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450. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

» Mais il faut quelque chose de plus grave aux oreilles romaines que cette mythologie pittoresque, et le poëte reprend alors : « Que dirai-je avant la louange tant répétée du Père souverain, qui régit les choses humaines et divines, l’Océan, la terre et le monde, dans l’ordre varié des saisons, immortel principe, d’où ne sort rien de plus grand que lui, et près de qui ne s’élève rien de semblable ou d’approchant. […] Toi, de ton char redouté lu ébranleras l’Olympe ; toi, sur les bois sacrés qu’on profane tu lanceras les foudres vengeurs. » Cette seconde place, que tout à l’heure le poëte n’admettait pas dans le ciel après le dieu suprême, il la réserve pour Auguste ; et il la lui donne sur terre, au nom des glorieux souvenirs de Rome, dont il l’entoure. […] Moi, je ne craindrai ni trouble ni mort violente, alors que César gouverne la terre. […] C’est un doux péril, ô Bacchus, de suivre le dieu qui ceint sa tête du pampre verdoyant. » Ce sont les fêtes, ou plutôt c’est la poésie de la Grèce qui respire dans ce caprice savant d’Horace ; c’est la veillée des bacchantes d’Euripide : on voit les mille bras qui ont saisi la tige du frêne et l’ont arrachée de la terre.

451. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Il transforma son maquis en terre de labour. […] Par surcroît, les Anglais avaient eu le temps de jeter à terre des compagnies de débarquement. […] L’Alsace est une terre de patience et de rêve. […] En tout cas, de cette longue intimité avec le monde extérieur, de ce contact avec les terres vivantes et avec les terres mortes, M.  […] Dans les environs de Melbourne, on voudrait donner des terres aux « sans-travail ».

452. (1874) Premiers lundis. Tome II « Théophile Gautier. Fortunio — La Comédie de la Mort. »

Son livre de poésie, qui le classe véritablement, La Comédie de la Mort, s’intitule ainsi, non-seulement à cause de la première pièce qui porte ce titre particulier, mais aussi, sans doute, à cause d’une impression générale de mort qui réside au fond de la pensée du poète, qui ne le quitte pas même aux plus gais moments, et qui ne fait alors que le convier à une jouissance plus vive de cette terre et de ses couleurs. […] Dans son premier point de vue intitulé la Vie dans la Mort, le poète, errant le 2 novembre dans un cimetière, y suppose la vie non encore éteinte, et essaye de se représenter les tourments, les agonies morales, les passions ulcérantes de tous ces morts, si, vivant encore d’une demi-existence, ils pouvaient sentir et savoir ce qui se continue sans eux sur la terre : Sentir qu’on a passé sans laisser plus de marque Qu’au dos de l’océan le sillon d’une barque ;   Que l’on est mort pour tous ; Voir que vos mieux aimés si vite vous oublient, Et qu’un saule pleureur aux longs bras qui se plient   Seul se plaigne sur vous.

453. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de l’Évangile » pp. 89-93

… Où qu’on prît ces héroïnes, qui ne forment pas un bataillon, mais toute une armée dans l’histoire ; qu’on les prît sur notre terre de France, que ce fût sainte Radegonde, sainte Geneviève, sainte Clotilde, et tous ces cœurs vaillants de la vaillance de Dieu jusqu’à Jeanne d’Arc et depuis elle, n’importe où l’historien allât les choisir, elles étaient dignes de s’aligner en face des plus grandes (s’il y en avait) de la Révolution française, et de faire baisser les yeux à leurs portraits, plier le genou à leurs cadavres. Peintes par un homme de talent qui, sans être austère, aurait eu le chaste pinceau de la force, quelle galerie magnifique elles auraient formée devant le petit Panthéon de terre cuite de Michelet !

454. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

Les législateurs de l’Égypte eurent les premiers l’idée d’attacher l’homme fortement à quelque chose qui lui survive, et de l’intéresser encore quand il ne serait plus ; ils virent que l’opinion reste sur la terre, quand l’homme en disparaît, et qu’elle porte à travers les siècles, la renommée et le mépris ; ils soumirent donc l’opinion à la loi : alors la loi atteignit l’homme au fond de la tombe, et l’on redouta quelque chose sur la terre, même au-delà de la vie.

455. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Cela est vrai d’expérience encore plus pour la royauté des royautés, pour cette souveraineté unique qui représente divinement sur la terre, dans ce qu’il a d’absolu et d’incompatible, le principe de l’autorité. […] On le conçoit : avec les forts instincts d’administration qui étaient en lui et qu’il prenait pour des instincts politiques, il avait dû admirer sur la terre du schisme cette religion nationale, chère à l’esprit de tous les despotes, et il en avait remporté l’idée dans sa patrie pour la réaliser un jour. […] En 1767, l’arrêt de proscription tomba sur l’Institut et l’arracha à la terre la plus catholique de la chrétienté, avec une brutalité presque sauvage. […] Les Jésuites, chassés jusque de Parme, terre vassale du Saint-Siège, — injure cruelle à la personne même du Pape et qui avait comblé l’amer calice de son agonie, — s’étaient repliés vers Rome comme vers leur corps d’armée naturel. […] Elle frappa un ennemi à terre, ce qui est la lâcheté des lâchetés, et elle attribua au poison vengeur des Jésuites la mort d’un Pape que ses gouvernements avaient tué.

456. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

(Il arrache l’autre œil de Glocester et le jette par terre.) […] que la terre te cache ! […] LE FANTÔME (de dessous terre). […] Tu troues la terre bien vite ! […] Quel besoin ont des coquins comme moi de ramper entre ciel et terre ?

457. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

Le système de Platon a prévalu dans le monde, et il devait y prévaloir ; mais soyons persuadés que, sans le petit nombre de pythagoriciens qui sont restés fidèles à la doctrine des épreuves et des ménagements ; qui savent que le pain des forts ne peut pas être distribué à tous ; que tous ne peuvent pas être nourris de la moelle du lion ; que le lait doit être donné à l’enfant jusqu’à ce qu’il puisse manger les fruits de la terre ou la chair des animaux ; soyons persuadés, dis-je, que sans le petit nombre de pythagoriciens fidèles, les vérités seraient encore plus-gaspillées qu’elles ne le sont, et déshonorées par plus de discussions intempestives : heureusement il en est resté en réserve. […] Il faut prendre l’opinion dans une région élevée, et seulement pour les choses générales ; car si l’on descend terre à terre, ou que l’on veuille la consulter dans chaque cas particulier et interroger toutes les sortes d’instincts de la multitude, on risque de faire de grandes fautes.

458. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

D’ailleurs, pour un chrétien et pour un prêtre, l’idée de l’éternité rabougrit singulièrement la gloire, et s’il écrit son nom sur son œuvre, c’est plus pour le signaler aux fraternités de la prière que pour le livrer à ces bouffées de vent léger qui lèvent de terre un nom et l’emportent dans la renommée. […] Si le protestantisme iconoclaste a tué en Allemagne l’inspiration catholique, il a ébranché l’arbre même du génie national, intimement religieux ; mais ce qui est resté catholique dans cette terre prise sous les glaces de l’examen de Luther, n’a point perdu son flot pur de naïveté, si naturellement épanché. […] L’artiste catholique note de pareils cris quand il les entend, et le penseur sait ce qu’ils contiennent… Les gravures du livre de l’abbé Brispot, au nombre de cent vingt-huit, représentent les scènes les plus solennelles et les plus pathétiques du passage du Fils de Dieu sur la terre.

459. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

, actualité comme l’incendie quand il flambe, et à laquelle tout ce qui pense, tout ce qui a un pauvre mort aimé sous la terre (et qui n’en a donc pas ?) […] Capitales et nécropoles sont, en effet, des choses et des mots congénères Ce qui se passe sur la terre dans ces furieux entassements d’hommes, en un espace déterminé, se passe identiquement dessous, et la corruption de la mort est adéquate ainsi à la corruption de la vie. […] La terre, qui couvre les fautes des médecins, comme a dit un plaisantin de théâtre, a couvert peut-être aussi les plus grandes douleurs de la vie pour ces malheureuses créatures qu’on croyait mortes, qu’on croyait avoir soldé tout leur compte avec la douleur !

460. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Henri Cantel »

C’est ainsi que, dans quelques pièces, si l’idée de Dieu se lève tout à coup au milieu de tous ces vers de voluptueux, comme, par exemple, dans ses Victimes, ce n’est pas notre Dieu à nous, c’est celui des lâches rêveurs qui demandent un paradis sur la terre, et auquel le poète crie : Et suspends le travail du mal et du malheur ; Fais qu’à la loi d’amour l’humanité réponde ! […] » Et cependant, malgré tout ce paganisme rapetissant et glaçant qui empêche le poète d’Impressions de s’élever et le fixe à la terre, — et même à la fange de la terre dont il est fou, quand elle est blanche et rose, — il y a dans son recueil un talent vrai, très cultivé déjà, et, sous la culture, devenu facile et ample.

461. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

Et toute la terre est présentement convaincue qu’il n’y a que Vacquerie  dans un livre où Victor Hugo est seul tout entier. […] Un autre jour, Voltaire, qui fut bien tout le temps qu’il vécut le diable de la vanité en tournée sur la terre, écrivit son Commentaire sur la Henriade, et le fourra sous le nom de son secrétaire Wagnière, parce qu’il s’y disait des choses très agréablement fortes, et que, selon Bridoison, on ne s’en dit pas à… à… à… soi-même ! […] Tout s’éclate et se répand par terre de la magnifique porcelaine, — et c’est ainsi, pour finir par un mot emprunté à la sagesse vulgaire, « qu’on n’est jamais trahi que par les siens » !

462. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Déjà la vie religieuse des armées n’est plus ce qu’elle était en 1914 et 1915 ; des âmes, bouleversées par la violence du choc et dont le fond avait monté à la surface, sont redevenues dormantes, et puis, beaucoup des meilleurs sont couchés à cette heure dans la terre de France. […] Tous les gestes de notre passé, tous les beaux témoignages d’aujourd’hui que je viens de rassembler, ne sont que les produits d’une même conception très simplifiée de la France, champion du bien sur la terre. […] Ces hommes les entourent et leur disent : « Nous n’osons pas mettre la terre sur nos camarades sans qu’on leur ait dit une prière. — A quelle religion appartiennent-ils ?

463. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

Ils avouent que l’abaissement des grands était nécessaire ; mais ceux qui ont réfléchi sur l’économie politique des États, demandent si appeler tous les grands propriétaires à la cour, ce n’était pas, en se rendant très utile pour le moment, nuire par la suite à la nation et aux vrais intérêts du prince ; si ce n’était pas préparer de loin le relâchement des mœurs, les besoins du luxe, la détérioration des terres, la diminution des richesses du sol, le mépris des provinces, l’accroissement des capitales ; si ce n’était pas forcer la noblesse à dépendre de la faveur, au lieu de dépendre du devoir ; s’il n’y aurait pas eu plus de grandeur comme de vraie politique à laisser les nobles dans leurs terres, et à les contenir, à déployer sur eux une autorité qui les accoutumât à être sujets, sans les forcer à être courtisans. […] En général, ces grandes vues du ministère, qui s’occupent de projets d’humanité, et qui, par des établissements utiles, cherchent à tirer le plus grand parti possible et de la terre et des hommes, semblent lui avoir été peu connues.

464. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Nous sommes, en effet, une race issue de toi, ayant par privilège le signe imitatif de la voix, entre tous les êtres mortels qui vivent et rampent sur la terre. […] À toi cet univers, roulant autour de la terre, obéit sous l’impulsion que tu lui donnes ; et il est soumis volontiers à ta puissance. […] « Et il ne se fait pas sur la terre une œuvre, en dehors de toi, ô Dieu !

465. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Le signe de la croix se fait par terre et avec le pied gauche. […] En un moment, les trois frères gisaient à terre, saignés comme des porcs. […] Ils la tirèrent à terre péniblement par des cordes, en faisant des prières. […] Jean Moréas la patrie adoptive, la terre d’élection. […] je n’ai pas créé la terre si aimable.

466. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Plus la terre est commune, et plus il veut être poussé de cette terre. […] C’était encore de la terre. […] Lui aussi il est un fruit de la terre. […] Mais de la terre. […] Elle est là, quelque part sur terre.

467. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Lorsqu’un personnage accomplit un acte bizarre vis-à-vis de nos habitudes d’esprit, Ibsen groupe autour de cet acte des explications de tous les ordres, physiologiques et pathologiques, terre à terre, sensuelles, mystiques et même magiques. […] Simon insiste sur l’amour de ta terre. […] Celui qui tombe par terre nous paraît narguer la pesanteur. […] Eût-il organisé la terre suivant sa volonté, qu’il eût convoité les planètes et les soleils. […] Voici le schéma de ce cerveau débile. » Il flaire et traque tout ce qui dépasse les sens, sa bonne conception terre à terre, matérialiste, positive et athée.

468. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Ces harmonies qu’il ne pouvait réaliser sur la terre dans l’ordre politique et civil, il les demanda à l’étude de la nature, et il en raconta avec consolation et délices ce qu’il en entrevoyait : « Toutes mes idées ne sont que des ombres de la nature, recueillies par une autre ombre. » Mais à ces ombres son pinceau mêlait la suavité et la lumière ; c’est assez pour sa gloire. […] Il commence même à porter ses vues plus loin ; son esprit de système l’entraîne vers les spéculations physiques : J’ai recueilli, dit-il, sur le mouvement de la terre des observations, et j’en ai formé un système si hardi, si neuf et si spécieux, que je n’ose le communiquer à personne. […] Leurs jeux paisibles, la solitude du lieu, le bruit de la mer me donnaient une image de ces premiers temps où les filles de Noé, descendues sur une terre nouvelle, firent encore part, aux espèces douces et familières, du toit, de la table et du lit. […] Condorcet s’intéressait à lui et en écrivit à Turgot ; il dut être présenté à celui-ci au commencement de son ministère (juillet 1774) ; Turgot était ministre de la Marine, et Bernardin sollicitait depuis quelque temps pour être envoyé par terre aux Indes avec une mission d’observation et de découverte. […] Il s’est logé pour travailler plus en liberté dans le faubourg Saint-Marceau, rue Neuve-Saint-Étienne, tout au haut d’une maison d’où l’on a vue sur le jardin des Dames-Anglaises : ce n’est pas encore la fin de son vœu, car son vœu c’est un jardin à lui et une cabane, c’est de loger à terre et non si haut.

469. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Hors de la tente, à droite, sur le devant et à terre, un collier de cheval, des moutons, une cage à poulets. […] Ceux du côté du Gros-Caillou étaient des brigands ; ceux du côté de Chaillot, les uns étaient de bonnes gens qui cultivaient la terre, d’autres des paresseux qui vivaient aux dépens de leurs voisins ; mais de temps en temps les brigands de l’autre rive passaient la rivière à la nage et en bateaux, tombaient sur nos pauvres agriculteurs, enlevaient leurs femmes, leurs enfans, leurs bestiaux, les troublaient dans leurs travaux et fesaient souvent la récolte pour eux. […] Au-devant du massif, jeune homme s’avançant bêtement vers une vieille qui le regarde et semble lui dire : " c’est l’oiseau de ma fille. " au pied du bassin, vers la gauche, cette fille est étendue à terre, la tête et la partie supérieure du corps tournés vers le porteur d’oiseau et le bras droit appuyé sur sa cage ouverte. […] On voit à gauche, assis à terre, un esclave qui frappe avec des baguettes une espèce de tympanon. […] Il y régnait un effet, un ton de couleur si identique, que les trois n’en fesaient qu’un. ôtez du tableau du réveil des enfans ce petit enfant nu qui est à terre ; le reste est mauvais.

470. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

» Sa vie n’est plus qu’une torture, il sent la terre se dérober sous ses pas en dépit de ses appels au Dieu qui s’obscurcit à ses yeux. […] La plante à laquelle vous voudriez inculquer la faculté de plonger ses racines non pas dans la terre, son élément normal, mais dans le vide, se dessécherait et mourrait. […] Toutes les religions, toutes les morales, tous les systèmes basés sur le non-être, sont destinés à faire banqueroute, car la vie emporte chaque jour ce qui s’élève contre elle ; et quand bien même la terre se couvrirait de séminaires et de faux apôtres en robes de deuil, cette lèpre formidable n’empêcherait pas le globe d’accomplir sa révolution, ni le sang de parcourir les veines. […]   A nos fils lointains qui, dégagés du présent, évoqueront notre monde par-delà les siècles révolus, cette conception du prêtre catholique apparaîtra comme l’une des plus monstrueuses folies qui ait germé sur cette terre. […] Tant qu’il y aura des voix sur la terre pour nous affirmer que le bonheur, pour l’humanité, consiste à vivre hors nature, à violer toutes les lois par lesquelles nous marchons et nous respirons, à honorer l’absurde et fouler aux pieds la raison, et que ces voix seront écoutées, l’humanité ne pourra évidemment prétendre à un sort meilleur.

471. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

La pauvre mère ne sait que montrer la terre qui recouvre son enfant et s’écrier en son idiome natal, Alkanaa, Alkanaa ! […] Née dans des climats brillants où la terre est pétrie d’une meilleure argile, développée d’abord et grandie en liberté, un peu sauvage, comme elle dit, ayant puisé ses premières idées sur l’hiver dans les romans, nous la voyons, dans le cours de ces volumes, fidèle à ce culte de l’été de la vie, de la jeunesse, de la beauté dont elle aime à couronner en toute occasion ses louanges.

472. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

Tout s’assombrit dans la vallée, L’oiseau tremble sous la feuillée, La terre s’ébranle, et l’Armont   A voilé son front. […] Sous un lourd manteau de rocher, Voilà que chaque dame emprise Se sent à la terre attacher ; Leurs cris d’angoisse terrifient ; Leurs yeux éteints se pétrifient ; On ne voit plus que trois géants   De rocs nus et blancs.

473. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Stéphane Mallarmé »

« Ô crime de la terre et du ciel ! Si, avec les images qu’il nous a suggérées, nous ne pouvons sculpter un bas-relief dont se pare sa tombe éblouissante, « Que du moins ce granit, calme bloc pareil à l’aérolithe qu’a jeté sur terre quelque désastre mystérieux, marque la borne où les blasphèmes futurs des ennemis du poète viendront briser leur vol noir. » C’est fort mal traduit, et pourtant j’ai fait de mon mieux.

474. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Giraud, Albert (1848-1910) »

La poésie, qui évoque si puissamment des idées de flânerie et de vagabondage, s’est présentée devant lui comme ces chemins d’or que font, entre la terre et le ciel, les rayons du soleil couchant. […] Mais la première — œuvre de départ — est engluée de terre.

475. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre III. Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. »

Tout rentra dans la vérité, devant celui qui tient la place de la vérité sur la terre, comme parle saint Augustin. […] …… Vous répandez les ténèbres, et la nuit est sur la terre : c’est alors que les bêtes des forêts marchent dans l’ombre ; que les rugissements des lionceaux appellent la proie, et demandent à Dieu la nourriture promise aux animaux.

476. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

C’est ainsi qu’il put acquérir à la fois des hommes et des terres. […] Jamais il ne lui arriva rien d’aussi doux sur cette terre. […] Ils s’éloignèrent de la terre, ces héros rapides et dignes de louanges. […] Elle est armée comme si elle voulait combattre pour la terre d’un roi. […] « Elle s’affaissa à terre et ne dit pas un mot.

477. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Le silence des annales sur la nation qui habita la terre volcanique de l’île Atlantide, submergée par l’Océan qui reçut son nom, me parut autoriser la création d’un peuple antérieur à tous les autres. […] « Où posas-tu la terre ? […] chante la rédemption de l’homme coupable, accomplie sur la terre par le fils de Dieu, revêtu de la nature humaine. […] Voilà l’origine du brillant système de la mythologie des Linus qui, multipliant les figures surnaturelles, peuplèrent les cieux, les mers, et la terre, d’innombrables divinités souveraines et directrices du monde. […] Ne vous fait-il pas voir son front surmonté d’une vaste chevelure ondoyante autour de sa tête, et son noir sourcil qu’il ne remue qu’en ébranlant le ciel et la terre ensemble ?

478. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Il lui fut impossible d’acheter une terre dans le canton de Lausanne parce qu’il était catholique. […] Si vous faisiez valoir, comme moi, une terre, et si vous aviez des charrues, vous seriez bien de mon avis. […] Il est bien certain que la terre paye tout. […] Le principe c’est de frapper l’inutile ; c’est de frapper la terre inutile, l’homme inutile, la femme inutile. […] Ils cultivent les terres, ils font du commerce, ils font des inventions.

479. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Partie de Bergara, elle sert de frontière entre la France et l’Espagne ; à Arnéguy, dernier village français, nous la franchissons, et désormais nous sommes en terre d’Espagne. […] Plus anciennement encore, cette terre de la mort, devenue la terre de l’immortalité, n’était que le reflet du vague rêve qui se levait dans l’âme enfantine des premiers hommes pensants lorsqu’ils voyaient le soleil disparaître derrière une montagne ou, au bout de l’horizon, se plonger dans la mer. […] Une légende italienne, que nous sommes porté à croire fort antique, raconte qu’un Juif, appelé Malc, donna à Jésus un soufflet avec un gant de fer ; en punition, il est condamné à vivre sous terre, tournant toujours autour d’une colonne (sans doute la colonne où Jésus fut attaché) ; à force de tourner, il a creusé profondément la terre sous ses pas. […] Aussitôt il mit son enfant à terre et ne put rester là plus longtemps. […] Je néglige le bizarre épisode de Macco, l’homme changé en serpent que Guerino foule aux pieds dans son chemin sous terre et qui lui donne quelques avis.

480. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

. — Au dix-septième siècle, après les expériences de Galilée et de Pascal, on savait que tous les corps terrestres tendent à tomber vers la terre, et, depuis Copernic et Kepler, on comprenait que la terre et toutes les autres planètes tendent à tomber vers le soleil. […] À partir de ce moment, on sut pourquoi les corps terrestres tendent à tomber sur la terre et pourquoi les planètes tendent à tomber vers le soleil. […] Parce que toutes les masses à la surface de la terre, quelles qu’elles soient, solides, liquides ou gazeuses, tendent à tomber. — Pourquoi tendent-elles à tomber ? […] Outre les cas où la raison est une série de raisons, il y a les cas où elle est un groupe de raisons. — Par exemple, la terre décrit telle orbite autour du soleil. […] Ou bien les composants sont simultanés ; tels sont les caractères qui s’assemblent pour conduire la terre sur sa courbe autour du soleil.

481. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

La philosophie descendit des Édens sur la terre et l’on décora d’humaines effigies l’antique forêt panthéiste. […] Et sur la terre vêtue de jardins bien parés, et sous les gros dômes d’or arrondis, surgirent les icônes byzantines. […] Les hommes s’habituèrent à considérer la terre comme un gouffre infernal, comme une affreuse contrée d’horreur et de malédiction. […] Mais il y a des oiseaux qui « crient la mort », et sur la terre privée de sève, des rats rongeurs pâturent seuls. […] Ce sont les Villes Tentaculaires qui, pareilles à de colossales pieuvres semblent s’être gorgées du sang de toute la terre.

482. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

C’était un homme précieux à bord d’une escadre, et un bon compagnon dans l’ennui d’une traversée ; à terre, il était dépaysé, s’il ne menait même train et ne faisait vie qui dure. […] Regnier, son rare neveu, S’entendait mieux à ce jeu : Et s’il eût vu cette terre Où Bacchus est en crédit, Je jurerais sur le verre Qu’il n’en aurait pas médit. […] Chacun apportait son mets et son fruit : Thalie, de la part d’Apollon, présenta à son tour le melon, qui obtint le prix au jugement des gourmets immortels. — Une autre pièce que Perrault trouvait fort agréable, et que je suis fort tenté aussi de trouver jolie, est celle de La Pluie ; le poète y décrit au naturel l’effet bienfaisant que produit sur la terre, après une aride attente et une sécheresse de canicule, une ondée longtemps désiré. […] Saint-Amand ne vit dans Rome, même dans la nature romaine, même dans les ruines, que matière à pasquinade et à parodie : Il vous sied bien, monsieur le Tibre, De faire ainsi tant de façon, Vous dans qui le moindre poisson À peine a le mouvement libre ; Il vous sied bien de vous vanter D’avoir de quoi le disputer À tous les fleuves de la terre, Vous qui, comblé de trois moulins.

483. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Mais le même caractère, qui est admirable pris d’un point de vue élevé, est risible, considéré de la terre… L’on sent déjà pourquoi quelques personnes ont considéré Don Quichotte comme le livre le plus triste qui ait jamais été écrit ; l’idée, fondamentale, la morale du livre, est en effet profondément triste… » Il n’est, on le voit, que manière de prendre les choses. […] Reconnaissons enfin, après plus de deux siècles d’injustice et d’erreur, dans toutes les proportions de sa gloire un grand homme qui fut un martyr ; qui tout le temps qu’il traversa cette terre resta étranger au bonheur ; dont le cœur fut pur de toute tache, à l’abri de ces petitesses dont souvent ne sont point exempts les grands écrivains ; dont le chef-d’œuvre porte à un si haut degré l’empreinte d’une nature si noble, si élevée et si humaine, et qui de tous les hommes est celui dont l’âme se montrerait le plus sensible à une réparation pour l’outrage fait à la portée de son génie. » Et moi je dis : Ainsi est fait l’esprit humain ; il a soif d’une légende morale ; il a un besoin perpétuel de refonte et de remaniement pour toutes ses figures. […] Il se retrouve, en effet, plus ou moins en chacun de cette alliance boiteuse de l’idéal exalté et du bon sens positif et terre à terre.

484. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

— La terre était fleurie, Le ciel pur, l’ombre fraîche, elle… heureuse d’amour ! […] Vous avez mis la terre entre nous ; n’y mettez pas le ciel, et laissez-moi l’espérance de vous rencontrer enfin là où rien ne pourra plus séparer le frère de sa sœur. » Il suivit le conseil : « Non, répondit-il, je ne mettrai pas le ciel entre nous, après y avoir mis la terre ; ce serait me condamner deux fois à l’enfer. » Il quitta Paris, « ville néfaste » ; il lui fit des adieux maudits comme jamais n’en firent le poëte Damon ni JeanJacques ; il revint à Belley un moment ; puis il alla dans le Dauphiné au sein des Alpes, dans le voisinage de sa patrie. […] « Les eaux du torrent remontent à leur source avec les nuages du ciel pour s’épancher de nouveau dans les vallées ; les arbres fleurissent tous les printemps ; le soleil ne se lasse point d’éclairer et de féconder la terre ; les oiseaux qui partent avant l’hiver reviennent avec les beaux jours ; mais, hélas !

485. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Le déluge, dans leurs traditions, c’était la terre inondée de sang. […] Toutes les nations de la terre avaient soif de l’enthousiasme. […] Elle porta vers le ciel des regards souillés par les vices de la terre. […] Il faut des secousses violentes pour porter l’esprit humain sur des objets entièrement nouveaux ; ce sont les tremblements de terre, les feux souterrains, qui montrent aux regards de l’homme des richesses dont le temps seul n’eût pas suffi pour creuser la route.

486. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Cette mort, qui lui assurait un ange au ciel au lieu d’une amie sur la terre, ne lui laissa point de tristesse, mais cette gaieté sereine qui brave les malheurs ordinaires de la vie. […] Cette terre de la Roche-Guyon était devenue, j’ignore comment, la résidence favorite du duc de Rohan. […] Là, des avenues d’ormes en patte d’oie s’étendaient sur un large plateau, à perte de vue, dans les terres du domaine. […] Ainsi finit cet homme de bien, qui ne laissa que des respects et des regrets sur cette terre.

487. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

Les hommes ont commencé par améliorer leur situation sur la terre, soit par un instinct plus ou moins semblable à celui des animaux, soit par une sorte de tâtonnement empirique, se développant au jour le jour, en raison des circonstances et des besoins : c’est ainsi que se formèrent les premières industries et les premières sociétés ; puis un premier degré de réflexion survint. […] Quant à Galilée, est-il bien certain qu’il ait eu lui-même l’idée claire de la révolution scientifique qu’il accomplissait, et n’attachait-il pas beaucoup plus d’importance à la démonstration géométrique de la rotation de la terre qu’à ses expériences sur la chute des corps ? […] On sait que c’est en laissant tomber par terre un minéral, qui se brisa, que l’abbé Haüy découvrit la propriété du clivage chez les minéraux, d’où il déduisit toutes les lois de la cristallographie. […] Ce n’est plus une pomme qui tombe, c’est la lune qu’une force attractive de la terre empêche de s’échapper suivant la tangente ; ce n’est plus une lampe qui se joue, c’est le pendule qui décrit des oscillations égales dans des temps égaux.

488. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

Elle monta jusqu’au naturel, car le naturel n’est pas du tout un terre à terre ; elle monta jusqu’au naturel qu’en prose du moins elle ne connaissait pas. […] Il vaut mieux être présomptueux et n’avoir pas le sou, que d’être modeste et d’avoir une terre en Normandie. — L’égalité, c’est l’utopie des indignes. — Être acharné sans esprit, c’est rabâcher des bêtises. — Combattre mes ennemis, non !

489. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

La « grande Italienne » lui a appris le grand Italien, ou plutôt celui qui n’est plus Italien, mais pontife, représentant de Dieu sur la terre, impersonnel et universel comme le vicaire de Jésus-Christ, le chef de la catholicité. […] Dans quelque sens que l’on prenne Grégoire, dans le sens du ciel ou de la terre, il n’est pas possible de le faire descendre. […] Dans le sens de la terre, il n’y a pas mieux.

490. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Au moins il y avait là une idée, sinon un système, un essai de philosophie, malheureux, j’en conviens, défaillant, impossible à organiser, mais qui montrait dans les tendances de son auteur des besoins de zénith et d’horizon que sa pensée, ramenée sur la terre par la politique au jour le jour, ne connaît plus… Pelletan était jeune encore dans ce temps-là ; plein d’un enthousiasme, qui avait l’excuse de son inexpérience, pour des idées qui lui paraissaient généreuses. […] Toute son introduction est pleine d’assertions de cette espèce et de réticences qui les complètent : « La France — dit l’auteur des Uns et des Autres — est républicaine jusque dans les dernières mottes de « terre de son sol. » Mais, c’est là précisément la question ! […] Les « mottes de terre » de Pelletan ne sont l’âme, ni le génie, ni les mœurs, ni les habitudes séculaires de la France.

491. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Il le compare au géant Antée, fort dès qu’il touche la terre, mais faible dès qu’il rêve et devient fantastique. […] En d’autres termes, l’Hoffmann posthume que Champfleury invoque est bien capable de faire rentrer sous terre l’Hoffmann vivant. II Rien de plus creux, en effet, que ce volume d’Hoffmann ou sur Hoffmann ; et la faute n’en est pas à Champfleury, qui a remué, comme on dit, le ciel et la terre, pour rendre son ouvrage digne de l’attention des curieux et pour augmenter une gloire déjà trop grande et qui ne pouvait plus que diminuer.

492. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Et ce n’était pas pour le saint qui est au ciel et qui a laissé sur la terre des œuvres vivantes, lesquelles disent mieux ce qu’il fut qu’aucune plume d’homme ou de génie, ce n’était pas pour le saint qu’il fallait regretter cette lacune. […] C’étaient les missions établies par toute la terre, les missions d’Europe, de France, d’Italie, des Îles Hébrides, d’Écosse, d’Irlande, de Pologne, d’Autriche, de Prusse, d’Espagne, de Portugal, de Madagascar, de Bourbon, de l’Île-de-France, d’Amérique, des Échelles du Levant, de l’Empire Turc, de la Perse, de Babylone, de la Chine ; et ce n’était pas tout encore : c’étaient les royaumes de toutes les misères, de tous les crimes, de toutes les hontes, c’était le grand Hôtel-Dieu de Paris, c’étaient les hôpitaux des provinces, l’œuvre des forçats, des mendiants, des fous, enfin les Filles de Charité et les Enfants trouvés, qui sont restés aux yeux des hommes les deux plus belles institutions de cet incroyable gouvernement de l’amour ! […] Étendre par terre la vieille soutane de Vincent de Paul, qu’on trouve assez touchante, et dire à l’abbé Maynard : « Voilà votre cercle de Popilius ; plantez-vous là, mais ne sortez pas de ce bout de soutane ! 

493. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

Si Amédée Pommier, au lieu d’être un artiste en lettres, avait été un intriguant de lettres qui aurait réussi, Sainte-Beuve, ce laquais du succès, qui, disait son ami Béranger, est toujours monté derrière les voitures, n’aurait pas manqué cette ascension derrière le cabriolet de Pommier· Malheureusement, Pommier n’en avait pas, et Sainte-Beuve resta par terre et se tut. […] Il avait, comme l’a dit Jean-Paul, les racines horizontales et verticales qui attachent un homme à la terre. […] Les deux tronçons, restés sur la terre, de celle qui n’était plus, s’étreignirent en vain davantage ; le père et la fille cherchèrent à se consoler l’un l’autre.

494. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Jules Sandeau est un esprit doux, et il vient de prouver une fois de plus que c’est aux doux qu’appartient l’empire de la terre. Quand la terre, en effet, a été un peu culbutée, quand les vrais inventeurs, les énergiques du moins, ont remué le sol autour de nous et nous ont causé la fatigue de la nouveauté et de la variété des points de vue, alors les esprits comme M.  […] Sandeau sont des couleurs déteintes et mêlées. — Or, elle apprend, par l’une des circonstances du roman, qu’un cousin-germain de son nom, dont le père avait, comme on dit, embrassé les principes de 89, vit non loin d’elle, sur une petite terre qu’il cultive, et qu’il est sur le point d’épouser la fille d’un meunier.

495. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

On voit que l’opinion qui a fait de l’ignorance, en Europe, un titre de noblesse, et a défendu aux hommes qui ont ou croient avoir un nom, de l’avilir par l’art de penser et d’écrire ; opinion introduite par les sauvages du nord qui ne savaient que détruire, consacrée par des seigneurs de châtellenies barbares, qui ne savaient qu’opprimer, combattre et chasser ; opinion bien digne en effet de ces deux époques, et qui, au bout de quatorze siècles, n’est pas encore éteinte, et subsiste même aujourd’hui beaucoup plus qu’on ne croit, n’était pas encore née sur la terre. […] C’est ainsi, dit-il, en parlant de Constance, qu’il apprenait à commander, mais en même temps il apprenait aussi à obéir ; et il obéissait à ce qu’il y a de plus saint sur la terre, la nature et la loi. […] Ils comblent le prince de tout ce qu’ils peuvent accorder à l’homme ; et quand sa carrière est finie, alors ils l’appellent pour habiter avec eux dans les palais célestes ; il monte, et sa gloire reste sur la terre. » Il me semble qu’il y a peu de morceaux chez les anciens qui vaillent celui-là pour la raison, la justesse et la vérité.

496. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

La terre les modifie, mais aussi la qualité de l’air. […] Mais il y a longtemps, il est vieux, et on songe à le faire redescendre sur terre. […] Tous les anciens explorateurs des Iles Kerguelen n’y ont vu que des terres stériles et inhabitables. […] Quant à l’enfer, que l’on plaçait à l’intérieur de la terre, n’en parlons pas. […] Alors, si nous restions sur la terre, tout simplement ?

497. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XI. Suite des machines poétiques. — Songe d’Énée. Songe d’Athalie. »

Le dernier trait du tableau mêle la double poésie du songe et de la vision ; en emportant dans ses bras la statue de Vesta et le feu sacré, on croit voir le spectre emporter Troie de la terre. […] La scène annoncée par l’apparition d’Hector, c’est-à-dire la nuit fatale d’un grand peuple et la fondation de l’Empire romain, serait plus magnifique que la chute d’une seule reine, si Joas, en rallumant le flambeau de David, ne nous montrait dans le lointain le Messie et la révolution de toute la terre.

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