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631. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

En politique, cela faisait du nationalisme et du libéralisme, du rêve aussi. […] Cependant, la question polonaise fut, entre la politique française et la politique russe, un vif empêchement. […] Il dépend des politiques, de leur habileté ou de leur maladresse. […] Mais la politique ne lui apporta que déboires. […] Mais, plus vive de ton, — parce qu’il faut bien tenir tête à l’insolence des politiciens, — la politique de Jules Lemaître a le même caractère exactement que sa critique littéraire : elle est une politique de défense française.

632. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Naguère deux des plus anciens rédacteurs de l’Univers se retiraient du journal, ne pouvant prendre sur eux de conformer désormais leur conduite politique aux instructions du pape Léon XIII. […] Le dernier mot de la politique sans Dieu, c’est le déchaînement de la brute qui a faim, et qui veut jouir, et qui ne sait pas autre chose. […] Un moment, il se rencontre avec eux pour revendiquer la liberté de l’enseignement ; mais il est vite dégoûté par leurs concessions et leurs habiletés de politiques. […] C’est peut-être le seul moment de sa vie politique où il ait eu la joie de ne point se sentir isolé et suspect et de pouvoir communier avec toute la France. […] Ceux-là ont des faiblesses pour l’œuvre de la Révolution : ils se figurent que l’égalité civile, la liberté politique, le régime parlementaire, le suffrage universel sont, peu s’en faut, choses évangéliques.

633. (1875) Premiers lundis. Tome III « Armand Carrel. Son duel avec Laborie »

Pour ceux qui connaissent son caractère de droiture, d’énergie et de franchise, ou qui ont apprécié la haute portée de son talent, c’était un besoin de manifester les sentiments d’estime et d’affection qu’ils lui portent : ceux qui partagent ses principes politiques ont dû lui savoir gré de cette généreuse ardeur toujours prompte à relever les provocations ou à venger les injures qui s’adressent à la cause de Juillet ; les hommes de cœur, enfin, qui, sans être attirés vers lui par une communauté d’opinion aussi étroite, ont pris en dégoût les honteuses palinodies qui font le scandale de notre temps, n’ont pu refuser quelque marque de sympathie à un écrivain dont la foi politique, éclairée et persévérante, va jusqu’au sacrifice de la vie.

634. (1887) Discours et conférences « Préface »

Des politiques transcendants se raillent de notre principe français, que, pour disposer des populations, il faut préalablement avoir leur avis. […] Mais il y a une raison, je l’avoue, qui m’a rendu insensible au dédain des politiques sûrs d’eux-mêmes.

635. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 56-59

Presque tous les Ouvrages qu’il a publiés roulent sur des matieres de commerce, de finance ou de politique, & nous n’en connoissons aucun où il ne se montre supérieur au sujet qu’il traite. […] avec quelle facilité il saisit tous les rapports d’un objet politique !

636. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

profonde politique !  […] Tel est l’effet produit par toute idée politique dans un ouvrage de littérature ; c’est un coup de pistolet au milieu d’un concert. […] L’effet somnifère de la politique mêlée à la littérature est un axiome en Angleterre. […] Notre politique de 1811 n’est plus que de l’histoire en 1824. […] Les esprits généreux, désespérant de la politique depuis les dernières élections, se sont jetés dans la littérature.

637. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

Concilier en ce sens-là la religion et la philosophie, n’est-ce pas les prendre par un côté tout politique et empirique, et les abdiquer foncièrement toutes les deux ? […] Il est bien difficile qu’il le relève aujourd’hui ; de quel droit va-t-il apostropher les vices politiques pour les stigmatiser ? […] Ce sera donc quelque ouvrage politique ou (qui sait ?)

638. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Fils de parents mêlés au monde, « lié de bonne heure avec tout ce que les arts, les sciences, la politique, avaient de noms éminents, André Chénier fut un homme considéré à son époque, et presque considérable. […] Poëte, il n’était connu et deviné que de quelques-uns : homme de doctrine et de combat, écrivain politique et publiciste courageux, il était apprécié de tout ce que la société avait alors d’énergiquement modéré. […] Toute politique à part, c’est une faute de goût et une dissonance.

639. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Ducros, le théoricien politique qui le guide à l’ordinaire n’est autre que Hobbes. […] Quelles ont été les idées des Encyclopédistes en politique proprement dite ? […] En attendant il ne dédaignait pas la politique proprement dite, et en 1859 il se révéla homme politique à vue perçante et dont le regard va très loin. […] Pellisson : Les Orateurs politiques en France de 1830 à nos jours. — II. […] Il y avait de l’esthétique politique dans leur affaire.

640. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

De même la politique et la rhétorique. […] Le politique est un moraliste, et la politique rentre dans la morale. […] Le politique n’est plus qu’un politicien, autrement dit un orateur ou un rhéteur ; la politique ne doit plus s’appeler la politique, mais la rhétorique. Politique, art vrai ; rhétorique, art faux. […] Il ne les déteste presque que comme hommes politiques.

641. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

S’il s’agit d’économie politique, il vous dit, les jambes étendues : « Avez-vous jamais mis le nez dans ce grimoire-là ? […] Phanor a toujours été disciple de quelqu’un ; il l’a été de Lamennais pour son catholicisme politique, de Hugo pour ses cathédrales. […] en politique Guizot est bête. » Cela veut dire que comme homme d’État, comme ministre, Guizot manque d’idées, et c’est juste. […] C’est un grand orateur politique, ce n’est pas un homme d’État. […] En politique, c’est trop évident ; sa politique étrangère n’est autre que celle de Louis-Philippe.

642. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Des doctrines politiques de Bossuet. — Comment ce grand homme a tort et raison à la fois. — § XIV. […] S’agit-il d’un politique, il entrera dans ses conseils ; il peindra les événements qu’il a dirigés ou suivis. […] Des doctrines politiques de Bossuet. — Comment ce grand homme a tort et raison à la fois. […] Les aristocraties, comme les démocraties, ne peuvent subsister que par la politique selon l’Écriture sainte. […] La Politique selon l’Ecriture sainte, passim.

643. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Et voyez, ajoute-t-il, les conséquences politiques de cette erreur. […] Saint-Simon n’est ni un libéral, ni un politique. […] Chateaubriand, dans ses œuvres politiques, a plus d’une phrase féroce. […] Il demande à l’histoire naturelle des leçons de politique. […] Tel est le dessein de la Création : appliquer la méthode des sciences naturelles aux sciences politiques et expliquer les lois politiques par les lois de la nature.

644. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Du côté de l’Asie était Vénus, c’est-à-dire les plaisirs, les folles amours et la mollesse : du côté de la Grèce était Junon, c’est-à-dire la gravité avec l’amour conjugal, Mercure avec l’éloquence, Jupiter et la sagesse politique. […] On n’examine point d’ailleurs ici les motifs plus ou moins politiques de son intervention, et on ne veut pas décomposer en quelque sorte l’élan de sa générosité. […] Il n’est pas jusqu’à sa vie qui ne participe à la fois du caractère aventureux de celle de Chateaubriand et de Rousseau, sans avoir l’intérêt psychologique de la vie du second ni l’intérêt public ou presque politique de celle du premier. […] Barni, Histoire des idées morales et politiques en France au xviiie  siècle, Paris, 1865 ; — P. Janet, Histoire de la science politique, Paris, 1858 ; et 2e édit., 1872 ; — Robert Flint, La Philosophie de l’histoire en France, trad. française, Paris, 1878 ; — H.

645. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre premier. Du Christianisme dans la manière d’écrire l’histoire. »

Si le christianisme a fait faire tant de progrès aux idées philosophiques, il doit être nécessairement favorable au génie de l’histoire, puisque celle-ci n’est qu’une branche de la philosophie morale et politique. […] Les desseins des rois, les abominations des cités, les voies iniques et détournées de la politique, le remuement des cœurs par le fil secret des passions, ces inquiétudes qui saisissent parfois les peuples, ces transmutations de puissance du roi au sujet, du noble au plébéien, du riche au pauvre : tous ces ressorts resteront inexplicables pour vous, si vous n’avez, pour ainsi dire, assisté au conseil du Très-Haut, avec ces divers esprits de force, de prudence, de faiblesse et d’erreur, qu’il envoie aux nations qu’il veut ou sauver ou perdre.

646. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

Une balance religieuse et politique tient de niveau les diverses parties de l’Europe. […] Ces vertus générales, telles que l’humanité, la pudeur, la charité, qu’il a substituées aux douteuses vertus politiques ; ces vertus, disons-nous, ont aussi un jeu moins grand sur le théâtre du monde.

647. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

David n’a point eu d’influence politique, à proprement parler, pendant les années où il a été membre de la Convention. […] C’est donc particulièrement sous ce point de vue qu’il est bon d’étudier ici ce que l’on peut appeler la vie politique de David. […] À peine les premiers troubles de la révolution eurent-ils éclaté, que la différence des opinions politiques se fit sentir entre les deux époux. […] Pour l’établir, il faut le double concours de la domination sacerdotale et de la tyrannie politique, comme l’Inde et l’Égypte en fournissent des exemples. […] Vers cette même époque, il suivit Bassal, envoyé secret en Suisse, et là, tout en s’occupant de son art, il prit goût aux intrigailleries politiques.

648. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 34-39

Nous avons de lui divers Traités de Métaphysique, d’Histoire & de Politique, recueillis en un volume souvent réimprimé. […] Le Traité de la Réformation d’un Etat est un des meilleurs morceaux de politique que nous connoissons.

649. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1828 »

Chacun de ces livres répond à un des volumes des précédentes éditions, et renferme, dans leur ancien classement, les Odes politiques que ce volume contenait. […] Espérons qu’un jour le dix-neuvième siècle, politique et littéraire, pourra être résumé d’un mot : la liberté dans l’ordre, la liberté dans l’art.

650. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Nisard »

Le triumvirat littéraire, c’est dans la littérature quelque chose comme Auguste, Antoine et Lépide dans la politique. […] En histoire littéraire comme en histoire politique, les influences sont tout.

651. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

L’ambition naturelle, qui n’avait jamais cessé de lui faire sentir sa valeur comme homme politique, lui faisait sans cesse tourner ses regards vers Turin, pour voir si on ne l’appellerait pas au ministère. La cour de Turin se souvenait trop de sa conduite compromettante dans l’affaire de Savary et de Napoléon pour lui confier le maniement très délicat d’une politique qui ne pouvait vivre que de ménagements et de prudence envers la France, l’Angleterre et l’Autriche. […] Il y a trop de sophiste dans le comte de Maistre : dans sa politique il y a trop de passion d’esprit ; dans sa religion il y a trop d’exagération d’idées ; dans ses prophéties il y a trop de jactance ; dans son style même, le plus réel de ses titres, il y a encore trop de facétie. […] Il ne lui manque, en religion et en politique, qu’une chose : le sérieux, qui est la dignité des convictions ; il procède trop souvent, comme le caprice, par sauts et par bonds. […] Les souvenirs de gloire militaire, qui faisaient sa popularité rétrospective dans l’imagination d’un peuple de soldats, semblent aujourd’hui le contraindre à la guerre : l’Europe s’émeut de répugnance au sang, dans tous ses cabinets et dans tous ses conseils politiques.

652. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Laurent Pichat, poète et politique de la même main, fait aujourd’hui même dans la Revue de Paris, une allusion par réticence à cette infortune de cœur d’Alfred de Musset, hélas ! […] Ses œuvres, à dater de ce jour, nous prouvent assez qu’une foi quelconque, soit religieuse, soit philosophique, soit même politique, lui manqua aussi ; nous n’en voudrions d’autre preuve que ses vers. […] Musset fait plus que de badiner avec les grands sentiments, il les raille, soit que ces grands sentiments s’appellent amour, soit qu’ils s’appellent religion, soit qu’ils s’appellent patriotisme : lisez, sur les matières religieuses et politiques, sa profession ironique adressée à un ami. […] La politique, hélas ! […] Il te fallait un poète à l’image de ta politique ; car enfin les poètes sortent de terre comme en France sortent les soldats, quel que soit le parti qui frappe du pied cette terre féconde.

653. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Proudhon, malgré ses prétentions à la philosophie, n’est pas un philosophe, même politique, — la plus triste espèce de philosophes. […] — ce n’est pas tout non plus que de refaire, dans l’ordre des idées, la fantaisie du Roi de Bohême et ses sept châteaux, de cet aimable Nodier, qui avait, lui, de l’humour, et non de l’humeur ; qui était un poète, non un philosophe… politique ! […] … Si, en notre qualité de critique, nous voulions donner dans un mot ridée de cette indigeste composition politique, anecdotique et littéraire, il faudrait parler le langage de Proudhon. […] Elle en a peut-être dix et davantage, car Proudhon, ce rude travailleur, a travaillé autant en lettres qu’en économie politique. […] On dirait à beaucoup plus juste titre le vertueux et incorruptible Proudhon, qui n’a pas, lui, pataugé dans la fange de l’action politique, et qui n’a pas de fleuves de sang sur les mains.

654. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Malgré 89, malgré 93, quand déjà des voix prophétiques et bibliques devenaient distinctes, quand Saint-Martin, moins inconnu qu’auparavant, écrivait son Éclair, quand de Maistre lançait ses premières et hautes menaces, quand Mme de Staël arrivait, en parlant de sentiment, à de puissants éclats d’éloquence politique, Mme de Krüdner ne paraît pas avoir cessé de voir dans Paris, dans ce qu’elle traitera finalement comme Ninive, une continuelle Athènes. […] 1815, en justifiant une partie de ses prédictions, exalta sa foi et réalisa son influence politique. […] Hors de la politique, l’influence de Mme de Krüdner en 1815 à Paris, son action purement religieuse fut bien passagère, mais également vive et frappante sur ceux même chez qui elle ne durait pas. […] Mme de Staël goûtait Mme de Krüdner auteur de Valérie, mais elle était d’un esprit politique et historique trop prononcé pour entrer dans son exaltation prophétique, et elle en souriait plutôt. […] On sait quelles furent alors les vicissitudes politiques de l’illustre publiciste ; ses sentiments religieux n’étaient pas moins agités, et, à cette limite extrême de la jeunesse, revenant à la charge en lui, ils livraient comme un dernier combat.

655. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Et pour emprunter encore à l’ordre politique une comparaison frappante, je dirai que, grâce à Heyne, à sa docte et sage critique compréhensive, progressive et conciliatrice, on a eu la réforme de Virgile sans en avoir la révolution. […] Elle le connaît, en effet ; elle l’a abordé dans l’original ; et ceci me remet en mémoire une phrase charmante d’une de ses lettres, écrite vers la fin de 1848 où au commencement de 1849, dans un temps où on la croyait plus occupée qu’elle ne l’était de politique. […] Je consulte aussi l’un de mes amis qui sait bien des choses qui sait, entre autres, celles de la politique anglaise autant et plus que personne, M.  […] Pitt n’avait pas de parti, pas d’amis politiques ; mais il était si populaire, on avait une si grande idée de son génie, il exerçait un tel ascendant dans la Chambre des communes, qu’il aurait pu former un ministère, en faisant, comme avait fait George Grenville, une scission dans le parti whig, un tiers-parti comme nous dirions. […] Je sais bien un exemple où une heureuse citation de Virgile a failli, chez nous, se rattacher à un grand événement politique.

656. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

«  Sainte-Beuve. »   Je ne me crois pas en droit de produire la réponse textuelle de M. le Président du Sénat : qu’il me suffise de dire qu’elle était non-seulement extrêmement polie, mais bienveillante, et que M. le Président Troplong m’assurait que, lorsque ces questions de doctrine se représenteraient par leur côté légal et politique, je serais autorisé à faire entendre ma voix à mon tour et à mon rang de parole. […] Nous vivons à une époque fort mêlée en tout genre, où les opinions les plus sincères peuvent être diamétralement opposées sur les questions les plus importantes ; où le vrai, dans tout ce qui n’est pas matière de science, se distingue malaisément du faux, et où, même en se bornant à ce qui est de l’utilité politique, on peut hésiter entre différentes voies et différents moyens. […] Quant à ses idées, les politiques elles économistes savent aujourd’hui qu’il y a beaucoup à en profiter et à y prendre. […] Messieurs, vous qui êtes des politiques, veuillez encore vous dire ceci : L’Empire, que nous aimons tous et que nous maintenons, n’a aucun intérêt à pencher tout d’un côté. Et pourtant, à voir ce qui se passe habituellement dans les hautes sphères, dans la haute société, dans les salons, — et il me semble que nous sommes ici, à bien des titres, dans le plus grave et le plus respecté des salons, — on croirait véritablement qu’il n’y a en politique qu’un centre droit, qu’un côté droit, et que tout ce qui était autrefois la gauche, — la gauche constitutionnelle, — est supprimée.

657. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Quand Corneille et Racine, à travers la pompe ou l’élégance de leurs vers, nous font entrevoir des figures contemporaines, c’est à leur insu ; ils ne croyaient peindre que l’homme en soi ; et, si aujourd’hui nous reconnaissons chez eux tantôt les cavaliers, les duellistes, les matamores, les politiques et les héroïnes de la Fronde, tantôt les courtisans, les princes, les évêques, les dames d’atour et les menins de la monarchie régulière, c’est que leur pinceau, trempé involontairement dans leur expérience, laissait par mégarde tomber de la couleur dans le contour idéal et nu que seul ils voulaient tracer. […] Chez les écrivains, elle était tout à l’heure une serinette à phrases ; pour les politiques, elle est maintenant une serinette à votes, qu’il suffit de toucher du doigt à l’endroit convenable pour lui faire rendre la réponse qui convient. […] Siéyès a le plus profond dédain pour l’histoire, et « la politique est pour lui une science qu’il croit avoir achevée381 » du premier coup, par un effort de tête, à la façon de Descartes, qui trouva ainsi la géométrie analytique. […] Au moyen d’un contrat, Rousseau fonde l’association politique, et, de cette seule donnée, il déduit la constitution, le gouvernement et les lois de toute société équitable. Dans un livre qui est comme le testament philosophique du siècle382, Condorcet déclare que cette méthode est « le dernier pas de la philosophie, celui qui a mis en quelque sorte une barrière éternelle entre le genre humain et les vieilles erreurs de son enfance ». — « En l’appliquant à la morale, à la politique, à l’économie politique, on est parvenu à suivre dans les sciences morales une marche presque aussi sûre que dans les sciences naturelles.

658. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Il y organisa et régla toutes choses ; le gouvernement, en concourant à la constitution politique de Genève ; la religion, par sa confession de foi et son enseignement ; la famille, les mœurs, par ses lois somptuaires qui déterminaient jusqu’à la forme des habits et fixaient les dépenses de table. […] Les exagérations de la lutte religieuse, l’intervention des princes, les complications de la politique, y mêlèrent beaucoup de choses auxquelles Luther n’avait point pensé tout d’abord. […] Sa politique avait été de leur faire octroyer le droit de bourgeoisie, afin qu’ils pussent entrer dans les conseils de la république, où Calvin dominait par leurs votes. […] De là, dans notre histoire, des exemples de cruauté politique sans fureur et sans haine, et la passion persuadée que parce qu’elle raisonne, elle est la raison. […] Voir le recueil des Mémoires de l’Académie des sciences morales et politiques.

659. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

L’auteur aujourd’hui peut démasquer l’idée politique, l’idée sociale, qu’il avait voulu populariser sous cette innocente et candide forme littéraire. […] Car, il faut bien le dire aussi, dans les crises sociales, de tous les échafauds, l’échafaud politique est le plus abominable, le plus funeste, le plus vénéneux, le plus nécessaire à extirper. […] Nous étions donc personnellement d’accord avec ceux qui voulaient épargner les quatre ministres, et d’accord de toutes manières, par les raisons sentimentales comme par les raisons politiques. […] En abolissant la peine de mort, à cause de lui et sans attendre que vous fussiez intéressés dans la question, vous faisiez plus qu’une œuvre politique, vous faisiez une œuvre sociale. Tandis que vous n’avez pas même fait une œuvre politique en essayant de l’abolir, non pour l’abolir, mais pour sauver quatre malheureux ministres pris la main dans le sac des coups d’État !

660. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Témoin, dans les dernières années de sa vie, de la Révolution française, il se plaisait à adhérer en tout à la profession de foi de Burke : « J’admire son éloquence, disait-il, j’approuve sa politique, j’adore sa chevalerie, et j’en suis presque à excuser son respect pour les établissements religieux. » Et il ajoutait qu’il avait quelquefois pensé à écrire un dialogue des morts, dans lequel Lucien, Érasme et Voltaire se seraient fait leur confession, seraient convenus entre eux du danger qu’il y a à ébranler les vieilles croyances établies et à les railler en présence d’une aveugle multitude. Tous ces retours de Gibbon sont sans doute exclusivement dans un intérêt politique et social, et ses paroles trouvent encore moyen de s’y imprégner d’un secret mépris pour ce qu’il ne sent pas. […] Il ne porte guère plus de chaleur en apparence dans la considération des mouvements politiques des peuples et dans la conception de l’histoire. […] Selon Gibbon, les Géorgiques de Virgile ont eu un grand à-propos sous Auguste, un but politique et patriotique mêlé à leur charme : il s’agissait d’apprivoiser aux travaux de la paix et d’attacher à la culture des champs des soldats vétérans devenus possesseurs de terres, et qui, avec leurs habitudes de licence, avaient quelque peine à s’y enchaîner : « Qu’y avait-il de plus assorti à la douce politique d’Auguste, que d’employer les chants harmonieux de son ami (son ami est une expression un peu jeune et un peu tendre) pour les réconcilier à leur nouvel état ?

661. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Son ambition n’était pas de ce côté, pas plus que du côté de la grande politique. […] Avec le Régent, on entra, en effet, dans le régime de la plaisanterie et de l’esprit qui ne respectait rien ; les premiers en dignité se moquaient d’eux-mêmes et des grâces qu’ils dispensaient et des efforts qu’on faisait pour les mériter, de ce qu’il y avait de plus sérieux dans le métier de politique, des choses de la religion et de celles de l’État : comment l’irrévérence n’eût-elle point gagné à l’entour ? […] Il lui supposait plus d’étoffe politique qu’elle n’en avait. […] Sa doctrine politique était simple ; il pensait « que la monarchie française ne pouvait subsister qu’autant qu’elle aurait un maître, mais un maître qui le fût ; que tout autre régime la devait livrer à une destruction inévitable ». […] mais dans un politique et un ministre qui a charge d’intérêts généraux et qui devrait avoir à cœur la grandeur ou le bien de la chose publique, il y a là un vice radical de caractère et qui ruine les autres qualités : il rit de tout.

662. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Sur la fin de ses études, il avait traduit en français une partie des livres d’Aristote touchant la Politique. […] Il le crut si bien qu’il s’appliqua à l’étude de la politique proprement dite sous un maître, M.  […] Il se fit mettre, par lui, au fait des traditions et des relations de la politique extérieure. […] Il y a dans sa vie ecclésiastique et politique assez de faits importants, d’actes de premier ordre, pour mériter examen, analyse et tableau. […] Mais que de qualités d’ailleurs, politiques, civiles !

663. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Le maréchal de Noailles, commandant à la frontière du Nord, a obtenu du roi la liberté de lui écrire directement sur les affaires militaires : il lui demande la même permission pour la politique en général : « Il est presque impossible, écrit-il au roi, de former aucun plan particulier avec solidité, sans embrasser le tout. […] Les sentiments sont tout purs, tout désintéressés, ce qu’ils doivent être du moment qu’ils s’expriment ; les raisonnements généraux, de la manière dont ils sont présentés, paraissent justes ; ils s’appuient à d’excellentes maximes politiques : nous ne sommes pas très bons juges de l’application ni de bien des détails. […] Il allègue de ce roi deux ou trois maximes politiques, fort cyniques assurément, et il les emprunte à une production suspecte, les Matinées royales, sur lesquelles une réimpression récente a ramené l’attention74. […] Vous ne ferez pas mal d’avoir des médecins et des serruriers politiques ; ils pourront vous être d’une grande utilité. […] » Avant que la critique allemande ait protesté contre de pareilles plaisanteries mises sur le compte d’un des souverains qui ont eu le plus à cœur leur métier de roi, il y avait longtemps que la critique française, dans une vue de simple bon sens, avait dit : « Nous ignorons si Frédéric était capable de se servir des moyens indiqués ici ; mais nous croyons pouvoir affirmer que, s’il avait assez d’immoralité pour employer des médecins et des serruriers politiques, il avait en même temps trop d’adresse pour l’avouer à qui que ce soit, même à son successeur75. » Il y avait peut-être à introduire Frédéric dans cette Étude où Louis XV tient le premier rôle, mais c’aurait dû être alors pour opposer les deux esprits, la mollesse et la force, l’abandon et l’infatigable vigilance, le laisser aller de tout, après quelque velléité d’action passagère, et l’héroïque et constant labeur, tant civil que guerrier, qui occupa toutes les heures d’une longue vie.

664. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Lacordaire s’était fait le raisonnement que voici : La société, à mes yeux, est nécessaire ; de plus, le christianisme est nécessaire à la société ; il est seul propre à la maintenir, à la perfectionner : donc le christianisme est vrai, non pas d’une vérité politique et relative, comme l’admettent bien des gens, mais d’une vérité supérieure et divine : toute autre vérité secondaire serait un compromis et une sorte de malentendu indigne et de la confiance de l’homme et de la franchise de Dieu. […] Jusque-là, on s’était accoutumé à confondre l’idée religieuse catholique avec l’idée de pouvoir politique et de légitimité. […] On peut dire qu’à la résumer dans cette idée, l’œuvre entreprise en 1831 par M. de Lamennais et ses disciples d’alors, même en étant sitôt interrompue, n’a pas totalement échoué, et qu’en effet, dès lors, la jeunesse a pu se convaincre que l’adhésion à un symbole religieux n’entraînait pas nécessairement l’adhésion à une forme politique. […] Ces conférences effrayèrent encore l’autorité, mais cette fois l’autorité politique, l’autorité universitaire. […] Mais, après l’invasion du 15 mai, il donna sa démission de représentant, comprenant sans doute que, sous le coup d’un tel attentat, on allait rentrer dans les voies de la politique ordinaire, de la défense sociale méthodique, et qu’il n’y avait plus jour à tenter d’aucun côté une infusion d’esprit nouveau.

665. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Un homme puissant replaçait sur ses bases l’ordre social et politique. Toutes les fois qu’après un long bouleversement l’ordre politique se répare et reprend sa marche régulière, l’ordre littéraire tend à se mettre en accord et à suivre de son mieux. […] Il s’engagea alors des querelles de plume acharnées, et il se livra de furieux combats : la politique, la philosophie étaient en jeu dans les moindres questions littéraires. […] À mesure qu’il était contraint de resserrer le cadre, je ne dis pas des discussions, mais des plus simples réflexions politiques, il développa sa partie littéraire, qui devint désormais le principal ou plutôt l’unique instrument de son succès. […] Pendant toute sa vie, il n’a vu le monde qu’à travers le nuage de ses préjugés ; à vingt ans, il ne goûtait pas les romans à grands sentiments ; à cinquante, il n’a composé que des romans à grands sentiments… Et si Geoffroy ne le dit pas, il nous aide à conclure que la politique de Rousseau n’était elle-même qu’un roman de ce genre.

666. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

En abordant la politique brûlante de 1830, l’homme de polémique a rencontré et rouvert quelques-unes de nos plaies d’aujourd’hui ; il les a fait saigner et crier. […]  » Tel est son programme manqué, ce sera celui de bien d’autres ; c’est son dernier mot en politique. […] Mais je reviendrai à fond sur ce prodigieux caractère de l’homme politique (si on peut appeler cela un homme politique), qui se révèle désormais à nu, et sans plus de masque, dans toute son humeur massacrante et sa verve exterminatrice : aujourd’hui je ne veux parler que du Chateaubriand romancier, romanesque et amoureux. […] J’ai vu un plus grand siècle, et les nains (ceci nous regarde) qui barbotent aujourd’hui dans la littérature et la politique ne me font rien du tout.

667. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

On s’est moqué de quelques mauvais vers de ce prince métromane, lesquels ne sont pas plus mauvais après tout que bien des vers du même temps, qui passaient pour charmants alors et qui ne peuvent aujourd’hui se relire ; et l’on n’a pas fait assez d’attention aux œuvres sérieuses du grand homme, qui ne ressemblerait pas aux autres grands hommes s’il n’avait mis bien réellement son cachet aux nombreuses pages de politique et d’histoire qu’il a écrites, et qui composent un vaste ensemble. […] Quand on a fait le décompte de ses fautes, de ses ambitions et de ses torts personnels, la somme et le fond de sa politique restent encore ce qu’on vient de voir et qu’il a si bien retracé. Pour le juger comme politique, il convient de se dégager du point de vue français, des illusions françaises, et de ce qui nous est resté de l’atmosphère du ministère de Choiseul. […] La Prusse n’était arrivée véritablement à compter pour quelque chose dans le monde et à mettre, comme il dit, son grain dans la balance politique de l’Europe, que du temps du Grand Électeur, contemporain des beaux jours de Louis XIV. […] Sa délicatesse comme philosophe n’était pas telle qu’elle ne pût s’accommoder de ces procédés du politique.

668. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Les faiblesses dont l’illustre chancelier donna plus d’une fois l’exemple quand il fut entré dans la carrière politique, n’y sont pas dissimulées. Cette timidité et cette vacillation en politique n’est point rare chez de grands magistrats, qui ne retrouvent toute leur force et leur autorité que sur leur siège et sous les garanties extérieures qui laissent à leur jugement toute sa balance Mais les faiblesses mêmes d’un d’Aguesseau observent des principes et ont leurs limites ; elles naissent d’un fonds de scrupules, et elles méritent encore les respects. […] Devenu chancelier de France et ministre en 1717, sous la Régence, d’Aguesseau laissa trop voir alors ce qui lui manquait comme homme politique, et sa vertu, égarée entre Law, Dubois et le Régent, rencontra plus d’un piège qu’elle ne sut point éviter. […] Le cardinal de Fleury, dans ses dépêches, n’a pas jugé d’Aguesseau autrement lorsqu’il a écrit : « M. le chancelier est certainement très habile, et a de grandes lumières ; mais, à force d’en avoir, il trouve des difficultés à tout. » Pourquoi un grand magistrat n’est-il pas nécessairement un bon politique ? […] S’il lui arrive, dans les commencements, de traiter quelque sujet politique et économique à l’ordre du jour, ce n’est que par acquit de conscience et par manière de passe-temps, et il compare avec une grâce toute chrétienne ce travail inutile à ces corbeilles que tressaient les solitaires de la Thébaïde pour occuper leurs loisirs, et qu’ils jetaient souvent au feu à la fin de la semaine, quand ils ne trouvaient pas à en faire usage.

669. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Qui aurait dit que la Providence eût choisi un poète pour bouleverser le système de l’Europe et changer en entier les combinaisons politiques des rois qui y gouvernent ? […] Frédéric gronde son ami de s’être formalisé et d’avoir pris au sérieux un badinage ; il continue quelque temps encore ces plaisanteries qui, si elles ne sont pas de très bon goût, ne sont point du tout d’un mauvais cœur ; il essaye, tandis que la guerre se prolonge, de calmer les inquiétudes de son ami, d’adoucir son humeur noire et de lui insinuer de cette philosophie qui se sent déjà du voisinage de la politique : Je vous prie, mettez-vous l’esprit en repos sur l’Europe. […] C’est la Moravie en épigramme. » Dans ces répits que lui laisse l’ennemi, il demande à Jordan des nouvelles de Berlin, et de le tenir au courant de tous les propos et les raisonnements politiques du public, qui lui semblent, la plupart du temps, fort saugrenus. Jordan lui envoie donc le bulletin très véridique des conversations et des commérages de Berlin, et dès le premier jour il en donne idée dans cet aperçu fidèle : Le goût de la politique commence à s’introduire à Berlin. […] Ôtez de devant mes yeux cette épée qui m’éblouit et me blesse. » Frédéric ne se choque point, et à l’étrange boutade du philosophe sauvage il n’oppose que ces mots : « Il veut que je fasse la paix ; le bonhomme ne sait pas la difficulté qu’il y a d’y parvenir, et, s’il connaissait les politiques avec lesquels j’ai affaire, il les trouverait bien autrement intraitables que les philosophes avec lesquels il s’est brouillé. » Aussitôt la paix conclue, Frédéric se fait une joie de revoir son ami le Milord Maréchal, et, quand celui-ci l’a quitté pour retourner en Écosse, il essaye de le rappeler à Postdam par ces paroles où perce cette fois un sourire et un vrai parfum de poésie : « Je finis ma lettre en vous apprenant, mon cher Milord, que mon chèvrefeuille est sorti, que mon sureau va débourgeonner, et que les oies sauvages sont déjà de retour.

670. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

le propre de l’homme politique est de ne point casser même aux plus rudes rencontres, de ne jamais jeter, comme on dit, le manche après la cognée. […] Je recommanderai aux amis d’une certaine beauté judicieuse et politique une page entre autres de son Apologie, dont voici les premiers mots : « Monsieur, jamais négociation ne fut plus difficile à enfoncer que celle-ci (de la paix) ; car chacun disait la vouloir, mais personne ne voulait faire ce qui était nécessaire pour y parvenir… » Nulle part le complexe d’une situation n’a été mieux analysé que dans cette page ; on n’a jamais mieux résumé les difficultés, les fautes et les faux-fuyants des divers partis en présence. […] Il y a dans le président pendant la Ligue deux hommes en quelque sorte : d’une part, le conseiller politique, l’homme sage et patriote qui cherche le salut général et la pacification de l’État ; et de l’autre il y a l’ami, l’intime du duc de Mayenne, « celui qui connaît le mieux l’intérieur de son cœur ». […] Chez le président Jeannin, quand le conseiller politique avait épuisé ses raisons auprès du duc, l’ami intime, le serviteur fidèle conservait la place et continuait de le servir quand même.

671. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Scherer, ouvrent une série assez nombreuse de pamphlets politiques dans l’examen desquels nous ne croyons pas devoir entrer : aussi bien, nous pensons qu’ils ont mal servi la réputation de Lamennais. […] Malheureusement, cette tendance se développa à mesure que l’auteur entra plus avant dans la carrière politique ; son rôle d’opposition, le vague de ses principes, ses emportements le poussaient à la phrase. […] Il est juste aussi de remarquer que, peu intelligent de l’histoire et « dépourvu de tout sens politique proprement dit, Lamennais a une certaine intuition des grands mouvements de l’humanité », un pressentiment que bien des politiques réputés habiles et qui de près le méprisaient comme visionnaire n’avaient pas.

672. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

D’un autre côté les conditions politiques et sociales modernes ne favorisent pas beaucoup l’inspiration. […] On peut trouver au contraire que la démocratie niveleuse, la prédominance des préoccupations politiques, électorales, etc., les progrès de la centralisation et par suite l’uniformité croissante des idées, des mœurs, du langage, du costume, de tous les aspects de la vie sociale ne sont pas de nature à esthétiser le spectacle du monde ni à favoriser l’originalité. […] Et certes, la règle, l’ordre, l’autorité en art ne sont pas la même chose que la règle, l’ordre, l’idée de gouvernement en politique et en sociologie. […] C’est pourquoi l’esprit classique est volontiers respectueux de l’ordre politique comme de la discipline esthétique : il ne sera pas aisément un esprit de révolte et d’individualisme antisocial.

673. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Il avait déjà touché à l’histoire de plain-pied, à l’histoire politique, d’une main ferme et compétente. […] En groupant toutes ces têtes de femmes autour du beau visage du cardinal Jules, en l’entourant de cette guirlande de fleurs humaines, il nous a éclairé d’un reflet velouté qui nous les achève les traits charmants de ce ministre de la souplesse, de la grâce insinuante et de la flatterie, qui régna sur la France par une femme, et dont la politique fut la force dans la douceur. […] En politique, nul ne le vaut. […] Elle lui fit comprendre, par l’attrait de l’amour, les beaux-arts, les œuvres de l’esprit, la politique.

674. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Quels étaient ces hommes qui, pour la première fois depuis le 10 août, reparaissaient comme parti politique ? […] Ce fut une marque de civisme, aussitôt après le 9 thermidor, de remplacer la carmagnole par un habit carré et décolleté, les cheveux sales et plats par des cadenettes et un peigne, de passer sa journée au Palais-Royal à lire l’Orateur du peuple de Fréron et les brochures politiques ; d’aller le soir, avec un crêpe au bras, au Bal des victimes ou au salon de madame Tallien ; d’entendre le chanteur Garat à Feydeau, ou La Harpe déclamant au Lycée contre le tutoiement révolutionnaire. […] La mesure était politique, sinon légale ; elle déjouait les royalistes, qui comptaient obtenir la majorité aux élections prochaines, et avoir bon marché de la Constitution nouvelle.

675. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

Nous nous disions donc que Champagny ne s’arrêterait pas en si belle route, quand, tout à coup, il en changea… Il publia un livre d’économie politique. […] Or, l’économie politique, cette Madame la Ressource des sociétés qui meurent de faim, ne nous a jamais inspiré ni beaucoup d’amour, ni beaucoup d’estime. […] Franz de Champagny a beau nous dire avec raison, dans sa préface, que la question pour le monde et l’histoire n’est ni la question économique, ni la question politique, ni même la question sociale, mais la question morale, la question de l’homme, de sa vie terrestre et de sa vie au-delà de la terre : « L’homme est-il souverain ou subordonné ?

676. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

« Ce beau et insolent Léandre » (comme l’appelle spirituellement Vitu), qui toucha à la hache révolutionnaire avec une intrépidité aussi méprisante que Charles Ier lui-même, qui la cinglait du bout de sa canne, avait un sens politique très sûr dans sa tête téméraire. […] Moraliste et politique tout à la fois, ainsi qu’il l’a supérieurement prouvé dans son beau fragment sur Paul-Louis Courier, ce faux canonnier à cheval, ce faux vigneron, ce faux républicain, ce faux bonhomme et ce faux écrivain, qui fit de la vieille prose française comme Vanderburgh fit de vieux vers, Auguste Vitu n’a pas, vous le voyez, en dépouillant Courier de sa morale et de sa politique, craint d’attaquer une de ces idoles qui prennent racine sur les piédestaux du préjugé ou des partis.

677. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Vivant, comme député, au milieu des assemblées délibérantes et parlantes, admirateur passionné de cette chose puissante qu’il n’avait pas, l’éloquence politique, il se fit pamphlétaire justement parce qu’il n’était pas un orateur ; et il se crut peut-être un orateur, parce qu’il se fit pamphlétaire ! […] Pas une seule fois il n’est monté d’un vigoureux tour de reins sur cet hippogriffe de pamphlet qui l’affole, et même à propos de ceux-là qui furent le plus directement ses ennemis politiques : Fonfrède, Guizot, Thiers, Odilon Barrot, Dupin, etc., il est toujours plus près de l’histoire que du pamphlet, et de la flatterie que de l’histoire ! […] … Que diriez-vous de cette tête sans principes, qui n’a, pour toute idée politique, comme de Genoude, que le suffrage universel sans organisation supérieure, et qui, mêlant la démocratie et le catholicisme, comme Buchez, croyait à la République de l’avenir ?

678. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre premier. Du Christianisme dans l’éloquence. »

Les anciens n’ont connu que l’éloquence judiciaire et politique : l’éloquence morale, c’est-à-dire l’éloquence de tout temps, de tout gouvernement, de tout pays, n’a paru sur la terre qu’avec l’Évangile. […] La politique et les choses de la terre ne lui sont point inconnues ; mais ces choses, qui faisaient les premiers motifs de l’éloquence antique, ne sont pour elle que des raisons secondaires ; elle les voit des hauteurs où elle domine, comme un aigle aperçoit, du sommet de la montagne, les objets abaissés de la plaine.

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