommes ont été religieux ? […] S’il considère la nature humaine en général, il en fait cette peinture si connue et si étonnante : « La première chose qui s’offre à l’homme, quand il se regarde, c’est son corps, etc. » Et ailleurs : « L’homme n’est qu’un roseau pensant, etc. » Nous demandons si, dans tout cela, Pascal s’est montré un faible penseur ? […] Quel ne fût point devenu ce grand homme, s’il n’avait été chrétien ! […] Mais, en dérobant à ce rare génie la misère de l’homme, nous n’avons pas su, comme lui, en apercevoir la grandeur.

351. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre V. Que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. »

Contemplez, au fond de ce tombeau, ce cadavre enseveli, cette statue du néant, voilée d’un linceul : c’est l’homme de l’athée ! […] Comment se fait-il que ce qui enchante les autres hommes soit précisément ce qui dégoûte un incrédule ? […] En nommant Montesquieu, nous rappelons le véritable grand homme du dix-huitième siècle. […] De petits hommes inconnus se promènent comme des pygmées sous les hauts portiques des monuments d’un autre âge. […] Pascal et Bossuet, Molière et La Fontaine, sont quatre hommes tout à fait incomparables, et qu’on ne retrouvera plus.

352. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

Un homme, en ce temps-là, s’aperçut un jour de la monstruosité sous laquelle le monde vivait en paix et allait son train. […] ce n’est pas pour de tels hommes que j’écris cette préface. […] Et le style de ce grand calmé du Saint-Esprit n’a plus été ce style qui est l’homme, comme a dit Buffon. […] Les hommes de ce temps liront-ils ce livre, trop pesant pour leurs faibles mains et leurs faibles esprits ? […] Voir les Oeuvres et les Hommes, 2e vol. 

353. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Il y a eu dans le cours de la Révolution diverses générations politiques qui chacune ont eu leur raison d’être et jusqu’à un certain point leur légitimité : il convient de les accepter à leur heure sans les répudier et sans les confondre, sans en épouser une seule à l’exclusion des autres, sans prétendre juger historiquement les hommes d’un mouvement en se mettant au point de vue des hommes d’un courant différent ou contraire. […] Cet ambassadeur, homme aimable et bienveillant, emmena avec lui Malouet à Lisbonne et le traita dès le premier jour sur le même pied et avec la même amitié qu’il eût fait un jeune parent. […] J’acquérais ainsi l’habitude du travail, de la maturité dans mes idées ; je m’étais déjà exercé sur divers objets, j’avais vu différents pays, beaucoup d’hommes et de choses ; j’avais donc, dès cette époque, des opinions arrêtées sur les intérêts et les devoirs des hommes, sur la morale, sur l’administration, sur la politique. […] Chabanon était un homme de nuances ; il avait eu des succès variés et en plus d’un genre ; mais il n’avait excellé en aucun. […] Il était venu à Cayenne en 1730 ; il avait été économe chez. les Jésuites, qui étaient alors les seuls propriétaires opulents, et il était lui-même un homme aisé, lorsqu’il s’établit à Ovapock.

354. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Le lecteur des poètes n’est pas seulement un romanesque ; c’est un artiste ou un homme qui a des prétentions à être artiste. […] Pour le poète, le lecteur des poètes est un homme qui a le chiffre. […] D’abord, c’est un homme sur qui ses premières études ont eu une très grande influence, qui ne s’est pas ennuyé au collège, que ses professeurs n’ont pas dégoûté des auteurs classiques par la manière dont ils les enseignaient ; et voilà déjà un homme un peu exceptionnel. […] Il est l’homme sur qui aucune mode n’a d’influence et qui ne s’aperçoit pas qu’il y a des modes. C’est un homme très heureux si c’est un bonheur, comme je le crois, de ne pas vieillir.

355. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

L’homme à qui tout succède selon ses vœux oublie de vivre. […] N’auras-tu pas toujours la paix de la conscience, les louanges des hommes et l’amour des Dieux ?  […] Paix à la cendre de ce grand homme de bien ! […] Le Jeune Homme de M. […] Les hommes qui ont le plus agi sur M.

356. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Ces hommes sont l’éternelle jeunesse de la littérature. […] Son livre n’est pas un livre, c’est un homme, et cet homme n’est pas un homme, c’est un esprit follet. […] Mais d’abord un mot de l’homme lui-même. […] Elle épousa un homme supérieur dans l’art qu’elle aimait. […] Une philosophie manque donc à ce poète pour être un homme fait de la littérature.

357. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Du caractère propre et distinctif de ce grand homme. — § III. […] Montaigne, Descartes, Pascal, pour ne citer que les hommes de génie, ne sont-ils pas avant tout des hommes de bon sens ? […] Ce que le prêtre accable, l’homme le relève. […] La confession a livré l’homme au moraliste chrétien. […] Dans la trop courte correspondance qui s’ouvrit entre ces deux grands hommes.

358. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

— Suivez cet homme qui court !  […] On ne sent pas là un frottement d’hommes. […] Voyez-vous cet homme contre la muraille, à droite, coiffé d’un chapeau noir ? […] J’ai pensé à un homme qui graverait le soleil à la manière noire. […] On peut écrire que Néron était un philanthrope ou que Dubois était un saint homme.

359. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

C’est un homme, c’est l’homme, c’est tout l’homme. […] Il a dit aux hommes : Les hommes sont nés bons et heureux. […] Quel homme ! […] Jamais homme n’avait à ce point méconnu l’idéal des hommes. […] Le malheur suffirait à rendre l’homme auguste à l’homme.

360. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Les poètes sont des hommes de désir, et c’est leur pensée qui engendre. […] Or, comment la vie du monde devient-elle art en passant par l’homme ? […] C’est dire qu’entre l’industrie et l’art il y a l’homme tout entier. […] Or l’homme ne crée rien, en prenant le mot de création dans un sens absolu. […] De l’homme à l’homme, il n’y a en effet que deux modes de communication.

361. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Nous avons tenté à la fois d’expliquer les hommes par le temps et le temps par les hommes. […] je connais ces deux hommes-là !  […] L’homme d’esprit, dans une lettre publiée par un journal sous le directoire, avait prévu et indiqué la destinée de l’homme de génie. […] que l’orgueil est peu fait pour l’homme ! […] Quant aux hommes plus jeunes encore qui entourent, avec M. 

362. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Royer-Collard, quelle plaisanterie faites-vous là à un homme de mon âge ! […] Voyons les hommes par l’endroit et par l’envers. […] Royer-Collard disait : « Guizot un homme d’État ! c’est une surface d’homme d’État !  […] C’est un grand orateur politique, ce n’est pas un homme d’État.

363. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Quel homme ? […] L’homme, comme le mouton, a la « tourniole ». […] L’homme veut vivre et l’homme veut connaître. […] Houssay distingue parmi les hommes. […] Il y a souvent plusieurs hommes dans le même homme, plusieurs esprits, et même contradictoires, dans le même esprit.

364. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Il y a des hommes à qui la sagesse du conseil a été donnée : ils sont rares, et pourtant il y en a eu dans tous les temps. […] Du temps des troubles de la Ligue et dans les premières années de Henri IV, il en fut de même : on comptait de ces hommes de sagesse et de conseil, et auprès de Henri IV et dans les rangs opposés, car, en temps de révolution, les hommes ne choisissent guère les partis où ils entrent, ils y sont jetés. […] Saumaise avait accompagné le président déjà vieux dans son ambassade de Hollande ; il en parle en homme qui l’a connu, admiré de près, et avec un vif sentiment de sa personne. […] Mayenne n’est pas un homme commode à gouverner, bien qu’il écoute volontiers les conseils ; mais il les suit très peu. […] Il faut tout dire : le président Jeannin n’est pas pendant la Ligue le serviteur sous main et l’homme de Henri IV, il est l’homme du duc de Mayenne.

365. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Cet homme, je vous assure, n’avait rien de pédant. […] Un homme donc, à l’âge de trente ans, disait-il, pourrait, si ce recueil se faisait, savoir tout ce que les autres hommes ont jamais pensé. […] Aussi le monde jouissait de lui sans qu’il eût rien d’opiniâtre ni d’absolu comme les hommes de cabinet. […] Cet homme décidément avait trop lu. Les hommes comme Huet savent trop.

366. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Les hommes instruits se cherchent ; ils aiment à se voir et à s’entretenir. […] Est-on homme de bien sans justice, et a-t-on de la justice sans lumières ? […] Le but en sera le même dans tous les siècles : faire des hommes vertueux et éclairés. […] — Mais c’est le moyen de peupler une société d’hommes superficiels ! […] Il est encore deux points de vue sous lesquels on peut embrasser la science universelle, points de vue très-généraux, l’homme et la nature, l’homme seul et l’homme en société.

367. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 7, que la tragedie nous affecte plus que la comedie à cause de la nature des sujets que la tragedie traite » pp. 57-61

Or il est certain que les hommes en general ne sont pas autant émus par l’action theatrale, qu’ils ne sont pas aussi livrez au spectacle durant les répresentations des comedies, que durant celles des tragedies. […] Il semble cependant que la comedie dût attacher les hommes plus que la tragedie. […] Mais la comedie, suivant la définition d’Aristote est l’imitation du ridicule des hommes ; et la tragedie, suivant la signification qu’on donnoit à ce mot, est l’imitation de la vie et du discours des heros ou des hommes sujets par leur élevation aux passions les plus violentes. Elle est l’imitation des crimes et des malheurs des grands hommes ; comme des vertus les plus sublimes dont ils soïent capables. Le poëte tragique nous fait voir les hommes en proïe aux passions les plus emportées et dans les plus grandes agitations.

368. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

« Si le calcul doit présider à tout, les actions des hommes seront jugées d’après le succès : l’homme dont les bons sentiments ont causé le malheur, sera justement blâmé ; l’homme pervers mais habile sera justement applaudi. […] L’impartialité est la condition essentielle de l’histoire et de l’homme d’État. […] Necker n’était qu’un homme de bien, un sophiste consciencieux. […] Les hommes, depuis M.  […] Cet homme, plus jeune que madame de Staël de quelques années, était M. 

369. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

L’antiquité, sous ce rapport, ne peut lui comparer qu’un seul homme, Cicéron. […] En homme d’un sens pratique prématuré, il s’occupa de sa fortune. […] C’est que Voltaire, il faut le reconnaître, ne vivait pas tant en lui-même que dans le monde toujours jeune qui ne devait pas mourir après lui ; c’est qu’il était en réalité un homme collectif et par conséquent un homme immortel. […] Il y avait en lui du bonhomme dans le grand homme, et de l’enfant dans le vieillard. […] Enfin, le plus puissant critique d’idées qui soit jamais né depuis Aristote parmi les hommes.

370. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

« Un homme très jeune encore, M.  […] Ce n’est pas la loi qui fait les hommes délibérants et libres. […] C’était un homme cependant, et un homme qui se comporta dans l’occasion mieux que bien des anciens n’auraient fait : vous allez le voir. […] Au fait, pour un homme, c’est singulier ! […] Les hommes actuels, les hommes de l’heure où j’écris sont sceptiques et ironiques pour toute chose hors pour elle.

371. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

C’est qu’il est de méchante humeur contre les hommes ; et les hommes n’aiment point cela. […] Ce fut un grand homme d’État, un grand Italien et un grand homme. […] Le plus souvent le grand homme est un homme comme un autre, son génie à part. […] J’ai dit que tout grand homme qu’il soit, il est homme, c’est-à-dire un sot. […] L’homme qui se raconte, l’homme qui s’étale, ne peut pas bien savoir s’il ment, puisque, après tout, il ne ment que comme un homme qui raconte ses rêves.

372. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre IV »

On dirait d’un fait exprès pour assembler les contrastes et aigrir l’irritation. « La médiocrité de la solde du soldat, dit un économiste, la manière dont il est habillé, couché et nourri, son entière dépendance, rendraient trop cruel de prendre un autre homme qu’un homme du bas peuple783 ». […] Sauf en Vendée, je ne vois aucun endroit ni aucune classe où beaucoup d’hommes, ayant confiance en quelques hommes, puissent, à l’heure du danger, se rallier autour d’eux pour faire un corps. […] Direction du courant. — L’homme du peuple conduit par l’avocat. — Les seuls pouvoirs survivants sont la théorie et les piques. — Suicide de l’ancien régime. […] C’est l’homme de loi, le petit procureur de campagne, l’avocat envieux et théoricien qui a conduit le paysan. […] Pour celles qui ont été averties, les avocats, procureurs et notaires des petites villes voisines ont fait leurs doléances de leur chef, sans assembler la communauté… Sur un seul brouillon, ils faisaient pour toutes des copies pareilles qu’ils vendaient bien cher, aux conseils de chaque paroisse de campagne. » — Symptôme alarmant et qui marque d’avance la voie que va suivre la Révolution : l’homme du peuple est endoctriné par l’avocat, l’homme à pique se laisse mener par l’homme à phrases.

373. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

que la force de la moralité dans un homme doublait la puissance de son esthétique. […] Il était composé d’un cerveau et d’un cœur comme les autres hommes. […] Rapport douloureux avec un autre homme de génie, avec un grand romancier comme lui ! […] Il a été, il est, en effet, le quatrième de ce whist de grands hommes. […] Quand on est un homme de la portée de Balzac, on appartient à l’humanité tout entière.

374. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Et ce n’était pas pour le saint qui est au ciel et qui a laissé sur la terre des œuvres vivantes, lesquelles disent mieux ce qu’il fut qu’aucune plume d’homme ou de génie, ce n’était pas pour le saint qu’il fallait regretter cette lacune. […] Et il a enfin été digne de parler de cet homme qu’on enterre un peu trop dans sa grande âme, mais qui était aussi, il faut bien qu’on le sache ! un homme de génie dans le sens que les hommes respectent le plus. […] Pour eux, Vincent de Paul doit être un homme d’État, et s’ils veulent bien y prendre garde, il doit l’être dans l’acception la plus politique de ce mot. […] Il savait mieux que qui que ce fût ce qu’un homme comme Vincent pouvait pour la gloire et la vertu d’un sacerdoce qui avait besoin d’être relevé dans la doctrine et dans les mœurs.

375. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Mais l’homme a plus de monotonie et déréglé, surtout l’homme policé par les lois, et civilisé par l’art de vivre en société. […] Il faut en convenir, cette marche est loin de celle de Bossuet : on a souvent comparé ces deux hommes ; je ne sais s’ils furent rivaux dans leur siècle ; mais aujourd’hui ils ne le sont pas. […] Il paraît avoir une connaissance profonde des hommes ; partout il les juge en philosophe, et les peint en orateur. […] Il fut lié avec les plus grands hommes de son siècle, ce qui prouve qu’il n’était pas au-dessous d’eux ; car l’ignorance et la médiocrité, toujours insolentes ou timides, se hâtent de repousser les talents qu’elles redoutent et qui les humilient. […] Ainsi, par un hasard singulier, ces deux grands hommes ont trouvé dans leurs panégyristes un genre d’éloquence analogue à leur caractère.

376. (1904) Zangwill pp. 7-90

Il y aurait des êtres qui se serviraient de l’homme comme l’homme se sert des animaux. » C’est alors peut-être que l’homme s’apercevrait que l’homme se sert mal des animaux. […] Les animaux qui servent à la nourriture de l’homme de génie ou de l’homme de bien devraient être contents, s’ils savaient à quoi ils servent. […] L’homme vit où il agit. […] C’est dans le souvenir de Dieu que les hommes sont immortels. […] En cela, les poëtes sont plus heureux que les autres grands hommes.

377. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Dieu vous préserve, dans la littérature comme dans la vie, des êtres dont le sexe est douteux, des hommes qui sont femmes, des femmes qui sont hommes, et des gens qui ne sont ni hommes ni femmes, genre neutre, sans physionomie ! […] Spiritualisez tant qu’il vous plaira : de bonne foi, peut-on soutenir qu’un homme à jeun et un homme qui a bien dîné soient le même homme ? […] L’homme est-il à vingt ans ce qu’il était à dix ? […] En votre propre moi, ne distinguez-vous pas l’homme du matin et l’homme du soir, l’homme de la raison et l’homme de la sensation, l’homme des affaires et l’homme des plaisirs, l’homme d’étude et l’homme du monde, l’homme de sang-froid et l’homme d’enthousiasme (après qu’il a pris un peu de café et entendu un peu de bonne musique), l’homme des livres et l’homme des théâtres, l’homme de la solitude et l’homme de la foule, l’homme en robe de chambre et l’homme en habit ? […] Tout homme en a un.

378. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « Préface »

L’Auteur des Œuvres et des Hommes réussira-t-il ? […] pas intitulé son livre les Œuvres et les Hommes pour parler des œuvres et laisser les hommes de côté. […] Tout livre est l’homme qui l’a écrit, tête, cœur, foie et entrailles. La Critique doit donc traverser le livre pour arriver à l’homme ou l’homme pour arriver au livre, et clouer toujours l’un sur l’autre… ou bien c’est… qu’elle manquerait de clous ! […] Toute lacune dans l’examen des œuvres et des hommes qui se sont fait une place quelconque au soleil de la publicité ou qui l’ont usurpée, ne sera donc jamais que provisoire.

379. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Il fait sentir cette impression redoutable, ce frisson glacé qu’éprouve l’homme, alors que, plein de vie, il apprend qu’il va périr. […] Les circonstances sont grandes ; mais l’homme diffère moins des autres hommes que dans nos tragédies. […] comme elles savent que ce n’est pas dans la flatterie que consiste l’art tout-puissant des hommes pour se faire aimer d’elles ! […] Cependant qu’y a-t-il de plus difficile dans le genre noble, de plus voisin du ridicule, que l’imitation d’un homme contrefait sur la scène ? […] C’est là bien connaître ce qu’il y a de plus déchirant pour l’homme, ce qui rend la douleur poignante.

380. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

L’Homme contre la Société, voilà le vrai titre de cet ouvrage, ouvrage d’autant plus funeste qu’en faisant de l’homme individu un être parfait, il fait de la société humaine, composée pour l’homme et par l’homme, le résumé de toutes les iniquités humaines ; livre qui ne peut inspirer qu’une passion, la passion de trouver en faute la société, de la renouveler et de la renverser, pour la refondre sur le type des rêves d’un écrivain de génie. […] Ce n’est pas à l’enfant sublime de Chateaubriand de donner le signal du rire aux hommes qui rient du malheur et de l’infirmité du vieillard. […] Moquez-vous des poètes, hommes de prose, mais craignez-les : ils ont le mot des destinées, et, sans le savoir, ils le prononcent ! […] » IV Nos sages répondront : « Que nous veulent ces hommes ? […] XVIII On est homme public, mais on est homme avant tout.

381. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

La fortune de l’enfant fut naturellement celle de l’homme. Mais l’homme, pour sa part, y a-t-il beaucoup ajouté ? […] Son cercueil d’enfant aurait été plus vaste que son cercueil de vieillard ; mais la place littéraire de l’homme, que sera-t-elle, quand la postérité, pour laquelle il n’est pas d’enfance et qui ne se soucie que des hommes faits, aura oublié en le lisant l’enfant célèbre et trop gâté pour n’avoir pas un peu noué l’homme ? […] À ses yeux, les Prophètes ne sont guère que des hommes parfaitement élevés. […] Le bataillon des hommes de gloire n’est jamais sorti de ces enfants !

382. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Donc c’est un homme de génie. […] Il devrait savoir que les jolis hommes inspirent des caprices, les hommes ni bien ni mal des affections, et les hommes laids des passions violentes. […] La vérité plaît à un petit nombre d’hommes, l’hyperbole ravit la majorité des hommes. […] Ce sont des hommes. Parce qu’ils sont des hommes, M. 

383. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Si, après ceux-là, il fallait chercher d’autres exemples pour prouver l’absence de proportion entre les hommes qui font l’Histoire et les hommes qui l’écrivent, on étonnerait de tout ce qu’on pourrait trouver, et l’on intéresserait peut-être. […] Or, ce qui est vrai de tant de grands hommes, ce qui est vrai de Charlemagne et de Cromwell, sera peut-être vrai longtemps encore du plus grand homme des temps modernes : de Napoléon. […] L’auteur y apprécie très bien l’administrateur en Napoléon, mais il n’y voit pas à fond l’homme politique. […] Après l’homme senti, il doit y avoir l’homme jugé. […] On ne savait pas dans quoi plongeaient les racines de ce qu’on prenait pour le système d’un homme.

384. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

Ainsi, Don Quichotte n’appartenait déjà plus au génie d’un homme. […] Comme les amoureux qui croient tenir des divinités dans leurs bras, il a cru tenir un homme de génie sous les caresses de sa plume. Il n’y avait qu’un homme médiocre. […] l’attaque ingrate aux mœurs les plus belles qui aient jamais existé parmi les hommes et dont une civilisation soit sortie ? […] Celui-ci était enseveli dans la poudre des bibliothèques et dans l’indifférence des hommes.

385. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

Paul Meurice, — qui va seul pourtant, autant que peut aller seul un homme qui s’est donné à un autre homme comme autrefois on se donnait au diable, et qui lui appartient comme un de ses plus fidèles mamelouks, — Paul Meurice est allé souvent deux. […] Dégradé par un indigne et sot amour comme homme, comme époux, comme tête qui pense, comme citoyen, comme chef d’État, Césara est encore dégradé comme père. Il cède sa fille à son ennemi, tremble devant la conscience armée de son fils, qui se tait et s’éloigne en emportant respectueusement son mépris, et il meurt de tout cela, comme un homme sans puissance d’ambition et d’idées ; car les grands hommes peuvent bien être tués par leur ambition ou par leurs idées, mais ils ne se laissent pas, comme une jeune fille allemande, mourir ! […] Meurice, le révolutionnaire, comme Césara, l’homme d’Hegel et d’Hugo, est aussi, malgré lui, béni par l’Église, dans ce livre, levé, comme une arme, contre elle ! […] … Les hommes des temps et des progrès futurs ne sont que les hommes dévoyés du passé.

386. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Fiévée fut de tout temps l’homme qui se paya le moins des solennités de convention et des déclamations historiques. […] Un homme ne doit jamais s’effacer devant un homme, et surtout quand c’est son esprit que l’on consulte. […] Bonaparte était entouré d’hommes de la Révolution qu’il apaisait ou comprimait tour à tour : M.  […] L’enthousiasme d’un homme peut aisément être combattu ; l’enthousiasme qui s’empare d’une réunion d’hommes, pour quelque objet que ce soit, brave le ridicule et séduit presque toujours la multitude. […] Le ridicule serait aujourd’hui un moyen de succès s’il aidait un homme à sortir de la foule.

387. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Il s’est servi de la cravache d’un homme d’esprit, — et pas par le gros bout encore ! […] C’est un autre homme que ce damné-là. […] Saint-Simon, le moraliste et l’observateur, connaissait la valeur des hommes, et sa fierté, à cet homme si fier, on pouvait croire que c’était son génie ! […] On aura de lui l’idée la plus complète qu’on puisse avoir d’un homme à qui on avait jusqu’ici refusé le génie politique. […] L’homme ne peut légitimer rien !

388. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

Tous ceux qui se sont avisés d’écrire sur ce rude sujet ont mêlé et compliqué l’écheveau qui embarrassait la grande et sage main carrée de Leibnitz ; car tous, quel que fût leur but, soit le développement général de l’homme, comme Rousseau et Montaigne, soit son développement spécial, comme Jacotot, sont partis de leurs propres données, d’une manière personnelle à eux de concevoir l’homme, c’est-à-dire d’une rêverie et non de la réalité. […] Il y a celle qui soutient que l’homme est bon et que la société le déprave ; celle qui prétend qu’il est également propre au bien comme au mal ; et enfin celle qui pose, comme le catholicisme, avec sa netteté souveraine, que l’homme est en chute, mais qu’il peut glorieusement se relever ! […] La bonté de l’homme a ses plaies ; un charme particulier l’obsède. […] Nous avons cru, à certaines places des lettres, qu’elles avaient été écrites par une autre main qu’une main d’homme, et même que toute la collection de ces lettres n’avait pas été publiée. […] … L’homme n’est qu’un homme.

389. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Il aspirait aux affaires et au gouvernement des hommes. […] Pour son compte, le commentateur ne doute ni de la préoccupation de cet homme d’État qui se rêvait, ni de son aptitude. À chaque instant il donne Vauvenargues comme un ambitieux qui ne s’était mis à regarder les hommes que pour plus tard les gouverner. […] En écrivant sur la nature humaine, il s’entretenait cette main inutile qu’il ne put allonger jamais sur les hommes pour les discipliner ou pour les conduire. […] et ni le grand écrivain ni le grand penseur ne nous consolent du grand homme d’État que nous n’avons pas.

390. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Il aspirait aux affaires et au gouvernement des hommes. […] Pour son compte, le commentateur ne doute ni de la préoccupation de cet homme d’État qui se rêvait, ni de son aptitude. À chaque instant il donne Vauvenargues comme un ambitieux qui ne s’était mis à regarder les hommes que pour plus tard les gouverner. […] et ni le grand écrivain, ni le grand penseur ne nous consolent du grand homme d’État que nous n’avons pas ! […] Son nom restera dans l’histoire des lettres, car il est dans la correspondance du diable d’homme qui tient son siècle dans sa main, comme Charlemagne tenait son globe, mais on s’étonnera des mérites que Voltaire a mis sous ce nom.

391. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

C’était la nature parlant par ces mille voix au cœur encore vierge de l’homme ; mais enfin c’était de la poésie. […] Tant que l’homme ne mourra pas lui-même, la plus belle faculté de l’homme peut-elle mourir ? […] Cette voix ne s’éteindra jamais dans le monde ; car ce n’est pas l’homme qui l’a inventée. […] Des hommes de génie tentent, en ce moment même, de faire violence à cette destinée du drame. […] Ce sera l’homme lui-même et non plus son image, l’homme sincère et tout entier.

392. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Cet homme n’est plus l’homme du monde, il n’appartient plus à son pays ; toutes ses relations avec la société cessent. […] Mais devinez quel est homme ? […] Tous les amours-propres sont déjà éveillés dans les hommes de l’Odyssée ; ils dorment encore chez les hommes de la Genèse. […] L’une a pour ministre un homme de sang, l’autre un homme de paix ; l’une condamne, l’autre absout. […] Le jeune prince parut un autre homme.

393. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

L’homme y étant à l’image de l’État, elle n’a parfaitement connu que l’homme dans ses relations avec l’État. […] Mais cette sorte de devoirs n’a tout son prix que là où la religion a égalé tous les hommes. […] En peu de temps, Genève fut faite à l’image de cet homme, dont la vie ne devait être désormais qu’un jeûne et une insomnie, dur aux autres comme il l’était à lui-même, et qui travailla plus qu’homme vivant, même dans ce siècle des travaux prodigieux et des vies consumées par la fièvre du savoir. […] Un homme surpris un jeu de cartes dans les mains, était attaché au poteau infamant, ses cartes sur l’épaule. […] Triste fruit d’une doctrine qui avait renié les traditions, et institué chaque homme arbitre et auteur de sa croyance !

394. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Si tous les hommes, si beaucoup d’hommes pouvaient monter aussi haut que cet homme privilégié, ce n’est pas à l’espèce humaine que la nature se fût arrêtée, car celui-là est en réalité plus qu’homme. […] Plus rien qui paraisse distinguer essentiellement un tel homme des hommes parmi lesquels il circule. […] Et il ne s’agit pas non plus de l’intensification d’une sympathie innée de l’homme pour l’homme. […] Ces hommes sont les mystiques. Ils ont ouvert une voie où d’autres hommes pourront marcher.

395. (1891) Esquisses contemporaines

C’est de l’homme primitif et non de l’homme moral ; ce n’est pas du devoir. […] Or, la vie de l’homme est de vouloir. […] À peine campé sur une terre mal soumise, l’homme devint ennemi de l’homme. […] Sincèrement homme comme nous, il a cependant la conscience d’être au-dessus de l’homme. […] Que survit-il encore, je le demande, de ce qui fait de l’homme un homme ?

396. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Le philosophe, l’homme du monde, l’homme qui joue aux maximes, se confondent en lui. […] Autrement, on ne cause plus ; il y a un homme plus ou moins éloquent qui parle, qui est devant la cheminée comme à la tribune, et tous font cercle et écoutent. […] Ils ont leur homme intérieur qu’ils croient connaître et qu’ils préconisent, et ils ne voient pas les hommes comme ils sont. […] Ils ne veulent, disent-ils, qu’élever l’homme ; mais ils ne l’avertissent pas. « Sursum corda !  […] On en a fait un homme illustre (à la bonne heure !)

397. (1864) Études sur Shakespeare

Triste assujettissement de l’homme au monde extérieur ! […] Les impressions de l’homme communiquées à l’homme, telle est en effet l’unique source des effets dramatiques. L’homme seul est le sujet du drame ; l’homme seul en est le théâtre. […] Le poëte comique les invente librement, car son art est de faire naître, de l’homme même et de ses travers, les événements dont l’homme s’agite. […] Quel objet de la nature pourrions-nous représenter aussi bien que l’homme, quand c’est l’homme lui-même qui le représente ?

398. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

C’est un brave homme, mais un franc ignorant, attaché à la vieille routine, qu’il sait au bout du doigt, et dont il ne sortirait pas pour tous les biens du monde. Il semble que le génie des hommes se rétrécisse à force de travailler. […] Mais n’avons-nous pas entendu tout à l’heure M. d’Argenson nous dire, et à son propos, qu’on tire d’Allemagne « des hommes et des chevaux plus robustes ? […] Il est franc et naturel ; il a de l’esprit ; il a du bien, et ne donnera pas de l’ombrage comme un homme qui serait plus connu. […] Si Votre Majesté choisit un homme dont le caractère soit serré, le maintien discret, ou qui soit complimenteur, il ne fera absolument rien.

399. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Le besoin de bien-être, de confort est commun à peu près à tous les hommes de notre civilisation. […] Ainsi un homme riche pourra préférer le mode de transport isolé : l’auto, au mode collectif et banal : le chemin de fer. […] Mais d’autre part il y a aussi entre les hommes une grande diversité de goûts et d’appréciations. […] Ou plutôt la seule, la vraie valeur était alors la personnalité belle, forte et harmonieuse, l’homme complet. […] Lichtenberger nous trace de l’homme complet, de la belle personnalité de la Renaissance n’est pas un portrait purement idéal.

400. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

La nature donne l’imagination, mais les hommes seuls donnent le bon sens. […] Ce crime, selon moi, dépasse l’homme et ne dépasse pas Rousseau. […] Tel fut l’homme ; voyons l’ouvrage. […] Tous ces hommes avaient touché à cette réalité des choses qui contrôle dans des esprits justes l’inanité des théories par la pratique des hommes. […] ) Voilà l’homme !

401. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Rien n’y gêne l’homme. […] Voilà le premier homme, voilà le premier poëte. […] Il met un abîme entre l’âme et le corps, un abîme entre l’homme et Dieu. […] c’est mutiler hommes et choses, c’est faire grimacer l’histoire. […] Cependant le pauvre diable de grand homme soufflait encore.

402. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Il y a des œuvres moins fortes et moins souverainement lumineuses, où le sublime déborde moins et n’est plus tel que, comme une flèche, intensément lancée, qui atteint un homme à travers un autre homme, il passe à travers traduction et traducteur quelconques. […] L’homme, depuis la Chute, ne s’est jamais relevé qu’en deux morceaux. […] … Déduire la vie d’un homme de ses œuvres, cela n’est pas très sûr. […] … Vous pouvez savoir comment un homme combattrait, à la manière dont il chante. […] Taine veut faire tomber sur le génie comme sur le cou d’un bœuf, et prouver enfin que lui-même, comme son personnage, était un homme… encore plus un homme qu’un Anglais !

403. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

que l’esprit de l’homme est grand ! […] les hommes veulent être libres, et l’homme lui-même ne le serait point ! […] Voici un homme que l’on vient de juger. […] L’homme est donc l’égal de l’homme précisément par tout ce qui le fait homme, et le règne de l’égalité véritable n’exige de la part de tous que le respect même de ce que chacun possède également en soi, et le jeune et le vieux, et le laid et le beau, et le riche et le pauvre, et l’homme de génie et l’homme médiocre, et la femme et l’homme, tout ce qui a la conscience d’être une personne et non une chose. […] Les hommes, dit M. 

404. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

S’il est utile, dans toutes les situations, d’exercer un grand empire sur soi-même, c’est surtout aux hommes d’état que cette puissance est nécessaire. […] Si l’on pouvait faire entrer dans son âme cet ordre d’idées, il semble que l’on serait invinciblement armé contre les hommes. […] C’est un homme admirable pour son siècle ; mais c’est vouloir forcer les hommes à marcher en arrière, que de chercher dans l’antiquité toutes les vérités philosophiques ; c’est porter l’esprit de découverte sur le passé, tandis que le présent le réclame. […] Le penseur sait tirer des conséquences d’une idée principale ; mais le premier mot de toutes choses, c’est le hasard, et non la réflexion, qui le fait découvrir à l’homme. […] Ils vous peignent, pour ainsi dire, la conduite des hommes comme la végétation des plantes, sans porter sur elle un jugement de réflexion20.

405. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le docteur Revelière » pp. 381-394

L’auteur est mort, et ce livre fut sa vie… Il le pensa, mais debout ; il l’écrivit, mais en agissant, en observant, en se mêlant aux choses et aux hommes de son siècle. […]Homme de barreau, homme de bivouac, homme d’industrie, homme d’Assemblée politique, avocat, soldat, manufacturier, député sous deux règnes (les règnes de Louis XVIII et de Charles X). Que ne connut-il pas en fait d’hommes, depuis Robespierre l’incorruptible, jusqu’à Dupont (de l’Eure) le vertueux ! […] jusqu’à Napoléon, le grand homme ! […] les hommes qui pouvaient tout, à ce qu’il semblait, contre la Révolution, se laissèrent atteindre et pénétrer par elle.

406. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

Là les hommes ne font guère que des échos, des échos qui brouillent le son, en le répétant. […] Vous verrez qu’il n’y a pas pour l’homme de quoi prendre des airs si vainqueurs. […] L’homme en fait comme il s’agite ! […] C’est que M. de Beauverger, — il faut bien le dire, — est un homme du dix-huitième siècle. […] Quand l’homme dit : Je ferai ton bonheur, il dit une fatuité.

407. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Consul d’Autriche en Grèce, homme d’érudition et homme d’esprit, M.  […] Ce n’est pas un monument pour les dieux, pour les hommes, pour les siècles. […] Il faut voir et s’en aller, en pleurant moins sur la dévastation de cette œuvre surhumaine de l’homme, que sur l’impossibilité de l’homme d’en égaler jamais la sublimité et l’harmonie. […] Heureux les hommes par lesquels passent ces souffles divins ! ils meurent, mais ils ont prouvé à l’homme ce que peut être l’homme ; et Dieu les rappelle à lui pour le célébrer ailleurs dans une langue plus puissante encore !

408. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

et il était un homme. […] Oui, funeste à Shakespeare que, de fait, ce système rapetisse, dans le livre même d’Emerson ; funeste à tous les grands hommes, dont il est la décapitation évidente ; et funeste par cela seul à l’histoire, qui n’est faite qu’à coups de grands hommes, — ou du moins qu’à coups de grandes individualités. […] En histoire, Emerson ne veut pas voir l’homme, du moins dans sa hauteur native et sa propre solidité. Le Représentant de l’humanité ronge, dans son livre, qui porte ce titre : The Representative Men, l’originalité de l’homme. Et d’ailleurs, pour lui, en le poussant un peu, qu’importe l’homme !

409. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

L’auteur était un homme froid d’esprit, chaud de cœur. […] Est-ce la faute de l’érudit, de l’homme plus attiré par le spectacle des choses et de leurs commencements que par leur conduite ? […] Nous nommerons cet homme : c’est Thiers. […] Si Thiers n’avait pas publié sous Louis-Philippe les premiers volumes de son histoire, on pourrait penser que l’homme de parti a étouffé en lui la voix du véritable homme d’État. […] Enfin, comment l’homme d’État, s’il y en avait un en Thiers, aurait-il oublié de conclure que l’homme qui avait relevé, en France, la chose nécessaire, était et devait être tout autre chose qu’un accident ?

410. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

C’est la biographie d’un homme mort récemment, et sur lequel on s’empresse d’écrire. […] Évidemment, on s’est trop hâté… Pour faire la biographie d’un homme, il ne faut pas en être trop près. […] Il raconta la chouannerie comme un homme qui aurait mieux aimé faire que dire. […] Est-ce que, dans la vie des hommes faits, on a besoin de parler de leurs petites maladies d’enfants ? […] L’homme, comme en Beaumarchais, faisait en lui équation avec l’écrivain.

411. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Les hommes qui devraient la conduire et ceux qui pourraient l’égarer s’étaient passionnés. […] Il s’est dit qu’il fallait la poursuivre jusque dans son dernier retranchement, jusque dans les facultés de l’homme, faussées et perdues par une éducation première, et qui n’en restent pas moins perdues, quand l’homme ne croit plus à la lettre de son enseignement. […] Comme la Sensation est en l’homme le représentant et la voix de la nature, la Raison est dans sa conscience le représentant et la voix de Dieu. […] Oui, cet observateur si fort sur la nature morale de l’homme, sur tout ce qui la trouble et l’altère, nous fait l’effet d’un grand médecin. […] Rien donc de plus naturel à un homme comme lui que de défendre cet enseignement et de vouloir le justifier.

412. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Molé concevait et représentait en homme formé à la grande école. Dans la lettre de M. de Tocqueville perçait l’idée, poliment exprimée, qu’un homme qui se respecte doit être de l’opposition. […] C’est parmi de tels hommes, mon cher monsieur, que j’aurais été heureux et fier de vous rencontrer. […] Le théoricien idéaliste était confondu et stupéfait encore plus que l’homme politique n’était froissé en lui. […] La question, pour lui, est de savoir s’il pourra transformer l’homme politique en homme de science et d’érudition ; il s’y applique à cinquante ans avec toute l’ardeur de la jeunesse.

413. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

L’homme, créature de Dieu livrée à sa merci, s’éleva vers son Créateur en un perpétuel élan d’actions de grâce et de prières. […] Claude Monet, lui, s’est borné à l’embrasser d’un simple regard d’homme. […] La terre et l’homme ne sont qu’impureté. […] L’éboulement de ses remparts, battus en brèche par le temps et par l’homme, lui enlève chaque jour un atome de sa force. […] L’homme qui vote au Parlement pour le maintien des « survivances du passé » est proche de l’homme qui consacre un roman à l’exaltation de l’Église.

414. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Homme passionné et vindicatif en politique, il a trop dit des uns, il a trop peu dit des autres. […] Les hommes de lettres, en général, n’y sont pas mieux traités que les hommes politiques ne le sont dans la seconde partie, mais au moins ceux-là sont morts, et il ne resterait qu’à examiner si la sentence est juste. […] Je me suis toujours étonné qu’un homme qui avait tant de connaissance des hommes, eût pu épouser si chaudement une cause quelconque. […] Il y a de ces mots déterminants, dit Pascal, et qui font juger de l’esprit d’un homme. […] L’âme y manque, et moi qui ai tant aimé l’auteur, je me désole de ne pouvoir aimer l’homme.

415. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Saint-Simon, par les ducs de Beauvilliers et de Chevreuse, avait connu Fénelon autant qu’on peut connaître un homme à travers ses amis les plus intimes. […] Le premier grand homme a fait son devoir avec ampleur et majesté, selon son habitude, et il a passé outre. […] Un homme considérable, ami de Destouches, avait offert sa fille à l’un des neveux de Fénelon ; le lendemain de la mort du duc de Bourgogne, cet homme se dédit et retire sa promesse. […] Fénelon connaît à fond le monde et les hommes, il n’a pas une illusion sur leur compte. […] Rien ne serait plus sot et plus déplacé ; mais j’ai appris à connaître les hommes en vieillissant, et je crois que le meilleur est de se passer d’eux sans faire l’entendu. — J’ai pitié des hommes, dit-il encore, quoiqu’ils ne soient guère bons.

416. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

. — Les choses ont des lois, et ces lois sont rigides ; elles opèrent contre l’homme ou pour l’homme, à son choix ; mais il n’est pas maître de les changer. […] Le premier, l’homme naturel, était bon et même tendre. […] Au contraire, peu d’hommes ont été plus et mieux instruits. […] Je méprise tous les hommes, et moi bien plus que tous. […] Décidément, on ne peut pas se fier A l’homme.

417. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

C’est ainsi que, dans les sociétés inégalitaires, l’unanimité des croyances prépare les hommes à se traiter en égaux. […] La division du travail ne saurait associer intimement les hommes sans les égaliser. […] Le nombre même des types différents auxquels le Romain devait reconnaître des droits l’habituait à l’idée que le droit n’est pas attaché à telle particularité spécifique, mais que l’homme, en tant qu’homme, est respectable. […] Nous pouvons donc retenir que la nature de l’imitation qui porte d’homme en homme, dans les sociétés modernes, les habitudes et les croyances, est bien telle qu’elle les pousse vers l’idée des droits de l’homme ; car il est clair que la mode y gagne tous les jours sur la coutume. […] L’Homme dans la Nature, p. 37-39.

418. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Le premier des hommes de goût, le dernier des classiques ! […] Canning, qu’il fallait ménager ; M. de Chateaubriand, qu’il fallait flatter et informer ; le roi, qu’il fallait intéresser ; M. de Villèle, qu’il fallait éviter de blesser, — n’eut une tâche plus complexe, et ne dut montrer sous plus de faces la loyauté d’un homme d’honneur, la dextérité d’un homme de plume, la fermeté d’un homme de résolution, l’agrément d’un homme de lettres dans le sérieux d’un diplomate ; et cet homme avait vingt-cinq ans ! […] Un seul homme était digne de commander aux Arabes comme au monde. […] Loin d’égaler les hommes qui l’habitent, ils ne sont pas même faits pour les observer. […] « “Les Arabes, ajouta-t-elle, auraient aimé un homme de son caractère.

419. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Et c’est le moyen d’aimer tous les hommes. […] Or l’Encyclopédie a ce sort d’avoir été faite par des hommes supérieurs, par des hommes de moyen ordre, par des hommes médiocres et par des hommes un peu au-dessous de la médiocrité. […] Croire sans savoir n’est pas d’un homme. […] Il voulait prouver qu’un homme irréligieux peut être un honnête homme et même un homme vertueux. […] L’homme qui se croit obligé par une religion, l’homme qui se croit obligé par sa « conscience », l’homme qui se croit obligé par « l’honneur » est un idéaliste.

420. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Un tel homme ne serait pas un homme, ce serait le dieu de l’impartialité ! […] L’homme de l’opposition bonapartiste est mort ; l’homme de l’opposition orléaniste contre les Bourbons de 1815 est mort ; l’homme de la raison humaine et de la charité populaire ne mourra pas ! […] Ces hommes ne sont pas des Samsons ! […] Mais la réflexion, l’expérience, le temps avaient complètement tué en lui le vieil homme et enfanté l’homme nouveau. […] Un homme de bon cœur et de bon esprit, M. 

421. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Un homme ému, un homme habituellement ému, gesticule violemment, s’agite, se répand en injures, en prières, en acclamations, et cela est si violent que souvent il parle comme en rêve, il ne sait plus ce qu’il dit. […] De même qu’un auteur de cette espèce ne peut avoir du monde qu’une connaissance incomplète et partiale, il ne verra des hommes que certains gros côtés extérieurs et les verra déformés, enlaidis ou embellis, selon qu’à première vue ils lui plaisent ou déplaisent, dans l’immédiat retour que l’homme sentimental exécute après chaque regard jeté au dehors. […] Sur le tard, une modification paraît s’être produite chez le romancier anglais dans le mode de sa connaissance des hommes. […] Un homme en colère ne doute pas un instant qu’il n’ait raison d’être ainsi, et s’il doute, c’est qu’il commence à s’apaiser. […] Né dans une famille de pauvres employés du commissariat de la marine, son père étant le brave homme dépensier, cérémonieux et faible que nous montre M. 

422. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

André Chénier, homme politique. […] C’est l’écrivain homme de goût qui s’irrite d’abord et qui s’indigne de cette violation inouïe de la raison et de la pudeur dans la langue. […] Mais non, c’est encore l’homme de cœur et le valeureux citoyen qui, sans se soucier du succès et bravant le péril, ne peut étouffer le cri de ses entrailles. […] L’homme « juste et magnanime » se réveille, et la vue des innocents égorgés corrompt son bonheur. […] Voilà en quelles mains ce charmant génie (comme toute la France) était tombé, voilà à quels hommes il eut affaire.

423. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Marmont n’est pas seulement un homme de guerre, c’est un homme d’esprit qui juge, qui a des aperçus supérieurs, et qui, en toute matière, pénètre à la philosophie et à la moralité de son sujet. […] Le besoin de conservation éprouvé dès l’enfance développe dans l’homme un génie particulier. […] Il se plaint de ses alliés, de son beau-père l’empereur François, et là-dessus il se jette sur une distinction entre l’homme de conscience et l’homme d’honneur. Avec l’homme d’honneur, avec celui qui tient purement et simplement sa parole et ses engagements, on sait sur quoi compter, tandis qu’avec l’autre, avec l’homme de conscience qui fait ce qu’il croit être le mieux, on dépend de ses lumières et de son jugement. […] Vous, par exemple (et il prenait le bras de Marmont), si, l’ennemi ayant envahi la France et étant sur la hauteur de Montmartre, vous croyiez, même avec raison, que le salut du pays vous commandât de m’abandonner, et que vous le fissiez, vous seriez un bon Français, un brave homme, un homme de conscience, et non un homme d’honneur.

424. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

Il avait la simplicité de l’homme du monde, de l’homme qui sait vivre, de l’honnête homme, comme on disait du temps de Pascal. […] J’ai dit ce qu’était l’homme. […] — des instincts des hommes les institutions à l’aide desquelles on puisse les gouverner. […] — une incomparable supériorité sur tous les hommes qui ont voulu faire les mêmes choses que lui. […] Les hommes d’imagination (pour lesquels seuls j’écris) ne me comprendront-ils pas ?

425. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Armand Carrel » pp. 15-29

Nous allons avoir l’exacte mesure d’un homme grandi par le besoin des partis ; car les partis se font des hommes quand ils n’en ont pas, et Carrel est un de ces postiches. […] Carrel ne put être l’homme de ses opinions réelles et ne voulut pas être l’homme de sa situation factice. […] C’était celle d’un homme qui a des muscles et de la bravoure, et plus encore de nerfs que de muscles, voilà tout ! […] Et voilà pourquoi, dans sa mesure, d’ailleurs étroite, nous préférons de beaucoup l’homme à l’écrivain. […] Il était donc un de ces hommes dont la fonction est de tout enseigner et dont la spécialité est l’univers.

426. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

Où l’homme aigu, perçant, incroyablement, sur naturellement intuitif, a-t-il passé ? […] Et de fait, quand le mysticisme, cet aigle à la griffe de feu, a pris un homme, il ne le lâche plus. L’homme est confisqué au profit de Dieu, qui devient en revanche le profit de l’homme… Le livre de Hello, dit-il encore dans sa préface, commence et finit par le nom de Dieu. […] Mais le Dante de ce formidable conte descend dans l’âme de son avare les dix mille cercles de l’enfer d’une âme d’homme à qui Dieu, en le créant, avait mis de son infini dans la poitrine ! […] V. aussi les Plateaux de la Balance (Critiques ou juges jugés), IIe  série des Œuvres et des Hommes.

427. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Il est vrai que les Allemands sont des Allemands, — un peuple de rêveurs, — tandis que nous sommes des hommes d’affaires. […] Excepté son livre, rien ne reste de cet homme, qui eut un cœur pourtant, une humeur, un tempérament, une existence à la façon des autres hommes, et qui n’apparaît dans l’histoire que comme un grand esprit impersonnel, un observateur qui s’efface dans l’intérêt de son observation, et qui provoque d’autant plus la curiosité qu’il la désespère. […] la personnalité des hommes ! […] Voltaire, ce singe de Satan, qui a brisé le miroir de la Vérité en mille miettes, a dit avec son ineffable superficialité que la vie des hommes de génie n’est jamais que dans leurs écrits, et de bons esprits ont accepté cela comme un axiome. […] « Nous ne faisons pas — dit-il — plus de cas qu’Auger (voilà à quoi sert l’autorité de ce qu’on appelle un homme de goût !)

428. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

Ranc est un de ces hommes d’action qui le sont de plume et de tout… Son talent est de même trempe que son caractère. […] La beauté de l’homme, c’est d’être une arme. » Eh bien, Ranc a cette incontestable beauté-là ! […] Nous n’avons plus affaire seulement à l’homme qui ressuscite comme l’historien, mais à l’homme qui crée comme le poète. […] Ce qu’il y a de vrai et de réel dans cette conspiration de Rochereuil et de l’abbé Goujet, deux hommes qui ne sont pas sortis de cette injuste obscurité qui est souvent, hélas ! […] …), tiendrait actuellement son noble esprit plus haut que ses passions d’homme de parti ?

429. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Après ce sentiment malheureux et sublime qui fait dépendre d’un seul objet le destin de notre vie, je vais parler d’une sorte de passions qui soumettent l’homme au joug des sensations égoïstes. […] L’agitation de l’âme est un besoin trompeur auquel la plupart des hommes se livrent, sans penser à ce qui succède à cette agitation. […] La plupart des hommes cherchent donc à trouver le bonheur dans l’émotion, c’est-à-dire, dans une sensation rapide, qui gâte un long avenir : d’autres se livrent par calcul, et surtout par caractère à la personnalité ; mécontents de leurs relations avec les autres, ils croient avoir trouvé un secret sûr pour être heureux, en se consacrant à eux-mêmes, et ils ne savent pas que ce n’est pas seulement de la nature du joug, mais de la dépendance en elle-même que naît le malheur de l’homme. […] L’avenir inquiète tellement les avares, qu’ils aiment à sacrifier le présent comme pourrait le faire la vertu la plus relevée : la personnalité de tels hommes va si loin, que l’avare finit par immoler lui à lui-même ; il s’aime tant demain, qu’il se prive de tout chaque jour pour embellir le jour suivant. […] quel homme peut se choisir pour l’objet de sa pensée, sans admettre d’intermédiaire entre sa passion et lui-même !

430. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Fort et illustre devint-il depuis, cet homme hardi. […] Trois hommes de Brunhilt avaient peine à la porter. […] » pensa l’homme hardi. […] Les hommes d’Etzel se rendirent dans les huttes. […] Alors les hommes se hâtèrent vers leurs chevaux.

431. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Tout autant que ses passions d’homme privé, ses passions d’homme politique, et même de croyant, ont ce caractère. […] Il s’est cru homme d’État, mais quoique poète. […] Maintenant voici qu’il aperçoit les hommes. […] C’est nous, hommes du commun, qui n’en sortons pas. […] L’âge vient, l’homme ne voit plus rien où se prendre.

432. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 49, qu’il est inutile de disputer si la partie du dessein et de l’expression, est préferable à celle du coloris » pp. 486-491

Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l’expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l’oeil plus voluptueux que d’autres. […] Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le coeur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l’harmonie et la verité des couleurs locales. Tous les hommes n’ont pas le même sens également délicat. […] Chacun opine donc en supposant, comme une chose décidée, que la partie de la peinture qui lui plaît davantage est la partie de l’art qui doit avoir le pas sur les autres, et c’est en suivant le même principe, que les hommes se trouvent d’un avis opposé. […] Mais ces goûts particuliers n’empêchent pas les hommes de rendre justice aux bons auteurs, ni de faire le discernement de ceux qui ont réussi, même dans le genre pour lequel ils n’ont point de prédilection.

433. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Je quitte ces hommes vêtus de pourpre, pour m’entretenir avec un homme à demi nu : je l’admire ; et comment ne l’admirerais-je pas ? […] Mais Sénèque fut-il un homme ordinaire ? […] à un homme cruel, jaloux de son talent. […] Alors l’homme ferme s’exhorte et se résout ; la femme et l’homme faible courent au devin. […] L’homme de génie est connu de la postérité, l’homme en est ignoré.

434. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

De là viennent ces hommes qui n’ont qu’une faculté et qui ne voient les choses humaines que d’un seul point de vue. […] Je savais qu’un tel homme ne se trompait pas plus aux vers qu’à la prose. […] Chaque matin pour l’homme est une renaissance ! […] Je l’interrogeai avec le respect presque tremblant d’un homme qui ne craint aucun homme, mais qui tremble devant tous les anges. […] Un seul homme en Italie, Mezzofanti, un seul homme en France, le comte de Circourt, ont offert au monde ce phénomène de l’universalité des langues et des connaissances humaines ; mais ces deux hommes étaient deux miracles d’organisation intellectuelle achevés par les années et par les études.

435. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Je n’irai pas jusqu’à dire avec La Bruyère que « les enfants des dieux se tirent des règles de la nature, que le mérite chez eux devance l’âge et qu’ils sont plus tôt des hommes parfaits que le commun des hommes ne sort de l’enfance ». […] Ils sont les moins libres des hommes. […] On n’a de visions un peu curieuses, on ne découvre à plein les hommes qu’en temps d’émeute et de révolution. […] Il est, d’ailleurs, de beaucoup, le plus grand homme de sa race. […] Les hommes de guerre ne m’éblouissent point.

436. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

en meilleure santé que les hommes réellement sains, et qu’il ne fait par conséquent aucun effort pour se guérir. […] Il est amant, il est père, il est homme ! […] Un être né homme, avec des sens, un sexe, un cœur, un cerveau, une volonté, une conscience. […] Pour exercer sur les hommes une action bienfaisante, il faut être homme soi-même, avant tout ; il faut avoir vécu pour connaître la vie, et mille Sommes de Thomas d’Aquin ne sauraient remplacer une heure d’existence réelle. […] N’as-tu pas la fierté de ta puissance d’homme ?

437. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Ce siècle est ordinairement nommé le siècle des grands hommes ; on l’appellerait avec autant de vérité le siècle des éloges. […] Duperron, un de nos premiers orateurs, et qui passa pour un homme de génie, ne la connut pas. […] quel est aujourd’hui, dans presque tous les États, le lieu et le temps où un homme éloquent puisse sauver sa patrie ? […] Il en est des peuples comme des hommes, et leur marche est la même. […] Qu’on ne s’en étonne pas ; de toutes les facultés de l’homme, l’imagination est la première qui s’éveille.

438. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Cependant Charles n’est pas un grand homme. […] C’est tout ce qu’on pouvait obtenir de l’amour-propre de l’homme et de l’orgueil du temps. […] Le bien pris par de tels hommes ne se reprend pas. […] Il finit en homme de bien. […] Ne nous piquons pas d’être meilleurs chrétiens que ce grand homme.

439. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

s’écria un homme plein de raison, eh ! […] Quel grand homme que ce roi de Prusse ! […] L’homme modeste vit & meurt ignoré. […] Voilà l’homme. […] L’homme n’aura donc plus rien en propre ?

440. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

tout ce qui s’accorde si bien avec la destinée terrestre et sociale de l’homme ne doit-il pas être considéré bien moins comme une illusion que comme une harmonie ? […] Les sens trompent la raison, et en échange ils sont souvent trompés par elle : « Voyez quelle belle science et certitude, dit-il, l’homme peut avoir, quand le dedans et le dehors sont pleins de fausseté et de faiblesse, et que ces parties principales, outils essentiels de la science, se trompent l’une l’autre. » Il en résulte à ses yeux que les animaux, qui semblent aller plus à coup sûr, ont bien des avantages sur l’homme ; peu s’en faut par moments qu’il ne leur accorde une entière préférence. Il tient fort du moins à ce qu’il y ait « un grand voisinage et cousinage entre l’homme et les autres animaux. […] [NdA] La tactique de Montaigne, de Bayle et autres sceptiques, c’est ou bien de rabaisser l’homme jusqu’au niveau des bêtes pour lui ôter le privilège de l’immortalité, ou bien d’élever les bêtes quasi jusqu’au rang de l’homme pour forcer à conclure que, s’il a une âme immortelle, elles en doivent avoir une également : or c’est là une conclusion qui répugne et devant laquelle on recule volontiers. Chanet ne se laisse point envelopper dans ce dilemme : il observe et trace les limites, les distinctions spécifiques entre l’homme et les bêtes, et qui lui paraissent suffire pour motiver la différence des destinées.

441. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Parce que ce Valjean est au fond un très vilain homme, un homme si pervers, si incorrigible, que moi, qui ai fréquenté les bagnes, j’en ai vu bien peu d’aussi foncièrement scélérats, d’aussi dénaturés, soit par leur dépravation naturelle, soit par le défaut de bonne éducation dans leur famille, soit par la passion innée et organique du vol et du meurtre, passion qu’on dit héréditaire dans certaines races d’hommes, comme chez le renard, le loup ou le tigre. […] Mais examinez donc, selon moi, la profondeur d’atrocité, et d’atrocité mêlée d’ingratitude et d’injustice, de ce brave homme auquel M.  […] J’ai dit : « Ils sont hommes, ils se trompent, ils ne voient pas la vérité ; s’ils la voyaient, ils se garderaient bien de m’exécuter. » Voilà tout ! […] non, Monsieur, je ne pardonnerai jamais cela à ce Valjean : cela dépasse l’homme, cela dépasse le tigre, car le tigre qui ouvre ses griffes sur l’homme ne sait pas que cet homme lui voulait du bien : il l’étrangle comme ennemi, mais non comme bienfaiteur ! […] Cela ne soulèverait pas une minute de discussion entre hommes sérieux.

442. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Il est très vrai qu’ils n’ont pas jugé les choses et les hommes comme Desmarets. […] Achille n’est qu’un homme. […] N’est-ce pas d’un homme qui a l’air de s’y mirer ? […] Il suffit d’un peu de vanité pour faire d’un homme d’esprit un sot. […] Ils étaient désavoués même par les hommes qui inclinaient vers leur morale.

443. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Devant le monde infini, qu’est-ce que l’homme ? […] « L’homme est intermédiaire entre Dieu et la nature. […] Comment le résoudre, comment démontrer que l’homme est réellement libre ? […] L’homme pourrait concevoir le bien sans avoir la liberté de le faire. […] « Ce n’est qu’après l’extirpation de la vie maligne et corrompue du vieil homme, dit-il, que nous passons dans la vie de l’homme nouveau.

444. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Il en résulte un bien triste jour ouvert sur la nature morale de l’homme, toute une étude à fond, une fois faite, inexorable, involontaire. […] Le colonel avait su jusque-là conserver intacte parmi ses hommes la religion du drapeau. […] Le tout fut accueilli comme on pouvait l’attendre d’un homme tel que Ney. […] Je n’avais pas plus de cent hommes, et nous nous trouvions à plus d’une lieue en arrière de notre colonne. […] Ainsi le corps de Ney, qui était de 10 à 11 000 hommes en quittant Moscou, qui était encore de 6 000 au combat de Krasnoï, n’est plus que de 8 ou 900 hommes en arrivant à Orcha.

445. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

C’est la poésie même du passé racontée par un homme qui sent la poésie partout où elle est, et elle est partout ! […] En présence des œuvres fortes, des œuvres suées par les hommes de labeur et d’étude, la Critique a parfois de singulières mollesses ! […] Dargaud, de ce Michel de l’Hôpital qui était, lui, l’homme de l’avenir, et le philosophe religieux des temps très religieux, comme vous savez, que nous voyons ! […] Dargaud, les proportions colossales et absolues d’un type, et perdu complètement celles d’un homme et de l’homme qu’il était ! […] C’est une espèce de marquis de Posa historique, mais qui ne rêve plus, quand il a congédié l’avenir et circonscrit son regard aux hommes et aux choses qu’il veut peindre.

446. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

À la tête des orateurs qui l’ont loué, est ce Libanius, né à Antioche, et regardé comme l’homme le plus éloquent de l’Asie. […] Pouvant être préfet du palais, c’est-à-dire avoir une des premières places de la cour, il aima mieux rester orateur et homme de lettres. […] On l’a peint tour à tour comme le plus coupable et comme le plus grand des hommes. […] Il apprit, dans la retraite, dans l’étude, dans l’éloignement des plaisirs, à se former et à commander aux hommes ; il est vrai que peut-être il fut forcé à la vertu par le malheur. […] On le voit ; l’idée que la divinité pouvait se communiquer à l’homme, idée si analogue d’ailleurs à son siècle et aux idées générales qui occupaient alors l’univers, tourmentait et agitait son esprit.

447. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Je ne suis plus étonné de ce que Camille, ce grand homme que Rome exila, soupirait après sa patrie, quand je pense qu’un homme né sur les rives de l’Arno regrette un séjour au-delà des Alpes. […] Le rhétoricien brille dans les Triomphes, l’homme se révèle dans les sonnets. […] On recueillit, on répandit à profusion toutes les œuvres et toutes les correspondances de cet homme divin. […] L’âme est le principe de toute gloire durable dans les lettres comme dans les actes des vrais grands hommes. […] apaise les mânes des hommes qui ont fait ta gloire !

448. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

. —  L’homme positif. —  M.  […] Le commun des hommes n’a que des émotions faibles. […] Ils aiment l’art plutôt que les hommes. […] La politique, les affaires et la religion, comme trois puissantes machines, ont formé, par-dessus l’homme ancien, un homme nouveau. […] L’homme social n’a pas détruit l’homme naturel.

449. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Après cette étude, il entreprit de longs et lointains voyages pour connaître la terre et les hommes. […] Supposons que soixante-dix années soient le terme de la vie d’un homme. […] L’homme est donc, ô Crésus, tout misère ! […] Enfin, quel homme ou quelle femme a péri par vos mains ? […] À quelle homme pensera-t-elle s’être unie ?

450. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

. —  Nouvelle conception de la nature et de l’homme. […] L’homme, d’après lui, est un animal habillé. […] » Ce sentiment est le fonds même de l’homme. […] Il y a là un grand sentiment. —  Suis-je un homme juste ? […] On s’étonnait que des fous eussent été des hommes d’affaires.

451. (1885) L’Art romantique

G. en particulier, la femelle de l’homme. […] Ces soldats eux-mêmes, hommes de lettres ! […] Nous avons déjà, je crois, noté deux hommes dans Richard Wagner, l’homme d’ordre et l’homme passionné. C’est de l’homme passionné, de l’homme de sentiment qu’il est ici question. […] je n’écrirai pas contre cet homme !

452. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

Mademoiselle de Condé ne donna que Dieu pour rival à l’homme qu’elle aimait, mais elle emporta son amour pour cet homme jusque dans le sein de Dieu même… Sa vie, quand elle prit le parti héroïque de ne plus voir l’homme trop aimé qu’elle ne pouvait pas épouser, devint aussi héroïque que le parti qu’elle avait pris. […] malheureux homme qui lui avait tué le duc d’Enghien. Depuis ce moment-là, elle ne l’appela jamais que « ce malheureux homme », et elle fit dire pour lui une messe à Rome, quand le malheureux homme mourut à Sainte-Hélène. […] D’après les lettres seules de Mademoiselle de Condé, La Gervaisais, malgré l’auréole de son amour qu’elle lui met autour de la tête, fait l’effet d’un homme meilleur peut-être que les hommes de son temps, mais affecté pourtant des vices de son temps. […] Elle finit même par idéaliser ce nom « d’ami », insupportable de femme à homme, dans l’amour, si la femme n’était pas elle.

453. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Des théories analogues ont plusieurs fois traversé l’imagination des hommes, et des théories analogues la traverseront encore plus d’une fois. […] Il ne lui est point permis de n’être qu’un homme de cabinet. […] Il ne s’agit ici que des grands hommes, des maîtres de l’esprit public. […] Si les hommes écoutent le moraliste qui gronde, ils se précipitent sur les pas du magicien qui les charme ; les femmes surtout, les jeunes gens sont à celui qui leur fait voir la terre promise. […] Ce vertueux sauvage sauve le fils du roi sur lequel un grand-prêtre levait le poignard, puis, désignant tour à tour le grand-prêtre et lui-même, il s’écrie : « Voilà l’homme civil ; voici l’homme sauvage. » Sur ce vers, applaudissements, grand succès, tellement que la pièce est demandée à Versailles et jouée devant la cour.

454. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Il faut que l’historien, profondément sage, comprenne ce langage des événements pour l’interpréter aux autres hommes. […] Nul ne connaît les hommes par théorie : pour les connaître, il faut les toucher ; on ne les touche que dans la mêlée. […] Quel autre homme qu’un homme rompu aux affaires publiques, un témoin des écroulements de Rome, un publiciste, un moraliste, un orateur, un vieillard, pouvait le penser et pouvait l’écrire ? […] Tacite raconte la sédition des prétoriens à la vue d’Othon, en homme qui a vu les émotions populaires et les défections soldatesques. On croit relire, à l’homme près, l’entrée de Napoléon à Grenoble au retour de l’île d’Elbe.

455. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Sous Octave, deux hommes qui étaient nés libres, et qui tous deux avaient vu les proscriptions, louèrent à l’envi l’assassin qui, à force d’art et de souplesse, avait asservi Rome ; j’en demande pardon à ces deux hommes, mais il faut les nommer, c’est Horace et Virgile. […] Le panégyriste de Tibère devait l’être de Séjan ; aussi, dans le même ouvrage, Séjan est-il peint comme un grand homme ; on nous apprend qu’il fut choisi pour seconder Tibère, parce que c’est la règle que les hommes supérieurs emploient des hommes de génie21 ; enfin, dans les dernières lignes, la servitude à genoux implore hautement tous les dieux de Rome, pour demander, au nom de l’univers, la conservation de qui ? […] D’abord il querelle très sérieusement la fortune de ce qu’elle a osé attaquer un grand homme tel que Polybe : cependant il voit bien qu’elle a été très adroite, car elle a trouvé le seul endroit par où elle le pût blesser. […] Rien de bas, rien de commun ne sied à un homme comme lui : il ne faut pas qu’il démente l’admiration que l’univers a conçue23. […] Mais j’ajouterai, pour être juste, que ce même homme qui a paru si faible dans son exil, mourut avec le plus grand courage ; tant il est vrai qu’on peut unir la faiblesse avec la grandeur, et être tour à tour intrépide et lâche.

456. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Quel sort pourrait être comparé à celui de l’homme que vous aimerez ?  […] Ce n’était pas un homme, c’était un sublime somnambule dans la vie. […] C’était alors une des plus gracieuses figures d’hommes de race qu’on pût rêver. […] Malheur aux amies d’hommes d’État ! […] La vieillesse réhabilite la vie de ce grand homme, désenchanté de lui-même et de tout.)

457. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Bref, une seule petite phrase avait fait de moi un homme célèbre. […] Et comment ai-je pu oublier aussi qu’aucun homme n’aie droit de mépriser les hommes ? […] Un grand homme ? un pauvre homme vide au prurit morbide, plus digne d’une salle d’hôpital que d’un trône parmi les hommes. […] Il est la vacuité de l’homme, non sa grandeur.

458. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 2, du génie qui fait les peintres et les poëtes » pp. 14-24

Voilà pourquoi on dit que l’homme d’esprit peut bien faire un couplet ; mais qu’il faut être poëte pour en faire trois. […] C’est l’enthousiasme qui possede les poëtes, quand ils voïent les graces danser sur une prairie, où le commun des hommes n’apperçoit que des troupeaux. […] Que ces maîtres soient de grands hommes ou des ouvriers médiocres, il n’importe, l’éleve qui aura du génie, profitera toûjours de leurs enseignemens. […] Ce qu’un homme né avec du génie fait de mieux, est ce que personne ne lui a montré à faire. […] Un homme né avec du génie, peut s’instruire lui-même en deux mois de toutes les regles de la poësie françoise.

459. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le voltairianisme contemporain »

Il est capable de tout, ce diable d’homme, qui l’aurait été de tant de bien, s’il l’avait voulu ! […] Il n’a pas compris que son livre, qu’il croyait être une justice, une reconnaissance et à la fois tous les sentiments prosternés, n’était pas en proportion réelle avec cet homme d’ubiquité, cet homme qu’on retrouve partout et qui s’appelle Voltaire. […] Si les coquins ont un parti, il doit jurer par ce grand homme ! […] Véritable machine pneumatique, qui a fait le vide dans le cerveau de l’homme. […] nous l’avons dit déjà : ils portent la flèche barbelée de cet homme au milieu du cœur, cette flèche dont on aime la blessure.

460. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Ceci, pour le dire en passant, expliquerait assez bien l’unité de l’Iliade et de l’Odyssée, dans l’hypothèse de ceux qui pensent que ces poèmes ne sont pas l’ouvrage d’un seul homme, de l’homme qui s’est appelé Homère, c’est-à-dire le poète. […] Alors il faudra l’abandonner aussi ; car il est inutile de donner à l’homme le lait de l’enfant. […] La vie de l’homme est courte ; il faut lui abréger, le plus possible, le temps d’apprendre. […] L’homme sera toujours à lui seul un fonds inépuisable, la nature peut être mieux connue, mais les sentiments de l’homme seront toujours immenses et sans limites. […] Le nu s’applique seulement aux sujets mythologiques ; ce que vous voyez, ce sont des êtres au-dessus de l’homme, qui doivent être encore l’homme tout entier, mais l’homme idéalisé par l’apothéose.

461. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Il était joli homme, même beau de visage, et bien fait de sa personne. […] Un homme de l’écharpe blanche ne peut être condamné qu’à l’exil. […] Tout dissident lui paraissait à l’instant, et du même coup, méprisable, haïssable et criminel : c’était à ses yeux un homme à supprimer, un homme ou une classe d’hommes, le chiffre ne l’arrêtait pas ; et le tout, disait-il, en vue d’assurer le plus grand bien futur. […] s’écria Saint-Just, Marius était plus politique et plus homme d’État que vous ne le serez jamais ! […] Ils furent des hommes féroces avant d’avoir eu le temps d’être des hommes distingués.

462. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

que l’homme est bon, Messieurs ! […] Bourget a été si rapide, que l’homme nouveau est né en lui avant que l’homme ancien ait achevé de périr. […] Lemaître, un code du parfait galant homme. […] Or cela est contestable, l’homme n’étant pas un animal très logique. […] Son développement en contradiction avec celui des hommes de lettres contemporains.

463. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 348-356

Toute l’Europe convient généralement, que l’Esprit des Loix est un des plus beaux Ouvrages qui soient partis de la main des Hommes. […] Il est rare de rencontrer dans un même Homme deux qualités qui semblent s’exclure l’une l’autre. […] Il y aura toujours bien de la différence, entre un homme à qui l’Histoire de tous les Peuples & de tous les Siecles étoit si présente, & un Ecrivain qui a défiguré l’Histoire de tous les Peuples & de tous les Siecles. […] de Montesquieu, qu’ils croyoient appartenir à leur Secte, ils auroient désiré pouvoir grossir leur Nécrologe du nom d’un Grand Homme, mort dans les sentimens qu’ils affichent ; mais il sera toujours vrai de dire que l’Auteur de l’Esprit des Loix, après avoir été abusé par une fausse sagesse, en est revenu à la véritable ; celle qui nous soumet à Dieu, fait respecter la Foi, & épargne aux hommes le scandale & l’indignation. […] Voilà pourtant l’Homme dont on a voulu faire un Dieu !

464. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 6, des artisans sans génie » pp. 58-66

Véritablement un homme propre à réussir dans plusieurs professions est très-rarement un homme propre à réussir éminemment dans aucune. […] Il ne peut les discerner que dans les copies de la nature, faites par des hommes de génie. […] D’ailleurs si le maître est homme de génie, il se dégoûte bien-tôt d’enseigner un pareil sujet. […] Il atteint bien-tôt cette grandeur propre à chaque homme, et après laquelle il ne croît plus. […] Que les hommes nez sans un génie déterminé, que ces hommes propres à tout s’appliquent donc aux arts et aux sciences, où les plus habiles sont ceux qui sçavent davantage.

465. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Eugène Chapus »

Grâce à Dieu, Chapus a maintenant assez vécu pour prendre enfin cette revanche, attestation de sa force, qu’un homme de talent finit toujours par prendre contre une société sans sympathie ! C’est devant de tels hommes, méconnus longtemps par l’opinion, qu’une critique juste doit marcher pour leur faire place et ranger l’estime ou l’admiration autour d’eux. […] Il est aussi artiste que le serait un homme exclusivement voué aux lettres, et de plus il est homme du monde. […] Elle a été remplacée par une autre, dans laquelle l’homme tient moins de place et sa pensée davantage, et dans celle-là. […] Romanciers d’hier et d’avant-hier (Les Œuvres et les Hommes, IIIe série).

466. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

» — demandait Tourguéneff au général en question, un très gros homme. […] À ce moment, on annonce l’homme aux deux jambes coupées. […] Elle ajoutait qu’autrefois, il fallait surveiller tout homme qui montait, pour qu’il ne redoublât pas. Maintenant, cette surveillance est inutile, l’homme du peuple de 1876 ne redouble plus. […] Il est vraiment, cet homme ; un gros enfant terrible pour son parti.

467. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Les hommes. […] … La pensée de l’homme est immobile. […] L’homme. […] L’homme. […] Il a le style d’un homme d’action.

468. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Macaulay traite la philosophie à la façon des Anglais, en homme pratique. […] Nous concevrions aussi aisément qu’on dît : homme de bien, et père dénaturé ; homme de bien, et ami déloyal. […] Tous ces millions d’hommes ne fournissent pas un cipaye aux armées de la Compagnie. […] Ce que le mécanicien est au mathématicien, l’homme d’État pratique l’est à l’homme d’État spéculatif. […] Mais tuer des hommes dans leur lit !

469. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

J’aime à croire que non, car le fond de mon opinion est le même ; mais j’aime tout ce qui est de l’homme quand l’homme est distingué et supérieur ; je me laisse et me laisserai toujours prendre à la curiosité de la vie, et à ce chef-d’œuvre de la vie, — un grand et puissant esprit ; avant de la juger, je ne pense qu’à la comprendre et qu’à en jouir quand je suis en présence d’une haute et brillante personnalité. […] Laissez parler l’homme. […] On souffre involontairement de voir un homme qui parle un si beau français exprimer des sentiments qui sont si peu nôtres ; mais enfin, pour peu qu’on y réfléchisse, il est dans son rôle, il est bien lui, le représentant d’un souverain à demi dépouillé, l’homme de l’ancien droit divin et l’ennemi de la Révolution, sous quelque forme qu’elle se montre. […] comme il redoute l’homme que le destin a marqué d’un signe au front et qui obsède toutes ses pensées ! […] Sem est bon homme : pourvu qu’il ait une pipe, un sofa et deux ou trois femmes, il se tient assez tranquille ; mais Japhet est un terrible polisson !

470. (1925) Dissociations

Le bonheur est entré dans l’imagination des hommes. […] Il y eut toujours des savants, parce qu’il y eut toujours des hommes intelligents, des hommes qui ne se satisfaisaient pas de l’apparence des choses, des hommes qui voulaient savoir, savoir toujours davantage. […] L’animal idiot et l’homme idiot sont parfaitement identiques et l’homme normal est peut-être un animal fou, tout simplement. […] L’homme tertiaire ne me surprend, ni ne m’émeut. […] Mais l’homme de ce temps est impatient.

471. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

Il ne faut plus se plaindre lorsqu’on voit un homme tel que M.  […] Ceci expliquerait assez bien, au reste, comment plusieurs philosophes ont été portés à attribuer l’invention du langage à l’homme. […] Mais ce qui, au défaut de toute autre cause, assurerait encore la perpétuité des sociétés humaines, c’est la nécessité imposée à l’homme de tout apprendre. L’homme ne sait rien de lui-même, l’homme a besoin d’être instruit sur toutes choses, ainsi que l’affirmait Pascal. Si nous n’avions pas blâmé toute comparaison entre l’homme et les animaux, nous pourrions dire que l’homme en naissant ne sait rien de ce qu’il doit savoir, même pour se conserver ; que les animaux, au contraire, savent tout, qu’ils n’ont besoin de rien apprendre.

472. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

En le lisant de suite, on peut se faire une idée très juste de l’homme, de ses sentiments, de ses délicatesses, de ses scrupules ou de ses ravissements de pensées, de ses petitesses aussi. […] » Il reconnaît d’ailleurs avoir eu des obligations inexprimables à Martinez de Pasqualis, qu’il appelle un homme extraordinaire pour les lumières, « le seul homme vivant de sa connaissance dont il n’ait pas fait le tour ». […] Les hommes qui ne sont pas plus loin que le noviciat sont aisément attirés par ce foyer, qu’ils ne soupçonnent pas être un gouffre. […] Les hommes de désir, en ceci, me paraissent prendre leur parti des douleurs publiques un peu trop commodément. […]   C’est un grand tort aux yeux des hommes que d’être un tableau sans cadre, tant ils sont habitués à voir des cadres sans tableaux.

473. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Les premiers hommes du siècle sont ceux qui savent le grec. […] La nature s’essaie ainsi quelquefois avant de donner ses hommes. […] Il croit par là simplifier la question ; il ne fait que mutiler l’homme. […] Il ne fallait rien moins que cette démonstration sensible en réponse à ceux qui raisonnaient des langues comme si les hommes étaient nés sourds. […] Elle est toute moderne, très sensée à bien des égards, très propre en effet à former un galant homme.

474. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

La France doit immensément à l’homme qui était tout dans ce temps. […] Je ferai une seule remarque qui touche au caractère général de l’homme. […] Il lui manque un peu de ce qu’il a tant blâmé chez les hommes de l’école opposée, l’imagination dans l’expression. […] Homme de discipline, il croyait que la troupe aurait aisément raison de cette guerre de pavés et de rues. […] L’homme manque, dit-on, mais à qui la faute ?

475. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Mais son dépit, plus violent qu’habile, est mortel à l’homme en faveur de qui il faudrait nous intéresser. […] L’homme d’esprit a tout gâté, l’homme d’esprit qui ne veut pas-avoir l’opinion des imbéciles, comme si l’opinion des imbéciles n’était pas toute la politique de la vie ! Il faut s’en prendre à l’homme d’esprit, à la coquette d’érudition, au bas-bleu, à la Cydalise. […] Il a des remords, pourtant, et des tiraillements d’homme d’esprit. […] Ce sont là, pour cet homme d’ironie… sans ironie, les divinateurs de l’humanité et de l’avenir !

476. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Évidemment, pour tout homme de bonne foi et dont le regard traverse les surfaces, les hérésies nées du Protestantisme n’en peuvent plus. […] Comparez ces deux hommes avec attention. […] Il eut comme peur de son influence, peur de cette éclatante renommée qui se fixait par son nom sur le front de chaque homme qui pensait comme lui. […] Question personnelle posée par respect pour un tel homme, mais dominée par une question plus vaste : la question de tout le parti catholique lui-même. […] Quand nous avons vu récemment se produire, au sein des Chambres britanniques, une si bonne et si enthousiaste disposition vers le Saint-Père, les hommes d’État, les hommes à vue longue, avaient-ils l’instinct de la situation que leur créerait immédiatement une entente profonde avec Rome ?

477. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

L’homme, « déterminé » de toutes parts, rêve de liberté. […] « Vivre, sur un sol libre, avec des hommes libres », c’est le rêve de Faust. […] Tous ceux-là le reconnaîtront, qui estiment que l’attribut de l’homme, c’est la pensée. […] Dès qu’on touche à l’homme intellectuel et moral, on se perd dans un infini de possibilités. […] La rêverie imprécise se perd dans le néant comme un fleuve dans les sables ; et l’érudition n’est qu’une momie ; tandis que l’expression enfante d’autres expressions, comme l’homme engendre l’homme.

478. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Eh bien, Stendhal avait peint le dandysme en homme qui, sous les impertinences de l’attitude, en comprenait la profondeur ! […] Gustave Doré a la vision de ces temps, qui ont cent coudées dans l’imagination des hommes. […] Quand il s’agit d’un homme célèbre qui a marqué dans les œuvres de son temps, — et Balzac a fait plus que de marquer dans les œuvres du sien, — les ouvrages de cet homme n’importent pas seuls aux lecteurs. L’homme, le cerveau de l’homme, les développements successifs de ce cerveau, intéressent peut-être encore plus les lecteurs que ses ouvrages, et c’est pourquoi il n’est jamais permis de rien changer à l’ordre chronologique des œuvres d’un homme ; car le temps est l’accoucheur de la pensée ! […] L’homme et le génie ne sont pas infinis… Mais, tout de même que ce gros homme dont Cyrano de Bergerac disait qu’on ne pouvait pas le bâtonner en un seul jour, Balzac, plus grand que cet homme n’était gros, a besoin de plus d’un jour aussi pour être éclairé en plein sur tous les points de sa circonférence intellectuelle, et la lentille enflammée de nos phares a encore du temps à tourner !

479. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Dans l’élite de ces hommes, M.  […] — L’heureux homme ! […] un homme ! […] dans cette terre si féconde en hommes. […] Voilà bien le vêtement qui convient aux hommes valides !

480. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Les anciens avaient des hommes pour amis, et ne voyaient dans leurs femmes que des esclaves élevées pour ce triste sort. […] De là vient que les moralistes modernes ont en général beaucoup plus de finesse et de sagacité dans la connaissance des hommes, que les moralistes de l’antiquité. […] C’est à la spiritualité des idées chrétiennes, à la sombre vérité des idées philosophiques qu’il faut attribuer cet art de faire entrer, même dans la discussion d’un sujet particulier, des réflexions touchantes et générales, qui saisissent toutes les âmes, réveillent tous les souvenirs, et ramènent l’homme tout entier dans chaque intérêt de l’homme. […] Les liens domestiques sont cimentés par une liberté raisonnable ; l’homme n’a plus légalement aucun droit arbitraire sur son semblable. […] On a appris à respecter profondément le don de la vie ; l’existence de l’homme, sacrée pour l’homme, n’inspire plus cette sorte d’indifférence politique, que quelques anciens croyaient pouvoir réunir à de véritables vertus.

481. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Hommes et femmes marchent avec un empressement frénétique. […] Swedenborg prétendait que l’homme était composé de petits hommes ; chaque Anglais est une petite Angleterre. […] Bien loin de faire de l’homme extérieur et physique le point de départ de l’homme moral, elles n’admettent l’homme extérieur que comme la traduction de l’homme intérieur. […] Ce que nous disons de l’homme moral, nous le disons aussi de l’homme de génie. […] Que ce soit le dernier des hommes de la race inspirée, c’est possible ; mais certainement c’est un homme appartenant à cette grande race.

482. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Étudions un moment l’homme avant d’étudier l’œuvre : l’homme dans Goethe n’est pas moins caractéristique que l’œuvre. […] Nous avons de ce grand homme d’excellents portraits à tous les âges. […] L’homme sensuel y éclate partout, l’homme sensible nulle part. […] dit-il ; irai-je feuilleter ces milliers de volumes pour lire que partout les hommes se sont agités de même pour améliorer leur sort et qu’un homme heureux n’a jamais vécu ? […] combien je sens cependant que rien de parfait n’est la part de l’homme !

483. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Je suis homme de lettres, je dois savoir mon métier. […] L’homme m’est parfaitement égal. […] C’est d’un charmant, d’un coquet, ce seigneur : on dirait un homme rocaille, mais ce n’est pas vraiment le même homme que l’éphèbe romain. […] Le tout est de savoir, si un homme qui meurt de male amour ou de male ambition, souffre plus qu’un homme qui meurt de faim. […] Un nom d’homme est prononcé, à propos duquel Deslions jette à Juliette : — Tu sais, cet homme que tu as tant aimé et pour lequel tu t’es tuée ?

484. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

L’univers est une vaste action, l’homme est né pour agir. […] Je suis tout aussi franc que vous, et, je l’avouerai, de votre côté et du nôtre, il n’y a que des hommes et des passions d’hommes. […] Nous sommes tous hommes, monsieur le comte, et cette condition est dure. […] Homme politique ou destiné à l’être, il jette ses études dans l’histoire. […] C’est certainement un des hommes (et M.

485. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Le « vieil homme » résistait. […] Pour lui, la religion est bien essentiellement, selon l’étymologie, un lien  lien des hommes entre eux, et des hommes avec Dieu. […] Quand on ne peut pas être un penseur, il reste d’être « un homme ». […] Hugo a été « l’homme moderne » plus qu’aucun autre contemporain. […] Il oublie ou méconnaît les brutalités, les cruautés, les vices, l’affreuse misère ; il oublie que les hommes, même alors, ne furent que des hommes.

486. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Il y avait, du temps de Buffon et de son âge, un homme avant lui illustre, un homme né naturaliste comme d’autres naissent musiciens, peintres ou géomètres, un homme dont le nom est devenu celui de la science même, le Suédois Linné. […] Tâchons de voir les hommes tels qu’ils sont, sans les exagérer en divers sens. […] La physionomie est belle d’ailleurs : elle est bien de « ce grand et aimable homme », comme l’appelait Gibbon. […] Par ses propres observations il a aussi fait faire des progrès à la science de l’homme et des animaux. […] [NdA] Je ne vois que des hommes fiers du progrès de leur siècle, de l’avancement des sciences et de l’industrie ; au milieu de tout cet orgueil et de ces triomphes, je reste frappé d’une chose : Combien l’homme, l’immense majorité des hommes continuent d’être dépendants d’une seule moisson bonne ou mauvaise, aux époques les plus civilisées !

487. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Il a le malheur, pour un chrétien et pour un homme né depuis l’Évangile, de croire à des étages différents d’esprits, à des séparations presque absolues entre le vulgaire ou le commun des hommes pour lequel il n’a que du mépris et du dédain, les esprits moyens et médiocres qui flottent un peu au-dessus sans pouvoir assez s’en détacher, et les sages qui jouissent de la douceur suprême dans un inviolable et inaccessible retranchement. […] Pascal n’a point un double rôle ; ce n’est point M. le théologal d’un côté, et le disciple de Sénèque ou de Montaigne de l’autre : en lui l’apologiste et l’homme ne font qu’un ; il y est tout entier, corps et âme. […] Mais c’est Tibère (il le sait bien) qui a prononcé ce mot peu pitoyable (« Ô hommes ad servitutem nati !  […] Les trois livres dont se compose l’ouvrage roulent : 1° sur l’homme, sa misère, ses faiblesses, ses passions ; sur la vie humaine, ses fluctuations et sa brièveté ; sur les différents états, conditions et genres de vie qui distinguent les hommes ; 2° sur la manière de s’affranchir des erreurs, de l’opinion ou des passions ; 3° enfin, sur les quatre vertus de prudence, justice, force et tempérance. […] Certes, c’est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant que l’homme ; il est malaisé d’y fonder jugement constant et uniforme.

488. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Ils crurent en général les choses plus faciles et l’homme plus vite modifiable qu’il ne l’était réellement. […] … Lorsque Dieu forma le cœur et les entrailles de l’homme, il y mit premièrement la bonté comme le propre caractère de la nature divine… La bonté devait donc faire comme le fond de notre cœur… La grandeur qui vient par-dessus, loin d’affaiblir la bonté, n’est faite que pour l’aider, etc. » Mais c’est méconnaître outrageusement l’expérience que de déclarer ainsi que la bonté fait le fond de l’homme : l’homme n’est précisément ni bon ni méchant ; les uns ont reçu en naissant la bonté peut-être, mais les autres ont certainement autre chose au fond du cœur, et le grand Condé plus qu’un autre homme était une preuve de cette disposition primitive et nullement débonnaire. […] Or, cela dépasse le moraliste proprement dit qui voit l’homme tel qu’il est, tout formé, à l’état stationnaire, et le même en tout temps. […] Il en est résulté pour quelques-uns de ses écrivains, pour un petit nombre, plus d’expérience pratique de l’homme. […] Mais ce n’est qu’une beauté oratoire, une magnifique flatterie à l’adresse des hommes en général et du prince de Condé en particulier.

489. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

C’est de là qu’ils partent pour enseigner à l’homme ce qu’il est, d’où il vient, où il va, ce qu’il peut devenir, ce qu’il doit être. […] Changement du point de vue dans la science de l’homme. — Elle se détache de la théologie et se soude comme un prolongement aux sciences de la nature. […] Considérons les débuts de la vie, l’animal au plus bas degré de l’échelle, l’homme à l’instant qui suit sa naissance. […] I. « Descendu sur ce petit amas de boue et n’ayant pas plus de notion de l’homme que l’homme n’en a des habitants de Mars et de Jupiter, je débarque sur les côtes de l’océan dans le pays de la Cafrerie, et d’abord je me mets à chercher un homme. […] Franklin définissait l’homme : « un animal qui fait des outils ».

490. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Elle consulta deux hommes qui avaient sa confiance, le président de Bailleul et le vieux secrétaire d’État Brienne. […] Pourquoi donc se mettre si fort à admirer ces hommes qui ont tant méprisé les autres hommes, et qui ont cru que le plus grand art de les gouverner était uniquement de les duper ? […] Retz est un homme d’imagination. […] J’observai que le cardinal parut fort touché de la liberté d’un homme en qui il n’en avait jamais vu. […] Je l’entendis venir, au bruit que faisaient ses pantoufles, qu’il traînait comme un homme fort languissant et qui sort d’une grande maladie.

491. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

On avait décrit le savoir-vivre, la flatterie, la misanthropie, l’avarice : on examine la liberté, la tyrannie, la religion ; on avait étudié l’homme en soi, on étudie l’homme abstrait. […] Qu’est-ce qu’un pareil homme eût fait dans notre dix-huitième siècle ? […] Ce sont des hommes libres qui, ayant traité entre eux, sont encore libres. […] Voilà des hommes debout et prêts à se défendre. […] Ce sont des hommes qui parlent, et ils parlent comme s’ils combattaient.

492. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Nisard »

Ils furent, il est vrai, les trois plus vigoureux hommes de peine que l’érudition et la philologie aient produits au xvie  siècle ; mais est-ce assez, au xixe  siècle, pour qu’on leur fasse une encadrure disproportionnée avec ce qu’ils furent en réalité et ce qu’ils sont aujourd’hui dans la mémoire des hommes ? […] Or, quelle biographie utile, enseignante et féconde, y avait-il de possible quand il s’agit d’hommes qui, hors leurs écrits, ont à peine vécu ? […] Il a voulu toucher à des hommes au lieu de toucher à des mots, et quoique ces hommes soient de la même nature que lui, des jaugeurs de vocables, il n’a pas réussi. […] Des trois hommes dont il s’est fait le biographe, un seul aurait pu intéresser le lecteur, au point de vue de la comédie. […] L’Abbé Christophe (Philosophes et Écrivains religieux, Les Œuvres et les Hommes, IIIe série).

493. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 4, objection contre la proposition précedente, et réponse à l’objection » pp. 35-43

Vous ignorez, ajoûtera-t-on, que les besoins de la vie asservissent, pour ainsi dire, la plûpart des hommes à la condition dans laquelle ils ont été élevez dès l’enfance. […] Ainsi j’avouë que la plûpart de ces hommes passent quelquefois comme les hommes vulgaires, et qu’ils meurent sans laisser un nom qui apprenne à la posterité qu’ils ont été. […] Mais il n’en est pas de même des hommes qui naissent peintres ou poëtes, et c’est d’eux qu’il est ici question uniquement. […] Les hommes ne naissent pas ce qu’ils sont à l’âge de trente ans. […] Les génies qui demeurent ensevelis toute leur vie, je l’ai déja dit, sont des génies foibles ; ce sont de ces hommes qui n’auroient jamais songé à peindre ni à composer, si l’on ne leur avoit pas dit de travailler ; de ces hommes qui ne chercheroient jamais l’art d’eux-mêmes, mais ausquels il faut l’indiquer.

494. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

« Cet homme aura bu le succès par tous les pores, » dit Saint-Priest (l’académicien) de Lamartine.  […] « J’avais cessé presque entièrement de le visiter dès 1839, le traitant un peu comme une ancienne maîtresse qu’on craint de revoir pour ne pas retomber sous le charme. » « — Lamartine est l’homme qui a su dire le plus de fois dans sa vie : Ce qui n’est plus pour l’homme a-t-il jamais été ?  […] Si nous en valons la peine, on nous nomme, on nous caractérise en deux mots, et voilà la page de notre vie dans un siècle. » Dans les temps d’orage, au contraire, « dans ces drames désordonnés et sanglants qui se remuent à la chute ou à la régénération des empires, quand l’ordre ancien s’est écroulé et que l’ordre nouveau n’est pas encore enfanté, dans ces sublimes et affreux interrègnes de la raison et du droit,… tout change ; la scène est envahie, les hommes ne sont plus des acteurs, ils sont des hommes… Tout a son règne, son influence, son jour ; l’un tombe, parce qu’il porte l’autre ; nul n’est à sa place, ou du moins nul n’y demeure ; le même homme, soulevé par l’instabilité du flot populaire, aborde tour à tour les situations les plus diverses, les emplois les plus opposés ; la fortune se joue des talents comme des caractères ; il faut des harangues pour la place publique, des plans pour le Conseil, des hymnes pour les triomphes… On cherche un homme ! […] » « — Lamartine veut aujourd’hui (Voir son discours aux Italiens, du 28 mars 1818) qu’on raye Machiavel de la liste des grands hommes politiques. […] Comme un homme qui vient de faire cent discours et d’embrasser cent mille hommes » (toujours le poëte qui se pose un peu). — « (M.)

495. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Elles prirent bien Robespierre pour ce qu’il était, — c’est-à-dire pour la Terreur elle-même, pour la Terreur faite homme ; car il faut que toute force se fasse homme pour être davantage et pour avoir toute la puissance de ce qu’il y a de plus puissant au monde : — l’Unité. […] Il l’a ouverte aussi, cette petite tête vaniteuse et vipérine, grosse et verdâtre comme un œuf de canard, et il a montré que cette tête n’avait qu’une pincée de cervelle, et qu’en fin de compte cet homme, colossalisé par ses crimes et par les partis, cet homme — la terreur de la France !  […] — plus sot et plus lâche que ce lâche et ce sot… Quelque mépris qu’on ait pour les hommes, on répugne à donner sa démission de l’humanité… L’imagination grandit les êtres qui ont été des fléaux, et voilà ce qui a grandi ce petit homme de Robespierre, même après sa chute… Comme son maître Rousseau, c’était une âme de laquais qui voulait devenir grand seigneur, et qui s’y prenait mal pour cela. Si sa popularité, disent les hommes de son temps, fut monstrueuse, elle l’est encore après sa mort, et il faudrait s’en étonner, si les hommes n’étaient pas toujours les mêmes : lâches devant la force brutale qu’ils prennent pour la force réelle, mais qui ne l’est pas ! […] Balzac l’a créé, — comme il a créé Marat, comme il a créé Catherine de Médicis, comme il créait tout, cet homme qui avait l’inconvénient du génie, et qui ne voyait les choses et les hommes que transfigurés par son prodigieux cerveau… Madame de Staël — elle aussi ! 

496. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

Tant vaut l’homme, tant vaut le livre. Le sujet, c’est l’homme même qui écrit. […] Aucun des hommes de ce temps à qui le succès fut facile, n’en eut un plus rapide et plus grand que le sien. […] Il a toujours été un homme heureux. […] La Course au lac d’Onéida et les Quinze jours dans le Désert sont, il est vrai, des relations plus intéressantes et plus sincères, mais elles ne sont pourtant, l’une et l’autre, que la relation d’un homme bien élevé, qui voyage et qui écrit comme tous les hommes bien élevés.

497. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

Nous n’avons pas encore la partie carrée des quatre grands hommes. […] Joinville a été l’Évangéliste de saint Louis, et son livre charmant est marqué du caractère le plus divin que puisse avoir le livre d’un homme sur un homme. […] est énervée dans les récits de l’homme qui, par ses attitudes, a fait le plus croire qu’il avait en lui du Calvin ! […] Cependant, la vie privée d’un homme historique appartient à la postérité. […] On ne scie pas un homme par la moitié sans crime, en histoire comme ailleurs.

498. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

L’homme aussitôt le retira et en fit sortir la couleuvre, lui disant qu’elle pouvait aller où bon lui semblerait, pourvu qu’elle ne nuisît plus aux hommes, après en avoir reçu un si grand bienfait. […] Les juges sont choisis par l’homme, le serpent n’en récuse aucun. […] L’homme ne l’abat que pour le plaisir d’être méchant. […] Ainsi convaincu de cruauté, l’homme se décerne lui-même le prix de vertu. […] Vous ne sentez donc pas que cet homme souffre ?

499. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

C’est en appeler aux hommes quand on a à sa disposition le Saint-Esprit. […] quand vous prélevez Dieu, l’homme, l’humanité, les origines de l’univers. […] Mais ce concept, je le répète, n’était nullement celui des hommes primitifs. […] Aux yeux de Dieu et de l’avenir, Russes et Français ne sont que des hommes. […] L’homme civilisé qui se possède si énergiquement est bien plus homme, si j’ose le dire, que le sauvage qui se sent à peine et dont la vie n’est qu’un petit phénomène sans valeur.

500. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Désœuvrer une aristocratie, c’est la rendre frondeuse ; l’homme n’accepte volontairement la règle que lorsqu’il contribue à l’appliquer. […] Les grands mots, liberté, justice, bonheur public, dignité de l’homme, sont si beaux et en outre si vagues ! […] En cela il n’est pas de mauvaise foi, il est homme ; chacun de nous professe des vérités qu’il ne pratique pas. […] Quand elles s’éprennent, elles s’engouent : Mme de Lauzun, si timide, va jusqu’à dire des injures en public à un homme qui parle mal de Necker […] Ils posent en principe que l’homme, surtout l’homme du peuple, est bon ; pourquoi supposer qu’il puisse vouloir du mal à ceux qui lui veulent du bien ?

501. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Comme sur mille poètes inconnus on ne trouve pas un homme de talent, il y a mille à parier contre un que vous n’êtes pas cet homme. […] Homme du monde, ou du moins homme d’esprit, il évite d’ordinaire le ton sec et hargneux d’un pédant. […] Que daignent-ils ignorer ces hommes qui jugent de tout ? […] Pour être journaliste, on n’en est pas moins homme, et homme de lettres qui pis est. […] Un homme de génie qui s’est trompé au moins une fois.

502. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Il y vit l’homme en proie à deux fatalités : celle de ses passions et celle du monde extérieur. […] Kaïn se vengera et vengera des hommes. […] Si l’homme est opprimé par quelque chose de plus fort que lui, la résistance est bonne, fût-elle sans succès. […] Ce que sont les passions chez ces hommes, M.  […] S’ils aiment et secourent les hommes, ce n’est point parce qu’ils sont des hommes, tout simplement, c’est qu’ils voient en eux des âmes appelées au salut éternel et qu’en s’occupant de ces âmes ils assureront leur propre salut.

503. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Ils ont découvert, en outre, que, comme il était prouvé (écoutez bien ceci) qu’un mille carré pouvait nourrir dix fois plus d’hommes civilisés que d’hommes sauvages, la raison indiquait que, partout où les hommes civilisés pouvaient s’établir, il fallait que les sauvages cédassent la place. […] L’artiste, après avoir lu, désire quelque chose : l’homme est satisfait. […] Il n’y a presque pas d’hommes qui aient été continuellement malheureux : il n’y en a pas qui soient continuellement heureux. […] De tous les hommes du temps, M.  […] Son rôle ne put jamais se dessiner assez au large, pour ainsi dire ; l’homme manqua toujours d’espace autour de lui et d’essor.

504. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Il a été toute sa vie l’homme qui conseillait à Rousseau de tourner contre les lettres la déclamation qu’il avait préparée pour leur défense. […] Il en adopte le paradoxe que la nature fait l’homme bon et que l’éducation le déprave, et il imagine, lui aussi, un plan d’éducation publique pour conserver à l’homme sa bonté native. […] On y mettrait les tombeaux des grands hommes. […] L’homme a besoin de souffrir de son imperfection pour valoir tout son prix, et de se souvenir de sa misère pour être heureux. […] La politique ne fit pas de Chateaubriand un homme d’Etat, et elle gâta son talent littéraire.

505. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

En agronomie, en botanique, il était mieux qu’un amateur, il fit ses preuves comme homme du métier. […] S’il fût mort à cette époque, il eût laissé la réputation d’un des hommes les plus vertueux et les plus éclairés de son temps. […] Tercier, employé aux Affaires étrangères, homme du monde, qui ne vit pas grande malice au livre et qui donna son laissez-passer. […] Il fallait concilier tous ces devoirs officiels avec la bonté morale et l’équité naturelle dont il n’était pas homme à se départir. […] Le portrait plus ou moins de tous les hommes.

506. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Le marquis d’Argenson est à bon droit un nom des plus estimés parmi ceux des politiques du dernier siècle et des hommes qui se sont occupés des matières d’intérêt public. […] René d’Argenson ; en un mot, qu’il y a lieu, en revenant à la source, de se faire une idée non pas autre, mais plus particulière, plus singulière même, et plus caractéristique, de cet homme de bien original. […] S’il appréciait ses qualités de travailleur, d’homme de mérite et qui avait la fertilité du fonds, il sentait aussi ses défauts et n’épargnait rien pour l’en corriger. […] D’Argenson sait bien où est l’excès, et ayant dans la suite à parler des historiens modernes comparés aux anciens, il dira, en rendant aux autres le conseil qu’il avait reçu : J’ai déjà prévenu d’une des plus grandes difficultés pour les auteurs : ils devraient être en même temps hommes de cabinet et hommes du monde. […] Ceux même qui n’aimaient guère de son vivant le garde des sceaux d’Argenson l’apprécient mort et le classent au rang des meilleurs ministres, un des derniers de l'école de Louis XIV, et en même temps ils parlent de lui comme d’un homme qui, vu de près, était bon homme et d’excellente compagnie.

507. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Dieu a dit à chaque homme : Tu pourras aller jusque-là, et tu n’iras pas plus loin. […] Quelle extravagance d’imaginer que chaque homme aurait pu être un Newton ! […] Les hommes de lettres doivent veiller à leurs propos, à leurs pensées publiques, car ils ne peuvent donner au monde que cela. […] S’il y a encore quelques hommes de génie à Paris, ils sont persécutés. […] Voltaire, homme de goût, était impitoyable pour le siècle de Voltaire.

508. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Il y aurait à faire de lui, sous ce dernier nom, un double portrait à la La Bruyère, ou plutôt un seul et même portrait avec variante : Étienne ou l’homme content de lui, — Étienne ou l’homme qui a eu toujours raison. […] Sa politique est courte, elle est celle d’un homme qui n’a guère vu ce côté-là de son temps que des rangs de la garde nationale. […] Taine : il proclame que Beyle était un homme de génie. […] » Que cet homme qui passait pour méchant auprès de ceux qui le connaissaient peu était aimé de ses amis ! […] Et c’est ainsi qu’écrit un homme qui se fait juge des styles à ce même moment !

509. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Rien ne prouve qu’il ait eu, avec cet homme de talent susceptible et ombrageux, les torts de sottise que suppose M.  […] Homme de lettres, il était entré à l’Académie en 1787 avec un discours supérieur de vues et parfait d’élégance, qui lui avait valu un applaudissement unanime. Homme du monde, il vivait dans toutes les compagnies et était initié dans ce qu’il y avait de mieux à la Cour. […] En un mot, Rulhière conçoit et exécute son histoire bien plus en homme de lettres et en peintre qu’en homme d’État et en homme politique. […] Cet homme du monde, qui ne semblait qu’un spirituel épicurien, a montré qu’il savait se proposer l’élévation du but, et y diriger avec art tous ses moyens.

510. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Il est de ces hommes qui se sentent et même qui paraissent toujours à la gêne par quelque côté, tant qu’ils ne sont pas en plein dans le champ de l’action. […] L’homme de plume, chez Carrel, est toujours doublé d’un homme d’épée très présent, et d’un homme d’action en perspective : seul, l’homme de lettres, si on ne le prenait que par ses phrases écrites, serait un peu inférieur à sa réputation méritée. […] C’était l’homme d’action qui n’arrivait au style qu’après bien des fatigues et des marches. […] L’homme qui s’exprimait de la sorte était déjà un écrivain d’un ordre élevé et n’avait plus qu’à poursuivre. […] Ces anecdotes ne valent que ce que le caractère et la destinée de l’homme les font ensuite.

511. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Tel artiste médiocre s’annonce en un instant à toute la ville pour un habile homme. […] Je suis trop heureux que mon meilleur ouvrage appartienne à un homme qui en connoisse le prix. […] Si ce que je te disois tout à l’heure est vrai, le modèle le plus beau, le plus parfait d’un homme ou d’une femme, seroit un homme ou une femme supérieurement propre à toutes les fonctions de la vie, et qui seroit parvenu à l’âge du plus entier dévelopement, sans en avoir exercé aucune. […] Et pourquoi cela… c’est qu’il y a pour vous, pour moi, pour le spectateur tel homme idéal possible qui dans la position donnée, seroit bien autrement affecté que vous. […] C’est que les modèles, les grands modèles, si utiles aux hommes médiocres, nuisent beaucoup aux hommes de génie.

512. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Cet instrument, manié maladroitement par le vulgaire, peut être manié adroitement par des hommes spéciaux. […] Qu’est-ce qu’un homme maître de lui-même ? […] Au premier instant il disait comme le vulgaire, que l’homme ayant mangé et ayant la faculté de digérer, digère ; au premier instant vous disiez, comme le vulgaire, que l’homme ayant senti et ayant la faculté d’apercevoir, aperçoit. […] C’est dire que l’homme éprouve ces émotions parce qu’il les éprouve, et nous trouvons qu’on eût pu se dispenser de cette explication. […] Avec un grand talent de psychologue, un zèle admirable, des précautions passionnées, de belles découvertes partielles, vous étiez homme.

513. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

— Environ trois cents. — Combien avez-vous d’hommes ? […] vous avez cinquante hommes et vous laissez la route sans sûreté ! […] — Il en dit plus qu’il n’en fait : c’est le meilleur homme du monde. […] Quel homme ! […] il s’était mis en tête de faire de moi un homme de plume.

514. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Ce que l’homme fait si aisément en se jouant, le temps doit s’en jouer à son tour. […] Que d’hommes qui n’auraient jamais dû s’asseoir dans les fauteuils de l’Académie, et qui s’y sont assis, sans même faire crier leurs bras vermoulus ! […] l’homme le moins fait par son genre de talent, par ses idées, par sa fierté pour aspirer à cet honneur sénile de l’Académie ! […] Il l’est à la façon d’un homme qui a eu, dans l’ordre du temps, l’héroïque initiative d’écrire l’histoire qu’il a écrite, — le premier de tous et à la première heure, les pieds et la main encore dans les flammes de cette histoire qui, désormais, dans le souvenir des hommes, ne s’éteindra plus ! […] Il y a dans les choses humaines beaucoup de bravoure et de talent perdus, et si ce n’est pas la gloire de l’homme, c’est la gloire de Dieu !

515. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

Comme l’école pythagoricienne, et dans les mêmes termes, il promettait que l’homme deviendrait dieu après la mort. […] Je viens à vous, dieu immortel, non plus homme ; je me mêle à la foule qui m’honore, paré, comme je le suis, de bandelettes et de guirlandes de fleurs. Là où j’arrive dans une ville peuplée, je suis vénéré des hommes et des femmes. […] Tu rappelleras de « l’enfer l’âme de l’homme dissous par la mort ». […] Il est un tout cependant qu’on souhaite de découvrir, bien qu’il soit formé de ce que l’homme ne voit pas, n’entend pas, ne peut saisir par la pensée.

516. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

C’est l’esprit de l’homme. […] L’expérience nous montre toujours une tête d’homme sur des épaules d’homme, une tête de cheval sur un corps de cheval. […] Supposons que l’homme puisse agir librement. […] Ignorance des hommes. […] H est contenu dans M (tous les hommes sont mortels) ; de plus P est contenu dans H (Paul est un homme).

517. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

M. de Beauvoir, m’a-t-on dit, est homme du monde avec les écrivains, et écrivain avec les hommes du monde. […] C’est, dit-on, un homme de beaucoup de talent. […] dit l’homme de lettres. […] Dumas était un homme dont la tête domine le cœur. […] Je sais quels sont les hommes d’art, et quels sont les hommes d’argent.

518. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Faguet laisse là l’homme et l’œuvre. […] Je me sens un homme ! […] Ils sont des hommes. […] Alors vous ressembliez aux hommes et les hommes ressemblaient aux bêtes. […] C’étaient des hommes simples.

519. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

L’âme de chaque homme devint le sanctuaire intime de la Divinité. […] Ses personnages sont tous des hommes complets. […] Un homme parmi les hommes est Dieu, et Dieu est un homme réel. Il résulte de là que chaque homme comme homme a me valeur infinie. […] Les vices de l’homme, par exemple, n’ont rien de comique.

520. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Tout le monde pleurait du fond du cœur : ainsi la France perdait un homme de goût, un homme d’étude, un homme d’honneur, un homme religieux, et ceux qui chérissent la haute littérature, — moi, — j’avais perdu un ami ! […] Titan plus qu’homme ! Titan enchaîné, révolté, non contre Dieu, mais contre les hommes. […] Jules Janin, non pas seulement le plus lettré, mais le plus tendre des hommes ! […] L’homme veut des opprimés ; l’enfant veut des victimes.

521. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

La première est qu’il est un de ces hommes qu’on n’aborde qu’avec crainte, à cause du respect réel qu’ils inspirent et de l’espèce de religion qui s’est faite autour d’eux. […] Montesquieu n’est pas de ces hommes qui aient à craindre la familiarité : il est un grand esprit de près comme de loin. […] Honnête homme comme d’Aguesseau, et homme de lettres philosophe comme Bacon, eût-il été plus capable d’affaires que tous deux ? […] Les hommes n’y sont vus que de loin ; l’étoffe humaine, dont la politique est faite, disparaît trop chez Montesquieu. […] hommes de lettres

522. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Franklin est un des hommes les mieux nommés, et qui a le plus justifié son nom ; car ce mot de Franklin signifiait primitivement un homme libre, un franc-tenancier, jouissant dans un petit domaine à lui de la vie naturelle et rurale. […] Cet homme judicieux, ferme, fin, entendu, honnête, sera inébranlable quand l’injustice l’atteindra lui et ses compatriotes. […] C’était, si l’on veut, le plus fin et le plus prudent des honnêtes gens, mais aussi le moins hypocrite des hommes. […] Franklin eut là son coin de chimère et d’ambition morale excessive, dont les hommes les plus pratiques ne sont pas toujours exempts. […] [NdA] « Le mariage, après tout, est l’état naturel de l’homme.

523. (1894) Critique de combat

Le pauvre homme, s’il existait ! […] homme d’initiative. […] quel homme incomparable ! […] Malauve est son homme. […] Montesquieu est à la fois « un ancien, un homme de son temps, un homme du nôtre, un homme des temps à venir ».

524. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

La solitude dans ce désert d’hommes, plus amère que celle qu’il avait connue dans les champs, l’accablait. […] « Il faut se ressouvenir, écrit-il, que partout on honore l’habit et non l’homme. […] Quand un homme a la vie, l’habit, une chambre et du feu, les autres maux s’évanouissent. […] Ce n’est pas tant à braver la mort, qu’à braver la douleur qu’il faudrait accoutumer les hommes. […] Une littérature aussi pimentée pouvait seule convenir aux hommes qui sortaient de la Terreur.

525. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Ainsi des hommes : sagesse d’un côté, et action de l’autre. […] Pour un homme de tant de monde, il avait (Retz nous le dit) un air de honte et de timidité dans la vie civile. […] Sa manière, sa forme est toujours honorable pour l’homme, quand le fond l’est si peu. […] L’homme de La Rochefoucauld est exactement l’homme déchu, sinon comme l’entendent François de Sales et Fénelon, du moins comme l’estiment Pascal, Du Guet et Saint-Cyran. […] En homme délicat, il s’est bien gardé de rappeler que j’avais fait la remarque avant lui.

526. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

L’homme sert beaucoup à expliquer le livre. […] Le savant était un diplomate, et le diplomate était un homme. […] On sentait en lui un homme digne d’étudier les hommes ; on sentait, dans l’autre, un artiste capable de leur faire jouer les rôles légers, divers, personnels d’une existence à tiroirs. […] C’est ce qui nuit aujourd’hui à sa gloire : elle était trop préparée de main d’homme. […] Quel homme !

527. (1932) Le clavecin de Diderot

Mais, au contraire, l’homme a réhabilité son symbole. […] Les hommes ne tolèrent pas que les femmes s’y promènent. […] Sa chanson narguait tous les hommes. […] L’ensemble des rapports sociaux fait de l’homme un loup pour l’homme. […] L’homme sincère est une entité aussi peu vivante que son prédécesseur l’homme normal.

528. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

Il faut sçavoir quelle forme le caractere d’esprit particulier à certains hommes, donne aux sentimens communs à tous les hommes. […] L’homme de génie invente beaucoup, quoiqu’il invente encore mal, et l’autre n’invente rien. […] Plus l’homme de génie et celui qui n’en a point, s’avancent vers l’âge viril, plus la difference qui est entr’eux devient sensible. […] Un homme qui ne va jamais qu’une voiture ne le mene, est bien-tôt hors d’état de se servir de ses jambes, aussi-bien qu’un homme qui se tient dans l’habitude de marcher. […] Plus les hommes sont capables de s’élever, plus ils ont de dégrez à monter pour arriver au faîte de leur élevation.

529. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

La louange élevée vers la divinité descendit bientôt jusqu’à l’homme. […] Les Chinois, les Phéniciens, les Arabes célébraient par des chants les grandes actions et les grands hommes. […] Après avoir raconté tous ses exploits, il s’écrie : « Quelle est la destinée d’un homme vaillant, si ce n’est de mourir dans les combats ? […] J’honore l’homme qui ne recule pas devant un homme ; c’est la gloire de celui qui a du courage ; et qui veut inspirer de l’amour à une femme, doit être prompt et hardi dans les batailles… Non, dans le palais du puissant Odin, l’homme brave ne gémit point sur sa mort. […] J’ai cinquante et une fois élevé l’étendard des batailles ; j’ai appris dans ma jeunesse à teindre une épée de sang ; mon espérance était alors qu’aucun roi, parmi les hommes, ne serait plus vaillant que moi.

530. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Arrive l’homme de génie ; il a une langue à lui. […] Homme pestilentiel ! […] Cet homme l’insulte et l’assassine. […] Cet homme est M.  […] Il était homme courtois de sa personne.

531. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

» dit un homme du peuple, en courant. […] Les Hommes d’ordre. […] Chaque rue est gardée par les hommes du quartier. […] Les hommes sont pâles, sérieux. […] Cela amuse ces hommes, les intéresse.

532. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

J’en vois sortir, entre deux mobiles, un homme pâle, à casquette blanche. […] Jamais deux millions d’hommes n’ont été enfermés dans un si parfait Mazas. […] L’homme de l’ambulance restait plein d’inquiétude pour son immeuble. […] que d’hommes de guerre de toutes les espèces et de toutes les façons ! […] Aujourd’hui, tout le monde marche comme un homme pressé de rentrer chez lui.

533. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Vous trouverez les qualités du plus grand général du monde dans un homme cruel, avare, perfide, impie. […] Il faut des hommes dans les guerres importantes ; et je vous assure que ce qui s’appelle des hommes sont très rares. […] Je suis quelquefois forcé de me rendre à cette opinion des Espagnols, laquelle j’ai toujours combattue, qui veulent que l’on dise : Cet homme était brave ce jour-là. […] Marlborough, avec ses trente mille hommes de plus que l’armée du roi, restait toujours dans l’inaction. […] C’est ce que je tâcherai de faire jusqu’à la fin à l’égard de ce grand militaire, qui était à la fois un homme de beaucoup d’esprit.

534. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

C’est, comme le titre l’indique, un journal, une espèce de livre de bord, exactement tenu par un homme du métier (Jean-Bon avait été marin), par un homme de bon sens, et qui rend compte jour par jour de tous les mouvements, des ordres donnés et plus ou moins bien — et souvent fort mal — exécutés, depuis la sortie de la flotte de la rade de Brest le 16 mai au soir, jusqu’à sa rentrée dans cette rade le 11 juin suivant. […] Le premier Consul retrouvant l’homme de Toulon, de Brest, le délégué énergique de la Convention, l’estima plus propre qu’un autre à faire un préfet d’avant-garde et de frontière. […] Je dois dire néanmoins que parmi les Turcs quelques hommes paisibles, propriétaires ou marins, désapprouvaient ces indignités. […] L’homme est naturellement cruel à l’homme tant que la civilisation ne l’a pas adouci : Jean-Bon le sentait par une dure et cruelle expérience. […] non ; la misère est toujours la misère ; l’homme, même celui qui fut violent ou impérieux un jour, s’il a du bon et du naturel, redevient homme aisément, c’est-à-dire faible et sensible dès qu’il souffre.

535. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

De tous les hommes célèbres alors, il n’y en avait qu’un qui fût pour moi un grand homme, c’était M. de Chateaubriand. […] Il ne faut pas de longues résidences à ces hommes d’imagination. […] J’ai regret de le dire, mais l’homme de parti se montre à chaque ligne dans cette Lettre. […] Enfin il fut homme de parti, c’est tout dire. […] Connaissez-vous le cœur de l’homme, et pourriez-vous compter les inconstances de son désir ?

536. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Le paradoxe, qui est souvent une faute de sens, serait de plus une faute de goût quand il s’agit d’un homme aussi sensé que M.  […] Homme de principes et de tradition en un temps où chacun culbute dans le sens de ses impressions personnelles, M.  […] pas écrit, dans les Études d’histoire et de littérature, les pages sur Bossuet, Bourdaloue, Massillon, les plus belles pages, sans aucun doute, qu’aient encore inspirées ces grands hommes, car qui n’est que littéraire n’aura jamais le sens réel et profond d’hommes pareils. […] Quant au procédé qui est encore plus l’homme que le style, la perfidie est assez corsaire, elle ! […] Nisard montre encore Byron, malgré ses égarements et ses fautes, l’homme de tous les hommes qui a le plus souffert peut-être de n’avoir ni foyer ni famille.

537. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

Il n’a point cette griffe que certains hommes mettent dans tout ce qu’ils écrivent. […] Qu’importe cet inconséquent manque de juste milieu, dans un homme de juste milieu faisant une justice historique ! […] Il l’a montré d’après les faits et aussi d’après les hommes qui les jugèrent, ces faits, ou qui se mesurèrent avec ces faits pour en être vaincus et terrassés. […] Cet homme, au fond de juste milieu, quand les passions n’en faisaient pas un homme d’extrémité, avait, comme il disait, emporté dans la tombe les débris d´une monarchie dont il voulait sauver le dernier des lambeaux qu’il avait déchirés ! […] Ce gouvernement monarchique des Assemblées aura creusé plus profondément ce sentiment du besoin D’UN homme qui, dans ce néant d’hommes, se précise un peu davantage tous les jours !

538. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

Un homme, si volontaire qu’il soit, n’est pas libre de son visage. […] La poésie, comme la beauté, est de création supérieure à l’homme. […] Autran serait, nous le croyons, un des hommes les mieux faits pour opérer sur lui-même cette transformation. […] Autran n’est pas un gamin de génie, lui ; c’est un homme, je ne dis pas d’inspiration, mais de volonté grave et élevée, et c’est bien cela ! […] Autran, et comme les défauts d’un homme entrent plus profondément peut-être dans sa manière que ses qualités, telle est aussi sa manière.

539. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

Étudier la Bohême sur cet homme, ses livres et ses procédés, c’est donc étudier la maladie sur le plus puissant organisme qu’elle ait ruiné en quelques jours. […] Évidemment, s’il avait été un autre homme, il aurait pu combler, avec des affections fortes ou des vertus domestiques, cette solitude qui a fait pis que de dévorer son génie, car elle l’a dépravé. […] Spirituellement parlant, la question de l’autre monde a toujours étrangement pesé sur cet homme de l’autre monde, comme nous disons géographiquement. […] Nous l’avons dit, il se fourvoya avec l’effort qui ferait monter un homme aux astres. A nos yeux, à nous qui ne croyons pas que l’Art soit le but principal de la vie et que l’esthétique doive un jour gouverner le monde, ce n’est pas là une si grande perte qu’un homme de génie ; mais nul n’est dispensé d’être une créature morale et bienfaisante, un homme du devoir social ; c’est là une perte qu’on ne rachète point !

540. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

Il est bien vrai que la nature est immense, mais les organes de l’homme qui la voit, sont affectés d’une certaine manière dans chaque époque. […] Alors, la France, en déplorant la mort de ses grands hommes, voyait de leurs cendres renaître, pour ainsi dire, d’autres grands hommes. […] La coutume ridicule et barbare de citer toujours un texte, coutume dont les hommes de génie ont quelquefois tiré parti, produisit cette fois-là le plus grand effet. […] C’est une leçon à tous les hommes ; aux uns pour ne pas sortir de leur caractère ; aux autres pour ne pas sortir de leur talent. […] La manière est petite et froide ; l’orateur divise et subdivise : il a l’air d’un homme qui craint de s’égarer, et qui se tient sans cesse à un fil.

541. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

C’est ainsi que le cardinal traita tous les grands et les hommes en place qui étaient, ou qu’il regardait comme ses ennemis. […] Voilà pourtant l’homme à qui la poésie et l’éloquence ont prodigué les panégyriques pendant un siècle. […] D’ailleurs je cite ici le cardinal de Richelieu au tribunal de la justice et de l’humanité : on les a trop oubliées quand il a fallu juger des hommes en place. […] L’homme, esclave pour le présent, est du moins libre pour le passé ; il peut aimer ou haïr, approuver ou flétrir d’après les lois et son cœur. […] Il sut, comme Auguste, employer les talents qu’il n’avait pas, et faire servir les grands hommes à sa renommée ; mais il fallait qu’Octave se servît de ses égaux pour sa grandeur, et leur persuadât qu’il avait droit à leurs victoires, quoiqu’il ne tînt ce droit que de leurs victoires même ; tandis que Louis XIV, armé de la souveraineté, commandait à des hommes qui lui étaient soumis, etc.

542. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Est-ce qu’un homme qui est seul et qui marche le jour doit te faire peur ? […] Quelquefois cette cruelle énergie bout au fond du cœur de l’homme, et l’homme s’ennuie jusqu’à ce qu’il ait apperçu l’objet de sa passion ou de son goût. […] Autour de ce bassin il y a quelques figures d’hommes et d’animaux. […] Le méchant fuit la solitude ; l’homme juste la cherche. […] Cet homme n’a pas, je crois, beaucoup d’imagination.

543. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Petetin est un digne héritier des mêmes traditions ; homme de bien et homme de cœur, défenseur ancien et courageux de la démocratie durant des années bien difficiles, il n’oublie jamais que la tâche essentielle aujourd’hui est de l’organiser et qu’on n’y parvient en effet que par l’alliance de la cordialité et de la justice. […] On peut dire que le jour où un tel discours fut proféré du haut d’une colline de la Galilée, il s’était produit et révélé quelque chose de nouveau et d’imprévu dans l’enseignement moral de l’homme. […] Sénèque, à son tour, et sans avoir connu saint Paul, appelait l’homme une chose sacrée à l’homme, homo sacra res homini  : « Ayez donc toujours dans le cœur et dans la bouche, disait-il, ce vers de Térence : Je suis homme et rien de ce qui touche l’homme ne m’est indifférent. […] C’est lui qui, accosté, au milieu d’un groupe d’amis, par un philosophe soi-disant stoïcien ou cynique qui lui demandait arrogamment, au nom de sa barbe et de son manteau, de lui donner de quoi acheter du pain, répondait : « Qu’il soit ce qu’il veut, donnons-lui pourtant quelque chose, si ce n’est comme à un homme, du moins comme étant homme nous-mêmes… tanquam homines, non tanquam homini. » C’est là une charmante application encore du sentiment et du mot de Térence. […] Le moment paraît venu, toutefois, où la séparation du mort et du vif ne tardera pas à se faire, et si ce n’est l’homme (assez de craquements nous l’indiquent), les seuls vents du ciel le feront.

544. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Il y avait jouissance de société, il y avait caractère public et sérieux hommage : un prélat mort, un homme d’État considérable qui le remplaçait, et qu’on nous permette d’ajouter, un homme aimable. […] Thiers est certainement un homme de la toute nouvelle société ; M. […] Je conjecturerais que les résultats de l’expérience de l’homme politique sont devenus, depuis, d’autant plus positifs qu’il ne les formule jamais. […] Molé, que tard, après l’étude de la société, des hommes, des mathématiques, après l’école des choses. […] Les hommes qui ont causé avec Napoléon deviennent rares.

545. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Tantôt Corneille commente en homme de génie les règles de la critique ancienne ; tantôt il en établit lui-même de nouvelles, tirées d’une connaissance encore plus profonde de l’homme. […] Ceux-ci sont plus des héros que des hommes ; ou, si l’on veut y voir des hommes, ce sont des hommes tels qu’ils devraient être. […] L’admiration dont ce grand homme a trouvé le secret est bienfaisante et féconde. […] Je plains même ceux que de si grandes beautés laissent assez maîtres d’eux-mêmes pour songer à prendre avantage, sur ce grand homme, d’imperfections qui sont plus de l’homme en général que de Corneille. […] Les circonstances extérieures y aidèrent ; mais le mal venait d’une fausse vue, et sous ce rapport Corneille est un grand exemple de ce que dit Descartes, qu’un homme est moins supérieur aux autres hommes par l’esprit que par l’emploi qu’il en fait.

546. (1881) Le roman expérimental

L’homme métaphysique est mort, tout notre terrain se transforme avec l’homme physiologique. […] Je vois en lui un homme de transition. […] Vraiment, c’est trop commode ; on ne fait pas si aisément un homme blond d’un homme brun. […] Est-il un homme de génie ? […] C’est une œuvre d’hommes courageux.

547. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

On a raconté l’histoire de l’homme qui a perdu son ombre. […] Que vaut la science de tels hommes ? […] je suis homme, et j’aime les hommes humains. […] Ce sont des hommes qui ont à peu près la même façon de sentir l’existence. […] C’est pourquoi les hommes d’État lisent des romans d’aventures.

548. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VI. Des éloges des athlètes, et de quelques autres genres d’éloges chez les Grecs. »

Les hommes s’envoient mutuellement la mort sans se joindre ; on peut la prévoir, on ne peut l’éviter. Une force unique et terrible, distribuant au hasard les dangers, égale le fort au faible, et le courageux au lâche ; l’art même plus perfectionné décide presque toujours la victoire par les postes : le génie d’un homme rend inutiles les bras de cent mille hommes. On sent que presque rien de tout cela n’était chez les anciens, l’homme n’avait pas encore eu le temps de rassembler autour de lui tant de machines ; il n’avait que lui-même à opposer à la nature, aux travaux, aux dangers. Dans les batailles, c’était presque toujours une lutte d’homme à homme ; tout guerrier était chargé de sa propre défense ; aujourd’hui, chaque force se mêle et se confond dans la masse générale des forces ; alors chaque force était isolée, et ne protégeait qu’elle-même. […] Remarquons que pour rendre hommage à ses libérateurs, le peuple d’Athènes avait choisi les fêtes de Minerve ; ce peuple généreux pensait que c’est honorer les dieux, que de louer ceux qui rendent la liberté aux hommes.

549. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De l’amitié. »

Pour remonter à la source des affections de l’homme, il faut agrandir ses réflexions en les séparant de ses circonstances personnelles ; elles ont fait naître la pensée, mais la pensée est plus forte qu’elles, et le vrai moraliste est celui qui, ne parlant ni par invention, ni par réminiscence, peint toujours l’homme, et jamais lui. […] Mais tous ces mouvements généreux que produit le plus beau des sentiments des hommes, la valeur, sont plutôt les qualités propres au courage qu’à l’amitié ; lorsque la guerre est finie, rien n’est moins probable que la réalité, la durée des rapports qu’on se croyait avec celui qui partageait nos périls. […] Jamais le commun des femmes ne pourra supporter de chercher à plaire à un homme, devant une autre femme ; il y a aussi une espèce de fortune commune à tout ce sexe en agréments, en esprit, en beauté, et chaque femme se persuade qu’elle hérite de la ruine de l’autre. […] Quel homme éprouva jamais tout ce que le cœur d’une femme peut souffrir ? […] Quelles tristes pensées, ces analyses ne font-elles pas naître sur la destinée de l’homme !

550. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Tournez vos regards sur cet homme dont le dos et la poitrine ont pris une forme convexe. […] Nous disons d’un homme qui passe dans la rue, qu’il est mal fait. […] C’est de là que je vois sortir et l’enfant et l’homme adulte et le vieillard ; et l’homme sauvage et l’homme policé ; et le magistrat et le militaire et le portefaix. S’il y avait une figure difficile à trouver, ce serait celle d’un homme de vingt-cinq ans qui serait formé subitement du limon de la terre, et qui n’aurait encore rien fait ; mais cet homme est une chimère. […] Demain allez à la guinguette ; et vous verrez l’action vraie de l’homme en colère.

551. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Est-ce que tous les arts ne sont pas des moyens de communiquer cette pensée ou ce sentiment d’un homme aux autres hommes ? […] Les arts mêmes ne paraissent avoir été accordés à l’homme que pour accroître indéfiniment cette puissance d’impressionnabilité, d’idées, de sensations, de sentiments, dans l’âme de l’homme. […] Mais où est la conception de l’homme ? […] Dans le cristal peut-être, mais à coup sûr pas dans l’homme. […] Il a dépouillé le vieil homme et il a dit : Peignons l’âme à nu.

552. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

La psychologie entière de l’homme est là, ou elle n’est nulle part. […] Tel est en lui ce qu’on pourrait appeler l’homme natif. […] Jamais homme menacé d’un renversement n’eut plus la joie et la tranquillité d’une bonne conscience. […] Dans la suite, toutefois, ne l’oublions point, ce premier et ce deuxième homme en Chateaubriand se compliquèrent d’un troisième, je veux dire de l’homme politique. […] Je sais que nul n’a droit de dire : « Je connais les hommes », ni même : « Je connais un homme » ; aussi, tant que cet homme est là vivant, on ne saurait trop multiplier et renouveler les occasions de l’observer, car on est seulement en voie de le connaître.

553. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

La mode influe autant sur les livres que sur les hommes. […] Nous avons eu parmi les romanciers presque autant de femmes que d’hommes. […] C’est à quoi n’ont pas fait assez d’attention les critiques de M. de Marivaux, homme infiniment aimable, homme estimable qui ne méritoit que des amis. […] Les nœuds, les épisodes, l’intrigue, tout sent l’homme de génie. […] Un tel livre ne pouvoit que faire beaucoup de tort à un homme de son état.

554. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Il pourra étonner les hommes les plus délicats. […] elle existe encore, mais ce n’est plus l’homme pervers, c’est le sage qui se déguise. […] Quelle époque de corruption que celle où un homme d’honneur se croit perdu s’il laisse éclater son amour pour l’épouse qu’il a promis d’aimer ! […] Et cependant certains hommes osent soutenir que la carrière de la comédie est fermée ! […] Nous l’avons vue choisir ses personnages parmi les individus de conditions différentes, qui tendaient sans cesse à se confondre ; ne peut-elle pas aujourd’hui se diriger vers le but opposé, et les hommes forcés de reprendre leur rang sont-ils moins dignes de ses pinceaux, que les hommes tourmentés du désir de quitter leur place ?

555. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Dieu aurait été un pédagogue, et l’homme un marmot. […] Celui qui se croyait l’antagoniste du fini plaçait l’infini dans l’homme même. Ainsi l’homme aurait commencé par s’inventer ; puis il aurait inventé le monde ; puis il aurait inventé Dieu. […] L’homme est progressif, et non successif. Il y a gradation dans l’échelle animale, et même on ignore où elle commence ; il y a saut lorsqu’on arrive à l’homme : la Genèse consacre pour l’homme une création à part.

556. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

À toute cette époque depuis qu’elle est établie elle avait préparé la solution du problème social dans le fond du cœur de chaque homme. […] Partout les hommes ont parlé de jouir. […] L’homme est le produit de sa force. […] En d’autres termes, faire de la richesse, comme si la richesse se faisait, comme si elle ne se mesurait pas à la vertu de l’homme, aussi bien que la pauvreté à son désir ! […] Mais nous disons que cette partie de son travail mérite de fixer l’attention des hommes compétents.

557. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Mais je sais combien les hommes bons, et même les meilleurs dans l’habitude ordinaire de la vie, en amour peuvent être atroces. […] C’est quelquefois l’homme qui est Célimène… « Je crois, parce que cela est absurde », disait saint Augustin. […] Elle éclaire et le voit tel qu’il est, cet homme bon du prince de Ligne, et elle en a peur, de cet homme si bon, et elle a raison d’en avoir peur, et ce n’est pas lui, mais c’est elle qu’elle frappe avec son flambeau ! […] La femme amoureuse est toujours un peu le caméléon de l’homme qu’elle aime. […] C’est un temps trop athée à l’amour pour admirer cette dévote à l’amour d’un homme, et d’un homme qui ne méritait certes !

558. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Jésus-Christ se montre également dans tous ces actes que les moralistes appellent sensibles, et sans qu’on puisse dire : Voici où l’homme finit et où le Dieu commence ! tant l’homme et Dieu sont sublimement consubstantiels ! […] Prêtre égaré par un bon motif, je le veux bien, mais égaré pourtant, il a spéculé sur le fond de la tendresse humaine pour faire aimer son Dieu, en montrant l’homme aux âmes déjà si pleines de l’homme, qu’elles s’en vont faiblissant dans leur ancien amour de Dieu ! […] Jésus-Christ, il est trop un homme, un particulier, un ami de la famille Lazare, un convive avec qui, ma foi, il est très agréable de souper ! […] … Je m’arrête, moi, tremblant d’en dire trop ; mais le Père Lacordaire s’arrêterait-il dans ce détail de l’humanité de Jésus-Christ, dans ce naturalisme d’appréciation, substitué à la difficulté des mystères, dont il faut parler moins, parce que l’homme ne veut plus comprendre que l’homme aujourd’hui !

559. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

Et c’est ainsi que, pour la place de Schopenhauer dans la mémoire des hommes, il lui aura certainement plus servi d’avoir lu Chamfort que d’avoir médité sur Kant. […] Mais il était, je dois l’avouer, comme personnalité philosophique et même comme structure intellectuelle, un bien autre homme que les maigres inventeurs du Positivisme. […] Il croit, comme Littré et peut-être même avant Littré, que l’homme vient du singe, et voici ses propres paroles, recueillies par M.  […] L’homme comprend que la réalité est une illusion, la vie une douleur ; que le mieux pour la volonté est de se nier elle-même, car du même coup tombent l’effort et la souffrance qui en est inséparable. […] Ribot est un augure qui ne veut pas rire indécemment de l’augure qu’il a voulu vulgariser, et qui lui paraît un fier homme, car, sans cela, il n’aurait pas pensé à le vulgariser.

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