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485. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Joseph la méprisa et par moments s’irrita contre elle ; par malheur, l’association romantique, formulée par la Restauration, était trop restreinte elle-même, trop artificielle et trop peu mêlée au mouvement profond de la société ; le Cénacle n’était après tout qu’un salon ; il s’est dissous après une certaine durée, pour se refondre, nous l’espérons, en quelque chose de plus social et de plus grand. […] Sans doute vers la fin de sa carrière il en était venu à chérir ses amis et à reconnaître Dieu ; mais c’était chez lui amitié domestique et religion presque mystique ; c’était une tendresse de solitaire pour quelques êtres absents et un mouvement de piété monacale vers le Dieu intérieur.

486. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Shakspeare fut romantique parce qu’il présenta aux Anglais de l’an 1590, d’abord les catastrophes sanglantes amenées par les guerres civiles, et, pour reposer de ces tristes spectacles, une foule de peintures fines des mouvements du cœur, et des nuances de passions les plus délicates. […] Quelle conjuration a le temps de s’ourdir, quel mouvement populaire peut se développer en trente-six heures ?

487. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

Après le glorieux règne des écrivains généreux et croyants, optimistes, idéalistes, épris de rêve, il s’est produit un mouvement de littérature réaliste, très brutale et très morose. […] Mais il semble que ce mouvement soit déjà bien près d’être épuisé.

488. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

Mais il n’imagine cet état heureux et parfait qu’en attribuant à ce qui est privé de mouvement, à ce qu’il formule éternellement semblable à soi-même, les propriétés et les passions de ce qui est en mouvement incessant sous l’aiguillon d’un désir inassouvi et qui ne se peut procurer de la joie que par l’intermédiaire de la douleur et de la privation.

489. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Athènes n’a aperçu que le vol de l’aigle, sa fuite impétueuse, et ce mouvement qui convenait au propre mouvement du génie des Grecs.

490. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Alaux. La Religion progressive » pp. 391-400

même dans ce siècle de chemin de fer et de vélocipèdes, où l’on prend le mouvement pour la pensée, et où toute notion paraît suspecte si elle n’est pas timbrée de l’idée de progrès, du progrès que l’on met partout ! […] La vérité, pour eux, c’était le mouvement continu vers quelque chose qui reculait toujours !

491. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

qui est descendu plus avant dans les profondeurs de la politique ; a mieux tiré de grands résultats des plus petits événements ; a mieux fait à chaque ligne, dans l’histoire d’un homme, l’histoire de l’esprit humain et de tous les siècles ; a mieux surpris la bassesse qui se cache et s’enveloppe ; a mieux démêlé tous les genres de crainte, tous les genres de courage, tous les secrets des passions, tous les motifs des discours, tous les contrastes entre les sentiments et les actions, tous les mouvements que l’âme se dissimule ; a mieux tracé le mélange bizarre des vertus et des vices, l’assemblage des qualités différentes et quelquefois contraires ; la férocité froide et sombre dans Tibère, la férocité ardente dans Caligula, la férocité imbécile dans Claude, la férocité sans frein comme sans honte dans Néron, la férocité hypocrite et timide dans Domitien, les crimes de la domination et ceux de l’esclavage, la fierté qui sert d’un côté pour commander de l’autre, la corruption tranquille et lente, et la corruption impétueuse et hardie, le caractère et l’esprit des révolutions, les vues opposées des chefs, l’instinct féroce et avide du soldat, l’instinct tumultueux et faible de la multitude, et dans Rome la stupidité d’un grand peuple à qui le vaincu, le vainqueur, sont également indifférents, et qui sans choix, sans regret, sans désir, assis aux spectacles, attend froidement qu’on lui annonce son maître ; prêt à battre des mains au hasard à celui qui viendra, et qu’il aurait foulé aux pieds si un autre eût vaincu ? […] Qu’on imagine une langue rapide comme les mouvements de l’âme ; une langue qui, pour rendre un sentiment, ne se décomposerait jamais en plusieurs mots ; une langue dont chaque son exprimerait une collection d’idées : telle est presque la perfection de la langue romaine dans Tacite.

492. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Au 2 décembre 1851 il se mêla au mouvement de résistance, et dut prendre la route de l’exil. […] Très probablement il obéissait à une mode du temps bien plus qu’à un mouvement de son âme. […] ») — Mais que de choses vraiment senties, trouvant la langue et le mouvement et le tour qui leur sont absolument propres ! […] Ibo est une ode d’un mouvement merveilleux. […] Hugo (souvent) ne sent pas assez, ne se jette pas lui-même dans la mêlée de ses strophes, semble les lancer de loin à la charge, et, à l’examiner d’un peu près, il arrive que son mouvement lyrique ressemble à un mouvement oratoire.

493. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Déjà vers la fin du xviiie  siècle, sous l’influence du grand mouvement des sciences physiques et naturelles qui renouvelait à certains égards l’esprit humain, et aussi par l’inévitable effet d’une sorte de lassitude produite par des sujets épuisés et des formes vieillies, on vit éclore parmi les poètes une sorte d’émulation généreuse pour retremper l’inspiration à cette source merveilleuse. […] C’était là tellement le mouvement des esprits poétiques dans ces dernières années du xviiie  siècle, et la pente était si bien marquée dans ce sens, que le De Natura rerum sollicité en France par la curiosité scientifique et tenté par plusieurs poètes à la fois s’ébauchait presque en même temps en Allemagne, sous la puissante main de Goethe. […] Pour le bien comprendre, il est utile, presque nécessaire, d’avoir le texte latin ouvert à côté ; l’éclat poétique s’éteint dans l’excessive condensation du style ; l’élan, le mouvement du poète latin s’embarrasse dans la rime, qui l’arrête ou le brise. […] Il y a dans tout le poème une adresse de facture presque excessive ; mais la variété manque, la liberté d’allures, la souplesse et l’ondulation des mouvements, tout ce qui fait la grâce. […] Sully-Prudhomme le droit de nous révéler en vers les théories les plus récentes de la science positive et même ses hypothèses les plus contestables ; mais il y fallait plus de variété, plus de liberté, plus de mouvement, une forme plus sensible et plus concrète : il fallait mettre ces doctrines en tableaux au lieu de nous les offrir en raisonnements.

494. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Dans les mouvements énergiques, il a quelque chose d’anguleux et de heurté. […] Par un mouvement de probité bien facile à concevoir, M.  […] Le mouvement inexpliqué, le mouvement sans la philosophie, plaira tout au plus à la populace. […] Le drame veut, avant tout, l’animation, la force, le mouvement, la virilité de la pensée. […] Hugo s’est laissé aller à des mouvements poétiques magnifiques en eux-mêmes, mais hors de place à la scène.

495. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Vie chaste, vie sobre, vie tour à tour de mouvement et d’un certain éclat à Paris, et de retraite à Metz ; — c’est à ce régime qu’il dut le perfectionnement, la forte et entière nourriture de son génie. […] C’est de cette connaissance approfondie du latin et de l’usage excellent qu’il en sut faire que découle chez Bossuet ce français neuf, plein, substantiel, dans le sens de la racine, et original : et ce n’est pas seulement dans le détail de l’expression, de la locution et du mot, que cette sève de littérature latine se fait sentir, c’est dans l’ampleur des tours, dans la forme des mouvements et des liaisons, dans le joint des phrases, et comme dans le geste. […] Bossuet, dirai-je donc, c’est l’esprit qui embrasse le mieux, le plus lumineusement, le plus souverainement un corps, un ensemble de doctrines morales, politiques, civiles, religieuses, qui excelle à l’exposer avec clarté et avec éclat, avec magnificence, en se plaçant au point de vue le plus élevé ou au centre, à une égale distance de toutes les extrémités ; à en retenir, à en réunir, à en développer tous les ressorts, à en faire marcher tous les mouvements, à en faire bruire et résonner l’harmonie, comme sous la voûte d’une nef les tonnerres d’un orgue immense ; — mais en même temps, c’est un esprit qui n’en sort pas, de cette nef, de cette sphère si bien remplie, qui ne sent pas le besoin d’en sortir, qui n’invente rien au fond, qui n’innove jamais : il hait la nouveauté, l’inquiétude et le changement ; en un mot, c’est le plus magnifique et le plus souverain organe et interprète de ce qui est institué primordialement et établi.

496. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Je sais que ces sortes d’actions sont extraordinaires et doivent le paraître ; mais la nature passionnée a son prix, comme la nature réfléchie ; et les hommes peut-être les plus estimables ne sont pas ceux qui règlent froidement et sensément tous les mouvements de leur âme, qui avant de sentir ont le loisir de regarder autour d’eux, et se souviennent toujours à temps qu’ils ont besoin d’être modestes. […] Un autre caractère du grand homme lui manqua, c’est cette vertu qui fait que l’âme, sans s’élever, sans s’abaisser, sans s’apercevoir même de ses mouvements, est ce qu’elle doit être, et l’est sans faste comme sans effort ; en cela il fut encore loin de Marc-Aurèle. […] On sait que dans l’Europe et l’Asie ensemble, jamais il n’y eut autant de mouvement dans les esprits qu’il y en avait alors ; les progrès du christianisme, et le choc de ceux qui combattaient pour la religion de l’empire, avaient donné cette secousse.

497. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Les paroles de Boris lui firent faire un mouvement de surprise. […] Ses mouvements étaient dégagés et parfois un peu vifs. […] quelle grâce dans ses mouvements ! […] Le rapide mouvement de la chienne l’avait effrayée. […] La porte devant laquelle il y avait eu tant de mouvement s’ouvrit, et Guérassime apparut.

498. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Mais Villars n’était pas maître de ses mouvements. […] Les généraux d’état-major savants et modestes qu’il consultait n’étaient pas hommes à prendre l’initiative de semblables conseils, et à inaugurer cette stratégie supérieure qui combine les mouvements des différentes armées et qui leur imprime de l’unité ; M. de Chamlay n’était pas un Carnot. […] Villars va s’appliquer à remplir de tout point le programme : confiant avec raison dans la position qu’il s’est choisie à Haute-Sierck, il a l’œil à tout ; observe les moindres mouvements des ennemis, et cherche à deviner ce qu’il ne voit pas : « Enfin, Sire, je tâche d’imaginer tout ce que peuvent faire les ennemis, et Votre Majesté doit être persuadée que l’on fera humainement tout ce qui sera possible. » Marlborough s’ébranle avec une armée composée d’Anglais, de Hollandais et d’Allemands, qu’il disait être de cent dix mille hommes, et que Villars estimait de quatre-vingt mille, et publiant bien haut qu’il allait attaquer les Français. […] C’est alors que, Villeroy lui-même se rendant justice et se retirant, il y eut un mouvement dans le choix des généraux, et Villars fut désigné par Louis XIV pour servir sous le duc d’Orléans en Lombardie : il refusa.

499. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Le Pacha est petit, la barbe blanche, le visage brun, la peau tannée, l’œil vif, les mouvements prompts, l’air spirituel et très-malin, la parole brève, et riant très franchement lorsqu’il a lâché un petit sarcasme ; plaisir qu’il s’est donné toutes les fois que la conversation tournait à la politique, et surtout lorsque le consul19 insistait pour le départ de la flotte : « Je ne reconnais pas les Français, qui savent si bien faire la guerre, et qui ne parlent plus que de la paix. […] Un jour, dans une de ses courses en Algérie, il avait fait une première remarque : il lisait la Bible, et voyant une jeune femme arabe venir chercher de l’eau à un puit, il crut avoir sous les yeux la parfaite représentation de Rebecca à la fontaine, lorsque la fille de Bathuel, portant sa cruche sur son épaule gauche, la laissait glisser sur son bras droit pour donner à boire au serviteur d’Abraham : c’est ainsi du moins qu’il s’expliquait ce mouvement et ce jeu de scène. […] je ne vois que des maisons de bois et des espèces de grosses tourtes entourées plus ou moins de chandelles qu’on appelle mosquées et minarets, mais rien de ce pittoresque, rien de cette originalité de cette belle Syrie, rien de cette brutalité de l’homme qui donne du charme et fait ressortir les œuvres de la civilisation ; tout est rond, tout est mou, c’est le sérail de la pensée ; enfin je me sens énervé, et il ne faudrait pas longtemps pour que mes idées prissent du ventre comme tous les vilains Turcs que je rencontre dans les rues. » Et dans un mouvement lyrique relevé de jurons militaires, il se met tout d’un coup à les apostropher, à les traiter comme à une descente de barrière on traiterait des Turcs de mardi gras ; c’est tout un feu d’artifice d’injures qui se couronne par un bouquet en faveur des Arabes : « Chers Arabes, votre pou, votre puce (quoique souvent incommode), valent mieux que les parfums de vos indignes ennemis !  […] … Plus je reviens sur les émotions qu’elle m’a fait éprouver, plus elles prennent de force, et je me sens tout jeune. » Si la verve et l’enthousiasme, si le mouvement naturel de poésie, si le coup de soleil de l’imagination n’est pas là sensible, je ne sais plus où les trouver.

500. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

La réalité des choses, à chaque moment, me fait l’effet d’une grande mer plus ou moins agitée ; les événements qui surgissent et aboutissent sont les vagues dont se compose la surface mobile ; mais, sous ces vagues apparentes, combien d’autres mouvements plus profonds, plus essentiels, bien qu’avortés et sourds, de qui les derniers dépendent, et que pourtant il n’est donné à nul œil de sonder ! […] J’aime aussi (sauf retour) la méthode d’un esprit ingénieux, hardi, habile, plein de mouvement, qui ose deviner, reconstruire, et qui m’associe à ses courageuses et doctes aventures. […] Mais je dois me borner ici à rendre une impression, non un jugement ; à faire comprendre l’ordonnance et le mouvement du livre, peut-être aussi l’esprit qui l’a inspiré. […] Par une sorte de jeu de bascule qui peut impatienter les historiens, mais qui fera sourire les moralistes, voici pourtant qu’un mouvement contraire le vient reprendre et comme replacer sous l’auréole.

501. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Joubert, à cette époque, suivait avec ardeur ce mouvement aventureux d’innovation que prêchaient Le Tourneur par ses préfaces, Mercier par ses brochures. […] Bien avant De Maistre et ses exagérations sublimes, il disait de Voltaire : « Voltaire a, comme le singe, les mouvements charmants et les traits hideux. » « Voltaire avait l’âme d’un singe et l’esprit d’un ange. » « Voltaire est l’esprit le plus débauché, et ce qu’il y a de pire, c’est qu’on se débauche avec lui. » « Il y a toujours dans Voltaire, au bout d’une habile main, un laid visage. » « Voltaire connut la clarté, et se joua dans la lumière, mais pour l’éparpiller et en briser tous les rayons comme un méchant. » Je ne me lasserais pas de citer ; et pour le style, pour la poésie de Voltaire, il n’est pas plus dupe que pour le caractère de sa philosophie : « Voltaire entre souvent dans la poésie, mais il en sort aussitôt ; cet esprit impatient et remuant ne peut pas s’y fixer, ni même s’y arrêter un peu de temps. » « Il y a une sorte de netteté et de franchise de style qui tient à l’humeur et au tempérament ; comme la franchise au caractère. […] Je ne puis ni rester oisif, ni suffire à mes mouvements. […] « L’ordre littéraire et poétique tient à la succession naturelle et libre des mouvements ; il faut qu’il y ait entre les parties d’un ouvrage de l’harmonie et des rapports, que tout s’y tienne et que rien ne soit cloué. » Maintenant, dans la plupart des ouvrages, les parties ne se tiennent guère ; en revanche (je parle des meilleurs), ce ne sont que clous martelés et rivés, à tête d’or.

502. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Il faut retenir aussi la chronique que vers 1260 rédigea un ménestrel de Reims : ce recueil confus et sans chronologie de tout ce qui se disait parmi le peuple sur les hommes et les choses de Terre Sainte, de France, d’Angleterre, entre 1080 et 1260, nous rend la couleur et le mouvement de la vie du temps. […] Un immense mouvement d’opinion, en Angleterre et par toute la chrétienté, obligea le roi assassin à s’humilier, et à faire pénitence sur le tombeau du martyr. […] Il nous donne des Miracles de Notre Dame, qui valent les meilleurs de Gautier de Coinci : comment Notre Dame soutint par les épaules un homme qui était tombé à la mer, sans qu’il fit même un mouvement pour nager, et comment elle vint couvrir la poitrine de l’abbé de Cheminon, de peur que le saint homme ne s’enrhumât en dormant. […] Il semble que l’univers ait été créé pour lui, et que ce soit le premier regard de l’humanité sur le monde des formes, des couleurs et du mouvement.

503. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Il a un grand nez dont les mouvements trahissent ses émotions. […] Il aura l’estime des psychologues, car ils y trouveront la description la plus déliée des mouvements d’une âme enfantine. […] Un petit enfant, c’est d’abord, quand il est joli ou seulement quand il n’est pas laid, la créature du monde la plus agréable à voir, la plus gracieuse par ses mouvements et toute sa démarche, la plus noble par son ignorance du mal, son impuissance à être méchant ou vil et à démériter. […] Ses bons mouvements, étant spontanés, ont chez lui une grâce divine.

504. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

De plus la nature ne nous a pas situés ainsi ; & comme elle nous a donné du mouvement, elle ne nous a pas ajustés dans nos actions & nos manieres comme des pagodes ; & si les hommes gênés & ainsi contraints sont insupportables, que sera-ce des productions de l’art ? […] Bien des peintres sont tombés dans le défaut de mettre des contrastes par-tout & sans ménagement, desorte que lorsqu’on voit une figure, on devine d’abord la disposition de celles d’à côté ; cette continuelle diversité devient quelque chose de semblable ; d’ailleurs la nature qui jette les choses dans le desordre, ne montre pas l’affectation d’un contraste continuel, sans compter qu’elle ne met pas tous les corps en mouvement, & dans un mouvement forcé. Elle est plus variée que cela, elle met les uns en repos, & elle donne aux autres différentes sortes de mouvement.

505. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Camille Desmoulins a laissé un nom qui, de loin, excite l’intérêt : le souvenir de son dernier acte, de ces feuilles du Vieux Cordelier où il osa, le premier sous la Terreur et jusque-là presque terroriste lui-même, prononcer le mot de clémence, les colères qui excita chez les tyrans, l’immolation sanglante qui s’ensuivit, l’ont consacré dans l’histoire comme une espèce de martyr de l’humanité, et on ne se le représente volontiers que dans ce dernier mouvement de cœur et dans cette suprême attitude. […] L’homme qui a procuré à ses semblables opprimés et innocents une telle lueur d’espérance, et qui a payé lui-même ce bon mouvement, de sa tête et de son sang, mérite qu’on lui pardonne beaucoup ; mais ajoutons vite qu’il en a grand besoin. […] Peut-on avoir le courage, à travers un tel pamphlet, de remarquer un certain mouvement de talent, quelque chose de vif, de rapide, de cursif, et de propre à enlever alors ceux qui ne réfléchissaient pas ? […] J’ai dit que Camille, dans un endroit du Vieux Cordelier, a un mouvement d’élévation véritable ; c’est dans le numéro 5, quand il fait bon marché de sa vie et qu’il se montre prêt à la sacrifier pour la cause de l’humanité enfin et de la justice, c’est quand, s’adressant à ses collègues de la Convention, il s’écrie : Ô mes collègues, je vous dirai comme Brutus à Cicéron : Nous craignons trop la mort, et l’exil et la pauvreté.

506. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Nous avons tous de la vanité, remarquait Mlle de Lespinasse, mais « je ne sais pas, ajoutait-elle, où s’est placée celle de M. de Condorcet : je n’en ai jamais pu découvrir en lui ni le germe ni le mouvement ». […] On préludait au mouvement par des pétitions. […] Écoutons Condorcet rendant compte de ces mouvements précurseurs, dans la Chronique de Paris du 18 juin : Plusieurs sections de Paris se sont présentées à la barre ; leurs pétitions avaient toutes le même objet en vue, celui d’écarter les dangers qui menacent la chose publique… Ce sont les mêmes hommes qui en 89, et à peu près à cette époque, délibéraient avec autant de calme que de fermeté sur les moyens de réprimer l’insolence de la tyrannie… Mais, familiarisés aux principes politiques par trois années de révolution, ce n’est plus par le sentiment seul que produisent les événements qu’ils se laissent entraîner. […] Après la révolution du 10 août et quand il eut cause gagnée contre la royauté, on vit Condorcet ralentir son mouvement et essayer de modérer, à son tour, celui des autres.

507. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

L’artiste et le héros sont à la fois les causes et les types du mouvement qu’ils provoquent ; ils le provoquent, le qualifient et l’orientent ; la foule le fait ; la foule et l’artiste, la foule et le héros le forment parce qu’ils participent entre euxej. […] L’âme d’un grand homme est celle qui peut mettre en mouvement un million de bras comme les siens propres ; l’âme d’un grand artiste est celle qui peut frémir en un million de sensibilités individuelles et fait la joie et la douleur d’un peupleen. […] Mais il sera intéressant de remarquer que même l’adhésion à un héros (l’admiration active) et l’adhésion à un livre (l’admiration passive)eo coexistent rarement et tendent à se remplacer, à s’exclure, en vertu du fait que toutes deux mettent en mouvement le même mécanisme psychologique avec des résultats différents. […] Dans l’esthopsychologie des littérateurs, dans la psychologie biographique des héros, ces hommes sont mis debout analysés et révélés par le dedans, décrits et montrés par le dehors, reproduits à la tête du mouvement social dont ils sont les chefs, érigés, eux et leurs exemplaires, un et plusieurs, individus et foules, en des tableaux qui, basés sur une analyse scientifique nécessitant le recours à tout l’édifice des sciences vitales, et sur une synthèse qui suppose l’aide de toute la méthode historique et littéraire moderne, peuvent passer pour la condensation la plus haute et la plus stricte de notions anthropologiques que l’on puisse accomplir aujourd’hui.

508. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Georges Polti, ont assuré au Mercure de France, et à l’Ermitage, après la Vogue de Gustave Kahn et la Revue Indépendante d’Édouard Dujardin, une place importante dans le mouvement des idées. […] Il faut choisir entre la Raison ou la Révolution, entre le classique et le romantique, entre la Tradition ou l’Esclavage… Historien des Amants de Venise, le styliste d’Anthinea, le critique de la Gazette de France et de la Revue Encyclopédique, a réussi à créer un mouvement et à faire partager sa haine du romantisme. Il a donné, s’il ne l’a pas créé, une vive impulsion au mouvement fédéraliste. […] Marius-Ary Leblond : Ils sont en opposition avec le mouvement de renaissance néo-classique qui triomphe.

509. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

C’est un choix particulier d’expressions, une certaine distribution de syllabes longues ou brèves, dures ou douces, sourdes ou aiguës, légères ou pesantes, lentes ou rapides, plaintives ou gaies, un enchaînement de petites onomatopées analogues aux idées qu’on a et dont on est fortement occupé, aux sensations qu’on ressent et qu’on veut exciter, aux phénomènes dont on cherche à rendre les accidens, aux passions qu’on éprouve, et au cri animal qu’elles arracheraient, à la nature, au caractère, au mouvement des actions qu’on se propose de rendre, et cet art-là n’est pas plus de convention que les effets de l’arc-en-ciel ; il ne se prend point ; il ne se communique point ; il peut seulement se perfectionner. […] L’étude, le goût acquis, la réflexion saisiront fort bien la place d’un vers spondaïque, l’habitude dictera le choix d’une expression, elle séchera des pleurs, elle laissera couler les larmes ; mais frapper mes yeux et mon oreille, porter à mon imagination, par le seul prestige des sons, le fracas d’un torrent qui se précipite, ses eaux gonflées, la plaine submergée, son mouvement majestueux et sa chûte dans un gouffre profond, cela ne se peut. […] Ces eaux de Loutherbourg sont fausses ou celles de Vernet ; le ciel de Loutherbourg est solide et pesant, ou les mêmes ciels de Vernet ont trop de légèreté, de liquidité et de mouvement. […] La chaloupe qui coule à fond, le mouvement de l’eau sont bien rendus, si ce n’est qu’il est absurde que de frêles bâtimens tentent un abordage par un gros temps ou, comme disent les marins, par une mer trop dure.

510. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Toutefois, élevons-nous au-dessus de notre temps, et comparons en bloc les théoriciens de notre civilisation avec ceux des civilisations archaïques, ou seulement nos écrivains du xixe  siècle avec ceux du xviie , nous mesurerons plus aisément le chemin parcouru par les sociétés : nous saisirons le mouvement d’ensemble par lequel des contemporains différents, et souvent ennemis, sont entraînés du même pas. […] Maine, que tous ces, changements ne sont que des changements de forme gouvernementale — peut-être éphémères, peut-être superficiels : c’est l’ensemble de leurs institutions que les sociétés occidentales transforment, d’un même mouvement, dans le même sens. […] Toutefois, il faut reconnaître que rien, dans le mouvement des institutions, modernes ne permet de prévoir l’opération difficilement concevable qui consisterait à distribuer, en parts égales, les richesses de la nation : si les théories socialistes agitent la conscience publique, c’est bien plutôt lorsqu’elles dénoncent la disproportion qui subsiste entre certains travaux et certains salaires, et demandent la mise en pratique de la maxime : « À chacun selon ses œuvres. » Reste l’égalitarisme politique, qui semble en effet, au premier abord, difficilement conciliable avec l’idée de la diversité des hommes. […] On s’aperçoit qu’aucune prétendue « loi d’évolution » ne force les sociétés à repasser sur leurs anciennes empreintes19, et que, suivant toutes les « lois de causation », il faut au contraire, pour qu’un phénomène social ressuscite, que le mouvement de l’histoire ait préalablement ramené la combinaison de conditions propre à le susciter.

511. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Son livre, en un mot, s’il l’avait exécuté comme il l’avait conçu, n’aurait pas été seulement destiné aux moralistes et aux penseurs ; il aurait eu pour objet d’acheminer et d’entraîner tout un peuple moins relevé de lecteurs par l’attrait, par le mouvement graduel et l’émotion presque dramatique d’une marche savamment concertée. […] Le mouvement de ses artères n’était pas aussi calme et aussi régulier que l’ordonnance de ses discours.

512. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Molière recourait tout naturellement aux Italiens, à ces artistes turbulents, lorsqu’il avait besoin d’accélérer le mouvement d’une pièce ; c’est ainsi que, dans cette comédie de L’Avare, peinture d’un vice qui se soutient difficilement au théâtre, il mit à contribution cinq ou six canevas de la commedia dell’arte. Le mouvement, c’est là, comme nous l’avons dit en commençant cette étude, ce que le théâtre italien enseignait, communiquait à Molière.

513. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

Quant à apprécier le mouvement des croyances, la crue ou le décours de la foi, ce n’est point dans de courts espaces ni d’une génération à l’autre que cela se mesure : ces changements se marquent par siècles, et les divers états d’incrédulité et de croyance, à divers degrés, coexistent à la fois ; il n’est pas toujours aisé de les bien démêler. […] Cité par Mme Anne Osmont : Le Mouvement symboliste (Maison du Livre).

514. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre V. Le mouvement régionaliste. Les jeunes en province » pp. 221-231

Le mouvement régionaliste. […] Cette revue, rapidement accrue, présente le tableau le plus complet du mouvement provincial (coll.

515. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

Je l’aurais reconnue à ce mouvement. […] Point de gêne dans les mouvements.

516. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

Au reste, cet éloge, comme on s’en doute bien, porte le caractère de l’âge où il fut composé ; c’est l’abandon de l’âme dans un songe tranquille ; on voit se succéder lentement et doucement les mouvements de l’orateur ; on voit les impressions arriver jusqu’à lui par des secousses insensibles, et ses idées ressemblent à ces lumières affaiblies et pâles qui se réfléchissent de loin, et conservent de la clarté sans chaleur. […] Enfin, le philosophe attache par l’étendue et la profondeur des idées ; l’orateur ne peut attacher que par les passions fortes ; l’effet des mouvements doux et tranquilles se perd, et n’arrive à la postérité que comme le ressouvenir d’un songe à demi effacé.

517. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

 » tout cela est d’un mouvement endiablé qui force l’attention et appelle souvent le rire. […] … Songez, me dit mon bon maître, songez pendant le repas à suivre tous mes mouvements, afin de les imiter. […] Lavisse renferme bien des pages excellentes, et notamment celles où il dépeint les mouvements d’ambition, d’inquiétude qui se manifestèrent à la veille de la mort du Roi. […] La mort de Liniers, victime du mouvement libéral, est racontée d’après des documents authentiques et clôt ce volume d’une partie d’histoire si intéressante et pourtant négligée jusqu’à ce jour. […] Flammarion dans un très beau mouvement de lyrisme scientifique, tout est là !

518. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Les traditions des temps, des génies, le mouvement lent et mystérieux qui transforme une société et une littérature, lien de tout cela n’est indiqué. […] Je m’imagine que le style n’est qu’une imitation de la parole et qu’il n’a de beauté qu’autant qu’il en garde la liberté, le mouvement, le naturel. […] Nul trait n’est insinué, suggéré ; les phrases se déroulent et se succèdent d’un mouvement mécanique et égal, dans une aveuglante et monotone netteté. […] Même dans l’Assommoir où Zola a de si heureuses trouvailles d’expressions familiales et populaires, il lui faut retourner à cette langue sacerdotale, solennelle, pédante, et faire éclater comme des chants d’enterrement au milieu des scènes bigarrées, pleines de vivacité et de mouvement. […] Ils se sentent emportés dans un mouvement irrésistible ; tout leur effort est d’aller à droite ou bien d’aller à gauche, et ils le donnent d’instinct.

519. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Pour parler sans métaphore, il se fait dans le domaine intellectuel un partage sur de nouvelles bases entre l’élément personnel ou subjectif fourni par l’homme et l’élément réel ou objectif fourni par la nature, et le mouvement de pendule qui fait tour à tour prédominer l’un ou l’autre continue ses régulières et larges oscillations. […] Sully Prudhomme a répondu par avance ; il a fait comme ce philosophe antique devant qui l’on niait le mouvement : il a marché. […] J’aurais terminé là tâche que je me suis proposée dans ce chapitre, si je ne tenais encore à signaler brièvement entre ces deux sections du mouvement intellectuel des rapports qui n’impliquent pas une action directe de l’une sur l’autre, mais qui révèlent un véritable parallélisme dans leur marche simultanée. […] J’aurais voulu surtout démontrer aux historiens qu’ils ne peuvent retracer le mouvement littéraire d’une époque quelconque en l’isolant du mouvement scientifique contemporain, et j’ai tâché de leur indiquer les voies où doivent s’engager leurs investigations.

520. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

. — Le mouvement wagnérien ; Bayreuth ; les anti-wagnéristes. […] La Revue Wagnérienne tâchera à donner par des statistiques une idée du mouvement wagnérien dans le monde artistique : il est considérable ; l’œuvre de Wagner accapare toute l’attention ; ainsi, à Paris, chacun s’occupe de ses drames que nul théâtre ne peut jouer. […] Cependant le mouvement wagnérien pourra-t-il résister aux terribles objections des anti-wagnéristes ? […] Vainement, on s’acharne à prolonger d’inutiles transitions, le mouvement gagne de proche en proche et déjà l’art français aspire à se renouveler. […] Français, nous sommes d’une autre humeur ; nous voulons, avant tout, des faits et du mouvement et nous n’agréons le symbole qu’inhérent à la réalité.

521. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

L’auteur n’a pas « l’intention de donner un exposé suivi et complet du mouvement poétique au xixe  siècle ». […] Nul n’est assez cruel pour exiger d’un universitaire couleur, mouvement, vie ou personnalité. […] Il lui arriva pourtant en une brochurette lourde de méthode sur l’Évolution Félibréenne de dire quelques paroles peut-être courageuses : « Beaucoup, déclare-t-il, sont entrés dans le mouvement félibréen qui ne détestaient point une façon de plus de s’imposer à l’estime de leurs concitoyens ou qui tenaient à écrire dans leur idiome local des vers qui n’auraient pas mieux valu en français. » Et encore : « Que le félibrige soit tombé en discrédit et, pour ne rien céder, se soit même rendu un peu ridicule, il est regrettable qu’il y ait des félibres à ne s’en être point aperçus. » Charles-Brun est félibre ; il n’appartient pas du moins au ridicule félibrige de Paris où pontifient toutes les semaines cinquante grotesques dont les plus connus sont Maurice Faure, ce sénateur ; Albert Tournier, ce député ; Batisto Bonnet, cette canaille ; Sextius Michel, ce gaga. […] Il découvre qu’il faut revenir au berceau, mentalement, non physiquement, et que sa victoire est antinaturelle et précaire : les mouvements des peuples vont toujours de l’est à l’ouest. Et il trouve la raison de cette loi dans le sens du mouvement de la terre.

522. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Lundi 19 février Excelsior à l’Eden, un ballet, qu’on pourrait appeler le ballet de la danse de Saint-Guy, huit cents jambes perpétuellement en l’air, dans des flamboiements et des paillons de verre de kiosques chinois, dans des feux de Bengale canailles : — une frénésie de mouvement, vous donnant une courbature, parmi de la lumière faisant mal aux yeux, comme si, on avait, trois heures, l’œil à un kaléidoscope, vigoureusement secoué. […] Aussitôt qu’une montre est volée à Londres, le voleur sait qu’il y a deux ou trois maisons, où il y a un four, toujours chauffé… Et la montre achetée, est aussitôt convertie en lingot, et le mouvement envoyé à Liverpool. Et l’on peut avoir pour rien là, un mouvement Bréguet, remis dans une cuvette d’argent. […] — Un enfant qu’on ne voit jamais lire, est destiné par avance à une carrière seulement de mouvement et d’action. […] La nuit dans la salle, et sur la scène des ombres chinoises, le chapeau sur la tête, avec tout d’abord des mouvements rêches, et une apparence de mauvaise humeur, existant toujours au commencement des répétitions.

523. (1891) Esquisses contemporaines

L’esprit se perd dans l’observation de ses surfaces, de ses mouvements et de ses lois. […] Le malade confie au papier les mouvements les plus intimes de son être, ses dernières impressions. […] Est-il juste d’établir entre les divers promoteurs d’un mouvement une telle solidarité ? […] C’est un mouvement ascendant qui l’emporte, c’est un mouvement inverse que suit Scherer. […] Supprimez le bien, le progrès se transforme en un mouvement continu, inaccessible à la raison.

524. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Le résultat a montré que la section du facial amène la perte du mouvement, et la section de la cinquième paire, la perte de la sensibilité. […] Pour le mécanicien la force est le rapport d’un mouvement à sa cause. […] En résumé, la matière vivante, pas plus que la matière brute, ne peut se donner l’activité et le mouvement par elle-même. […] Ainsi, quand un anatomiste rencontre dans une partie du corps des fibres musculaires, il en conclut qu’il y a mouvement contractile ; quand il rencontre des cellules glandulaires, il en conclut qu’il y a sécrétion ; quand il rencontre des fibres nerveuses, il en conclut qu’il y a sensibilité ou mouvement. […] Ainsi, si l’anatomiste avance, d’après ce que lui a appris la physiologie, que, quand il y a des fibres musculaires, il y a contraction et mouvement, il ne saurait en inférer que, là où il ne voit pas de fibre musculaire, il n’y a jamais contraction ni mouvement.

525. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Elle a les yeux tout gonflés des pleurs de la nuit, et est assise en une pose affaissée, ses mains molles réunies dans un mouvement de prière, inattentive à ce que vous dites, ou bien accueillant, d’un pâle sourire de politesse, les paroles qui s’adressent directement à elle. […] Et je disais à Daudet : Oui, peut-être le mouvement littéraire, baptisé naturalisme est à sa fin, il a à peu près ses cinquante ans d’existence, et c’est la durée d’un mouvement littéraire en ces temps, et il fera sans nul doute place à un mouvement autre ; mais il faut pour cela, des hommes à idées, des trouveurs de nouvelles formules, et je déclare que dans ce moment-ci, je connais d’habiles ouvriers en style, des vrais maîtres en procédés de toutes les écritures, mais pas du tout d’ouvriers-inventeurs pour le mouvement devant arriver. […] C’est peu explicable cette danse, avec ce déchaînement furibond du ventre et du reste chez des femmes, qui dans le coït, ont le remuement le moins prononcé, un mouvement presque imperceptible de roulis, et que si vous leur demandez d’assaisonner d’un peu du tangage de la femme européenne, vous répondent indignées, que vous leur demandez à faire l’amour comme les chiens. […] Le vieux banquier est accompagné de sa fille, une assez jolie fille, à l’air légèrement cocote, et qui est couchée de côté sur la poitrine de son père, dont la large main l’enveloppe et lui caresse le corps, auquel le mouvement de lacet du chemin de fer donne le mouvement d’un corps de femme qui fait l’amour. […] Et l’admirable et dévote statuette de la Prière, que cette femme, la tête au ciel, dans cette tombée toute droite de sa robe, avec l’ombre de sa coiffe sur les yeux, et les mains jointes à la hauteur de sa bouche dans un mouvement de supplication.

526. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Je n’ai pas besoin non plus de songer qu’il y ait quelque mouvement dans le monde pour entendre la nature du mouvement même ou celle des lignes que chaque mouvement décrit, et les proportions cachées avec lesquelles il se développe. […] Il n’y a pas de beauté sans la vie ; et la vie, c’est le mouvement, c’est la diversité. […] Que de mouvements gracieux ou hardis, et toujours naturels ! […] Ce mouvement de l’âme, plus ou moins vif, c’est le désir. […] Dieu, le monde, le corps peuvent produire en moi mille mouvements ; ces mouvements peuvent simuler des actes volontaires aux yeux de l’observateur extérieur ; mais toute erreur est impossible à la conscience : elle distingue avec certitude tout mouvement non voulu, quel qu’il soit, d’un acte volontaire.

527. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Les mouvements en étaient si impétueux que sa sœur Euphémie, parlant de son humeur bouillante, dit « qu’il paraît clairement que ce n’est plus son esprit naturel qui agit en lui. » Il lui arriva de quitter la science et la philosophie, d’éteindre en lui toute curiosité des choses de la nature, avant d’avoir fait choix de ce qu’il devait mettre à leur place. […] Ailleurs, prenant à partie Descartes lui-même, « Je ne puis pardonner à Descartes, dit-il ; il aurait bien voulu, dans toute sa philosophie, pouvoir se passer de Dieu ; mais il n’a pu s’empêcher de lui faire donner une chiquenaude pour mettre le monde en mouvement ; après cela il n’a plus rien à faire de Dieu. » N’y a-t-il, dans ces sévères paroles, que l’indignation du croyant contre un acte d’orgueil humain ? […] Cette ironie sur l’usage que fait Descartes de Dieu, seulement pour mettre en mouvement le monde, touche à l’injustice. […] Le même homme qui, tout à l’heure, maniait la raillerie avec la grâce de Socrate se jouant de Gorgias, entre sans effort dans les grands mouvements de l’éloquence de Démosthène. […] Si Démosthène a eu quelques avantages du côté de la matière et du théâtre, je n’en admire que plus Pascal d’avoir égalé ses plus beaux mouvements dans de simples lettres, et dans une matière dont l’intérêt devait sitôt se refroidir.

528. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Les causes de cette renaissance littéraire sont à rechercher, non pas dans le mouvement romantique de 1830, mené par Victor Hugo, alors que Delacroix battait en brèche l’école de David, mais dans la période littéraire, si peu connue, qui enterra le siècle dernier. […] Beaucoup de ces déclassés de l’aristocratie se lancèrent à corps perdu dans le mouvement ; d’autres, plus prudents, plus timorés, René était de ceux-là, hésitèrent et attendirent les événements. […] Les hommes aimaient l’action et recherchaient le mouvement, ceux qui agissaient par la pensée étaient des énergiques de la trempe de Julien Sorel, de le Rouge et le Noir et non des énervés et des affadis, comme Obermann, Amaury de Volupté et Didier de Marion de Lorme. […] Il était inactif, l’ennui le rongeait ; il avait la fièvre, et était ivre de mouvement ; il abhorrait la solitude, ainsi que Mme de Staël, que Rivarol, que Fontanes, que tous ses contemporains, ce qui n’empêche pas René de chanter menteusement l’amour de la solitude sur tous les tons, tout en s’empressant d’en sortir pour se précipiter dans le torrent des humains. […] Les hommes de ce temps se montaient la tête et tendaient leurs forces afin de sortir de leur situation, afin de s’élancer par-delà le monde tangible pour épuiser l’ardeur et la passion de mouvement qui bouillonnaient dans leurs crânes.

529. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Telles sont les anesthésies, les amnésies, les aphasies, les paralysies, tous les états enfin qui sont caractérisés par l’abolition de certaines sensations, de certains souvenirs ou de certains mouvements. […] Comme ces faits sont complexes et présentent pourtant un certain ordre dans leur complication, son premier mouvement est de les rapporter à une cause agissante, capable d’en organiser les éléments. […] On assiste à ses propres mouvements, à ses pensées, à ses actions 56. […] Immanente à la vie intérieure, elle la sent plutôt qu’elle ne la voit ; mais elle la sent comme un mouvement, comme un empiétement continu sur un avenir qui recule sans cesse. […] La perception n’échappe que par un mouvement continuel en avant, qui maintient l’écart.

530. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

L’humanité ne doute point qu’elle n’avance, parce qu’elle sent qu’elle est en mouvement. […] Le Sage a tellement le sens du réel que jusqu’à la succession des faits et le mouvement dont ils vont à l’air, chez lui, de la démarche même de la vie. […] Les succès lui sont dus, comme au fleuve les vallées profondes ; il s’y laisse aller d’un mouvement lent et sûr. […] L’intrigue n’est point nécessaire là où le mouvement dramatique est intime en quelque sorte et vient de l’évolution même des mouvements du cœur. […] Du drame ils ont l’essence, qui est la vie morale, ils ont le mouvement et la distribution aisée du mouvement.

531. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Enfin, en la mettant au premier rang, le jury a cédé à une impression unanime reçue par lui à plus d’une reprise ; il a cru couronner, et il ne s’est pas trompé, quelque chose de la naïveté, du mouvement et de la grâce de la jeunesse. […] Il y a de la verve, un mouvement impétueux ; les navires qui partent pour traverser l’Atlantique marchent bien ; les chercheurs d’or, les émigrants sont bien lancés ; le tableau de l’agitation humaine et de cette poursuite fiévreuse, qui est celle de la misère autant que de la cupidité, se dessine nettement. […] Ce mouvement, qui se soutient pendant huit strophes, atteste la force et l’adresse d’un talent éprouvé.

532. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Les armées des coalisés, d’ailleurs, en se portant d’une rivière à l’autre, et en étendant leurs bras de manière à pouvoir se donner la main dans les intervalles, ne croyaient pas se diviser, mais se déployer seulement ; elles se flattaient de n’opérer qu’un plus large mouvement de pression, un refoulement alternatif, en débordant l’armée française tantôt sur une aile, tantôt sur l’autre. […] Première faveur de la fortune, premier mouvement de joie depuis le commencement de la campagne ! […] Tous ceux, au contraire, qui voulaient à tout prix l’inviolabilité du cœur de la nation ; aux yeux de qui le triomphe de la double invasion avait été la plaie saignante dont on ne s’était pas relevé encore, la plaie intestine qui, même guérie et fermée en apparence, continuait de gêner les mouvements, de paralyser la force et la pleine action de la France ; tous ceux qui, en 1814, avaient pensé comme les soldats de Fontainebleau, et comme aujourd’hui encore M. 

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