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599. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Cet homme de joie et de plaisir était, comme nous tous, un forçat de littérature, un homme de travail et de peine. […] Dans ce recueil des Poésies complètes, les soupers, le bal masqué, le carnaval, tous les plaisirs de ce débauché de Paris, tiennent une large place comme sources d’inspiration, mais l’émotion du poète les attendrit et les idéalise : Monselet est, avant tout, un élégiaque.

600. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — II »

C’est cette formule qui a soutenu toute sa conduite, l’a décidé à s’abstenir des plaisirs, à modifier son pouvoir, à respecter la dignité de tout être et à s’épuiser, sans illusion d’ailleurs, pour le bien de l’empire. […] Or, il considère qu’elles n’eussent pas été telles et ne se seraient pas abstenues des plaisirs, si elles n’avaient eu pour précepteurs moraux que notre Marc-Aurèle ou notre Spinoza.

601. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Et ici, je le dis avec plaisir, un certain nombre de pages vraiment intéressantes. […] On prend plaisir à sa souffrance ; on est irrité et on est ravi ; on s’écrie : Assez ! […] cette douleur est un plaisir, cette torture une jouissance. […] on s’étonne, et le plaisir ainsi interrompu tourne pour quelques-uns à la fatigue. […] Mais, réclamaient-ils, j’y ai pris plaisir, moi !

602. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

… — moi qui ne vaux rien que seul et inconnu, moi qui n’aime et n’aimerai peut-être plus jamais rien que la solitude et le sombre plaisir d’un cœur mélancolique. — Mais il faudrait des événements et des sentiments pour appuyer cela ; il faudrait au moins des études sérieuses pour me rendre témoignage à moi-même. […] Je me promets beaucoup de plaisir et de vraies jouissances au milieu de cette nature grande et nouvelle. […] « On s’établit dans la vie ; on est las de ce qu’il y a de roide et de contemplatif dans les premières années de la jeunesse ; on est un peu plus avant dans le secret des Dieux ; on sent qu’on a à vivre pour soi, pour son bien-être, son plaisir, pour le développement de toutes ses facultés, et non-seulement pour réaliser un type abstrait et simple ; on vit de tout son corps et de toute son âme, avec des hommes, et non seul avec des idées. […] Ce jugement est assez favorable pour que je m’en honore, et il est à la fois assez sévère pour que j’ose le reproduire ici : « Dans le premier ouvrage (dans Joseph Delorme), dit-il, c’était une âme flétrie par des études trop positives et par les habitudes des sens qui emportent un jeune homme timide, pauvre, et en même temps délicat et instruit ; car ces hommes ne pouvant se plaire à une liaison continuée où on ne leur rapporte en échange qu’un esprit vulgaire et une âme façonnée à l’image de cet esprit, ennuyés et ennuyeux auprès de telles femmes, et d’ailleurs ne pouvant plaire plus haut ni par leur audace ni par des talents encore cachés, cherchent le plaisir d’une heure qui amène le dégoût de soi-même. […] « L’auteur prend encore tous ses plaisirs dans la vie solitaire, mais il y est ramené par l’ennui de ce qui l’entoure, et aussi effrayé par l’immensité où il se plonge en sortant de lui-même.

603. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Ils sont conduits par une idée, et malgré eux, sans même s’en apercevoir, pour le plaisir de ne point blesser cette idée, ils faussent toutes les notions qu’ils reçoivent. […] Je crois bien que c’est une nouveauté dans la littérature que cette haine d’un auteur pour ses héros, et ce plaisir de dessiner sans fin des êtres antipathiques. Les Hollandais ont peint des buveurs ivres, de grasses commères sans coquetterie ; Cervantès nous a montré des brigands et des catins, Callot a dessiné des gueux, et il est certain que tous ont pris plaisir à nous présenter leurs personnages. […] Que valent aussi sa théorie du surhomme et ses hymnes tristes au plaisir ? […] Dans tous les cas, la classe des oisifs est la plus apte à souffrir, est celle qui souffre le plus ; son contentement, son plaisir de l’existence est moindre, sa tâche est plus grande.

604. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

De la vie moderne, grossière sous son élégance apparente, ricane en s’efforçant au plaisir superficiel ; mais tout autour, joie et douleur, profondeur et poésie et noblesse farouche, la vie des imagiers bretons sourit, pleure, chante. […] Je ne puis résister au plaisir égoïste de briser quelques thyrses et de les porter dépaysés et tristes, effeuillés et qui se fanent, en mes mains sacrilèges : Ces gens avaient perdu, l’une après l’autre, leurs espérances et, « comme dans une cathédrale, quand on a éteint tous les cierges, la nuit noyait leur pensée ». — Entendez, résonnement fait de souvenir, la voix tue du rossignol : « Les dernières notes de son chant étaient tombées, rebondissantes en écho, comme des perles jetées de très haut dans un bassin de fabuleux cristal. » — Un être lucide jusqu’ici devient fou. […] Une troisième courtisane, celle dont le baiser enchaîne plus fidèlement, la reine des définitifs oublis, la Mort, vient lui offrir mieux que les insuffisants léthés du songe et du plaisir. […] Et voici, parmi les gros plaisirs bruyants d’une kermesse, des flirts subtils et griffants. […] Une coquette parle : « Je me promène parfois rien que pour le plaisir de voir, selon le contour des sentes, mon ombre rôder à mon entour pour s’unir à moi ou me fuir, puis disparaître à gauche et, un pas plus loin, renaître à droite ; ici me précéder, tel un héraut, et là me suivre, tel un page.

605. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

» Il ajoute : « Au fond, on ne le sait pas, mais ce qu’il aimait, c’était la science et la philosophie… Quand Robin a été nommé sénateur, cette nomination lui a fait autant de plaisir que les élections de 76. […] * * * — Expression d’un marchand d’eau-de-vie artiste : « Oui, c’est de l’eau-de-vie… mais pas de l’eau-de-vie qui donne chaud sous les ongles. » Vendredi 9 février Zola disait hier chez Daudet « que nous avions un malheur… que nous avions trop besoin de nous faire plaisir… qu’il fallait, que la page que nous écrivions, nous donnât aussitôt, après sa fabrication, le petit bonheur d’une harmonie, d’un tour, d’un orné, auquel nous sommes habitués dès l’enfance. » * * * — M…, un modiste de filles, déclarait qu’il n’habillait pas les femmes du monde, parce qu’elles manquaient de conversation. […] Ce poète, aux récits invraisemblables, nous fait un tableau amusant d’une ville du Texas, avec sa population de convicts, ses mœurs au revolver, ses lieux de plaisir, où on lit sur une pancarte : Prière de ne pas tirer sur le pianiste qui fait de son mieux. […] Partie de canot, où Daudet, crânement, renversé sur les avirons, et jetant à la rive des chansons de marin, fait plaisir à voir parmi la jolie ivresse, que lui verse la nature. […] Dans ce qu’il conte, en marchant, et en jetant des bouffées de sa petite pipe culottée, ça me paraît très bien arrangé, très bien architecturé… En cette improvisation parlée et jouée de son œuvre future, je suis frappé d’une chose qui me fait plaisir : son observation est en train de monter à la grande, à la sévère, à la brutale observation.

606. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Vos événements, pressés les uns sur les autres selon votre bon plaisir, sont plus romanesques qu’intéressants : ils se composent de la proscription d’un noble devenu chef de brigands, ce qui n’est pas nouveau ; d’un acte de générosité fait par un vieillard rodomont, jaloux et bavard, faible et fausse imitation du beau don Diègue de Corneille ; d’un galantin devenu empereur et philosophe profond au moment de son couronnement ; enfin, de la noce d’une demoiselle tant soit peu dévergondée ; et tout cela finit au bruit d’un cor merveilleux, qui force deux tendres amants, près de s’enivrer de la coupe du plaisir, à s’empoisonner de compagnie, le tout pour satisfaire la vengeance d’un vieillard stupide ; car c’est ainsi que vous l’appelez vous-même. […] Il suffisait pour cela qu’une phrase blessât la coquetterie de l’actrice en faveur, qu’on y parlât mal de l’âge ou de la beauté du personnage qu’elle représentait, que l’acteur son rival fût plus applaudi qu’elle, qu’elle eût un congé pour aller faire ses récoltes départementales, ou enfin qu’il lui plût de ne pas jouer la pièce par un simple caprice, pour une partie de plaisir de quelques jours. Tous mes confrères, et même les acteurs, vous attesteront de bonne foi que jamais pièce n’a été jouée au Théâtre-Français que selon leur bon plaisir. […] Je ne tirerai pour moi aucune conséquence de cette anecdote : je n’ai point l’orgueil d’être un grand maître ; mais si dans l’art dramatique les gens de lettres et le public ont bien voulu me reconnaître une importante qualité, celle de charpenter une pièce, de préparer une situation et d’enchaîner les scènes, je me ferais toujours un plaisir d’offrir à qui me les demanderait des conseils qui seraient le résultat du travail, de l’âge et de l’expérience.

607. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Mais on prend plaisir à se chantera soi-même, avec un délicieux plaisir de l’oreille et même de l’esprit, des vers comme ceux-ci : Est-ce que l’on consulte au moment qu’on s’enflamme ? […] A croire que les sots sont ici-bas pour nos menus plaisirs, on devient malicieux, et la malice est l’antichambre de la méchanceté. […] Veut-on que tout un public s’abuse sur ces sortes de choses et que chacun n’y soit pas juge du plaisir qu’il y prend ?  […] Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l’amour est dans le changement. […] […] Le moyen de chasser ce qui fait du plaisir ?

608. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Lorsque, par un jour demi-serein, on sort dans la campagne et qu’on arrive sur une hauteur, les yeux éprouvent une sensation unique et un plaisir qu’ils ne connaissaient pas. […] Comme ils vivent opulemment dans les clairières, étalés à plaisir, toujours rajeunis et abreuvés par l’air moite ! […] Ils goûtent encore les plaisirs naturels ; la précocité ne les a point gâtés. […] Paris, en comparaison, n’est qu’une élégante ville de plaisir ; la Seine, avec ses quais, un joli jouet commode. […] Les arts ont besoin d’esprits oisifs, délicats, point stoïciens, surtout point puritains, aisément choqués par les dissonances, enclins au plaisir sensible, et qui emploient leurs longs loisirs, leurs libres rêves à arranger harmonieusement, sans autre objet que la jouissance, les formes, les couleurs et les sons.

609. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Sinon, le lecteur est choqué, trouve que l’on amplifie à plaisir, et saute les pages. […] Mais rien de moins juste que cette conclusion ; elle conduirait à admettre que l’on choisit, en général, plus librement, par une nécessité intérieure moins altérée de motifs pratiques, les carrières et les conditions que les plaisirs. […] Cet homme intérieur, parfois extrêmement différent de l’homme social, on ne peut le connaître que par ses actes libres, ses actes non intéressés, par le choix de ses plaisirs, par le jeu de ses facultés inutiles. Les hommes à vocation native présentent rarement, croyons-nous, un désaccord accusé entre leurs délassements et leurs occupations Les artistes, qui généralement s’adonnent à leur carrière par suite d’un entraînement instinctif, ne parlent que de leur art et ne cherchent de plaisirs intellectuels qu’en lui. […] Hennequin suggère tout ce que le plaisir esthétique, et partant la valeur esthétique, doivent à ce qu’on appellera plus tard « norme », « code », ou « convention », voire « idéologie ».

610. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

« Quant aux efforts qu’il m’en coûta pour m’y rendre raison d’abord de quelques mots, puis par-ci par-là de phrases isolées, et enfin de passages d’une assez longue haleine, il sera facile au lecteur de s’en faire une idée, comme aussi du plaisir qui me transporta quand je fus parvenu à cette intelligence. […] La nature semblait prendre plaisir à favoriser cette heureuse contrée : des pluies douces et fécondantes, dans la saison la plus favorable, arrosaient régulièrement la terre, dont le sein fertile, sans être déchiré par le soc de la charrue, produisait en abondance les fruits les plus nourrissants ; et d’immenses troupeaux, errant de toutes parts dans de gras pâturages, apportaient chaque jour à l’homme le tribut de leur lait. […] Un jour, accompagné d’une armée immense composée de chevaux, de fantassins, d’éléphants et de chars, il résolut de se rendre à une vaste et épaisse forêt pour s’y livrer au plaisir de la chasse. […] Douchmanta , la contemplant avec le plus vif plaisir. […] » XIX Au second acte, le héros, rejoint par deux de ses officiers, dont l’un est un bouffon gourmand et poltron comme le Falstaf de Shakespeare, s’entretient avec eux, et feint d’être dégoûté du brutal plaisir de la chasse.

611. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Ainsi, notre maître a procuré un grand plaisir au roi, afin que tout le profit en revînt à ce misérable ! […] Un autre chambellan leur décrit en ces termes l’abattement du prince : « Le roi n’eut pas plutôt jeté les yeux sur ce fatal anneau, que, la mémoire lui revenant tout à coup, il se rappela le mariage qu’il avait secrètement contracté avec Sacountala, s’accusa de l’avoir repoussée avec tant de cruauté et d’injustice, et, depuis ce temps, il est livré au plus amer repentir ; il a les plaisirs en horreur ; il se refuse, contre son habitude, à recevoir chaque jour les hommages de son peuple. […] Les pièces étaient préalablement châtiées et destinées autant à l’édification qu’au plaisir. […] Les règles de leur littérature théâtrale, règles puisées dans la religion plus que dans l’art, révèlent, dans ces temps reculés, de profondes notions sur la manière d’émouvoir, d’intéresser, de tendre et de détendre l’esprit des hommes rassemblés, et de les faire sortir de ces représentations dans un état d’édification morale où le plaisir même profite à la sainteté. […] » La scène s’évanouit après ces paroles, et le peuple édifié sort du spectacle comme d’un temple, où le plaisir même sert de mobile à la religion et à la vertu.

612. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

La vie ne paraît qu’un instant auprès de l’éternité, et la félicité humaine, un songe ; et, s’il faut parler franchement, ce n’est pas seulement contre la mort qu’on peut tirer des forces de la foi ; elle nous est d’un grand secours dans toutes les misères humaines ; il n’y a point de disgrâces qu’elle n’adoucisse, point de larmes qu’elle n’essuie, point de pertes qu’elle ne répare ; elle console du mépris, de la pauvreté, de l’infortune, du défaut de santé, qui est la plus rude affliction que puissent éprouver les hommes, et il n’en est aucun de si humilié, de si abandonné, qui, dans son désespoir et son abattement, ne trouve en elle de l’appui, des espérances, du courage : mais cette même foi, qui est la consolation de misérables, est le supplice des heureux ; c’est elle qui empoisonne leurs plaisirs, qui trouble leur félicité présente, qui leur donne des regrets sur le passé, et des craintes sur l’avenir ; c’est elle, enfin, qui tyrannise leurs passions, et qui veut leur interdire les deux sources d’où la nature fait couler nos biens et nos maux, l’amour-propre et la volupté, c’est-à-dire tous les plaisirs des sens, et toutes les joies du cœur… Vauvenargues avait vingt-quatre ans quand il écrivait ces lignes. […] Il continue et prolonge cette conversation par lettres avec Saint-Vincens, sur les sentiments de différente sorte et les troubles qui agitent une âme à la vue des derniers moments : On ne saurait tracer d’image plus sensible que celle que tu fais d’un homme agonisant, qui a vécu dans les plaisirs, persuadé de leur innocence par la liberté, la durée, ou la douceur de leur usage, et qui est rappelé tout d’un coup aux préjugés de son éducation, et ramené à la foi, par le sentiment de sa fin, par la terreur de l’avenir, par le danger de ne pas croire, par les pleurs qui coulent sur lui.

613. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Ce fut un plaisir de la voir téter ; elle n’avait jamais tété de cette sorte. […] Sa fille lui avait écrit qu’elle était un peu jalouse de voir cette tendresse extrême pour l’enfant : elle croyait sans doute, en parlant ainsi, faire plaisir à sa mère qui lui avait quelquefois reproché son air de froideur et d’indifférence. […] On ne peut rien détacher en ce genre ; lisez tous ces charmants endroits dans le livre (tome II, pages 149 et 173), mais surtout ce passage où elle nous expose et nous étale si plaisamment, si crûment, la satiété, le dégoût et la profonde nausée d’une nature repue et gorgée de plaisirs.

614. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Biot la portait encore sur bien des objets, astronomie, physique, chimie, agriculture, et les plaisirs actifs, chasse, pêche, nage ; vieux, il disait en souriant : « J’ai aimé dans ma vie bien des choses. » Faudrait-il en conclure qu’il s’est trop dispersé, et qu’il ait eu le droit de se dire à lui-même comme La Fontaine : J’irais plus haut peut-être au Temple de Mémoire, Si dans un genre seul j’avais usé mes jours… ? […] Les premières fois que j’eus l’honneur de causer avec lui, je crus m’apercevoir que, si on le laissait faire, il aimait assez la méthode de Socrate, c’est-à-dire à vous supposer quelque idée fausse que souvent vous n’aviez pas, et à se donner le plaisir de la réfuter en se faisant naturellement la belle part, — un peu comme Béranger. […] Ce qui est vraiment beau pour un savant et ce qui mérite d’être envié en effet de tous ceux qui ont connu les plaisirs de l’esprit, c’est qu’il se maintint constamment frais et dispos d’intelligence, et qu’il vécut, presque jusqu’à la dernière heure de la vie de la pensée.

615. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Dans ces jeux de l’érudition et du goût, l’original sans cesse relu, manié et remanié à plaisir, devenait chose familière, facile, non apprise, mais sue de tout temps et comme passée en nous, on ne l’oubliait plus. […] « Je m’en réjouissais fort », dit le père. —  « Vous aviez bien raison, répond Sosie, qui ne perd jamais l’occasion de glisser son proverbe : je suis bien d’avis qu’il n’y a rien de plus utile dans la vie que rien de trop. » — Simon continue l’éloge de ce modèle de fils qui s’accordait si bien avec tous ceux de son âge, prenait sa part modérée dans leurs plaisirs, se prêtant à tous, ne se préférant à personne : manière sûre de se faire bien venir et d’acquérir des amis. — Le bon Sosie ne manque pas de glisser de nouveau son proverbe et de pousser, selon son habitude, l’idée de son maître jusqu’à en faire une maxime : « C’était bien sage à lui, dit-il, d’en agir ainsi ; car, par le temps qui court, la complaisance engendre l’amitié, la vérité fait des ennemis. » — « Cependant, poursuit le père, voilà bien trois ans de cela, arriva ici dans le voisinage une femme d’Andros, sans parents, pauvre, belle, à la fleur de l’âge. » — « Aïe ! […] se disait-il parlant à lui-même, c’est là, après tout, un cas bien rare ; résister ainsi à l’exemple, à l’entraînement de compagnons de plaisir, c’est ce qui s’appelle être maître de soi, c’est déjà tenir le gouvernail de sa vie. — Joignez à cela que le jeune homme si cher à son père était en même temps agréable à tous ; chacun chantait ses louanges et félicitait l’heureux Simon d’avoir un tel fils.

616. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Vais-je pour quelques passages fermés renier mon plaisir ? […] François Coppée, lequel pourtant me faisait plaisir en imprimant si judicieusement ce matin : « J’ai lu, maigre mon incompétence, les Écoles de cavalerie de M. le baron de Vaux, m’étant donné pour discipline de lire tous les livres techniques qui me tombent sous la main. […] Pour soi d’abord. « J’ai assez de quelques lecteurs, dit à peu près Montaigne, j’en ai assez de trois ou de deux, j’en ai assez d’un, j’en ai assez de pas un. » Il y a des natures sensibles et communicatives qui ne se résoudront pas à perdre le plaisir, même pris seul, de l’épanchement littéraire.

617. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

C’est là que M. de Musset déroule sa théorie du Don Juan et oppose les deux espèces de roués qui se partagent, selon lui, la scène du monde : le roué sans cœur, sans idéal, tout égoïsme et vanité, cueillant le plaisir à peine, ne visant qu’à inspirer l’amour sans le ressentir, Lovelace ; et l’autre type de roué, aimable et aimant, presque candide, passant à travers toutes les inconstances pour atteindre un idéal qui le fuit, croyant aimer, dupe de lui-même quand il séduit, et ne changeant que parce qu’il n’aime plus. […] Faites l’incrédule, retournez-les en tous sens, mettez-y le scalpel, cherchez chicane à votre plaisir, il peut s’y rencontrer quelques taches, des tons qui crient ; mais, si vous avez le sentiment poétique vrai et si vous êtes sincère, vous reconnaîtrez que le souffle est fort et puissant ; le dieu, dites si vous voulez le démon, a passé par là. […] Quelles sont, dans les pièces de poésie composées depuis 1819 jusqu’en 1830, celles qui se peuvent relire aujourd’hui avec émotion, avec plaisir ?

618. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Quoiqu’ils trouvent dans l’exercice de leur art assez d’entraves qu’ils ne peuvent rompre, nous avons pris plaisir à resserrer gratuitement leurs liens, comme pour nuire à leur encouragement et à nos intérêts. […] Quel plaisir peut faire dans une traduction de l’Énéide, l’endroit où les Harpies enlèvent le dîner des Troyens ; dans une traduction de Cicéron, les plaisanteries froides et quelquefois grossières qui déparent ses harangues ; dans la traduction d’un historien, les endroits où sa narration n’offre rien d’intéressant, ni par les choses, ni par le style ? […] Quel plaisir, par exemple, ne feraient pas Sénèque et Lucain, resserrés et réduits ainsi par un traducteur habile ?

619. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Quel plus grand plaisir que de se battre ? […] Cousin invente peu ou point ; mais il a besoin d’éprouver des émotions métaphysiques ; il ressent le plus vif et le plus poétique plaisir, lorsqu’il voit un système se former dans son cerveau, se développer et embrasser l’univers dans ses conséquences. Ne pouvant se donner ce plaisir lui-même, il appelle les autres à son aide ; il expose un, deux, dix, vingt systèmes.

620. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Son plaisir propre n’est absolument ni d’aimer, ni de goûter la musique, mais de cristalliser à propos de l’amour et de la musique. […] L’ignorance de la cristallisation amoureuse amènerait pareillement un homme grossier à trouver ridicule qu’un amoureux se donne tant de peine pour obtenir d’une certaine femme un plaisir que cent femmes entre lesquelles il peut choisir lui procureraient à l’instant. […] L’amour individuel, « l’amour éprouvé se complaisant en soi et se bâtissant lui-même toute sa tragédie  », cet amour-passion que Stendhal goûtait chez les autres avec un plaisir un peu artificiel, est, pour M. 

621. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Nation impétueuse et légère, ardente à ses plaisirs, occupée toujours du présent, oubliant bientôt le passé, parlant de tout, et ne s’affectant de rien, elle regarde avec indifférence tout ce qui est grand ; et quelquefois un ridicule est tout le salaire d’une action généreuse, ou d’un service rendu à l’État et à nous. […] Nos plaisirs, comme nos peines, sont composés ; l’idée principale en attire à elle une foule d’autres qui s’y mêlent, et en augmentent l’impression. […] Ce qui eût transporté d’admiration et fait palpiter de plaisir un habitant de Lacédémone, n’eût pas même fixé l’attention d’un Sybarite : il y a la même différence entre les hommes.

622. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Il a cru voir que l’homme n’avait qu’un seul penchant, qui était de rechercher toujours la plus grande somme possible de plaisir. […] Il y a une raison pratique qui enseigne à l’homme la morale, non du plaisir, mais de l’intérêt bien compris, qui lui conseille de faire vite et bien ses affaires et de mener sa vie comme une entreprise de commerce bien ordonnée. […] C’est un rêve de poète, si l’on veut, d’artiste, si cela vous fait plaisir, et d’illuminé à mon avis. […] L’esprit de Proudhon est si vif et le jeu des idées est pour lui si captivant que l’antinomie lui est un plaisir, une joie violente et un peu âpre, une ivresse de prestidigitateur passionné. […] Il s’habitua à prendre autant de plaisir à voir vivre les autres qu’il avait eu de complaisance à se regarder vivre lui-même.

623. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Marquise n’ait point été assez bonne fille pour faire plaisir à l’illustre marguillier de Saint-Sauveur ? […] Il paraît que c’est la première fois que Georges Dandin a fait tant de plaisir. […] Il l’a, dis-je, laissée brûler, pour le plaisir de la rebâtir plus belle. […] Mais c’est aussi tout simplement le rire innocent, pour rien, pour le plaisir. […] La perfection absolue fait toujours plaisir.

624. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

D’abord, pour le plaisir de parler de lui. […] » L’aise et le plaisir ne sont pas cependant la seule direction que Montaigne veuille tracer à la vie humaine. […] Je ne dis pas que le chrétien seul puisse le lire avec plaisir. […] Il ne dit pas comme Ménalippe : Ai-je du plaisir ? […] « Celui-là peut prendre, qui goûte un plaisir aussi délicat à recevoir que son ami en sent à lui donner.

625. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Aujourd’hui donc, en dépit de ce qu’il y a d’un peu plat où d’un peu gros dans les vogues du jour, consolons-nous avec un des hommes qui sont le plus faits pour intéresser et pour piquer la curiosité de ceux qui ont le plaisir d’être leurs contemporains ; car s’il a beaucoup écrit, il n’a publié qu’une moitié de ses œuvres et n’a livré qu’une des faces de son talent ; car, eût-il tout publié, il aurait encore plus d’idées qu’il n’en aurait produit dans ses livres. […] Un jour, pourra-t-il vous dire, il se trouvait dans une disposition vague de rêverie et d’émotion, il éprouvait le besoin d’adoucir un chagrin ou de fixer un plaisir. […] Encore une fois on croirait qu’il y a dans la chanson quelque chose qui vient apparemment de la musique, et qui donne à un divertissement de l’esprit la vivacité d’un plaisir des sens. […] Dormons au sein des plaisirs. […] M. de Rémusat suivit ou devança ces divers mouvements du groupe avec activité, avec aisance et à son plaisir.

626. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Joignez-y l’amour, cette reconnaissance vive de toutes les âmes franches pour le principe de leurs plaisirs, et vous comprendrez une foule de bizarreries morales. […] Je vis de leurs plaisirs. […] Je n’avais que trois francs par mois pour mes menus plaisirs, somme qui suffisait à peine aux plumes, canifs, règles, encre et papier dont il fallait nous pourvoir. […] « J’acceptai, non sans rougir de plaisir et de honte. […] Vous nous accorderez sans doute le plaisir de dîner à Clochegourde ?

627. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

C’est une injustice de méconnaître Gobineau : en s’abstenant de le lire, on se prive d’un plaisir très vif. […] Nulle part au monde on n’éprouve autant de plaisir ni autant de joie. […] Mais enfin, sa tâche propre, c’est la recherche du beau et du plaisir esthétique. […] Mais le lit-on encore avec plaisir ? […] Il l’entend bien ainsi, et son plaisir, à lui, consiste précisément à les exaspérer.

628. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Il a certainement du plaisir à écrire. […] Le plaisir est comme la douleur (Ch. […] Le mot plaisir est de trop. […] Après tout, s’ils n’ont pas les plaisirs de la mer, ils ont les plaisirs de l’eau. […] Féré, Travail et plaisir.

629. (1802) Études sur Molière pp. -355

Je suppose, qu’avant de lire la pièce française, on sera bien aise de voir un précis de l’italienne, ne fût-ce que pour avoir le plaisir de prendre notre auteur sur le fait, à mesure qu’il tentera quelques conquêtes sur les étrangers. […] Le Mariage forcé a été ordonné et fait pour un ballet où le roi dansa dans une fête intitulée Les Plaisirs de l’île enchantée, et qui dura sept jours. […] S’il paraît l’avoir moins consacrée à sa gloire qu’à sa tendre amitié pour ses camarades, et à sa reconnaissance pour son roi, rendons justice aux motifs qui ont dicté les deux pièces, mais sans renoncer au plaisir d’y trouver le grand homme. […] , et à la suite duquel les convives, pris de vin, résolurent d’aller se jeter dans la rivière, autant pour se débarrasser, disaient-ils, d’une vie toujours orageuse, que pour avoir le plaisir de mourir ensemble. […] Préville remplissait merveilleusement le rôle de Bourgeois gentilhomme, il y était gauche de corps et d’esprit, d’un bout à l’autre, mais gauche à faire plaisir, et voilà le difficile.

630. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

On est toujours plus ou moins comme Sénèque, prêchant la pauvreté sous des lambris dorés, ou comme Salluste, refaisant à plaisir de l’austérité antique au sortir des orgies et des dilapidations. […] Balzac a dit que les trente mille livres de rente de l’abbé de Tiron (au xvie  siècle) avaient fait faire bien des mauvais sonnets et envoyé bien des pauvres poëtes à l’hôpital ; on peut à plus forte raison appliquer la même parole aujourd’hui : des poussées de jeunes gens qui n’ont qu’une ambition ardente et nulle vocation spéciale se jettent dans les Lettres comme dans une carrière où l’or se ramasse pêle-mêle avec la gloire : ils confondent d’abord l’âpre soif du lucre et du plaisir avec l’étincelle sacrée et l’on sait ce que devient celle-ci.

631. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Nous ne voulons pas qu’on nous promène par le monde, comme des enfants, pour le simple plaisir des yeux ; en peu d’années l’Europe a grandement vieilli ; sa tardive expérience cherche aujourd’hui partout une instruction sérieuse. […] C’est de moi qu’elles ont appris les malheurs de leur ancienne patrie ; leurs yeux ont exprimé la douleur lorsque je leur ai parlé de mon aïeul ; mais le plaisir les entraînait, elles ont fini par m’inviter à leurs danses… » Le reste de l’ouvrage n’est qu’à louer.

632. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Les savants du xvie  siècle calquent le mot latin ; porticum devient portique ; blasphemare donne blasphémer ; ils ajoutent des lettres parasites ; ils écrivent aultre, coulteau, debvoir ; ils compliquent à plaisir l’orthographe. […] Il songe à cette tyrannique nécessité de changement, à cette alternance régulière qui emporte les nations d’un extrême à l’autre ; il comprend que la France et l’Europe ont repris goût à la verdure des bois et des prairies et aux charmes de la solitude, précisément parce qu’elles étaient lasses et dégoûtées de spectacles et de plaisirs contraires ; il trouve enfin dans cette réaction violente contre les prédilections du siècle précédent un cas particulier de cette grande loi du rythme qui semble être une des lois de la vie universelle.

633. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

Son plaisir en société était la conversation ; le plaisir extraordinaire qu’elle s’accordait, mais dont elle n’abusait pas, c’était le spectacle20 ; alors il n’y avait pas spectacle tous les jours, et l’on n’allait pas à la comédie tous les jours qu’on la jouait.

634. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

Une femme garde-t-elle le même teint dans l’attente du plaisir, dans les bras du plaisir, au sortir de ses bras ?

635. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Par exemple, quand Homere composa son iliade, il n’écrivoit pas une fable inventée à plaisir, qui lui laissât la liberté de forger à son gré les caracteres de ses heros, de donner aux évenemens le succès qu’il lui plairoit, et d’embellir certains faits par toutes les circonstances nobles qu’il auroit pu imaginer. […] A-t-il pû changer à son plaisir les évenemens des combats et des sieges ?

636. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Or, comme l’âge est venu et qu’ici il ne peut y avoir d’autre, je me dis qu’il n’y a plus alors que le plaisir de se vanter, pour le seul plaisir de se vanter !

637. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Cette exposition est faite au profit de la caisse de secours de la société des artistes, c’est-à-dire en faveur d’une certaine classe de pauvres, les plus nobles et les plus méritants, puisqu’ils travaillent au plaisir le plus noble de la société. […] Nous avons revu avec plaisir les trois petits tableaux de M. 

638. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Les lieux de plaisir de l’Angleterre partagent cet aspect hideux et sont faits pour inspirer tout autre chose que le plaisir. […] Oui ou non, le théâtre est-il un plaisir ? […] Avez-vous soif, vous pouvez boire à 254 votre plaisir. […] Il y a un vrai plaisir à rendre cette justice au pauvre Laurence ; on a tant de raisons d’être sévère pour lui ! […] Malheureusement tous les plaisirs de Crazy-Castle n’étaient pas aussi innocents.

639. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Trouvent-ils, à s’éloigner d’elle, leur poétique plaisir ? […] Tout le plaisir de la plus fine intelligence en fut gâté. […] Quels plaisirs ? […] Il n’est pas révolutionnaire, mais réactionnaire à plaisir. […] Plaisir naturel de la démolition.

640. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Il prenait plaisir à porter dans ses écrits la mollesse de ses mœurs. […] Plutarque nous apprend qu’Héraclide avait composé, sous le nom du fabuleux Abaris, un livre dans lequel les opinions des philosophes sur la nature de l’âme se trouvaient mêlées à des contes faits à plaisir. […] Ce plaisir du peuple était aussi un luxe de cour. […] En Angleterre, où la richesse du peuple lui donne le moyen d’acheter ces plaisirs du théâtre, que la Grèce offrait à ses citoyens libres, ce sont les hommes du peuple qui forment le parterre de Covent-Garden et de Drury-Lane. […] Malgré cette caustique amertume dont il donna tant d’autres marques, Pope était singulièrement touché du plaisir de la vie champêtre.

641. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

L’intervention d’une femme lettrée, cosmopolite, ravissante de figure et d’esprit, me valut le plaisir de le connaître. […] Si on lui offrait une liquide soupe allemande, il acceptait cette soupe avec le même plaisir, et entassait le gruau sur son assiette. […] Elle s’acquittait de cette tâche avec plaisir, et n’en connaissait pas d’autres. […] — J’en prendrai une tasse avec plaisir, répondit Boris. […] Boris, en le rencontrant dans la maison d’Étienne, avait d’abord pris plaisir à le voir.

642. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Dans tout ce qui suit, nous ne craindrons pas de nous étendre à plaisir sur les relations avoisinantes de Fauriel, et d’y introduire le lecteur à son sujet. […] J’avais dit à mon père votre projet, et il se faisait plaisir de vous recevoir. […] La vieille critique ayant comme à plaisir encombré la scène de toutes sortes d’appareils et de barrières qui étaient autant de ressorts pour la médiocrité et de piéges pour le talent, il avait falludéblayer le terrain au préalable, avant de s’y lancer de nouveau. […] Voici le petit billet d’envoi : « Vous avez promis de vous occuper de l’affaire de M. de Narbonne, monsieur, car vous êtes inépuisable en bouté. — Je vous envoie mon livre. — Venez me voir un moment ce soir, vous me ferez un sensible plaisir. […] Quel plaisir j’aurai à causer cet automne avec vous ! 

643. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Et, ― au fond de son ennui, il songe au plaisir simple d’être d’accord, de rire avec naïveté, de sourire d’un air discret, de s’émouvoir aux longues commotions. Mais aussi une fierté peut lui venir de son renoncement et de son isolement, soit qu’il ait adopté la pose du stylite, soit qu’il ait fermé sur ses plaisirs la porte d’un palais. […] C’est peut-être la morale sociale qui a créé le crime et la morale sexuelle qui a créé le plaisir. […] Laissons à ceux que nous sollicitons le plaisir d’une collaboration ingénue. […] C’est tout plaisir.

644. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Souvent il nous arrive de chercher dans la satire didactique un plaisir purement littéraire ; mais ce plaisir est de telle nature, que nous pouvons, à notre gré, le quitter, le reprendre, sans éprouver aucun regret. […] Pour le lecteur, il n’y a aucune incertitude sur l’issue du complot ; mais l’auteur paraît prendre plaisir à éloigner indéfiniment ce qui est prévu. […] Sue, qu’il s’est donné le plaisir de rédiger une notice sur la plupart de ses personnages. […] Guizot, en réduisant sa tâche aux proportions du plaisir phraséologique, en se proposant comme terme suprême l’harmonie et le nombre des périodes, n’a montré qu’inexpérience et gaucherie. […] Et qu’on ne dise pas que j’exagère à plaisir, que j’accumule sur la tête d’un seul homme toutes les folies qui se peuvent inventer.

645. (1910) Rousseau contre Molière

Tant mieux, c’est ce que je demande, et je serais fâché d’être sage aux yeux des hommes. » Il lui fait dire : « J’aurai le plaisir de perdre mon procès ; je voudrais, m’en coûtât-il grand’chose, pour la beauté du fait, avoir perdu ma cause. » C’est-à-dire je voudrais avoir le plaisir de mépriser mes juges. […] On ne les suit plus qu’avec le seul plaisir esthétique que peuvent donner les produits d’une imagination débridée. […] La femme doit être un objet de plaisir pour son mari ; elle doit être un « harem » pour son mari ; mais il ne s’agit pas et il ne faut point qu’elle soit un objet de plaisir et un harem pour d’autres que pour son mari, comme l’est une grande musicienne, une brillante chanteuse, une danseuse raffinée. […] Mieux elles verront ces bruyants plaisirs, plus tôt elles en seront dégoûtées. […] Quoi de plus naturel à l’homme que de vouloir s’élever au-dessus de ses semblables, si ce n’est de vouloir jouir des plaisirs de la vie ? 

646. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Elle se donnait à ses amis pour leur faire plaisir et pour se les attacher, et elle n’était pas regardante sur leur condition sociale. […] Et le plaisir d’étonner est bien évident : mais, très réellement aussi, cette occupation, qui d’ailleurs ne l’assujettit point, est conforme à son goût. […] Pour Diderot, la nature c’est l’athéisme, c’est le contraire des institutions et des lois, et c’est, finalement, le plaisir. […] Le théâtre est un plaisir qu’on prend en public et en commun. […] Avec tout cela, la Lettre sur les spectacles se lit encore avec plaisir.

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