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910. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

L’homme d’esprit en lui, le philosophe avait parfois quelque remords de son bonheur qui lui ôtait de la curiosité : « Ma vie est heureuse, écrivait-il pour lui seul (26 février 1825), heureuse, mais uniforme ; je n’ai presque aucun désir qui me soit personnel ; j’ai aussi peu de craintes, sauf celles qui se rapportent aux destinées du genre humain. Ce qui remplit désormais ma vie, c’est mon affection pour ma femme ; elle me tient lieu de tous les autres liens ; elle ne me laisse désirer ni regretter aucune autre société… Je ne fais plus d’efforts pour plaire aux autres… C’est ainsi que le bonheur lui-même nuit peut-être à notre perfectionnement. » Il avait raison ; pas trop de bonheur, pas tant de plénitude conjugale et domestique, pas de béatitude, qui que vous soyez, artiste ou philosophe, si vous voulez avoir encore de l’aiguillon. […] Le philosophe donne la main au chrétien, sans s’abdiquer ni s’abjurer soi-même.

911. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

On y voit une haute indifférence politique, un bien ferme coup d’œil sur des ruines fumantes, une appréciation chaleureuse, mais souvent équitable, des philosophes ou des personnages révolutionnaires ; il m’arrive à chaque page, en lisant l’Essai, d’être de l’avis du jeune homme contre l’auteur des notes, que je trouve trop sévère et trop prompt à se condamner. […] Parmi ces figures de gens de lettres si vivement  éclairées en quelques mots, on voit Parny, « poëte et créole, à qui il ne fallait que le ciel de l’Inde, une fontaine, un palmier, une femme, et dont la paresse n’était interrompue que par ses plaisirs qui se changeaient en gloire. » On y voit Delille de Sales, le philosophe de la nature, « qui (comme d’autres philosophes de nos jours) faisait en Allemagne ses remontes d’idées. » On y trouve La Harpe, arrivant chez une sœur de M. de Chateaubriand, avec trois gros volumes de ses œuvres sous ses petits bras.

912. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

« Mépriser l’argent, s’écrie-t-il, c’est détrôner un roi ; il y a du ragoût. » On sent le raffinement de l’orgueil dans ce ton de philosophe. […] On revit, on rajeunit, et tout aïeul, penché sur le berceau de ses petits-enfants, conçoit mieux qu’un philosophe et qu’un grand moraliste la chaîne doucement renouée des générations et cet éternel recommencement du monde. […] » Dans une publication d’alors, à laquelle il prit part (les Tableaux historiques de la Révolution), remarquant que peu d’hommes, parmi ceux qui avaient commencé, avaient été en état de suivre jusqu’au bout le mouvement, il ajoute : « C’est un plaisir qui n’est pas indigne d’un philosophe, d’observer à quelle période de la Révolution chacun d’eux l’a délaissée ou a pris parti contre elle. » Et il note le moment où s’arrêta La Fayette, celui où s’arrêta Barnave : « Que dire, s’écrie-t-il, en voyant La Fayette, après la nuit du 6 octobre, se vouer à Marie-Antoinette, et cette même Marie-Antoinette, arrêtée à Varennes avec son époux, ramenée dans la capitale, et faisant aux Tuileries la partie de whist du jeune Barnave ? 

913. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Cet auteur a réuni dans ces excellens discours les qualités de philosophe, de dissertateur & d’historien. […] La premiere, est une exposition très-savante, quoique assez sommaire, de la Religion primitive, des systêmes religieux, que les philosophes ont formés, de ses débris chez les Chaldéens, les Persans, les Egyptiens, les Indiens, les Grecs, & de la religion, des Juifs. […] L’un est un Philosophe, l’autre ne peut être regardé que comme un Rhéteur.

914. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Apulée, qui se disoit Philosophe, a prouvé par son Ane d’or, qu’il méritoit le titre de Philosophe cynique. […] Platon, qui étoit un grand Philosophe, n’a pas dédaigné d’écrire de petits vers amoureux.

915. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Les philosophes, plus malins que notre rhéteur, ont très bien senti cela. […] que ce fut un homme sensible, courageux, probe, juste et pénétrant, en un mot, un vrai philosophe. […] Cette dernière espèce, la plus parfaite au jugement des philosophes de l’antiquité, ressemblait à celle que perfectionna le docte Molière. […] Entre lui et son juge ne me fierai-je pas sur cette matière à la justesse du comédien philosophe préférablement à la sienne ? […] Il n’en est pas un qui ressemble à l’autre pour le philosophe qui les sait contempler.

916. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Et du moment qu’elle s’était faite « philosophe » elle devait fatalement trouver plus philosophe qu’elle. […] Il les a rendus inhabitables pour le philosophe. Mais qu’est-ce que c’est, le philosophe. […] Elle ne vaut pas pour le philosophe. […] Ni philosophe et métaphysicien.

917. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

La multiplicité de Bossuet, historien, orateur, théologien, controversiste, prédicateur, philosophe, éclate dans le Discours sur l’histoire universelle. […] Dès les premières pages, tout lecteur s’aperçoit que, pour être en pleine métaphysique, il n’est pas hors de chez lui, et il est ravi de se trouver plus philosophe qu’il ne croyait. […] Cette philosophie qui fait de tout esprit sain et de bonne volonté un philosophe, Bossuet la définit admirablement dans ce passage de sa lettre au pape Innocent XI sur l’éducation du dauphin : « Ici, dit-il, pour devenir parfait philosophe, l’homme n’a pas besoin d’étudier autre chose que lui-même ; et sans feuilleter tant de livres, sans faire laborieusement des recueils de ce qu’ont dit les philosophes, ni aller chercher bien loin des expériences, en remarquant seulement ce qui se trouve en lui, il reconnaît par là l’auteur de son être. » Et il est fort heureux qu’il en soit ainsi. […] Il n’y a, en effet, pour être philosophe, qu’à prendre garde à ce que nous pensons et voulons, et à la manière dont nous le pensons et le voulons. […] Aussi ne les regarde-t-il que comme des dogmes qui peuvent tenter le poète par leur beauté, mais qui éloignent le philosophe réformateur par les périls qu’ils font courir à l’indépendance humaine, et par les abus qu’ils ont servi à autoriser.

918. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Nous sommes loin aujourd’hui de cet ordre d’idées, si l’on en juge par les théories sur l’art qui sont le plus en faveur auprès des savants, souvent même des philosophes. […] Mais les poètes sont moins systématiques que les philosophes. […] La qualité maîtresse qui distingue le grand poète se trouve donc être au fond la qualité essentielle du philosophe. […] Le problème qu’on pose ainsi n’intéresse pas moins le philosophe que l’écrivain. […] Dans une spirituelle étude intitulée un Poète philosophe : Sully-Prudhomme, M. 

919. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — Post-scriptum » pp. 154-156

Or je maintiens que le marquis d’Argenson, philosophe et citoyen, philanthrope en son temps, s’occupant des intérêts du genre humain, et qui écrivait tous les matins ses idées pour qu’elles ne fussent point perdues, appartient à quiconque sait le lire, le comprendre et le peindre ; et si un éditeur de sa famille vient après un siècle nous l’arranger, nous l’affaiblir, lui ôter son originalité et l’éteindre, je lui dirai hardiment : « Laissez-nous notre d’Argenson. »

920. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laprade, Victor de (1812-1883) »

Partout nous trouverons le même sentiment, parlant en rythmes graves et amples, d’un ton pénétré, qui sait être solennel sans emphase, parce qu’il s’inspire du plus profond de la conviction humaine, à ce point où le cœur touche à la raison, où la foi du chrétien se confond avec la dialectique du philosophe.

921. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 512-518

Les Lettres ne rougiront-elles pas un jour d’avoir vu subsister, parmi elles, une Inquisition plus redoutable & plus odieuse que celle que la Philosophie reproche si amérement à certains pays qu’elle appelle Barbares ; une Inquisition que les Philosophes eux-mêmes exercent envers les Littérateurs qui ont assez de bon sens pour ne pas adopter leurs opinions, assez de droiture & de vigueur pour les réfuter ?

922. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 331-337

« Ce fut sans contredit le plus grand Philosophe de son siecle.

923. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

Gavarni, en effet, fut toujours très écrivassier de ses impressions, de ses sensations, de ses aventures psychologiques, et, sauf les dernières années de sa vieillesse, où le philosophe ne formule plus sur ses journaux que des pensées, — toute sa vie, il l’a écrite.

924. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 17, s’il est à propos de mettre de l’amour dans les tragedies » pp. 124-131

Il n’est pas besoin d’être philosophe pour supporter un pareil malheur avec constance.

925. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 26, que les jugemens du public l’emportent à la fin sur les jugemens des gens du métier » pp. 375-381

Ils ne jugent pas en hommes doüez de ce sixiéme sens dont nous avons parlé, mais en philosophes spéculatifs.

926. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Remarque finale. Le Temps de la Relativité restreinte et l’Espace de la Relativité généralisée »

Une étude approfondie de ce point serait singulièrement instructive pour le philosophe.

927. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Aucun philosophe ne croit aujourd’hui à l’existence de pensées pures et pourtant particulières, distinctes des images qui leur sont associées, et seulement exprimées par ces images qui ne les constituent à aucun degré. […] — Pour le philosophe, en effet, les pensées sont le signe de la pensée. […] Et le philosophe ne peut pas se refuser à admettre avec le sens commun l’existence de pensées successives et distinctes ; il doit reconnaître que la pensée discursive n’est un signe que pour l’esprit du philosophe, et encore quand l’esprit du philosophe s’attache à certains problèmes philosophiques, ce qui n’est pas son occupation constante. […] Pensare, par exemple, en latin, signifie directement peser ; ce nom d’un phénomène sensible a été étendu à son analogue empirique, mais non sensible, l’acte de penser ; puis, par une nouvelle extension, due aux philosophes, le mot penser a souvent été employé pour désigner une idée métaphysique, analogue à l’idée empirique fournie par la conscience. […] Eyma) [Référence exacte de la traduction de l’essai du philosophe américain Ralph Waldo Emerson (1803-1882), Nature (1836), à laquelle renvoie Egger : Les Lois de la vie, traduit par Xavier Eyma, Bruxelles/Paris, Lacrois, s. d.

928. (1864) Le roman contemporain

On lui ferme toutes les avenues, et les philosophes éperdus ne savent plus où se cacher. […] Vos amis les philosophes, chassés, persécutés, exilés, exclus de tout ! […] Il vous a plu, dans votre roman, de doter vos deux philosophes de vertus chimériques. […] Vous connaissez les philosophes de notre temps, vous les avez pratiqués ; nous aussi, nous les connaissons. […] Le philosophe, avant de laisser la parole au poète, aurait bien dû nous indiquer le moyen d’atteindre ce triple but.

929. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Des philosophes se sont imaginé que nous pouvions créer des motifs. […] Les Jésuites ne croyaient guère à la responsabilité du pécheur ; pas plus que le philosophe d’aujourd’hui ne croit à la responsabilité du criminel. Mais le théologien pouvait excuser le pécheur et l’absoudre, ce que le philosophe ne peut conseiller à la loi envers le criminel. […] Les Jésuites, sans s’en douter, travaillèrent contre la morale chrétienne dans le même sens que les poètes, les conteurs, les philosophes et les savants. […] Ribot, avec quelques autres philosophes, en concluant à un automatisme relatif, dénie à la conscience un rôle important.

930. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Donc, elle se déguise en garçon et s’introduit ainsi chez le philosophe et sa sœur, qui n’admettent point de femme dans leur ermitage. […] Il était tout sentiment, et le moins philosophe des hommes. […] Mais je suis sûr qu’un vrai philosophe, le docteur Charcot, par exemple (qui ne donne pas de séance en ville), me la pardonnerait. […] Le plus grand effort des philosophes n’a rien inventé de mieux pour nous relever et nous consoler. […] Renan, je suppose, ne les trouverait pas plus philosophes l’un que l’autre.

931. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

  Les antiques Pyrrhoniens et les philosophes de la Moyenne Académie s’imaginaient que la Sagesse était assez proche du sommeil. […] Les philosophes idéalistes et en particulier Emmanuel Kant avaient mis en suspicion l’existence objective du Monde extérieur. « La seule réalité, c’est la pensée » avait dit le génial maniaque de Kœnisberg. […] Puisque, selon de si grands philosophes, le Temps et l’Espace n’avaient pas d’existence réelle, pourquoi se plier au joug d’une époque ou d’un milieu. […] * *   * Après tant de philosophes mélancoliques, dont les conclusions nous excédèrent, nous nous sommes passionnés pour la mansuétude de ce poète. […] Leurs enseignements suppléèrent aux fictions gracieuses des poètes, aux syllogismes des philosophes ; à parcourir fréquemment les Évangiles, il rapporta d’opulentes moissons de science et de roses.

932. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Cela seul peut expliquer qu’on n’ait point encore tiré de son œuvre une métaphysique, une éthique, une politique, et même une psychologie qui l’eussent divinisé ; car la foule respecte héréditairement les prêtres, les cartomanciennes et les philosophes. […] En fait, ce qui caractérise le plus le génie de ce philosophe, c’est l’impossibilité de l’étiqueter. […] Paulhan, les philosophes sont généralement dépourvus. […] C’est dans ces paraboles que le Philosophe réalisera la perfection de son style et cette forme de poésie abstraite et matérielle ; cet entrelacement d’évocations idéalement réelles et palpablement intuitives qui donnent, mesure de son talent d’écrivain. […] Georges Palante (1862-1925), philosophe français.

933. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Caton était le chef de cette école à Rome ; les ennemis et les assassins de César n’étaient que des philosophes qui avaient changé le livre contre le poignard ; Horace brûlait alors de républicanisme par amour pour l’idéal antique des honnêtes gens. […] Cicéron fut jugé digne de la mort ; il la reçut en héros et en philosophe, certain de la vengeance du ciel et de la terre. […] Ce mot indigné de Brutus contre la partialité de la Providence en faveur des méchants prouve que Brutus n’était pas encore assez philosophe. […] La jeunesse d’Horace devint maturité en vieillissant : il vécut voluptueux et mourut philosophe ; La Fontaine mourut aussi enfant qu’il avait vécu.

934. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

On peut imaginer qu’en quelqu’un de ces jours anciens, parmi les fêtes qui remplissaient la cité de splendeurs, quelque divin philosophe isolé dans la multitude sur les gradins de marbre d’un Panathénée, ayant été subitement étonné par la magnificence de quelque maxime qu’énonçait le protagoniste, une fois ferma les yeux aux merveilles des décorations et des chorégraphies ; et, comme l’on dit, il ferma les yeux pour mieux entendre ; en effet, aveugle aux tableaux du théâtre, il s’aperçut qu’il entendait mieux, qu’il comprenait mieux, qu’il se faisait plus fortes, plus profondes, plus belles, les sentences qui arrivaient à son oreille ; et supposons qu’à ce moment, par quelque bizarre incident, les musiques accompagnatrices des paroles et des mimiques se soient tues, alors le philosophe, n’ayant plus en son esprit que la sensation des paroles récitées et donnant à ces paroles toute l’attention de son esprit auparavant divisée aux visions et aux harmonies, médita qu’il jouissait, plus intensément de ces littératures que seules il percevait ; ainsi pouvait-il conclure que l’œuvre d’art serait plus puissante à l’émouvoir qui, au lieu d’occuper tous les moyens de perception, en occuperait un seul et, de ce fait, avec une triple intensité. […] En philosophe ? […] Voilà les philosophes, hommes, prétentieux d’expliquer l’homme ; comme si tout le possible travail des métaphysiques n’avait pas été tenté pendant l’antiquité païenne.

935. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Pour moi, comme je suis sans ambition et ose dire qui la méprise, je compte les jours et philosophe au milieu du bruit, plus désireux de la retraite que d’aucun accroissement de charges et d’honneurs, etc. Tel était Jeannin avant son grand succès diplomatique et vers 1605, — un conseiller d’État ayant en lui du philosophe selon Charron.

936. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

… Plaignons les faiblesses de l’humanité, et respectons les moindres de ses espérances ; n’en arrachons aucune à l’âme crédule et timide : elle mérite plus que toute autre l’indulgence du philosophe et les tendres soins des âmes fortes. […] Ainsi, parlait le naturaliste philosophe un an avant que parût le Génie du christianisme.

937. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Il est frappé avant tout de ce qui est singulier, et l’un des souvenirs les plus mémorables qu’il ait gardés du collège est celui du professeur de philosophie Crassot, à la chevelure et à la barbe incultes, vêtu comme un cynique : « Il avait, ajoute Marolles, une chose bien particulière et que je n’ai vue qu’en lui seul, qui était de plier et de redresser ses oreilles quand il voulait, sans y toucher. » De tout temps Marolles aimera à niaiser, à enregistrer tout ce qui s’offre, tout ce qui passe à sa portée, raretés ou balivernes, le philosophe Crassot ou la chanteuse des rues Margot la musette, — le baptême des six Topinamboux, ou une réception des chevaliers du Saint-Esprit. […] Il avait des commencements d’abbé philosophe.

938. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

C’est une étrange nation, qui fait depuis deux cents ans, par un instinct aveugle, tout ce que la plus profonde sagesse dicterait aux plus profonds philosophes, c’est-à-dire d’être fidèle à son gouvernement, quel qu’il soit, et de répandre tout son sang pour lui, sans jamais lui demander compte de ses pouvoirs… Il peut haïr, il peut maudire, exécrer son grand adversaire, mais ce n’est pas lui qu’on pourra jamais soupçonner de le mépriser. […] c’est un grand problème. » Il reconnaît donc le grand fait, bien que sans l’accepter : « Le monde que nous avons connu il y a trente ou quarante ans n’existe plus. » Philosophe politique, pourquoi se cabrer ainsi, pourquoi se roidir de toute la hauteur de son intelligence ?

939. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Montaigne homme et philosophe, est d’ailleurs très bien vu, très bien démêlé dans ses contradictions tant naïves et involontaires qu’intentionnelles et réfléchies. On y voit se développer ce caractère ondoyant et complexe « avec toute la progression de ses sentiments, depuis les premiers mouvements d’une bonté naturelle jusqu’aux tristes jouissances d’un égoïsme raisonné. » Le sceptique y est combattu par de bonnes raisons, et les seules dignes d’un philosophe moderne.

940. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Il dit qu’une philosophe de quinze ans ne pouvait se connaître soi-même, et que j’étais entourée de tant d’écueils, qu’il y avait tout à craindre que je n’échouasse à moins que mon àme ne fût d’une trempe tout à fait supérieure ; qu’il fallait la nourrir avec les meilleures lectures possibles : et à cet effet il me recommanda les Vies illustres de Plutarque, la Vie de Cicéron, et les Causes de la grandeur et de la décadence de la République romaine, par Montesquieu. Tout de suite je me fis chercher ces livres, qu’on eut de la peine à trouver à Pétersbourg alors ; et je lui dis que j’allais lui tracer mon portrait, afin qu’il put voir si je me connaissais ou non. » Elle écrivit, en effet, ce portrait sous ce titre : Portrait du philosophe de quinze ans ; l’ayant retrouvé bien des années après, elle ne put s’empêcher de s’étonner de la profondeur de connaissance d’elle-même qu’elle possédait alors.

941. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Créateur pur, il est infiniment supérieur au Dieu des philosophes, premier moteur et simple ordonnateur du monde, et qui avait trouvé une matière toute faite : le Dieu de nos pères et celui de Bossuet a tout fait, la matière et la forme, l’ordre et le fond : il ne lui en a coûté qu’un mot. […] que ce n’est pas là un de ces Dieux abstraits et froids, de ces Dieux lointains comme les philosophes plus ou moins cartésiens en imaginent !

942. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Étienne, dans son discours de réception à l’Académie, déclare qu’il admire Molière bien plus comme philosophe que comme poëte. […] Le procédé en est d’ordinaire analytique et abstrait ; chaque personnage principal, au lieu de répandre sa passion au dehors en ne faisant qu’un avec elle, regarde le plus souvent cette passion au dedans de lui-même, et la raconte par ses paroles telle qu’il la voit au sein de ce monde intérieur, au sein de ce moi, comme disent les philosophes : de là une manière générale d’exposition et de récit qui suppose toujours dans chaque héros ou chaque héroïne un certain loisir pour s’examiner préalablement ; de là encore tout un ordre d’images délicates, et un tendre coloris de demi-jour, emprunté à une savante métaphysique du cœur ; mais peu ou point de réalité, et aucun de ces détails qui nous ramènent à l’aspect humain de cette vie.

943. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Le regard du philosophe n’est pas celui que nous jetons d’abord sur les choses. […] Si le poëte reçoit du philosophe des idées générales et abstraites, c’est pour les transformer en êtres complexes et particuliers ; s’il conçoit la force qui produit une plante, c’est pour dresser dans l’air sa tige frêle et souple, étendre à l’entour des feuilles vertes et brillantes, épanouir au sommet la fleur parfumée, et répandre en son oeuvre le calme et l’harmonie qui ressemblent au bonheur.

944. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Ducis était de cette race de philosophes, d’amis de la retraite et de la Muse, qui n’entendent rien à la politique ni à la pratique des affaires, et qui ont droit de résumer toute leur charte en ces mots : « Quand un homme libre pourrait démêler dans les querelles des rois (rois ou chefs politiques de tout genre) le parti le plus juste, croyez-vous que ce serait à le suivre que consiste la plus grande gloire ?  […] Au moment où je vous écris, disait-il à Bernardin de Saint-Pierre, à qui la plupart de ces jolies lettres de la fin sont adressées, je suis seul dans ma chambre : la pluie tombe, les vents sifflent, le ciel est sombre, mais je suis calme dans mon gîte comme un ours qui philosophe dans le creux de sa montagne.

945. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Je tiens pourtant à montrer le philosophe et le politique américain dans ses conditions antérieures, avec son existence déjà si remplie avant son arrivée et sa faveur en France, avant qu’il embrasse Voltaire. […] L’Amérique nous a envoyé beaucoup de bonnes choses, or, argent, sucre, tabac, indigo, etc. ; mais vous êtes le premier philosophe et véritablement le premier grand homme de lettres dont nous lui soyons redevables.

946. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Au moment où il conçut l’idée de son ouvrage, l’abbé Barthélemy avait lu ses anciens auteurs ; il les relut alors plume en main, « marquant sur des cartes tous les traits qui pouvaient éclaircir la nature des gouvernements, les mœurs et les lois des peuples, les opinions des philosophes ». […] Barthélemy n’a point de ces vues d’ensemble comme politique et comme philosophe ; il n’en a point davantage comme peintre.

947. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

* * * La Science qui tue la poésie de rêverie (celle-là seule, car celle qui se lève l’appelle au contraire et prend en elle son principe rationnel), la Science et son positivisme n’avaient étreint les fronts encore pour le doute fécond, et tout naturellement la Poésie s’accommodait-elle des songeries des philosophes prioristes ne gênant ses religiosités, ou le plus souvent les ignorait-elle même : et le bonheur de vivre, troublé de seules mélancolies d’amour, s’épanchait aux mots sonores, et la douceur des légendes des cultes était en tout poème, en tout cantique d’amour. […] Et ils sont cela, ces poètes d’imagination qui sonne creux, ces philosophes prisonniers de l’atavisme et posant en principe leur caprice, ces scientifiques puérils et contents : quand la lumière aveuglante a surgi des nues mauvaises déchirées par les génies Lamarck et Darwin !

948. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

L’erreur des philosophes vient de l’analogie qu’ils ont cru pouvoir établir entre l’homme et les animaux ; ils ont pensé que l’homme était un animal plus parfait. […] Aussi les philosophes qui ont admis ce qu’il leur a plu d’appeler l’état de nature ont-ils été obligés, pour être conséquents, de nier que nous dussions obéissance et respect à nos parents.

949. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Quand je fis Lelia, dit-elle encore, on m’avait accusée d’être philosophe, je voulu voir ce que c’était que la philosophie, (Curieuse !) Et toujours naïve, elle crut qu’il n’y avait qu’à s’y mettre, pour être philosophe !

950. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XVI » pp. 64-69

Le vieux résidu d’abonnés philosophes s’est pourtant révolté, et l’on a une fois fait taire l’orateur.

951. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PAUL HUET, Diorama Montesquieu. » pp. 243-248

Huet, et en fait des ouvrages tout à fait originaux auprès de tant d’autres paysages maniérés, superficiels et factices ; de lui aussi on peut dire en ce sens ce que nous disions, il y a quelques jours, d’un autre jeune artiste philosophe, de M.

952. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. de Ségur : Mémoires, souvenirs et anecdotes. Tome III. »

Il convenait à Potemkin d’épargner à l’impératrice philosophe l’affront sensible d’avoir honte de ses sujets devant les ambassadeurs d’Europe.

953. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponsard, François (1814-1867) »

On rencontre également dans Timon d’Athènes un certain philosophe chagrin, du nom d’Apémantus, qui s’en va en disant à chacun son fait et exhalant à chaque pas sa sagesse bourrue.

954. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 196-203

Au reste, il est essentiel d'avertir que les Philosophes se sont empressés assez légérement de réclamer Saint-Evremont comme un Membre de leur Secte, & qu'ils se sont servis de son nom pour publier, soixante ans après sa mort, un Libelle infame contre le Christianisme, intitulé Analyse de la Religion ; Libelle aussi atroce, que peu conforme à sa maniere d'écrire.

955. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — II »

On pourrait objecter, semble-t-il, à cette préoccupation du philosophe que, par le fait de la multiplicité des êtres, de la diversité des désirs et des goûts, les purs spectaculaires sont assurés de n’être jamais sevrés de leur spectacle.

956. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 5, que Platon ne bannit les poëtes de sa republique, qu’à cause de l’impression trop grande que leurs imitations peuvent faire » pp. 43-50

C’est un dérangement de l’ordre que ce philosophe voudroit établir dans les actions de l’homme qui, selon lui, doivent être reglées par son intelligence, et non pas gouvernées par les appetits de l’ame sensitive.

957. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Nicole, Bourdaloue, Fénelon »

L’expression du christianisme de sainte Thérèse, par exemple, n’est pas la sienne, et voilà pourquoi il plaît tant aux gens du monde et aux philosophes.

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