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959. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

Quelque bonne que fût la cause, de semblables défenseurs pensèrent la ruiner. […] « J’aime mieux, leur répondit-il, être le premier des poëtes Toscans, que de me voir dans un rang inférieur entre les poëtes Latins. » C’est ce que pensa de bonne heure notre célèbre Racine, qui, dit-on, eût pu effacer, s’il avoit voulu, les Rapin & les Commire ; & c’est aussi ce qu’auroit dû se dire le fameux cardinal de Polignac.

960. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

Ainsi pensent ceux, pour qui l’âme n’est que la résultante des actions cérébrales ; mais on oublie qu’une lyre ne tire pas d’elle-même et par sa propre vertu les accents qui nous enchantent, — et que tout instrument suppose un musicien. […] Ainsi deux âmes qui auraient intrinsèquement et en puissance la même aptitude à penser seront cependant diversifiées par la différence des cerveaux.

961. (1767) Salon de 1767 « De la manière » pp. 336-339

Au moment où je vous parle, je suis à côté de son lit ; je le vois, j’entends sa plainte, je touche ses genoux froids ; je pense qu’un jour… ah ! […] La petite portion du peuple qui médite, qui réfléchit, qui pense, qui prend pour unique mesure de son estime le vrai, le bon, l’utile, pour trancher le mot, les philosophes dédaignent les fictions, la poésie, l’harmonie, l’antiquité.

962. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 30, objection tirée des bons ouvrages que le public a paru désapprouver, comme des mauvais qu’il a loüez, et réponse à cette objection » pp. 409-421

Il ne sçavoit s’il avoit eu tort de croire que Jodelet maitre et valet, et Dom Japhet D’Armenie , fussent dans le bon goût, ou s’il avoit tort de penser que c’étoit le Misantrope qui étoit dans le bon goût. […] J’ai allegué déja les opera de Quinault, et je pense en avoir dit assez pour faire convenir du moins intérieurement ceux de nos poëtes dramatiques dont les pieces n’ont pas réussi, que le public ne proscrit que les mauvais ouvrages.

963. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « III »

Nous en arriverons à ne plus les compter, comme par exemple, lorsqu’on nous reproche de penser que Pascal et de Retz n’ont pas de goût ! […] Zola pensa balayer Chateaubriand.

964. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

De là devrait résulter cette conséquence que notre intelligence, au sens étroit du mot, est destinée à assurer l’insertion parfaite de notre corps dans son milieu, à se représenter les rapports des choses extérieures entre elles, enfin à penser la matière. […] Et, le plus souvent, quand l’expérience a fini par nous montrer comment la vie s’y prend pour obtenir un certain résultat, nous trouvons que sa manière d’opérer est précisément celle à laquelle nous n’aurions jamais pensé.

965. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Ici ce n’est pas un enlèvement, comme bien l’on pense, ce n’est qu’une atteinte, ce n’est qu’une page ! […] Qu’on veuille penser à tout ce qu’il y avait de réfléchi et de profond d’éclairé au sens chrétien, dans cette piété qui sentait le besoin d’expier et de payer pour les autres, — pour son époux, le prince de Conti, fauteur de guerres civiles et artisan de désastres dans tant de villages et de chaumières, — pour son oncle le cardinal, acquéreur avide et si peu scrupuleux de richesses innombrables. […] — Soyez certain, dit-il encore à propos de quelques manèges qu’il voit se pratiquer autour de lui, que cela ne me fera pas prendre un moment d’humeur ; mais je vous avoue que je voudrais que mon caractère pût se prêter à un peu de hauteur, qui, quand elle sera jointe avec de la sagesse et de la raison, fera toujours, je crois, un bon effet ici ; je sens que cette qualité me manque, mais je ne chercherai pourtant pas à affecter de l’avoir, parce que, ne l’ayant pas intérieurement, il serait impossible que je l’affectasse si bien que le naturel ne me trahît souvent ; et je pense, pour cette raison, qu’il ne faut jamais se proposer un système de conduite qui ne s’accorde pas avec le caractère qu’on a ; car, celui-ci venant à démentir le système comme il arrive toujours en ce cas, la conduite d’un homme ne paraît plus qu’une bigarrure tissu d’inégalités, ce qui est, je crois, fort préjudiciable à la réputation, et par conséquent aux affaires. […] Elle est la décente amie de M. de Nivernais ; car en ce pays aucune intimité n’est permise que sous le voile de l’amitié. » Le duc a son mérite ; comme écrivain, il est « au sommet du médiocre », et Horace Walpole cite à ce propos le mot de Mme Geoffrin, qu’il corrige légèrement, puis il ajoute : Il serait disposé à penser avec liberté, s’il n’avait l’ambition de devenir gouverneur du dauphin (Louis XVI), et de plus il craint sa femme et sa fille qui sont des fagots d’Église. […] Je ne sais pas ce que penseront vos clients, mais, pour moi, si j’avais actuellement une affaire à moi entre vos mains, j’aimerais mieux perdre mon procès que de vous y voir travailler. — Ménagez-vous, mon voisin, je vous en conjure, et ne me répondez pas, mais aimez-moi et croyez-moi, etc.

966. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

N’y pensez pas : ce qu’il faut à la France et à la civilisation dans nos rapports avec l’Angleterre, c’est la paix, la paix difficile, la paix agitée, mais la paix méritoire, la paix utile au monde, mais la paix l’œil ouvert et la main armée. […] Voilà son destin, voilà sa nature, voilà sa pensée, même quand elle ne pense pas : la force des choses pense sans elle. […] Un illuminé peut la rêver, un patriote ne peut la penser sans crime. […] Que la France y pense. […] Cela est naturel : c’est par en haut que les peuples pensent, c’est par le cœur que les peuples sentent ; la pensée et le sentiment ne sont pas dans les membres.

967. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Un philosophe anglais a remarqué avec une admirable justesse que « si la nature douait un être d’une faculté de sentir et de penser trop supérieure à la faculté de sentir et de penser du commun des hommes, cet être en apparence privilégié ne pourrait pas vivre dans le milieu humain, ou vivrait le plus infortuné de tous les êtres. […] Beaucoup imaginer, c’est beaucoup prétendre ; beaucoup penser, c’est beaucoup souffrir ; être grand, c’est être disproportionné dans un monde de médiocrités ou de petitesses ; être disproportionné, c’est être déplacé ; être déplacé, c’est créer autour de soi des inimitiés, c’est éprouver soi-même une inimitié involontaire et générale contre tous ceux qui ne vous cèdent pas la place aussi vaste que la demandent vos facultés supérieures. […] Je pense que ces désordres de son esprit viennent de quelques humeurs mélancoliques qui pèsent sur le cœur et sur le cerveau. […] Car je suis fou, mais pas cependant si fou qu’on le pense. » Les chaleurs de l’été de 1577 accrurent tellement ses dispositions maladives, qu’il tomba dans cette terreur stupéfiante dont J. […] J’ai pensé enfin qu’il serait bon de montrer ainsi au duc que, si j’avais péché autrefois par trop d’ombrages et de défiance, je me livrais maintenant à lui avec un abandon sans réserve. » Comment concilier cet aveu avec les aspirations éthérées et désintéressées d’une passion aussi exclusive et aussi immatérielle qu’un noble amour ?

968. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Si cette pièce singulière, que ses enthousiastes veulent faire envisager comme une nouvelle lumière apportée aux hommes qui se piquent de penser, est écrite en quelques endroits d’une manière forte, sublime & pathétique, elle est froide dans tout le reste. […] L’abbé Sallier pense qu’ils remplissent parfaitement cet objet. […] Il a le courage de s’élever au-dessus des préjugés de son état, & de dire librement ce qu’il pense. […] Voilà ce qu’il pense des tragédies, même de celles où le crime est puni : en quoi, je le trouve d’accord avec La Mothe, qui dit : « Quelque forte que soit la leçon que puisse présenter la catastrophe qui termine la pièce, le remède est trop foible & vient trop tard. » Mais on a combattu l’idée de M. […] Tout ce qui pense chez eux, la laisse s’enivrer & fumer, & se rend en foule à la comédie à Carouge.

969. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Il fait alors des vers de la famille de ceux de Pradon : Depuis que je vous vois, j’abandonne la chasse, Et quand j’y vais, ce n’est que pour penser à vous ! […] V Nous pensions en avoir fini avec M.  […] Sans cette magnanimité attendrie, ils penseraient comme nous, ils diraient comme nous, de ces deux volumes sous lesquels la réputation poétique de M.  […] L’arbre noir, c’est l’intelligence qui a pensé, non ! […] Hugo encore ; — pour le coup, caractérisant très bien son genre de travail, — nous avons trouvé un poète que nous n’attendions guère, un poète vivant quand nous pensions trouver un poète mort !

970. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

les charmantes et profondes paroles d’amour, écrites il y a dix-huit cents ans, je pense, et toujours jeunes ! […] Je ne pense pas qu’il faille s’en prendre à M.  […] Tous deux pensaient sensiblement de même sur la valeur morale de la bourgeoisie conservatrice. […] Et ce qu’il pense et dit n’est pas si banal !  […] La cinquantaine, je pense.

971. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Il fut retardataire comme vous pensez bien ; mais il fut des plus vifs. […] C’est encore maintenant, à très peu près, ce que je pense. […] du moins me faites-vous dire ce que je n’ai dit, ni ne pense. […] Tout fier de penser comme vous, je m’exclamai : « Ce qu’exprime M.  […] Les acteurs proprement dits, comme bien vous pensez, ne savaient pas un mot de leurs rôles.

972. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Or, douter, c’est penser. Penser, c’est être. […] Que pensait Homère ? Que pensait Shakespeare ? […] Ainsi pensait celui des deux jeunes gens qui transcrivit cette causerie d’un matin d’hiver, ainsi ai-je pensé en la recopiant du mieux que j’ai pu.

973. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Un symbole, c’est toujours, je pense, un signe, c’est-à-dire un objet destiné à représenter un autre objet. […] … Tu n’es que ce que tu penses : pense-toi donc éternel ! […] Renan s’est, pour longtemps, donné le moyen de paraître tel, quoi qu’il pense et affirme. […] On manda Chalek, comme vous pouvez penser : mais cette fois l’herbe était impuissante. […] Il voulait en effet qu’on ne pensât pas au dogme, mais c’était afin qu’on fut plus à l’aise pour y croire.

974. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Le héros disparoît de la scene, dès qu’on y apperçoit le comédien ou le poëte ; cependant comme le poëte fait penser & dire au personnage qu’il employe, non ce qu’il a dit & pensé, mais ce qu’il a dû penser & dire, c’est à l’acteur à l’exprimer comme le personnage eût dû le rendre. […] Ce sont communément ceux qui ont pensé vers-à-vers. […] La nature dans ses opérations ne pense à rien moins qu’à être pittoresque. […] On admire celui qui l’a ravagée ; à peine daigne-t-on penser à celui qui la rend fertile. […] Un légionnaire pense en homme, une légion pense en héros ; & ce qu’on appelle l’esprit du corps, ne peut avoir d’autre aliment, d’autre mobile que la gloire.

975. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Vous êtes entré dans une voie que vous ne sauriez suivre jusqu’au bout sans mettre en péril une foule d’idées qui vous sont encore chères et sacrées. » Nous sommes avertis, en effet, par l’auteur dans la courte préface qu’il a mise en tête, que ce volume renferme « des manières de dire et de penser qui lui sont devenues à peu près étrangères ». […] Je ne sais pas en notre langue d’article critique de pareille étendue qui soit mieux pensé, mieux frappé. […] Scherer, ouvrent une série assez nombreuse de pamphlets politiques dans l’examen desquels nous ne croyons pas devoir entrer : aussi bien, nous pensons qu’ils ont mal servi la réputation de Lamennais.

976. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Il fut pris, à dix-sept ans, de ce que son compatriote Segrais appelait la petite vérole de l’esprit, c’est-à-dire qu’il voulut se faire religieux ; par bonheur pour ses lecteurs futurs et pour le bien du genre humain (c’est lui-même qui nous le dit aussi naïvement qu’il le pense), on le jugea trop faible de santé pour soutenir les exercices du chœur, et sa fièvre de vocation eut le temps de se dissiper. […] Vers cette date de 1686, quand on parlait des réunions du faubourg Saint-Jacques, on pensait généralement à Messieurs de Port-Royal, dont les derniers débris s’y rassemblaient avec mystère ; on était disposé à se les exagérer, soit qu’on les admirât ou qu’on les craignît ; on ne se doutait pas qu’il y avait là, tout près d’eux, quatre ou cinq jeunes gens encore ignorés, à la veille de se produire, animés de l’esprit le moins théologique, et qui feraient faire aux idées et aux sciences bien plus de chemin désormais que tous ces jansénistes dont les coups étaient depuis longtemps portés, qui avaient vidé leur carquois depuis Pascal, et qui finissaient de vider leur sac avec Arnauld. […] je le vois, mon cher, vous avez le préjugé du style. » J’aurais aimé à savoir ce que le digne abbé pensait de La Bruyère, et s’il lui en voulut un peu.

977. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Oui, en France, dans ce qu’on déprime ou ce qu’on arbore en public, on ne pense guère le plus souvent au fond des choses ; on pense à l’effet, à l’honneur qu’on se fera en défendant telle ou telle opinion, en prononçant tel ou tel jugement. […] Il aime en toute chose qu’on ne garde pas sur le cœur ce qu’on pense.

978. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Et pourtant il faut bien dire un mot de ce que nous pensons : c’est le propre et, si l’on veut, le faible de l’esprit critique, quand il a quelque chose (ne fût-ce qu’un petit mot) à dire, de ne pouvoir le garder ni sur le cœur ni sur la langue : il faut absolument que le grain de sel sorte, si grain de sel il y a. […] Non, je ne le pense pas. […] Il est rapporté dans la Vie de saint Jérôme qu’il fut battu de verges par un Ange, qui lui reprochait, en le frappant, de lire avec plus d’ardeur Cicéron que l’Évangile : combien plus vos lectures mériteraient-elles ce châtiment, si Dieu nous témoignait toujours, dès cette vie, ce qu’il pense de nos actions ? 

979. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Il raconte à Mme de La Fontaine que son premier soin, en entrant dans un pays, est de s’enquérir des jolies femmes : « Je m’en fis nommer quelques-unes, à mon ordinaire. » Il entre dans une allée profonde et couverte, et explique (toujours à Mme de La Fontaine) « qu’il se plairait extrêmement à avoir en cet endroit une aventure amoureuse. » Il insiste pour plus de clarté (toujours dans une lettre à Mme de La Fontaine) : « Si Morphée m’eût amené la fille de l’hôte, je pense bien que je ne l’aurais pas renvoyée. […] On l’appelle « le bonhomme. » En conversation, il ne sait pas de quoi on parle autour de lui, « rêve à toute autre chose, sans pouvoir dire à quoi il rêve. » Il paraît « lourd, stupide. » Il ressemble à « un idiot », ne sait raconter ce qu’il vient de voir, et, « de sa vie, n’a fait à propos une démarche pour lui-même. »14 Sa sincérité est naïve ; il pense tout haut, montre aux gens qu’ils l’ennuient. […] Il pense tout haut, il vit à coeur ouvert devant les contemporains, devant ses lecteurs.

980. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

« Le portrait qu’il trace du Français, de corps chétif, sans vigueur musculaire, incapable d’avoir des enfants, ignorant l’orthographe (t la géographie, hors d’état d’apprendre une langue étrangère, libre penseur sans avoir jamais pensé, ne songeant qu’à être décoré d’un ordre quelconque et à émarger au budget, dépaysé quand il a dépassé le boulevard des Italiens, hostile au gouvernement et acceptant servilement tous les régimes, incapable de comprendre ni les mathématiques, ni le jeu d’échecs, ni la comptabilité ; ce portrait, dis-je, est une vraie caricature. […] Il faut faire pour les opinions ce que Kant recommandait de pratiquer pour les actes de moralité : il faut ériger sa façon de penser en maxime universelle ; et il est rare alors que ce qui n’est point évidemment vrai continue de le paraître. […] Dans un propos de morale pratique, on ne cherchera pas les fondements de l’idée du bien ; on n’en discutera point l’essence et l’origine, et, quoiqu’on pense là-dessus, on admettra les définitions vulgaires du bien et du mal.

981. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

…  Puis c’est, à l’arrière-plan, Mme des Houlières, besoigneuse, « ayant eu des malheurs », intrigante, cherchant à placer ses deux filles, suspecte d’un peu de libertinage d’esprit, avec je ne sais quoi déjà du bas-bleu et de la déclassée… Voici, en revanche, deux perles fines, deux fleurs de malice et de grâce : Mme de Caylus, si vive, si espiègle et si bonne, et la charmante Mme de Staal-Delaunay, qui fait penser, par son changement de fortune et par la souplesse spirituelle dont elle s’y prête, à la Marianne de Marivaux  Une révérence, en passant, à la sérieuse et raisonneuse marquise de Lambert, et nous sommes en plein xviiie  siècle, parmi les aimables savantes et les jolies philosophes. […] Elles ont une facilité effroyable à penser avec élévation, avec sublimité. […] Si vous avez peu pensé par vous-même, c’est bien par vous-même que vous ayez senti.

982. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

* * * Personne, je pense, n’accusera Michelet de timidité. […] Il pense que le mari ne doit pas tout lui laisser lire, qu’« elle ne doit pas savoir ce que sait l’homme, ou doit le savoir autrement. » Il ne craint pas de lui attribuer une certaine vulgarité de jugement, un faible pour l’« amateur », l’homme agréable, l’« honnête homme » d’autrefois, brillant et superficiel. […] Qu’elle pense par à peu près ; qu’elle soit peu apte aux idées générales ; qu’elle n’ait point la notion du juste ; qu’elle ne puisse, toute seule, résister au mal, — vous croyez peut-être que tout cela, mis ensemble, signifie que la femme est inférieure à l’homme ?

983. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

« Que penser, dit-il, d’une créole publique, veuve à l’aumône de ce poète cul-de-jatte (Scarron), et de ce premier de tous les fruits d’un double adultère, rendu à la condition des autres hommes, qui abusent de ce grand roi au point qu’on le voit, et qui ne peuvent se satisfaire d’un groupe de biens, d’honneurs, de grandeurs, si monstrueux et si attaquant de front l’honnêteté publique, toutes les lois et la religion, s’ils attentent encore à la couronne même ? […] L’orgueil étant désintéressé, elle se laissa aller à ce que pensait et pratiquait le couvent, soit par cette disposition à sympathiser avec des opinions générales, disposition qui formait un des traits de son caractère, soit par cette ambition d’estime, d’affection, de considération qui lui était propre aussi, et qui commençait à se développer en elle. […] Nous verrons plus loin ce qu’il faut penser d’un moment de froideur témoignée plus tard par le roi à madame Scarron.

984. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Car ici c’est la volonté de Shakespeare de rêver ; ailleurs il pense. Disons plus, là où il rêve, il pense encore ; avec une profondeur autre, mais égale. […] Ces accablés se taisent ; ils ne savent rien, ils ne peuvent rien, ils ne demandent rien, ils ne pensent rien ; ils subissent.

985. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Il est aisé d’imaginer combien madame Guyon fut empressée d’entendre le saint à la mode, un homme dont la façon de penser & de sentir étoit analogue à la sienne. […] Ce n’est pas qu’il pensât comme elle dans tout, qu’il donnât aveuglément dans toutes ses extravagances. […] On prétend** que ces deux célèbres antagonistes, qui combattirent avec tant de chaleur pour des matières de théologie, avoient une façon de penser toute philosophique, & que, s’ils étoient nés à Londres, ils auroient donné l’essor à leur génie & déployé leurs principes, que personne n’a bien connus.

986. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

Que puis-je répondre à Locke, lorsqu’il me dit que Dieu a pu donner à la matière la puissance de penser ? […] Que l’on pense là-dessus ce qu’on voudra, ce n’est pas sur ce point que la philosophie spiritualiste veut engager ses destinées. […] Il ne voit pas que cette liberté de penser n’est qu’une des formes de la responsabilité personnelle, l’une des preuves les plus évidentes de notre libre individualité.

987. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Personne ne sait sans doute ce que dans la crise a pu penser et souffrir cette nature d’airain ; mais le flot passé, nous l’avons vu reparaître avec la même sérénité, la même inflexibilité, le même ressort qu’auparavant. […] Quels sont ces problèmes, aussi vieux que l’humanité, aussi répandus quelle sur la surface du globe, problèmes que se pose inévitablement chacun de nous aussitôt qu’il commence à penser ? […] Il est des écoles qui ne le pensent pas.

988. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre V. Les figures de lumière »

Ou mieux, pensons à ce jouet d’enfant formé de tiges articulées le long desquelles sont disposés des soldats de bois. […] Elles lui équivalent, justement parce que la réalité vraie est l’égalité primitive, c’est-à-dire la simultanéité des moments indiqués par les deux horloges, et non pas la succession, purement fictive et conventionnelle, qu’engendreraient le mouvement simplement pensé du système et la dislocation des lignes de lumière qui s’ensuivrait. […] 3° Effet transversal-longitudinal ou « contraction de Lorentz » La théorie de la Relativité restreinte, avons-nous dit, consiste essentiellement à se représenter la ligne double de lumière BOA d’abord, puis à la déformer en figures telles que O₁B₁A₁O₁′ par le mouvement du système, enfin à faire rentrer, sortir, rentrer de nouveau toutes ces figures les unes dans les autres, en s’habituant à penser qu’elles sont à la fois la première figure et les figures sorties d’elle.

989. (1915) La philosophie française « I »

Pascal 3 a introduit en philosophie une certaine manière de penser qui n’est pas la pure raison, puisqu’elle corrige par l’« esprit de finesse » ce que le raisonnement a de géométrique, et qui n’est pas non plus la contemplation mystique, puisqu’elle aboutit à des résultats susceptibles d’être contrôlés et vérifiés par tout le monde. […] Par l’appel qu’il a lancé au sentiment, à l’intuition, à la conscience profonde, il a encouragé une certaine manière de penser que l’on trouvait déjà chez Pascal (dirigée, il est vrai, dans un sens tout différent), mais qui n’avait pas encore droit de cité en philosophie. […] Mais bien séduisante aussi, bien adaptée au siècle qui avait revivifié les sciences historiques, était la conception doublement optimiste de l’histoire qui pénétrait l’œuvre de ce maître ; car, d’une part, il pensait que l’histoire enregistre un progrès ininterrompu de l’humanité, et, d’autre part, il voyait en elle un succédané de la philosophie et de la religion.

990. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

(Qu’en a pensé M.  […] Le chapitre sur Verlaine est occupé en grande partie par des considérations sur son esthétique (nous savons ce qu’il en faut penser) et sur sa conception de l’amour, qui est des plus banales. […] Barre voit dans les stances des « sentiments philosophiques d’une élévation assez haute pour valoir au poète qui les fixe dans ses vers l’honneur de se voir comparer aux plus grands maîtres de la pensée moderne, d’être même appelé le Vigny du XXe siècle. » Cela est à la page 235, et Moréas seul n’en eût pas été étonné ; mais qu’en pensa en Sorbonne son répondant, M. 

991. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Elle n’y pense pas ; il faut décrotter cette femme-là. […] Penser, surtout penser vite, est une fête. […] Nulle barrière, nul heurt ; on n’est point retenu par la pratique ; on pense pour penser ; les théories peuvent se déployer à l’aise. […] Ils sont recueillis, vivent beaucoup en eux-mêmes et pensent tout seuls. […] Il pense au jugement final et se dit qu’il y sera condamné.

992. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

eurent peur ou frisson de ce gamin qui semblait ne pas, mais pas le moins du monde, penser à elles ! […] Lecteur assidu de ce bon journal, j’ai pensé que je ne devais m’adresser que là pour exposer quelques idées qui me sont venues tout à l’heure à ce sujet. […] Oui, il y a des poètes qui riment trop richement et c’est à ceux-là que j’ai pensé en écrivant quelques vers (d’ailleurs bien rimés) contre la Rime. […] » Que penserait M.  […] Qui donc y eût été mieux à sa place que Baudelaire, ce lettré, cet impeccable, lui, autant, certes, que Gautier, ce jamais content de son travail, à l’égal, je pense, de Flaubert ?

993. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Delille, je sens tout le prix de la difficulté si heureusement surmontée, et je pense qu’on ne pouvait faire plus d’honneur à Virgile et à la nation. […] Si je ne l’avais plus, je serais malheureux. »  — Delille aurait été un peu embarrassé, je pense, si Diderot l’avait pris au mot, et il se serait vite ennuyé de cette chambre solitaire. […] Pense-t-il être impunément le poète le plus aimable et le plus aimé ?  […] On a pensé que la préférence accordée au poëte Le Blanc pour les récompenses nationales (17 floréal an III) l’aurait mortifié et décidé au départ. […] A quoi pensait-il donc en faisant ce vers ?

994. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Le poëte si correct, si mesuré, se livrait, semblait penser, pleurer tout haut. […] Tennyson cette fois a pensé et senti en jeune chevalier de la Renaissance. […] Il n’est point encore aiguillonné par des convoitises multipliées ; il pense à loisir. […] Il a pensé tout haut. […] La pitié vient, on pense à cet autre poëte qui, là-bas, dans l’île de Wight, s’amuse à refaire des épopées perdues.

995. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Pour ce qui est de Myrrha, je n’y avais jamais pensé. […] Ne penser qu’à une seule et même chose, et n’avoir à se défendre ni des distractions du plaisir, ni de celles de la douleur, rien n’abrège autant les heures et ne les multiplie davantage. […] Necker et par l’Assemblée française les pensions que le roi et la reine avaient généreusement accordées à la comtesse ? […] Nous avions pris la route de Calais, parce que la guerre n’ayant point encore éclaté entre la France et les Anglais, nous pensâmes qu’il serait plus facile de passer en Angleterre qu’en Flandre, où la guerre se poussait vivement. […] Je la saisis, et je n’y pensai plus.

996. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Et dès ce moment il ne cesse de penser sérieusement à mettre ce drame en musique. […] Quand l’auteur de ces articles a parlé de Wagner, il n’a pensé qu’à Wagner. […] Je pense que tout ce qui a été accompli pour l’œuvre wagnérienne dans une pensée d’enthousiasme humble et d’amour désintéressé, mérite l’éloge le plus pur, et notre reconnaissance. Je pense aussi qu’il y eut des erreurs et quelques fautes, conscientes où non : je ne jetterai pas la première pierre, ne m’en sentant point le droit. […] Je vous jure que je ne sais point ce qu’en pense M. 

997. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Quoi qu’il en soit, ses critiques n’ont pas été inutiles à Talma ; Geoffroy pensait avec raison, et il l’a dit souvent, que l’engouement caractérisait la sottise. […] Au reste, on se tromperait étrangement si l’on pouvait penser que Geoffroy ait prétendu exclure Voltaire de la place qui lui est assignée sur le Parnasse. […] Il faut penser qu’il se trouve aujourd’hui de tels acteurs ; car on revoit ce poème avec un grand plaisir. […] Il rend les armes en disant froidement : Nous pensons ici comme Voltaire. […] Voltaire n’en pense pas ainsi.

998. (1895) Hommes et livres

Le 10 octobre, Félix fait ses adieux à sa mère, « qui pleurait et pensait ne plus le revoir ». […] Il y a en lui un mélange d’énergie fiévreuse et de simple habileté qui fait penser à Voltaire. […] Ils pensent par impératifs catégoriques. […] C’est un charmant esprit, original, et qui fait penser à mille choses dont on ne s’aviserait jamais. […] Il nous fait penser aux qualités du sujet plus qu’à la nature de l’objet.

999. (1885) L’Art romantique

À force de contempler et de copier, ils oublient de sentir et de penser. […] Selon ces gens-là, la couleur ne rêve pas, ne pense pas, ne parle pas. […] Ces deux êtres ne pensent pas. […] Pensons-y : un peu d’impopularité, c’est consécration. […] Cependant, à cette heure même, je n’y puis penser sans une certaine émotion.

1000. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Or, il y a justement cette différence entre les langues littéraires et les autres, que celles-ci sont des langues dans lesquelles personne n’a encore pensé. […] Il y en a qui pensent que cette simplicité est une marque de peu d’invention. […] Dans le camp même des « philosophes », la plupart pensaient comme Diderot pensait encore dix ans plus tard : « Cet homme incompréhensible, écrivait-il à Mme Volland, a fait un papier qu’il appelle un Éloge de Crébillon. […] Il accepte le dispositif, mais il pense qu’il y a lieu de revenir sur les considérants. […] Boucherie relise donc l’Origine des espèces : c’est, je pense, de l’histoire naturelle assez générale ?

1001. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Nous venons de voir ce qu’il faut penser de la Renaissance jusqu’à Milton inclusivement. […] J’ai fait depuis bien d’autres réflexions sur ce sujet, et j’ai pensé qu’elles pourraient trouver leur place ici. […] À peine ils ont pensé une chose qu’ils l’ont exécutée ; on dirait qu’ils n’ont aucun contrôle sur eux-mêmes. […] Si votre intelligence ne sait que penser, votre sensibilité est mieux instruite ; consultez-la, et elle dissipera vos doutes. […] Obligé d’y séjourner plus longtemps qu’il ne pensait, il écrit à sa fille et à sa femme de venir le rejoindre.

1002. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Il est de ceux qui disent : « Quand je ne parle pas, je ne pense pas » et qui croient penser quand ils parlent. […] Celui-ci n’a pas compris ou peut-être n’a pas voulu comprendre que la tirade de Chrysalde à laquelle il fait allusion (IV, VIII) n’est qu’une taquinerie et une gouaillerie rabelaisienne de Chrysalde à l’adresse d’Arnolphe et loin d’être ce que pense Molière n’est pas même ce que pense sérieusement Chrysalde. […] Ceci dit pour poursuivre la nuance et pour être juste, puisque la vérité est dans les nuances, revenons et disons qu’en son ensemble et en sa couleur générale Molière est l’homme du bon sens moyen, l’homme de pensée impersonnelle, qui pense ce que tout le monde pense, ou qui se résigne à ne penser que cela et qui, si tant est qu’il s’y résigne, se trouve assez à l’aise dans cette résignation. […] Que penser d’une pièce où le public applaudit à l’infidélité, au mensonge, à l’impudence de celle-ci et rit de la bêtise du manant puni ?  […] Comme les médecins exploitent la terreur de la mort, il a pensé à exploiter la terreur de l’enfer ?

1003. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Penserez-vous que ce soient là de ces questions oiseuses ? […] je suis bien éloignée de sentir que c’en est un ; je ne sais pas même si je le pense. […] … On établit dans un écrit nouveau qu’il n’y a point de différence entre bien penser et bien écrire. […] Car, tant et de si diverses inventions décèlent un esprit inquiet, qui cherche à mesure qu’il écrit, qui ne trouve pas toujours, et, en tout cas, qui ne compose pas pour exprimer ce qu’il pense, mais plutôt ce qu’il aurait voulu penser. […] Quand je pense à l’un, je préfère toujours l’autre.

1004. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Quand on ne peut penser à un objet sans éblouissement et sans larmes, on l’agrandit et on lui suppose une nature qu’il n’a pas. […] La magie est le moule de son esprit, et imprime sa forme à tout ce qu’il imagine comme à tout ce qu’il pense. […] Les plus mondains, même Sidney, disent rudement ce qu’ils pensent et comme ils le pensent. […] Mais ils pensent sérieusement et par eux-mêmes ; il sont réfléchis ; ils sont convaincus et touchés de ce qu’ils disent. […] Il pense que dans la fête de la Moisson la figure qu’on traînait en char était celle de Cérès.

1005. (1925) Dissociations

Il pensait de l’or, il mangeait de l’or. […] Je pense qu’elle n’en a quasi aucun et que les cas de ce genre soumis aux tribunaux furent excessivement rares. […] Aussi pense-t-on à la transporter au Havre, où peut-être servira-t-elle à quelque chose. […] Je pense que la phrase ci-dessus répond à ces conditions. […] Je suis encore bien plus incapable de me fleurir moi-même de muguet pour faire croire qu’on a pense à moi.

1006. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Il hésitait d’abord à accepter, craignant que cela ne le dissipât et ne le jetât, comme il disait, dans l’externe, tandis qu’il sentait de plus en plus le goût des voies intérieures et silencieuses ; puis il pensa qu’il était peut-être appelé par là à rendre témoignage de sa doctrine et à briser quelque lance contre l’ennemi : Il est probable, pensait-il, que l’objet qui m’amène à l’École normale est pour y subir une nouvelle épreuve spirituelle dans l’ordre de la doctrine qui fait mon élément… Je serai là comme un métal dans le creuset, et probablement j’en sortirai plus fort et plus persuadé encore qu’auparavant des principes dont je suis imprégné dans tout mon être. […] Sa profession de foi sur la Révolution française est simple, elle est celle d’un croyant : il pense que la Providence s’en mêle soit directement, soit indirectement, et par conséquent il ne doute pas que cette Révolution n’atteigne à son terme, « puisqu’il ne convient pas que la Providence soit déçue et qu’elle recule » : En considérant la Révolution française dès son origine et au moment où a commencé son explosion, je ne trouve rien à quoi je puisse mieux la comparer qu’à une image abrégée du Jugement dernier, où les trompettes expriment les sons imposants qu’une voix supérieure leur fait prononcer, où toutes les puissances de la terre et des cieux sont ébranlées… Quand on la contemple, cette Révolution, dans son ensemble et dans la rapidité de son mouvement, et surtout quand on la rapproche de notre caractère national, qui est si éloigné de concevoir et peut-être de pouvoir suivre de pareils plans, on est tenté de la comparer à une sorte de féerie et à une opération magique ; ce qui a fait dire à quelqu’un qu’il n’y aurait que la même main cachée qui a dirigé la Révolution, qui pût en écrire l’histoire. […] Il a pour lui un grand attrait et un grand faible : En lisant Rousseau, dit-il, et voyant que c’est un homme qui dit si bien, on est tenté de penser que c’est un homme qui ne peut que dire vrai.

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