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1032. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Grandeur mal composée où se combinent tous les éléments matériels et dans laquelle n’entre aucun élément moral. […] Les éléments et les principes se mêlent, se combinent, s’épousent, se multiplient les uns par les autres, au point de faire aboutir le monde matériel et le monde moral à la même clarté.

1033. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

« M. de Balzac, dit-il, explique avec tant de force ce qu’il entreprend de traiter, il l’enrichit de si grands exemples, qu’il y a lieu de s’étonner que l’exacte observation de toutes les règles de l’art n’ait point affaibli la véhémence de son style ni retenu l’impétuosité de son naturel… Plus une personne a d’esprit, ajoute-t-il, et plus infailliblement elle est convaincue de la solidité et de la vérité de ses raisons, principalement lorsqu’elle n’a dessein de prouver aux autres que ce qu’elle s’est auparavant persuadé à elle-même. » Plus loin, parlant du caractère moral et des écrits de Balzac : « Il y a, dit-il, dans ces écrits une certaine liberté généreuse qui fait voir qu’il n’y a rien de plus insupportable que de mentir2. » Descartes interprète en bien même sa vanité, disant que Balzac ne parle de lui avec avantage que par l’amour qu’il porte à la vérité, et par une générosité naturelle. […] Les lettres de Balzac sont des réflexions morales et politiques sur les événements de l’époque.

1034. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

. — Un état d’épuisement physique et moral, de prostration, devait nécessairement suivre ; aussi, la dernière note écrite, se hâta-t-il de prendre un congé. […] On abuse aujourd’hui du mot de pessimisme, qui, pour beaucoup de personnes, est un terme d’opprobre sans signification précise, que d’autres appliquent indifféremment à une théorie philosophique et à un état moral ; dans ce dernier sens, on peut qualifier Lohengrin d’œuvre pessimiste, par excellence. — Or, la foi, l’affirmation, exigent un effort ; affirmer est toujours créer ; le doute n’exige que l’abstention d’une faculté.

1035. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Certes, l’admirable disposition de la scène de Bayreuth, l’orchestre invisible, la salle obscure, devait donner à la représentation de Tristan une beauté spéciale ; encore, le très grand soin mis aux scéneries (décorations, plastiques, mimiques) ; mais ce qui transforme Tristan, c’est surtout l’effet acoustique de l’agencement des instruments de l’orchestre et l’effet tout moral du milieu. […] De l’effet moral produit par l’agencement du théâtre, il a été souvent question.

1036. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Flaubert, si l’intérêt moral est nul, en admirerai-je du moins les parties extérieures ? […] Flaubert pourquoi les qualités morales, par une transposition naturelle, peuvent convenir au silence, pourquoi on peut aussi le placer, comme dirait Kant, sous les catégories du temps et de l’espace, pourquoi l’on dit dans toutes les langues du monde un silence triste, doux, lugubre, effrayant, paisible, solennel, ou bien un long silence, un éternel silence, et pourquoi enfin, même dans le patois le plus barbare, un silence énorme est impossible ; rompu à tous les manèges du style, M. 

1037. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Difficulté, souffrance et lutte, et bientôt amertume, colère et rage, le secret poétique et moral de M. de Latouche est là tout entier. […] Ce personnage ouvert et chevaleresque, qui dirigeait les Beaux-Arts et l’Opéra dans un sens moral, était chaque semaine très harcelé dans Le Mercure ; il crut tout simple de faire parler à son bon voisin de campagne, M. de Latouche, pour lui demander une trêve ou la paix.

1038. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Cet état de choses a donné lieu, à la suite du nombre croissant des naturalisations, à la formation d’un groupe important de nouveau-venus qui apportent de leurs pays d’origine une hérédité, des traditions, des coutumes et des idées morales, différentes de celles qui ont été élaborées chez nous au cours des siècles. […] C’est ainsi que d’une part, la doctrine kantienne de l’impératif catégorique, adaptation du christianisme à la philosophie, promulgation d’un dogme moral tiré de la raison, universel et sans nuances, n’a pas trouvé de plus fervents adeptes que les universitaires juifs.

1039. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

2 août Par la littérature qui court, c’est vraiment un noble type littéraire que ce Saint-Victor, cet écrivain dont la pensée vit toujours dans le chatouillement de l’art ou dans l’aire des grandes idées et des grands problèmes, couvant de ses amours et de ses ambitions voyageuses la Grèce d’abord, puis l’Inde qu’il vous peint sans l’avoir vue, comme au retour d’un rêve haschisché, et poussant sa parole, ardente et emportée et profonde et peinte, autour de l’origine des religions, parmi tous les grandioses et primitifs rébus de l’humanité : curieux des berceaux du monde, de la constitution des sociétés, pieux, respectueux, son chapeau à la main devant les Antonins, qu’il appelle le sommet moral de l’humanité, et faisant son évangile de la morale de Marc-Aurèle, ce sage et ce si raisonnable maître du monde. […] * * * — A-t-on jamais songé à l’être moral que doit faire le fils d’un restaurant, conçu aussitôt après que son père a donné l’ordre aux garçons d’ajouter le numéro du cabinet à l’addition des soupers de la nuit ?

1040. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Notre poésie française, heureusement, a été dans notre siècle de plus en plus animée d’idées philosophiques, morales, sociales. […] En somme Lamartine, qui se souvient de la quiétude des classiques plus qu’il ne pressent les agitations des modernes, n’est qu’assez légèrement affecté encore par toutes ces questions morales, philosophiques et religieuses qui préoccuperont nos poètes contemporains.

1041. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Il y a les fables qui sont des contes, et quoique je vous en aie parlé trop brièvement à mon gré, je n’en reparlerai pas aujourd’hui ; — il y a les fables que j’appellerai zoologiques, en vous demandant pardon du pédantisme du terme, c’est-à-dire qu’il y a des fables où figurent des animaux et seulement des animaux   il y a, en troisième lieu, les fables que j’appellerai d’un mot encore plus pédantesque, mais il n’y en a pas d’autre, ce me semble, les fables naturistes, c’est-à-dire les fables où l’anecdote n’est qu’un prétexte à une description ou à une narration de la nature, les fables où le fond du petit poème est un aspect ou plusieurs aspects successifs de la nature ; — enfin, il y a des fables qui ne sont plus du tout des fables et qui ne sont que des discours philosophiques ou moraux ; le mot discours peut vous paraître un peu trop fort, un peu trop solennel, encore que La Fontaine l’ait employé lui-même, je dirai : il y a des fables qui sont des causeries philosophiques et morales et qui ne sont presque pas autre chose.

1042. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

je n’ai pas parlé des morales, dont les qualités intellectuelles doivent être doublées pour qu’il y ait un grand critique… La sincérité, la sécurité, l’autorité… Sainte-Beuve y tenait peu, et son siècle peut-être y tient encore bien moins que lui ! […] Quoiqu’il fût de la race de ces esprits sensuels, égoïstes, mais faciles et qui recouvraient de formes aimables leur égoïsme et leur absence de sens moral ; quoiqu’il fût bien de la lignée des Saint-Évremond, des Fontenelle, des Prieur de Vendôme, des Chaulieu, etc., il n’avait pas leur rondeur ou la grâce de leur négligence, à ces égoïstes spirituels ; il restait pointu et à l’affût, toujours rat, toujours un brin féroce… Voluptueux qui ne lâchait jamais sa ceinture, mais qui, au contraire, la rebouclait sans cesse pour l’article, vous n’étiez jamais pour lui que l’intérêt d’un renseignement à deux pattes.

1043. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Les principes, la conscience, les questions morales qui dorment sous le sol de l’histoire, et qui en sont le feu central et la vie, tous ces profonds problèmes, qui forment le sens même de la Destinée humaine, ne lui importent guère. […] Il veut être moral ; le sujet qu’il traite ne l’est point.

1044. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Il est fort concevable que la franchise de Zola ait rencontré, dès la première heure, un acharnement et une férocité d’insultes dont la bassesse émanait de ce « groupe de puritains jésuites boutonnés dans leur redingote, ayant peur des mots, tremblant devant la vie, voulant réduire le vaste mouvement de l’enquête moderne au train étroit de lectures morales et patriotiques »10. […] Et Zola, qui n’en poursuit pas moins gravement son œuvre, est donc une deuxième fois accablé d’injures et de moqueries par le groupe idéaliste et symboliste, comme il l’avait été par les écrivains « moraux » au début de sa carrière.‌

1045. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

« À un certain point de civilisation, il y a trop de pensées diverses, de fois différentes, de sciences inégales, de morales particulières et d’éducations dissemblables. […] La civilisation occidentale impose aux races qu’elle réunit la multiplication des différences individuelles en même temps que l’élimination des différences collectives : et en conséquence, par les effets moraux de ce processus biologique, elle prépare déjà les esprits à recevoir l’idée de l’égalité des hommes.

1046. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

Ingres sectateur de l’antique beauté, des vers à la mémoire de ce Georges Farcy que sa mort a révélé à la France, et qui eût aimé ce livre s’il avait vécu, et qui, en le lisant, eût envié de le faire ; partout une nature élégante et gracieuse à laquelle le cœur se confie ; partout de bienveillantes images et un pur désir du beau : le doux Virgile en robe traînante et les cheveux négligés, s’appuyant sur le bras de Mécène au seuil du palais d’Octave ; un doute tolérant et chaste, la liberté clémente ; Jésus homme ou Dieu, dit le poëte, mais qui possède à jamais l’univers moral, et qui, s’il doit mourir, ne mourra que comme le père de famille, après que toute sa race, la race des fils d’Adam, sera pourvue ; — ce sont des vers comme ceux-ci, inspirés par le joli pays de Livry, que Mme de Sévigné chérissait déjà : ……….

1047. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Mais il s’arrête longtemps à ce qui précède l’accès : il nous fait revoir dans la rêverie du roi toutes les déceptions de son triste règne, les désillusions de son simple cœur ; ce sont les antécédents moraux de la folie ; il remet à deux fois sous nos yeux la température torride, les sables ardents, l’atmosphère étouffante, il note l’étrange apparition, quelque insensé sans doute : ce sont les antécédents physiques.

1048. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Les sciences morales se détachent de la théologie, et se soudent aux sciences physiques.

1049. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Je crois que cette morale, dans le détail de ses prescriptions, doit coïncider, sur les points essentiels, avec la partie durable des morales religieuses et de celle qui est fondée sur une philosophie spiritualiste.

1050. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IX. L’antinomie politique » pp. 193-207

Bouglé, « Les conséquences morales de l’entrecroisement des groupes » (Revue bleue du 29 décembre 1906).

1051. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

n’était-elle pas de celles qui donnent à l’esprit le plus d’étendue et de lumières, qui s’allie ni le plus naturellement et le plus étroitement aux qualités morales, au perfectionnement de la raison, au sentiment du beau et du grand, à la délicatesse du goût, et se prêtent le mieux aux plaisirs d’une imagination sage et réglée ?

1052. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

Où l'Orateur se plaît sur-tout à nous promener, c'est dans le monde physique, dans le monde moral, le monde politique, le monde intellectuel…… Le plus doux de ses plaisirs est d'imprimer le respect, d'imprimer la crainte, d'imprimer à, d'imprimer sur, d'imprimer au dedans, d'imprimer au dehors…… Si nous le suivons dans des phrases de plus longue haleine, il nous dira d'abord que les passions, comme un limon grossier, se déposent insensiblement en roulant à travers les Siecles, & la vérité surnage ; que la Nature varie par des combinaisons infinies les facultés intellectuelles de l'homme, comme les propriétés des êtres physiques *.

1053. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

Le mal moral du mensonge réside dans le dessein de flatter, d’affliger, de tromper ou de nuire.

1054. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

, un être rare, plus moral et plus sentimental que politique, patriotique et littéraire !

1055. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

Il y a de l’effort, de la recherche courageuse et persistante, de la patience, du dévouement, des vertus ; car on fait un dictionnaire bien plus avec des qualités morales qu’avec des qualités intellectuelles, — et c’est pourquoi il y en a si peu de bons.

1056. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Cette théorie, d’une si originale simplicité qu’elle plonge l’esprit dans l’étonnement qu’inspirent ces vers qui semblent si faciles à trouver, et pour lesquels cependant il ne fallait rien moins que du génie, cette théorie, que son auteur a exposée dans son écrit intitulé : Symbolisme dans l’Architecture, est intégralement, pour qui sait l’y voir, en cet axiome, d’une concentration si profonde ; « L’art tout entier est symbolique de l’état matériel, moral et intellectuel de l’humanité aux diverses époques de son développement. » Mais, de cette profonde concentration, Daly l’a puissamment tirée.

1057. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Fréron eut aussi son combat des Trente, mais il était seul et les Trente étaient contre lui… Dans l’ordre moral, Fréron fut un héros… Dans l’ordre intellectuel et littéraire, voyons ce qu’il fut, et si le talent de l’écrivain et du critique fut aussi grand que l’âme du héros.

1058. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

Elle lui aurait appris que le nécessaire intellectuel et moral de l’homme doit être prêt et complet avant cet âge décisif et funeste, et que la conscience ne s’improvisait pas en quelques leçons, au bout de l’enseignement du collège, comme l’art de danser ou de tenir la bride de son cheval !

1059. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Le René de Chateaubriand, qui fut Chateaubriand lui-même, était un Argan idéal et tragique ; mais Vauvenargues, ni au physique ni au moral, n’était un malade imaginaire.

1060. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Abailard craint le mépris du monde, non dans ce qu’il aurait de mérité et de légitime ; il le craint, non pas pour l’homme moral, si coupable en lui, mais pour l’homme physique qui n’est plus.

1061. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

Sophie Arnould, parce qu’elle était une puissance, a été traitée comme toutes les puissances, qui sont, un jour, vilipendées par ceux qui les ont le plus lâchement subies… Elle était un prodige d’esprit : on en a fait un monstre moral et physique.

1062. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Le René de Chateaubriand, qui fut Chateaubriand lui-même, était un Argan idéal et tragique ; mais Vauvenargues, ni au physique, ni au moral, n’était un malade imaginaire.

1063. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

Il le craint, non pas pour l’homme moral, si coupable en lui, mais pour l’homme physique qui n’est plus.

1064. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

Charles de Rémusat a reculé devant un type de femme qui n’avait pas effrayé Pope, ce poète moral, et, plus prude que le chaste Anglais, il nous a donné une Héloïse bas-bleu moderne en langage très moderne, mêlant joliment, et dans une bonne nuance, la métaphysique à l’amour ; — un bas-bleu comme il pouvait s’en trouver un, du reste, dans la société de Charles de Rémusat (de l’Académie française).

1065. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

Il est, enfin, non moins épouvantablement certain que cette philosophie de lâche est aussi dans la sensation recherchée des peuples abêtis et énervés qui n’ont ni Dieu pour couronnement de leurs civilisations, ni devoir, ni sens moral, ni rien de la substance qui fut une âme, et qu’ils sont dégoûtés jusque de porter le poids de leurs dernières corruptions !

1066. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

Dumas, l’épicurien sentimental, qui croit, comme madame de Staël, que le but légitime de la vie est le bonheur individuel et non pas le perfectionnement moral, n’a pas mis à côté des idées de madame de Staël une idée qui prouvât à cette glorieuse jupe que l’homme, en matière d’État, est, comme en tout, au-dessus de la femme… Pour mon compte, j’accepte le tranchant de la hache qui a coupé une tête de plus dans nos institutions.

1067. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

D’autres raisons moins spéciales, mais non moins décisives, font de cette imposante publication presque un livre de circonstance, et ces raisons consistent principalement dans l’influence possible, dans l’effet moral et pratique qu’une semblable publication doit avoir sur les masses à qui elle s’adresse, — car, avec sa traduction française et ses gravures, elle s’adresse encore plus aux masses qu’aux penseurs et aux esprits lettrés.

1068. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

Assurément l’Allemagne est un pays excellent, et peut-être le plus naturellement moral de l’Europe ; mais moi qui ne crois absolument qu’aux moralités surnaturelles, je m’imagine qu’il ne peut y avoir qu’un Ordre religieux qui puisse faire avec perfection ce fatigant service de nuit et de jour des chambres mortuaires.

1069. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

Les mœurs adoucies, restées longtemps féroces et insolentes (voir l’histoire de Vardes et de Bussy, pages 61 et 69), l’état moral, la corruption de la justice et celle des femmes, — qui n’ont rien d’ailleurs de commun avec la justice, — la désorganisation du clergé, telle que la plupart des prêtres ne savaient plus la formule de l’absolution et que saint Vincent de Paul raconte que, seulement à Saint-Germain, il a vu huit prêtres dire la messe de huit façons différentes, tous ces honteux et dégradants côtés du xviie  siècle sont arrachés ici aux solennelles draperies dont Bossuet, Voltaire et Cousin ont couvert successivement une époque qui n’a eu — ainsi que je l’ai dit plus haut — toute sa force et toute sa beauté que sous la toute-puissante compression de la main de Louis XIV, — de ce Louis XIV qui pouvait également dire : « L’État, c’est moi !

1070. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

Malgré la sympathie et l’estime que nous avons pour les intentions morales et la conscience littéraire de M. 

1071. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

C’est un sentimental, et la sentimentalité, dans l’ordre esthétique et moral, est encore quelque chose.

1072. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

… Le dix-neuvième siècle de l’en-bas, du petit journal bien infect, de l’homme de lettres plus ou moins avarié, de l’actrice, de l’atelier, du café et des divers argots que l’on parle en ces endroits-là ; le dix-neuvième siècle qui n’existe qu’à Paris, et encore à cinq ou six places dans Paris, entre quinze cents drôles et quinze cents drôlesses à peu près, le dix-neuvième siècle qui, par ses affinités et ses ressemblances morales avec le dix-huitième siècle, attire le plus l’imagination de MM. de Goncourt.

1073. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

Quel est le sens esthétique ou moral, mais quelconque, de ce livre sans caractère tranché, fait de miettes et de petits souvenirs rapprochés, qui ne sait être nettement ni un roman d’idée, comme Don Quichotte, ni un roman de cœur, comme La Princesse de Clèves, ni un roman de nature humaine ou de mœurs, comme Gil Blas, ni même un roman d’aventure, comme le Roman comique de Scarron, car avec les comédiens qui emplissent le roman du Capitaine Fracasse, M. 

1074. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

Il y est caché au fond du grand poëte ; et parce qu’il y est, faute de sujets moraux et grands, faute d’idées, faute de grandes croyances, faute d’imposantes certitudes, on peut dire hardiment que c’est le Bohême qui l’y a mis !

1075. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Voici l’une de ces lettres (en date du 20 janvier 1917) :‌ Non, je ne crois pas, comme vous le déclarez, que le niveau moral de l’armée ne soit plus en 1917 aussi élevé qu’en 1914.

1076. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

Quelque jugement qu’on porte sur le caractère moral de ce ministre, le premier de son siècle, et fort supérieur aux Bukingham et aux Olivarès qu’il eut à combattre, son nom, dans tous les temps, sera mis bien loin hors de la foule des noms ordinaires, parce qu’il donna une grande impulsion au-dehors ; qu’il changea la direction des choses au-dedans ; qu’il abattit ce qui paraissait ne pouvoir l’être ; qu’il prépara, par son influence et son génie, un siècle célèbre ; enfin, parce qu’un grand caractère en impose même à la postérité, et que la plupart des hommes ayant une imagination vive et une âme faible, ont besoin d’être étonnés, et veulent, dans la société comme dans une tragédie, du mouvement et des secousses.

1077. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

Lors donc qu’un genre a été traité par quelques grands hommes dans un pays ou dans un siècle, pour exciter un nouvel intérêt, et avoir des succès nouveaux, il faut attendre que les idées prennent un autre cours, par des changements dans le moral, dans le physique, et peut-être par des révolutions et des bouleversements.

1078. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

À vrai dire, et sauf cette merveilleuse souplesse du génie grec qui lui permit plusieurs retours et plusieurs Renaissances avant sa ruine, l’empire d’Alexandre, où il ne resta qu’un grand esprit, pour analyser tout ce que le monde avait su et fait jusque-là, fut à la fois la date de l’agrandissement démesuré de la Grèce et de son déclin moral.

1079. (1887) George Sand

Elle était tombée dans un désarroi intellectuel et moral, dans une mélancolie qu’elle n’essayait même plus de combattre. […] Ce seront d’abord les préoccupations personnelles, religieuses et morales qui domineront son esprit et ses œuvres. […] C’était du moins l’expression de ses réflexions habituelles, de ses agitations morales, d’une partie de ses souffrances réelles ou factices ; ce n’était pas sa vie, soit, c’était le roman ou le drame de sa vie, tel qu’elle l’avait conçu sous les ombrages de Nohant. […] De quelles coupables lâchetés de cœur, de quelles perfidies, de quelles défaillances morales on la rend ainsi involontairement complice ! […] Aujourd’hui, quand la vie, surmenée par le travail des affaires, est contrainte au repos, quelle ressource lui reste dans ce vaste désert des idées qui représente le monde intellectuel ou moral pour la majorité des hommes ?

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