Quand l’homme a saisi une illusion, qu’il l’a admise a priori, il crie : « Papa ! […] Je suis bien obligé d’admettre ta proposition, puisque l’expérience te donne raison, — puisque la vie est multiforme. […] Une fois admis, on pouvait bâtir sur eux une société admirable. Les hommes n’ont pas su admettre ces conditions primordiales. […] Tu admettras que je trouve un peu mortifiant de t’être soumis à ce point que tu régisses mes actes les plus significatifs.
Un peuple qui admettrait ce dogme antique et touchant de la transmigration des esprits, dirait sans doute que plus d’une fois l’âme de Catinat est revenue habiter dans celle de Washington. […] On leur a fait un reproche contraire, qu’on n’a pas besoin d’admettre pour justifier les vérités précédentes. […] S’il est une opinion généralement admise par les philosophes modernes, c’est que l’imperfection de nos langues est le plus grand obstacle aux développements de l’esprit humain, et qu’à l’aide d’une langue bien faite, il reculerait toutes ses bornes connues. […] Mais peut-être on ne trouvera pas la même justesse dans toutes les observations de M. de Chateaubriand, ou du moins quelques-unes ne seront admises qu’avec des restrictions nécessaires. […] L’Élysée, par exemple, tel qu’il est peint dans le Télémaque, n’appartient point au système du paganisme, mais à celui d’une religion qui n’admet qu’une joie sainte et des voluptés pures comme elle.
Ils n’admettent nulle sorte de vœux : on a même pourvu chez eux à ce qu’on n’y contractât jamais d’engagement de cette nature. […] Donnez-moi, dit le prince à Maigrot admis à son audience, l’explication de quatre caractères Chinois peints au-dessus de mon trône. […] L’avocat distingua deux sortes de docteurs qu’admet la faculté : les uns pour la ville, & les autres pour les champs. […] Il prend ensuite l’habit régulier, est admis au noviciat, l’an 1663, dans le monastère de Notre-Dame de Perseigne, étant âgé pour lors de trente sept ans & quelques mois. […] Il parvint à gagner la confiance du prince, à se-faire combler de ses graces, sans néanmoins être admis à manger à sa table(*).
Cela serait triste à penser ; un tel désaccord entre le caractère et le talent, entre la vie pratique et les œuvres, concevable après tout dans des hommes de génie plus ou moins ironiques ou égoïstes, ne se peut admettre aisément chez celui dont le talent a pour inspiration et pour devise principale l’amour des hommes, la miséricorde envers les malheureux, toutes les vertus du cœur et de la famille. […] Nous aurions toujours eu à regretter d’ailleurs quelques traits discordants qu’il eût fallu admettre au tableau, son attitude maussade au sein de l’Institut, son opiniâtreté contentieuse dans d’insoutenables systèmes, et plus de louanges de notre grand Empereur que nous n’en aimerions.
Le Tasse s’exprime ainsi lui-même dans sa correspondance sur Alphonse : « Ce prince me releva avec la main de mon obscure fortune, au grand jour, et à l’estime de sa cour ; il me fit passer de l’indigence à la richesse, il donna lui-même une considération et un prix de plus à mes productions poétiques, en assistant fréquemment et attentivement à la lecture de mes vers, et en traitant leur auteur avec toutes sortes d’égards et de marques d’admiration ; il m’admit honorablement et familièrement à sa table et à ses entretiens ; il ne me refusa aucune des faveurs que je lui demandai. » La félicité du Tasse à Ferrare, à cette époque, était de nature à inspirer l’envie. […] On accuse la fortune d’être hostile aux grands génies littéraires, poétiques, artistiques : nous n’admettons pas qu’un grand don de l’esprit soit une hostilité ou une malédiction de la fortune ; nous conviendrons plutôt que les grandes imaginations, quand elles ne sont pas en équilibre parfait avec les autres facultés du bon sens et du raisonnement, portent leur malheur en elles-mêmes.
Du Chatelard, sans cesse admis dans la familiarité la plus intime de sa maîtresse, avait fini par confondre le badinage et le sérieux, et par se persuader que la reine ne désirait qu’un prétexte pour tout accorder à son audace. […] Elle viola les convenances de l’étiquette presque sacrée du temps jusqu’à l’admettre seul à sa table, dans ses appartements intérieurs ; elle supprima le nom du roi des actes publics, pour y faire apposer le nom de Rizzio.
Nul n’est admis, s’il ne compose et ne lit : un vieil officier, à qui la plume pèse, est forcé de barbouiller du papier pour être admis dans cette « Académie femelle », comme Chapelain écrit en 1638, s’égayant fort de ces « fées qui ont beaucoup d’âge et peu de sens ».
Grandes nouveautés quant à la science de la philosophie, qui admettait encore plusieurs âmes, l’âme sensitive, l’âme intelligible, l’âme végétative, c’étaient aussi de grandes nouveautés dans la littérature. […] Rechercher la vérité par la raison, la faculté la plus générale à la fois et la plus véritablement personnelle à chaque homme ; ne rien admettre dans son esprit qui ne soit évident ; bien définir les termes pour ne point confondre les principes, pour pénétrer toutes les conséquences, pour ne jamais raisonner faussement sur des principes connus ; subordonner toutes les facultés à la raison, et l’homme qui sent à l’homme qui pense ; réduire au rôle d’auxiliaires de la raison l’imagination et la mémoire, par lesquelles nous dépendons des choses extérieures et sommes à la merci de l’autorité, de la mode, de l’imitation : les grands écrivains du dix-septième siècle ne font pas autre chose.
À Saint-Sulpice, nulle atténuation des dogmes de l’Écriture n’était admise ; les Pères, les conciles et les docteurs y paraissaient les sources du christianisme. […] J’admettais la révélation en un sens général, comme Leibniz, comme Malebranche.
Un homme admis à vos levers a besoin de douze domestiques ; donnez-moi cette terre qu’on vient de confisquer sur un protestant ; ajoutez-y ce dépôt qu’il m’avait confié en partant et que je vous révèle2. […] Aurai-je le bonheur suprême d’être admis aux Marly ?
C’est là son Hoc erat in votis, et en vieillissant il n’admettra pas de diversion à cette occupation finale, et à ses yeux la seule digne du sanctuaire.
Je suis bien de son avis sur la simplicité de Fénelon, laquelle n’est pas une simplicité primitive, mais plutôt celle d’une grâce exquise et peut-être d’une coquetterie accomplie ; mais je ne saurais admettre que le Télémaque soit le comble et le chef-d’œuvre de l’esprit.
J’admets pourtant que si un peu de science nous éloigne, beaucoup de science nous ramène au sentiment des beautés ou des grâces domestiques ; et alors l’élégie de Parny, vue à son heure, est, en effet, une des productions de l’esprit français qui mérite d’être conservée comme spécimen dans l’immense herbier des littératures comparées.
Il célébrait les fêtes de la Cour avec beaucoup de régularité, en faisant faire le feu roulant à ces troupes-là ; outre cela, chaque jour on relevait la garde, c’est-à-dire que de chaque table on prenait les poupées qui étaient censées monter la garde ; il assistait à cette parade en uniforme, bottes, éperons, hausse-col et écharpe ; ceux de ses domestiques qui étaient admis à ce bel exercice étaient obligés d’y assister de même. » Dans l’état d’ivresse qui lui était habituel, il lui arriva plus d’une fois, vers ce temps, d’entrer chez la grande-duchesse et de tirer l’épée dans sa chambre, soit pour la menacer, soit sous prétexte de la défendre contre de chimériques ennemis : sans s’effrayer, elle le renvoyait cuver son vin et dormir.
Il faudrait donc admettre, pour que les inductions que la psychologie prétend tirer du moi présent à l’avenir de l’humanité fassent légitimes, que toutes les grandes évolutions du moi eussent achevé leur cours, et que de plus il existât une sorte d’égalité psychologique entre tous les individus, entre tous les moi de l’humanité adulte ; de sorte qu’un de ces moi quelconque, s’observant lui-même par une bonne méthode, arrivât aux mêmes résultats que les autres moi ses semblables.
Une révolution suspend toute autre puissance que celle de la force ; l’ordre social établit l’ascendant de l’estime, de la vertu : les révolutions mettent tous les hommes aux prises avec leurs moyens physiques ; la sorte d’influence morale qu’elles admettent, c’est le fanatisme de certaines idées qui n’étant susceptible d’aucune modification, ni d’aucune borne, sont des armes de guerre, et non des calculs de l’esprit.
. — De tels services appellent une récompense proportionnée : on admet que, de père en fils, il contracte mariage avec la France, qu’elle n’agit que par lui, qu’il n’agit que pour elle, et tous les souvenirs anciens, tous les intérêts présents viennent autoriser cette union.
. — Comme toutes les tendances, celle-ci aboutit à un signe ; admettons pour ce signe le mot ordinaire, deux.
Sur ce qui est une fois admis, nulle ombre de doute ne peut se projeter.
« Tous ceux, disait Ronsard, tous ceux qui écrivent en carmes, tant doctes puissent-ils être, ne sont pas poètes », et il n’admettait à l’œuvre divine de la poésie que les hommes « sacrés dès leur naissance et dédiés à ce ministère ».
Verlaine représente pour moi le dernier degré soit d’inconscience, soit de raffinement, que mon esprit infirme puisse admettre.
Mais la jeunesse est capable de toutes les abnégations, et il est permis d’admettre que Jean, ayant reconnu dans Jésus un esprit analogue au sien, l’accepta sans arrière-pensée personnelle.
Les difficultés pour Bethsaïde sont plus grandes encore ; car l’hypothèse, assez généralement admise, de deux Bethsaïdes, l’une sur la rive occidentale, l’autre sur la rive orientale du lac, et à deux ou trois lieues l’une de l’autre, a quelque chose de singulier.
L’histoire est impossible, si l’on n’admet hautement qu’il y a pour la sincérité plusieurs mesures.
La légende, qui ne veut que des couleurs tranchées, n’a pu admettre dans le cénacle que onze saints et un réprouvé.
Si l’on comprend qu’il n’affecte pas envers l’homme qui l’a délaissé, un amour filial qu’il ne saurait ressentir, on n’admet point son persiflage amer, ses sarcasmes durement aiguisés, sa polémique méprisante qui frise, un instant, la provocation.
Quoique cet épisode de la Graziella soit écrit avec plus de fermeté et de simplicité que le reste des Confidences, on y trouve pourtant quelques-uns de ces tons discordants et forcés, tels que M. de Lamartine n’en admettait pas encore dans sa manière à la date de 1829 ; on se prend à douter de cette date ; et, en effet, l’auteur lui-même, qui a des instants d’oubli, nous dit, dans sa préface des mêmes Confidences, que c’est en 1843, à Ischia, au moment où il composait son Histoire des Girondins, qu’il écrivit comme intermède cet épisode de Graziella.
Ils ne vouloient point admettre la réalité d’un état dans lequel on aime dieu sur la terre, absolument & sans intérêt, pour lui-même.
Toutefois, comme cette ressemblance ne saurait être toujours si parfaite, qu’elle n’admette quelque différence en faveur des beautés de l’art, l’art même, pour ménager ces beautés, peut faire illusion au spectateur, et lui montrer avec succès une action dont la durée exige huit ou dix heures, quoique le spectacle n’en emploie que deux ou trois : c’est que l’impatience du spectateur, qui aime à voir la suite d’une action intéressante, lui aide à se tromper lui-même, et à supposer que le temps nécessaire s’est écoulé, ou que ce qui exigeait un temps considérable s’est pu faire en moins de temps.
Aux termes où nous sommes parvenus, et bien probablement toujours, — car je ne vois pas ce qu’il y a de plus dans le monde que l’éternelle question, sous toutes les formes, de l’Autorité et de la Liberté ; que leur lutte ou que leur accord, — l’histoire de la liberté religieuse, cette première liberté qui renferme en son sein toutes les autres, est et continuera d’être d’un immense intérêt pour les hommes, qu’ils l’admettent ou qu’ils la repoussent, qu’ils la maudissent ou qu’ils l’adorent.
Une première coupe révèle dans le cartésianisme la philosophie des idées « claires et distinctes », celle qui a définitivement délivré la pensée moderne du joug de l’autorité pour ne plus admettre d’autre marque de la vérité que l’évidence.
Nous ne pouvons admettre ni l’une ni l’autre opinion. — Les Grecs ne se servirent point d’hiéroglyphes comme les Égyptiens, mais d’une écriture alphabétique, encore ne l’employèrent-ils que bien des siècles après. — Homère confia ses poèmes à la mémoire des Rapsodes, parce que de son temps les lettres alphabétiques n’étaient point trouvées, ainsi que le soutient Josèphe contre le sentiment d’Appion. — Si Cadmus eût porté les lettres phéniciennes en Grèce, la Béotie qui les eût reçues la première n’eût-elle pas dû se distinguer par sa civilisation entre toutes les parties de la Grèce ?
Elle était une république ; elle avait des institutions libres, des partis politiques, des guerres civiles ; et, quand elle fut lasse de tant d’épreuves, elle eut pour maîtres, d’abord un sage, puis, longtemps après, le peuple athénien, qui, dans sa victoire, l’admit au partage de ses lois généralement humaines et modérées, et lui rendit plus, en exemples de grandeur, en amour du travail et de la gloire, qu’il ne lui ôtait en stérile indépendance.
Il est temps d’en finir avec ce système pervers qui n’admet de poésie, d’émotion, de feu, d’éloquence, de richesse d’imagination et d’amour qu’en dehors des desseins de Dieu et de l’ordre des sociétés ; pour qui rien n’est beau, n’est grand, n’est passionné, s’il n’y sent le goût de la désobéissance et la saveur du fruit défendu. — « Un Juif n’a-t-il pas des pieds ? […] Nous honorons trop la vérité, religieuse, morale ou littéraire, pour admettre qu’elle puisse ressembler à la justice dont parle Pascal, et se faire rigide ou accommodante suivant que l’atmosphère publique est à la tempête ou au calme. […] Le grand Arnauld, on le sait, en proscrivant la poésie et le théâtre, admettait une exception en faveur de Phèdre : nous qui ne sommes pas janséniste, nous pouvons étendre un peu plus loin nos tolérances. […] Enfin, lorsque M. de Balzac admet dans ses récits l’élément religieux, et, pour tout dire, catholique, les hommages qu’il lui adresse sont cent fois pires que des insultes, car on sent que le véritable esprit chrétien n’a rien de commun avec ses respects dérisoires. […] Mais enfin, une fois cette donnée admise, et une imagination puissante se chargeant d’en tirer parti, il semble que nous allons en voir sortir des effets gigantesques à faire pâlir tous les Monte-Christo et tous les Gérolstein de l’avenir.
Paul Lacroix plus d’une trouvaille, en fournira la preuve, il semble même que son bonheur soit d’enrichir généreusement les autres de ses découvertes importantes, réelles et incontestables, et qu’il se complaise à ne se réserver que les hypothèses les plus difficiles à faire admettre. […] Le célèbre antagoniste de Descartes admit à ce cours le jeune Bernier, Poquelin et Hesnaut : ils se montrèrent dignes d’un tel maître. […] La réputation des élèves et du maître donna à un jeune homme, alors aussi redoutable dans les collèges par son insubordination qu’il le fut depuis dans le monde par son humeur guerroyante, un désir ardent d’être admis à ces cours. […] Chassé de cet établissement, et voulant terminer ses études, Cyrano parvint à se faire admettre parmi les disciples de Gassendi. […] Pour être admis à ces cercles, il fallait avoir prouvé qu’on connaissait, comme le dit Madelon, « le fin des choses », « le grand fin », « le fin du fin », et y être présenté par un des hommes qui y donnaient le ton.
Je l’admets néanmoins, mais dans une étroite mesure, dans la mesure où elle est également honorable pour Bossuet et pour Fénelon. […] La noblesse, l’honnêteté, la droiture de son génie n’admet pas que l’on emploie des vases souillés aux usages pieux, ni qu’en morale on compose, comme en médecine, des remèdes avec des poisons. Il n’admet pas que l’on fasse d’un songe indécent et scandaleux le fondement d’une manière nouvelle de prier Dieu. Il n’admet pas que de l’alliage du pur avec l’impur il puisse sortir une pureté nouvelle, ou que du mélange adultère du profane avec le sacré le parfum de la piété monte et s’élève plus agréable à Dieu. […] Admettons pour aujourd’hui que ce soit la même chose.
Mais justement je me plains qu’un poète, abusé par l’antiquité de la légende, et la croyant assez connue pour qu’elle fût admise comme vraie, ait eu l’idée de « réaliser », sous la forme du drame, un conte proprement symbolique. […] J’admets très bien qu’on perfectionne Shakespeare. […] Rappelons aussi que Mme Scarron fut l’amie intime de Ninon de Lenclos, jusqu’à partager quelquefois son lit (M. de Noailles lui-même admet le fait). […] Et, cette convention admise, vous voyez le drame ! […] Cette badauderie s’explique sans doute par les mêmes raisons que les autres espèces de badauderie ; mais peut-être admet-elle aussi une explication particulière aux femmes.
Pour éviter l’infâme rouge de 93, nous avions admis une légère proportion de pourpre dans notre ton ; car nous étions désireux qu’on ne nous attribuât aucune intention politique. […] Il avait déjà commencé sa croisade contre le soleil, contre la campagne, contre les voyages, contre la nature, qu’il n’admettait que dans les tableaux de son frère Camille. […] Elle aime à représenter la forme sous le costume de la Vérité sortant de son puits, et en fait d’habit elle n’admet guère que la draperie, accompagnement libre de la nudité. […] Pour faire admettre le Freischütz de Weber, Castil-Blaze était obligé de le travestir en Robin des Bois et d’y ajouter beaucoup du sien. […] Il croyait, ainsi que Glück, qu’au théâtre, la parole et la note devaient être étroitement unies, et il n’admettait pas ces coupes d’airs, de cavatine, qui arrêtent l’action.
Amaury, admis dans cet intérieur, est bientôt, sur sa bonne mine, associé aux projets du marquis, à ses secrets, à toutes ses espérances royalistes, si ardentes et si folles, unique arsenal du vieux château. […] Sainte-Beuve est un des écrivains de notre temps qui ont le plus combattu, le plus déprécié la tradition ; mais j’ai montré par les réflexions qui précèdent que je n’ai point de parti pris contre lui ; que tout au contraire j’admets la légitimité de l’école de style à laquelle il a longtemps appartenu, enfin que je suis un des plus sincères admirateurs du grand écrivain qui l’a fondée. […] Ces hommes qui paraissent si impassibles et qui, entre eux, demeurent toujours si froids, mon abandon les détend aussitôt ; ils deviennent caressants malgré eux, et pour la première fois de leur vie. » En effet, Jacquemont est admis, recherché, caressé, dans les plus grandes maisons de Calcutta : on l’invite chez le gouverneur, il loge chez le grand-juge ; il passe des mois entiers chez l’avocat-général ; il est l’ami, le commensal, le confident du commandant de l’armée ; on le demande partout, et partout il rencontre ce luxe tout nouveau de bienveillance britannique ; partout sa gaieté spirituelle, sa noble franchise lui ouvrent le cœur de ses hôtes. […] Accessibles à la civilisation anglaise dans toutes les habitudes de la vie civile, comme soldats, comme agriculteurs, comme négociants, leur vie domestique est murée ; elle n’admet ni nos usages, ni nos mœurs, ni le respect de la femme, ni les saintes et paisibles vertus de la famille ; nulle affection, nulle sympathie ; les enfants méprisent leur mère, le père maltraite ses enfants ; d’implacables jalousies, des haines atroces fermentent dans le cœur des frères.
Elle n’admet pas l’imprévisible. […] L’intelligence n’admet pas plus la nouveauté complète que le devenir radical. […] Un aveugle-né qui aurait vécu parmi des aveugles-nés n’admettrait pas qu’il fût possible de percevoir un objet distant sans avoir passé par la perception de tous les objets intermédiaires. […] Mais il faudra admettre alors qu’une habitude contractée peut devenir héréditaire, et qu’elle le devient de façon assez régulière pour assurer une évolution.
Il l’approuve : il a, dans ses plans stratégiques, admis très volontiers l’hypothèse d’une invasion de la France par le chemin septentrional de la Hollande et de la Belgique. […] Il était admis, une fois pour toutes, que l’Autriche était l’ennemie, et la Prusse l’amie attendrissante. […] Il tire mieux que personne, et ses émules n’ont même pas à être jaloux de lui : sa supériorité est admise, fêtée. […] Or, il me semble que peu à peu Gilbert Augustin-Thierry se détacha de la métaphysique et inclina vers la psychologie ou, en d’autres termes, admit que les dogmes de l’occultisme fussent traduits modestement. […] Et admettons-le : constatons, d’autre part, que, si la France n’a pas voulu la guerre, elle ne l’a point redoutée ; certains soirs, ne l’a-t-elle pas réclamée ?
La sensualité nue passe pour vulgaire et n’est admise que quand elle se présente sous forme de vice contre nature et de dégénérescence. […] Pour les imbéciles, tout ce qui est clair, fermement dessiné, et qui n’admet pour cette raison qu’une seule interprétation, est plat. […] Il n’admet dans les beaux-arts que l’idée. […] Le graphomane Charles Morice, du style détraqué et biscornu duquel cette citation donne une juste idée, admet que Mallarmé créera peut-être pourtant encore son « œuvre d’art inouïe ». […] Mais même cet emprunt par commodité n’est possible et compréhensible que si l’on admet que l’esprit perçoit, entre les impressions des différents sens, certaines ressemblances parfois explicables par l’association d’idées consciente ou inconsciente, mais plus souvent absolument inexplicables objectivement.
« Nous avons élevé cet enfant pour le roi », écrivait madame la comtesse de Vigny, en 1814, au ministre de la guerre, en lui demandant la faveur d’admettre son fils dans les gendarmes de la Maison-Rouge, corps de noblesse qui, avec les gardes du corps et les mousquetaires, donnait le rang d’officier aux fils de l’aristocratie déshéritée et un appointement de sous-lieutenant dans l’armée. […] Il voit tout Canaan, et la terre promise, Où sa tombe, il le sait, ne sera point admise. […] Ce sophisme chattertonien admis, quelle admirable et naturelle exposition en action de la pièce et des caractères !
Or, nous essaierons de montrer plus loin que, la perception une fois admise telle que nous l’entendons, la mémoire doit surgir, et que cette mémoire, pas plus que la perception elle-même, n’a sa condition réelle et complète dans un état cérébral. […] Pour parler avec plus de précision, il est difficile d’admettre que l’électrisation de la langue, par exemple, n’occasionne pas des modifications chimiques ; or ce sont ces modifications que nous appelons, dans tous les cas, des saveurs. […] Mais on ne saurait rien admettre ici de commun, au point de vue de la qualité, entre une sensation visuelle élémentaire et une sensation tactile, puisqu’elles appartiendraient à deux genres entièrement différents.
C’est un développement de la page de Platon sur le Juste crucifié où les Pères de l’Église avaient cru reconnaître un pressentiment du Christ, mais ce développement est magnifique et la filiation entre ces théories platoniciennes et le Christianisme semble trop manifeste pour qu’on ne puisse admettre une aussi poétique fiction. […] Le sourire du Faune n’est-il pas admis dans l’art auprès de la sérénité des grandes déesses ? […] Nous ne saurions l’admettre sans illusion et sans péril. […] Sur ce point notre glorieux maître Victor Hugo n’admettrait pas de restrictions, et nous nous rangeons à son autorité décisive. […] Pour se mettre dans l’esprit du poème, il faut, dès le début, suivre l’auteur dans un Paradis qui ne serait pas désavoué par Dante, écouter les dialogues des anges et des saints, assister au déluge, à la salutation des Rois Mages, aux stations du Calvaire, admettre la légende du Juif errant.
Mais, en aucun cas, il ne faut l’avilir dans le hasard des événements ; il faut qu’il meure ou triomphe, et on ne doit pas craindre de lui donner une importance exceptionnelle dans la vie, des forces au-dessus du vulgaire, des charmes ou des souffrances qui dépassent tout à fait l’habitude des choses humaines, et même un peu le vraisemblable admis par la plupart des intelligences. […] C’est une de ces questions délicates qui n’admettent pas de réponse absolue, et que d’autres juges que les hommes pourraient seuls éclairer avec leurs instincts et leurs fines inductions. […] Sans doute, l’amour ne consulte pas les règles de la hiérarchie sociale ; mais il sera difficile d’admettre que ces règles soient absolument interverties. […] Plus libéral que ne le furent plus tard ses disciples, il admettait au même titre la tendance contraire et félicitait Mme Sand d’y rester fidèle. […] Elle ne peut pas admettre que, sous prétexte d’être artiste, on cesse d’être soi-même, et que l’homme de lettres détruise l’homme.
Mon esprit n’admet point un pompeux barbarisme Ni d’un vers ampoulé l’orgueilleux solécisme, Sans la langue, en un mot, l’auteur le plus divin Est toujours, quoi qu’il fasse, un méchant écrivain. […] On a le droit de mépriser l’homme, de le bafouer, mais non pas d’être discourtois envers la personne avec qui l’on cause et par qui l’on est reçu ; or, être lu n’est-ce pas, en somme, être reçu par un étranger qui vous admet chez lui ? […] On ne formulerait pas même ces fugitives réflexions si ces auteurs avaient les irrésistibles qualités qui font absoudre cette méthode de travail : tous les emprunts sont admis si l’emprunteur rend parfaitement sienne la matière qu’il a choisie, s’il la recrée, s’il la rénove. […] En outre, quelque intérêt qu’il puisse porter à ceux des problèmes étrangers à l’art qui passionnent au plus juste titre l’homme moderne — ces problèmes dont est dramatiquement issue l’existence quotidienne, — il n’admet point que l’œuvre d’art en puisse présenter le moindre reflet. […] Entre leurs créations se découvrent toutes les analogies et les parentés que peuvent admettre des œuvres appartenant à des domaines aussi étrangers l’un à l’autre que le sont la peinture et la poésie.
Saint-Simon, dans son apologie, admet ou suppose toujours deux choses : c’est, d’une part, qu’il ne dit que la vérité, et, de l’autre, qu’il n’est pas impartial, qu’il ne se pique pas de l’être, et, qu’en laissant la louange ou le blâme aller de source à l’égard de ceux pour qui il est diversement affecté, il obéit à ses inclinations et à sa façon impétueuse de sentir : et, avec cela, il se flatte de tenir en main la balance. […] Membre du Conseil de régence, il est devenu un des personnages du gouvernement, et bien que rarement ses avis prévalent, il est continuellement admis à les donner et ne s’en fait pas faute ; on a des entretiens sans nombre où la matière déborde sous sa plume comme elle abondait sur ses lèvres ; l’intérêt, qui se retrouve toujours dans de certaines scènes et dans d’admirables portraits des acteurs y languit par trop de plénitude et de regorgement.