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2023. (1888) Portraits de maîtres

Parmi tant d’écrits, une seule étude nous semble exempte de préventions, celle de M.  […] De plus ces poèmes sont écrits dans une langue excellente, et le patriotisme ne gagne rien à s’énoncer en vers de mirliton. […] Prenons au hasard une lettre écrite pendant un voyage à Londres (t.  […] La plupart de ses écrits ont bénéficié de cette prise de possession. […] Il écrit à sa mère qu’il ne se consolera jamais de n’avoir pas « marché avec les faubourgs ».

2024. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Ses écrits, les conversations que reproduit M.  […] Voici d’abord une lettre passionnée, écrite par la femme de l’accusé. […] Ce livre a été écrit comme il sera lu, avec une émotion de révolte contre les Pharisiens. […] Il écrit de haute lutte. […] On a pleuré, on a écrit, on a imité, on a parodié, on a disserté, on a prêché même.

2025. (1890) Dramaturges et romanciers

Regardez bien au fond des écrits de M.  […] Avais-je tort de vous dire que les écrits de M.  […] Que dans ses prochains écrits M.  […] Quel nom je viens d’écrire là ! […] Il y a peu de spontanéité dans l’écrit de M. 

2026. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Peut-être eût-il mieux valu en attendre la fin, pour en écrire le commencement. […] Peut-être aussi eût-il mieux valu encore ne pas les écrire du tout. […] Ils sont brillants, ces écrits ; mais ils sonnent creux, parce que la sincérité en est absente. […] L’homme qui a écrit le quatrain, sans que rien l’y forçât, a-t-il pu écrire le sonnet quelques mois après ? […] Lorsqu’il parut, j’avais bien l’envie d’écrire (Molière, né en 1622, avait 20 ans lors du Menteur), mais j’étais incertain de ce que j’écrirais ; mes idées étaient confuses : cet ouvrage vint les fixer.

2027. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 218-221

Alfred de Musset : 1° la Confession d’un Enfant du siècle, revue et corrigée avec le goût que l’auteur apporte désormais à tout ce qu’il écrit ; 2° les Comédies et Proverbes en prose ; 3° les Poésies complètes. […] Après son Merle blanc il n’y a plus qu’à rendre les armes : « C’est, dit Mme de Boigne, qui s’y connaît, de la meilleure plaisanterie d’Hamilton. » — J’ai encore écrit une derniere fois sur Alfred de Musset au moment de sa mort (voir au tome XIII des Causeries du Lundi, article du 11 mai 1857).

2028. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 516-521

Cet Ouvrage est d'ailleurs écrit avec méthode, noblesse, simplicité, autant qu'on pouvoit le faire dans son temps. […] Büscing, entre autres, qui a consigné dans ses Ecrits Polémiques, publiés à Berlin, l'estime particuliere qu'il fait de son Atlas : il le regarde comme le meilleur Ouvrage de Géographie & d'Histoire Politique qui ait paru en France sur l'Allemagne.

2029. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Toi, demeure ici, afin que, s’il est écrit dans le ciel que je doive mourir, tu puisses raconter ma mort...” […] Il s’efforce de croire qu’il se trompe, et qu’une autre main que celle d’Angélique a écrit son nom sur ces écorces ; puis il se dit : “Ah ! […] Tibulle n’a pas écrit en larmes plus tièdes les transes et les épanchements de l’amour malheureux. […] On ne conçoit guère aujourd’hui comment la pudeur des princesses et des dames de la cour de Ferrare tolérait de tels écrits lus à haute voix pendant les soirées au palais. […] Je suis affligé, Monsieur, d’avoir eu à rectifier quelque chose dans des lignes écrites par vous, qui êtes une des gloires de la France.

2030. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Pour écrire de génie dans la comédie, il faut savoir écouter ses originaux, saisir au passage leurs paroles toutes chaudes et les fixer sur le papier. […] Voilà Valère informé par écrit qu’il est aimé, et qu’Isabelle ne veut que lui pour mari. […] Moins de quatre ans après l’École des femmes, Molière avait écrit le Tartufe et le Misanthrope. […] Boileau, qui n’écrivait rien au hasard, qualifie de doctes les peintures de Molière. […] De la sorte, tout sert à la gloire de ce grand homme, jusqu’au travers d’Oronte, qui, lorsqu’il est auteur, écrit le fameux sonnet, et, lorsqu’il le défend, parle un français aussi vif et aussi naturel que celui d’Alceste.

2031. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Bernardin, dans ses voyages, avait toujours beaucoup écrit ; il composait des mémoires pour les bureaux, il rédigeait des journaux pour lui ; arts, morale, géographie, affaires du temps, il tenait compte de tout. […] Dès la première page je lis ce mot, qui révèle tout le caractère du peintre : « Un paysage est le fond du tableau de la vie humaine. » La lettre quatrième, écrite au moment du départ, m’apparaît, dans sa sensibilité discrète, comme toute mouillée de pleurs : « Adieu, amis plus chers que les trésors de l’Inde ! […] Puis un peu après, quand il s’est mis dans ses meubles rue Neuve-Saint-Étienne ; quand, jouissant de quelques rayons de février et de la première satisfaction du chez-soi, il écrit gaiement à M.  […] Grimm, le spirituel chargé d’affaires littéraires de huit souverains du Nord, avait beau écrire à ses patrons que l’ouvrage n’était qu’un long recueil d’églogues, d’hymnes et de madrigaux en l’honneur de la Providence, la vogue en cela se retrouvait d’accord avec la morale éternelle. […] Piguet, jeune pasteur vaudois, enthousiaste de la littérature et des écrivains français, avait fait le voyage de Paris vers 1810 ; il désirait passionnément connaître Bernardin de Saint-Pierre, et lui écrivit pour avoir une heure de lui.

2032. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Il a trop écrit et trop vite, avec un désintéressement littéraire que ne compensait pas son tempérament. […] Il écrit sa Préface d’un traité du Vide, le morceau fameux où, rejetant le culte de l’antiquité dans les sciences, il expose la théorie scientifique du progrès. […] Il se savait au nombre des élus : il écrivait l’étrange et admirable Mystère de Jésus. […] « Qu’on ne dise pas, écrit Pascal, que je n’ai rien dit de nouveau : la disposition des matières est nouvelle. […] Sur le rôle de la raison de Pascal dans sa conversion, cf. le traité de la Conversion du pêcheur, et la Vie écrite par Mme Périer.

2033. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Le prologue de cette pièce accusait les Confrères de la Passion d’écrire et de jouer pour la populace en sabots. […] J’ai quelquefois écrit suivant l’art, que très peu de gens connaissent ; mais quand je vois les monstruosités auxquelles accourent le vulgaire et les femmes, je me fais barbare à leur usage. Aussi, avant d’écrire une comédie, j’enferme les règles sous six clefs, et mets dehors Plante et Térence, pour que leur voix ne s’élève pas contre moi ; car la vérité crie dans les livres muets. […] Ce grossier pêle-mêle de toutes les imitations réussit pendant vingt années, alors même que Malherbe donnait les premières règles et les premiers modèles de l’art d’écrire en vers. […] Son flanc était ouvert, et, pour mieux m’émouvoir, Son sang sur la poussière écrivait mon devoir.

2034. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

et de la plume qui les a écrites, on ne se pressera pas. […] Il écrit à des amis de jeunesse qu’il a gardés jusqu’à sa dernière heure, mais il ne leur écrit jamais en dehors des préoccupations de son cerveau. […] Absolument, le mot est faux, comme tout ce qu’a écrit ce vil menteur de Rousseau ; mais, relativement à Proudhon, le mot est vrai. […] Juvénal est un satirique Il écrit sur sa porte, c’est-à-dire sur son livre, qu’il est un satirique. […] Il faut le remercier, pour la langue française, d’avoir écrit sa Pornocratie.

2035. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

On eût dit d’une table rase sur laquelle on aurait écrit ; mais il partait du point même où je me plaçais pour faire aussitôt l’objection ou l’application précise de sa critique et de la nôtre. […] Vitet toutefois, en félicitant l’auteur de l’article, put lui écrire avec une légère pointe d’ironie : « On voit que l’ami Ramée vous a exprimé la grappe jusqu’à la dernière goutte. » Est-ce à dire que M.  […] Ses cours, au reste, ne comptèrent que par les résultats écrits, par les livres ou les articles qui en sortirent. […] Il m’écrivait un jour, pour me définir son triste état, que je ne savais pas si grave et si désespéré : « C’est la situation d’Augustin Thierry, à la gloire près. […] Je. ne me suis pas interdit de glisser à la fin de ces volumes de Nouveaux Lundis des morceaux non recueillis encore, qui n’en font point partie, mais qui ont été écrits vers le même temps.

2036. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Les deux œuvres, deux confessions de foi écrite avec le sang du martyre, nous disent donc ce que le Maître a vu ; et la connaissance de sa vie pendant les années de 1845-1882, dans les trente-sept années où sont nés Tristan et Parsifal nous fera comprendre les impressions qui les ont produits. […] Hoffmann avec ses profonds écrits fantastiques l’influençait dans la composition de ses premières œuvres. […] Le théâtre français au contraire a toujours réussi ; car il s’est proposé un but bien défini, celui d’amuser, de divertir, et ce but il l’a atteint ; aussi les auteurs français écrivaient-ils, non pour une nation abstraite, mais pour une « société » réelle et connue, dans un milieu unique, Paris. […] Humperdinck a écrites pour le Petit-Bayreuth, En mars 1884, M.  […] Ami des préraphaélites Dante Gabriel Rossetti, John Everett Millais et William Holman Hunt, il écrivit à Oxford quelques tragédies néo-élisabéthaines, et publia à Londres, en 1860, Rosamond, « aquarelle de Rossetti traduite en vers ».

2037. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Dans notre dernière correspondance, quelques amis ont trouvé sévère notre appréciation des artistes du théâtre de Bayreuth ; nous ne pouvons pourtant que maintenir ce que nous avons écrit, Les représentations de Bayreuth sont certes admirables, et évidemment incomparables à celles de quelque théâtre que ce soit ; mais elles ne sont pas parfaites, il faut bien s’y attendre. […] Voici le tour de l’auteur des symphonies très célèbres mais fort peu connues de Dante et de Faust, ébauchées l’une et l’autre de 1840 à 1845, écrites définitivement en 1856 et 1854. […] J’ai devant moi un numéro du English Gentleman, un journal de Londres de l’année 1845, qui contient un article écrit par Ferdinand Praeger sur la première représentation de Tannhaeuser à Dresde en 1845 : Ferdinand Praeger a été le premier qui prononça et écrivit le nom de Richard Wagner en Angleterre, et qui endura plus tard des années de persécution pour avoir non seulement reconnu son génie mais pour l’avoir envers et contre tous proclamé sans cesse. […] En cet endroit de la partition Beethoven a écrit lui-même (grave) « faut-il que cela soit ?  […] Il écrit en particulier à propos de La Muette de Portici, « La chaleur peu commune, presque brûlante qu’Auber sut maintenir à travers sa musique, comme un courant de lave, reste une des particularité de cette œuvre singulière […] ».

2038. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

» Il y aurait tout un livre à écrire sur l’évolution de ce mot et de son contenu. […] Car c’est vraiment pour eux qu’il a écrit, si c’est bien cette conception surannée de la « Science » que le positivisme, que l’on persiste à croire qui l’aurait établie, est au contraire venu ruiner. […] Il le méprisait aussi d’écrire moins bien qu’Ernest Renan. […] Écoutons Comte à ce sujet : « La création de la sociologie complète l’essor fondamental de la méthode positive, et constitue le seul point de vue susceptible d’une véritable universalité, de manière à réagir convenablement sur toutes les études antérieuresafin de garantir leur convergence normale sans altérer leur originalité continue. » Il écrit mal, mais il pense bien ! […] Le positivisme a posé les conditions ou les fondemens d’une telle métaphysique, et ce n’est pas Kant, en vérité, mais plutôt Comte, qui, en rédigeant les leçons de son Cours de philosophie positive, a écrit les Prolégomènes de toute métaphysique future.

2039. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Oui, vous me pardonnerez quand vous saurez que celui qui vous écrit avait placé tout le charme de sa vie sur la splendeur de ce grand théâtre. […] En m’armant contre vous pour défendre un art que j’idolâtre, j’ai voulu d’abord vous écrire au nom de tous mes confrères, victimes comme je le suis de vos idées nouvelles ; mais, en y réfléchissant, j’ai pensé qu’il me serait difficile de parler collectivement. Et d’ailleurs, comme aujourd’hui le moi se montre hardiment partout, comme on le rencontre à la fois à la tribune, dans les journaux et même dans tous vos écrits, je ne craindrai pas de m’en servir. […] Et si cet écrit ne devait pas avoir pour résultat de sauver le Théâtre-Français de sa chute complète, je ne vous l’aurais pas adressé. […] Ils ont ressuscité Ronsard, si bien qu’ils ont plutôt l’air d’écrire pour nos aïeux que pour les hommes de notre temps et pour la postérité.

2040. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Il est de l’opinion de Victor Hugo, ce fort porcher poétique, qui n’a pas craint d’écrire : J’ai nommé par son nom le cochon, — pourquoi pas ? […] Je ne pense pas qu’il y ait pourtant grande haine dans son âme, laquelle doit être surtout une âme de préoccupation littéraire, non de papier mâché, mais de papier écrit… Si peu organisé qu’il soit pour les sentiments véhéments et sincères, M.  […] Je ne crois point que, dans ce temps de choses basses, on ait écrit de livre plus bas dans l’ensemble, les détails et la langue, que La Faute de l’abbé Mouret. […] Il y a une page de mœurs et d’histoire à écrire sur la société qui les lit. […] Alors, de précaution, cet homme qui enfonce tout en littérature par la force de son verbe et de son argot, a écrit, sur l’air des Trembleurs ( Ahi !

2041. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Le duc de Guise meurtrit le bras de sa femme pour lui faire écrire la lettre qui attirera Saint-Mégrin dans le guet-apens ; la duchesse de Guise se fait briser le bras pour tenir sa porte fermée, pendant que Saint-Mégrin fuit par la fenêtre et qu’on entend le tumulte des assassins qui le reçoivent. […] Point d’intrigue, un minimum d’action : « C’est l’histoire d’un homme qui a écrit une lettre le matin, et qui attend la réponse jusqu’au soir ; elle arrive, et le tue ». […] Sur cette idée, qui ne nous étonne pas chez l’auteur de Moïse et de Stello, Vigny a écrit un drame émouvant et sobre, d’une amertume concentrée. […] Dégoûté par une expérience malheureuse803, il ne voulut plus affronter la scène, et il écrivit librement ses comédies, sans souci des nécessités scéniques ; il les imprima dans la Revue des Deux Mondes. […] Les gens qui écrivent en vers pour la Comédie Française retiennent cette forme ; l’œuvre la plus célèbre en ce genre est l’École des vieillards de C.

2042. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Non que l’éloquence religieuse ne se soit enrichie de très beaux mouvements dans Massillon, et la philosophie morale de plus d’une maxime profonde dans Vauvenargues, mais on ne peut pas compter comme de véritables gains des écrits qui en font regretter de très supérieurs dans le même genre. […] C’est pour cela qu’ayant à parler de leurs écrits, on me verra mêler les restrictions aux éloges, et plus habituellement sur la défensive que dans l’abandon. […] Il n’était pas loin encore du temps où il avait raillé la décadence du grand règne, et il écrivait les Considérations avec la plume qui venait d’achever les Lettres persanes. […] Peut-être, par une illusion du temps où il écrivait son livre, les défenseurs de la liberté du citoyen et les champions du peuple lui cachaient-ils, dans les Gracques, les factieux qui détruisaient le respect de la loi, et par qui Rome allait passer de l’âge héroïque à l’âge purement humain. […] Il n’écrit point pour censurer ce qui est établi dans quelque pays que ce soit.

2043. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

» * * * — Maintenant, quand j’écris un morceau de style, j’ai besoin avant de l’écrire, de m’entraîner, de me monter le bourrichon, comme disait Flaubert, en regardant des matières d’art colorées, mais une fois cette griserie cérébrale obtenue, il me faut éviter la vue de ces choses, tout le temps que j’écris. […] « Oui, j’ai encore deux chapitres à écrire… le premier sera fini en janvier, le second je l’aurai terminé à la fin de mars ou d’avril. […] — la filiation d’un Pouyer-Quertier, descendant d’un ouvrier tisseur… Cela m’amusera, de l’écrire en dialogues, avec des mises en scène très détaillées… Puis mon grand roman sur l’Empire… Mais avant tout, mon vieux, j’ai besoin de me débarrasser d’une chose qui m’obsède, oui, nom de Dieu, qui m’obsède !… C’est ma bataille des Thermopyles… Je ferai un voyage en Grèce… Je veux écrire cela sans me servir de vocables techniques, sans employer par exemple le mot cnémides… Je vois dans ces guerriers, une troupe de dévoués à la mort, y allant d’une manière gaie et ironique… Ce livre, il faut que ce soit, pour les peuples, une Marseillaise d’un ordre plus élevé.

2044. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Mais si, au lieu de lire ou de relire, nous traduisons, nous déchiffrons, si nous nous attachons à comprendre un texte ou subtil ou profond, et nouveau pour nous, ou bien un texte écrit dans une langue étrangère, alors les mots paraissent devancer les idées ; nous nous trouvons dans la situation de l’homme qui écoute la parole d’autrui ; nous écoutons notre parole intérieure, nous la comprenons ensuite si nous pouvons ; le mot appelle la pensée ; l’idée suit et interprète le mot. […] Pour y parvenir, il faudrait avoir fait de la langue qu’on parle et qu’on écrit une étude approfondie, en connaître à fond toutes les ressources, l’avoir assouplie par un exercice prolongé à rendre des pensées pour lesquelles elle n’était pas faite 254; plus la pensée est neuve, moins le langage usuel est prêt à l’exprimer ; sans doute il le peut ; il peut tout dire et bien dire ; mais, en attendant, il garde ses secrets. […] Dans notre enfance, nous avons appris lentement à nous parler intérieurement, comme à parler tout haut, comme à écrire. […] Avant donc que d’écrire, apprenez à penser. […] , v. 309 et v. 311, p. 218 : « Pour bien écrire, il faut du bon sens : là en est le principe, là en est la source » / « et, une fois l’idée devant tes yeux, les mots viendront la rejoindre sans se faire prier. »] provisa res représente les réflexions passées.

2045. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Il est bien certain qu’on n’écrit pas des mémoires pour s’humilier ni pour se donner tort ; même lorsqu’on a l’air de vouloir confesser ses défauts, on a soin de les montrer par le beau côté. […] Vous nous dîtes lors (écrivent les honnêtes secrétaires, dont quelqu’un sans doute lui servait d’écuyer et était près de lui en ce moment) : “Je suis las de frapper et ne saurais plus tuer des gens qui ne se défendent point.” […] De même à Fontenay en Poitou : après une bonne défense, la ville se rend et capitule sans vouloir rien mettre par écrit, sans demander d’otages, mais en se fiant entièrement en la foi et en la parole de Henri qu’ils savent bien être inviolable : « De quoi ce brave courage se trouva tellement touché, qu’il accorda tant aux gens de guerre qu’aux habitants quasi tout ce qu’ils voulurent demander, et le leur fit observer loyaument, traitant ceux de la ville tout ainsi que si elle n’eût point été prise par siège. » Le soin que mettent les secrétaires de Sully à enregistrer ces actes de clémence et ce nouveau droit de la guerre, prouve à quel point il était nouveau en effet, et combien il tranchait sur les mœurs et les habitudes du temps. […] Revenant alors en toute hâte, Rosny et ses compagnons trouvent le roi réveillé, « se promenant dans un jardin et venant de hocher un prunier de damas blanc, qui portait les plus belles et meilleures prunes (à ce que vous me dîtes me contant tout ceci, écrit le fidèle secrétaire), que vous ayez jamais mangées ; auquel, en l’abordant, vous criâtes : “Pardieu, sire, nous venons de voir passer des gens qui semblent avoir dessein de vous préparer une collation de bien autres prunes que celles-ci, et un peu plus dures à digérer, si vous ne montez promptement à cheval pour aller donner ordre à votre armée…” ». — Toute cette scène, le cri soudain de Henri IV, « Des chevaux ! […] Henri IV lui écrivait d’Amiens, le 15 avril 1596 : Je vous veux bien dire l’état où je me trouve réduit, qui est tel que je suis fort proche des ennemis, et n’ai quasi pas un cheval sur lequel je puisse combattre, ni un harnais complet que je puisse endosser ; mes chemises sont toutes déchirées, mes pourpoints troués au coude ; ma marmite est souvent renversée, et depuis deux jours je dîne et soupe chez les uns et les autres, mes pourvoyeurs disant n’avoir plus moyen de rien fournir pour ma table, d’autant qu’il y a plus de six mois qu’ils n’ont reçu d’argent.

2046. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

lui écrivait-il dans l’été de 1678 ; car pour ceux du roi, je ne m’en mets pas autrement en peine. […] Tandis que le voluptueux Salluste cherche au commencement de ses Histoires à élever sa pensée et celle de ses lecteurs et à la fixer vers les choses impérissables, La Fare, moins ami de l’idéal et qui sépare moins ses écrits de ses propres habitudes, commence par une citation de Pantagruel. […] Il est bien certain que si La Fare s’est retiré pour un passe-droit comme il arriva vingt-cinq ans plus tard à Saint-Simon, ce n’a pas été avec la même arrière-pensée que lui : il n’écrit ses mémoires que par occasion et au hasard, non avec suite. […] Il ne travaille pas assez pour arriver à écrire des mémoires un peu longs et complets ; la plume lui tombe des mains avant la fin, et c’est dommage ; il était si capable de bien juger et de donner sur les hommes qu’il a connus de ces traits qui restent et qui fixent en peu de mots la vérité du personnage ! […] Peu après, à la date de 1712 (22 ou 29 mai), Saint-Simon écrivait : Deux hommes d’une grosseur énorme, de beaucoup d’esprit, d’assez de lettres, d’honneur et de valeur, tous deux fort du grand monde et tous deux plus que fort libertins, moururent en ce même, temps, et laissèrent quelque vide dans la bonne compagnie : Comminges fut l’un… La Fare fut l’autre démesuré en grosseur.

2047. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Fils de l’ami le plus intime du cardinal de Retz et de sa seconde femme, Mlle de Verthamon, de celle sous les auspices et d’après l’inspiration de laquelle Fléchier écrivit ses Grands Jours de Clermont, il avait vu la grâce et l’ingénieuse ironie présider à son berceau. Élevé sous les yeux de son père, frère d’un aîné d’un autre lit (M. de Caumartin, l’intendant des finances) et qui était très en crédit et très à la mode ; n’ayant lui-même jamais rien écrit ni ne devant rien écrire, mais ayant tout appris dès l’enfance, histoire, chronologie, médailles, théologie enfin, et n’étant surchargé de rien, il avait été reçu à l’Académie dans cette grande jeunesse pour sa pure distinction personnelle : « La brigue ni la faveur, a-t-on eu le soin de nous dire, n’avaient eu aucune part à ce choix : son mérite seul avait parlé pour lui. » Perrault, qui fut chargé de le recevoir, le loua comme un prodige de facilité et d’érudition, dont tous les savants étaient émerveillés et que la Sorbonne avait peine à contenir. […] Telles sont les grâces de Louis le Grand, grâces semblables aux influences du plus beau des astres, et qui me donnent droit de dire avec plus de justice, à l’honneur du roi, que Tertullien n’écrit pour flatter les princes de l’Afrique : l’État et le ciel ont le même sort, et doivent leur bonheur à deux soleils… À ces mots, le voisin de Racine dut se pencher vers lui et lui rappeler à l’oreille la harangue de maître Petit-Jean : Quand je vois le soleil, et quand je vois la lune… Et le voisin de La Bruyère reçu l’année d’auparavant et avec un si éloquent discours, put lui dire : « Ah ! monsieur, vous ne nous aviez pas préparés à ce langage-là. » La suite du compliment de M. de Noyon répond de tout point au début : Entrons, dit-il, dans notre sujet et remarquons les âges différents de l’Académie française, — née sous les auspices du cardinal duc de Richelieu fondateur ; — élevée par les soins du chancelier Séguier conservateur ; — fortifiée des doctes écrits de mon prédécesseur ; — consommée et comblée de toute la gloire de Louis le Grand son auguste et magnifique protecteur ; — ouvrages dignes de leurs auteurs !

2048. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Quoique la prédication fût alors mon plus grand objet, je ne laissais pas de m’exercer à écrire selon l’occasion, soit en français, soit en latin, sachant bien que plus on vaut, plus on peut faire fortune auprès des Grands qui en sont la source. Effectivement ce ne furent point mes prédications, mais quelques-uns de mes écrits qui me frayèrent le chemin à devenir ce que j’ai été. » Certes l’abbé Legendre ne fut point un mauvais ecclésiastique ; nous le trouvons même dans une discussion qu’il eut dans sa vieillesse avec le Journal de Trévoux, qualifié par les Jésuites d’auteur vertueux. […] Je ne serais pas étonné que ce fût après avoir entendu quelqu’un des sermons prêchés par l’abbé Legendre que Fénelon ait écrit : « Il serait à souhaiter qu’il n’y eût communément que les pasteurs qui donnassent la pâture aux troupeaux selon leurs besoins. […] L’abbé Legendre, qui a écrit jusqu’à quatre Éloges de M. de Harlay, sans compter ce qu’il en dit dans ses Mémoires ; qui l’a loué une première fois en français, mais un peu brièvement40, une seconde fois en français encore41 et en s’attachant à ne mettre dans ce second morceau ni faits, ni pensées, ni expressions qui fussent déjà dans le premier ; qui l’a reloué une troisième fois en latin42, puis une quatrième et dernière fois en latin encore43, mais pour le coup avec toute l’ampleur d’un juste volume, Legendre a commencé ce quatrième et suprême panégyrique qui englobe et surpasse tous les précédents par un magnifique portrait de son héros ; je le traduis ; mais on ne se douterait pas à ce début qu’il s’agit d’un archevêque, on croirait plutôt qu’il va être question d’un héros de roman : « Harlay était d’une taille élevée, juste, élégante, d’une démarche aisée, le front ouvert, le visage parfaitement beau empreint de douceur et de dignité, le teint fleuri, l’œil d’un bleu clair et vif, le nez assez fort, la bouche petite, les lèvres vermeilles, les dents très bien rangées et bien conservées jusque dans sa vieillesse, la chevelure épaisse et d’un blond hardi avant qu’il eût adopté la perruque ; agréable à tous et d’une politesse accomplie, rarement chagrin dans son particulier, mangeant peu et vite ; maître de son sommeil au point de le prendre ou de l’interrompre à volonté ; d’une santé excellente et ignorant la maladie, jusqu’au jour où un médecin maladroit, voulant faire le chirurgien, lui pratiqua mal la saignée ; depuis lors, s’il voyait couler du sang, ou si un grave souci l’occupait, il était sujet à des défaillances ou pertes de connaissance, d’abord assez courtes, mais qui, peu à peu, devinrent plus longues en avançant : c’est ce mal qui, négligé et caché pendant plus de vingt ans, mais se répétant et s’aggravant avec l’âge, causa enfin sa mort. » L’explication que l’abbé Legendre essaye de donner des défaillances du prélat par suite d’une saignée mal faite est peu rationnelle : M. de Harlay était sujet à des attaques soit nerveuses, soit d’apoplexie plus probablement, dont une l’emporta. […] Les docteurs de Sorbonne, fiers d’un talent et d’un candidat qui devait faire honneur à leur maison, écrivirent à ce sujet une lettre de félicitation à son oncle l’archevêque de Rouen, et le jeune Harlay eut de lui promesse d’obtenir l’abbaye de Jumiéges, si la reine y consentait.

2049. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

— C’était Anténor Joly, entrepreneur infatigable, qui avait la bosse de la direction théâtrale et aussi la rage du petit journal, et qui, pour enrôler notre ami dans je ne sais quelle feuille nouvelle, lui écrivait : « Je suis l’homme petit journal. […] Charlet, d’un autre temps, d’une tout autre génération, et de sa barrière du Maine, n’était en rien de ce monde-là ; mais il estimait de loin Gavarni, et il lui écrivait un jour, à l’occasion d’un jeune homme que celui-ci lui recommandait pour l’examen de l’École Polytechnique où Charlet était professeur : « Mon cher confrère, demandez-moi tout hors ce que vous me demandez, car je ferai tout pour vous prouver toute l’estime que je professe pour votre talent. […] Antoine de Latour, au nom du duc de Montpensier, écrivait à Gavarni, à la date du 25 janvier 1848 : « Il est revenu à Son Altesse Royale que la reine Victoria s’étonnait de ne pas vous avoir encore vu. […] Il écrivit même pour lui des Réflexions sur l’Angleterre, et j’ai lu tout un chapitre où sont racontées d’une manière simple et encadrées dans un paysage bien anglais les funérailles modestes du roi Louis-Phi-lippe. […] voilà de l’encre et du papier, écrivez votre demande. » — « Heim !

2050. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Les grands ouvrages écrits en langue étrangère ne sont véritablement lus que quand ils sont traduits. […] Rappelons ici les termes précis de la question, telle qu’elle s’est posée, il y a soixante-dix ans, par l’écrit de Wolf, intitulé simplement Prolegomena ad Homerum (Introduction à Homère). […] Grote convient tout à fait avec Wolf que les poëmes d’Homère n’ont été ni pu être écrits pendant un long laps de temps qui ne peut guère avoir été moindre que de deux ou trois siècles ; mais cette absence d’écriture n’est point une objection suffisante pour ne pas admettre de longs et très-longs poëmes : là est toute la question. […] Fox, qui le vit dans le voyage qu’il fit en France, en 1802, écrivait sur son compte à un ami : « Je devrais peut-être aussi faire mention de Villoison, le grand Grec, ne fût-ce que pour sa volubilité qui dépasse toute croyance. […] Sainte-Croix n’écrivit ses deux articles du Magasin encyclopédique, intitulés Réfutation d’un paradoxe sur Homère, que pour répondre à un article de Caillard inséré précédemment dans le même Magasin, et qui présentait une analyse de l’ouvrage de Wolf.

2051. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Saint-Simon aime à dire la vérité ; il croit la dire, il la cherche et se donne toutes les peines du monde pour la trouver ; mais ses informations peuvent l’abuser, sa passion l’emporte, son feu de coloriste s’en mêle : de là des excès de pinceau et des erreurs matérielles comme en contiennent nécessairement tous les Mémoires qui ne sont pas faits sur pièces et qui s’écrivent d’après des impressions ou sur des on dit. […] obligées et de politique, a pu raisonnablement écrire. […] Chacun n’écrit que ce qui le sert. […] « Saint-Hilaire n’est pas mort, écrivait Mme de Sévigné, dont le récit est dans toutes les mémoires, il vivra avec son bras gauche (lisez le bras droit), et jouira de la beauté et de la fermeté de son âme. » Son fils, le même historien dont M.  […] Ce qu’on en sait et ce qu’on en cause n’est pas du tout ce qu’on en écrit.

2052. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

presque tout entiers de mémoire avant de les écrire, il avait besoin de temps, de recueillement. […] Il y a plus d’une manière de bien écrire, même de bien écrire en vers. […] Quoi qu’il en soit de ces deux habitudes d’écrire, Casimir Delavigne excellait dans la première, et il en offre les plus purs et les plus constants exemples, les derniers que notre littérature puisse avec orgueil citer à la suite des modèles. […] (Il m’était arrivé rarement, trop rarement, avant ce Discours, d’écrire sur Casimir Delavigne ; je l’avais pourtant fait en deux circonstances, l’une déjà bien ancienne, dans le Globe, à l’occasion des Sept Messéniennes de 1827, et une autre fois assez récemment dans la Revue des Deux Mondes, à l’occasion de la Popularité (1838) ; je ne crains pas de donner ci-après, en appendice, ces deux morceaux dans lesquels, avec la différence du ton, on retrouvera exprimées plusieurs idées qui chez moi ne sont pas si nouvelles ; de tout temps, par exemple, j’ai pensé que la vocation de Casimir Delavigne était d’être classique.

2053. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Cette supercherie n’échappa point à la sagacité des juges ; mais, à cause de la coutume et de l’opinion reçue, ils consentirent à les laisser subsister, marquant toutefois d’un obel ceux qu’ils n’approuvaient pas, comme étant étrangers au poète et indignes de lui ; ils témoignèrent par ce signe que ces mêmes vers n’étaient point dignes d’Homère. » II Cicéron et les critiques romains de son époque ont admis cette opinion sur ce chef-d’œuvre de l’art grec et sur ce chef-d’œuvre des langues écrites. […] Mais nous ne croyons point et nous ne croirons jamais qu’une langue aussi parfaite de construction, d’image, d’harmonie, de prosodie, que la langue de l’Iliade, n’eût pas été écrite avant l’époque où Homère dicta ou chanta ses poèmes aux pasteurs, aux guerriers, aux matelots de l’Ionie. Une langue n’est pas l’œuvre d’un homme ni d’un jour ; une langue est l’œuvre d’un peuple et d’une longue série de siècles, et quand cette langue, comme la langue employée par Homère, présente à l’esprit et à l’oreille toutes les merveilles de la logique, de la grammaire, de la critique, du style, des couleurs, de la sonorité et du sens qui caractérisent la maturité d’une civilisation, vous pouvez conclure avec certitude qu’une telle langue n’est pas le patois grossier des montagnards ni des marins d’une péninsule encore barbare, mais qu’elle a été longtemps construite, parlée chantée, écrite, et qu’elle est vieille comme les rochers de l’Attique et répandue comme les flots de son Archipel. […] Il doit avoir l’âme naïve comme celle des enfants, tendre, compatissante et pleine de pitié comme celle des femmes, ferme et impassible comme celle des juges et des vieillards, car il récite les jeux, les innocences, les candeurs de l’enfance, les amours des jeunes hommes et des belles vierges, les attachements et les déchirements du cœur, les attendrissements de la compassion sur les misères du sort : il écrit avec des larmes ; son chef-d’œuvre est d’en faire couler. […] Les traditions racontent et les anciens ont écrit qu’Orphée, le premier des poètes grecs qui chanta en vers des hymnes aux immortels, fut déchiré en lambeaux par les femmes du mont Rhodope, irritées de ce qu’il enseignait des dieux plus grands que les leurs ; que sa tête, séparée de son corps, fut jetée par elles dans l’Hèbre, fleuve dont l’embouchure est à plus de cent lieues de Smyrne ; que le fleuve roula cette tête encore harmonieuse jusqu’à la mer ; que les vagues, à leur tour, la portèrent jusqu’à l’embouchure du Mélès ; que cette tête échoua sur l’herbe, près de la prairie où Crithéis mit au monde son enfant, comme pour venir d’elle-même transmettre son âme et son inspiration à Homère.

2054. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

La vogue du poème de l’Arioste engagea Garnier à écrire sa Bradamanle, qu’il nomma tragi-comédie : œuvre hybride, à dénoûment heureux, mêlée de tragique et de comique, dénuée de chœurs, plus alerte et plus directe en son développement que les autres pièces du poète, mais nouveauté dangereuse, en somme, parce qu’elle tendait à dévier la poésie dramatique vers la bigarrure de l’action extérieure et romanesque. […] Son succès engagea les poètes de la société polie à porter aux comédiens des poèmes délicatement écrits. […] Hardy ne semble pas même les soupçonner, et il faut qu’elles aient préoccupé bien peu les esprits, puisque Corneille, à la date de 1629, où il écrivit Milite, n’en avait jamais entendu parler. […] Ogier écrivait pour la tragi-comédie de Schelandre, Tyr et Sidon 312, la plus vigoureuse défense qu’on ait faite du théâtre irrégulier : au nom de la vérité, il maintient le mélange des genres, du tragique et du comique ; au nom du plaisir, il autorise la dispersion de l’action dans le temps et dans l’espace. […] On peut dire que par les unités l’esprit classique s’est construit la forme littéraire la plus apte à l’exprimer ; et sans doute il n’était pas nécessaire que Corneille écrivit le Cid en 1636 : mais du moins, pour l’extraire du drame de Guillen de Castro, il lui fut utile de se sentir lié par ces lois nouvelles qui obligeaient de concevoir la tragédie autrement que comme un roman découpé en scènes.

2055. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Une véritable étude sur le romancier célèbre qui vient d’être enlevé, et dont la perte soudaine a excité l’intérêt universel, serait tout un ouvrage à écrire, et le moment, je le crois, n’en est pas venu. […] Les écrivains de ces âges plus ou moins classiques n’écrivaient qu’avec leur pensée, avec la partie supérieure et tout intellectuelle, avec l’essence de leur être. […] La personne de l’écrivain, son organisation tout entière s’engage et s’accuse elle-même jusque dans ses œuvres ; il ne les écrit pas seulement avec sa pure pensée, mais avec son sang et ses muscles. […] Je ne demande pas qu’on soit précisément comme Goethe et qu’on ait toujours son front de marbre au-dessus de l’ardent nuage ; mais lui, M. de Balzac, il voulait (et il l’a écrit) que l’artiste se précipitât dans son œuvre tête baissée, « comme Curtius dans le gouffre ». […] Eugène Sue ne sait pas autant écrire que Balzac, ni aussi bien, ni même aussi mal, et aussi subtilement dans le mal.

2056. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Il la recommandait à la duchesse de Lesdiguières, qui voyageait, comme d’une grande ressource pour l’agrément : « Elle est douce, reconnaissante, secrète, fidèle, modeste, intelligente, et, pour comble d’agrément, elle n’use de son esprit que pour divertir ou pour se faire aimer. » Quand Mlle d’Aubigné, de retour en Poitou, écrivait à ses jeunes amies de Paris, ses lettres circulaient comme des chefs-d’œuvre et venaient à l’appui de sa réputation naissante. […] Quand les dames de Saint-Cyr la pressaient dans sa retraite dernière d’écrire sa vie, elle s’en défendait, en disant que ce serait une histoire uniquement remplie de traits merveilleux tout intérieurs : « Il n’y a que les saints qui pourraient y prendre plaisir. » Et elle croyait parler humblement en s’exprimant ainsi. […] Mme de Maintenon aida autant que personne et tint la main à cette réforme dont le xviiie  siècle hérita : « Je me corrigerai des fautes de style que vous remarquez dans mes lettres, lui écrivait le duc du Maine ; mais je crois que les longues phrases seront pour moi un long défaut. » Mme de Maintenon dit et écrit en perfection. […] Pour se compléter l’idée de Mme de Maintenon, il convient, en les lisant, d’y ajouter un certain enjouement de raison, une certaine grâce vivante qu’elle eut jusqu’à la fin, même dans son austérité ; qui tenait à sa personne, à son désir de plaire en présence des gens, mais qui n’allait pas jusqu’à se fixer par écrit.

2057. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Nous supposerons donc que tous les vers sur lesquels portera notre critique sont récités et non pas écrits. […] Mais Racine écrivait pour les oreilles ; son vers est remarquablement plein ; la faute de l’e muet est rare dans son œuvre ; il voulait douze syllabes et savait les trouver. […] Mais ce qui donne à son alexandrin un ton si nouveau, c’est qu’il est presque toujours incomplet ; dans la si belle prière C’est la fête du blé, si on laisse de côté la dernière strophe volontairement écrite en vers pleins, sur seize vers il y en a deux de dix syllabes, cinq de douze, et neuf de onze ; dans la pièce xvi (Sagesse) sur douze vers, il n’y en a que trois de réguliers. […] Il ne suffit pas d’avoir de bons sentiments, un cœur doux et d’aimer bien sa tendre amie, pour écrire de bons vers libres ; il faut aussi beaucoup de talent et même beaucoup de science. […] C’est une description de Vérone, écrite au temps où Pépin, fils de Charlemagne, était roi des Lombards211.

2058. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

On voit dans les Mémoires de Sully comment ce traité de la Ligue avec l’Espagne, écrit de la main du président et contenant les conditions arrêtées, fut un jour pris sur des coureurs du côté du village de Marolles et tomba aux mains de Sully, qui en fit fête à Henri IV. […] Les ministres d’Espagne ne s’y trompèrent point, et ils écrivirent à leur cour des lettres où ils taxaient de tiédeur manifeste le duc de Mayenne et le président. […] Le président Jeannin était moins dégoûté et se mettait plus en avant dans la mêlée pour le bien général ; il écrivit et parla beaucoup dans cette assemblée. […] Dans une lettre de Henri IV à Sully, datée de Calais, 2 septembre 1602, on lit : « J’écris au président Jeannin qu’il vienne avec vous, car je suis de votre avis qu’il pourra se présenter occasion de l’employer. » Il était conseiller au Conseil d’État ; intendant des finances ; employé et consulté dans toutes les affaires importantes et secrètes.

2059. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Quand on écrit pour de purs savants et si près du Rhin, on ne se gêne guère, on emploie leur langage, leur phraséologie, les termes en usage dans les controverses engagées. […] L’homme qui a écrit le chapitre de Joseph de Maistre n’a plus besoin qu’on lui donne de conseils : c’est un maître de qui nous pouvons plutôt nous-même en recevoir. […] Scherer dans l’examen du livre du Pape et des autres écrits du grand théocrate ! […] On a beaucoup admiré les Paroles d’un croyant ; nous n’avons, pour notre part, jamais su goûter ce pastiche apocalyptique, ce genre emprunté à la Bible et qui consiste essentiellement dans le dépècement du discours en versets et dans l’usage de la conjonction et au commencement des phrases, cette prose soi-disant poétique enfin, qui trahit par son ambition même l’impuissance d’écrire un poème véritable.

2060. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Cet estimable et savant ouvrage, qu’on dirait d’un Tillemont biographe, n’a contre lui que le style dans lequel il est écrit et qui est un peu revêche. […] — Enfin on a publié depuis lors (1856) les Mémoires mêmes, si souvent cités et invoqués, et le Journal tout entier de l’abbé Ledieu, ce secrétaire de Bossuet, dont le nom et le renom valent mieux que la personne, qui n’est pas l’exactitude ni la délicatesse même, mais qui aimait, somme toute, son évêque, qui l’admirait, et qui, ayant songé de bonne heure à tirer parti de son intimité pour écrire ce qu’il voyait et ce qu’il entendait, nous a rapporté bien des choses qui se ressentent du voisinage de la source, et que rien ne saurait suppléer. […] Il en avait l’usage très familier ; il le parlait ; il disputait en latin dans l’école ; il écrivait couramment des lettres latines aux prélats étrangers avec qui il correspondait ; les notes dont il chargeait les marges de ses livres étaient le plus souvent en latin. […] Ce latinisme intime et si sensible de Bossuet dans sa parole française me paraît plus qu’un accident, qu’un trait curieux à noter ; c’est fondamental chez lui, c’est un caractère constant ; il nous en a avertis quand il a dit, dans ses Conseils pour former un orateur sacré : « On prend dans les écrits de toutes les langues le tour qui en est l’esprit, — surtout dans la latine dont le génie n’est pas éloigné de celui de la nôtre, ou plutôt qui est tout le même. » Il réintègre ainsi, par l’acception qu’il leur donne, quantité de mots dans leur pleine et première propriété et sincérité romaine ; il en renouvelle ainsi la saveur, la verdeur.

2061. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Louis Passy, que des affinités de famille rattachent au comte Frochot, vient d’écrire sur lui un très bon livre, puisé aux sources, construit avec des documents originaux. […] Mais, jusque sous les verrous, il proteste ; il écrit « de la maison de réclusion » et lance une réponse chaleureuse contre ses dénonciateurs. […] Frochot. » — On a des lettres écrites par Frochot dans ces premiers instants d’anéantissement à son ami Regnaud, à M. de Montalivet : elles sont vraies et touchantes5 ; elles ajoutent à l’idée honorable qu’on peut se faire de cet excellent homme, à qui il arriva comme à tel bon général de perdre en une seule et dernière journée de défaite une réputation justement acquise et jusque-là des mieux méritées. […] Voici la lettre de Frochot au comte Regnaud, écrite de Nogent : « Mon ami, mon excellent ami, tu veux, avant que je ne la quitte, venir déjeuner dans la retraite que je me suis faite !

2062. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

En cela, il avait fort raison, et le procédé si vanté de Voltaire, d’écrire les vers sous forme de prose pour juger s’ils sont bons, ne mène qu’à faire des vers prosaïques, comme le sont, au reste, trop souvent ceux de Voltaire. […] En 1763, Le Brun, âgé de trente-quatre ans, adressait à l’Académie de La Rochelle un discours sur Tibulle, où on lit ce passage : « Peut-être qu’au moment où j’écris, tel auteur, vraiment animé du désir de la gloire et dédaignant de se prêter à des succès frivoles, compose dans le silence de son cabinet un de ces ouvrages qui deviennent immortels, parce qu’ils ne sont pas assez ridiculement jolis pour faire le charme des toilettes et des alcôves, et dont tout l’avenir parlera, parce que les grands du jour n’en diront rien à leurs petits soupers. » André Chénier fut cet homme ; il était né en 1762, un an précisément avant la prédiction de Le Brun. […] Tandis que Le Brun écrivait ces horreurs en 93, David ne craignait pas de peindre Marat. […] « Je ne crois pas, écrivait Ginguené au rédacteur du journal le Modérateur (22 janvier 1790), que nous ayons beaucoup de vers à mettre au-dessus de cette strophe. » Et Andrieux, l’Aristarque, n’en disconvenait pas ; il avouait que si tout avait été aussi beau, il aurait fallu rendre les armes.

2063. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Il en jouissait, il ne faisait pas métier de les écrire. C’est pour cela qu’il écrivit si tard, à trente-huit ans. […] 12 Ayant écrit au prince de Conti un récit des mésaventures de Mlle de La Force, il le supplie de ne montrer sa lettre à personne. « Mlle de La Force est trop affligée, et il y aurait de l’inhumanité à rire d’une affaire qui la fait pleurer si amèrement. » Quoique distrait et indifférent à ses propres affaires, sitôt que des gens affligés venaient le consulter, « non-seulement il écoutait avec une grande attention, mais il s’attendrissait, il cherchait des expédients, il en trouvait, il donnait les meilleurs conseils du monde. » Il fut l’ami le plus fidèle, et défendit devant le roi Fouquet disgracié. […] Le pauvre homme ne pouvait pas en rendre de bien utiles ; mais son sentiment suffisait à l’acquitter. « Ne montrez ces vers à personne, écrivait-il à Racine, car Mme de La Sablière ne les a pas encore vus. » Il lui gardait ainsi la seule chose qu’il pût donner, des prémices.

2064. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Trop de gens — même parmi ceux qui font profession d’écrire l’histoire littéraire ou de diriger le public dans le jugement des ouvrages anciens et nouveaux — trop de gens ne sont habitués qu’à lire rapidement comme on lit un-journal ou comme on lit un roman, à parcourir plutôt qu’à lire. […] Corneille écrit quelque part : « Nos vers disent parfois plus qu’ils ne pensent dire. » Plus, et souvent autre chose. […] L’Art d’écrire de Condillac est tout plein de passages expliqués, où l’auteur démontre par des analyses minutieuses à quoi tient la force ou la faiblesse d’un style. […] Notre maître, en ceci, est La Bruyère, qui a écrit : « L’étude des textes ne peut jamais être assez recommandée… Ayez les choses de la première main, puisez à la source ; maniez, remaniez le texte ; … songez surtout à en pénétrer le sens dans toute son étendue et dans ses circonstances. » (Les Caractères, ch. xiv : De quelques usages.)

2065. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

Il écrira, par exemple : « Dans l’incertitude où l’on était sur le genre de mort de Jeanne, la charité du bon curé Caillemer n’eut point à s’affliger d’avoir à appliquer cette sévère et profonde loi canonique qui refuse la sépulture à toute personne morte d’un suicide et sans repentance. » Il considère comme « abjecte et perverse » toute autre doctrine que la doctrine catholique. […] Presque tous les héros des romans écrits par ce chrétien sont des athées, et qui ont du génie — et de grands cœurs. […] Il écrit couramment (et je ne sais si vous sentez comme moi ce qu’il y a d’impayable dans l’intonation à la fois hautaine et familière et, pour ainsi dire, dans le « geste » de ces phrases) : « Spirituelles, nobles, du ton le plus faubourg Saint-Germain, mais ce soir-là hardies comme des pages de la maison du roi, quand il y avait une maison du roi et des pages, elles furent d’un étincellement d’esprit, d’un mouvement, d’une verve et d’un brio incomparables. » — « Il fallait qu’il fût trouvé de très bonne compagnie pour ne pas être souvent trouvé de la mauvaise. […] Et c’est, dans les détails comme dans les conceptions d’ensemble, un romantisme effréné et puéril. «… Je me suis piqué la veine où tu as bu, écrit Vellini à Ryno, et je trace ces mots à peine lisibles avec l’épingle de mes cheveux sur cette feuille arrachée d’un vieux missel… » Et dire que c’est tout le temps comme cela !

2066. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Que tout cela fût pris à la lettre par les disciples et par le maître lui-même à certains moments, c’est ce qui éclate dans les écrits du temps avec une évidence absolue. […] L’Apocalypse, écrite l’an 68 de notre ère 788, fixe le terme a trois ans et demi 789. […] Les évangiles et les écrits des apôtres ne contiennent guère, en fait de doctrines apocalyptiques, que ce qui se trouve déjà dans « Daniel 809 », « Hénoch 810 », les « Oracles Sibyllins 811 » d’origine juive. […] Luc écrivait quelque temps après ce siège (XXI, 9,20, 24).

2067. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Heureux de formes, heureux de cœur, heureux de caractère, la vie avait écrit bonheur, force et santé sur tout mon être. […] M. de Lamartine, en prenant soin de mettre la date de 1829 à la suite de cet épisode, a voulu nous avertir qu’il l’avait écrit dès cette époque, et que les vers qu’il consacrait à la jeune Napolitaine en 1830 ne sont venus qu’après, comme un couronnement. Quoique cet épisode de la Graziella soit écrit avec plus de fermeté et de simplicité que le reste des Confidences, on y trouve pourtant quelques-uns de ces tons discordants et forcés, tels que M. de Lamartine n’en admettait pas encore dans sa manière à la date de 1829 ; on se prend à douter de cette date ; et, en effet, l’auteur lui-même, qui a des instants d’oubli, nous dit, dans sa préface des mêmes Confidences, que c’est en 1843, à Ischia, au moment où il composait son Histoire des Girondins, qu’il écrivit comme intermède cet épisode de Graziella.

2068. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

C’est parce que j’ai senti ce besoin que je vous ai écrit le mot que voici, en vous priant de l’excuser pour l’intention, s’il avait le tort de vous déplaire.  […] « Ce 7 décembre 1834. » Les explications données par Béranger réparèrent un peu les effets de la médisance et maintinrent de bons rapports entre nous, comme le prouve la lettre suivante, postérieure de quelques mois ; il y est question de bien des choses qui ne sont pas hors de propos dans ces volumes de contemporains : « Mon cher Béranger, « Une petite circonstance que je vous dirai (à la fin de ma lettre) me fournissant le prétexte de vous écrire, je le saisis avec une sorte d’empressement, bien justifié par le regret de ne vous avoir pas dit adieu et par l’incertitude où je suis du temps où je vous reverrai. […] J’ai à écrire pour M.

2069. (1874) Premiers lundis. Tome II « Henri Heine. De la France. »

Ce dernier, dans l’ouvrage qu’on vient de publier, et qui est l’extrait d’une Correspondance écrite par lui pendant ces deux dernières années, laisse percer à chaque page ce caractère originel du satirique et du poète. […] Or, pour un poète qui écrit en prose, qui surtout doit être lu en prose française, la plus difficultueuse de toutes les proses, il y a beaucoup de précautions nécessaires pour faire passer, comme en contrebande, cette magie et ces richesses. […] Heine dans cette revue politique qu’il écrit d’entraînement ; mais si l’on cherche en vain dans ses pages un système politique suivi, l’impression patriotique française, l’impression populaire n’y fait jamais faute.

2070. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Céard est un artiste si scrupuleux qu’en dehors des chroniques données aux quotidiens il écrit rarement, après d’infinies réflexions, se décide avec peine à prendre la plume. […] Huysmans a essayé la solution : il est entré dans l’Église, il a écrit Là-bas. […] Mais que Huysmans se soit seulement assimilé son Durtal le temps d’écrire son livre, ou qu’il l’ait été lui-même, ceci ne regarde que lui et les historiens futurs.

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