Napoléon fut un de ces hommes ; mais chez lui, ce législateur qui aurait eu je ne sais quoi de sacré, ce sauveur assez puissant de tête et de bras pour ressaisir une société penchante au bord de l’abîme, et pour la rasseoir sur ses bases, n’avait pas à la fois le tempérament nécessaire pour l’y conserver. […] Thiers, en possession de pièces confidentielles dont nul autre que lui n’avait eu jusqu’ici connaissance, et y appliquant sa merveilleuse faculté d’éclaircissement, s’est attaché à fixer avec la dernière précision l’instant où ce projet d’usurpation fatale entra dans la tête de Napoléon et y prit le caractère d’une résolution arrêtée ; car pour l’idée vague, elle avait dû lui traverser depuis longtemps la pensée. […] Il agit noblement en repoussant le bien qui lui venait d’une main étrangère, et, sans yeux, il vit plus juste que les hommes éclairés, en croyant qu’on pouvait tenir tête au conquérant auquel n’avaient pu résister les plus puissantes armées et les plus grands généraux.
Diderot est plus juste, et il nous peint à ravir Mme d’Épinay à cet âge de la seconde jeunesse, un jour qu’il était à La Chevrette, pendant qu’elle et lui faisaient faire leur portrait : On peint Mme d’Épinay en regard avec moi, écrit Diderot à Mlle Volland ; elle est appuyée sur une table, les bras croisés mollement l’un sur l’autre, la tête un peu tournée, comme si elle regardait de côté ; ses longs cheveux noirs relevés d’un ruban qui lui ceint le front. […] Je fondis en larmes. — « Pleurez en liberté, me dit-elle en me serrant entre ses bras ; dites-moi tout ce qui se passe dans cette jolie tête. […] On a appelé Diderot la plus allemande de toutes les têtes françaises : on devrait appeler Grimm le plus français de tous les esprits allemands.
Dans les dangers que va courir M. de Marcillac pendant la guerre de la Fronde, il fera de même, bien décidé à ne le point quitter dans les traverses, et, dans le cas où son maître aurait la tête tranchée, ne marchandant pas pour son compte à se faire pendre. Des années se passent, et ce même Gourville, devenu l’homme du roi à l’étranger, initié dans les intérêts et les caractères des personnages les plus influents des Pays-Bas et de la Hollande, est l’un des premiers à deviner le jeune prince Guillaume d’Orange, futur roi d’Angleterre, à lui donner des conseils, à le voir venir dans sa lutte couverte contre M. de Witt et à l’y applaudir ; et plus tard, quand l’habile prince a pris le dessus et est devenu seul arbitre dans son pays, Gourville, qui le visite au passage et qui en est très caressé, sait lui tenir tête en dissimulation, ne se livrer qu’autant qu’il faut, l’écarter doucement avec badinage et respect, comme il convient à celui qui représente désormais des intérêts contraires. […] Voici une lettre badine du prince de Conti, alors généralissime en Catalogue, adressée au duc de La Rochefoucauld, le premier auteur de fortune de Gourville ; elle est datée du camp de Saint-Jordy, le 17 septembre 1654 : Quoique j’eusse résolu, écrit le prince de Conti, de faire réponse à votre lettre et de vous rendre grâce de votre souvenir, j’ai présentement la tête si pleine de Gourville, que je ne puis vous parler d’autre chose.
Il me reçut dans sa bibliothèque ; et, quand je pris congé de lui, il me montra un chemin plus court pour sortir de la maison à travers un étroit passage, qui était traversé par une poutre à hauteur de tête. […] » Je ne compris ce qu’il voulait me dire que lorsque je sentis ma tête frapper contre la poutre. C’était un homme qui ne manquait jamais une occasion de donner une leçon utile, et là-dessus il me dit : « Vous êtes jeune, et vous avez le monde devant vous ; baissez-vous pour le traverser, et vous vous épargnerez plus d’un bon choc. » Cet avis, ainsi inculqué, m’a été fréquemment utile, et j’y pense souvent quand je vois l’orgueil mortifié et les mésaventures qui arrivent aux gens pour vouloir porter la tête trop haute.
Gervaise raisonnable et fraîche, au début de l’Asommoir, est aimable ; Mme Hédouin illumine de sa beauté de femme de tête l’ignoble bourgeoisie de Pot-Bouille ; Denise pousse à bout la raison vertueuse ; et l’héroïne de la Joie de vivre est de même une fille sensée, forte et savante. […] Doué d’un tempérament combatif que marquent ses polémiques, ayant opiniâtrement lutté contre la misère, contre l’insuccès, contre le mépris et l’inintelligence publics, possédant la tête massive et les épaules carrées des entêtés, sa volonté tenace, son amour-propre lui ont donné l’instinct et l’adoration de la force. […] Ce que nous y aimons, c’est cette Christine si bonne, si douce, sensée, aimante, d’une si belle noblesse d’âme et toute simple ; c’est même cette brute de Lantier, qui, s’il ne mettait une grossièreté de manœuvre à clamer des théories ridicules, serait en somme un être bon, simple et fort, qui eût pu être un brave homme faisant des heureux autour de lui, s’il n’était allé se perdre dans une carrière où il est, malgré son intransigeance, un médiocre et un raté ; c’est Sandoz, d’une si belle fermeté, têtu, paisible et solide, ayant une idée en tête et la réalisant patiemment sans se tourner aux clameurs sur ses talons.
à la tête de qui on jetait de ces montagnes et de ces blocs erratiques qui vont rester sur sa mémoire ! […] , ait attaché à la tête de son livre une préface d’un ridicule à le tuer, sur le coup ? […] Il a touché d’un effleurement de feu trente-deux têtes de Saints qu’il a rendues flamboyantes, mais, puisqu’il aimait les Saints, puisqu’il les comprenait et qu’il savait pénétrer dans les merveilleux arcanes de leurs âmes, quel dommage qu’il n’ait pas pu se consacrer tout entier à leur gloire et qu’il ne l’ait pas vengée des abaissements que leur ont fait subir la philosophie et l’indifférence modernes, qui ne se doutent pas, les malheureuses !
Le 18 août 1916, le sous-lieutenant Rothstein tombait à la tête de ses hommes, frappé d’une balle au front. […] Rien ne sera trop pour payer cela, et que mon petit gars puisse toujours marcher la tête haute, et dans la France restaurée ne pas connaître le tourment qui a empoisonné beaucoup d’heures de notre enfance et de notre jeunesse. « Suis-je Français ? […] Il répond : « Je suis chargé d’une reconnaissance, il faut aller plus loin… », et presque aussitôt il tombe frappé à la tête d’une balle explosible.
C’étaient peut-être les vers mêmes, que nous retrouvons, au début de la Théogonie108 : « Ayons les Muses en tête de nos chants, les Muses qui habitent le grand et fertile sommet d’Hélicon, et dansent de leurs pieds légers autour de la fontaine bleuâtre et de l’autel du puissant fils de Saturne ; les Muses qui, lavant aux sources du Permesse leur beauté délicate, auprès de l’Hippocrène, ou sur le divin sommet d’Holmios au plus haut de l’Hélicon, forment des chœurs gracieux, sous leurs pas tressaillants ; puis, élancées de là, sous le voile d’un épais nuage, ont marché dans la nuit, jetant d’harmonieuses clameurs, en hymnes à Jupiter porte-égide, à la sainte Junon, reine d’Argos aux brodequins dorés, à la fille du dieu porte-égide, Minerve aux yeux pers, à Phébus Apollon, à Diane chasseresse, à Neptune qui enceint la terre et l’ébranlé, à la vénérable Thémis, à Vénus aux roulantes prunelles, à Hébé parée d’une couronne d’or, à la belle Dioné, à l’Aurore, au Soleil immense, à la Lune brillante, à Latone, à Japet, au ténébreux Saturne, à la Terre, au vaste Océan, à la Nuit sombre et à la race sacrée des autres dieux : célébrons ces Muses, qui enseignaient une si belle chanson à Hésiode, occupé de paître ses agneaux, aux bords de l’Hélicon divin. » Cette poésie brillante et gracieuse, non moins ancienne que les chants homériques, mais indigène en Béotie, offerte aux yeux et gravée dans les temples de cette religieuse contrée, suffisait à dénouer la langue du jeune homme, né pour les vers, qui vivait dans ces lieux. […] Ce rocher de Tantale, menaçant au-dessus de nos têtes, l’épouvantable calamité de la guerre, un dieu l’a détourné. […] maintenant, de ces Perses à la tête altière, aux bataillons nombreux, tu as détruit l’armée : tu as couvert des ténèbres du deuil la ville de Suse et celle d’Ecbatane.
On se jetait ses pantins à la tête. […] Alors, passez au large, ou nous vous mettons une balle dans la tête. […] Ils vous envoient Shakespeare et Molière à la tête. […] Mais allez donc parler raison, quand les têtes sont fêlées à ce point ! […] Quant à maître Suchot, il n’est guère qu’un fantoche, sur la tête duquel M.
Molé en avait écrit en ce sens, lui répondit à tête reposée, et sa lettre, qui ne visait qu’à excuser leur ami commun et à chercher à sa conduite des raisons atténuantes, est devenue sous cette plume ingénieuse et subtile le portrait le plus merveilleux, le plus achevé, du moral de Chateaubriand à toutes les époques. […] Dans cette persuasion, il fait avec une pleine et entière sécurité ce qui lui passe par la tête, sans s’approuver ni se blâmer le moins du monde.
Je ne dirai qu’un mot qui pour moi la résume : il y a des esprits fermés, des têtes où une idée, si elle n’y entre tout d’abord, ne pénètre pas. […] La nuit était venue, quelques carrés de la garde tenaient seuls et demeuraient, dans le débordement universel, comme des têtes de rochers sombres.
C’est, à la tête de chaque pièce, une sorte de préface anthologique qui vaut mieux que ce qu’elle annonce. […] Le plomb ne se fera pas prier. » En parlant des entretiens d’amour où peut survenir un tiers importun : « Quand un tiers est continuellement suspendu sur la tête d’un aveu, etc. » Ce sont, comme dans ses vers, des hypotyposes, des analectes épistolaires.
Cependant si, au lieu de faire abstraction de mes sens extérieurs, pour ne me servir que de mes sens intérieurs ; si, ouvrant les yeux et remuant la main, je me vois et je me touche dans toutes les régions de mon corps, depuis les cheveux de ma tête jusqu’aux ongles de mon pied, je sens très bien alors que partout sous mon doigt qui se promène, le moi s’éveille et répond ; et si je pouvais atteindre au-delà de la surface cutanée aux organes eux-mêmes, le moi s’y ferait également sentir par une sensation distincte, comme il arrive d’ailleurs en mainte circonstance, lorsque la digestion s’exécute péniblement, lorsqu’un calcul se forme dans le rein, lorsqu’un tubercule se développe dans le poumon. […] Par malheur elle se trouve souvent, relativement au corps, dans la position d’un voyageur dévalisé que des voleurs ont attaché sur son cheval au rebours, la tête du cavalier tournée vers la queue de la monture : si la monture n’est pas une haridelle ou n’a pas été matée par un long jeûne, le pauvre cavalier n’en peut venir à bout.
Employé ensuite à la réforme des statuts anglais et à la confection d’un code unique, puis gouverneur de la Virginie, député de nouveau au Congrès, de là, ministre plénipotentiaire en France à l’origine de notre Révolution, rappelé et nommé par le président Washington secrétaire d’État du nouveau Cabinet, vice-président et ferme à son poste d’opposition à la tête du sénat sous la présidence de John Adams, président enfin lui-même de 1800 à 1808, il remit alors par un bienfait signalé le gouvernement de son pays dans les voies sincèrement démocratiques d’où Washington, vers les derniers temps, l’avait laissé dévier, et d’où John Adams, si respectable d’ailleurs, l’avait de plus en plus éloigné à dessein. […] Galatin, également seul, luttait dans la Chambre des représentants ; si, avec l’autorité de son nom, de ses services passés, de sa parole exacte et judicieuse, il n’avait pas hâté le désabusement public et présenté une tête honorée aux suffrages des républicains longtemps épars, il est douteux que la volonté du peuple se fût dégagée et se fût fait jour : cette noble constitution, qui est comme l’honneur du monde, aurait succombé peut-être à l’incurable corruption qui s’y infiltrait dès sa naissance.
Car vous voulez qu’on dise en le voyant ici : « Ce dernier, digne fils d’une race si haute, Fut un traître et vendit la tête de son hôte ! […] Le grand danger dans la description, c’est qu’on ne la fasse de tête.
Colin Muset parlait une fois de son ménage : dans ces remuantes communes picardes, où les têtes sont chaudes, rien ne passionne plus les poètes du cru que les affaires locales, la vie de la cité, du quartier, du foyer, ils nous parlent d’eux, de leurs femmes, de leurs compères, raillant, invectivant, aimant, regrettant selon l’événement qui les inspire ou selon le vent qui souffle. […] Prêche-t-il la croisade, il nous montre les gens qui se croisent : Quand la tête est bien avinée, Au feu, devant la cheminée.
On n’imagine pas une tête moins philosophique. […] Son éditeur nous dit très sérieusement : « Nous ne possédons qu’une vingtaine de feuilles volantes qui se rattachent aux conceptions des romans et des nouvelles que Baudelaire porta vingt ans dans sa tête sans en confier rien au papier. » Les chef-d’œuvre qu’on prémédite vingt ans sans en écrire une lignée, je connais cela.
Il ne comprend de l’Église que la Charité : Jésus n’était ni comte, ni baron, ne possédait ni fiefs, ni bourgs, ni châteaux-forts, ni vassaux, et n’avait pas même une pierre pour reposer sa tête. […] Sa conception du socialisme est d’une puérilité touchante ; anarchisme, nihilisme, marxisme, guesdime, ces concepts doivent valser bien falots dans sa tête.
Pour les anciens, il en parle sans vrai savoir, raisonnable tant qu’il les loue en gros et par égard pour leurs partisans ; mais en vient-il aux exemples, il fait comme Desmarets de Saint-Sorlin, il donne tête baissée dans les mauvais, ou, s’il admire les bons c’est par de méchantes raisons. […] Et quand, à son tour, Fontenelle explique la peine que Leibniz avait à parler « par la dose des choses qu’il avait dans la tête, et qui était beaucoup trop forte par rapport à la dose des paroles », que nous veut-il, sinon nous faire dégager une inconnue ?
Mais voici, hésitante et envahisseuse comme le flot qui monte, puérilité persistante en qui rien n’éveillera des sens ou un cœur de femme, mais dont la tête faible se grisera tantôt de perversités, tantôt de vérités, tantôt de folies, — Suzanne. […] À peine le coup de tête accompli, elle se repent ; une répugnance physique l’écarté invinciblement de son mari.
En tête marchaient des éphèbes vêtus de robes ioniennes, qui portaient des branches chargées de grappes et de rameaux d’oliviers, auxquelles les prémices de tous les fruits étaient suspendus. — Un héraut, tenant une verge couronnée de fleurs, criait : Eleleu Iou ! […] Le héros tragique paraissait à travers l’élément lyrique qui submergeait encore sa personne, comme un nageur qui passe sa tête au-dessus des flots.
——— Ce n’est pas sans une certaine surprise que la jeunesse littéraire a lu l’autre jour, en tête du Figaro, un article de M. […] Accumulez les symboles tant que vous voudrez, pourvu que derrière on sent battre un cœur d’homme et penser une tête harmonieuse.
On fit des vers à la louange de Macarise ; & ces vers, d’Aubignac les mit à la tête de son roman. […] Ceux qui se mettent à la tête de ces sortes d’établissemens, qui travaillent à les ériger en académies, qui sollicitent tous les jours des lettres-patentes, ne prennent pas garde qu’il devroit n’appartenir qu’aux grandes académies d’être dépositaires des lumières & du bon goût.
ces pauvres grands artistes sont si peu sûrs d’eux-mêmes), que ses amis ne le voudraient pas, moi à leur tête. […] Avouez ensuite que c’est là véritablement insulter les fleurs du bon Dieu que de les jeter sans respect, et sans pitié, sur les planches huileuses d’un théâtre ; enfin, ajoutez, pour tout dire, que la plupart du temps ces couronnes maladroites tombent sur la tête mal peignée de quelque brave claqueur.
Les mathématiques, d’ailleurs, loin de prouver l’étendue de l’esprit dans la plupart des hommes qui les emploient, doivent être considérées, au contraire, comme l’appui de leur faiblesse, comme le supplément de leur insuffisante capacité, comme une méthode d’abréviation propre à classer des résultats dans une tête incapable d’y arriver d’elle-même. […] Vous remplissez cette jeune tête d’un fracas de nombres et de figures qui ne lui représentent rien du tout ; vous l’accoutumez à se satisfaire d’une somme donnée, à ne marcher qu’à l’aide d’une théorie, à ne faire jamais usage de ses forces, à soulager sa mémoire et sa pensée par des opérations artificielles, à ne connaître, et finalement à n’aimer que ces principes rigoureux et ces vérités absolues qui bouleversent la société.
En premier lieu, cela arrive lorsque le geste naturel signifie une affection, comme un mal de tête ou de l’impatience. […] Celui qui décrit en gesticulant un front ceint du diadême, ne fait qu’un geste d’institution qui signifie une tête couronnée.
Pour en arriver là, elle ramasse, d’une main sans fierté, les plus sottes idées de ce sot temps sur le Péché originel et sur la Grâce, qui sont tout le christianisme, et elle les lui lance à la tête, ces sottes idées qu’elle sait peut-être sottes… « Quand je vis, dit-elle quelque part avec la nonchalante fatuité d´une raisonneuse dépaysée, qu’il (Dieu, — notre Dieu, à nous !) […] Elle ne se contente pas de peindre la campagne, elle la cultive et la fume… On est étonné dans ses œuvres de l’amour de la nature qui se voit, à côté de la nature qui rapporte… On est étonné de ces descriptions, romantiques et mièvres, sous la plume d’un écrivain si sérieux, quand tout à coup au milieu d’elles, dans le plus brillant de leurs draperies et de leurs déroulements de paysages, il se fait un trou ; et la tête de l’institutrice passe par ce trou et nous lâche des phrases de cette institution : « l’âme échappant aux lois dont elle fait partie, habite le monde absolu des idées où la durée s’absorbe dans l’éternité de l’être ».
Même les femmes qui, d’origine, étaient des esprits aimables, en entrant dans la science, entrent dans une gaine… La femme y disparaît pour ne plus montrer que sa tête. […] La gaîne peut très bien monter jusque par-dessus la tête… Nous n’y perdrons pas !
Quand la mécanique, l’abominable mécanique, s’empare du monde et le broie sous ses bêtes et irrésistibles rouages, quand la science de la guerre a pris des proportions de destruction inconnues, par le fait d’engins nouvellement découverts et perfectionnés qui ne font plus d’elle qu’un épouvantable massacre à distance, voici une tête assez maîtresse de sa pensée, dans ce tapage du monde moderne bouleversé, pour ne pas se laisser opprimer par ces horribles découvertes, qui rendent, à ce qu’il semble, les Frédéric de Prusse et les Napoléon impossibles, et qui dépravent jusqu’au soldat ! Le colonel Ardant du Picq nous dit quelque part qu’il n’a jamais eu une foi entière à ces gros bataillons, auxquels croyaient ces deux grands hommes, qui valaient mieux à eux seuls que les plus gros bataillons… Eh bien, aujourd’hui, cette tête vigoureuse ne croit pas davantage à la force mécanique ou mathématique qui va les supprimer, ces gros bataillons, malgré leur grosseur et leur nombre !
Il est vrai qu’ils n’avaient pas mis leurs vingt-deux têtes dans le même bonnet, et qu’ils n’étaient, après tout, que les pierres d’une mosaïque intellectuelle, composée par un éditeur… Chacun de ces vingt-deux fragments d’un traducteur intégral avait son petit coin, son alvéole, dans la ruche, sa petite pièce sur laquelle il s’était rué et avait épuisé son petit génie, — et puisque chacun avait choisi le morceau (ode, épode, épître ou satire) qui convenait le plus à son genre d’esprit ou d’imagination, ce n’était pas peut-être, en tant qu’il faille traduire un auteur, la plus mauvaise espèce des traductions que celle qu’ils faisaient à eux tous. Et pour mieux lancer celle traduction multiple et parcellaire, on avait mis à la tête une étude sur Horace par Rigault.
Le Génie, lui, dit au contraire en montrant sa tête : « Ce que j’ai là-haut, c’est encore du cœur ! […] C’est là ce que Guizot a essayé de faire aujourd’hui dans ce grand morceau de biographie et de critique qu’il a intitulé : Vie de Shakespeare, et qu’il a placé à la tête de la traduction de ses Œuvres.
Pour celle-là, nous l’avons vue à l’œuvre ; nous avons vu ses plus illustres têtes poser les problèmes et s’efforcer de les résoudre. […] Or, après l’erreur sur laquelle repose carrément l’Économie politique, comme une idole qui n’est pas d’or, sur des pieds d’argile, il y a l’erreur sur laquelle chez nous elle se meut, et cette erreur, c’est la préoccupation du développement industriel dans la tête d’une nation naturellement agricole.
Il convint de tout et qu’il méritait bien sa peine, quoique dans ces têtes de gentilshommes qui faisaient la guerre au roi pour le roi, ces ultras armés, la notion de patrie ne fût pas établie comme dans la nôtre, ce qui rendait le crime moins grand. […] Pourquoi, à la même page, a-t-il accusé ce moine (Richelieu fut un prêtre) de couper par haine et par envie la tête du plus grand seigneur de France ?
Il nous donne les femmes et la société du temps d’Auguste, et pour commencer ses impertinences de dandy, que je ne hais pas, il place Cléopâtre sous Auguste, quoiqu’elle fût à côté, et quoique, des femmes sous Auguste, il n’y en ait dans son livre que deux : Livie et Julie, — plus Horace, qui, selon moi, n’était d’aucun sexe, lui, mais un impuissant de tête et de cœur, habile seulement dans l’art physique de faire des vers. […] À part son diable de goût pour Cléopâtre, qui me paraît un peu païen, pour ne pas dire pis, Blaze de Bury n’est cependant pas — du moins dans ce livre-ci — un de ces paganisants comme il en pousse partout, et même à la Revue des Deux-Mondes ; de ces petits Julien l’Apostat, moins l’Empire, et avec dix-huit cents ans de plus de Christianisme sur la tête, ce qui les forcera, avant de la lever tout à fait, de ramper encore quelque temps !
Il est pour moi une espèce d’Horace, d’Horace moderne, avec le bénéfice des temps écoulés depuis Horace, qui auraient certainement élargi la tête du Romain. […] Sainte-Beuve, l’entomologiste des riens, comme le plus grand critique qui ait jamais existé, parce qu’il n’a pas un principe de morale dans la tête et que sa critique, c’est de la description d’histoire naturelle.
… Stendhal pouvait pincer cette bouche si ferme qu’on voit dans ses portraits, et garder par derrière sa tête, comme dit Pascal, ces observations qui avaient chez lui l’aigu du stylet. […] Ce sont des historiens non plus de derrière les faits, mais du fond des faits ; des historiens qui osent faire penser et écrire l’Histoire par ceux mêmes qui l’ont faite ; qui, par une merveilleuse intuition rétrospective, la prennent à la source humaine dont elle est sortie, — dans la conscience révélée de ceux qui l’ont créée ; qui se mettent enfin, sans façon, sur les épaules, la tête de Sylla ou de Richard III, et parlent par leur bouche comme ils auraient parlé eux-mêmes, s’ils avaient voulu se faire comprendre et expliquer leurs actes à la Postérité… Ah !
I C’est une chose incroyable à quel point la tête française répugne aux ensembles. […] Du cailletage, moins aimable que celui de Madame de Sévigné, cette perruche inouïe, qui a un style de génie dans sa petite tête de perruche !
Donoso Cortès, cet écrivain incontestablement supérieur par un talent qui touche au premier ordre, cet orateur qui a poussé ces deux ou trois discours dont l’air que nous avons autour de la tête vibre encore, l’illustre Donoso Cortès… disons-le brutalement, ne serait rien sans le catholicisme, et ce n’est pas certes pour l’abaisser que nous disons cela ! […] Soit donc qu’il fasse acte d’écrivain à tête reposée ou d’orateur s’exprimant dans un parlement, Donoso Cortès est partout et surtout un formidable logicien, et tellement logicien, qu’il ne craint pas d’être scolastique par la forme, car il a assez d’expression à son service pour ne jamais paraître sec.
Mais elle n’était presque pas, elle rasait la terre, on la voyait à peine, et voici que, depuis quelque temps, la rampante bête s’est redressée, qu’elle se nettoie comme elle peut, de ses origines, que l’aile lui pousse, cette aile de papier sur laquelle les sottises vont si loin, et qu’elle sera peut-être une hydre, un dragon à mille têtes sans cervelle, demain ! […] Littré, que les lois qui régissent l’humanité seront changées et qu’elle se déshabituera d’aller choquer sa noble tête contre les problèmes de sa destinée, insolubles dans ce monde-ci du moins, mais que son éternel honneur est d’incessamment agiter !
Si dans un temps de scepticisme ou d’éclectisme comme le nôtre, on n’ose pas dire qu’il y ait autre chose dans les têtes affaiblies que des tendances à la place d’opinions, on sait bien au moins à quelles tendances a toujours appartenu la pensée de M. […] Grâce à cette théocratie, que M. de Rémusat condamne dans son livre par la raison très philosophique que l’opinion de l’Europe moderne, qui a la tête déformée par les philosophes, lui est, en ce moment, hostile, l’influence du monde chrétien avait pris le monde musulman et pénétré l’Asie et l’Afrique.
Et cependant on peut se demander encore qui donc s’est occupé de cette publication parmi ceux-là même dont la fonction, dans la littérature contemporaine, est d’attacher à la tête des livres qui en valent la peine, les bouffettes de la publicité ? […] Non, on ne comprend plus, si l’on veut faire l’entendu à la manière humaine, si on la tire hors de son nimbe, cette tête divinement incompréhensible qui doit y rester, et qui se joue, de là, de l’observation scientifique et des proportions naturelles.
En l’absence d’une histoire générale et unitaire de la papauté, le plus beau sujet par parenthèse qu’une tête d’ensemble puisse entreprendre, mais qu’avec les hâtes et les distractions de ce malheureux siècle, qui ne peut ni ne veut s’asseoir, on n’entreprendra point demain, il est excellent d’avoir de ces monographies qui enferment une époque dans une circonscription déterminée et qui la creusent. […] Je sais bien que le temps qu’il décrit est une époque affreuse, perverse et basse, où l’envie des petits contre les grands élève sa tête de vipère jusque dans l’Église, où l’esprit byzantin envahissait les conciles d’Occident, et où les Visconti, les Louis XI et les César Borgia, pratiquaient leurs politiques empoisonnées et empoisonneuses… Déchet immense quand on sortait de ce grand Moyen Âge, qui eut ses passions, sans nul doute, mais qui, du moins, resta chrétien et chevaleresque, si pur de foi, si fier de mœurs !
Trop faibles de tête et de science pour relever de Spinosa ou de Hegel, dont les erreurs du moins sont compliquées, grandioses et terribles, ils aberrent dans des notions mesquines et confuses. […] En regard et en contraste, d’un autre côté, je pourrais citer, avant tout, pour prouver ce que j’ose appeler le catholicisme inné des facultés de Dargaud, cette sereine figure du curé et celle plus divine encore de la vieille tante Berthe, deux anges captifs dans des corps de vieillards, deux adorables têtes de saints comme le catholicisme seul en peut produire et le sentiment deviné du catholicisme en peut seul exprimer !
Il leur a lestement passé par-dessus la tête à tous, et il est allé droit à leur père commun, à Hegel. […] Caro ferme son volume par un compte rendu général et rapide des œuvres quelconques de ce temps où l’Idée de Dieu apparaît, comme elle a l’habitude d’apparaître dans la pauvre tête moderne, qui est si troublée.
qui se posa sur une foule de têtes, excepté la sienne, d’où elle était sortie. […] De temps en temps, une Revue, à laquelle il faut rendre cette justice qu’elle n’a pas cessé d’être littéraire quand la littérature véritable, la littérature désintéressée n’avait pas une pierre pour reposer sa tête, L’Artiste, publiait des vers charmants à faire presque croire qu’Alfred de Musset vivait toujours… Ces vers, qui, d’ailleurs, ne jouaient ni au pastiche, ni au mystère, ces vers sincères, étaient sincèrement signés de ce nom euphonique de Saint-Maur, qui, du moins, n’écorchera pas la bouche de la gloire, si cette renchérie se donne la peine de le prononcer !
Le Théâtre espagnol fut pour lui ce que le Théâtre anglais fut pour d’autres… Où l’originalité pure, cette tête de Gorgone pour l’esprit français, n’aurait pas réussi, M. […] Il faudrait peut-être rappeler ici que nous avons mis le nom du xixe siècle à la tête du livre intitulé : Les Œuvres et les hommes.
Henri Heine, que, pour mon compte j’aime infiniment, quoique ce phalène des clairs de lune de l’Allemagne soit tombé et ait embarbouillé ses ailes de gaze dans la crème fouettée de Voltaire, ce fouetteur ; Henri Heine, comme les gens d’esprit, les génies et les jolies femmes n’y manquent jamais, a tourné toutes les têtes jeunes qui se croient de l’humour parce qu’elles n’ont ni raison ni suite dans les idées, mais, à la place, beaucoup de fumée de cigare sur la netteté de leur esprit. […] Spiritualiste évaporé, il ose accuser l’Église d’un matérialisme plus grand que celui des religions païennes, parce qu’elle a permis à ses solitaires de presser la tête de mort, traditionnelle image du néant de la vie, de leurs lèvres mortifiées ou expirantes.
Phœdria, n’ayant que sa chanteuse en tête, se contentait de dire : « Elle n’est pas mal. […] Chose incroyable, pas une seule fois il ne nous a montré la reine Jeanne et son mari en tête à tête, et ainsi il n’a pu que nous indiquer de la façon la plus sommaire les sentiments des deux époux l’un pour l’autre et les causes secrètes et profondes de ces sentiments. […] Nous ne savons quels sont les sentiments du roi et de la reine l’un pour l’autre (j’ai dit que le poète ne nous les montrait jamais en tête à tête). […] Car il faut le dire, le personnage du jeune Rémond est pleinement ridicule et haïssable, haïssable des pieds à la tête, et ridicule de la tête aux pieds. […] Il sait qu’il se réveillera, le lendemain, la tête vide et mécontent de lui.