Vous ne retrouverez dans ces Mémoires que les principaux événements de notre vie commune : vous y verrez des erreurs que vous m’avez pardonnées, des mécomptes que vous avez prévus, et si votre nom ne s’y rencontre que rarement, vous savez qu’en écrivant les lignes qui suivent, votre pensée n’a pu me quitter un seul instant. » J’avoue que dans les Mémoires qui nous sont donnés, je ne vois pas trace d’erreurs dans le sens où on le pourrait supposer, dans le sens malin et français ; je n’y vois que des mécomptes.
Noble pensée !
Le comte de Clermont avait eu, en effet, d’abord cette noble pensée ; mais, à peine nommé et la chose éclatant aux applaudissements du public, il eut aussitôt à combattre les objections de ses entours, de ses hauts parents les autres princes.
Or qu’on veuille songer à tout ce qu’ajoutait son souvenir à l’œuvre où sa pensée était entrée pour une si grande part.
Le savant, l’érudit, qui contribue à cette connaissance totale en se gardant des interprétations hâtives et incomplètes qui en retarderaient le progrès est donc l’homme du monde qui se conforme le mieux à la pensée divine.
Il maudit cette échelle fatale qui devait causer la perte de son élève ; il dit que le ciel lui inspire une bonne pensée, qu’il va trouver l’impudique beauté qui attire son élève, lui reprocher l’énormité de son crime et la ramener par ses sages exhortations dans la bonne voie.
« La seule pensée de mourir auparavant le révoltait comme une injustice, tant il avait conçu dans un abîme de prières l’assurance d’être le créancier de cet événement » (Léon Bloy).
Si telle fut sa pensée, elle n’eut aucun succès.
Les intentions de l’auteur, ou tout au moins ses tendances, se trahissent ici par l’approbation d’un acte ou d’une pensée, là par une ironie, tantôt par une préface, tantôt par la conclusion de l’ouvrage, souvent par la peinture des caractères ou encore par mille autres signes qu’il serait trop long d’énumérer.
Et quel style, quelle transparence, quelle modestie dans les paroles qui voilent le fond de la pensée.
Dans cette demi-retraite, qui avait un jour sur le couvent et une porte encore entrouverte au monde, cette ancienne amie de M. de La Rochefoucauld, toujours active de pensée, et s’intéressant à tout, continua de réunir autour d’elle, jusqu’à l’année 1678, où elle mourut, les noms les plus distingués et les plus divers, d’anciens amis restés fidèles, qui venaient de bien loin, de la ville ou de la Cour, pour la visiter, des demi-solitaires, gens du monde comme elle, dont l’esprit n’avait fait que s’embellir et s’aiguiser dans la retraite, des solitaires de profession, qu’elle arrachait par moments, à force d’obsession gracieuse, à leur vœu de silence.
Enfin des hommes que Polymnie, la muse qui présidoit à la musique, avoit formez, afin de montrer qu’il n’étoit pas besoin d’articuler des mots pour faire entendre sa pensée.
Analysez l’esprit de la Révolution : vous trouvez au fond de votre creuset l’esprit cartésien, l’esprit classique, l’esprit chrétien44, c’est-à-dire des systèmes de pensées découverts ou des façons de penser instituées par des hommes supérieurs.
Créateur de l’ode philosophique sans théâtre et sans appareil, inventeur d’une poésie concise comme la pensée, brillante comme la passion, il a trouvé ce qui charmera toujours les esprits délicats, quels que soient les changements extérieurs du monde.
Il serait des plus facile, à quelqu’un qui croirait que cela en valût la peine, de retracer les pentes d’habitude devenues le lit profond ou non, clair ou bourbeux, où s’écoulent mon style et ma manière actuels, notamment l’un peu déjà libre versification, enjambements et rejets dépendant plus généralement des deux césures avoisinantes, fréquentes allitérations, quelque chose comme de l’assonance souvent dans le corps du vers, rimes plutôt rares que riches, le mot propre évité des fois à dessein ou presque… En même temps la pensée triste et voulue telle, ou crue voulue telle. […] Par rime mauvaise je veux dire, pour illustrer immédiatement mes raisons, des horreurs comme celles-ci qui ne sont pas plus « pour » l’oreille (malgré le Voltaire déjà qualifié) que « pour » l’œil : falot et tableau, vert et pivert, tant d’autres dont la seule pensée me fait rougir, et que pourtant vous retrouverez dans maints des plus estimables modernes. […] Par moments aussi, le ton s’élève, et, de la petite idylle toute parfumée de thé, de vin tiède et de fleur de pêcher, passe au tableau de guerre, à la scène pathétique, quelquefois à la pensée profonde, sans toutefois jamais enfreindre les règles que s’est imposées l’auteur, et qui sont la concision pour l’expression, la brièveté quant à la phrase et la discrétion dans les procédés mis en œuvre. […] Il est clair, pour qui, aujourd’hui, examine de bonne foi et avec le sang froid qu’il serait vraiment malheureux que le temps écoulé n’ait pas instauré de longue date et dès le premier examen dans toute tête un peu pensante, il est clair, dis-je, que c’est du mélange de la forme et de l’esprit racinien révolutionné, modifié par l’esprit et la forme de Shakespeare et finalement fondu dans un tout très dilué par les habitudes de la pensée et du style contemporains, qu’a procédé, jusqu’à nos jours exclusivement, la littérature de ce siècle, — en tenant compte, bien entendu, des ambiances, des confluences anciennes et récentes, du cosmopolitisme enfin de notre courante civilisation.
Eh bien, ces puissans de la terre qui croyaient bâtir pour l’éternité, qui se sont fait de si superbes demeures et qui les destinaient dans leurs folles pensées à une suite ininterrompue de descendans héritiers de leurs noms, de leurs titres et de leur opulence, il ne reste de leurs travaux, de leurs énormes dépenses, de leurs grandes vues que des débris qui servent d’asyle à la partie la plus indigente, la plus malheureuse de l’espèce humaine, plus utiles en ruines qu’ils ne le furent dans leur première splendeur. […] Je suis inspiré par le souffle divin de l’artiste, agnosco veteris… etc. ; c’est un mot qui réveille en moi une grande pensée.
Matout a donné trois sujets antiques, où l’on devine un esprit sincèrement épris de la forme, et qui repousse les tentations de la couleur pour ne pas obscurcir les intentions de sa pensée et de son dessin. […] Sa conception est souvent heureuse — il y a chez lui une certaine fécondité de pensée qui se fait jour assez vite et qui nous plaît ; mais des morceaux assez considérables déparent toujours son œuvre.
Dans les Pensées de M. de Meilhan, il y a des traits de feu qui éclairent toujours, et des fusées qui vont plus haut qu’elles ne font de bruit ; le tout est toujours terminé par une belle décoration.
Bientôt ce moyen se présenta à sa pensée, ou plutôt à son cœur : il se dépouilla de ses vêtements, il en couvrit Gessner, et, le regardant avec complaisance, il jouit de ce spectacle sans se permettre aucun mouvement, dans la crainte d’en interrompre la durée.
À travers ces digressions et ces détours, Bailly arrive, et cherche à amener avec lui son lecteur, ou Voltaire qui le représente, à sa pensée favorite d’un peuple perdu, mais nécessaire, auteur d’un système astronomique complet et dont on n’a retrouvé que des fragments.
Il est très vrai que ces notes, prises sur quantité de faits et de points de régularité et d’étiquette, pouvaient lui être utiles, à lui courtisan, pour être prêt à répondre à tout, pour être bien informé sur tout ; mais je crois qu’il entrait aussi dans ce projet, exécuté d’une manière si constante et si suivie, de cette pensée plus longue et plus honorable d’être utile un jour à la postérité par une multitude d’informations qui aideraient à connaître la Cour et le monarque : et en cela il ne s’est point si fort trompé.
Il a très bien montré que c’était une grande nouveauté alors en France de lire Homère en grec, que dans l’Université même, et parmi ceux qui passaient pour doctes, on ne s’en avisait que depuis peu, et il en a fait un mérite à notre poète, qui, non content de l’étudier sans cesse, voulait encore l’imiter, le reproduire, et doter son siècle et son pays d’un poème épique : vain effort, mais noble pensée !
C’est là chez bien des écrivains de son siècle et du suivant, très distingués par l’esprit et très agréables en prose, une sorte d’infirmité que de croire qu’ils ajoutent quelque chose à l’agrément d’une pensée en faisant et en mettant, à l’endroit où l’on s’y attend le moins, de méchants vers.
Guizot n’était pas essentiellement écrivain au début ; prenez ce qu’il a publié dans les premières années de la Restauration : il écrivait toujours avec pensée et doctrine, mais très inégalement, selon les jours.
Je fais une remarque : sa critique principale, qui porte sur le système des causes finales de Bernardin de Saint-Pierre, très-nette, très-franche et sans réserve dans son expression première, est corrigée et atténuée par une note ajoutée depuis, où l’on trouverait, en y regardant bien, l’indice d’une certaine timidité de pensée qu’il avait acquise en vieillissant.
Montausier qui, sous ses vertus de Caton et sous le manteau de duc et pair, avait un arrière-fond de pédant et une dureté de cuistre, eut beau déployer et briser sur son élève le fouet et la férule, — Bossuet, qui assistait aux coups sans mot dire, eut beau écrire pour lui les traités les plus relevés et les plus magnifiques discours, — au lieu de le stimuler par aucun moyen, on n’était parvenu qu’à l’assommer et à le rebuter, pour le reste de sa vie, de toute noble application de la pensée.
Halévy était bien digne d’être l’un des cinq, et je puis dire que ces cinq convives représentent très-bien le groupe des arts et de la poésie, comme il se plut toujours à le concevoir ; je les retrouve dans sa pensée sous d’autres noms et avec quelques variantes, à plus d’un moment.
Il embrasse la pensée des mondes comme Lucrèce, mais il se rabat par choix et par goût à une philosophie moindre et plus pratique, plus d’accord aussi avec les besoins et les désirs des humbles mortels.
Il trouve Salammbô endormie dans une espèce de hamac ; il s’approche, elle s’éveille à la clarté trop vive d’une gaze qui prend feu et s’éteint au même instant ; elle croit d’abord à quelque apparition céleste : ce voile si rêvé, si désiré d’elle, Mâtho, comme s’il avait deviné sa pensée, le lui apporte, le lui montre dans sa splendeur ; il est tout près de l’en envelopper.
Ce que je sais, comme spectateur et témoin des mouvements et variations de notre temps, c’est que la plupart des idées et des réformes indiquées étaient depuis longtemps dans la pensée et dans les discours des hommes éclairés qui s’occupaient le plus de beaux-arts en dehors des Académies, et qu’elles venaient, bien qu’un peu tard, réaliser des vœux qu’ils n’avaient cessé d’exprimer.
« Quand Mme de F. a dit joliment une chose bien pensée, elle croit avoir tout fait.
C’est pourquoi, si nous embrassons d’un regard la nature et si nous chassons de notre esprit tous les fantômes que nous avons mis entre elle et notre pensée, nous n’apercevons dans le monde que des séries simultanées d’événements successifs, chaque événement étant la condition d’un autre et en ayant un autre pour condition.
Il n’y a en ceci ni vérité d’observation, ni valeur de pensée : mais c’est du théâtre ; applaudissons.
Nous apprenons qu’après Molière « trois écrivains bourgeois, Marivaux, Gresset, Piron, dont l’âme n’était tissue que de délicatesse, de fierté, de noblesse, de pensées honnêtes, avaient épuré et divinisé la scène comique ».
À Dieu ne plaise que nous ayons cette pensée-là !
Comme il déguisait sa pensée, il déguisait son personnage.
Toute raison aiguisée, toute pensée un peu déliée, toute observation même un peu pénétrante lui étaient absolument interdites.
Par le pouvoir de la notion chaque individu se conçoit d’une façon supérieure autre qu’il n’est, il voit se refléter dans sa conscience individuelle l’image abstraite de la pensée humaine tout entière.
Observer, c’est idéaliser le phénomène qui est devant nous, c’est le changer en pensée.
Ayez d’abord la pensée ; et vous aurez du style après.
Voyez si vous trouvez pour exprimer les choses du cœur et de la pensée, plus que les vieilles images surannées, « d’autels renversés dans la fange, d’orages, de ruines qui croulent, de par vis, de feuilles sèches que disperse le vent de la mort, de la colombe qui construit son nid solitaire (pour dire le célibat), de volcans à peine fermés du sol (pour dire les passions apaisées), du forum (pour dire comme les avocats, là vie publique), de l’ange de la destinée, de la lampe de la foi, du vent, de la pluie, mais sur-« tout du vent, et pourquoi ?
C’est d’un gentilhomme dans l’ordre de la pensée.
Le premier soin, la première pensée de Mme de Verdelin, en informant Rousseau de cette perte (car c’en est une après tout, et elle le regrette en effet), est d’offrir à Mlle Levasseur, à cette Thérèse qui se présente dans cette Correspondance un peu moins odieuse et désagréable qu’on ne la fait généralement, une sûreté d’avenir, une aisance modeste, si Jean-Jacques venait à lui manquer. […] Il ne manque ni de pénétration ni de finesse, mais je ne lui ai vu jamais saisir une chose fortement ni (ou) extraordinairement pensée… Ouf !
J’ai eu le bonheur de résider pendant plusieurs années à cette cour, et d’assister, dans la familiarité intime du prince, à tous ses actes, à toutes ses intentions, à toutes ses pensées les plus secrètes d’amour pour son peuple et de perfectionnement pour ses institutions ; il n’y eut jamais alors plus de libéralisme sur un trône. […] soyez délivrés et non annexés, mettez l’indépendance sous la garde de la liberté républicaine, ou monarchique, ou représentative, et groupez-vous en fédération italique, confédération mille fois plus conforme à vos natures que l’unité piémontaise qui se disloquera au premier choc après vous avoir dénationalisés. » Voilà ma réponse à Charles-Albert et ma pensée sur l’Italie annexée au Piémont.
Seulement cette vie violente, enfiévrée, est tout entière d’émotions ; à peine un mince à ce sentiment logique la relie-t-elle au monde de la pensée. […] Il n’y a pas entre le poème et la composition une trentaine d’années de vie et de travail, ainsi que ce fut le cas pour la Goetterdaemmerung ; tout est d’un jet, et créé rapidement, à l’exclusion de toute autre pensée.
Quand on réfléchit à ces phénomènes, n’impressionnent-ils pas l’esprit, comme la pensée même de l’éternité ? […] Et jusqu’à quel point peut-on s’en rapporter à des descriptions, où l’emploi forcé de termes généraux fait naître dans l’esprit de celui qui écoute ou qui lit une idée non adéquate à la pensée de celui qui décrit, et toujours un peu plus générale ?
Telle est en effet la marche régulière de la pensée philosophique : nous partons de ce que nous croyons être l’expérience, nous essayons des divers arrangements possibles entre les fragments qui la composent apparemment, et, devant la fragilité reconnue de toutes nos constructions, nous finissons par renoncer à construire. — Mais il y aurait une dernière entreprise à tenter. […] La durée où nous nous regardons agir, et où il est utile que nous nous regardions, est une durée dont les éléments se dissocient et se juxtaposent ; mais la durée où nous agissons est une durée où nos états se fondent les uns dans les autres, et c’est là que nous devons faire effort pour nous replacer par la pensée dans le cas exceptionnel et unique où nous spéculons sur la nature intime de l’action, c’est-à-dire dans la théorie de la liberté.
Il est vrai que c’est en grec qu’elle écrivait cette pensée et en se souvenant d’un mot de Sophocle.