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1379. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Griffin, arc-bouté déjà et prêt au corps à corps, exalte l’énergie, la parole qu’affirme ou remplace le geste.

1380. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

En s’occupant plus des sciences curieuses et des beaux-arts que des compagnies de commerce maritime, Colbert avait pris, disait-on, l’ombre pour le corps. Il se rencontrait des Français pour penser, des écrivains pour imprimer, que le peuple n’était pas si fou quand il voulait déchirer le corps de Colbert, puisqu’il avait été malheureux, et malheureux par Colbert.

1381. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Mais ce n’est point assez de s’en prendre à chaque individu, il faut attaquer l’Art même ; & jugez si les Troupes sentiront fermenter leur courage, quand elles entendront ainsi parler de leur métier : Cette science exécrable consiste à savoir modifier, arranger, coller plusieurs milliers d’imbécilles côte à côte comme des harengs en caque, les faire tourner à droite, à gauche tous en même temps, comme des mannequins qui tiennent au même fil, & ne faire de ces troupeaux de bêtes féroces qu’un seul corps, une seule muraille composée d’un pareil nombre d’automates, puisse les renverser du même choc & les étouffer le plus lestement possible. […] Soutenir que l’ame sentira, pensera, jouira, souffrira après la mort du corps, c’est prétendre qu’une horloge brisée en mille pieces peut continuer à sonner ou à marquer les heures Syst. de la Nat. tom. 

1382. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

L’esclave secoue la rosée qui glace son corps engourdi, il rappelle ses dix années d’insomnie, son interminable faction devant l’éternelle année des étoiles. […] » — Le Choeur poursuit ses imprécations, il maudit la meurtrière « dressée comme un corbeau sur ces corps, et croassant son chant de triomphe. » Il pleure sur son roi « tombé dans cette toile d’araignée ».

1383. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Saint-Just sent très bien de bonne heure qu’il n’y a qu’un gouvernement fort qui puisse porter remède aux désastres de l’anarchie, et en cela il s’élève au-dessus du commun des démagogues : « Lorsqu’un peuple n’a point un gouvernement prospère, c’est un corps délicat pour qui tous les aliments sont mauvais. » Ce gouvernement meilleur et plus ferme, il va le chercher non dans la Convention même où l’on parle trop pour cela (et il est impossible, pense-t-il, que l’on gouverne sans laconisme), mais dans les Comités, en les résumant le plus possible dans la personne de deux ou trois chefs influents, parmi lesquels il se compte. […] On envoyait des agents à tous les corps pour engager les soldats à dénoncer leurs chefs ; ces invitations ne produisant aucun effet, on promit des récompenses pécuniaires aux délateurs que l’on cherchait, avec l’assurance de tenir toujours leurs noms cachés.

1384. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

C’est le même corps, animé pour les uns, à demi-mort pour les autres, mais conservant encore pour ces derniers des traits frappants de proportion et de beauté. […] Nous nous contenterons donc d’exhorter les savants et les corps littéraires qui n’ont pas encore cessé d’écrire, en langue, latine, à ne point perdre cet utile usage.

1385. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Le corps, chez tous, suit la loi de la mort irrésistible ; mais il reste de nous une image vivante du principe éternel : car seule, elle vient des dieux. Elle sommeille, durant l’activité du corps ; mais souvent, aux hommes endormis, elle révèle en songe le partage de joies ou de peines qui les attend14. » Et ailleurs il avait chanté, avec plus de ferveur encore, sans doute dans le sanctuaire d’un temple : « Au-dessous de la voûte céleste, à l’entour de la terre, volent les âmes des impies dans de cruelles douleurs, sous l’étreinte de maux qu’on ne peut fuir.

1386. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

Si vous m’en croyez, vous ne vous abandonnerez pas à Vinache, quoique ses discours séduisants, l’art de réunir l’influence des sept planètes avec les minéraux et les sept parties nobles du corps, et le besoin de trois ou quatre javottes, donnent de l’admiration.

1387. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Voici la profession de foi politique du siècle, suivant M. de Carné, et nous la ratifierions en tout point, sous la réserve de l’expliquer et de la préciser : 1° Tout pouvoir tire sa légitimité de sa conformité à la loi morale et à l’utilité du plus grand nombre : son droit est subordonné à cette utilité reconnue par les corps politiques auxquels le pays a confié mission de la constater ; 2° aucune classification permanente de la société n’est désormais possible, et une aristocratie mobile et personnelle tend à remplacer l’aristocratie héréditaire légale ; 3° les idées tendent, selon les progrès graduels des mœurs, à faire prévaloir le principe électif pour les fonctions publiques ; 4° la publicité est désormais la condition essentielle du pouvoir, en même temps qu’elle deviendra son principal appui.

1388. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Avec un chef héréditaire, mais renfermé dans d’étroites limites ; avec un Corps législatif investi du droit de déclarer la guerre, une rigide économie des contributions publiques, l’interdiction absolue de toutes dépenses inutiles, on peut réaliser à un très haut degré les conditions d’un gouvernement honnête et éloigné de toute oppression ; mais la seule garantie de tout cela est une presse libre. » Si Jefferson vivait en ce moment ; si, âgé de 90 ans, et de son poignet de plus en plus perclus, il écrivait à son même ami, après une expérience nouvelle, ne lui manderait-il point, par hasard, que cet autre accommodement qu’il se figurait possible ne l’était guère plus en réalité que celui qu’il conseillait en 89 ?

1389. (1874) Premiers lundis. Tome II « Quinze ans de haute police sous Napoléon. Témoignages historiques, par M. Desmarest, chef de cette partie pendant tout le Consulat et l’Empire »

Il s’agissait, pour plusieurs maréchaux et généraux, de faire disparaître l’homme, ou, en d’autres termes, de frapper Napoléon au fond de quelque défilé ou d’un bois écarté, de creuser un trou et d’y ensevelir son corps, sans qu’on pût en découvrir la moindre trace.

1390. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Est-il impossible de concevoir un genre de comédie où le poète, loin de peindre la réalité comme elle est, transporterait l’action dans un monde fantastique, donnerait à des idées abstraites une existence réelle, aux êtres réels une vie, en quelque sorte, idéale, un corps, une voix à des nuages, une constitution politique aux habitants de l’air ?

1391. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Je frappai du pied le sol, et je me rendis compte de sa résistance ; mais cette résistance me semblait illusoire ; il ne me semblait pas que le sol fût mou, mais que le poids de mon corps fût réduit à presque rien.

1392. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

« J’aimerais autant qu’on me dît que je me suis servi de mots anciens ; et comme si les mêmes pensées ne formaient pas un autre corps de discours par une disposition différente, aussi bien que les mêmes mots forment d’autres pensées par leur différente disposition. » Ainsi pensait Pascal, et tout son siècle avec lui.

1393. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

Je rêve d’être, sous ton corps, Une barque fragile et neuve.

1394. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

Ce n’est pas toujours celui où il est né ; la patrie de notre âme n’est pas toujours celle de notre corps !

1395. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

Appel sur le champ de la part de l’abbé au parlement : l’affaire alloit devenir sérieuse ; mais les professeurs royaux, engagés d’honneur à ne pas laisser condamner le plus zèlé défenseur de leur opinion, allèrent en corps à l’audience, représentèrent avec éloquence à la cour l’injustice des procédés de la Sorbonne.

1396. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

Il les pleure, il s’occupe du soin d’honorer leur mémoire, il leur élève un cénotaphe : ce qui suppose un intérêt tendre, car enfin leurs corps étaient dispersés.

1397. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Il faut présenter à l’académie l’occasion de réparer son injustice, aller à Rome, ou mourir. " et voilà, mon ami, comme on décourage, comme on désole le mérite, comme on se déshonore soi-même et son corps ; comme on fait le malheur d’un élève et le malheur d’un autre à qui ses camarades jetteront au nez, sept ans de suite, la honte de sa réception ; et comme il y a quelquefois du sang répandu.

1398. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Le Titien n’a pas peint de chair où l’on voïe mieux cette molesse qui doit être dans un corps composé de liqueurs et de solides.

1399. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 9, de la difference qui étoit entre la déclamation des tragedies et la déclamation des comedies. Des compositeurs de déclamation, reflexions concernant l’art de l’écrire en notes » pp. 136-153

Lucien nous apprend même qu’on leur matelassoit le corps afin que cette taille énorme parut du moins proportionnée, et ce qu’il nous dit sur ce sujet est confirmé dans une lettre attribuée à S.

1400. (1912) L’art de lire « Chapitre VI. Les écrivains obscurs »

Ils se sont couverts d’ajustements compliqués et de harnois enchevêtrés ; il faut les mettre en chemise ; il faut les forcer d’être simples à leur corps défendant et les juger et peut-être les approuver et les goûter ainsi devenus.

1401. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

ce qu’a souffert, et dans son corps et dans son âme, un des plus brillants jeunes gens du siècle, qui s’appelait Roger comme celui qui, dans l’Arioste, monte l’Hippogriffe, — qui le montait aussi, et qui le menait comme il le voulait dans le bleu, et qu’en voilà descendu maintenant, cloué par la douleur à terre, et comme Byron, leur maître à tous, à ces grands jeunes gens finis, le disait de lui-même ; « achevant de vivre à son foyer désert, au milieu des ruines de son cœur et dans l’abandon de ses dieux domestiques… » III Telle est, en effet, la destinée de Roger de Beauvoir.

1402. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

En un mot, si l’on voulait expliquer pourquoi nos sociétés occidentales sont devenues à la fois très unifiées et très compliquées, très hétérogènes et très homogènes, très denses et très étendues, c’est toutes les espèces de transformations qu’y ont subies les âmes et les corps, les choses et les personnes, la nature et l’humanité qu’il faudrait énumérer ; et il ne suffirait nullement de dire que les hommes y ont voulu vivre en égaux.

1403. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Mais, si Pope et Lessing ne sont pas des isolés dans leur littérature ou dans leur langue, ils sont au moins des exceptions ; et nulle part ailleurs qu’en France vous ne trouverez un corps de doctrines littéraires — universellement admis ou contesté, peu importe, et ce n’est pas là le point, — mais un corps complet, un corps entier, mais une théorie générale du style, mais une esthétique des genres, mais des règles, mais des lois. […] C’est lui qui leva leurs scrupules, qui triompha de la résistance qu’opposaient au cardinal ces bourgeois effrayés à l’idée « de faire un corps », et d’abdiquer leur indépendance « pour s’assembler régulièrement sous une autorité publique ». […] Ou encore, de ce que nous connaissons les éléments et l’exacte proportion des éléments qui concourent à la composition d’un corps, il ne s’ensuit pas du tout que nous puissions reproduire la combinaison qui constitue ce corps. […] Lisez donc ses chapitres sur le Pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractère des nations, ou encore, sur l’Étendue des climats plus propres aux sciences et aux arts que les autres. […] C’était, avons-nous dit, ce qui taisait encore défaut au Cours de littérature de Laharpe ; et, de la suite entière de l’histoire littéraire, s’il avait eu le premier l’idée d’en faire un seul corps, c’était, pour ainsi parler, un corps mort, dans les veines duquel il n’avait pas découvert le moyen de faire circuler l’intérêt.

1404. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Dans un asile de débauche, et devant le corps délicieux d’une fille à vendre, il s’arrête, ravi. […] Les origines ne lui gâtent point les résultats, par la simple raison qu’il ne caractérise aucun phénomène du corps ou de l’âme d’après les idées du Bien et du Mal. […] L’au-delà se fait palpable et prend corps à travers les sons. […] La vie est comme l’onde où tombe un corps pesant. […] Les plis d’un vêtement leur révèlent les secrètes particularités et la physiologie d’un corps.

1405. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

On a beau leur faire la chasse, ils se reproduisent, & l’on diroit qu’ils forment une société, ou plutôt un corps de troupes légeres qui ne vit que de brigandage. […] Cela n’est pas plus ridicule que la question de ce bon bailli de village, qui demandoit avec ingénuité, combien le Pont-Euxin avoit d’arches, & si le corps des ponts & chaussées l’avoit construit. […] Tant que la constitution de nos corps sera telle qu’elle est, il n’y aura pas d’autres moyens. […] Nous voyons, en conséquence de cet inconvénient, presque tous les corps prendre le plus mauvais parti, & le soutenir avec opiniâtreté. […] Le plus grand nombre dans tous les corps est ordinairement le plus ignorant, & le moins capable d’énergie.

1406. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

La lanterne éclairait leur corps épais marinant dans leurs grossières chemises de laine. […] Et ils ne voient rien, n’entendent rien, ne comprennent rien à ce qui gronde dans les profondeurs du corps social. […] Et son intelligence demeure intacte, plus vive que jamais, peut-être, dans ce corps livré à tous les assauts, à tous les ébranlements de la souffrance. […] La jalousie le torture, lui tenaille l’esprit et le corps. […] Jamais, je crois, un feuilleton ne fut tant en harmonie avec le corps d’un journal.

1407. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Voilà pourquoi, à qui veut étudier à fond la Belgique, analyser son caractère comme un anatomiste le corps humain, il faut, non pas seulement lire ses auteurs, mais regarder ses roches, et unir l’admiration de Maeterlinck et de Verhaeren à la curiosité du travail érudit et des aventures préhistoriques. […] Témoin, l’assassinat de Jurgen par Kees Doorik : Il (Kees) lui plongea le couteau dans le corps, retira l’arme, le frappa de nouveau. […] Le corps nerveux, bandé, comme prêt à bondir, une certaine brusquerie dans sa démarche pesante de paysan têtu, le visage maigre profondément labouré de rides, une moustache formidable, à la gauloise, où s’emmêlent aux fils d’or des fils d’argent, le regard vif et clair, Verhaeren révèle une nature étonnamment candide et spontanée. […] Un étrange et grand rêveur a, pour la première fois, subitement et formidablement rendu visible le drame secret, unique, virtuel et abominable, que nous recelons tous depuis notre naissance, et avec tant de soins inutiles, au plus profond de notre corps. […] Oh le déclin du corps, les angoisses mordantes !

1408. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Cette simple formule : les « Droits de l’Homme », décèle pour lui l’erreur fondamentale de la philosophie du dix-huitième siècle qui faisait de l’individu le principe premier, la cellule génératrice du corps social. […] Leur monstrueux galop rencontrera ton petit corps nu, soit quand tu mettras le nez dehors au soleil couchant, soit un matin que tu sortiras pour aller à la pâture. […] Le corps de nos officiers qui se recrutait parmi eux l’a prouvé sur tous les champs de bataille de 1870, comme auparavant dans les guerres d’Algérie. […] Il rentre en France, où il est d’abord directeur du génie ; puis, il commande une division d’infanterie, un corps d’armée. […] Mais ne savons-nous pas que la vie, dans le corps social, comme dans les individus, est une synergie, un concours d’actions entre les cellules qui peuvent ou soutenir ou troubler cette force collective en s’y subordonnant ou se révoltant là contre.

1409. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

La surprise, la colère, l’indignation, la raillerie lui fournirent tour à tour les traits les plus vifs ; ce n’était plus un écrivain qui parlait aux gens du monde, c’était un athlète vigoureux qui serrait son ennemi corps à corps ; toutes les figures de la rhétorique servaient à sa défense ; enfin ce n’était plus un critique qui décomposait une œuvre dramatique pour en analyser, pour en apprécier toutes les parties ; c’était un auteur qui défendait son ouvrage, c’était le père des feuilletons qui volait au secours de ses enfants attaqués. […] Quant à Voltaire, son génie est un de ces corps solides qui brisent tout ce qui vient les heurter, et les critiques qu’on ose encore diriger contre lui ne sont que des ballons gonflés de vent ; il les repousse d’autant plus loin, qu’ils sont lancés avec plus de violence. […] Ce qui émane d’un corps littéraire a presque toujours un caractère de maturité et de sagesse, parce que c’est le fruit d’un grand nombre de délibérations, parce que le corps se respecte, et que ceux qui le composent s’observent, se tempèrent et se corrigent les uns les autres. […] Balzac appelait Émilie une furie adorable, une sainte possédée  : en effet, elle a le diable au corps, et n’en est que plus théâtrale. […] Il ne faut pas être grand médecin pour prévoir l’effet que doit produire à la longue un pareil régime sur le corps social.

1410. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Ne doit-il pas résulter de tout ceci un corps de doctrine indépendant des décisions arbitraires de tous les usages, & dont les principes sont des lois également universelles & immuables ? […] La construction est, animus fert me dicere formas mutatas in nova corpora ; mon génie me porte à raconter les formes changées en de nouveaux corps : il étoit plus naturel de dire, à raconter les corps, c’est-à-dire, à parler des corps changés en de nouvelles formes… Virgile fait dire à Didon, Æn. […] Et cum frigida mors animâ seduxerit artus ; après que la froide mort aura séparé de mon ame les membres de mon corps ; il est plus ordinaire de dire, aura séparé mon ame de mon corps ; le corps demeure, & l’ame le quitte : ainsi Servius & les autres commentateurs trouvent une hypallage dans ces paroles de Virgile. […] Elle a donc dû dire, lorsque la mort aura séparé mon corps de mon ame, c’est-à-dire, lorsque mon ame sera dégagée des liens de mon corps. […] L’i ne descend pas au-dessous du corps des autres caracteres, le j descend : voilà la regle pour les capitales.

1411. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Son père, pasteur protestant, était, je crois, d’origine polonaise : mais il a plutôt, lui, le corps et l’âme d’un de ces nihilistes de l’extrême Russie qu’on voit dans les romans de Goncharof et de Tourguénef. […] Et au moment où, vers la trente-cinquième année, ce cerveau ainsi approvisionné s’apprêtait enfin à créer à son tour, le corps qui le soutenait a commencé de se détraquer. […] Depuis lors, Whitman eut la moitié de son corps insensible et comme morte, de ce beau corps dont la santé lui avait toujours causé tant de joie et de naïf orgueil. […] Il avait toujours été beau ; mais avec l’âge et malgré la paralysie de tout un côté de son corps, il était devenu d’une beauté surnaturelle. […] Quelques jours après, Eustace Inglesant mourut assassiné par l’Italien, et son frère, malade, affaibli de corps et d’esprit, se retrouva seul dans la vie.

1412. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

La chanson du Sénateur, modèle achevé de raillerie grivoise contre la vanité sénatoriale et l’obséquiosité bourgeoise, fut un autre trait qui passa par-dessus la tête de Napoléon pour aller effleurer d’un premier ridicule un corps jusque-là inviolable de l’État. […] Or dans ce qu’on appelle la Révolution en France il y a deux natures : une nature irréfléchie, inquiète, convulsive, incapable de repos, sans autre but que sa propre agitation, envieuse des supériorités et inhabile à en produire elle-même ; toujours prête à renverser sans savoir ce qu’elle veut construire, sorte de fièvre nerveuse nationale qui donne des convulsions au corps social au lieu de lui donner la croissance régulière et l’action progressive qui forment ce qu’on appelle la civilisation : c’est ce qui distingue l’esprit de faction et de démagogie de l’esprit de civisme et de liberté. […] Il voulait une liberté de penser et de croire respectueuse pour la pensée et pour la foi d’autrui ; une indépendance mutuelle de l’État, qui est le gouvernement des corps par les lois, et de la religion, qui est le gouvernement de Dieu par la conscience ; une égalité, non de nivellement, égalité contre nature, qui n’a fait que des inégalités dans toutes ses œuvres, égalité qui ne serait pas la perpétuelle violence des infériorités aux supériorités naturelles. […] De poète de fête qu’il avait été jadis il s’était fait poète de douleurs, sœur de charité de tout ce qui recourait à lui, soit pour une misère de corps, soit pour une misère d’esprit ; ses journées entières appartenaient à la foule.

1413. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Chacun peut, avec même droit que Jean-Jacques, donner pour corps les passions, les rêves et les fantaisies de sa nature propre, à la vide entité de la nature primitive, appeler son Moi, l’Homme. […] Cependant le germe, introduit en grande quantité et il un haut degré de virulence, attaque victorieusement le corps le plus vigoureux. […] Dans ses écrits, l’âme est toujours mêlée avec le corps et ne s’en sépare jamais. […] Ainsi l’ange de l’amour paternel habite non seulement un corps contrefait, mais une âme ignoble. […] Quand je considère cette littérature dans son ensemble, j’ai l’impression d’une âme débile tellement envahie et obnubilée par l’hypertrophie du corps, qu’elle prend l’opulence de ce corps pour la sienne propre.

1414. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

On n’avait jamais vu pour les séances du corps législatif un pareil empressement.

1415. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Mais encore une fois, ce rôle de chroniqueur critique que remplit si bien M. de Saint-Victor n’est pas celui qui lui agrée le plus : il l’accepte, il le subit, mais il ne s’y plie qu’à son corps défendant ; il en sort tant qu’il peut, il y échappe par des éclats de plume, par des assauts d’imagination qui marquent sa manière et ne permettent de la confondre avec nulle autre.

1416. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

. — Les gens d’esprit qui, à table, mangent au hasard et engloutissent pêle-mêle, avec une sorte de dédain, ce qui est nécessaire à la nourriture du corps (et j’ai vu la plupart des doctrinaires faire ainsi), peuvent être de grands raisonneurs et de hautes intelligences, mais ils ne sont pas des gens de goût.

1417. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

Les corps académiques actuels, par la manière dont ils sont composés et dont ils se recrutent, sont voués pour longtemps peut-être à la bouderie ou à une médiocre action publique.

1418. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Un génie supérieur, quel qu’il soit, ne peut s’affranchir à lui seul de ce besoin du surnaturel, inhérent à l’homme ; il faut que la nation fasse corps avec le philosophe contre de certaines terreurs, pour qu’il soit possible à ce philosophe de les attaquer toutes.

1419. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

Vous vous estimerez heureux de commencer par imiter les naïfs imagiers qui, désespérant de rendre par l’attitude des corps les mouvements des âmes, faisaient sortir de la bouche de leurs personnages une bandelette où ils inscrivaient ce qu’ils se sentaient impuissants à exprimer.

1420. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Calvin n’emploie-t-il pas quelque part 8 ou 9 pages184 à comparer l’Église des fidèles au corps humain, à y chercher ce qui est veines, nez, chair, mouvement, chaleur, main, pied, coude ?

1421. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

Pour Alfred de Musset, la poésie était le contraire ; sa poésie, c’était lui-même, il s’y était rivé tout entier ; il s’y précipitait à corps perdu ; c’était son âme juvénile, c’était sa chair et son sang qui s’écoulait ; et quand il avait jeté aux autres ces lambeaux, ces membres éblouissants du poète qui semblaient parfois des membres de Phaéton et d’un jeune dieu (se rappeler les magnifiques apostrophes et invocations de Rolla), il gardait son lambeau à lui, son cœur saignant, son cœur brûlant et ennuyé.

1422. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

L’important, c’est qu’il le crée pour lui-même, lorsque, par les notions peu à peu acquises, son idée prend corps et se développe, lorsque le monde lui apparaît en sa nouveauté comme un enfant merveilleux de sa pensée.

1423. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Il était déjà question, au temps du roi Théodoric, de ces histrions « qui donnaient autant de soufflets et de coups de bâton qu’ils débitaient de paroles, et qui faisaient plus rire par les grotesques mouvements de leur corps que par les saillies plus ou moins heureuses de leur esprit ».

1424. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

Une foule extraordinaire de toutes sortes de personnes accompagna son corps jusques dans l’église de Saint-Eustache, où il fut inhumé avec une grande pompe, le huitième décembre 1694. » Arlequin enterré derrière le chœur, vis-à-vis la chapelle de la Vierge ; Scaramouche inhumé dans l’église Saint-Eustache en grande pompe ; on ne peut s’empêcher, en lisant ces mots, de songer au convoi de Molière, qui n’avait pas eu le temps de renoncer au théâtre, et qui fut conduit silencieusement, à neuf heures du soir, tout droit au petit cimetière de Saint-Joseph : contraste pénible et sujet d’immortel regret.

1425. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

Peu de gaz pour éclairer les marches escarpées et la rampe trop large pour un corps * quelque peu abusif », mais le propriétaire « bon garçon »« plantait une bougie sur un rebord intérieur de fenêtre, les soirs de réception ».

1426. (1890) L’avenir de la science « I »

C’est la grande opposition du corps et de l’âme, reconnue par toutes les religions et toutes les philosophies élevées, opposition très superficielle si on prétend y voir une dualité de substance dans la personne humaine, mais qui demeure d’une parfaite vérité, si, élargissant convenablement le sens de ces deux mots et les appliquant à deux ordres de phénomènes, on les entend des deux vies ouvertes devant l’homme.

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