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714. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « Préface »

L’Auteur de ceci n’accepte pas l’immense platitude, devenue lieu commun, qui fait encore législation à cette heure, à savoir « qu’on doit aux vivants des égards et qu’on ne doit qu’aux morts la vérité. » Il pense, lui, qu’on doit la vérité — à tous, — surtout, — en tout lieu, et à tout moment, et qu’on doit couper la main à ceux qui, l’ayant dans cette main, la ferment. Il ne croit qu’à la Critique personnelle, irrévérente et indiscrète, qui ne s’arrête pas à faire de l’esthétique, frivole ou imbécile, à la porte de la conscience de l’écrivain dont elle examine l’œuvre, mais qui y pénètre et quelquefois le fouet à la main, pour voir ce qu’il y a dedans… Il ne pense pas qu’il y ait plus à se vanter, d’être impersonnel que d’être incolore, — deux qualités aussi vivantes l’une que l’autre et qu’en littérature, il faut renvoyer aux Albinos !

715. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Méry »

Méry14 Quand on lit seulement le titre du nouvel ouvrage de Méry, — Constantinople et la mer Noire 15, — on pense tout naturellement à un livre de circonstance, et l’on ne se trompe pas. […] Mais ce que nous avons vu avec bonheur, et ce que la Critique marquera comme un affermissement de l’intelligence de Méry dans une voie où cette intelligence devait s’avancer hardiment en raison même de l’élévation de sa nature, c’est la mâle et saine manière de penser sur les choses religieuses qui sont le fond de cette grande histoire, que Gibbon, malgré un talent qui approchait du génie, n’a pas su juger parce qu’il n’était pas chrétien.

716. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Brémond nous fait penser aux fétichistes nègres et aux derviches tourneurs " ? […] Française, 1er janvier 1926.) qu’en devons-nous penser ? […] Populaires, pensez-vous ? […] Je n’inquiète que leur esprit, qu’ils pensent que je rêve d’étrangler. […] (mon distingué correspondant ne croit-il pas que le reporter avait mis là beaucoup plus d’humour qu’il ne pense ?)

717. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

On avait tout dit, tout pensé, tout rêvé ; on avait exprimé les idées et les recherches en toute espèce de style, dans une langue en général forte, mais chargée et bigarrée à l’excès. […] A côté des anciens qu’il vénère, il n’oublie les novateurs qui le font penser, qui lui suggèrent toutes les conceptions imaginables, et surtout lui ôtent l’admiration, ce vrai signe de notre faiblesse. […] Je pense qu’il était de l’avis de M.  […] « Qui peut savoir et dire ce qu’arrive à penser sur toute question fondamentale un homme de quarante ans, prudent, et qui vit dans un siècle et dans une société où tout fait une loi de cette prudence ?  […] Je pense que j’en mourrai, si Dieu ne m’aide (25 novembre 1653). »  — Les érudits composèrent à l’envi des vers latins sur la mort du confrère qui les avait si libéralement servis.

718. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Quelques auteurs pensent que le système reproducteur a tout autant pour fonction de produire des différences individuelles ou de légères variations, que d’assurer à l’enfant la ressemblance exacte de ses parents. […] Gould pense de même que les oiseaux qui vivent dans une atmosphère sèche et transparente revêtent un plumage plus éclatant que sous le ciel nébuleux des îles ou des côtes. […] Plusieurs faits m’ont amené à penser que l’atrophie plus ou moins complète de l’organe du vol chez un si grand nombre des Coléoptères de cette station doit résulter de la sélection naturelle, mais probablement combinée avec les effets du défaut d’exercice de cet organe. […] Si de tels caractères tombent si évidemment sous une même loi, c’est sans doute une conséquence de leur grande variabilité, qui ne saurait, je pense, être contestée, que, du reste, ils soient ou non extraordinairement développés. […] On accordera, je pense, sans que j’entre dans les détails des preuves, que les caractères sexuels secondaires sont très variables.

719. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

On y pensait fort et l’on en était fort préoccupé autour de lui : il s’en préoccupait lui-même depuis quelques années. […] Il touchait deux pensions : l’une de 100,000 francs, l’autre de 16,000, je ne sais à quel titre particulier. Quand il se brouilla avec le roi, il remit l’une des deux pensions, mais ce fut celle de 16,000. Sur quoi Louis-Philippe, qui n’était homme à se retenir sur rien, ne pouvait s’empêcher de faire des gorges chaudes : “Savez-vous, de ses deux pensions, laquelle M. de Talleyrand m’a renvoyée ? […] Il est bien certain qu’à un moment de l’Empire, Talleyrand a pensé que c’en était assez de guerres comme cela et de conquêtes.

720. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

De tant de maulx, amy, ce penser me console ; Onc n’a pareils vengié divin secours : Comme desgatz de flotz, de volcans et d’Éole, Plus sont affreux, plus croy que seront courts. […] » Plus doulx pensers viegnent, en la nuict sombre, Se meslanger à mon trop court sommeil ; Lors bien te voy : mais ung affreux réveil De mon bonheur chasse encor la vaine ombre. […] Des miens pensers d’abord fust soubveraine Cette qu’ainsy se monstroit à mes yeulx ; Non, tant d’esclat ne brilla soubz les cieulx ! […] Naguere ils courboient touz un front respectueulx Devant l’ost où des lyz la trompette rezonne : Pensent donc t’arrester, conquesrant vertueulx ? […] « Honni soit qui mal y pense ! 

721. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Gardez-vous de penser que par le mot critique nous comprenions uniquement l’art de trouver des défauts. […] Nous pensons donc que le goût peut être défini : le Sentiment d’accord avec la Raison. […] De là vient que les enfants ne s’habituent point à penser à ce qu’ils lisent, ni plus tard à ce qu’ils disent. […] « — Si de nos orateurs vous craignez l’éloquence, « De l’Université ce professeur, je pense, « De bien lire les vers doit avoir le talent ? […] « Bien lire est talent plus rare qu’on ne pense ; « C’est le plus court chemin qui mène à l’éloquence.

722. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

On pense à lui, dont l’enterrement fut prématuré et l’apothéose tarde à luire. […] C’est à lui qu’il pensait quand il écrivait : « L’artiste, l’écrivain, le philosophe doivent avoir toutes les facultés plus une : le génie. […] On trouvait généralement qu’il écrivait bien, mais qu’il pensait mal. […] Nous avons observé que Taine n’avait point de sensations ; que M. de Goncourt, lui, n’a que des « sensations rares » et n’arrive pas à les dominer ; les grands hommes de la littérature font penser à un état-major d’invalides. […] Il est vraisemblable qu’il ne voulait pas qu’on y enseignât son art, car on n’enseigne pas à mal écrire, ni à mal penser.

723. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Voilà donc la conscience reléguée humblement parmi les accessoires, — la conscience sans laquelle nous ne pourrions penser ni à notre cerveau, ni à l’univers, ni à ses lois mécaniques ou biologiques, et sans laquelle nous ne nous poserions pas le problème de la mémoire. […] Mais que deviennent les images et idées dans la mémoire, lorsqu’on n’y pense pas actuellement ? […] Enfin, si je pense fortement à toutes ces circonstances, je finis par sentir d’une manière plus ou moins sourde le rudiment même de l’élancement. […] « Je ne puis penser, dit Spencer, à voir frotter une ardoise avec une éponge rude, sans sentir le même frisson qui se produirait si cela se passait en réalité. » Spencer aurait pu remarquer que le frisson est un mode de mouvement assez aisément représentable. […] Quand nous pensons à la faim après un bon dîner, nous n’avons guère que le mot dans l’esprit.

724. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Que l’on admette ce don d’exprimer longuement et de penser peu, de développer magnifiquement et abondamment, le moindre jet d’émotion et d’idées ; que l’on se figure en outre que pendant ces successives rémissions de l’intelligence, M.  […] Un esprit présentant cette anomalie de ne penser guère qu’en paroles, devra s’exprimer en antithèses et en images, devra simplifier et grossir la réalité, devra parfaitement rendre le mystérieux et le monstrueux, en vertu du mécanisme même de notre langage. […] C’est là le procédé d’un homme peu habitué à penser pour son propre compte, prompt à s’emparer de thèmes tout faits pour donner libre cours à sa faculté de parolier. […] Que ces sentiments, cette façon de penser, d’être ému et d’exprimer, est portée chez M.  […] Par son habitude de penser des mots et non des objets, de ne point disséquer les âmes et de ne point montrer les choses, il est par excellence du pays du spiritualisme cartésien, duthéâtre classique et de la peinture d’académie.

725. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

quel parti pourrait se soustraire à la nécessité de dire, de penser, d’agir au rebours du gouvernement qui l’opprime, et de tomber ainsi sous l’aveugle loi des contradictions politiques ? […] j’ai vu qu’il n’y avait rien à voir ; mais j’ai pensé qu’il y avait à vous le dire, car je suis l’Apollon du Belvédère de l’histoire ; regardez mes muscles et applaudissez ! […] Oui, ce n’est pas douteux pour qui pense, l’Italie est condamnée à n’être qu’un archipel politique ; mais il fallait savoir dire pourquoi, et le paralogisme de Hegel n’atteint pas à cette profondeur. […] Si, comme le pense M.  […] Seulement personne, ni alors ni depuis, n’avait pensé à en donner l’histoire.

726. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

L’auteur de Fanny n’a pas pensé à la question sociale qui palpitait sous la question individuelle. […] C’est ce que madame Fanny va apprendre, mais nous pensons qu’elle aurait déjà dû s’en douter. […] Feydeau est écrit comme il est pensé, avec une ardeur qui n’empêche ni la correction, ni la finesse du trait, ni la solidité. […] si on l’avait pensé, c’eût été une erreur. […] Quand il dit amusant, il pense intéressant, évidemment.

727. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

J’ai souvent pensé, en le lisant, à la mine que ferait un vieux classique, un classique de la vieille roche et du bon vieux temps, Rollin, par exemple, ou même La Harpe, et cette monnaie de La Harpe, Dussault, Geoffroy, Duviquet, etc., en voyant leur cause ainsi plaidée par l’ingénieux, le subtil (ici, au sens latin, c’est un éloge), l’énergique et brillant avocat que le cours du temps a suscité. […] « Mais, s’écrieraient-ils, vous présentez la vérité sous forme bien paradoxale ; votre style, à vous-même, est trop pensé ; vous frappez à tout coup ; vous parlez Quintilien, mais en traits à la Sénèque. » Et moi je l’en louerai et je lui dirai : « Vous nous réveillez sur ces vieilles questions ; vous avez trouvé moyen de nous promener dans la terre de la patrie par des chemins imprévus. […] Or voici un échantillon qui va peut-être aller contre mon dire de tout à l’heure et me démentir, tant il est à la fois bien pensé, simple et courant.

728. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

Il n’y a pas de danger qu’on se méprenne sur ce mot Éloge : il ne saurait s’appliquer qu’au grand écrivain toujours debout et subsistant ; l’homme et le caractère sont dorénavant trop connus, trop percés et mis à jour pour que l’éloge puisse y prendre pied décidément, et quoique les appréciations de ce genre soient sujettes à de perpétuelles vicissitudes, quoiqu’il semble qu’en littérature et en morale les choses ne se passent point comme dans la science proprement dite et que ce soit toujours à recommencer, je pense toutefois qu’il y a, dans cet ordre d’observations aussi, de certaines conclusions acquises et démontrées sur lesquelles il n’y a pas lieu pour les bons esprits à revenir. […] Dites-moi donc, en révision et en dernier ressort, ce qu’il faut que je pense. […] Je finis sur ce chapitre, j’en ai parlé longtemps, trop longtemps, mais je ne sais par quelle fatalité il arrive que je ne peux rien vous dire en peu de mots ; c’est que j’aimerais à vous dire tout ce que je pense… » Je n’exagère pas, et chacun maintenant est juge ; mais c’est, on en conviendra, un événement biographique que la production d’une semblable pièce d’anatomie morale.

729. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

— Tome Ier, pages 53 et suivantes : « Reçus dans la société des nobles et des riches, à titre de tolérance, les gens de lettres du XVIIIe siècle n’y tenaient pas un rang beaucoup plus élevé que les musiciens ou les artistes dramatiques, parmi lesquels se sont trouvés souvent des hommes de talent et de réputation que les meilleures sociétés attirent à elles, pendant que la profession à laquelle ils appartiennent reste généralement exposée au mépris et à l’humiliation. » A quoi pensaient donc MM.  […]  » A quoi pensiez-vous donc, mesdames du Châtelet, de Tencin, du Défiant, de Puisieux, d’Épinay, d’Houdetot, etc., etc., d’accorder de si charmants sourires à des êtres formés d’un si grossier limon ? […] Sous ce rapport ils dépassèrent bientôt toutes les bornes, et manifestèrent, jusque dans le salon de leurs patrons, un fanatisme d’opinion, une hauteur dogmatique, et un langage qui obligea le vieux Fontenelle lui-même à confesser qu’il était épouvanté de cet excès de suffisance que l’on remarquait partout dans la société. » L’auteur a bien raison de dire le vieux Fontenelle : car aux sombres couleurs qu’il emploie, nous, nous pensions déjà à la fin du XVIIIe siècle, et la longévité de Fontenelle aurait peine à y atteindre.

730. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

C’est qu’ils se groupent selon leurs habitudes antérieures : on ne fait que les enregistrer machinalement quand ils se présentent : ce n’est plus nous qui pensons, ce sont les mots qui nous imposent par leur banale combinaison ce que tout le monde leur a le plus souvent fait dire. […] La cause est précisément que les mots, bornés à leur objet propre, ne sollicitent pas l’esprit à penser au-delà de leur sens, ne lui ouvrent point de vue sur des choses inexprimées ; la phrase n’a ni dessous ni profondeurs ; mettant toute sa richesse en dehors et comme en étalage, ne tenant rien en réserve, elle est toisée, prisée d’un coup d’œil : il y manque ces groupes d’images et d’idées, qui, surgissant derrière les mots, saisissent l’esprit et transforment la lecture distraite des yeux en une avide curiosité de toute l’âme. […] Hugo qui a pour titre la Vache 10, lire le vers où il parle Du beau coq vernissé qui reluit au soleil sans penser plutôt à une enseigne de cabaret et d’auberge qu’à une cour de ferme.

731. (1902) L’humanisme. Figaro

Accumulez les symboles tant que vous voudrez, pourvu que derrière on sent battre un cœur d’homme et penser une tête harmonieuse. […] Je me suis laissé dire qu’il y a une trentaine d’années, peu de temps après la, guerre, un groupe de quinze jeunes gens avait fondé une association — honni soit qui mal y pense — de chasteté. […] Laissez-moi disposer de ma journée sans penser à demain.

732. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

La fonction des penseurs aujourd’hui est complexe : penser ne suffit plus, il faut aimer ; penser et aimer ne suffit plus, il faut agir ; penser, aimer et agir ne suffit plus, il faut souffrir.

733. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

Delasiauve présente à son tour un autre système : il distingue deux grandes classes de folies : les folies affectives et les folies intellectuelles, et il pense qu’il peut y avoir autant d’aberrations particulières qu’il y a de facultés normales. […] Appelez ce désordre comme il vous plaira, je l’appelle une maladie, et si vous reconnaissez l’âme comme le principe qui pense et qui sent, je ne vois pas ce qui empêche de dire que l’âme est malade lorsqu’elle pense et sent d’une manière absurde40.

734. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

On voit que l’auteur n’a pas besoin d’attendre l’inspiration : il fait des chansons comme la Fontaine fait des fables, sans recherche, sans effort, presque sans y penser. […] Disciple des Collé, des Piron, des Favart, il fut admis par eux à cet ancien caveau, véritable académie du plaisir, qui fut aussi, plus souvent qu’on ne pense, l’académie du bon, goût. […] Mais, quand tout semble conspirer pour l’anéantissement des institutions, quand tous les bras sont en mouvement pour renverser l’édifice social, à quoi pensent les hommes chargés de le soutenir ?

735. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

Pendant tout le temps de cette liaison, que la mort seule de Mirabeau paraît avoir rompue, il soumettait à Chamfort non-seulement ses ouvrages, mais ses opinions, sa conduite ; l’espérance ou la crainte de ce qu’en penserait Chamfort, était devenue pour l’âme fougueuse de Mirabeau une sorte de conscience. […] Son cœur et son esprit étaient remplis de sentiments républicains ; il applaudissait au décret qui supprimait les pensions ; et pourtant toute sa fortune était en pensions, il les remplaça par le travail ; et le Mercure de France s’enrichit de la nécessité dans laquelle on le mettait encore une fois, de se faire une ressource de sa plume.

736. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Tout à coup, elle devint, un matin, de George Sand, Mme George Sand, et même parfois Mme Dudevant… Mme Gustave Haller qui dédie ses livres à George Sand, la Présidente, en son vivant, de la République féminine des lettres, et dont les moindres billets sont pour les femmes des décorations qu’elles pendent au cou des livres qu’elles écrivent, Mme Gustave Haller suivra certainement l’exemple de celle qui l’a décorée… Et de cette façon, comme tout bas-bleu, du reste, elle ne montrera pas plus d’originalité dans sa manière de faire que dans sa manière de penser. […] Elle n’y a pas pensé et on s’en étonne ; elle a laissé l’idée d’un pareil roman à Mme Haller qui la chiffonnée. […] Ce livre est même plus gros, plus long, plus lourd, et à plus grandes prétentions que le premier, Mme Gustave Haller n’est plus une jolie femme, qui a voulu changer de succès et qui a jeté, avec une grâce impertinente, au nez du public, un petit livre auquel elle ne pense déjà plus.

737. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Homme de sens médiocre, empaumé par la prétention scientifique, il n’a jamais d’aperçu supérieur, ni comme Michelet, ce déboutonné, qui se permet tant d’insolentes libertés avec l’Histoire, de ces paradoxes (suggestifs même parfois de vérité) qui prouvent qu’on pense ou que du moins l’on veut faire penser son lecteur. […] Tacite, en cela, pensait comme Aristote.

738. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

Ce littérateur amateur, qui ne fit point de littérature comme nous autres les faiseurs de livres, ce paresseux occupé, ce penseur pour la volupté pure de penser, cet écrivain qui, comme il l’a dit, et même comme il en a fait un précepte, attendait, pour écrire un mot, que la goutte d’encre qui devait tomber de sa plume se changeât en goutte de lumière, ce sybarite de l’esprit qui passa sa vie à bien déplier ses feuilles de rose pour ne pas en trouver le repli qui l’aurait fait souffrir, fut une rareté dans la littérature française en ne voulant rien être du tout. Lui, le plus français des écrivains par la beauté de la langue et ses grâces, il n’avait pas la furie française, et même il eut la qualité anti-française qu’estimait le plus Henri Beyle, son antipode : quand il faisait ou écrivait quelque chose, il ne pensait pas au voisin. […] Rendu, ni l’habit gris, ni la vie et les mœurs modernes, ennemies jurées de toute grandeur, n’empêchaient pas qu’il eût en lui, ce Joubert, je ne dirai point tout le Platon grec, dont le génie spacieux ne pourrait tenir dans cette bonbonnière d’homme, mais les meilleures miettes de cette substance divine qui pensait vers la 95e olympiade et qui est immortellement Platon.

739. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Les hommes doivent à l’Histoire, bien plus qu’ils ne le pensent, ce qu’il y a de faux et de vrai dans leurs sentiments ou dans leurs idées. […] … Les hommes qui pensent, dans une œuvre coordonnée ne peuvent pas tout dire. […] Entre les manières de penser et de sentir d’un peuple mort, mais qui laissa sur le front du peuple vivant comme les dernières haleines de son génie, entre la civilisation de l’un et de l’autre, il y a un lien, un rapport, une espèce de communauté qui tient à bien des causes, visibles ou mystérieuses, mais qui est.

740. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

Si, avec son observation large et fine et son dédain railleur de tout ce qui n’est pas la réalité, Champagny a, comme nous le pensons, l’esprit naturellement politique, quelle préoccupation ou quel emploi exclusif d’une de ses facultés a fait tort à son coup d’œil naturel, et diminué en lui et dans son œuvre ce que nous aimerions le plus à y rencontrer ? […] Si Thiers n’avait pas publié sous Louis-Philippe les premiers volumes de son histoire, on pourrait penser que l’homme de parti a étouffé en lui la voix du véritable homme d’État. […] César, lui, César, l’intelligence sans égale, y avait pensé.

741. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

c’est à cet homme-là qu’on pense, malgré soi, quand on ferme la longue et fort savante histoire de Cénac-Moncaut sur les Pyrénées 19. […] Nous ne le pensons pas. […] à travers les faits, il se retourne et leur envoie le dernier regard de l’homme qui pense.

742. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

En métaphysique, je trouve simplement ici un athée qui a peur de se compromettre et qui se roule dans cette toile d’araignée pour se cacher : « Je crois — dit-il, page 191, — Dieu incompréhensible, et l’homme ne peut avoir de lui qu’une idée vague, une idée approximative… » Pour la question pendante sur tout cerveau humain comme un glaive, la question de notre immortalité : « Je crois — dit-il avec une impertinence nonchalante — qu’il faut y croire, mais qu’il ne faut pas y penser (page 34). […] Pensez-vous qu’on ait jamais vu un utilitarisme plus écervelé que celui de Gœthe, si vraiment il croit à l’immortalité et si sa réserve n’est pas la précaution d’un lâche ? […] Aussi comprend-on qu’il soit faible en idées générales ; mais les Entretiens d’Eckermann dépassent tout ce qu’on pouvait penser de cette incroyable débilité.

743. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

Rien de plus beau, du reste, et de plus touchant dans le beau, que ces trois figures retracées par Michelet avec une émotion qu’il fait partager, même à ceux qui, d’ordinaire, ne pensent pas comme lui, tant cette émotion est profonde et sincère ! […] À l’heure de négation universelle qui sonnait dans tous les esprits, un peu de la croyance de ses pères enveloppa peut-être, sans qu’il y pensât, ce cœur qui avait des manières d’aimer sa patrie comme les Saints aiment la leur, qui est le Ciel ! […] Turenne lui eût dit : « Mon cousin. » Cette urne fait penser Michelet.

744. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

., même dans ses ouvrages d’observation particulièrement botanique, il ne fut jamais qu’un voyageur, parlant passionnément de ses voyages, et à ce point qu’on peut se demander ce qu’il aurait eu à nous dire s’il n’avait pas voyagé, et pensé s’il n’avait pas vu ? […] c’est l’écrivain, bien plus que le savant, qui fait la valeur du Kosmos, et à cet égard celui qui l’écrivit pense comme ceux qui le lisent, le docte comme les ignorants ! […] Ce n’est que drôle quand on pense à Jules Janin, qui a pris cette drôlerie à son compte puisqu’il a écrit la lettre.

745. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Horace Walpole était le premier épistolier de l’Angleterre, non pas seulement par le talent, mais par l’emploi de son talent… Il a écrit pendant quarante-cinq ans à la même personne, en coupes réglées, et il a dit de lui : « Ma vie n’a été qu’une longue lettre. » Certainement, vous pensez — n’est-ce pas ?  […] Je lui demande bien pardon du jeu de mots auquel il fait penser : il a bâillonné son sujet. […] Il prétendait qu’il renfermait plus de craie que de muscles dans sa mince personne, et cette idée de craie, rapprochée de l’idée de sa gaieté froide et forcée, fait penser à ces clowns anglais qui s’en barbouillent et qui rient, comme par ressorts, sous ce masque blanc… « Je sais maintenant comment je finirai, — écrit-il à Lady Ossory, le 16 janvier 1785. — Comme je ne suis plus qu’une statue de craie, je m’émietterai en poussière.

746. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

., même dans ses ouvrages d’observation particulièrement botanique, il ne fut jamais qu’un voyageur, parlant passionnément de ses voyages, et à ce point qu’on peut se demander ce qu’il aurait eu à nous dire, s’il n’avait pas voyagé, et pensé, s’il n’avait pas vu ? […] c’est l’écrivain, bien plus que le savant, qui fait la valeur du Kosmos, et à cet égard celui qui l’écrivit pense comme ceux qui le lisent, le docte comme les ignorants ! […] Ce n’est que drôle quand on pense à M. 

747. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

Il est même à penser que sans cette circonstance de vaincu, qui touche la chevalerie française, la Critique, trop spirituelle pour ne pas vouloir être populaire, aurait passé bien vite par-dessus le Saint Anselme, de M. de Rémusat, sujet philosophique et qui ne peut intéresser qu’un très petit nombre d’esprits. […] Car tel est le but, sinon atteint, du moins visé, du nouvel ouvrage de M. de Rémusat Maintenir le fondement de la philosophie rationaliste, de cette philosophie qui n’est pas autre chose que le protestantisme en métaphysique, mais échapper aux conséquences panthéistiques de cette philosophie, devant lesquelles le monde, plus chrétien encore qu’il ne pense, se cabre encore avec effroi, tel est le but que s’est proposé M. de Rémusat dans sa monographie intellectuelle de Saint Anselme. […] Par la nature de son esprit, par la prétention de son système, par l’isolante force ou faiblesse de son principe, je pense, donc je suis, Descartes est l’orgueil de la personnalité solitaire.

748. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

Il y a, en effet, entre Caro, qui a fait ce livre que j’aime, et moi qui viens vous en parler, bien des différences de manière de sentir, de penser et d’être. […] Gratry n’aura guères d’action que sur les gens qui pensent comme lui, et qui, par conséquent, n’ont pas besoin d’être ramenés ou convaincus. […] En d’autres termes plus sérieux, nous nous disions, et nous avons toujours pensé, que l’existence de Dieu, créateur du monde, sa providence dans l’histoire, et l’immortalité de l’âme, ces trois vérités de bon sens et d’instinct, n’étaient pas — du moins telles que l’école du spiritualisme moderne a l’habitude de les poser — absolument tout ce qu’il fallait pour apaiser les esprits noblement affamés de certitude, et, ce qui importe bien davantage, pour s’emparer impérieusement de la direction morale de la vie.

749. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

, pensait, après y avoir beaucoup pensé, que le rossignol était le premier instituteur des oiseaux ; mais, autorité non moins imposante ! Quinet pense à son tour que ce n’est pas le rossignol, parce qu’il est le plus parfait et qu’il vient le dernier dans l’échelle, comme le curé à la procession, comme Quinet après Barrington… V Et je crois qu’en voilà assez… et que nous pouvons tourner l’énorme robinet de cette colossale fontaine des Innocents de la sottise et du pédantisme vide et vain !

750. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Nous n’en continuerions pas moins de penser que le libraire qui ne sait que vendre servilement au goût du public n’est qu’une moitié de libraire, et n’a pas l’esprit de son état. Nous continuerions de penser qu’il doit, comme l’auteur, mais dans sa mesure de libraire, prévenir ce goût, l’éveiller, le modifier, et l’empêcher de se blaser ou de se dégrader, par des publications audacieusement intelligentes. […] Après lui, l’étude reste trop à faire de cet homme dont le caractère étrange double l’étrange talent, et qui n’eut que deux bornes à l’étendue de sa supériorité : n’être pas chrétien, et penser en politique comme Le Constitutionnel de son temps.

751. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Qu’on pense au genre d’éloquence qui devait naître d’une telle situation, et du caractère d’un peuple qui, extrême dans l’esclavage comme dans la liberté, mettait la même impétuosité à flatter ses maîtres ou ses tyrans, qu’elle en aurait mis autrefois à les combattre. […] Je défie tout homme sensible de penser une heure à Marc-Aurèle, et de ne pas faire mieux. […] Ce fut ainsi que pensa un général romain, qui vingt ans après fut proclamé empereur en Syrie : c’était Pescéninus Niger.

752. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Leibnitz ne peut sentir de bornes qui le resserrent ; il embrasse tout ce que l’esprit humain peut penser ; mais le plus grand nombre s’empare d’un objet auquel il s’attache, autour duquel il tourne sans cesse. […] Un écrivain ne peut manquer de plaire quand il est lui, c’est-à-dire, quand son esprit est assorti à son caractère ; mérite plus rare qu’on ne pense. […] Fontenelle pensait que, pour mériter un éloge, il ne suffisait pas d’avoir fait inscrire son nom dans une liste ; que les hommes du plus grand nom, quand ils ne portaient pas des lumières dans une compagnie savante, devaient du moins y porter du zèle ; que des titres seuls ne peuvent honorer un corps où l’on compte les Cassini, les Leibnitz et les Newton ; et qu’enfin, s’il y a des lieux où un rang et des dignités suffisent pour que la flatterie soit toujours prête à prodiguer l’éloge, ce n’est pas à une compagnie de philosophes à donner cet exemple : il avait donc alors le courage de se taire ; et il serait à souhaiter que dans les mêmes occasions on rendît toujours la même justice.

753. (1927) Des romantiques à nous

Reynaud, dont la science et la doctrine font très utilement et abondamment penser. […] Et, qu’ils n’y pensent point, c’est peut-être la forme la plus sûre du bonheur même. […] Et, quoi qu’en pense chacun, il faudrait être bien peu humain pour s’en moquer. […] Mais alors, penseront certains, il est de glace ! […] Il était, je pense, un peu confus de ce coup de tête.

754. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Nous n’y croyons pas, mais nous y pensons. […] qui vous laissent moins le temps de penser quand on les voit, et qui vous donnent plus à penser quand on les lit ? […] Il y a comme cela des œuvres dont je ne pense plus rien, dont je ne saurai jamais que penser. […] Il a ce don précieux de sentir et de penser, en art, comme la foule, — en sachant clairement pourquoi il pense et sent ainsi. […] Il est visible qu’ils n’en pensent absolument rien.

755. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Penser à cela est bon ; et l’œuvre de M.  […] J’aurais sans doute pu penser que M.  […] Seulement il fallait y penser. […] Et c’est ce travers qui est nouveau, je pense, dans la littérature. […] Ce qu’il pense et sent de relativement neuf, il ne le pense ni ne le sent avec assez de profondeur et d’intensité.

756. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Je ne le pense pas. […] Il ne l’a pas pensé, et rien ne nous donne le droit de dire qu’il s’est trompé. […] Quand on pense que l’auteur de ces deux pièces charmantes a sérieusement pensé à tenter le théâtre, il est impossible de ne pas regretter la résolution modeste à laquelle il s’est arrêté. […] Je ne le pense pas ; je ne crois pas qu’il soit permis de le penser. […] C’est dire assez clairement ce que j’en pense.

757. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Nous pensions être dans un hôpital de malades et de pauvres ; M.  […] Quiconque pense est ici. […] Qui a plus lutté, pensé et joui ? […] Non-seulement il décrit, mais il pense. […] Le comble du ridicule ici serait de penser à Homère.

758. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Je pense, à vrai dire, qu’il en est un peu de même parmi nous. […] Mais La Fontaine n’a point pensé à cela. […] Mais c’est, je pense, une erreur. […] Il a pensé plus fort ; il était d’une nature plus opulente. […] Tout ce qu’ils jugent criminel, je le pratique ou je le pense.

759. (1883) Le roman naturaliste

On peut penser ce que devient, au milieu de cette fureur de description, l’honnête clarté de la langue française. […] Il n’existe pas de cœur qui n’ait jamais battu, d’intelligence qui n’ait jamais pensé, d’imagination qui n’ait jamais rêvé. […] Il ne suffit pas de voir ; il faut sentir ; il faudrait aussi penser ! […] Il produit beaucoup, il pense quelquefois, il n’a jamais lu ; cela se voit. […] Nous disons seulement que quiconque écrit, écrit d’abord pour ceux qui pensent, et qu’en thèse générale, certaines façons de penser vulgaires, — qui seraient plus exactement nommées des façons de ne pas penser, — ne sont guère plus dignes d’être notées par le romancier que certaines façons de parler ne sont dignes d’être enregistrées par le lexicographe.

760. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Je ne le pense pas. […] S’il pensait ainsi, M.  […] on rêve, on pense, on combine, on compose en commun ! […] Et que penseraient mes abonnés ! […] Y pensez-vous ?

761. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Quand on est initié comme je le suis, comme je viens de l’être par toutes sortes de témoignages, à cet intérieur d’honnêteté, de simplicité et de devoir, le cœur se révolte à penser que c’est cet homme-là, la droiture et la vertu même, une âme en qui jamais une idée mauvaise ou douteuse n’a pénétré, que c’est lui qu’on est allé choisir tout exprès pour le dénoncer à tous les pères de famille de France comme un type d’immoralité. — Et cela, parce qu’il pense autrement que vous, partisan littéral de la Genèse, sur l’origine des choses et l’éternité du monde ! […] Littré ne s’est pas effrayé de ces bizarreries chez celui qu’il appelle son maître, et il a pensé que la partie neuve, originale et utile de la doctrine était plus que suffisante pour couvrir et racheter le reste. […] Un si vaste travail, qui n’en exclut pas d’autres encore, accessoires et à la traverse, ne se mène point, on peut le penser, sans une austérité de régime et une régularité invariable et comme monastique. […] L’an passé, je l’ai vu à Saint-Quay, en Bretagne, établi avec sa femme et sa fille chez des religieuses ; soignant les pauvres en qualité de médecin et quêtant pour les plus en détresse : sa femme et sa fille, très catholiques, allaient à la messe ; lui, point ; mais il charmait les sœurs et les laissait très perplexes sur ce qu’il fallait penser de son âme. […] Littré, hormis en un point toutefois ; car il ne souffrirait jamais qu’on pensât de lui et qu’on dît, même par manière de métaphore, qu’il porte tout entières avec lui les lettres et les sciences, et que leur sort dépend du sien : il croit fermement que tout marchera après lui de plus en plus et de mieux en mieux, et que le trésor s’accroîtra incessamment.

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