L’éloge de Lucilius ; la description des bains de Baïes ; les différentes classes de sages ; que peu d’hommes connaissent leurs défauts ; les infirmités auxquelles notre philosophe était sujet ; la maison de Vatia, à l’entrée de laquelle on aurait pu graver, comme au fronton de la plupart de nos palais : CI-GIT LE BONHEUR ; son séjour à Baïes ; la possibilité de méditer, d’étudier, d’écrire au milieu du tumulte ; du premier mouvement dans la passion ; de la division des êtres, selon Platon ; de la disette de la langue latine ; de la différence de la joie et de la volupté ; de l’objet méprisable des vœux et des prières du vulgaire ; de la soumission du sage à la nécessité : « La nécessité n’est que pour le rebelle ; le sage n’obéit point au destin ; ils veulent tous deux » ; voilà ce qui remplit l’espace de la Lettre XLIXe à la LXIIe , où notre philosophe se reproche d’avoir pleuré sans mesure la perte de son ami Sérénus, et nous dit : « Vous avez inhumé votre ami ; eh bien, cherchez quelqu’un à aimer » ; comme si ce quelqu’un-là se trouvait en un moment. […] Et cette tendresse qu’on laissait éclater à ma rencontre, cette joie ingénue qui se déployait à mon approche, je la cherche, et je ne la trouve plus ! […] Soldats, tuez ces infâmes usuriers qui ont perdu les registres de rapines sur lesquels ils attachaient des regards pleins de joie, et qui, dans leur désespoir, offrent leurs poitrines nues à la pointe de vos glaives ; mais ce tigre qui semble s’amuser du désastre de sa ville et qui foule d’un pied tranquille les cadavres de ses parents, de ses amis, de ses concitoyens, ne l’épargnez pas. […] Sénèque ajoute dans un autre endroit : « Votre règne est plein d’allégresse… » Alors la terreur ne couvrait pas la capitale de ses voiles sombres ; alors toute la joie de Rome n’était pas renfermée dans le palais, et ne consistait pas dans les débauches nocturnes et les fêtes crapuleuses de la cour. […] Cependant un grand roi393 le composait sous sa tente ; cependant une grande souveraine394 acquérait sa bibliothèque, lui ordonnait un sanctuaire dans son palais, et écrivait à sa nièce : A la nièce d’un grand homme qui avait de l’amitié pour moi… Et tandis que je m’occupe à faire rougir ses ennemis de l’indécence effrénée de leurs apostilles, on le couronne sur notre théâtre, dans cet endroit où il avait si souvent excité les transports de l’admiration, versé dans nos âmes la terreur, la commisération, et fait répandre tant de larmes ; où, la première fois qu’il se montra, la nation, pénétrée de respect, s’était inclinée devant lui, et où nos grands seigneurs avaient présenté leurs hommages au vieillard attendri qui pleurait de joie, et qui disait : Vous voulez donc me faire mourir !
C’est cela qui empoisonne toutes les joies des hommes. « Si on y songeait, si on n’était pas distrait, réjoui et aveuglé par tout ce qui se passe devant nous, on ne pourrait plus vivre, car la vue de ce massacre sans fin nous rendrait fous17. » Encore si elle n’était que probable, cette mort ! […] Ailleurs il se demande : « Que sont nos pauvres petits plaisirs intellectuels auprès des grandes joies animales de la vie physique ? […] Avant d’être un enseignement pour l’esprit, la peinture est une joie pour les, yeux, la musique est une volupté pour l’oreille. […] Elles passent ainsi, sans liberté et sans joie, une existence monotone que continueront leurs filles.
L’auteur a beau s’en cacher : cette vie des champs, où il semble qu’il nous appelle par horreur des dépravations urbaines, le mal y prime encore le bien : les joies y sont rares, la lutte tout aussi âpre et tragique qu’à la ville. […] Et comme on prend part à leurs petites misères, à leurs joies de rien, à cette vie végétative et douce, et que confine l’orée d’un champ ! […] certes, avec la joie et la folie de leurs jeunes sens, avec de rapides voluptés de colombe.
Il dit quelque part, à l’occasion des joies secrètes et des mille ambitions flatteuses mises en mouvement par une mort de prince : « Tout cela, et tout à la fois, se sentait comme au nez. » 94.
Sur le seuil d’une auberge de campagne, deux petites filles, l’une de deux ans, l’autre de dix-huit mois, se balancent aux rayons du soleil couchant sur une escarpolette d’anneaux de fer placés sous une charrette ; l’aubergiste, assis sur sa porte, les berce avec une ficelle attachée à sa main, et les fait crier de joie à chaque gémissement métallique de l’escarpolette improvisée.
Jamais la joie, toujours l’extase.
Aussi, pour apprécier les poètes chrétiens de notre temps, les plus sérieusement religieux comme les plus légers, M. de Lamartine comme Thomas Moore, il faut bien distinguer leur véritable inspiration, leur pensée lyrique, leurs tristesses ou leurs joies, sous ces voiles chrétiens dont se pare leur muse.
Il avait souscrit avec joie à la réconciliation des jansénistes et des jésuites en 1668 ; il ne fit rien désormais pour la troubler.
Nous savons chiffonner d’une main osseuse la guimpe des vieilles Muses, et nous accrocher, quand nous voulons rire, à la queue des sourds satyres, amoureux de la joie et de la folie.
examinez bien ; vous verrez que, depuis l’âge de la maturité, il n’y a plus de véritable joie pour lui. […] « Les bonnes œuvres n’ont jamais cessé de l’occuper, et il versa beaucoup de larmes, quelques jours avant sa mort, en apprenant qu’une pauvre femme qu’il avait recommandée au ministre des finances venait de recevoir une somme considérable : une joie pure colora pour la dernière fois son noble visage, et, regardant le ciel, il remercia Dieu avec attendrissement… » Il expira le 26 février 1821, à l’âge de près de soixante-huit ans.
En cet état, l’âme, absorbée dans une contemplation sans fin, devenait indifférente même à sa condamnation éternelle, pour peu qu’elle la crût dans les vues de Dieu, et y souscrivait avec une sorte de joie. […] Je ne compte pour rien non seulement mon livre, que j’ai sacrifié à jamais avec joie et docilité à l’autorité du Saint-siège, mais encore ma personne et ma réputation. » C’est toujours, et jusqu’à la fin, l’opiniâtreté qui persiste sous la résignation, et une admirable vertu qui purifie et rend aimable toute cette conduite.
de plus en plus réservé au silence et à la joie intime du lecteur. […] Art comique et tragique librement mêlé, glissant d’un plan à l’autre et ménager de l’antithèse, où la douleur fond dans la joie, le sourire dans les pleurs, où la vie se montre diverse, mais tissée dans la même soie, par le miracle d’une poésie qui unifie les sentiments sans les fausser.
Le rêve généreux de Fénelon et de Massillon allait être le rêve du xviiie siècle : l’histoire de l’humanité se déroulant comme une longue pastorale à travers les siècles futurs, des rois sensibles et des peuples reconnaissants, « une aimable domination sur le trône95 », la joie partout et partout l’abondance, « des bergers et des laboureurs célébrant leurs hyménées », que sais-je encore ? […] qui m’avez accordé cet enfant, si je manque aux soins que vous m’imposez en ce jour, ou s’il ne doit pas y répondre, ne regardez point à la joie de sa mère, reprenez-le ! […] Il faut voir la joie déborder de ses lettres : « Non, je ne crois pas, écrit-il à Tanucci, que Votre Excellence s’imagine tout le bien qu’elle m’a fait… Je marche maintenant de pair avec les ministres de Portugal, de Suède, de Russie…, J’ai ma place dans la chapelle du roi et, pour tout dire, je suis l’égal du prince Galitzin. » Le voilà désormais plus d’à moitié sauvé. […] « Élevez son buste ou sa statue sur un piédestal, entrelacez autour de ce piédestal la corne d’abondance, faites-en sortir tous les symboles de la richesse ; contre ce piédestal appuyez mon épouse ; qu’elle verse des larmes de joie ; qu’un de ses bras posé sur l’épaule de son enfant, elle lui montre de l’autre notre bienfaitrice commune ; que cependant la tête et la poitrine nues, comme c’est mon usage, l’on me voie portant mes mains vers une vieille lyre suspendue à la muraille. » Là-dessus il prétend qu’un artiste ami lui répondit : « Je vois le tableau », mais je crois qu’il se vante. […] Il me semble que c’est bien quelque chose déjà, si ce n’est presque tout, dans un art qui comme la peinture ne saurait parler à l’esprit que par l’intermédiaire du plaisir et de la joie des yeux !
Le pittoresque fragmentaire qui éblouit par sa diversité, le monde de la sensation colorée, la joie de l’excitation tonique, voilà ce qu’à la suite de la peinture la littérature classique trouve dans le voyage une confirmation, le pèlerinage romantique y cherche une rénovation, y rencontre bien vite une répétition. […] Sa discipline n’est pas de ces choses que l’on ne chercherait pas si on ne les avait trouvées, mais de celles que l’on n’aurait pas trouvées si d’abord elles ne vous avaient manqué, que l’on n’aurait pas magnifiquement trouvées si d’abord il ne les avait fallu consciemment créer, — et que l’on n’aurait pas la joie toujours renaissante de recréer, si, comme le berger devenu roi reprend parfois sa houlette et sa cape on ne savait dans quel chœur d’images les mêler, les dissoudre, les reconnaître et les retrouver. […] Il est de ceux qui peuvent fondre en un personnage les sentiments qu’une froide logique apercevra comme les plus contradictoires : la ligne de vie, saisie par l’intuition du romancier, n’en déploie que plus de souplesse et de joie à tout réunir par une courbe unique, à dresser devant nous une figure qui demeure. […] S’il s’était épanoui en liberté au lieu de se restreindre en profondeur, il eût trouvé sa voie, ou du moins sa joie, dans une résurrection du style rabelaisien, dans un Pantagruel du xixe siècle, où ce géant normand eût englouti ses bonshommes de la Bovary et de l’Éducation, ses ombres chinoises de Salammbô et de la Tentation, comme Gargantua fait des six pèlerins avec sa salade, les arrosant d’un horrible traict de vin pineau. […] On lui a su gré de ne pas avoir écrit dans la joie, mais dans les sueurs et la peine.
mon pauvre frère chéri, si tu veilles sur mes enfants, si tu me remplaces auprès d’eux, il faut bien aussi que tu aies ta compensation et que ton cœur bondisse comme le mien de joie et de fierté au récit de mes succès, où tu es pour bonne part, ami, car je n’ai jamais donné deux coups de sabre aux Bédouins sans qu’il y en ait eu un à ton intention, et l’autre dans la pensée de mes enfants… Est-ce que tu n’as pas l’intention de demander bientôt une bourse pour mon fils ?
Pour ceux dont le fléau de la Terreur avait ravagé la famille et contristé l’enfance ; sur qui Fructidor avait passé comme un dernier nuage sombre ; qui s’étaient émus aux récits de Sinnamari et avaient salué avec espérance le rétablissement du culte et des lois ; pour ceux qui avaient épousé le Consulat, mais non pas l’Empire, et que cette dictature militaire comprimait comme un poids de plus en plus étouffant, pour ceux-là 1814 fut une joie bien légitime, une délivrance.
Ses plus grandes joies, c’est de s’asseoir près de Julie sous prétexte d’une partie de domino ou de solitaire, c’est de manger une cerise qu’elle a laissée tomber, de baiser une rose qu’elle a touchée, de lui donner la main à la promenade pour franchir un hausse-pied, de la voir au jardin composer un bouquet de jasmin, de troëne, d’aurone et de campanule double dont elle lui accorde une fleur qu’il place dans un petit tableau : ce que plus tard, pendant les ennuis de l’absence, il appellera le talisman.
Ayant démêlé en nous les précédents et les suites de la peur, de la douleur, de la joie et en général, de tel ou tel état interne, nous reproduisons pour lui ces précédents ou nous constatons chez lui ces suites, et nous concluons que l’état interne et intermédiaire, qui, visible chez nous, est invisible chez lui, a dû se produire chez lui comme chez nous.
Sa joie fut vive en trouvant sa prévoyance si bien justifiée ; il revint se placer sur le terrain élevé où il avait bivouaqué, et d’où il embrassait toute l’étendue de ce champ de bataille.
Ô délicieux déclin des jours, repas divin, où, en présence des dieux de mon humble foyer, je me restaure avec mes amis, au milieu d’heureux serviteurs auxquels je fais distribuer les mets de la même table à mesure qu’on les dessert, et dont la rustique joie me réjouit moi-même !
Quand je vous aurai dit des yeux bleu de mer azurés jusqu’à la nuit par l’ombre des voiles ; des cheveux de fils de la Vierge brunis au feu du soleil ; des joues de pêche veloutée dont le velours renaissait tous les matins comme pour tamiser le jour sur une peau d’enfant ; des couleurs nuancées et fondues où le blanc et le rose ne formaient qu’une teinte ; un regard qui s’ouvrait et se refermait sous des cils ruisselants d’ombre ou de lumière ; des lèvres où la langueur pensive ou la joie épanouie donnait toutes les inflexions de l’âme ; un sourire qui caressait l’air ; une taille ni grande ni petite, mais qui, par sa flexibilité, se prêtait à la majesté autant qu’à la grâce ; une démarche de reine ou de bergère tour à tour ; un étonnement de l’impression qu’elle faisait partout, comme si les regards de la foule eussent été autant de miroirs qui lui répercutaient sa figure et qui la faisaient rougir de sa miraculeuse beauté ; les pas qu’elle entraînait sur sa trace ; les murmures d’admiration qui s’élevaient à sa vue ; les exclamations mal contenues ; les femmes charmées, mais jalouses ; les hommes attirés, mais contenus par le respect de tant d’innocence sous tant d’enivrements ; quand je vous aurai dit tout cela, je ne vous aurai rien peint de visible à votre imagination.
Les religions antiques étaient les religions des joies de l’homme, des fêtes de la vie.
il lui donne la joie matérielle de l’œil, voilà tout.
Parce qu’il a pris le pouvoir et qu’il l’a gardé toute sa vie, parce que sa litière orgueilleuse entrait dans les villes par la brèche, parce que notre esprit le revoit toujours montant ou descendant le Rhône sur les coussins de sa barque dorée, comme un Satrape appesanti ou rêveur, nous nous imaginons qu’il avait la joie disputée, conquise et superbe des possesseurs de ce qu’ils aiment, et cependant il ne l’eut jamais !
Cette pièce réussit beaucoup dans une cour qui ne respirait que la joie, et qui au milieu de tant de plaisirs, ne pouvait critiquer avec sévérité un ouvrage fait à la hâte pour embellir la fête.
« Son visage, dit mon historien, qui eût pu passer dans un besoin pour un répertoire du caractère des passions, épousait toutes celles de la pièce l’une après l’autre, et se transformait comme un caméléon, à mesure que les acteurs débitaient leur rôle : surtout le jeune Britannicus, qui avait quitté la bavette depuis peu, et qui lui semblait élevé dans la crainte de Jupiter Capitolin, le touchait si fort, que le bonheur dont apparemment il devait bientôt jouir l’ayant fait rire, le récit qu’on vint faire de sa mort le fit pleurer ; et je ne sais rien de plus obligeant que d’avoir, à point nommé, un fond de joie et un fond de tristesse au service de M. […] Quelques-uns ayant osé le prier de chanter pendant le repas, et s’étant extasiés sur la beauté de sa voix, il s’écria dans le transport de sa joie : « Il n’y a que les Grecs qui sachent m’entendre ; eux seuls sont dignes de moi et de mon art. » Il voulut qu’on établît à Olympie, contre l’usage, un concours de chanteurs et de citharèdes ou joueurs de cithare, instrument alors aussi à la mode que l’est aujourd’hui le violon : il y remporta le prix, et la nouvelle de sa victoire fut portée jusqu’à Cadix, où l’on s’imagina qu’Olympie était un royaume nouveau dont Néron avait fait la conquête. […] Boileau l’a défendu en poète, et l’abbé d’Olivet, qui ne fut jamais qu’un grammairien, a soutenu la cause de la poésie, qui lui était très étrangère, avec un enjouement plus étranger au caractère de son style : « Ce qui m’étonne, dit-il, c’est qu’un flot épouvanté ait pu scandaliser dans une scène où il s’agit d’un monstre envoyé par Neptune, et dans une tragédie dont l’héroïne est petite-fille du soleil… Quand on aura obtenu de mon imagination qu’elle laisse passer Neptune et le monstre qu’il envoie, rien n’empêche qu’on ne donne du sentiment à un flot, et qu’on ne puisse le peindre orgueilleux, humble, menaçant, soumis, avare, prodigue, humain, cruel, épouvanté, irrité, se cachant de honte, bondissant de joie ; tout ce qu’on voudra : je ne répugne pas plus à croire l’effroi de ce flot, qu’à croire le monstre de Neptune. » Le zèle de Racine a tourné la tête au bon d’Olivet, et ce grave partisan des anciens me paraît ici bien jeune dans son style.
Sa vue s’affaiblissait déjà ; ce soleil lumineux et cette blancheur des murailles du Levant lui causaient plus de souffrance que de joie.
Airs dont mes longs soupirs attiédissent l’haleine, Sentier jadis de joie, aujourd’hui de douleurs, Coteau cher à mes pas, plus cher à mes langueurs, Où l’amour cependant par instinct me ramène : Je reconnais en vous l’aspect accoutumé, Non en moi, pour jamais à tout plaisir fermé, Et qui nourris au cœur un chagrin solitaire.
la voilà, dansant les cheveux, semés de fleurs des hautes montagnes, une ivresse qui a peur de sa joie, une lionne qui badine avec sa griffe naissante.
Présentez la maison de Savoie à tous les peuples d’Italie qui ont perdu leurs souverains ; tous lui prêteront serment avec joie si elle s’établit parmi eux ; mais, si elle devait toujours siéger à Turin, tous diraient non.
Jusque-là elle n’avait pas été trop impopulaire, depuis 1814, en Italie, et, par une versatilité habituelle aux peuples qui changent de joug, son retour à Milan, en 1814, avait été l’objet d’un fanatisme de joie poussé jusqu’à la férocité contre le gouvernement français que l’Autriche venait remplacer.
Des acclamations de joie et de triomphe s’élèvent de la bouche du roi et du peuple autour de Renaud.
Il n’a rien écrit de plus simple et de plus charmant que ses surprises et ses joies de botaniste.
De là ses joies et aussi ses terreurs : il se fait un monde fantastique qui l’enchante ou qui l’effraye ; il n’a pas cette distinction qui, dans l’âge de la réflexion, sépare si nettement le moi et le non-moi, et nous pose en froids observateurs vis-à-vis de la réalité.
… Et quelquefois, je ne sais quoi de noir et de machiavélique, une méchanceté de Liaisons dangereuses, curieuse d’expériences cruelles, un jeu amer avec les faiblesses de la femme… * * * — Une des joies d’orgueil de l’homme de lettres, — quand cet homme de lettres est un artiste, — c’est de sentir en lui la faculté de pouvoir immortaliser, à son gré, ce qu’il lui plaît d’immortaliser.
Le dimanche, assis un moment, dans la salle d’attente, au milieu des gens en joie, versés par le chemin de fer, nous l’avons vu tirer de sa poche un petit livre noir, un livre de prières à l’aspect anglican, puis reprendre sa promenade de manège, coupée par deux ou trois paroles qu’il jette à l’homme à l’X toutes les fois qu’il passe devant lui.
Comme toutes les princesses, elle trouve amusant de faire une fois, par hasard, un dîner très mal servi, où elle apporte la joie bruyante d’un enfant, au restaurant.
La joie pantagruélique n’est pas moins grandiose que la gaieté jupitérienne.
qui en a posé la pierre angulaire, « Lorsque tous les astres du matin me louaient et que tous les fils de Dieu étaient ravis de joie ?
Écoutez-en seulement les derniers vers ; ils rappellent, par leur fruste énergie, le poil hérissé et la gueule sanglante de ce sanglier de Calydon qu’on voit sur la place du marché de Florence : Ainsi, quand, désertant sa bauge solitaire, Le sanglier, frappé de mort, Est là, tout palpitant, étendu sur la terre, Et sous le soleil qui le mord ; Lorsque, blanchi de bave et la langue tirée, Ne bougeant plus en ses liens, Il meurt, et que la trompe a sonné la curée À toute la meute des chiens ; Toute la meute, alors, comme une vague immense, Bondit ; alors chaque mâtin Hurle en signe de joie, et prépare d’avance Ses larges crocs pour le festin.
Et bénis soient les Belle, les Bellengé, les Voiriot, les Brenet, les mauvais poëtes, les mauvais peintres, les mauvais statuaires, les brocanteurs, les bijoutiers et les filles de joie.
Tout d’abord on aurait cru que Luther et l’Allemagne, ces deux opulences de vie et de pensée, qui s’entendirent si bien au premier mot, et bondirent de joie en venant l’un vers l’autre, comme deux lions des Écritures, convenaient mieux au talent brillant, mouvementé, pathétique d’Audin, que Calvin, tapi, comme un cloporte, dans sa démocratie bourgeoise, et les tristes momeries de Genève !
Le dernier des classiques donnait le premier les mains avec une joie généreuse à la consécration de la Muse enhardie, et lui-même il s’éclairait du triomphe. […] Quand il rencontre ce vers tout pétillant : In folly’s cup still laughs the bubble, joy, la joie, cette bulle d’eau, rit dans la coupe de la folie, il le supprime.
J’ai été fâché de voir qu’une lettre était une flamme qui allumait la raison et éteignait l’amour, et qu’Ulrique avait vu toutes ses joies mangées en une nuit par un renard. […] Nous trouvons Benjamin Constant à Lausanne, en juin 93 ; il y revint avec une véritable joie ; il s’étonnait de se sentir attiré vers ce beau lac et vers ces montagnes.
Puis quand je croy ma joie estre certeine, Et estre au haut de mon désiré heur, Il me remet en mon premier malheur. […] C’est en ce moment qu’il composa son Adieu à la Pologne, satire véhémente et comme remplie d’une joie de délivrance : Adieu, Pologne, adieu, plaines désertes, Tousjours de neige et de glaces couvertes, Adieu, pays, d’un éternel adieu !
Or c’est Molière lui-même, si fin connaisseur en mœurs des hommes et qui connaît si bien l’âme du public, c’est Molière lui-même qui dit : « On veut bien être méchant ; mais on ne veut pas être ridicule. » Qui sait même, sans rien exagérer, si aux yeux de beaucoup de spectateurs, la bêtise d’Orgon n’excuse pas la scélératesse de Tartuffe et s’ils ne se disent point : « Quand on est si bête que cela, on mérite toutes les infortunes » et si la joie maligne de voir Orgon dupé ne se mêle pas insensiblement, sans doute, mais sourdement, de quelque penchant pour celui qui le dupe ? […] A Orgon qu’il a poursuivi de l’animosité la plus incisive, il fait dire avec une sorte d’élargissement, avec une joie d’affranchissement et de libération : Puis, acquittés un peu de ce premier devoir, Aux justes soins d’un autre il nous faudra pourvoir, Et par un doux hymen couronner dans Valère La flamme d’un amant généreux et sincère. […] Le ridicule, au contraire, le travers, le défaut, excite sa joie, sa malice, son ironie, ses facultés épigrammatiques, ses facultés de parodie ; le voilà tout entier en action et en mouvement. […] Quelque impression que fît cet usage sur le cœur des hommes, toujours était-il excellent pour donner au sexe une bonne constitution dans la jeunesse par des exercices agréables, modérés, salutaires et pour aiguiser et former son goût par le désir continuel de plaire sans jamais exposer ses mœurs. » C’est conformément à ces idées que Sophie, quand elle défie Émile à la course, « retrousse sa robe des deux côtés et, plus curieuse d’étaler une jambe fine aux yeux d’Émile que de le vaincre à ce combat, regarde si ses jupes sont assez courtes… », c’est conformément à ces idées que Rousseau, en proscrivant le théâtre, recommande les bals et souhaite qu’il y en ait d’officiels, présidés par un magistrat, surveillés par les pères et les mères, où « l’agréable réunion des deux termes de la vie donnât à l’assemblée un certain coup d’œil attendrissant, où l’on vît quelquefois couler des larmes de joie et de souvenir capables d’en arracher à un spectateur sensible, et où l’on couronnât la jeune personne qui se serait comportée le plus honnêtement, le plus modestement et aurait plu davantage à tout le monde…5 Une faculté à leur donner, car elles ne l’ont pas ou elles l’ont peu, c’est le don d’observation psychologique, et l’on a vu qu’il leur est absolument indispensable, ou plutôt qu’il est indispensable aux maris qu’elles le possèdent, puisque, manque de connaître les hommes, elles pourraient être séduites par eux.
Tels sont les thèmes qui l’inspirent, et auxquels il excelle à mêler quelque chose de plus général qu’eux-mêmes : la considération de la fragilité des choses, ou l’éloge des joies de la paix : La terreur de son nom rendra nos villes fortes. […] … s’écriait l’auteur des Méditations, Mais l’auteur des Contemplations, génie moins lumineux, ne voyait, lui, dans la Mort que « la quantité d’ombre et d’horreur » qu’elle mêlait à la joie de vivre. […] Comme aux hommes du xvie siècle — et, si je l’ose insinuer, comme à quelques-uns aussi du nôtre, — il semble à Bayle que l’érudition, pour avoir en soi ses joies, y ait aussi son objet, son but, et sa fin. […] Le plaisir ou la joie de vivre en leur temps y circule, pour ainsi dire, et l’on sent qu’ils se savent gré à eux-mêmes d’être si heureusement nés.
Je ne puis me lasser de les relire, avec la même joie, la même curiosité, le même enthousiasme… Comment, après de tels précédents, oser décider de l’avenir de tel ou tel roman contemporain, du jugement que portera sur lui la postérité ? […] quel peuple en vérité ataviquement artiste que le nôtre, et quelle joie de rencontrer ce Proudhon après le charabia de Karl Marx ! […] C’est pourquoi Proust lui voua de la reconnaissance, et le dit : il avait le don si rare de conserver le souvenir, ingénu et franc, des premières joies littéraires de son adolescence.