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636. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

S’il est des vanités qu’on excuse et qui trouvent grâce par leur air bienveillant et naturel, celle-ci était trop peu indulgente et trop aiguë pour se faire pardonner insensiblement ; et comme, dans ces sortes d’ouvrages, c’est bien plutôt le caractère et la personne qu’on juge que le talent de l’artiste, le public a reçu au total une impression désagréable ; sans faire bien exactement la double part du talent et du caractère, après quelques semaines d’hésitation et de lutte, il a dit de ces Mémoires en masse : « Je ne les aime pas. » Ils sont peu aimables en effet, et là est le grand défaut. […] En fait de style, M. de Chateaubriand, comme tous les grands artistes, a eu plusieurs manières. […] On avait bien essayé, dans le temps, d’y saisir, à défaut d’autre lien, je ne sais quelle unité poétique que nous appelions l’unité d’artiste, et qui embrassait en elle toutes les contradictions, qui les rassemblait comme en un superbe faisceau.

637. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

C’était un front d’artiste, un front de bélier d’écrivain qui va faire de ce front une catapulte ! Même l’amour du pouvoir chez le duc de Saint-Simon est un rêve d’artiste. Il caressait cette chimère comme toutes les natures d’artiste, qui ont toujours besoin d’avoir quelque chimère à caresser.

638. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Perroneau » p. 172

Le portrait de Marmontel pourrait bien être du même artiste.

639. (1929) La société des grands esprits

Rodin ne parle pas en érudit, mais en pur artiste. […] Un artiste de la prose, c’était une nouveauté. […] Nietzsche est un intellectualiste aussi, mais surtout du genre artiste ou constructif. […] Pour un poète, un artiste, le feuilleton semblait une déchéance. […] À l’Italie artiste, il préfère de beaucoup ce qu’il appelle l’Italie sauvage.

640. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Le Barillier, Berthe-Corinne (1868-1927) »

Et c’est ainsi que, romancier, critique, poète, conteur et lettré, Jean Bertheroy justifie, par un labeur artiste et par une pensée honnête, les lauriers académiques, l’estime des écrivains et la confiance de ses lecteurs.

641. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gineste, Raoul (1849-1914) »

Dans l’autre, il ouvre ses yeux au spectacle de la rue, aux misères du peuple, non pas en badaud, en flâneur misanthropique, ni même en pur artiste, mais en homme qui sait voir, comprendre et sentir, cela sans fade sentimentalité ni déclamation oiseuse.

642. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lafargue, Marc (1876-1927) »

Il voit en artiste et sent en poète.

643. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  De Machy  » p. 151

Ce sont des masses qui en imposent par leur grandeur ; et le petit nombre de figures que l’artiste y a répandues m’ont paru de bon goût.

644. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Drouais, Roslin, Valade, etc »

Les études de ces artistes montrent combien ils ont encore besoin d’en faire.

645. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Dans la création artistique, l’artiste se mettant en présence de lui-même et de la nature et ignorant qu’il y ait eu un art et des hommes avant lui. […] Polemos pater pantôn, tout s’engendre d’une guerre, disait le vieil Empédocle, de cette guerre féconde de l’énergie artiste contre la déraison et la résistance spontanée des choses. […] Mais si l’ingénuité d’artiste et d’acteur de René atténue notre jugement sur sa personne, elle augmente notre sévérité pour son siècle. […] Et dans laquelle de ses plus triviales émotions, Michelet (on prend exprès cette merveilleuse organisation d’artiste) ne sent-il pas tressaillir l’Esprit Saint ? […] Il est nécessaire que l’imagination d’un artiste, pour s’égaler aux amples et hauts sujets, porte et balance en elle cette richesse d’éléments colorés et sonores, de mouvements émotionnels.

646. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

Je conçois un talent de peintre passé à la poésie, et s’en repentant, et par moments regrettant son premier art à la vue de l’inexprimable beauté : Artistes souverains, en copistes fidèles Vous avez reproduit vos superbes modèles ! […] J’avais mis d’abord de la résistance à le suivre dans son procédé d’artiste, et je n’y étais pas entré de droit fil.

647. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Les écrivains les plus déterminés à serrer de près la réalité font un choix plus large, mais font un choix, pour peu qu’ils soient artistes. […] Mais rien n’est plus idéaliste que ce réalisme : ce blessé anonyme et invisible n’était rien : il est devenu pour l’artiste le symbole des milliers d’individus que la même fatalité soumet à la même misère, il les personnifie, les exprime, les évoque.

648. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Et d’autres fois, enfin, c’est simplement sensibilité d’artiste. […] Cet orgueil s’accompagnait, comme il arrive souvent, d’une extrême timidité, qui n’en était que la conséquence  timidité qu’exaspéraient encore sa sensibilité d’artiste et sa sagacité d’observateur.

649. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Mais tous les poètes, et tous les artistes, sont décorés comme tels, comme fonctionnaires plus ou moins des Beaux-Arts. […] Mais un honnête homme, une honnête femme qui ont des échéances et qui souffrent cœur à cœur, cela existe aussi, et, dût le tirage être moins flatteur, cela mérite d’être étudié, ressenti, et exprimé par un artiste.

650. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

C’est un mauvais tableau, qui sent le bon temps et la bonne école ; c’est d’un mauvais artiste qui en a connu de meilleurs que lui. […] Est-ce que l’artiste n’a pu se procurer un Bel enfant nu ?

651. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

Lord Byron, — pour qui ne croit pas ce qu’il dit, car il ne faut pas toujours le croire, — Lord Byron n’est qu’un artiste, qui n’aime que son art, et qui, quand il fait l’amour, pense à son art encore, le fait dans une vue d’art supérieur qui ne le quitte jamais, même sur le cœur de sa maîtresse. Mais, de plus, c’est un artiste grec attardé dans les temps modernes, plus grec que Chénier lui-même, Chénier l’archaïste, et tellement grec, en restant Byron, qu’il n’a même la révélation et la conscience de son génie que quand il s’est mis en rapport avec la Grèce et avec les.

652. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

Le vieil artiste, l’artiste consommé, et dans un jet de talent le plus puissant que ce talent ait jusqu’alors poussé, a eu pour préféré aux yeux du public un jeune homme qui a fait des vers avec son cœur, tandis qu’il en faut faire avec son cœur, avec sa tête, avec tout ce qui fait qu’on est cette Complexité admirable et mystérieuse qu’on appelle un grand poète !

653. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

III Fier et franc esprit s’il en fût jamais, artiste de lettres de la plus pure indépendance ! […] Si Amédée Pommier, au lieu d’être un artiste en lettres, avait été un intriguant de lettres qui aurait réussi, Sainte-Beuve, ce laquais du succès, qui, disait son ami Béranger, est toujours monté derrière les voitures, n’aurait pas manqué cette ascension derrière le cabriolet de Pommier· Malheureusement, Pommier n’en avait pas, et Sainte-Beuve resta par terre et se tut.

654. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

… Mais jusque dans cette hypothèse l’analyse serait allée trop loin, et le moraliste mâterait l’artiste, — ce qui peut augmenter le nombre des étonnements que fait naître le livre de M.  […] Richepin, ébréchait l’artiste ; et voici maintenant le sentimental qui s’ajoute au moraliste pour casser définitivement notre fier Richepin, comme une porcelaine de pâte tendre.

655. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

Or, si Balzac a pu se tromper un jour dans la mesure qu’il faut faire à la physiologie dans le roman, dans la discrétion d’artiste consommé qu’il faut avoir quand on touche à des phénomènes qui peuvent emporter ou défigurer votre œuvre, comme ces poisons et ces phosphores contre lesquels les chimistes mettent des masques de verre et qui pourraient, en s’éclatant, leur emporter le cerveau ! […] … cet homme assez fort pour se mesurer avec ce phénomène étrange du somnambulisme, en restant un artiste humain, réel, et d’un effet aussi nouveau que le phénomène dont il saura le faire jaillir ?

656. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Van Dyck et Blauwaert, Mme Boidin-Puisais doivent à ce maître leur intelligence de l’œuvre, la belle netteté, si peu commune, de leur diction : mais le drame wagnérien n’est point appris facilement ; ces artistes avaient trop de choses à oublier encore pour s’y rendre parfaits. […] En outre, le symbole, sans lequel aucune œuvre d’artiste ne saurait avoir de prolongement dans l’humanité entière, se dégage plus visiblement d’une action légendaire que d’un fait seulement historique. […] » Nous ne sommes plus au temps des artistes qui le sont quelquefois, lorsque la fantaisie leur en prend ou que l’inspiration les y contraint. […] Et qui donc oserait s’écrier : « Et moi aussi, je suis un artiste !  […] Wagner y retrace l’histoire de l’opéra, de la musique et du théâtre depuis la Grèce antique et les rapports entre l’artiste et le pouvoir.

657. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Il faut voir là surtout une fantaisie d’artiste. […] C’est un artiste ! […] Regardez comme tout cela me laisse insensible, moi qui suis un artiste !  […] Il sera soutenu, en outre, par le talent d’artistes incomparables. […] La pièce, l’auteur et les artistes ont été unanimement acclamés.

658. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Il se dit, pour se contenter soi-même, qu’il n’y a là ni artiste ni chose d’art. […] Hier, à L’Artiste, je me suis trouvé mal. […] Il y sera sensible, étant lui-même très artiste. […] Marcel Schwob, qui est un philosophe et un artiste, est aussi un savant. […] Le mystique est volontiers un artiste subtil et qui joue adroitement avec les mots.

659. (1876) Romanciers contemporains

N’y a-t-il d’autres bornes pour l’artiste créateur que celles de son génie ? […] Dès lors l’artiste est intervenu. […] Là l’artiste a entièrement supplanté l’homme au système. […] L’œuvre est mauvaise, mais ce n’est point par vanité que l’artiste la juge bonne. […] Un tel tempérament d’artiste ne saurait se transformer, et il n’y a pas lieu.

660. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Réja, Marcel (1873-1957) »

Marcel Réja comme un singulier artiste et un esprit volontaire et puissant.

661. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 208-209

Il semble, au contraire, qu’il n’ait voulu écrire que pour les Artistes, sans s’embarrasser des Amateurs ; ce qui n’est pas un moyen d’intéresser le grand nombre.

662. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Venevault, Boizot, Bachelier et Francisque Millet » p. 222

Venevault, Boizot, Bachelier et Francisque Millet Es jours de septembre, Apollon et Mercure s’étant transportés le matin au Salon du Louvre où les artistes de France avaient exposé leurs productions, le dieu du goût en admira quelques-unes, il passa dédaigneusement devant un grand nombre d’autres ; quelquefois il sourit, quelquefois ses sourcils se froncèrent et son visage devint sévère.

663. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Fragonard » p. 280

J’aurais attendu de cet artiste quelque effet piquant de lumière, et il n’y en a point, cela est plat, jaunâtre, d’une teinte égale et monotone et peint cotoneux.

664. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

autant de grands artistes : Vous prêtez volontiers vos qualités aux autres ! […] Pas même ce petit livre dont je parle, — pas même le souvenir, pas même l’ombre… Un jour, on présentait à Alexandre le Grand je ne sais quel artiste célèbre qui savait habilement jeter des pois chiches à travers le trou d’une aiguille. — En effet, d’une main sûre, l’illustre artiste accomplit cette tâche importante. […] « Çà, dit le roi, je veux que l’on donne à cet habile un boiseau de pois chiches. » Que fit l’artiste ? […] Autant que Racine, il est peut-être un grand artiste dans l’art de donner à la prose française la vie et le mouvement des saines paroles ; autant que lui peut-être, il réalise cet idéal du poète historien à qui la poésie elle-même a donné plus qu’au reste des humains, tous les droits du monde à notre sympathie, à nos respects. […] Au-dessous des gloires, des pourpres et des trônes, dans l’univers qui travaille et qui se résigne, dans le peuple des artisans et des artistes, dans l’échoppe, dans le marché, M. 

665. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Murger, Henry (1822-1861) »

Ses meilleurs endroits sont toujours les ébauches faciles, assez gracieuses dans leur facilité, d’un homme qui, peut-être, sera un artiste demain… En parcourant ces pages incorrectes et lâchées, et ces vers dans lesquels l’émotion ne peut sauver le langage, on a senti que cette langue de poète avait le filet… On ne le lui coupa pas et jamais il ne se l’arracha… Dans ses Nuits d’hiver comme dans sa Vie de Bohême, il n’a pas plus d’inspiration personnelle qu’il n’a de style à lui.

666. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nolhac, Pierre de (1859-1936) »

Gustave Larroumet Ce poète a regardé la nature française et italienne avec cette sorte de mélancolie que donne l’étude de l’histoire ; à vivre avec les morts, on aime d’autant plus les vivants, mais on contracte comme une tristesse reconnaissante qui, dans les choses du présent, fait toujours leur part à ceux qui y ont laissé-leur trace, en y imprimant une beauté matérielle ou morale dont ils ne jouissaient plus… Vous trouverez encore dans ces vers de lettré et d’artiste de curieux essais métriques.

667. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Valade, Léon (1841-1884) »

Pour gracieux et doucement mélancolique que soient les gazouillis sentimentaux de ce frêle artiste, il vaut plus, peut-être, par ses « Gazettes rimées ».

668. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Carle Van Loo » pp. 92-93

Il y a de la volupté dans ce tableau, des pieds nus, des cuisses, des tétons, des fesses ; et c’est moins peut-être le talent de l’artiste qui nous arrête que notre vice.

669. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Amédée Vanloo » p. 218

Le temps a enlevé la couleur ; mais la force de la composition et des caractères, le génie de l’artiste est resté.

670. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Vien » p. 173

L’artiste n’a pourtant pas remarqué qu’alors une poule, d’une grosseur commune, prend un volume énorme, par l’étendue qu’elle donne à toutes ses plumes ébouriffées.

671. (1925) Proses datées

Logis d’artiste, plein de souvenirs. […] Georges Victor-Hugo, le petit-fils du grand poète, lui-même artiste raffiné et fidèle gardien de l’illustre mémoire, M.  […] Un jeune artiste, Daragnès, y a ajouté de charmantes et pittoresques illustrations. […] On y mange la verte confiture du haschich, ce qui vous distingue nettement un artiste d’un philistin. […] Tel nous apparaît, en un négligé matinal de philosophe et d’artiste, La Pouplinière, sur son portrait par Carie Van Loo.

672. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Ajalbert, Jean (1863-1947) »

Marcel Fouquier Sur le vif est un album d’aquarelles et de fusains, d’un faire singulièrement audacieux parfois, mais toujours « artiste ».

673. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Grandmougin, Charles (1850-1930) »

Jules Mazé Charles Grandmougin, artiste puissant, au talent souple et robuste, fait partie de la petite et glorieuse phalange des poètes qui relient notre époque d’industrie et de prose aux temps heureux qui virent éclore des œuvres immortelles.

674. (1894) Propos de littérature « Introduction » pp. 9-10

Mais, je le répète, tous les deux sont poètes, tous les deux sont artistes et, si dans la suite de cet article les mots défaillaient à ma pensée, je voudrais affirmer encore qu’ils sont égaux à mes yeux.

675. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Elles ont été formulées dans un petit livre subtil et profond que tout artiste « conscient » devrait garder à son chevet, Art et Scolastique, de Jacques Maritain. […] L’art est dans l’artiste, l’artiste est dans l’homme. « S’il n’y a pas d’homme, il n’y a pas d’artiste » et, par conséquent, pas d’art. […] Henry Bataille, parmi ses pairs du boulevard, réclame pour lui une place de choix ; il pose au poète, à l’artiste. […] Ce public neuf se recrute en partie parmi les gens qui n’allaient plus guère au théâtre, des lettrés, des artistes, des hommes de goût.

676. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Elle aimait les arts et les artistes autant que son royal amant les favorisait. […] Mme d’Étampes lui répondit qu’elle aurait soin d’en faire souvenir Sa Majesté ; et ils me quittèrent. » VII L’ouvrier était devenu artiste suprême. […] Il lui commanda une œuvre de sculpture dont il décorait en ce moment la Logia de Lanzi, espèce d’amphithéâtre couvert, mais en plein air, où l’on exposait à perpétuité les œuvres immortelles des artistes toscans à l’admiration et à la gloire du peuple sur la place du Gouvernement. […] La femme de Cosme lui donna mille distractions et mille déplaisirs pour un diamant qu’elle désirait faire acheter à son mari, et que Benvenuto dépréciait ; à la fin il alla, pour se distraire, faire un voyage d’artiste à Venise. […] — Oui, comme prince, lui dis-je, mais non comme artiste ; car vous devriez avoir confiance en moi, d’après la tête de bronze que j’ai faite, d’après le Ganymède que j’ai restauré, et qui m’a donné plus de peine que si je l’avais fait à neuf, et d’après cette statue de Méduse, qui est devant vos yeux, et qui est un ouvrage sans exemple.

677. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Il n’y a donc de véritablement immortel et d’incomparable dans Voltaire que ses lettres et ses poésies légères ; là, il est grand, parce qu’il est naturel, et que l’artiste disparaît devant l’homme. Mais Cicéron était un autre artiste dans sa tribune et dans ses œuvres philosophiques, et sa haute nature avait la gravité de son sujet dans ses admirables correspondances. […] Elles sont pour l’artiste, parce qu’elles donnent de la clarté à ses pensées et lui enseignent quels sujets ont un sens pour l’art, et par conséquent quels sont ceux qu’il doit traiter et ceux qu’il doit laisser de côté. […] Déjà dans la journée, sans que le médecin le sût, il avait signé d’une main tremblante le bon de payement d’un secours destiné à une jeune fille de Weimar, artiste pleine de talent pour laquelle il avait toujours montré une sollicitude paternelle, et qui allait à l’étranger achever son éducation. […] Il est artiste, il n’est pas moraliste ; tant pis pour ceux qui ne comprennent pas que l’art est tout dans son délicieux poème d’Hermann et Dorothée, il change les notes de son clavier et il chante à demi-voix les divines naïvetés de l’amour innocent et domestique.

678. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

C’est que le rythme et la mesure, en nous permettant de prévoir encore mieux les mouvements de l’artiste, nous font croire cette fois que nous en sommes les maîtres. […] Peut-être la peine qu’on éprouve à le définir tient-elle surtout à ce que l’on considère les beautés de la nature comme antérieures à celles de l’art : les procédés de l’art ne sont plus alors que des moyens par lesquels l’artiste exprime le beau, et l’essence du beau demeure mystérieuse. […] Sans même aller aussi loin, il semble plus conforme aux règles d’une saine méthode d’étudier d’abord le beau dans les oeuvres où il a été produit par un effort conscient, et de descendre ensuite par transitions insensibles de l’art à la nature, qui est artiste à sa manière. […] En analysant ce dernier concept, on verra que les sentiments et les pensées que l’artiste nous suggère expriment et résument une partie plus moins considérable de son histoire. […] Pourtant l’artiste vise à nous introduire dans cette émotion si riche, si personnelle, si nouvelle, et à nous faire éprouver ce qu’il ne saurait nous faire comprendre.

679. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

Il y a loin de là à Athènes, avec le Parthénon pour diadème, le ciel transparent de l’Attique pour dais, l’olivier pour ceinture, la mer étincelante pour horizon, et c’est là pourtant que l’adorateur d’Athènes, l’idolâtre de Phidias, le Winckelmann français, le lapidaire du beau dans la nature, dans la poésie, dans l’architecture, dans la statue, dans la pierre, dans la femme, dans toutes les réalités et dans tous les rêves, habite seul, jeune et grave comme un solitaire du mont Athos, dans son couvent tapissé de lambris de planches de sapin, ces lambris étant sculptés par les artistes autrefois si justement renommés de Saint-Claude pour leurs bustes de Voltaire, taillés au couteau dans la racine de buis. […] Louis de Ronchaud est un Pygmalion sauvage qui n’adore pas son propre ouvrage, mais l’ouvrage du génie humain dans toute l’antiquité artiste à Athènes, et dans toute la renaissance chrétienne à Rome. […] Les jeunes hommes sérieux tels que Louis de Ronchaud n’ont point de ces irrévérences ; pour eux, ce qui est beau est dieu ; ils ne profanent ni une pierre ni un homme, de peur d’y profaner une divinité cachée dans l’art ou dans l’artiste. […] Ces lignes sont la métaphysique des édifices humains, nombres, géométrie, symétrie, décorations, tout cela construit en plus ou moins grande proportion, selon le génie de l’artiste, ce beau qui est l’idéal des yeux comme la musique est l’idéal de l’oreille, comme l’éloquence est l’idéal de la logique, comme la poésie est l’idéal de l’imagination et du sentiment.

680. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

C’est lui, l’homme qui considère l’histoire comme un développement nécessaire de faits inévitables et qui a toujours goûté en artiste les manifestations de la force  c’est lui qui aujourd’hui se fond en pitié ! […] Osons le dire, ces inexactitudes, ces habiletés d’interprétation à demi volontaires, vous les trouverez chez tout historien digne de ce nom, qu’il soit artiste, philosophe ou politique. […] A le faire si raisonnable, il risque de lui enlever cette merveilleuse puissance d’imagination qui l’égale, dans son ordre, aux plus grands artistes, à Dante et à Michel-Ange. […] Stella nous dit que, dans cette bienheureuse planète, les grands artistes contemplent enfin leur idéal vivant : Ils possèdent leur songe incarné sans effort : C’est aux bras d’Athéné que Phidias s’endort ; Souriante, Aphrodite enlace Praxitèle ; Michel-Ange ose enfin du songe qui la tord Réveiller sa Nuit triste et sinistrement belle.

681. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Dans l’après-midi on trouvait presque toujours, tenant compagnie à Valentin, le peintre Hafner, le naturiste coloriste, le maître des champs de choux violets, l’original artiste à l’aspect de caporal prussien, et déjà ivre depuis le déjeuner, et qui, le menton calé sur sa canne, en la pose que j’ai vue à l’oncle Shandy, dans une vieille illustration du roman de Sterne, regardait vaguement travailler son ami jusqu’à l’heure du dîner. […] Et à Bougival, comme partout ailleurs, le commerce humilie l’art et là littérature, et Staub, du haut de la Jonchère, située comme un château de Lucienne, regarde de bien haut les modestes toits de l’artiste. […] Aujourd’hui j’ai poussé la petite porte verte de derrière la serre, jadis l’entrée des artistes. […] * * * — Dans notre Rêve d’une dictature nous demandions une dotation de cent mille francs pour les grands inventeurs, les grands écrivains, les grands artistes.

682. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Borel, Petrus (1809-1859) »

Champfleury Ce Pétrus Borel, forçant l’étrangeté pour dissimuler son peu d’imagination, se présentant en « loup » dans la civilisation, goguenard très travaillé, sans cesse en quête de sujets étonnants, voulant attirer l’attention du public par son orthographe, n’écrivant toutefois qu’avec peine de bizarres récits en prose, poète jadis, dont les vers étaient hirsutes et martelés, à la tête autrefois d’un groupe d’artistes à tous crins qui avaient laissé leurs cheveux dans les mains de l’occasion.

683. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemoyne, André (1822-1907) »

Théophile Gautier Les vers d’André Lemoyne, d’un sentiment si tendre, d’une exécution si délicate et si artiste.

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