Sa mère Isabelle vit on ne sait où ; de loin en loin, elle revient au château, mais de nuit, en grand mystère. […] Gide a si justement montré que ce n’est point un pessimiste, mais un croyant, si peu exclusivement démolisseur qu’au contraire « il construit à bras raccourcis » ; sur Mallarmé, Villiers de l’Isle-Adam, la traduction des Mille et une nuits du docteur Mardrus, M. […] Même après l’avoir compris, il résiste aux scrupules, et par une enivrante nuit d’été, après le premier et unique baiser, il s’écrie : « S’il est une limitation dans l’amour, elle n’est pas de vous, mon Dieu, mais des hommes. […] Il se félicite de goûter plus pleinement que nos aïeux la poésie de la Bible et des Mille et une Nuits ; il ne voit pas que c’est un des bénéfices de la critique romantique.
Elle ressemble à ce que serait une perquisition dans le domicile privé à n’importe quel instant du jour ou de la nuit. […] Pires que les avares légendaires, qui de temps à autre, la nuit, quand ils sont seuls, descendent dans un sous-sol secret retrouver leur trésor pour en jouir au moins eux-mêmes, ces Harpagons malgré eux ignorent même ce qu’ils détiennent et ne veulent pas le savoir. […] Toute une polémique est engagée pour savoir si Victor H. a connu Juliette D. la nuit du mardi gras ou celle du mercredi des cendres55. […] A. de Musset, La Nuit de mai, v. 147.
Autant vaudrait soutenir qu’il a créé le jour pour blesser nos regards, la nuit pour nous tourmenter de visions sinistres, les fleurs pour répandre des miasmes, les fruits pour se changer en poisons, les animaux pour nous dévorer, les prairies, les futaies, les vallons, les eaux jaillissantes, pour nous apprendre à le renier et à le maudire. […] Rien n’est neutre en ce monde, excepté vous ; le jour n’est pas neutre envers la nuit ; la vie n’est pas neutre envers la mort. […] À cette tête millionnaire, où fourmillaient les trésors des Mille et une Nuits monnayés à l’usage de la comédie humaine du dix-neuvième siècle, il a manqué une qualité de quelque importance, sans laquelle toute fécondité est stérile : la variété. […] Ainsi, qui ne reconnaîtrait Lucrèce dans le croquis suivant : Lucrèce, pour franchir les âges, Crée un poëme dont l’œil luit, Et donne à ce monstre sonore Toutes les ailes de l’aurore, Toutes les griffes de la nuit. […] Et ailleurs : Seul, la nuit, sur sa plate-forme, Herschel poursuit l’être central À travers la lentille énorme, Cristallin de l’œil sidéral !!!
Cet homme, depuis qu’il était entré à l’école de David, travaillait jour et nuit pour regagner les années qu’il croyait avoir perdues. […] Je crus de mon devoir de rester pour les faire ; en un jour et une nuit elles furent prêtes. […] Je me jette dans une maison italienne à deux pas de là, j’y reste jusqu’à la nuit. […] « Nous passâmes la nuit chez ce brave homme, qui eût pour nous les meilleurs procédés, et deux heures avant le jour nous primes la fuite. […] Dans l’espace de quelques jours et de quelques nuits, il composa et peignit un petit tableau où il représenta celle dont il avait déchiré le portrait, nue, étendue sur un lit, et, nouvelle Danaé, recevant une pluie d’or qui tombait de tous les côtés.
Voici le premier exemple du mélange des genres, dont le double effet ne nuit point à leurs qualités. […] Un homme, tombé dans la démence, se jette la nuit parmi des troupeaux qu’il égorge, croyant venger sur ses ennemis une injure qui blessa son orgueil ; et, revenu de son égarement, il se tue de désespoir. […] La quantité des surprises qui s’y accumulent nuit à l’étonnement que chacune d’elles exciterait, et tous les frais que l’auteur se mit en peine de faire pour acquérir les suffrages, ne lui valent que des mépris. […] l’immobilité des décorations nuit un peu aux illusions de la terrible scène où Néron, caché, surprend son frère Britannicus aux pieds de Junie épouvantée. […] Ces belles scènes manquent à la pièce de Voltaire ; et leur retranchement nuit plus à la beauté de son dénouement, que l’épisode des amours de Philoctète ne nuit au plan total d’un sujet si touchant, si richement simple, et si pur.
Vous êtes parfaitement absent de sa pensée, vous, le lecteur futur du roman, à l’heure de nuit où, fenêtres closes, bougies allumées, cet alchimiste élabore son grand œuvre à lui, qui vous intéressera ou non, — peu lui soucie. […] Une nuit claire et neigeuse. […] Il est fait pour quelque chose de mieux que pour remâcher ce réglisse oublié sur la vieille table de nuit du peintre de madame de Pompadour. […] Adieu le rêve, adieu l’Orient et les nuits lumineuses, adieu les caravanes opulentes et les trois humbles monarques mitrés, adieu l’étoile et la crèche de l’Enfant Sauveur. […] Les chrétiens nidoreux du dix-neuvième siècle, gens équilibrés dont le derrière est un maëlstrom pour coups de bottes, ne parlent qu’à voix basse et tremblante de la nuit du 24 août 1572.
Les paysages n’ont pas les dimensions normales ; tout l’hiver il fait nuit, jour tout l’été. […] C’est de la nuit noire et dans laquelle se meuvent des ombres. La nuit est si noire que les ombres y sont des fantômes assez nets. […] Et c’est là qu’une nuit il est mort, d’une crise cardiaque. […] Ce badinage divertit l’attention du spectateur et nuit au drame ; l’angoisse diminue : l’on est distrait, l’on va rire, quand on aurait subi seulement l’horreur des splendides carnages.
Les heures de nuit, si l’ouvrier les accepte, comportent une paie supplémentaire. […] Un mot leur suffit, qui résout à l’avance toutes les difficultés, — comme le Sésame, ouvre-toi, des Mille et une Nuits ouvrait toutes les issues de la caverne enchantée : la Révolution ! […] Parler à ce propos d’une nuit du 4 août, c’est nous conseiller une renonciation définitive au plus fécond principe d’énergie qui soit dans le corps social, celui de la propriété. […] Je n’ai, pour ma part, jamais admiré ce geste de démission que la noblesse française a si impulsivement accompli dans cette fameuse nuit du 4 août, que l’on nous propose comme modèle. […] Le lendemain de cette nuit de sacrifices, c’est le désordre, et la France amputée de ses autorités sociales séculaires.
« Voyant la nuit si pure et vous voyant si belle, j’ai dit aux astres d’or : Versez le ciel sur elle ! […] — Sur l’amour voici encore quelques phrases : « Il resterait peu de choses à l’homme qui vit un jour, si Dieu nous ôtait les roses, si Dieu nous ôtait l’amour, — L’amour c’est le cri de l’aurore, l’amour c’est l’hymne de la nuit. » — Il l’appelle aussi « tison du foyer et rayon des étoiles ». […] Voici ses vers : « La nuit vint, tout se tut ; les flambeaux s’éteignirent ; dans les bois assombris les sources se plaignirent, le rossignol, caché dans son lit ténébreux, chanta comme un poète et comme un amoureux. […] * * * TROP PARLER NUIT… Avis à certaines gens que nous connaissons et qui se connaissent eux-mêmes. […] Il me tourmentait jour et nuit, et je me voyais déjà disséqué à mon tour par tous les critiques.
Elle appelle la lune la grosse lampe, et les étoiles les lampions de la nuit. […] N’y a t-il pas toujours entre eux une frontière indécise, comme le crépuscule entre le jour et la nuit ? […] Mais demain cela pourrait être avantageux. » Ce dilemme leur causera des nuits blanches. […] Ou encore n’est ce point le surnom prédestiné d’un génie malfaisant, pareil à un soleil qui rayonnerait de la nuit, ainsi que disait Victor Hugo ? […] Malauve est repris d’un désir fauve et, dans la maison funèbre, c’est une folle nuit d’amour.
Les jours, les nuits à mes travaux N’étaient plus que de longues trêves ; Je ne voyais plus dans mes rêves Flotter ton aigle et tes drapeaux. […] les vagues et leur bruit, Les étoiles, le chant prolongé dans la nuit ; Souvenir qui me trouble encore !
Pour un ministre en retraite, ce moment doit se trouver dans le premier jour, ou dans la première nuit qui suivent sa disgrâce… » Il faut souhaiter à tous nos ministres qui sont tombés, ou qui tomberont, de franchir en un jour, ou en une nuit, ce passage souterrain, qui, comme celui du Pausilype, doit leur rendre si vite la vue des plus beaux cieux.
Rousseau aussi est un artisan, un homme du peuple mal adapté au monde élégant et délicat, hors de chez lui dans un salon, de plus mal né, mal élevé, sali par sa vilaine et précoce expérience, d’une sensualité échauffée et déplaisante, malade d’âme et de corps, tourmenté par des facultés supérieures et discordantes, dépourvu de tact, et portant les souillures de son imagination, de son tempérament et de son passé jusque dans sa morale la plus austère et dans ses idylles481 les plus pures ; sans verve d’ailleurs, et en cela le contraire parfait de Diderot, avouant lui-même « que ses idées s’arrangent dans sa tête avec la plus incroyable difficulté, que telle de ses périodes a été tournée et retournée cinq ou six nuits dans sa tête avant qu’elle fût en état d’être mise sur le papier, qu’une lettre sur les moindres sujets lui coûte des heures de fatigue », qu’il ne peut attraper le ton agréable et léger, ni réussir ailleurs que « dans les ouvrages qui demandent du travail482 » Par contre, dans ce foyer brûlant, sous les prises de cette méditation prolongée et intense, le style, incessamment forgé et reforgé, prend une densité et une trempe qu’il n’a pas ailleurs. […] Un soir, au moment de partir pour le bal de l’Opéra, elle trouve sur la toilette la Nouvelle Héloïse 486, je ne m’étonne point si elle fait attendre d’heure en heure ses chevaux et ses gens, si, à quatre heures du matin, elle ordonne de dételer, si elle passe le reste de la nuit à lire, si elle est étouffée par ses larmes ; pour la première fois, elle vient de voir un homme qui aime Pareillement, si vous voulez comprendre le succès de l’Émile, rappelez-vous les enfants que nous avons décrits, de petits Messieurs brodés, dorés, pomponnés, poudrés à blanc, garnis d’une épée à nœud, le chapeau sous le bras, faisant la révérence, offrant la main, étudiant devant la glace les attitudes charmantes, répétant des compliments appris, jolis mannequins en qui tout est l’œuvre du tailleur, du coiffeur, du précepteur et du maître à danser ; à côté d’eux, de petites Madames de six ans, encore plus factices, serrées dans un corps de baleine, enharnachées d’un lourd panier rempli de crin et cerclé de fer, affublées d’une coiffure haute de deux pieds, véritables poupées auxquelles on met du rouge et dont chaque matin la mère s’amuse un quart d’heure pour les laisser toute la journée aux femmes de chambre487.
Mais la mort de Bègue est un récit d’un grand effet dans sa couleur grise, avec cette accumulation rapide de petits détails pressés d’une si exacte et précise notation : la vie paisible de Bègue dans son château de Belin, entre sa femme et ses enfants, l’ennui qui prend à la fin ce grand batailleur, sourde inquiétude, désir de voir son frère Garin qu’il n’a pas vu depuis longtemps, et son neveu Girbert qu’il n’a jamais vu, désir aussi de chasser un fort sanglier, fameux dans la contrée du Nord ; la tristesse et la soumission douce de la femme ; le départ, le voyage, la chasse si réelle avec toutes ses circonstances, l’aboi des chiens, le son des cors, la fuite de la bête, l’éparpillement des chasseurs, qui renoncent ; Bègue seul âpre à la poursuite, dévorant les lieues, traversant plaines et forêts et marais, prenant ses chiens par moments sur ses bras pour les reposer, jusqu’à ce qu’il se trouve seul, à côté de la bête morte, ses chiens éventrés, en une forêt inconnue, sous la pluie froide de la nuit tombante : il s’abrite sous un tremble, allume un grand feu, prend son cor et en sonne trois fois, pour appeler les siens. C’est là que les forestiers de Fromont le tuent, six contre un ; encore ne viendraient-ils pas à bout du grand baron, debout adossé à son arbre, sans un archer qui de loin lâchement le frappe : et le corps dépouillé reste là, les trois chiens hurlant auprès de lui dans la nuit.
Je périrai, Doris, et par une mort prompte Dans la nuit du tombeau j’enfermerai ma honte, Sans chercher des parents si longtemps ignorés Et que ma folle amour a trop déshonorés, etc. […] Esther, histoire de sérail, conte des Mille et une nuits, conte naïf, sanglant et par endroits sensuel, transformé par Racine en une tragédie élégiaque et pieuse, propre à être jouée dans un couvent par de petites pensionnaires, est assurément une œuvre singulière, étrangement complexe, avec ses « couleurs contrariées et harmoniques » comme dans un « merveilleux tapis d’Orient copié par les Gobelins »58.
La Norvège a des hivers interminables, presque sans jours, coupés par des étés éclatants et violents, presque sans nuits. […] Le devoir d’être bon jusqu’à l’immolation de soi ; mais aucun support de ce devoir, sinon que nous mourrons tous (vérité qui prêterait tout aussi bien à une conclusion égoïste et épicurienne) et qu’il est naturel que nous soyons tous pénétrés de pitié et de bonté les uns pour les autres, étant tous guettés par l’immense et éternelle nuit.
Depuis deux ans, je ne suis pas sorti et je ne peux marcher, et j’ai toutes les nuits une insomnie qui me condamne à compter tous les coups de ma pendule… » Et, tandis que des cousines pieuses multiplient autour de lui « les amulettes, les médailles de la Vierge immaculée, et même de saintes amoureuses comme Mme de Chantal », et que « le pauvre archevêque de Paris » vient le voir, et aussi l’évêque d’Orléans, « au milieu des empressements exagérés de tant de monde… de médecins tout neufs qui ont fait des miracles, et de petits abbés qui en ont vu plusieurs dans la semaine », le comte de Vigny, convenable, souriant à ces zèles pieux, respectueux de tous les rites, mourait, sans croire à rien, avec une tranquillité farouche. […] Lisez, par exemple, dans Leur beau physique, le soliloque de ce mourant qui se fait apporter sur son lit toutes ses cravates, et les palpe, et les caresse, et s’enivre d’elles mélancoliquement avant d’entrer dans l’éternelle nuit.
Et nous allons en voir le fantôme la nuit, pour mémoire, au théâtre. […] … … Alors le rêve serait d’emporter un livre intéressant au théâtre, quand il faut y aller… mais les directeurs malins ont prévu ça : et ils font la nuit dans la salle !
Il se montre tout d’abord immédiatement après le coup de trompe du veilleur de nuit, qui porte à son comble l’hallucination où Walther se débat contre les maîtres qui cherchent, grimaçants, à lui arracher Eva. […] » dit Pogner, chantant le motif même. — « Tout ce tapage, dit plus tard Sachs, provient de ce que nous sommes à la nuit de la Saint-Jean », et il ajoute : « Nun aber kam Johannistag !
Rien de plus réel que cette grandiose transmission de la nouvelle de la prise de Troie en une nuit par des fanaux allumés l’un après l’autre, et se répondant de montagne en montagne, du mont Ida au promontoire d’Hermès, du promontoire d’Hermès au mont Athos, du mont Athos au mont Macispe, du Macispe au Messapius, du mont Messapius, par-dessus le fleuve Asopus, au mont Cythéron, du mont Cythéron, par-dessus le marais Gprgopis, au mont Egiplanctus, du mont Égiplanctus au cap Saronique (plus tard Spiréum), du cap Saronique au mont Arachné, du mont Arachné à Argos. […] Écoutez : « Il me jette au nez un pot de nuit.
Corneille, s’élevant tout à coup au dessus des déclamateurs barbares qui n’avaient encore pris aux grecs que la règle des trois unités, jeta le premier de longs sillons de lumière dans la nuit qui couvrait la France. […] Quant au mérite personnel, la différence des époques peut le rapprocher malgré la différence des ouvrages ; et si l’imagination veut s’amuser à chercher des titres de préférence pour l’un ou pour l’autre, que l’on examine lequel vaut le mieux d’avoir été le premier génie qui ait brillé après la longue nuit des siècles barbares, ou d’avoir été le plus beau génie du siècle le plus éclairé de tous les siècles.
Il y a une histoire de lieutenante générale de Château-Thierry, il y en a une autre d’une certaine abbesse, il y en a d’autres encore sur les châtelaines du voisinage, il y a La Fontaine — premier trait de distraction — sortant, au milieu de la nuit, en bottes blanches et une lanterne allumée par un clair de lune magnifique, pour aller à un rendez-vous nocturne. […] Songez jour et nuit que vous allez travailler désormais sous les yeux d’un prince qui s’informera du progrès que vous aurez fait dans le chemin de la vertu et qui ne vous considérera qu’en tant que vous y aspirerez de la bonne sorte.
Ce sens ne me nuit point par son illusion ; Mon âme en toute occasion Développe le vrai caché sous l’apparence ; Je ne suis point d’intelligence Avecque mes regards peut-être un peu trop prompts, Ni mon oreille, lente à m’apporter les sons. […] Aurait-il imprimé sur le front des étoiles Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles ?
Les Capucins reprirent la vieille règle de Saint-François : la prière de nuit et le silence. […] Une nuit, n’en pouvant plus, succombant sous la fascination de sa propre parole invoquée sans cesse contre lui, Clément XIV signait au crayon, sur une fenêtre du Quirinal, le bref Dominus ac Redemptor noster, qui supprimait l’Institut de Saint-Ignace.
Il arrive sur le plateau de Rivoli dans la nuit.
Lorsqu’un auteur se permet un mot nouveau, le lecteur qui n’y est point accoutumé, s’arrête pour le juger ; et cette distraction nuit à l’effet général et continu du style70.
Un baiser doux et savoureux Ai pris de la rose erramment… Oncques mais ne fus si aise, Moult est guéri qui tel fleur baise… Et cependant j’ai maint ennui Souffert, et mainte male nuit, Depuis qu’ai la rose baisée.
Aucune de ces deux vues ne nuit à l’autre : elles se suivent sans s’effacer.
Le sort nous a réduits à compter nos salaires, Toi des jours, moi des nuits, tous les deux mercenaires ; Mais le pain bien gagné craque mieux sous la dent : Gloire à qui mange libre un sel indépendant !
Les explications proposées furent nombreuses ; mais en pareille matière on ne peut pas dire qu’abondance de biens ne nuit pas ; tant que l’une d’elles n’aura pas triomphé des autres, nous ne pourrons pas être sûrs qu’aucune d’entre elles soit bonne.
Quand Cléanthe passait ses nuits à puiser de l’eau, il faisait œuvre aussi sainte que quand il passait les jours à écouter Zénon.
Ne voulant pas se compromettre, il vint le voir de nuit et eut avec lui une longue conversation 621.
Peut-on croire que des odes à l’aube et à la nuit ne sont pas des prières plus belles que toutes les autres ?
Il y voit avec son cœur ; sa vérité n’est pas celle du statisticien ni celle du photographe ; sa préoccupation du détail ne nuit pas aux effets de l’ensemble, le Masque, Maman Colibri, la Marche Nuptiale réalisent le théâtre d’aujourd’hui le plus intense, le plus sobre, le plus vrai que nous ayons eu depuis Amoureuse, depuis Porto-Riche et depuis Jules Renard.
C’est lui qui répond, aux professeurs, de la diligence et des progrès des étudiants ; au principal, de la conservation de leurs mœurs : c’est à lui à prévenir la licence du jour et de la nuit.
On prend des renseignements sur l’aspect et la couleur du mouchoir où le grand homme enferme, la nuit, sa tête dantesque ; on apprend qu’il nourrit un goût dépravé pour les escargots cuits sur le gril ; — l’habitude malpropre qu’il a contractée de combattre ses irritations de nez avec du suif de chandelle n’est plus un mystère ; on sait que le pingre a refusé hier un manchon aux sollicitations de sa femme… On le guette, on le suit, on le traque — on le connaît de sa salle à manger à son alcôve.
Il reconnaît que certaines de ses pensées, « aussi belles » que celles « qui sont sorties brusquement de son cerveau », ont été « sans doute d’un accouchement plus ou moins laborieux » ; mais il voudrait cacher à tout le monde que Pascal a raturé ; ce scandale nuit à sa thèse, « Nous ne devrions pas le savoir », dit-il.
Oui, encore une fois, il me semble voir Bossuet s’enfoncer avec Isaïe et Jérémie dans la nuit des traditions antiques ; et le voile de l’inusité commencer à tomber sur sa grande stature.
« En 1823, devant Pampelune, — écrit d’Arpentigny, — l’armée espagnole dite de la Foi passait les nuits à jouer de la guitare, à fumer des cigarettes, à psalmodier des litanies en égrenant des rosaires ; le jour, couchée sur l’herbe poudreuse, elle jasait en mangeant des ciboules ou dormait au soleil.
Est-ce la bête fauve ou la blanche colombe Qui dans l’ombre des nuits visitera ta tombe ?
Avant d’être un noble roi, Henri V d’Angleterre fût le ribaud et le voleur de nuit qu’a peint Shakespeare.
C’est ici pour la première fois que la simplicité nuit au génie, comme un air trop pur qui serait mortel à la santé.
Celui qui va le jour, celle qui va la nuit, La mère du silence et le père du bruit !
La délicatesse dans l’expression dont nous avons parlé plus haut, cet enfantillage sans naïveté, mais d’une mignardise assez suave, qui a enluminé cette jolie vignette, par exemple : La Nuit de Printemps : C’était la veille de Mai, Un soir souriant de fête… ne sont pas des qualités assez fortes pour sauver de l’oubli ce qui s’évapore le plus vite de la mémoire des hommes, — des sons et des mots !
Les anciens Germains, dit Tacite, entendaient la nuit le soleil qui passait sous la mer d’occident en orient ; ils affirmaient aussi qu’ils voyaient les dieux.
Leur administration compléta ainsi, par le nivellement, le saccage affreux de la nuit du 4 août. […] Le champ visuel du premier est illimité comme la nuit stellaire. […] Schwob le vit mourant, dans un hôtel meublé proche du Panthéon, un exemplaire de Racine sur sa table de nuit, auprès d’un litre de marchand de vin. […] Comme à un personnage des Mille et une Nuits, d’immenses richesses me sont apparues. […] Car le genre académique, pour toutes les Muses, c’est la nuit et la mort.
Baudelaire blesserait la logique du raffinement : Une nuit que j’étais près d’une affreuse juive, etc., etc. […] Comme légende : Les Nuits de M. […] Et tous les trois, Lyse, Isabelle et Clindor, s’échappent, à la faveur d’une nuit épaisse, de cette ville trop dangereuse désormais. […] Dans la nuit de notre intelligence elle fera glisser un petit filet de lumière, mais nous n’aurons jamais l’éblouissement de la vérité dans son plein. […] Hugo et une des Nuits d’Alfred de Musset.
En 1832, âgé de près de cinquante ans, il laisse échapper cette étrange confidence : « Je ne me connais pas moi-même, et c’est ce qui, quelquefois, quand j’y pense, la nuit, me désole. » De ce continuel scrupule dérive son horreur du mensonge. […] Mais les avoir eues là, ces formes, devant son regard intérieur, et n’avoir pu les évoquer, avoir senti qu’on les emportait avec soi dans la grande nuit, et que jamais, jamais elles ne se révéleraient au dehors, c’est une agonie intellectuelle dans l’agonie physique. […] Il cita comme un modèle achevé du talent de montrer, un morceau de Tolstoï, où le silence d’une nuit d’été est rendu perceptible par un seul détail : un grand oiseau s’envole et l’on entend le petit bruit que les extrémités de ses longues ailes font en se touchant. […] Relisez les comptes rendus des séances de la Convention ou simplement le récit de la nuit du 4 Août. — Spasmodique, c’est la réaction violente et sauvagement animale de l’instinct qui frappe et qui tue avant que la conscience ait pu être avertie. […] Celui-ci s’écrie quand le fantôme a disparu : « Par le jour et la nuit, Monseigneur, voilà qui est merveilleusement étrange. » Et Hamlet de répondre : « Accordez-lui donc la bienvenue qu’on doit à l’étranger.
Ainsi encore : Je désire un bonnet de nuit. […] Dans Les Châtiments, dans les Souvenirs de la nuit du 4, il écrit d’abord : Nous nous taisions, debout, une larme dans l’œil ; Et les plus fermes cœurs tremblaient devant ce deuil. […] C’était entre ces puissances hostiles : féodalité, bourgeoisie, villes insoumises et toujours « insurgentes » de la campagne romaine, que la papauté avait à se maintenir en équilibre ; et à lutter contre l’empereur d’Allemagne, toujours campé plus ou moins en Italie, toujours la main, gantée de fer, étendue sur la Péninsule et, selon les circonstances, s’y appesantissant, plus ou moins : Toutes les nuits, qui vive ! […] Un étudiant en théologie, une nuit, entend un bruit dans la maison. […] S’en vont, et je leur dis : vous sentez, hirondelles, S’éloigner la chaleur et le froid arriver ; Allez nicher ailleurs, pour ne fâcher, impures, Ma couche de babil et ma table d’ordures ; Laissez dormir en paix la nuit de mon hiver.
A Madrid et à Tolède, il y a chaque nuit quatre ou cinq cents concerts de guitare dans les rues. […] J’ai passé la nuit dans des chaumières qui n’avaient point de fenêtres ; le jour venait et la fumée sortait par une large cheminée où séchaient les viandes. […] — Hier, à la nuit tombée, au pied de la montagne, la campagne entière nageait dans une blancheur laiteuse si sereine et si molle, qu’on se sentait à Taise comme chez un ami. […] Une heure après, la barque a disparu ; la nuit est tombée ; sous le ciel éteint, il n’y a plus que la grande eau immobile et l’homme solitaire, qui baisse la tête, se résigne et se tait. […] C’était bien loin : la diligence mettait alors quatre jours et quatre nuits à faire le voyage.
J’ai résisté au couplet de la reine sur la nuit et le clair de lune. […] Ce qui lui nuit, c’est sa rhétorique. […] Et comme il sourit là-dessus avec fatuité, au ressouvenir de leurs nuits, elle lâche tout. […] et lorsqu’elle deviendra sa maîtresse, le connaîtra-t-elle mieux qu’elle ne connaissait son mari avant la nuit de noces ? […] Une nuit, en ouvrant une écluse, Jean inonde les galeries, qu’il croit vides à cette heure-là.
Il y a beaucoup des Mille et une Nuits dans Balzac. […] Le précepteur a de très mauvais jours, et de détestables nuits. […] cette nuit ! […] Quelle nuit ! quelle nuit inoubliable !
« À la nuit tombante, la porte à claire-voie est remplacée par une porte pleine. […] Le bruit cessa, la nuit vint. […] Mais après avoir effleuré le frais jasmin de sa peau et bu le lait de cette coupe pleine d’amour, j’avais dans l’âme le goût et l’espérance de voluptés humaines ; je voulais vivre et attendre l’heure du plaisir comme le sauvage épie l’heure de la vengeance ; je voulais me suspendre aux arbres, ramper dans les vignes, me tapir dans l’herbe ; je voulais avoir pour complices le silence de la nuit, la lassitude de la vie, la chaleur du soleil, afin d’achever la pomme délicieuse où j’avais déjà mordu.
(Nuit du 28 décembre.) — « Je ne peux, je ne sais plus dormir, quand je le veux absolument et que je ferme les yeux, il se présente devant moi, une feuille blanche avec un encadrement et une grande lettre ornée : une page toute préparée pour être remplie, et qu’il faut que je remplisse absolument. […] Et je pose jusqu’à la nuit, charmé par le tableau que j’ai sous les yeux. […] — Et la nuit, ce que c’est, hein !
La bêtise à fond de la race s’ajoute à la bêtise naturelle à Gœthe, et cela fait, je vous jure, un joli total… Ce qui nuit seulement au Sganarelle des Complices et à sa situation, c’est que ce Sganarelle est un voleur, comme le Grand Cophte, et, nous l’avons dit, le vol à la scène est odieux, et l’odieux jette un froid… le froid de Gœthe, qui périt dans toutes ses œuvres par le froid, comme Napoléon en Russie. […] De même encore il se balança, harpe éolienne littéraire placée au confluent de toutes les littératures, au vent de la mythologie du Nord, qui le ravit (nous dit-il) par le côté humoristique d’une poésie qui avait inventé des géants et se moquait des dieux, — l’impiété étant en lui au même degré que le polythéisme, ce jour-là, esprit ouvert à tout venant qui ressemblait à une auberge dans laquelle toute idée quelconque pouvait passer la nuit. […] Dans Gœthe, l’érudit, qui envahit tout, n’étouffa pas le poète, par la bonne raison qu’il n’y avait point de poète à étouffer en Gœthe ; mais l’érudition, qui se frottait à tout et remportait de tout de la poussière, quelquefois brillante, sur ses grosses ailes de papillon de nuit, — car l’érudition travaille à la lampe, qui sent l’huile, — oui !
C’est pourquoi ceux-ci, transformés, se dégourdirent vite : la race fabriquée se trouva d’esprit alerte, bien plus avisée que les Saxons, ses voisins d’outre-Manche, toute semblable à ses voisines de Picardie, de Champagne et d’Île-de-France. « Les Saxons82, dit un vieil auteur, buvaient à l’envi, et consumaient jour et nuit leurs revenus en festins, tandis qu’ils se contentaient d’habitations misérables : tout au contraire des Français et des Normands qui faisaient peu de dépense dans leurs belles et vastes maisons, étant d’ailleurs délicats dans leur nourriture et soigneux dans leurs habits, jusqu’à la recherche. » Les uns, encore alourdis par le flegme germanique, étaient des ivrognes gloutons que secouait par accès l’enthousiasme poétique ; les autres, allégés par leur transplantation et leur mélange, sentaient déjà se développer en eux les besoins de l’esprit. « Vous auriez pu voir, chez eux, des églises s’élever dans chaque village, et des monastères dans les cités, construits dans un style inconnu auparavant », en Normandie d’abord et tout à l’heure en Angleterre83. […] Les Saxons « toute la nuit mangèrent et burent. […] Quand elle sera couchée dans son lit moelleux, on suspendra dans sa chambre une cage d’or où brûleront des aromates, et si elle ne peut dormir, toute la nuit les ménestrels veilleront pour elle129. » J’en ai passé, il y en a trop ; l’idée disparaît comme une page de missel sous les enluminures. […] Et li Normanz et li Franceiz Tote nuit firent oreisons, Et furent en aflicions.
… J’ai passé la nuit au bal… excusez-moi si je me rendors ! […] La princesse Belgiojosos, qui était présente, s’empara d’un instant de silence général, pour rappeler à Méry que, pendant leur rencontre à Florence, deux ans auparavant, ils passaient souvent des soirées, qui, prolongées fort tard, se terminaient toujours par un conte de revenant, commencé à cette même heure de minuit par le poète, et qui, toutes les lumières éteintes, aux douces lueurs de la nuit d’Italie, répandait dans l’auditoire des terreurs dont le souvenir la charmait et l’émouvait encore, elle, la belle et jeune femme. — Eh bien ! […] Romieu, traversant Paris en pleine nuit, après un souper copieux, soutenait d’un bras un de ses amis2, qui lui rendait le même service. […] Mais pendant la nuit, M. […] Comme un éléphant sur un arbre, J’ai passé ma première nuit ; À Gênes on fait tout de marbre… Jusqu’aux matelas de mon lit !
On a donc un portrait du roi tel que Nivernais l’a connu alors, portrait qui est judicieux, sensé, et d’une circonspection qui ne nuit point à la ressemblance64. […] Dès son arrivée, et en mettant le pied sur le sol anglais, le duc de Nivernais put s’apercevoir combien la paix y était peu populaire : un aubergiste de Canterbury, pour une nuit que l’ambassadeur avait passée, lui septième, à son auberge, le rançonna en lui demandant quarante-trois guinées.
XI Quoi qu’il en soit de cette tolérance ou de cette connivence probable de la cour de Ferrare à la fuite du malade, le Tasse, sous l’empire des terreurs du fer, du poison, de la damnation, qui obsédaient son imagination, s’évada de ses appartements dans la nuit du 30 juillet 1579, et seul, à pied, sans argent, fuyant les chemins fréquentés, s’enfonça dans les gorges des Apennins. […] Je vous engage donc à accepter l’hospitalité pour cette nuit dans une petite maison que j’ai de ce côté-ci de la rivière ; vous y serez mieux que dans aucun autre voisinage.
Il se portait très bien le 3 octobre au matin, et il travailla à son ordinaire ; je rentrai à quatre heures pour dîner, et je le trouvai avec la fièvre : la goutte s’était fourrée dans les entrailles, qu’il avait très affaiblies depuis quelque temps, ne pouvant quasi plus manger… Enfin le samedi 8, après avoir passé une nuit moins mauvaise que les précédentes, il s’affaiblit, il perdit la vue, et mourut sans fièvre, comme un oiseau, sans agonie, sans le savoir. […] L’esprit de parti a voulu en faire un héros d’un seul bloc ; voici ce que je tiens moi-même du plus honnête des hommes, le général de l’artillerie française à Wagram, Pernety : « Je l’avais placé sur le bord du Danube, la nuit qui précéda la bataille de Wagram.
Un accident de voiture, où il fut sauvé par miracle, auprès du pont de Neuilly, très certainement aussi l’évolution naturelle de ses idées342, et enfin l’insoluble mystère — psychologique ou théologique — de la grâce amenèrent la crise définitive : cette nuit du 23 novembre 1654, nuit d’extase et de joie, où face à face avec son Dieu, Pascal se donne tout à lui, et pour toujours.
Elle nuit sûrement aux études. […] » retentirent toute la nuit à mon oreille comme un coup de tonnerre.
Le mouvement dont elle paraît encore douée, c’est le grouillement des vers qui la dévorent, les lueurs qui empêchent la nuit de s’abattre complètement sont les phosphorescences connues sous le nom de feux-follets. […] Lautréamont mangeait à peine, ne travaillait que la nuit après avoir joué du piano et buvait tellement de café qu’il scandalisait l’hôtelier.
Dans un temps de curiosité personnelle, où l’on veut savoir avec passion comment tout ce qui a pour deux liards de célébrité met son bonnet de nuit et ses pantoufles, la Correspondance de Proudhon, du fameux auteur des Contradictions économiques et de la Justice dans la Révolution, doit exciter au plus haut point l’intérêt de qui tient à ces pantoufles et à ce bonnet de nuit.
Le jeune homme pousse en avant avec la verve d’un poète qui conçoit un roman et sur-le-champ passe la nuit à l’écrire. […] Survint l’Allemande, cérémonieuse et violente, Madame, qui outra tout et barbota à travers les bienséances, « rhabillée en grand habit, hurlante, ne sachant bonnement pourquoi ni l’un ni l’autre, et les inonda tous de ses larmes en les embrassant. » Dans les coins du tableau, on voit les dames en déshabillé de nuit, par terre, autour du canapé des princes, les unes en « tas », d’autres approchant du lit, et trouvant le bras nu d’un bon gros Suisse qui bâille de tout son cœur et se renfonce sous les couvertures, fort tranquille, cuvant son vin, et doucement bercé par ce tintamarre de l’hypocrisie et de l’égoïsme.
Cette précision singulière qui règne dans Homère a frappé Napoléon ; il ne la retrouvait pas à beaucoup près dans Virgile, ce qui lui a fait dire : « Si Homère eût traité la prise de Troie, il ne l’eût pas traitée comme la prise d’un fort, mais il y eût employé le temps nécessaire ; au moins huit jours et huit nuits.
Comme un pasteur solitaire, mélancoliquement amoureux du désert et de la nuit, il demeure immobile et debout sur son tertre sans verdure ; mais du geste et de la voix il pousse le troupeau qui se presse à ses pieds et qui a besoin d’abri ; il le pousse à tout hasard au bercail, du seul côté où il peut y en avoir un2.
« Il prenait d’ailleurs plaisir à conter toutes ses angoisses devant le moindre mouvement à faire, le transport de sa chaise à son lit, le plus petit choc prenant tout le suraigu douloureux d’une opération chirurgicale, et ses terreurs, chaque soir, devant la nuit qui venait, et le besoin impérieux, apeuré, qu’il avait de ce tic-tac d’une pendule. »47 La neurasthénie à forme cérébrale, pour être d’allure moins suppliciante, est tout aussi féconde.
Elles ne soupçonnent point les difficultés : tout est clarté sans ombre, ou nuit sans lueurs dans leur esprit.
Il en fait bénéficier jusqu’à la jeune fille qui se laissa endommager et qui ne s’en vante pas la nuit de ses noces : « Vous devez, dit-il au mari, vous fier à elle tout d’abord pour son passé : que serait-ce si elle osait vous interroger sur le vôtre ?
» Sur quoi elle lui donne rendez-vous, la nuit prochaine, à l’assemblée des chrétiens, dans le propre temple de Rome et d’Auguste.
Ferdinand Brunetière Lorsqu’on reprend ses trois grands recueils : Les Premières et les Nouvelles méditations, puis les Harmonies, on demeure étonné de ce flot ininterrompu de vers grandioses, qui vont, qui passent, avec la facilité, avec l’amplitude, avec la puissance d’un vaste fleuve répandu dans une large plaine, et tour à tour coloré de tous les reflets du ciel, rosé avec l’aurore, bleu avec le midi, pourpre avec le soir, ténébreux sous la taciturne nuit.
À Baraillon, tailleur… 5108 » À Fortier, tailleur… 3571 » Au sieur Lulli et à la demoiselle Hilaire, pour leurs habits… 900 » Aux comédiens de la troupe du Palais-Royal, pour leurs habits… 4400 » À Dufour, pour la fourniture des bas… 1177 » À Detienges, pour la fourniture des rubans… 535 » À la veuve Vaignard, pour masques, mannes, cadenas et autres ustensiles… 1835 » À Ducreux, pour les perruques, barbes, etc… 687 » À Rabache, pour six perruques de crin… 76 » À Lenoir, plumassier, pour les plumes… 603 1 À Blanchard, pour les gants… 89 16 À Brécourt65, pour la fourniture des pierreries… 220 » À Balard, imprimeur, pour les livres… 1022 » Pour les escarpins des danseurs… 420 » Pour les logements des danseurs, musiciens et concertants, pour la répétition du ballet de Chambord à Saint-Germain, et pour une nuit à Saint-Dier… 535 10 Pour toutes les nourritures, tant pour le voyage de Chambord que pour la répétition du ballet à Saint-Germain, et pour les comédies de l’Hôtel, à Versailles… 7916 10 (Dans lesquelles 7916 liv. 10 s. les comédiens du Palais-Royal, pour les nourritures et frais par eux faits, tant au voyage de Chambord qu’aux répétitions de Saint-Germain, entrent pour 3442 liv. 10 s.)
Si l’image menaçante des larmes qui sillonnaient la joue du vieillard vient chaque nuit troubler mon sommeil, est-ce en désertant mon amour que je fléchirai l’ombre indignée ?
De même que la vie monastique, où tout est prévu et réglé dans ses moindres détails d’une manière invariable, détruit le pittoresque de la vie et efface toute originalité, de même une civilisation régulière, en traçant à l’existence un trop étroit chemin, et en imposant à la liberté individuelle de continuelles entraves, nuit plus à la spontanéité que le régime de l’arbitraire 187. « Cette liberté formaliste, a dit M.
Or, de tous les personnages du passé, dont le souvenir venait comme les songes d’une nuit troublée réveiller et agiter le peuple, le plus grand était Élie.
« Une nuit qu’il était couché dans la garde-robe de son maître avec le sieur de la Fosse, il lui dît à plusieurs reprises : Notre maître est un ladre verd, et le plus ingrat mortel qu’il y ait sur la surface de la terre.
J’allais souvent de l’une à l’autre, à pied, déguisée, portant sous mon bras du linge, de la viande, et je passais quelquefois les nuits chez un de ces enfants malades dans une petite maison hors de Paris.
Il les a faits par gageure de société pour divertir sa sœur, la comtesse de Grammont, et par émulation des Mille et une nuits qui paraissaient alors (1704-1708) ; ils sont remplis d’allusions qui échappent6.
Au reste ce défaut peut facilement se corriger, & il ne nuit point à la bonté de l’ouvrage de M.
Vous voilà étendu sur votre chaise de paille, les bras posés sur vos genoux, votre bonnet de nuit renfoncé sur vos yeux, ou vos cheveux épars et mal retroussés sous un peigne courbé ; votre robe de chambre entrouverte et retombant à longs plis de l’un et de l’autre côté : vous êtes tout à fait pittoresque et beau.
L’éditeur anonyme de ce portefeuille de Madame Récamier, trié et surveillé, l’éditeur qui fait la main pieuse, déposant, de nuit, des fleurs sur un tombeau, nous raconte tout ce qui lui plaît sans mettre hardiment, en se nommant, comme il y était tenu, le poids de sa moralité et de son autorité en tête des récits qu’il nous donne et qu’il faudrait appeler, car c’est là leur vrai titre : Souvenirs sur Madame Récamier, par une personne qui l’a bien connue, mais qui n’a pas voulu y mettre son nom.
Léon Daudet ou de la Seule nuit de M.
Parcourez tous les états d’Italie ; est-ce à Venise, dont l’aristocratie sévère est fondée sur la crainte ; où la politique inquiète et soupçonneuse marche quelquefois dans la nuit entre des inquisiteurs d’état et des bourreaux ; où tout est couvert d’un voile ; où le gouvernement est muet comme l’obéissance ; où la barrière qui sépare la noblesse et le peuple défend aux talents de s’élever ; où le plaisir même est un instrument de politique ; où, par système, on a substitué à la liberté qui élève les âmes, la licence qui les amollit ; Venise, où tout ce qui serait grand serait suspect ; où enfin le caractère de tous les principes de gouvernement est d’être immobile et calme, et où, depuis des siècles, tout tend à la conservation et à la paix, rien à l’agrandissement et à la gloire ?
Tout ce que mon cœur souhaite de faire, fais-le pour moi, combattant toi-même à mon aide. » Autour de ces paroles éteintes, sous les changements du temps et des idiomes, rêvez le ciel de Lesbos, l’harmonie des vers et celle de la lyre, l’accent passionné de la voix, dans le silence des nuits limpides, ou dans le calme sonore d’un jour brûlant d’été : et vous aurez entrevu quelque chose du gracieux délire dont la poésie et la musique, l’imagination et les sens, l’idéal et l’amour, ont parfois enchanté l’âme humaine.
Comment définirez-vous l’impression d’une nuit obscure, d’une antique forêt, du vent qui gémit à travers des ruines ou sur des tombeaux, de l’océan qui se prolonge au-delà des regards ? […] Mais les Étoiles sont déjà une Harmonie, une harmonie de la nuit. […] L’Hymne de la Nuit, l’Hymne du Matin paraissent Nuit du Guide, Aurore de l’Albane. […] Il a fini par s’imposer à lui après lui avoir imposé le nom de son père, par passer près de lui les dernières années de sa vie, sous lui la première nuit de son éternité. […] Rien de fécond dans cet élément qu’il laboure jour et nuit.
Vous savez qui je suis et quel métier j’exerce ; or votre présence nuit à mes intérêts, et cependant vous vous obstinez à rester malgré moi. […] Telle est par exemple l’idée qui fait le fond d’un récit assez médiocre intitulé : Une nuit dans les bois, où l’auteur a décrit les sensations d’un vieil antiquaire obligé de passer la nuit auprès d’une ruine historique qui avait fait bien souvent l’objet de ses préoccupations. […] Tout dans la disposition morale des esprits donnait l’idée d’un aimable crépuscule, au moment où la lumière lutte avant de s’éteindre dans la nuit. […] Pourquoi dépenser en une nuit les ressources de longues années, et épuiser pour une fête de plaisir effréné les trésors qui auraient pu suffire sagement administrés à enchanter toute une vie heureuse ? […] C’est à juste titre, se dit-on, qu’ils restent pour la plupart inhabités, ruines poétiques pendant le jour, et la nuit lieu de rendez-vous des revenants et des âmes en peine du passé.
Saint-Amant disait dans une pièce sur la nuit : Paisible et solitaire Nuit, J’aime une brune comme toi. […] Boileau reconnaissait les premiers traits de cette poésie dans Villon, au grand scandale de Sainte-Garde, indigné qu’il fît cet honneur « à un voleur de nuit, dit-il, lequel non seulement tirait la laine, mais perçait les maisons et montait aux fenêtres avec des échelles de corde. » N’eût-il pas été plus juste, plus séant, de faire descendre la poésie française « de Thibaut, comte de Champagne, le chaste amant de la reine Blanche, voire d’Octavien de Saint-Gelais, évêque d’Angoulême, de la noble maison de Lusignan115 ? […] La Nuit, la Mollesse, dans les quatre premiers chants ; la Piété, Thémis, l’Espérance, dans les deux derniers.
La nuit seulement, lorsque la maison se tait, bien en ordre, elles ont la paix. […] Complices, les après-midi alanguissantes ; complices, les soirées douces et berceuses ; complices, les nuits divines aux ombres transparentes et comme diaphanes. […] ne soutiendra que les Nuits et le Souvenir sont supérieurs à La Confession d’un enfant du siècle. […] Mais lui, quand il s’agit de Musset, ne se prive pas de rapporter les traditions et conjectures les plus défavorables à l’auteur des Nuits. […] Ainsi encore : Je désire un bonnet de nuit.
Comme la nuit était close quand l’audacieux équilibriste exécuta ce tour périlleux, il prit à la main un flambeau allumé, afin qu’on le pût bien apercevoir. […] Vous êtes mariés ; ne reste que la nuit Pour éteindre vos feux. […] De là les réclamations des habitants affirmant que souvent ils ne pouvaient rentrer que de nuit chez eux, se plaignant de rester en butte aux sots propos des laquais et aux entreprises plus dangereuses des filous. […] Son Éminence s’étant couchée là-dessus, est mordue, au beau milieu de la nuit, d’un irrésistible sentiment de tendresse paternelle pour son œuvre. […] Après cela, plus que confusion ; Tant il n’en fut dans la grande Ilion, Lors de la nuit aux Troyens si fatale.
Lasserre croyait cheminer dans une nuit très étrange où les objets n’avaient pas l’air de ce qu’ils étaient et, en définitive, n’étaient que des fantômes de néant. […] Nuit, matin, tout était servi sur les mêmes nappes radieuses. […] Souvenir de la mobilisation ; le nouveau soldat, sur le point de partir pour la guerre, va dire adieu à ses parents, passe la nuit chez eux ; « À mon réveil, ils m’entourèrent. […] Au nom seul du Jour, je le sentais onduler silencieusement entre ses deux nuits comme un cygne aux ailes noires. […] La nuit que ce José a tué le Brûleur au pont de Flandre, ce chef illustre est venu au cabaret.
Le rêve de mes nuits sans sommeil, l’image de mes nuits de fièvre. […] Ainsi, quand de tels morts sont couchés dans la tombe, En vain l’oubli, nuit sombre où va tout ce qui tombe, Passe sur leur sépulcre où nous nous inclinons, Chaque jour, pour eux seuls se levant plus fidèle La gloire, aube toujours nouvelle, Fait luire leur mémoire et redore leurs noms ! […] Demain, ô conquérant, c’est Moscou qui s’allume, La nuit, comme un flambeau. […] Qui vous dira sur la plaine, devant un autre coucher de soleil, (il en est tant), triste et rouge et grand sur l’étang de Saclay, triste et long sur la plaine, sur le chaume et sur le blé, devant, sous un ciel de nuages qui vous récitera les grands vers de la pluie et du beau temps ; du temps qu’il fait et du temps qui passe ; du temps temporel et du temps climatérique ; das Wetter et die Zeit ; — tempus, tempestas atque temperies : Le soleil s’est couché ce soir dans les nuées ; Demain viendra l’orage, et le soir, et la nuit ; Puis l’aube, et ses clartés de vapeurs obstruées, Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s’enfuit ! […] Et ce sont, comme dirait Hugo, des conquêtes de la nuit.
Souvent il disparaissait au milieu d’une causerie : d’autres fois il restait après tout le monde, et passait la nuit sur un divan. […] Par instants, il apercevait un grand idéal, dans la nuit montante de sa pensée : il voulait le saisir et ne pouvait. […] Songez que c’est l’hiver, un hiver de Russie ; et, par des routes de boue et de neige, voyez-le marcher seul sous la nuit tombante, ce vieillard de soixante-cinq ans ! […] J’ai laissé de côté à dessein, dans mon analyse, deux aventures épisodiques, mais traitées avec une abondance de développement qui nuit, plus d’une fois, à l’unité, du récit. […] Et il l’écoutait pleurer, debout devant la fenêtre, les yeux fixés sur son empire assoupi dans la nuit.
Dieu sait à quelle heure Fritz s’endormit cette nuit-là ; mais il faisait grand jour lorsque Katel entra dans sa chambre et qu’elle vit les persiennes fermées. […] On comprit aussitôt que ce serait quelque chose d’étrange ; la valse des Esprits de l’air, le soir, quand on ne voit plus au loin sur la plaine qu’une ligne d’or, que les feuilles se taisent, que les insectes descendent, et que le chantre de la nuit prélude par trois notes : la première grave, la seconde tendre, et la troisième si pleine d’enthousiasme qu’au loin le silence s’établit pour entendre. Ainsi débuta Iôsef, ayant bien des fois, dans sa vie errante, pris des leçons du chantre de la nuit, le coude dans la mousse, l’oreille dans la main, et les yeux fermés, perdu dans les ravissements célestes.
Et je sais des jeunes gens, en sortant, qui, ayant perdu la pensée du sommeil, embrasés par des flammes inconnues, chantèrent, toute la nuit, d’espoir sous les étoiles. […] Ils étaient nés dans ces nuits de Paris dont parle Bonaparte, — nuits triomphales et furieuses, consacrées par Vénus elle-même, pour réparer, dans les orgies des noces, les sanglantes brèches de la Victoire.
— En somme, loin d’être un phénomène exclusivement mécanique, l’hypnotisme est essentiellement une attitude mentale, une manière d’être anormale de la volonté, qu’on a plongée à tâtons dans une nuit artificielle, en ne lui laissant pour guide que la lueur de telle ou telle idée. […] La petite lumière de l’étoile qui, en plein jour, ne se laissait point voir, redevient visible dans cette nuit ; de plus, il n’y brille que l’étoile évoquée par la parole de l’hypnotiseur. […] — Assis près de moi. » La même dame, la même nuit, se réveille et se lève pour prendre « quelque soda-water » ; en se retournant, elle aperçoit M.
Les écoles payennes marchaient à tâtons dans la nuit, s’attachant aux mensonges comme aux vérités dans leur route de hasard. […] Les événements, chargés de ruiner l’ancienne Europe et d’en rebâtir une nouvelle, se heurtaient, se précipitaient sans relâche, et poussaient les nations pêle-mêle, celles-ci au jour, celles-là dans la nuit. […] S’il n’était pas ridicule de mêler les fantasques rapprochements de l’imagination aux déductions sévères du raisonnement, un poëte pourrait dire que le lever du soleil, par exemple, est un hymne, son midi une éclatante épopée, son coucher un sombre drame où luttent le jour et la nuit, la vie et la mort.
Ce fut une belle nuit que celle qui nous réunit tous les trois, Hugo, de Vigny et moi, pour faire en commun, après la première représentation de Christine, les corrections indiquées par le public. […] Il ne craint rien, pareil au champignon difforme Poussé dans une nuit au pied d’un chêne énorme, Qui laisse les chevreaux autour de lui paissant Essayer leur dent folle à l’arbuste innocent ; Sachant qu’il porte en lui ses vengeances trop sûres, Tout gonflé de poison, il attend les morsures. […] Tous deux, comme le disait le poète, avaient poussé dans une nuit.
Selon que le cerveau travaille dans la nuit ou à la lueur du falot de la conscience, l’homme acquiert une personnalité différente, mais, sauf les cas pathologiques, l’état second n’est pas tellement précisé que l’état premier ne puisse, sans troubler le labeur, intervenir : c’est en ces conditions, selon ce concert, que s’achèvent la plupart des œuvres d’abord imaginées soit par la volonté, soit par le rêve. […] La lettre de Mozart n’explique que Mozart : « Quand je me sens bien et que je suis de bonne humeur, soit que je voyage en voiture ou que je me promène après un bon repas, ou dans la nuit, quand je ne puis dormir, les pensées me viennent en foule et le plus aisément du monde. […] Malgré le blocus quelquefois absolu que ses idées établissaient autour de son attention, nul esprit n’était plus rapide ni mieux doué pour la riposte ; il ne connaissait pas le crépuscule du réveil : après la nuit la plus brève, il se retrouvait, au coup même du sursaut, en pleine possession de toute sa lucidité, de toute sa verve. […] C’est après s’être baignés et seulement toutes les trois nuits qu’ils peuvent se livrer à l’acte générateur. […] Un autre motif de choisir vos aînés les plus proches, c’est que leurs idées déjà un peu connues seront mieux accueillies du public, qui n’y verra pas l’injure d’imaginations trop neuves et trop fraîches ; elles peuvent, par un coup de succès, se répandre d’un jour à l’autre ; c’est de la besogne à moitié faite, profitez-en sans scrupule, car il faut arriver, et celui qui arrive le premier peut se mettre à table pendant que les autres peinent dans la nuit, sous la pluie.
Un anthropologiste, qui n’en sait pas plus long que moi sur ce sujet, dit que sa découverte se perd dans la nuit des temps. […] Depuis cette nuit incertaine, l’astronomie n’a fait que des progrès mathématiques. […] Est-ce que nous marcherions dans la nuit avec autant de précision que nous marchons dans la lumière ? […] Chaque fois c’était, à la campagne, un curé mort récemment, et que les paysans croyaient revoir dans son église, à la tombée de la nuit. […] Il y avait à Saas-Fee, un bouc diabolique qui, dès que la nuit s’approchait, précipitait dans le torrent tous ceux qui s’aventuraient sur son chemin.
Rachilde, déjà à moitié folle avant la rencontre de cette poésie trop forte pour elle, coucha peut-être une nuit entre Edgar Poë et Baudelaire. […] En dehors de leur anglophilie, il n’y a rien de commun entre Mme Daudet, Parisienne qui note avec précision ce qu’elle voit ou qui s’excuse de « quelque élévation courte et subite d’une pensée féminine vers ce qui n’est pas la tâche journalière ou l’obligation mondaine » ; — et Max Lyan, méridionale un peu farouche, indifférente à la vie si elle n’est illuminée et parfumée d’amour, amie des féeries et des chimères, esprit presque anglais mais imagination presque orientale, qui relit les Mille et une Nuits, quand elle ne lit pas Dickens ou Rhoda Broughton, amoureuse des Pyrénées, venue tardivement à Paris et, semble-t-il, pour y mieux cacher la liberté de ses longues rêveries. […] Et, par une citation plus longue, je donne une idée de la manière d’Hélène Vacaresco : Onde rose qui t’enfuis Sous les bois aux vertes nuits, D’avoir reflété les pâles Et mystérieux pétales De la fleur qui sur tes bords A des parfums lourds et forts Dont s’enivrent les clairières Avec leurs vertes lumières….. […] Marie Caussé imite timidement et docilement ce défaut ; mais, à l’éclat du plein jour, son imagination préfère les douceurs nocturnes : Et mon teint pâle comme un clair de lune, sera la nef d’argent dans la mer de tes nuits. […] Et huit vers, — qui ne sont même point destinés à être mis en musique, — disent à l’ami : « Je t’aime le soir » ; huit vers lui affirment : « Je t’aime la nuit » ; huit vers lui répètent : « Je t’aime le matin. » Nous voilà instruits de beaux et profonds secrets sur l’amour féminin.
Machiavel y suit Tite-Live événement par événement, comme la lampe suit les contours d’une statue pour en faire jaillir les formes dans la nuit aux regards d’un statuaire. […] « Malgré mon âge, qui touche à cinquante ans, écrit-il à Vettori, je vais chaque jour visiter celle qui captive mon cœur ; je ne me laisse ni rebuter par les ardeurs de l’été, ni arrêter par la longueur et les difficultés du chemin, ni effrayer par l’obscurité des nuits. » Tant que dura ce violent amour qui lui faisait tout oublier, même la dignité de son nom, même sa misère, même la décence de son âge, il n’écrivit plus rien que des lettres amoureuses ou que les confidences de son bonheur.
Où le calme de la mer et le repos de la nuit ont-ils été plus heureusement retracés ? […] Il fait nuit, les animaux se répandent sur la terre, les lionceaux rugissent après leur proie et demandent leur nourriture à Dieu.
Il traduisit les Facétieuses Nuits de Straparole (1572). […] On l’enterre le 21, à la nuit, au cimetière.
Quelquefois je rougissais subitement et je sentais couler dans mon cœur, comme des ruisseaux d’une lave ardente ; quelquefois je poussais des cris involontaires et la nuit était également troublée de mes songes et de mes veilles. » Il appela la mort. […] L’héroïne meurt à la trentième page du premier volume, mais son cadavre ensanglanté sort du tombeau et toutes les nuits va se coucher à côté de son mari, un Othello du temps de Charlemagne.
Les membres du cercle, les membres sérieux, ceux qui jouaient et exerçaient une profession, les gens d’affaires, déjeunaient à onze heures, puis ils allaient à la Bourse ; à midi et demi ou une heure, arrivaient les oisifs, couchés tard, ayant joué au baccara une partie de la nuit, éreintés. […] Une garde sévère veillait jour et nuit pour empêcher les profanations.
Le souvenir qu’on en garde ailleurs nuit souvent au plaisir qu’on aurait de vivre chez soi, si l’on n’en était pas sorti.
Bossuet, à qui l’on dissimula le plus longtemps possible la nature de son mal, et qui tâchait de se le dissimuler à lui-même, ne fut pas à l’épreuve de ce premier effroi, quand il n’eut plus moyen de douter : la fièvre avec un léger trouble de tête l’agita durant les jours et les nuits qui suivirent.
C’est vraiment incomparable : cette clarté qui meurt par degrés, ces ombres qui enveloppent peu à peu les merveilles de Michel-Ange ; tous ces cardinaux à genoux, ce nouveau pape prosterné lui-même au pied de l’autel où, quelques jours avant, j’avais vu son prédécesseur ; cet admirable chant de souffrance et de miséricorde, s’élevant par intervalles dans le silence et la nuit ; l’idée d’un Dieu mourant sur la croix pour expier les crimes et les faiblesses des hommes ; Rome et tous ses souvenirs sous les voûtes du Vatican : que n’étiez-vous là avec moi !
Dans une visite qu’il revint faire dans la soirée au général en chef, Saint-Cyr le retrouva le même, sans plan arrêté, et la nuit ne changea rien à son irrésolution : il ne donna point d’ordres.
Cela lui nuit auprès des belles.
mais conte-le-moi toujours. » C’est celle de cet autre enfant qui attend avec impatience et avec un peu de crainte ce qui descend par la cheminée dans la nuit de Saint-Nicolas, ou ce qu’on trouve dans ses petits souliers le matin de Noël : « Je sais bien que c’est maman qui le met, mais c’est égal. » Il se vante, le petit esprit fort !
Cuvier, non encore partagé par la politique ou par l’administration et tout entier à la science, à la vie intellectuelle, prolongeait bien avant dans la nuit avec quelques amis dignes de l’entendre, sous les grands arbres du Jardin des Plantes, des entretiens « dignes de Platon !
Notre-Dame Soit doncques de nuit, je vous prie !
Petit-fils par sa mère de l’ingénieur Métezeau, qui proposa et fit exécuter la digue de La Rochelle dans ce fameux siège, il avait pour père un protégé de Colbert et de Pussort, successivement greffier de la Chambre des comptes, de la Chambre de justice chargée de juger bouquet, et enfin secrétaire du Conseil d’État, homme chagrin redouté dans famille, estimé dans sa profession d’un mérite spécial pour rédiger les procès-verbaux, pour dresser les édits, et qui « travaillait toute l’a journée en robe de chambre. » C’était alors une grande singularité, à tel point que le père du président Hénault, qui connaissait Molière, lui donnai la robe de chambre et le bonnet de nuit de M.
Mais ceci n’est plus du Marivaux, c’est du Crébillon fils retourné : le Hasard du coin du feu, — la Nuit et le Moment !
Cervantes, qui était une espèce d’agent d’affaires et qui faisait des écritures pour ceux qui lui en demandaient, éprouve là de nouveau un de ces désagréments qui lui étaient assez familiers : une nuit, dans une querelle engagée près de sa maison, un chevalier, un personnage de la Cour fut frappé et blessé à mort par un inconnu : on arrêta provisoirement tous les témoins et toutes les personnes suspectes jusqu’à plus ample information, et Cervantes fut de ce nombre.
Nés tous deux d’une ancienne famille noble du Midi fort déchue en fortune, mais restée fidèle jusqu’au bout aux sentiments et à l’honneur de la race, ils auront plus contribué à l’illustrer que tous les preux chevaliers d’autrefois à jamais oubliés et perdus dans la nuit des âges.
Ce fantôme de la Bastille était sans cesse devant ses yeux et troublait ses nuits.
Louvigny, son capitaine des chasses, avait, dans une ronde de nuit, surpris un braconnier des plus habiles nommé La Bruyerre : il l’avait remis à la disposition de M. d’Estimonville, capitaine des chasses du prince de Condé, qui l’avait fait jeter en prison.
Les sources se réunissent en un torrent qu’au milieu même de l’hiver nous pouvons entendre durant la nuit et qui, pendant la saison où le soleil pénètre jusque dans les ravins des glaciers, se précipite avec violence et agite au loin, malgré le calme de l’air, le vaste bassin où il s’engloutit.
Nul doute qu’il n’eût pu, en se lâchant un peu, en s’assujettissant aussi, prétendre à ces succès plus ou moins faciles, mais où la distinction, après tout, ne nuit jamais.
Si jamais pièce réclama à bon droit chez le spectateur ce jeu quelque peu complaisant de l’imagination et du souvenir, c’est à coup sûr Bérénice ; mais cette complaisance n’exige pas un effort bien pénible, et l’on n’a pas trop à se plaindre, après tout, d’être simplement obligé, pour subir le charme, de se ressouvenir de Madame, de ces belles années d’un grand règne, des nuits enflammées et des festons où les chiffres mystérieux s’entrelaçaient.
Depuis j’ai transporté ma tente, et je m’explique autrement cette grande nuit.
Nous voyons le jour succéder à la nuit, l’hiver à l’été, le soleil à la pluie.
Dans cette admirable élégie du Lac, qui vaut mieux, à mon sens, que tout Raphaël, le poète ne prenait encore les objets que pour ce qu’ils étaient un peu indistinctement à ses yeux, pour les témoins confus, pour les confidents et les dépositaires de son bonheur : Ô lac, rochers muets, grottes, forêt obscure, Vous que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir, Gardez de cette nuit, gardez, belle Nature, Au moins le souvenir !
Au moment où Mme Campan la revit après le retour de Varennes, la reine ôta son bonnet, et lui dit de voir l’effet que la douleur avait produit sur ses cheveux : « en une seule nuit ils étaient devenus blancs comme ceux d’une femme de soixante-dix ans ».
Lors des conférences multipliées qu’il eut de nuit au Palais-Royal et ailleurs avec la reine, il est à croire que dans ces oratoires mystérieux, où elle le recevait pour conférer plus librement, il essaya s’il ne pourrait pas intéresser en elle la femme ; qu’il regarda souvent ses belles mains, dont Mme de Motteville nous a parlé ; qu’il eut l’air par instants rêveur et distrait aux questions mêmes de la politique ; mais la coquetterie de la reine ne prit pas à ce manège ; son cœur était fixé.
Ces qualités de persévérance, d’attention, de curiosité, et presque d’attachement pour son sujet, qui mènent un habitant de la campagne à passer les journées et une partie des nuits en sentinelle pour observer, sans les effaroucher, ces petits insectes, ne diffèrent pas essentiellement de celles qui dirigent le biographe attentif dans les bibliothèques et à travers les livres, à la piste des moindres faits qui peuvent éclairer l’âme et la vie d’un écrivain préféré.
Croyez-moi, l’emblème du présent et de l’avenir aussi pour notre chère France, ce n’est pas le crépuscule, mais l’aurore émergeant des ténèbres de la nuit.
Ne disons cependant point comme ce preux chevalier qui mérita si bien d’être roi du beau pays de France, ne disons point, Tout est perdu, fors l’honneur ; n’avons-nous pas sauvé plus que l’honneur, puisque nous avons sauvé, non point celles de nos institutions qui avaient vieilli, et qui étaient destinées à périr, mais celles d’où devaient naître nos institutions futures ; puisque nous avons sauvé ce qui toujours flatta le plus les nations, une existence qui se perd dans la nuit des temps ; une existence qui, pour nous, est antérieure à toutes les sociétés actuelles ; une existence de quatorze siècles ; puisque nous avons sauvé enfin notre magistrature sur l’Europe ?
je ne me fie pas à ces récits qui, s’ils étaient vrais, ne prouveraient que l’épouvantable anarchie des intelligences et la nuit qui a remplacé, dans la conscience humaine, l’impérieuse lumière de la fierté et des devoirs !
Pour remplir cette tâche, il faut avoir été fortement ému au récit des grandes actions ; il faut souvent, dans le silence de la nuit, avoir interrompu ses lectures par des cris involontaires ; il faut plus d’une fois avoir senti sa paupière humide des larmes de l’attendrissement ; il faut avoir éprouvé l’indignation que donne le crime heureux ; il faut avoir senti le mépris des faiblesses et de tout ce qui dégrade.
» Le comte resta une partie de la nuit en contemplation devant les rideaux, appliquant sa pensée (à quoi ?) […] Celui-ci se sent descendu au fond d’un abîme où la nuit l’enveloppe de toutes parts, mais il lutte, il se débat, il aspire à remonter, il appelle le soleil. — Le dix-neuvième siècle est-il autre chose qu’un grand combat ? […] Dans un article du premier, mes yeux s’arrêtent sur ce galimatias adorable : « La vague, humide d’un sourire, déferla sur le rivage pâle de ses lèvres… — L’aurore se débarbouille, le soleil quitte son bonnet de nuit ; et les grandes forêts balancent, comme dans un hamac, dans la batiste lumineuse de ses rayons, leurs hanches énamourées ! […] C’en est fait, l’ombre gagne de proche en proche, la Nuit devient chaque jour plus envahissante et plus épaisse, et l’art actuel est à dix mille mètres au-dessous du niveau normal du talent, de la poésie et de l’esprit. — Après avoir décrit son ellipse foudroyante, la comète du romantisme a disparu du firmament poétique, et c’est à peine si nous distinguons encore le bout de sa queue ; le chiffonnier Réalisme est à la veille de manquer d’huile pour alimenter sa lanterne ; et mieux vaudrait la nuit noire que ces lueurs sottes et bourgeoises que projette autour de nous la chandelle de suif de l’école du Bon Sens.
Quand ils approchèrent de la frontière, comme ils n’avaient point de passeport, ils voyagèrent de nuit et à pied ; car, en leur qualité d’émigrés, ils ne pouvaient rentrer que clandestinement dans leur patrie. Après deux nuits de marche dans les montagnes du Jura, ils traversèrent, à la faveur des ténèbres et au milieu d’un orage, un torrent rapide gonflé par la fonte des neiges, et, évitant les postes militaires, ils se trouvèrent en France, près de Pont-d’Ain et bientôt à Lyon. […] Ce sont cependant des esprits de ce genre, résignés la veille à l’absolutisme politique, qui, dans la nuit où l’empire tombe et fait place a la restauration, passent avec armes et bagages aux doctrines les plus avancées du libéralisme, et encombrent les avenues de la littérature qui en est l’expression. […] Dans cette étude d’après l’antique, l’art est trop recherché, et l’érudition nuit à l’inspiration. […] Dans les angoisses de l’esprit du poëte, on entend comme un retentissement lointain des angoisses de l’intelligence humaine au sein d’une époque sur laquelle la nuit du doute redescend.
Comme il avait fait de Cicéron et de Virgile les compagnons assidus de ses promenades solitaires, comme il passait une partie de ses nuits dans la lecture de l’orateur et du poète romains, il devait naturellement être amené à imiter ces deux illustres modèles. […] Si l’Italie est morte, que veulent dire ces armées qui veillent sur elle nuit et jour ? […] Le matin, le milieu du jour, le soir et la nuit offrent une suite de tableaux où la malice la plus mordante parle toujours le langage de la bonne compagnie. […] L’obscurité de ces premières scènes nuit beaucoup à l’intérêt que pourrait inspirer plus tard la conduite du marquis. […] Ce serait en effet une souveraine injustice de vouloir estimer le Songe d’une nuit d’été et Comme il vous plaira, en les comparant aux œuvres de Plaute et de Térence.
On peut alléguer deux choses à la décharge d’Homere : la premiere, que dans les tems de ténebres où il vivoit, il n’a pû avoir des idées saines de la divinité, et que, quelque esprit qu’on lui suppose, il n’a pû éviter absolument la contagion des erreurs et de l’absurdité du paganisme : la seconde, qu’au travers de cette nuit épaisse, il n’a pas laissé d’entrevoir quelquefois le vrai, comme quand il dit que d’un signe de tête, symbole de la volonté, Jupiter ébranla tout le ciel ; et qu’il compare ailleurs la vitesse de la course de Junon à la rapidité de la pensée. […] La maniere dont Homere amene et lie les discours, est si languissante et si uniforme, qu’elle nuit souvent à l’effet des discours mêmes. […] Que je présente trop souvent l’image du lion et des troupeaux ; que tantôt le lion devore les troupeaux et qu’il fasse fuir les pasteurs ; que tantôt les pasteurs le contraignent de se retirer ; qu’il assiege la nuit une bergerie, ou qu’en plein jour il répande la terreur dans les pâturages : on ne me sçaura pas tant de gré des divers aspects où j’offre le lion et les troupeaux, qu’on s’ennuira de les voir toujours revenir sur la scene. […] La raison de cela, est que l’expression n’est presque jamais indifférente ; si elle ne sert à la pensée, elle lui nuit, et par conséquent, si elle ne plaît, elle choque ou du moins elle ennuye.
Croyez-vous qu’ils s’en battront moins bien, pour avoir pris, entre deux nuits passées aux avant-postes, cette récréation toute littéraire ? […] Vous vous rappelez ce merveilleux morceau : Sans cesse, jour et nuit, je te caresserai. […] … Il crie, et nuit et jour, je n’ai aucun repos : Mais voici des flambeaux, et sans doute c’est lui. […] Mlle Samary faisait la Nuit. […] Pourquoi diantre s’en va-t-il la nuit, au risque des coups de bâton qu’il attrape, voler l’avoine de ses chevaux, quand il serait si simple de faire, du même coup, l’économie des chevaux, de l’écurie et du cocher ?
Une histoire quelconque, un conte des Mille et Une Nuits sur le théâtre, voilà pour eux un poème dramatique. […] Le divertissement de cour devait sans doute, cette fois-là, se prolonger toute la nuit. […] Pareille aux tourbillons d’une épaisse fumée que la violence d’un ouragan étend sur toutes choses, la nuit épaissit l’obscurité qui règne dans les forêts silencieuses. » On disait de notre tragédie classique qu’elle ne perdait jamais de vue l’horloge, dans le tremblement où elle était toujours de dépasser les vingt-quatre heures. […] Ainsi en jugèrent les comédiens qui, revenant de Versailles au milieu de la nuit, réveillèrent Racine pour lui apprendre que le roi avait daigné s’amuser aux Plaideurs. […] Le juge veut toujours être au Palais, et l’on est forcé de le retenir de force, jour et nuit, dans sa maison.
On le couche de bonne heure, avec quelque chose de chaud ; mais il se relève la nuit, souvent, et marche des heures dans sa chambre, et cela met la bonne dame de la poste au désespoir. […] — David était la nuit dont Jésus fut l’aurore ! […] — C’est ce soir, cette nuit, qu’il faut qu’il parte ! […] Nous partons cette nuit, comme je l’avais décidé. […] Donnay explique pourquoi il s’est résigné, après une nuit de Jouffroy, à la sabrer.
Les fameux comiques nous manquent, et l’on n’a que le nom de Ménandre, qui fut peut-être le plus parfait dans la famille des génies dont nous parlons ; car chez Aristophane la fantaisie merveilleuse, si athénienne, si charmante, nuit pourtant à l’universalité. […] Ils font se succéder, en chaque journée de leur vie, des productions, inégales sans doute, mais dont quelques-unes sont le chef-d’œuvre de la combinaison humaine et de l’art ; ils savent l’art déjà, ils l’embrassent dans sa maturité et son étendue, et cela sans en raisonner comme on le fait autour d’eux ; ils le pratiquent nuit et jour avec une admirable absence de toute préoccupation et fatuité littéraire. […] Quoi qu’on ait dit, Monsieur de Pourceaugnac, le Bourgeois Gentilhomme, le Malade imaginaire, attestent au plus haut point ce comique jaillissant et imprévu qui, à sa manière, rivalise en fantaisie avec le Songe d’une Nuit d’été et la Tempête.
Lanfranc, pour se dépiquer une nuit qu’il est au désespoir, fait un pamphlet plein de verve et de feu sur les contrariétés et les ridicules qu’il a rencontrés depuis deux mois, (le pamphlet est la comédie de l’époque). […] Toute absurdité dont l’imagination d’un peuple a pris l’habitude n’est plus une absurdité pour lui, et ne nuit presque en rien aux plaisirs du gros de ce peuple, jusqu’au moment fatal où quelque indiscret vient lui dire : ce que vous admirez est absurde. […] Ici la délicatesse du théâtre français est allée bien au-delà de la nature : un roi arrivant la nuit dans une maison ennemie dit à son confident, quelle heure est-il ?
. — « Deux individus avaient perdu un œil par phtisie du globe, et les hallucinations se produisaient chez eux aussi bien de ce côté que du côté sain. » — « Nous avons en ce moment à la Salpêtrière, dit Esquirol, deux femmes absolument sourdes qui n’ont d’autre délire que celui d’entendre diverses personnes avec qui elles disputent jour et nuit. » — À la rigueur on pourrait objecter que dans ces exemples la partie centrale et encore intacte du nerf est le point de départ de l’irritation ; mais cela n’est point vraisemblable ; l’hallucination est trop systématique ; si elle provenait du nerf, il faudrait que ses diverses fibres entrassent en action dans l’ordre compliqué et avec le degré exact que l’excitant extérieur peut seul leur imposer. […] Au-delà d’un petit cercle lumineux est une grande pénombre, et plus loin une nuit indéfinie ; mais les événements de la nuit et de la pénombre sont réels au même titre que les événements du petit cercle lumineux.
Hors les puces, qui m’ont la nuit inquiétée. […] Vos chemises de nuit et vos coiffes sont faites. […] La nuit se passa tout entière Sans qu’elle pût fermer un moment la paupière ; Des chaleurs l’empêchaient de pouvoir sommeiller, Et jusqu’au jour, près d’elle, il nous fallut veiller.
Que, dans une histoire de la langue, on nomme Pascal comme on nomme Calvin, ou, en Allemagne, Luther, soit ; qu’on le prenne, après Descartes, et par opposition à lui en le rapprochant de Montaigne, comme un représentant insigne de la pensée française au xviie siècle, et qu’on dise à propos de lui toute l’importance du Jansénisme dans la littérature de l’époque, cela est nécessaire ; mais, pour l’essentiel, qu’on le remette dans son domaine, parmi les moralistes ; non dans l’art qui resplendit en œuvres définitives, mais dans la pensée qui cherche la voie, comme un pilote dans la nuit. […] Il serait intéressant de montrer comment et pourquoi il en revient peu à peu aux « unités » tant honnies21 ; comment chez lui la thèse, sauf de rares exceptions, ne nuit pas à la vérité des caractères ; de fait, ses personnages sont vivants pour qui les a vus une fois : la baronne d’Ange, Denise, Francillon, M. […] Les formes se vident comme les épis battus en grange ; les hommes retournent à la nuit d’où l’amour les avait tirés ; mais l’humanité se renouvelle et s’en va, sans lassitude, de fructidor à nivôse, de nivôse à germinal, de germinal à fructidor.
Dans la nuit du 16 au 17 mars 1680, deux ans jour pour jour après la publication de la Princesse de Clèves, M. de La Rochefoucauld mourut : « J’ai la tête si pleine de ce malheur et de l’extrême affliction de notre pauvre amie, écrit Mme de Sévigné, qu’il faut que je vous en parle… M. de Marsillac est dans une affliction qui ne peut se représenter ; cependant, ma fille, il retrouvera le roi et la cour ; toute sa famille se retrouvera à sa place ; mais où Mme de La Fayette retrouvera-t-elle un tel ami, une telle société, une pareille douceur, un agrément, une confiance, une considération pour elle et pour son fils ? […] — Je lis plus loin une phrase sur ces années « dont on ne s’est point encore sincèrement repenti, parce qu’on est assez injuste pour excuser sa foiblesse et pour aimer ce qui en a été cause 125. » Un an avant de mourir, Mme de La Fayette écrivait à Mme de Sévigné un petit billet qui exprime son mal sans repos nuit et jour, sa résignation à Dieu, et qui finit par ces mots : « Croyez, ma très-chère, que vous êtes la personne du monde que j’ai le plus véritablement aimée. » L’autre affection qu’elle ne nommait plus, qu’elle ne comptait plus, était-elle donc enfin ensevelie, consumée en sacrifice ?
Pour nous, nous aurons la hardiesse de trouver un peu froide cette peinture d’Esope : « Une femme veuve, laborieuse, ayant des servantes, avait coutume de les éveiller la nuit, au chant du coq, pour les mettre à l’ouvrage. Celles-ci, lassées de leur travail continu, résolurent d’étrangler le coq, car elles croyaient qu’il causait leurs maux en éveillant la nuit leur maîtresse. »162 A proprement parler, ce n’est pas là un tableau, mais le sujet d’un tableau.
Comme un flambeau dans la nuit, dès qu’il entre dans une obscurité, elle devient lumineuse ; Platon est bien loin d’avoir cette netteté de jour dans le style. […] Jamais, je vous en atteste, le souvenir de l’excellent ami, de l’invincible héros qui a illustré le nom des Scipions, ne quitte un instant mon esprit… « Je m’informai ensuite de son royaume, il me parla de notre république, et la journée entière s’écoula dans un entretien sans cesse renaissant… « Après un repas d’une magnificence royale, nous conversâmes encore jusque fort avant dans la nuit ; le vieux roi ne parlait que de Scipion l’Africain, dont il rappelait toutes les actions et même les paroles.
La nuit, seule avec une femme dévouée depuis plusieurs années à mon service, j’écoutais à la fenêtre si nous n’entendrions point les pas d’un gendarme à cheval ; le jour, j’essayais d’être aimable pour cacher ma situation. […] Je n’entrais dans cette maison qu’avec la certitude d’en sortir, et je passais les nuits à parcourir ces appartements dans lesquels je regrettais encore plus de bonheur que je n’en avais espéré.
Le demi-siècle qui s’est écoulé depuis 89 les a plus épuisées que les innombrables générations de la nuit primitive. […] Pour moi, je verrais l’humanité crouler sur ses fondements, je verrais les hommes s’égorger dans une nuit fatale, que je proclamerais encore que la nature humaine est droite et faite pour le parfait, que les malentendus se lèveront et qu’un jour viendra le règne de la raison et du parfait.
Mais voici que Beethoven reproduit le même sujet dans le silence de la nuit ; voici qu’il place son tableau entre le monde de l’Apparence, et l’univers intérieur de son âme, l’univers profond où gît l’Être réel des choses ; et dans cet univers il prend la lumière qui illumine son tableau, ce clair voyant : et voilà que ce tableau vit devant nous et que nous vivons en lui, extraordinairement, et que nous habitons un deuxième univers, dont les plus immenses chefs-d’œuvre d’un Raphaël ne donnent point l’idée ! […] (Siegfried, Troisième acte, première scène) Site sauvage, au pied d’une montagne de pierre ; nuit, orage et ouragan, éclairs et tonnerre. — Le Voyageur est debout, devant le trou d’une caverne).
Ainsi, aux chers jours de Bayreuth dont l’anniversaire maintenant se solennise, ainsi, pendant que l’orchestre bayreuthien en cette salle privilégiée chantait le flux de ces véhémentes harmonies ; par fois, tournant le dos à la risible scène, oubliant les balourds occupés à représenter celui-ci un sieur Tristan, celle-là une dame Isolde, celui-là un Kurwenal graisseux et ventru ; négligeant les cocasseries du navire en carton peint et des matelots en zinc et tant de sottes polychromies ; oui, les yeux clos à ces sottises, et solitaire en mon attention tout dévouée aux uniques sonorités qui d’un centre invisible dans l’absolue nuit de mes sens s’éparsemaient : ainsi, parfois, ai-je écouté, ai-je quéri, ai-je entendu la symphonie qui se nomme Tristan et Isolde… Alors le préludial appel résumateur des suggestions où voguera ce conte d’âmes, et son apaisement. […] Amfortas : Tandis que je rêvais à la splendeur de la Promise, dans une ombre de nuit je me suis comme éperdu ; alors j’ai vu un corps, un corps soupçonné de mes songes ; des chairs, des seins, des peaux mollement tressaillantes, un ventre alliciteur des lèvres, et des parfums où se baigner eût été l’exultation ; son visage était grave et riait d’appels aux joies ; elle était folle et manifeste ; ses mamelles se dévoilaient… Et pour avoir touché le sexe d’une advenue aux jours d’erreur, j’aurai les souvenances et les cogitations et des navrances, pendant que se traînera la vérité de mon amour.
Non, en présence de tels monuments, nous ne croyons point avec eux que l’homme ait commencé dans la fange et dans la nuit, mais nous croyons avec l’Inde qu’il a commencé dans la perfection relative et dans la lumière de ce qu’on appelle un Éden. […] « L’insensé dominé par ses passions ne rêve que dans la nuit du temps, où toutes les choses dorment dans les songes ; le sage ou saint ne veille que dans le jour de l’éternité, où toutes les choses veillent ; et quand il meurt au monde, il est absorbé dans la nature incorporelle de Dieu !
Le plan d’Esther fut conçu en quelques nuits. […] …………………………………………………… …………………………………………………… Du triste état des Juifs nuit et jour agite, Il me tira du sein de mon obscurité, Et, sur mes faibles mains fondant leur délivrance, Il me fit d’un empire accepter l’espérance.
La première, dont l’origine se perd dans la nuit des temps, ne finit guère qu’à Charlemagne. […] Toutes les autorités paraissant donc avoir été inutilement tentées, la dernière et la plus triste des dominations s’ensuivit, celle de l’indifférence, mère de la nuit et du chaos.
Vers le même temps, un peintre de Neuchâtel, Meuron, osait, le premier, tenter de rendre sur la toile « la saisissante âpreté d’une sommité alpine, au moment où, baignée de rosée et se dégageant à peine des crues fraîcheurs de la nuit, elle reçoit les premiers rayons de l’aurore ».
Ce fils fut tué dans un duel ou combat de nuit pour une maîtresse.
Voltaire, qui se sentait ainsi conduit et promené d’hypothèse en hypothèse, résistait en plaisantant ; il avait dès l’abord écrit à Bailly : J’étais toujours persuadé que le pays des belles nuits était le seul où l’astronomie avait pu naître ; l’idée que notre pauvre globe avait été autrefois plus chaud qu’il n’est, et qu’il s’était refroidi par degrés, me faisait peu d’impression.
D’habitude il n’allait point dans le monde ; ses bonnes journées, c’étaient celles où il avait pu travailler depuis le commencement du jour jusqu’à la nuit : « Je suis si heureux quand je puis travailler autant !
Mais nous autres que la philosophie du Moyen Âge intéresse moins que ce qui y perce d’imagination gracieuse et d’éternelle sensibilité humaine, ce sera toujours à un point de vue plus réel et plus ému que nous nous plairons, au milieu de toutes les difficultés et des énigmes du voyage, à noter des endroits comme ceux-ci, où le poète, guidé par Béatrix dans les cercles du ciel, et approchant de la dernière béatitude, se montre ingénument suspendu à son regard, et nous la montre, elle, dans l’attitude de la vigilance et de la plus tendre maternité : Comme l’oiseau, au-dedans de son feuillage chéri, posé sur le nid de ses doux nouveau-nés, la nuit, quand toutes choses se dérobent ; qui, pour voir l’aspect des lieux désirés, et pour trouver la nourriture qu’il y va chercher pour les siens et qui le paiera de toutes ses peines, prévient le moment sur la branche entr’ouverte, et d’une ardente affection attend le soleil, regardant fixement jusqu’à ce que l’aube paraisse : ainsi ma dame se tenait droite et attentive, tournée vers l’horizon, etc., etc.
Cet homme, cloué là et se rongeant les ongles, le nez sur les livres latins, arrachant des griffes et des dents les lambeaux de l’antiquité, rimait le jour, la nuit, sans lâcher prise… M.
Son centaure, vieilli et contristé, déclare au visiteur humain qui le consulte que, pour être allé avec tant d’ivresse et de fougue et avoir tant pressé et tourmenté l’immense nature, il n’a pas surpris le grand secret et n’a rien arraché à la nuit des origines ; qu’il a senti seulement le souffle errer, sans saisir le sens ni les paroles, et que l’incompréhensible est pour lui le dernier mot comme le premier. — Mais je n’ai pas à analyser ici les productions de Guérin ; il me suffit d’en rappeler l’idée et d’en provoquer le réveil : ses œuvres complètes, on nous l’annonce enfin, vont paraître, prose et vers, lettres et fragments d’art, grâce aux soins des mêmes amis qui se sont voués à l’honneur de son nom et à la conservation de sa mémoire.
Et toutefois, après qu’on a bien envié ce bonheur d’une étude libre, ornée, active et oisive, ayant à elle une belle galerie bâtie tout exprès, remplie de livres, décorée de tableaux, de statues, et en vue d’un lac magnifique, on reconnaît tout bas, à la manière même dont il a usé de ses dons et de ses avantages, qu’il y a autre chose à faire encore qu’à jouir ainsi ; que, si noble et utile qu’ait été son exemple parmi ses compatriotes et pour ceux, qui le consultaient de près, il n’a pas donné tout ce qu’il aurait pu, et qu’un peu de contrainte, un peu de nécessité ne nuit pas ; que c’est sous ces rudes conditions seulement que l’homme, moitié de bon gré, moitié à son corps défendant, tire de lui-même, de son foyer et de ses couches intérieures, tout l’art, toute l’industrie dont il est capable, et le peu d’or qu’il doit à tous.
Il parle une fois très sensément contre l’astrologie judiciaire ; il paraît avoir une conception assez juste et assez saine du système du monde ; il démontre par des considérations physiques et naturelles la chimère qu’il y a à prétendre tirer des horoscopes sur la fortune des hommes ; et l’instant d’après, parlant d’un voyage en mer que fait devant Dieppe la princesse Marie et d’un vent violent qui, se levant tout d’un coup, aurait pu la mettre en danger : « Cela me fit souvenir, dit-il, d’un songe que j’avais eu la nuit précédente pour un certain débordement d’eaux que je m’étais imaginé, comme il arrive assez souvent. » Il ne croyait pas à l’astrologie, et il a l’air de croire aux songes.
ma discrète amie (c’est à Mme Necher qu’il écrit cela), ils m’ont ennuyé, même déplu jusqu’au dégoût, et j’ai dit, dans ma mauvaise humeur : Saint-Lambert, au Parnasse, n’est qu’une froide grenouille, Delille un hanneton, et Roucher un oiseau de nuit.
À huit heures je suis éveillé par un jeune bonnet carré (un étudiant), avec lequel je me mets à suivre Satan à travers le chaos et la nuit (lecture de Milton).
. — Il a neigé toute la nuit.
Pendant la nuit qui précéda ce jour, un rossignol, qui chantait habituellement dans les bois de Férias, s’exalta fort et redoubla de trilles merveilleux ; il essayait de lutter avec des sons de harpe extrêmement mélodieux qui s’envolaient par une fenêtre entr’ouverte du château. » Ne dirait-on pas d’une légende de saint François d’Assise ?
Ce qu’on rapporte de l’ancien philosophe Cléanthe, homme de peine la nuit pour être homme d’étude le jour, n’a plus rien que de naturel, et on en a le commentaire vivant sous les yeux.
mais à sa douce et charmante femme qui n’en pouvait mais, il donnait, quand il était ivre, tous les noms injurieux et humiliants, accompagnés de traitements cruels, de coups et une certaine nuit, à la fête de Saint-André qu’il avait célébrée en buvant encore plus qu’à l’ordinaire, il tenta de l’étouffer et de l’étrangler.
Oui, j’avais cru sentir dans des songes confus S’évanouir mon âme et défaillir ma vie ; La cruelle douleur, par degrés assoupie, Paraissait s’éloigner de mes sens suspendus, Et de ma pénible agonie Les tourments jusqu’à moi déjà n’arrivaient plus Que comme dans la nuit parvient à notre oreille Le murmure mourant de quelques sons lointains Ou comme ces fantômes vains Qu’un mélange indécis de sommeil et de veille Figure vaguement à nos yeux incertains.
Les jours et une partie des nuits suffisaient à peine à son zèle.
Leur climat sombre n’offrait à leur imagination que des orages et des ténèbres ; ils désignaient la révolution des jours par le calcul des nuits, celle des années par les hivers.
C’est le même caractère d’invention et de merveilleux ; l’esprit de chevalerie et la liberté accordée aux femmes dans le Nord font la seule différence du Boyard et des Mille et une Nuits.
— Crébillon fils, la Nuit et le Moment (notamment la scène de Clitandre avec Lucinde). — Collé, la Vérité dans le vin (rôle de l’abbé avec la présidente). — Besenval, 79 (Le comte de Frise et Mme de Blot). — Vie privée du maréchal de Richelieu (scènes avec Mme Michelin). — E. et J. de Goncourt, 167 à 174.
Et si vous avez le temps de vous reconnaître avant de vous enfoncer dans l’éternelle nuit, bénissez, comme M.
On y rencontrait encore cet extraordinaire Meyerson, polyglotte et omniscient, dernière incarnation de Pic de la Mirandole, toujours prêt à discuter de toutes choses connues et quibusdam aliis et aussi ce pauvre et malchanceux Frédéric Corbier, mathématicien et philologue, qui se grisait de bruit et de paroles en société, mais qui retombait, dès qu’il était seul, à un découragement si noir qu’il finira, une nuit d’hiver, par se jeter du haut du pont d’Arcole, dans la Seine charrieuse de glaçons.
On met Gargantua en présence du jeune Eudémon, enfant de douze ans, qui s’adresse à lui avec bonne grâce, avec politesse, avec une noble pudeur qui ne nuit pas à l’aisance.
Elle était élevée au-dedans comme l’enfant de la plus chaste et de la plus unie des nobles familles, avec les transes mortelles de plus et les angoisses jour et nuit.
Après souper, on montait dans des calèches, et, au bruit des violons, on s’allait promener une partie de la nuit autour du canal.
Il la considérait comme une navigation dont la traversée est obscure et dont le terme est certain, ou encore comme un sommeil d’une nuit, aussi naturel et aussi nécessaire à la constitution humaine que l’autre sommeil : « Nous nous en lèverons plus frais le matin. » Arrivé en Amérique, salué de ses compatriotes et ressaisi par le courant des affaires publiques, Franklin porte souvent un regard de souvenir vers ces années si bien employées, et où l’amitié et la science avaient tant de part.
Rien ne vaut la descente des ouvriers, à la fin de la journée, par la rue Oberkampf, la lente coulée des voitures à travers les Champs-Élysées au retour des courses, la galopade furieuse des ouvriers révoltés dans Germinal, l’éternel va-et-vient des chevaux démontés, nuit tombante, dans le champ de bataille de Sedan, le « train blanc » de Lourdes et, à Lourdes aussi, le vent de folie extatique qui couche, relève et prosterne à nouveau la foule, avec ce cri monotone qui s’élève, s’enfle et roule dans l’air enfiévré : « Seigneur !
Le regard intérieur, quand il se replie sur nous-mêmes, redescend des phénomènes à l’activité, de l’activité à l’être ; mais au-dessous il plonge dans une nuit sans fond.
Pour de l’expression sans ordonnance, la chose me paraît plus rare ; surtout quand je considère que le moindre accessoire superflu nuit à l’expression, ne fût-ce qu’un chien, un cheval, un bout de colonne, une urne.
La main glisse sur le peplum, esquisse le geste de le rejeter, pendant que les épaules frémissent ; puis remonte vers le front et esquisse le geste de repousser les cheveux sur les épaules ; puis, fatiguée de l’effort, retombe et traîne pendant que Phèdre dit d’une voix qui languit : Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire.
Seulement, ce ne serait pas un poète rose comme Little Moore, qui chantait l’amour et ses beautés visibles ; c’est, lui, un poète noir, qui chante ses épouvantes de l’invisible et qui nous les fait partager… Ce jeune homme, sombre comme Manfred et comme la nuit dont son cœur est l’image, s’appelle Maurice Rollinat.
La parcelle d’univers où nous vivons et que nous n’avons pas faite influe sur nous, et aussi l’entourage immédiat que nous nous sommes donné : notre maison, les objets dont elle est ornée, les ombres habituelles de ses murailles et les clartés de ses fenêtres, le bruit encore avec lequel la vie nous berce, bruit de la rue et de la place, murmure des eaux, murmure du vent, voix d’enfants, voix de femmes, voix chères dont les mots ne parviennent pas toujours à l’oreille, dont l’accent va toujours au cœur, bourdonnement du travail dans l’atelier voisin, silence même de la nuit, où passe l’accord de mille bruits apaisés et confus.
Si le souvenir de Restif, dont je parlais tout à l’heure, troublait encore les nuits de l’auteur de Pot-Bouille, l’auteur de La Terre peut maintenant dormir tranquille : il a surpassé son modèle.
Mais le même respect imbécile pour « la chose jugée », qui voudrait étouffer, au nom de la paix publique, les campagnes entreprises pour la réparation des iniquités judiciaires, fait haïr au vil troupeau humain, comme des perturbateurs, les généreux amis de la lumière, ambitieux d’introduire dans la tranquille nuit des préjugés reçus, des opinions toutes faites et des antiques mensonges, un rayon de justice et de vérité. […] Dans ces conditions très ingrates, qui ne laissent au talent aucune garantie, il y aurait de sa part une énorme naïveté à compter sur son mérite seul pour réussir, c’est-à-dire pour percer l’horrible nuit qui menace d’engloutir les meilleurs avec les pires et les médiocres. […] Bâtis amoureusement ton œuvre, travaille, lutte pour vivre, et fais tous tes efforts : situ n’as pas l’amitié chaleureuse d’un critique influent qui mette sa voix et sa plume autorisées au service de ta réputation, l’oubli noir te menace, tout ton travail est vain, et ton chef-d’œuvre ignoré ne sera qu’un rêve dans la nuit. […] Nous serrerons au fond de notre coffre-fort, comme notre trésor le plus précieux, ce papier sans valeur, notre billet de loterie, et nous rêverons jour et nuit au gros lot, pour lequel nous avons une chance contre tant de millions. […] pour toute ton envie, Tu ne peux empêcher que ton jour n’ait sa nuit.
Non ; car il est possible de concevoir des pays plongés dans une nuit éternelle, étant donné un autre système du monde. […] Ainsi il est possible de concevoir que le jour et la nuit ne soient plus dans les rapports où nous les voyons ; donc cette vérité, le jour succède à la nuit, est une vérité très générale, peut-être même une vérité universelle, mais non pas une vérité nécessaire. […] Ces quatre figures remplissent l’immense basilique, éclairée surtout, dans l’obscurité de la nuit, par la lumineuse apparition. […] D’autre part, s’il nuit aux autres en voulant se servir, il ne se sent pas coupable, et ni lui ni personne ne peut dire qu’il ait mérité une punition. […] Alors on ne punit pas le coupable ; on le frappe ou même on le tue, comme on tue sans scrupule l’animal qui nuit au lieu de servir.
C’est qu’il réveille en moi des impressions maintes fois éprouvées à la fin du jour, quand le soleil se couchait ainsi derrière la colline ; il me rappelle l’heure calme et grave, l’heure de silence où les êtres et les choses semblent se recueillir dans l’attente de la nuit ; il me rend ces pensées du soir en si parfaite harmonie avec le ton du ciel qu’elles en prennent la couleur et lui donnent leur mélancolie. […] Si ces images que nous ne pouvons dessiner ni peindre nous obsèdent trop, nous leur chercherons ailleurs un dérivatif : ainsi Fromentin prenant la plume pour se rendre à lui-même les impressions qu’il avait gardées de la nature, la sérénité d’une nuit d’Orient, la fraîcheur de la pure lumière dans laquelle son œil se baignait comme dans une eau profonde, ou ces sensations intimes et troublantes du passage des saisons dont il nous a laissé dans Dominique la notation exquise. […] Les couleurs foncées, nous faisant penser à la descente de la nuit, aux habits de deuil, nous paraîtront plutôt tristes. […] Dans une composition décorative de Prouvé, La Nuit qui passe est personnifiée par une tête de femme qui semble glisser dans l’espace, indifférente, les yeux clos, tandis que dans sa sombre chevelure elle entraîne, représentés en images saisissantes, le crime, la souffrance, le sommeil et l’amour. […] Épris, lui aussi, des mystères du clair-obscur, il aimait à reprendre ses compositions le soir, dans l’atelier assombri, comme le musicien qui revient plus volontiers à certaines mélodies quand la nuit tombe ; et il achevait ainsi de fondre ses tableaux dans l’accord sourd des bruns, des rouges et des noirs.
Loin de moi, cauchemars, spectres des nuits ! […] Cependant, qu’on tourne la page, et, à la place de cette calme statue où se résume toute beauté, nous allons rencontrer le rêve de types étranges comme lady Macbeth, comme la Nuit de Michel-Ange, de types monstrueux même comme la Géante. […] Quand Musset écrit les Nuits, il y a beau temps que la liaison, dont il est sorti tout meurtri, est terminée et remplacée par d’autres. […] Il connut les grands sommets aux neiges presque éternelles d’où descendaient les eaux des torrents, et, à côté, les cratères élevés, aux gueules béantes, éclairant les nuits de leurs incessantes éruptions. […] On sait combien sont clairsemés dans l’œuvre de celui-ci les fragments à forme personnelle ; or, comme si toutes ses préoccupations intimes n’avaient été continuellement tournées que vers un objet unique, presque toujours chaque morceau se termine par un appel à l’immobilité et au vide du trépas, une invocation à « la nuit qui n’aura point d’aurore ».
Il demande justice contre un certain Thalès qui est venu de nuit forcer la porte de sa maison, et a voulu lui enlever une de ses pensionnaires. […] Lui, se défend comme il peut, reproche à la patronne de « lui boire son sang jour et nuit ». […] On lui fait entendre que l’empereur l’a nommé marquis ; puis Léonore lui donne rendez-vous pour la nuit suivante sous son balcon. […] En le voyant nul ne se doute Qu’il ne s’élance au fond des cieux, Qu’il ne fend l’azur de sa voûte Que pour être suivi des yeux, Et que, de nuage en nuage S’il monte si haut, c’est pour voir, La nuit, son orageuse image Luire, ô lac, dans ton beau miroir ! […] Il est tard dans la nuit.
Non contents de leur faire voir que cette inégale dispensation des biens et des maux du monde ne nuit en rien à la Providence, montrons, au contraire, qu’elle l’établit. […] M. de Girac dit non, en s’appuyant mal à propos de l’autorité d’Élien, de Pline, et d’Aristote, mais Vossius, Franzius et Borrichius disent oui… Bayle hésite et ne conclut pas… Il est plus affirmatif sur d’autres points, et traitant, par exemple, l’admirable question de savoir si « la nuit que passa Jupiter avec Alcmène fut double ou fut triple », il prouve, par de fort bonnes raisons, qu’en tout cas elle passa de longueur une nuit ordinaire. […] Quant aux « contes » de Grégoire de Tours, nous les rangerons avec ceux d’Hérodote et des Mille et une Nuits. […] celle de ce prince de Montlaur qui passe ses nuits à boire « avec des crocheteurs et des porteurs de chaises, dans un cabaret à bière du faubourg Saint-Victor » ? […] Elle prit pour devise « un navire agité des flots, sans pilote, sans nuits et sans voile, avec ce mot : Quo me fata vocant ?
Quand, à la clarté de la lampe, durant les longues nuits d’hiver, ou bien, filant leurs quenouilles à côté du berceau, l’aïeule ou la nourrice racontent dans un langage simple et incorrect d’effroyables légendes ou des apologues moraux, elles sont… qui le dirait ? […] Jour et nuit, il était enfermé dans sa cellule avec un compagnon, et au lieu de matines, tous deux récitaient des morceaux de Lucien ou d’Aristophane. […] Aujourd’hui, dans le vaste ensemble des écrits de George Sand, — ces livres, forme première de son talent flexible et changeant, — sont un détail, digne sans doute qu’on en tienne compte, mais qui ne nuit nullement au mérite du reste. […] Il écrivit sans relâche, sans terme, passant les nuits blanches, produisant parfois un roman en dix heures, et tout cela en vain, sans réussir à se délivrer de ses obligations urgentes et angoisseuses, sans pouvoir disposer d’un liard. […] Pour la nation anglaise, le roman est devenu un article de première nécessité et de consommation quotidienne, comme le bifteck qui répare ses forces, comme le charbon dont la chaleur tempère ses journées glaciales et réjouit ses longues nuits.
Jusqu’à Molière, en effet tous les amants de nos théâtres, même nos amants français, ne sont amoureux que de femmes espagnoles ; les femmes du vieux théâtre sont d’Espagne ou d’Italie ; elles ont des jalousies à leurs fenêtres, des duègnes à leur côté, et leurs tuteurs pour futurs ; elles s’enflamment à la première vue, elles donnent des rendez-vous dans la nuit, à leurs amants ; elles sont fidèles à ces amants jusqu’au mariage ; Célimène, tout au rebours : elle aime, elle n’aime plus, elle aimera peut-être ; où est son cœur ? […] Comment donc amuser toute une cour, avec le lamentable spectacle d’un bonhomme en robe de chambre, en bonnet de nuit, qui souffre ou, ce qui revient au même, qui croit souffrir toutes les maladies connues et non connues ? […] C’était bon pour vous, sire, dans les jardins de Versailles, au murmure de vos mille jets d’eau, entouré des plus vaillants capitaines, des plus grandes et des plus belles personnes de la terre ; c’était bon pour vous qui étiez le roi, qui étiez le maître, qui aviez vos jours de médecine, réglés comme vos jours de concert ; vous, majesté, la santé la plus florissante du royaume de France, et pour qui la France entière chantait le Domine salvum, à toute heure de la nuit et du jour ! […] Dans la pièce de Beaumarchais, je commençais à m’attacher au comte Almaviva, enveloppé dans un manteau et passant la nuit à la belle étoile ; mais aussitôt que je vois arriver ce boulet de canon qu’on appelle Figaro, ce bel esprit qui ne doute de rien, aussitôt, l’intérêt que m’inspirait cet inconnu livré à lui-même, s’efface et disparaît devant le grand seigneur servi avec tant de zèle, de dévouement et de fracas. […] Et cette nuit dit-il, on est venu chanter sous mes fenêtres.
Cette étude, par contrecoup, peut profiter à d’autres hommes ; elle nuit le plus souvent à celui qui s’y livre. […] Il en est comme d’une semence douée d’une énergie propre, et qui, déposée dans l’homme, « soit qu’il dorme ou qu’il se lève, la nuit comme le jour, germe et croît sans qu’il sache comment » 91 ; germe obscur et sans forme, grain de poussière qui contient et comprime dans son sein l’arbre à l’immense ramure et à l’opulent feuillage. […] Ma tête, dit-elle, ploie sous la lumière des étoiles ; mon calice se gonfle de rosée, comme un cœur se remplit d’un secret qu’il voudrait répéter… Je porte un secret dans mon calice, j’ai le secret de l’univers, qui lui est échappé en songe pendant la nuit, et point de voix pour le redire. […] La nuit, en hiver, ne serait pas assez brune ; la neige, à Noël, ne serait pas assez blanche ; pour me faire ma tour, le bois d’ébène ne serait pas assez noir ; pour me faire mon voile, le firmament ne serait pas assez long. […] La magnificence fabuleuse des Mille et une Nuits se réfléchit dans ce style opulent, d’où jaillissent mille feux.
Il s’élève comme au Moyen-Âge le veilleur de nuit montant dans son échauguette ; il se place au poste d’un spectateur de loisir qui d’un coup d’œil embrasserait tout le champ de bataille. […] Après avoir prolongé ce petit jeu juste assez pour inquiéter un peu son amant, elle fait le signal convenu, et tous deux s’en vont à la nuit parler et deviser ensemble. […] Les Poèmes barbares épandent des clartés diffuses dans la nuit des cosmogonies et des théogonies hindoues, qui s’obscurcissent encore par le contraste de paysages tout embrasés de lumière chaude, et dormant dans une somnolence sans rêve et sans mystère. […] N’a-t-il pas mission de visiter les hôpitaux, les prisons, les lavoirs, les gares de chemin de fer, le Mont-de-Piété, les refuges de nuit, toutes les institutions économiques et sociales inventées par la justice, la tolérance, ou la charité ? […] D’un côté une littérature nationale reflète les impressions et les idées d’un peuple jeune qui ne s’est pas encore défini son esthétique, mais qui reste tout pénétré de l’esprit chrétien et, se sentant « dans ce milieu vague » dont parle Pascal, sans pour cela se croire placé dans une nuit impénétrable à tout rayon, éprouve les alternatives de découragement et d’exaltation mystique et vit malgré tout d’une suprême espérance.
Il feuillette jour et nuit les Kings, ces livres historiques et sacrés dont les textes mutilés ou à demi effacés avaient disparu à moitié de la mémoire des peuples, il les recouvre, il les restitue, il les commente, il les complète et il dit à ses contemporains corrompus : « Lisez et admirez, voilà l’âme, les lois, les mœurs de vos ancêtres, conformez votre âme, vos lois, vos mœurs nouvelles à leur exemple et à leurs préceptes. » Voilà toute la révélation de Confucius ; c’était celle qui convenait par excellence à une race humaine aussi exclusivement raisonneuse et aussi dépourvue de vaine imagination que le peuple chinois. […] Quelle délectation de remonter à de telles hauteurs de sagesse et de vertu à travers la nuit des temps !
À dix-sept ans mon goût pour les livres me faisait lever avant l’aurore et coucher bien avant dans la nuit ; je m’y livrai tellement que ma santé en fut affaiblie. » « Le précepteur dont parle Kang-hi fit pour ce prince les excellentes gloses des livres de Confucius et des deux King, qui sont un chef-d’œuvre de clarté, d’éloquence et d’exactitude. […] C’est un paysage qui n’a point de ciel ; c’est un temple qui n’a point de mystères ; c’est un jour qui n’a point de songes dans sa nuit !
Cette nuit nous avons eu du vent et de la pluie comme en France ; je me figurais qu’ils battaient votre petite fenêtre, je me trouvais transporté dans votre petite chambre ; je voyais votre harpe, votre piano, vos oiseaux ; vous me jouiez mon air favori ou celui de Shakespeare ; et j’étais à Rome, loin de vous, dans un grand palais ; quatre cents lieues et les Alpes nous séparaient ! […] Elle mourut chez sa nièce, au milieu d’un petit groupe de famille et d’amis courageux et fidèles qui bravèrent la contagion du choléra pour passer la suprême nuit auprès d’elle.
Toutefois, encore chancelant entre le oui et le non de cette flamme nouvelle, au mois de décembre je pris la poste, et je m’en allai à franc étrier jusqu’à Rome, voyage insensé et fatigant, dont je ne rapportai pour tout fruit que mon sonnet sur Rome, que je fis, une nuit, dans une pitoyable auberge de Baccano, où il me fut impossible de fermer l’œil. […] Un soir, au tomber de la nuit, une voiture sortit du cloître des Dames-Blanches, emportant la belle réfractaire ; une escorte de cavaliers armés galopait à ses côtés ; sur le siège étaient Alfieri et M.
« C’est l’observation du jour et de la nuit ; ce sont les révolutions des mois et des années qui ont produit le nombre, fourni la notion du temps et rendu possible l’étude de l’univers. » Le temps n’est donc qu’une portion de l’éternité, que nous en détachons à notre usage. […] Il ne va au viandis que la nuit et dans des lieux couverts, jusqu’à ce qu’il ait refait sa tête.
On relira avec intérêt les pages (IX, 92 et 93) dans lesquelles Wagner nous parle des nuits passées sur son balcon à Venise. […] Ce passage se trouve immédiatement avant le dernier duo, et motive cet appel à la « mort amie, mort d’amour ardemment invoquée ». — Wagner a une telle crainte qu’on ne prête aux deux amants des divagations métaphysiques, qu’il se donne même la peine de motiver cette autre antithèse, du jour et de la nuit (qu’il était facile de supposer déduite de celle de la vie et de la mort), par la torche allumée le soir à la fenêtre d’Isolde, en signal de danger.
La suite des chapitres qui décrivent avec quel sentiment de trouble, d’horreur, de descellement de tous les fondements sociaux, la prise, l’incendie de Moscou, l’affolement, la sinistre soif de sang et de souffrances de toute cette population confondue, et abolissant dans l’éperdument de tous la raison de chacun, se continue par un raid de cosaques embusqués sur les pas de l’armée française en retraite, sous une pluie battante, dans une forêt défeuillée, par cet étrange bivouac des Russes où apparaissent deux ombres hâves de soldats français bientôt réconfortés, égayés et égayant toute la ronde ; par les larges dîners de club à Moscou, par de minutieux aperçus des salons aristocratiques de Saint-Pétersbourg, par les scènes de famille des Rostow, par cette nuit blanche de lune que Natacha et Sonia contemplent de leur fenêtre avec de légères paroles, tout l’ensemble enfin de ces scènes fugitives, familières, graves, belles, tragiques, toujours humaines, qui, surprises et restituées avec une force d’irrésistible persuasion, avec une accumulation des détails, avec un saisi graphique des incidents, partagent le lecteur entre une adhésion apparemment toute naturelle et une admiration parfois stupéfaite, imposent l’intérêt et la sympathie, font de ces livres, d’invention pourtant, mais auxquels s’applique si mal la désignation de romans, un des plus vastes et des plus véridiques recueils d’observations sur les mœurs et les individus dans la série presque complète des circonstances ordinaires et extraordinaires de la vie. […] Les maisons, les champs, les rues, les jours, les nuits, le train même de la vie, de l’histoire, de la société sont là ; on y trouve des hommes dignes d’amitié ou de haine, des femmes à aimer, des êtres à qui sourire et d’autres qui déplaisent ; les personnages ont le visage familier et humain, il y a des familles cordiales, de cérémonieux salons, des gens du peuple et des soldats ; les discussions s’engagent sur les éternels problèmes et l’on peut ensuite échanger les plus vains propos ; les êtres y aspirent, s’émeuvent et pensent avec l’infinie variété de nos semblables.
On peut tout feindre, tout oser dans un poëme, du moment qu’on ne nuit pas à la suite des événemens de l’histoire ; qu’on n’est point démenti par une opinion générale ; qu’on ne suppose rien qui ne puisse avoir été fait. […] Les tableaux qu’il trace des romanciers faméliques, des femmes occupées, jour & nuit à les lire, des petits enfans échappés du sein de la nourrice, & tenant déjà dans leurs mains les Contes des Fées ; d’un gentilhomme campagnard assis sur un vieux fauteuil, & lisant à ses enfans les morceaux les plus merveilleux de l’ancienne chevalerie, sont d’une vérité frappante, & l’ouvrage est d’un grand maître.
On reposait la nuit, on dormait tout le jour. […] Puis enfin ces quatre vers aussi assoupis que le Sommeil lui-même : Ô nuit, ne permets pas !
Lorsqu’il voit que le jour et la nuit s’égalisent, c’est-à-dire que les peuples qui s’agitaient dans les ténèbres se convertissent à la pure lumière, il fait retentir sa voix d’heure en heure, nuit et jour, cherchant la proie qui lui échappe. » Ainsi encore à propos du castor, dont on croyait qu’il s’arrachait lui-même les organes de la génération pour arrêter la poursuite des chasseurs : « De même tous ceux qui veulent vivre chastes en Jésus-Christ doivent arracher les vices de leur âme et de leur corps pour les jeter à la face du démon. » Et ne trouvons-nous pas comme un dernier écho de ce symbolisme dans Bossuet lui-même quand il dit : « Il semble que Dieu ait voulu nous donner, dans les animaux, une image de raisonnement, une image de finesse ; bien plus, une image de vertu et une image de vice ; une image de piété dans le soin qu’ils montrent tous pour leurs petits et quelques-uns pour leurs pères ; une image de prévoyance, une image de fidélité, une image de flatterie, une image de jalousie et d’orgueil, une image de cruauté, une image de fierté et de courage.
Est-ce que Morphée ne pouvoit être mieux désigné que par ses ailes de nuit ? […] Et dans cette nuit où ils s’entrebattaient… Grimm.
La division est l’œuvre de l’imagination, qui a justement pour fonction de fixer les images mouvantes de notre expérience ordinaire, comme l’éclair instantané qui illumine pendant la nuit une scène d’orage. […] Ce qui nuit d’ordinaire au rapprochement, c’est l’habitude prise d’attacher le mouvement à des éléments, — atomes ou autres, — qui interposeraient leur solidité entre le mouvement lui-même et la qualité en laquelle il se contracte.
Au commencement de la seconde race, il lui semble, dit-il, passer d’une nuit obscure à un trop grand jour ; il en est trop ébloui pour en jouir ; il sent en même temps que son sujet s’agrandit, et qu’il lui faut sortir avec les descendants de Charles Martel des limites de la France.
Elle expira dans la nuit du vendredi au samedi 9 ou 10 avril 1599.
Le Régent n’a jamais été mieux peint que par sa mère ; elle nous le montre avec toutes ses facilités, ses curiosités en tous sens, ses talents, son génie propre, ses grâces, son indulgence pour tous, même pour ses ennemis ; elle dénonce ce seul défaut capital qui l’a perdu, cette débauche ardente et à heure fixe, où il s’abîmait et disparaissait tous les soirs jusqu’au matin : Tout conseil, toute remontrance à cet égard sont inutiles, disait-elle ; quand on lui parle, il répond : « Depuis six heures du matin jusqu’à la nuit, je suis assujetti à un travail prolongé et fatigant ; si je ne m’amusais pas un peu ensuite, je ne pourrais y tenir, je mourrais de mélancolie. » — Je prie Dieu bien sincèrement pour sa conversion, ajoute-t-elle ; il n’a pas d’autres défauts que ceux-là, mais ils sont grands.
C’est un approfondissement, un arrangement, une suite d’opérations, soit pour remonter aux principes, soit pour tirer les conséquences », Couper court, en finir, retrancher tout ce qui n’est pas essentiel, éviter un semblant d’exactitude éblouissante qui nuit au nécessaire par le superflu, c’est là le conseil qui revient sans cesse et qui ne s’applique pas moins aux choses de ce monde qu’à celles de Dieu.
Les mercredi et les samedi de chaque semaine, on herborisait depuis l’aube du jour jusqu’à la nuit.
Cependant vers leur fin s’envolent ses années, Mais il attend sans peur des fières Destinées Le funeste décret ; Et quand l’heure est venue et que la mort l’appelle, Sans vouloir reculer et sans se plaindre d’elle, Dans la nuit éternelle il entre sans regret.
Suit un discours de Mme l’Amirale (Charlotte de Laval), tenu au milieu de la nuit dans ce lit patriarcal des ancêtres, et tel que, la situation étant donnée, ne pourrait rien trouver de plus émouvant un Corneille ou mieux un Shakespeare64 : C’est à grand regret, monsieur, disait-elle, que je trouble votre repos par mes inquiétudes ; mais, étant les membres de Christ déchirés comme ils sont, et nous de ce corps, quelle partie peut demeurer insensible ?
C’est alors que l’immense nature adopte cette unité de couleurs et cette régulière disposition d’ombres qui simplifient les formes, les lient en grandes masses, et leur donnent cet ensemble, cette harmonie, cette gravité qui reposent à la fois l’œil et l’âme… — soit que le crépuscule l’atteigne bien plus haut, redescendant à peine de sa seconde visite au Mont-Perdu, et qu’assis à l’extrémité d’une rampe il contemple la nuit s’élevant des profondeurs et montant lentement vers les sommets encore rougis des derniers rayons du soleil : Partout le crépuscule, dit-il, a quelque chose de touchant et de grave : dans les hautes montagnes, il a quelque chose de solennel.
N’approchez pas davantage de Milton aveugle au moment où, dans un hymne éthéré, célébrant la création ou plutôt la source incréée de la lumière, il la revoit en idée à travers sa nuit funèbre et laisse échapper une larme.
Nous sommes délaissés, et une nuit profonde ensevelit les poètes latins ; plus d’honneur pour eux, pas un sourire pour leurs chants… Les poètes français ont je ne sais quelle douceur qui attire, et la tendre jeune fille ne lit plus que leurs vers tendres… Il n’a jamais nui de plaire à ce sexe délicat ; c’est encore comme cela maintenant, car ce qui leur a plu d’abord plaît à tous.
Ce pauvre garçon est mort le cinquième de ce mois, dans une chambre du logis du roi, à une heure et demie de la nuit du dimanche au lundi.
Dernièrement la lampe s’était éteinte parce que j’en avais répandu la moitié : je ne savais où étaient les fenêtres, que je n’avais point vues ouvertes parce que nous étions arrivés de nuit dans ce lieu-là ; je pensai me casser le nez contre la muraille, et nous fûmes, le roi d’Espagne et moi, près d’un quart d’heure à nous heurter en le cherchant.
Un pauvre enfant, qui devait un jour devenir principal de Montargis, Jean Stondonck, venait à pied de Malines à Paris pour être admis à cette sévère école, travaillait le jour sans relâche, et la nuit montait dans un clocher pour y travailler encore aux rayons gratuits de la lune.
Ce bon sous-prieur fit garde toute la nuit à la porte de la chambre où je couchais, qui était la sienne, et où apparemment il avait son trésor. » Le lendemain, après avoir entendu la messe dans l’église de cette abbaye à la Rabelais, où se voyaient les armes de Roland, on se mit en marche dès sept heures du matin pour rentrer en France ; on prit un autre chemin qu’en allant et où il n’y avait pas de neige : « Tous les soldats étaient chargés de jambons et de barricots de vin, que leurs hôtes leur avaient donnés, car c’est le pays des jambons ; et je ne reçus aucune plainte d’exactions des soldats. » Foucault ne manque pas d’écrire aussitôt à M. de Louvois pour rendre compte de l’expédition et assurer le roi du zèle de ses sujets de par-delà les Pyrénées, et de la bonne volonté des Navarrais espagnols à rentrer sous son obéissance comme étant leur prince légitime, successeur de Charlemagne.
Ils étaient accusés d’avoir, faisant partie de la garde urbaine, aidé la force militaire à repousser des émeutiers massacreurs le 27 juin 1815, c’est-à-dire dans l’espèce d’interrègne qui avait suivi la nouvelle de la perte de Waterloo ; ils avaient rempli leur devoir de citoyens et avaient été appelés régulièrement à faire partie de la force publique : ce furent les émeutiers, le lendemain triomphants, qui se vengèrent, les dénoncèrent, et auxquels la Cour prévôtale donna raison par une fiction rétroactive : condamnés à mort, ils furent presque immédiatement exécutés, le même jour, de nuit, à la lueur des flambeaux.
Le 8 juin 1762, il y a cent et un ans, Jean-Jacques Rousseau, qui vivait à Montmorency sous la protection du prince de Conti et du maréchal de Luxembourg, fut averti qu’il était menacé d’un décret du Parlement pour la publication de l’Émile et la Profession de foi du Vicaire savoyard qui s’y trouvait ; il dut s’enfuir de son asile au milieu de la nuit, et quitter incontinent la France.
Aux vents capricieux qui soufflent de Bohême, Sans les compter je jette et mes nuits et mes jours, Et, parmi les flacons, souvent l’aube au teint blême M’a surpris dénouant un masque de velours.
En conséquence des ordres ainsi donnés, dans la nuit du 27 au 28 septembre, les troupes françaises, commandées par le baron d’Asfeld, se rapprochèrent brusquement de Strasbourg et investirent la redoute la plus voisine du Rhin.
Le même cours des planètes Règle nos jours et nos nuits : On me vit ce que vous êtes, Vous serez ce que je suis.
Il nous faut des maîtres plus sensibles qu’instruits, plus raisonnables que savants, qui dans un lieu vaste et commode, hors des villes, hors de l’infection de l’air qu’on y respire et de la dépravation des mœurs qui s’introduit par tous les pores, soient les égaux, les amis, les compagnons de leurs élèves ; que toute la peine, que tout le travail de l’instruction soit pour le maître, et que les enfants ne se doutent même pas qu’ils sont à l’école ; que dans des conversations familières, en présence de la nature et sous cette voûte sacrée dont le brillant éclat excite l’étonnement et l’admiration, leur âme s’ouvre aux sentiments les plus purs ; qu’ils ne fassent pas un seul pas qui ne soit une leçon ; que le jour, la nuit, aux heures qui seront jugées les plus convenables, des courses plus ou moins longues dans les bois, sur les montagnes, sur les bords des rivières, des ruisseaux ou de la mer, leur fournissent l’occasion et les moyens de recevoir des instructions aussi variées que la nature elle-même, et qu’on s’attache moins à classer les idées dans leur tête qu’à les y faire arriver sans mélange d’erreur ou de confusion. » Vous voyez d’ici le tableau idéal et enchanteur de toutes ces écoles primaires et rurales de la République française, où chaque enfant serait traité comme Montaigne, Rabelais ou Jean-Jacques ont rêvé de former et de cultiver leur unique élève.
Chaque être (et je parle des élus et des plus favorisés), dans cette série immense, innombrable, où il n’est qu’un atome de plus, a eu son jour, son heure d’éclosion brillante, son printemps sacré ; après quoi vient le déclin, et l’ombre et la nuit.
Assujettir le corps aux exercices qui fortifient aussi l’âme, ne point le dépouiller de ses vêtements en présence des astres du jour ou de la nuit, n’y jamais introduire d’aliments impurs, le tenir toujours exempt de toute souillure, surtout ne pécher « ni par pensée, ni par parole, ni par action » ; pratiquer le repentir après la chute ; élever ses enfants ; ressembler, en un mot, à son bon Génie ou Fervers, type et représentation idéale de chacun, telle est la prière que le Persan adresse à Ormuz, « qui est toute pureté et toute lumière, esprit universel et source de toute vie. » Toujours, chez M.
L’instruction vaut quelquefois beaucoup mieux que l’érudition ; car, dans la nuit de l’antiquité, l’on peut se perdre dans des faits de détails qui empêcheront de saisir la vérité de l’ensemble.
Une amie lui fait cadeau des œuvres complètes de Jean-Jacques : elle passe la nuit à relire ces chefs-d’œuvre qu’elle connaît si bien, et se retrouve au matin dans son fauteuil, baignée de larmes délicieuses.
La pensée n’est qu’un éclair au milieu d’une longue nuit.
René Ghil, dans la préface de son livre de début, appelait des vers qui seraient : … un pré ou l’odeur des luzernes — une eau pâle et glauque aux rides s’élargissant ; des vers qui seraient l’inexprimable souvenir, devant deux grands yeux pâles et froids d’Aïeule, d’un soir d’hiver où veille la lune algide ; des vers qui seraient les mille murmures des heures noires, un dièze de violon, des voix dans la nuit, la saveur du vent de mer ; des vers qui donneraient l’écœurement d’une migraine, la lourdeur aveulie et molle d’une après-midi d’août, avec je ne sais quel rassasiement venu des moissons mûres.
Je dis l’illusion, Messieurs, car si vous examinez le mouvement littéraire, artistique et intellectuel du Moyen-Âge, vous reconnaîtrez bientôt que cette nuit n’était pas aussi obscure qu’on a voulu le dire et que, si le courant était tout autre que celui qui devait triompher par la suite, il avait sa force, sa grandeur et sa beauté.
C’est que sur le calcul, dit-on, de Cassini, Un astrolabe en main, elle a, dans sa gouttière, À suivre Jupiter passé la nuit entière.
Même quand cela ne nuit pas à l’impartialité, ce n’est pas la marque d’un goût sévère, chez un biographe, que de faire de ces sorties fréquentes.
Pline ne perdait pas un instant : levé avant le jour, il trouvait du temps la nuit pour ses travaux de prédilection ; c’est là ce qu’il appelait ses moments de loisir.
Enfin, cette véridique et terrible Madame que j’ai déjà citée sur l’article du vin, celle même qui avait trouvé les deux vers dans le jardin de Versailles, venant ici à l’appui du propos de Saint-Simon, nous dit sans plus de façon dans ses Mémoires : « À Marly, la Dauphine courait la nuit avec tous les jeunes gens dans le jardin jusqu’à trois ou quatre heures du matin.
Il était nu dans sa robe de chambre de camelot fourrée de petit-gris, et avait son bonnet de nuit sur la tête ; il me dit : « Donnez-moi la main : je suis bien faible ; je n’en puis plus. — Votre Éminence ferait bien de s’asseoir. » Et je voulus lui porter une chaise. « Non, dit-il, non ; je suis bien aise de me promener, et j’ai affaire dans ma bibliothèque. » Je lui présentai le bras, et il s’appuya dessus.
Quand le soir approchait, nos soldats, après avoir fait leur provision de bois pour la nuit, faisaient celle des postes ennemis, et traînaient des fagots entre les vedettes des deux armées.
Elle a raconté avec beaucoup de naïveté, et d’un ton simple, les scènes de cette nuit d’horreur, qu’elle ignora jusqu’au dernier instant.
J’ai été cinq jours et quatre nuits sans manger ni dormir et sans cesser de crier.
Il se mourait à Paris d’une maladie de poitrine, à l’âge de vingt-quatre ans, et semblait arrivé au dernier période, lorsque sa jeune femme, à la veille d’être veuve, se décida à embrasser la communion de son époux ; et dans cette chambre, près de ce lit tout à l’heure funéraire, on célébra une nuit — à minuit, heure de la naissance du Christ — la première communion de l’une en même temps que la dernière communion de l’autre (29 juin 1836).
Quant aux bizarreries réelles des hommes supérieurs, il faut d’abord s’assurer si elles sont spontanées et naturelles, ou si elles ne sont pas reflet d’une sorte de charlatanisme très-ordinaire chez les grands hommes : « Girodet, dit-on, se levait au milieu de la nuit, faisait allumer des lustres dans son atelier, plaçait sur sa tête un énorme chapeau couvert de bougies, et dans ce costume il peignait des heures entières. » J’ai peine à croire que ce soit là autre chose qu’une plaisanterie : en tout cas, c’est une bizarrerie tellement arrangée et si peu naturelle que je n’y puis voir qu’une mystification du bourgeois.
L’homme et la société sont suffisamment imparfaits pour provoquer en tout temps la critique ; or, selon le tempérament de l’auteur et selon son époque, la satire sera animée de souffles divers ; elle est très souvent lyrique (Musset a mis de la satire jusque dans La Nuit de mai) ; mais elle est aussi épique chez Dante, chez Cervantès, chez D’Aubigné, et dans combien de nos romans d’aujourd’hui !
Le voilà mourant de peur, incapable de fermer l’œil de la nuit. […] Il partait à la nuit close avec quelques camarades ; on gagnait le couvent des Augustins, où l’on buvait jusqu’à minuit dans la cellule d’un certain frère Bernard, « gaillard déterminé », qui se déguisait pour guider la bande. […] On couche deux dans un lit grouillant de puces et de punaises, qu’on paye 30 francs pour une nuit On a beau être moine, voué par état à la patience et à la mortification : on se révolte. […] Il vient d’aïeux qui tous, de père en fils, chaque jour, dès l’aube jusqu’à la nuit, se sont courbés sur la terre ingrate. […] Il ne mange pas : un morceau sur le pouce, dans l’après-midi, et un seul bon repas au milieu de la nuit.
Il fit mander dans la nuit du 19 au 20 juin (1840) son digne exécuteur testamentaire, et dicta une addition à son testament, addition dont le sens et les termes avaient ce cachet de précision et de propriété inséparable de sa pensée « Après mon décès dûment constaté, mon intention est que mon corps soit immédiatement transporté de mon domicile au Jardin Louis, sans annonce, discours ou cérémonie d’aucun genre, avant neuf heures du matin128. » Ceci écrit, il se fit donner le papier, le lut très-attentivement et le signa Pierre Daunou, testateur, de sa main défaillante. […] Daunou tenait, pour sa part, la pierre de touche de la diction et ]e creuset de l’analyse moderne : ajoutez-y la grammaire générale toujours présente au fond, ce qui ne nuit pas. […] On sait, chez Rotrou, les beaux vers du vieux Venceslas qui, lorsqu’on lui demande pourquoi il devance l’aurore, répond dans un tout autre sentiment : oui ; mais j’ai mes raisons qui bornent mon sommeil : Je me vois, Ladislas, au déclin de ma vie, Et, sachant que la mort l’aura bientôt ravie, Je dérobe au sommeil, image de la mort, Ce que je puis du temps qu’elle laisse à mon sort ; Près du terme fatal prescrit par la nature, Et qui me fait du pied toucher ma sépulture, De ces derniers instants dont il presse le cours, Ce que j’ôte à mes nuits, je l’ajoute à mes jours.
Les uns l’ont accusé de ne s’être pas suffisamment opposé aux excès populaires dans la nuit du 6 octobre, le 22 juillet précédent lors du massacre de Foulon, et en d’autres circonstances ; les autres l’ont, au contraire, accusé, lui et Bailly, de sa résistance aux mouvements populaires dans les derniers temps de l’Assemblée constituante, notamment de la proclamation et de l’exécution de la loi martiale au Champ-de-Mars, le 17 juillet 91. […] Il y eut, une des dernières nuits, quelque chose de céleste à la manière dont elle récita deux fois de suite, d’une voix forte, un cantique de Tobie applicable à sa situation, le même qu’elle avait récité à ses filles en apercevant les clochers d’Olmütz93. […] Après un tableau du règne de la Terreur, Sieyès ajoutait : « Que faire, encore une fois, dans une telle nuit ?
Harley, pour qu’ils me traitassent en conséquence946. » Saint-John l’approuva, se justifia, dit qu’il avait passé plusieurs nuits à travailler, une nuit à boire, et que sa fatigue avait pu paraître de la mauvaise humeur. […] L’homme fiévreux, après le labeur du soir et les angoisses de la nuit, aperçoit au matin la blancheur rayonnante du ciel qui s’ouvre ; il se déprend de lui-même, et de toutes parts la joie de la nature entre avec l’oubli dans son cœur.
C’est à Alger, de nuit, trois matelots bretons sont dans la rue, en attendant trois autres qui sont entrés dans une maison voisine : « Ils les attendirent longtemps, et puis ils les oublièrent. […] Un temps viendra où nous serons perdus tous deux dans la nuit profonde, où rien ne survivra de nous-mêmes, où tout s’effacera, tout, jusqu’à nos noms écrits sur nos pierres. — Les petites filles circassiennes viendront toujours de leurs montagnes dans les harems de Constantinople. […] Sa logique nuit aisément à sa fécondité ; son génie la rend moins apte à la compréhension génétique des idées qu’à leur exposition déductive. […] Écoutons, à ce propos, le récit mémorable que nous fait l’écrivain de la manière dont il est parvenu à l’assurance que l’homme, malgré tout, est aimé par un Dieu d’amour : « Dans ses pages les moins oubliées, Théodore Jouffroy retrace avec une éloquence un peu voulue la nuit où s’ébranlèrent les croyances de sa jeunesse. […] Les prouesses guerrières et les faits d’armes auxquels se livraient, casque en tête et lance au poing, les chevaliers nos aïeux, et que les troubadours allaient chanter de castel en castel durant les soirées d’hiver, nous les accomplissons, nous, dans les méditations silencieuses de nos chambres d’étude, pendant les longues heures des nuits sans sommeil, où, corps à corps, nous luttons avec la destinée.
Et aussi je vois la fragilité de la légende n° 2 ramener peu à peu à la légende n° 1, jusqu’à ce que… Mais ne cherchons pas plus longtemps sur le front des étoiles ce que la nuit des temps couvre encore de ses voiles. […] Il vous vaudra une bonne nuit et à moi aussi. » La fin de la vie de Casimir Delavigne fut attristée par un état maladif continuel, par des tracas d’argent et par des insuccès dont la plupart furent parfaitement immérités. […] Gourd a emmené Germaine dans son appartement de garçon, Germaine a suivi Gourd dans son appartement de garçon et ils y vivent matinées, après-midi, soirées et nuits depuis onze jours. […] Gourd a gardé Germaine chez lui douze jours et douze nuits ; mais elle couchait dans le lit de la chambre à coucher, et Gourd sur le canapé du parloir.
On fait route non sans accidents merveilleux ; car, un soir, le vaisseau se trouve en vue d’une terre ou d’une île qui était, ce semble, aux Sarrasins, et, après avoir marché ou cru marcher toute la nuit, le lendemain on reconnaît qu’on n’a fait aucun chemin, et qu’on est encore en vue de la même terre ; cela se renouvelle par deux ou trois fois : on s’estime fort en danger d’être aperçu et pris.
Il ne s’est jamais recueilli ; il est de ceux qui n’ont jamais travaillé passé midi et demi : on s’habillait, on mettait manchettes et jabot, on sortait pour dîner en ville, et on ne rentrait plus que très tard le soir ou dans la nuit.
Sur Diderot, à propos de Langres sa patrie ; sur Riouffe, en passant à Dijon où il fut préfet ; sur les bords ravissants de la Saône en approchant de Lyon ; sur l’endroit où Rousseau y passa la nuit à la belle étoile en entendant le rossignol ; sur cet autre endroit où probablement, selon lui, Mme Roland, avant la Révolution, avait son petit domaine, Mme Roland que Beyle ne nomme pas et qu’il désigne simplement « la femme que je respecte le plus au monde » ; sur Montesquieu « dont le style est une fête pour l’esprit » ; sur une foule de sujets familiers ou curieux, il y a de ces riens qui ont du prix pour ceux qui préfèrent un mot vif et senti à une phrase ou même à une page à l’avance prévue.
À l’âge que j’avais, cela me flattait de figurer ainsi avec le premier prince du sang, de lui donner à souper, de lui payer le bal de l’Opéra, de le mener dans mon carrosse, de trotter toute la nuit dans son carrosse gris de bonne fortune (ce sien carrosse avait par dehors l’air d’un fiacre et par dedans était magnifique), de nous promener dans le bal bras dessus bras dessous, d’être dans sa confidence : ce que je n’ai pourtant pas bien cultivé dans la suiteh, je ne sais par quel hasard, car je l’ai toujours trouvé honnête homme, et surtout ayant envie de l’être ; mais il est fort borné.
Pour moi, je pleurais de joie, lorsque je lisais ces Vies ; je ne passais point de nuit sans parler à Alcibiade, Agésilas et autres ; j’allais dans la place de Rome, pour haranguer avec les Gracques, et pour défendre Caton, quand on lui jetait des pierres.
Nos cheminées commencent aussi à fumer un peu moins… Nous faisons assez bonne chère, nous passons des nuits fort tranquilles, et toute la matinée à nous parer de perles et de diamants comme des princesses de roman.
Voilà ce qui me tourmente depuis des années déjà, et me tient en inquiétude les jours et les nuits.
Delécluze, ayant chacun leur arrière-pensée, l’un d’écrire à Londres en sortant de là, l’autre d’écrire le soir, pour son bonnet de nuit, étaient donc à deux de jeu.
À midi, il dînait d’une grande variété de mets ; il faisait collation peu d’instants après vêpres, et, à une heure de nuit, il soupait, mangeant dans ces divers repas, toutes sortes de choses propres à engendrer des humeurs épaisses et visqueuses. » Même dans le cloître où il s’était retiré pour soigner la double santé de l’âme et du corps, il ne mettait (son médecin Mathys nous l’apprend) aucun frein à ses envies, et ne se privait ni de fruits ni de poissons : « Dans la saison des fruits, Charles-Quint commençait son dîner en mangeant une grande quantité de cerises et de fraises, celles-ci accompagnées d’une écuelle de crème : ensuite il se faisait servir un pâté assaisonné d’épices, avec du petit salé bouilli et du jambon frit.
Il était le premier, en d’autres moments, à en convenir : « On me loue de ma facilité, disait-il, mais on ne sait pas que j’ai été douze et quinze nuits sans dormir et en ne pensant à autre chose qu’à ce que je vais faire ; quand je me mets en face de ma toile blanche, mon tableau est achevé ; je le vois. » Et Charlet disait également d’Horace, avec ce tour narquois qui était le sien : « On se figure qu’il est toujours à faire de l’escrime d’une main, de la peinture de l’autre ; on donne du cor par ici, on joue de la savate par là.
Soulié, que, le dimanche, dans la belle saison, on devait conduire les enfants chez leur grand-père pour leur faire prendre l’air des champs : « L’inventaire des objets restés dans la chambre de cette maison, occupée par les époux Poquelin, prouve qu’on trouvait là tout ce qui était nécessaire pour passer une nuit ; on n’y a oublié ni les boules de buis qui servaient sans doute de jouets aux enfants, ni la paire de verges destinée à les corriger. » Ce confort, cette opulence domestique de la maison Poquelin, tenaient en partie à la présence de la femme dans la maison : il est permis de le penser ; du moins, dans le dernier inventaire fait chez Jean Poquelin bien des années après, tout dénote négligence, désordre et abandon ; ce père, en vieillissant, n’était plus le même.
Mais enfin abondance de preuves ne nuit pas, surtout quand elles sont d’un genre, nouveau, imprévu, et qu’elles se produisent en un langage que chacun comprend à l’égal au moins de celui du dessin et des images : je veux parler des preuves écrites et littéraires.
Les nuits, à cette époque de l’année, sont fort courtes.
On rapporte que, sur la fin de sa vie, pour éviter ses créanciers, il ne sortait que le soir, et on le comparait à un oiseau de nuit.
Durant quinze nuits de veille et d’insomnie, il raconte toute sa vie de vingt ans, déjà si pleine, son enfance, la distribution des prix où tous ses rivaux sont heureux et environnés de caresses, où, lui, il n’a point de mère à embrasser ; la confidence du proviseur, l’acte de naissance produit, avec son déguisement, l’inscription de rente qui l’accompagne, le tout déchiré et mis en pièces par le jeune homme indigné ; la solitude d’un jeune cœur, le besoin d’aimer, le besoin d’une famille, la plainte de la nature, l’amer abandon de celui dont il a été dit : « Cui non risere parentes.
Je vous dirai cependant que j’espère que vous réussirez mieux au voyage que vous ferez ensuite, que vous n’avez fait au précédent. » Pour mieux déguiser son arrivée à Pignerol, Catinat en approchant, avertit M. de Saint-Mars, qui en était gouverneur, de le faire arrêter la nuit par la compagnie franche de la place et conduire incontinent à la citadelle.
Elle dure quelque temps dans la prairie et se continue dans les rues de la ville à peu près jusqu’à la nuit.
vous avez répandu sur nos têtes l’inspiration que les Muses d’un autre temps ne peuvent plus nous donner… » Le spectacle de la nuit, ainsi conçu, est entièrement transfiguré.
Il a véritablement arraché des milliers d’êtres à l’oubli et à la nuit des temps ; à la place d’une sèche nomenclature, il a fait éclore et fourmiller tout un monde.
Mais que la vérité est donc chose délicate à connaître, et comme il nuit ensuite de la trop bien savoir à qui voudrait créer et imaginer !
Il croyait ainsi se prémunir contre l’apoplexie, et les nombreux bonnets de nuit pouvaient aussi lui servir de bourrelets en cas de chute nocturne.
Et tout à côté, il recommence les stances amoureuses à Philis et à Chloris ; au nombre des plus agréables sont celles qu’il composa pour une demoiselle éprise, laquelle rêvait toute la nuit à son Alidor : Et le matin je pense avoir commis un crime Dans mon lit innocent.
M’est-il permis le baiser de l’enfant, Ce vague oubli qu’en le berçant prolonge Ma solitude, et, la nuit, dans un songe L’enfant Jésus reparu plus souvent ?
Une nuit, en pleine rue, il adresse à ses compagnons étonnés des vocatifs qui ne manquent pas d’énergie : « Ô viles brutes que vous êtes !
, rentre chez lui tout échauffé, et là, plume en main, à bride abattue, sans se reposer, sans se relire et bien avant dans la nuit, couche tout vifs sur le papier, dans leur plénitude et leur confusion naturelle, et à la fois avec une netteté de relief incomparable, les mille personnages qu’il a traversés, les mille originaux qu’il a saisis au passage, qu’il emporte tout palpitants encore, et dont la plupart sont devenus par lui d’immortelles victimes.
Enfin, cette fête de nuit en l’honneur de Mlle Clairon se termine, dans le récit de Florian, par une très belle description de l’aurore, par un lever de soleil sur les cimes des Alpes, qui a frappé son imagination d’enfant : c’est le signal d’un sentiment tout nouveau, plein de fraîcheur, l’amour de la nature, qui va être la passion et presque l’engouement des générations naissantes.
On est au mercredi 22 mai 1585 ; il est nuit, Montaigne veille, et il écrit au gouverneur de la province. » La lettre, qui est d’un intérêt trop particulier et trop local pour être insérée ici, peut se résumer en ces mots : Montaigne regrette l’absence du maréchal de Matignon et craint qu’elle ne se prolonge ; il le tient et le tiendra au courant de tout, et il le supplie de revenir aussitôt que les affaires le lui permettront : « Nous sommes après nos portes et gardes, et y regardons un peu plus attentivement en votre absence… S’il survient aucune nouvelle occasion et importante, je vous dépêcherai soudain homme exprès, et devez estimer que rien ne bouge si vous n’avez de mes nouvelles. » Il prie M. de Matignon de songer pourtant qu’il pourrait bien aussi n’avoir pas le temps de l’avertir, « vous suppliant de considérer que telle sorte de mouvements ont accoutumé d’être si impourvus que, s’ils devoient avenir, on me tiendra à la gorge sans me dire gare ».
Dans cette Revue de Paris, Mme Émile de Girardin insérait l’autre jour sur La Nuit des vers tout de cœur, et qui ont le mérite d’être vrais.
Je ne savais où étaient les fenêtres, parce que nous étions arrivés de nuit dans ce lieu-là ; je pensai me casser le nez contre la muraille, et nous fûmes, le roi d’Espagne et moi, près d’un quart d’heure à nous heurter en les cherchant.
Ce sont de ces mots qui peignent, qui sont pris à la source même, et qui sont agréables par un certain faux air de double sens, mais qui ne nuit pas à la clarté.
Ce rire venait de source et circulait en quelque sorte à la ronde dans toute la famille Beaumarchais ; l’une de ses sœurs, Julie, non mariée, dans sa dernière maladie se chansonnait elle-même par de gais couplets des plus badins, auxquels chacun des assistants ajoutait le sien ; et Beaumarchais, relisant après la mort de sa sœur ce singulier testament, ajoutait de sa main, au bas, avec une naïveté de tendresse qui fait sourire : « C’est le Chant du Cygne de ma pauvre sœur Julie. » Il mourut lui-même à Paris, dans la nuit du 17 au 18 mai 1799, d’une attaque d’apoplexie, dit-on, que rien n’avait annoncée ; il s’endormit de la mort pendant son sommeil.
J’étais alors substitut à Tours ; on vint me chercher de Véretz au milieu de la nuit ; j’arrivai à l’aube… » Et j’entendis alors un récit vrai, simple, attachant, dramatique, qui me remit en mémoire cette singulière et originale figure, et qui me tente aujourd’hui de la retracer.
Mais dans une composition assez analogue que nous offre l’Étude treizième, et où il nous montre un voyageur jeté par un naufrage dans une île inconnue, qui se trouve être l’île de Naxos, il a excédé la mesure : appliquant le même procédé d’idéalisation à l’antique histoire d’Ariane, il montre cette jeune fille de Minos, dans le récit légendaire d’un berger, pleurant nuit et jour l’infidèle Thésée et ne pouvant même être consolée par les jeunes Naxiennes qui lui versent du vin dans des coupes d’or.
de jour ou de nuit ?
Et quelques mois après, marquant avec orgueil le jour de Marignani, elle écrit dans le transport de son cœur : Le 13 de septembre, qui fut jeudi, 1515, mon fils vainquit et défit les Suisses auprès de Milan ; et commença le combat à cinq heures après midi, et dura toute la nuit, et le lendemain jusques à onze heures avant midi ; et, ce jour propre, je partis d’Amboise pour aller à pied à Notre-Dame-de-Fontaines, lui recommander ce que j’aime plus que moi-même, c’est mon fils, glorieux et triomphant César, subjugateur des Helvétiens.
. — La Bohême sans dignité dans sa conduite et sans hauteur dans ses idées ; — la Bohême soupant tous les soirs, et ne se levant du souper, si elle se lève, qu’ivre et chancelante ; écrivant à la hâte de petits articles pour de petits journaux malsains, sur les genoux d’une danseuse, et invoquant la chaste muse dans les coulisses des théâtres ; faisant de l’art un moyen comme la première en fait un piédestal ; n’ayant pas de maîtresses (toujours comme la première), mais des intrigues d’une nuit, dont elle est souvent lasse avant que le matin soit venu.
Le bon temps de la femme émancipée n’est que le temps bien juste des Mille et une Nuits.
Un écrivain épistolaire qui n’écrit que pour les deux yeux d’un ami ou les oreilles de quelques autres, est toujours un peu l’homme d’esprit dont le prince de Ligne parle quelque part, et qui doit avoir de l’esprit même au saut du lit et quand il n’a pas encore arraché le bonnet de nuit de sa tête.
VIII Le livre de ce Satan poétique, qui a été dix ans couvé, comme l’œuf du Chaos dans la Nuit, est un ensemble d’une beauté si vaste et si pleine, malgré ses formes détachées, qu’il ne peut pas être déchiqueté par les analyses de la Critique et qu’elle est forcée à faire de la synthèse, ce qu’elle ne fait jamais.
Et cette nuit, pendant votre sommeil, d’autres représentations semblables et plus puissantes produiront des illusions semblables et plus intenses.
En effet, qu’on suppose un orateur doué par la nature de cette magie puissante de la parole, qui a tant d’empire sur les âmes et les remue à son gré ; qu’il paraisse aux yeux de la nation assemblée pour rendre les derniers devoirs à Henri IV ; qu’il ait sous ses yeux le corps de ce malheureux prince ; que peut-être, le poignard, instrument du parricide, soit sur le cercueil et exposé à tous les regards ; que l’orateur alors élève sa voix, pour rappeler aux Français tous les malheurs que depuis cent ans leur ont causés leurs divisions et tous les crimes du fanatisme et de la politique mêlés ensemble ; qu’en commençant par la proscription des Vaudois et les arrêts qui firent consumer dans les flammes vingt-deux villages, et égorger ou brûler des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, il leur rappelle ensuite la conspiration d’Amboise, les batailles de Dreux, de Saint-Denis, de Jarnac, de Montcontour, de Coutras ; la nuit de la Saint-Barthélemi, l’assassinat du prince de Condé, l’assassinat de François de Guise, l’assassinat de Henri de Guise et de son frère, l’assassinat de Henri III ; plus de mille combats ou sièges, où toujours le sang français avait coulé par la main des Français ; le fanatisme et la vengeance faisant périr sur les échafauds ou dans les flammes, ceux qui avaient eu le malheur d’échapper à la guerre ; les meurtres, les empoisonnements, les incendies, les massacres de sang-froid, regardés comme des actions permises ou vertueuses ; les enfants qui n’avaient pas encore vu le jour, arrachés des entrailles palpitantes des mères, pour être écrasés ; qu’il termine enfin cet horrible tableau par l’assassinat de Henri IV, dont le corps sanglant est dans ce moment sous leurs yeux ; qu’alors attestant la religion et l’humanité, il conjure les Français de se réunir, de se regarder comme des concitoyens et des frères ; qu’à la vue de tant de malheurs et de crimes, à la vue de tant de sang versé, il les invite à renoncer à cet esprit de rage, à cette horrible démence qui, pendant un siècle, les a dénaturés, et a fait du peuple le plus doux un peuple de tigres ; que lui-même prononçant un serment à haute voix, il appelle tous les Français pour jurer avec lui sur le corps de Henri IV, sur ses blessures et le reste de son sang, que désormais ils seront unis et oublieront les affreuses querelles qui les divisent ; qu’ensuite, s’adressant à Henri IV même, il fasse, pour ainsi dire, amende honorable à son ombre, au nom de toute la France et de son siècle, et même au nom des siècles suivants, pour cet assassinat, prix si différent de celui que méritaient ses vertus ; qu’il lui annonce les hommages de tous les Français qui naîtront un jour ; qu’en finissant il se prosterne sur sa tombe et la baigne de ses larmes : quelle impression croit-on qu’un pareil discours aurait pu faire sur des milliers d’hommes assemblés, et dans un moment où le spectacle seul du corps de ce prince, sans être aidé de l’éloquence de l’orateur, suffisait pour émouvoir et attendrir ?
Pas une règle, pas une certitude, la nuit complète. […] La théorie des critiques que fâche cette reproduction minutieuse, est que cela nuit à l’intérêt de la pièce jouée. […] Je me souviendrai toujours du merveilleux Paris, au cinquième acte de Jean de Thommeray, les quais s’enfonçant dans la nuit, avec leurs files de becs de gaz. […] Et brusquement, en une nuit, tout a croulé. […] Toute la nuit, Stencko a hurlé ses beaux sentiments à mes oreilles, tandis que le vieux Froll-Gherasz psalmodiait les siens d’une voix de basse.
Le romantisme, c’est la nuit du 4 août. […] Elle lui nuit davantage qu’elle ne le sert en l’inclinant aux artifices, au détriment du fond. […] Bien des vérités sont irréfutablement prouvées, classées et ce sont des lumières éparses dans la nuit, distantes les unes des autres comme les étoiles au ciel.
Une fois à Naples, on fut embarrassé de savoir comment on s’y prendrait pour obtenir un meilleur éclairage de nuit, sans qu’il en coûtât plus cher à l’État. […] Comme la lune qui éclaire cette nuit grotesquement célèbre où don Quichotte fit la veillée des armes jette une lumière à la fois malicieuse et sympathique ! […] Voici l’hôpital de la Résurrection, où les deux chiens Scipion et Berganza dissertent la nuit si savamment sur l’espèce humaine. […] Dans Hamlet, nous avons pour ainsi dire le point de départ de cette accélération, ralentie par la nuit et les obstacles pendant tant de siècles. […] Au contraire, l’amour de Dante pour Béatrix ne nuit à aucun autre de ses sentiments et ne trouble en rien l’équilibre de son être.
Hercule les écrase de sa massue ; Vulcain, le dieu du feu, chasse devant lui la nuit et les vapeurs impures, tandis que Borée et les Zéphyrs sèchent les eaux de leur souffle et achèvent de dissiper les nuages. […] Pour ceux qui en sont à la fois les prêtres et les victimes, toutes les conditions matérielles compliquées auxquelles ils se soumettent, depuis la toilette irréprochable à toute heure du jour et de la nuit jusqu’aux tours les plus périlleux du sport, ne sont qu’une gymnastique propre à fortifier la volonté et à discipliner l’âme. […] Si j’ai négligé la question de la noblesse plus ou moins grande des facultés, ç’a été pour n’être pas entraîné trop loin ; mais la supposition qu’elles sont toutes égales ne nuit eu rien à la théorie générale que j’essaye d’esquisser. […] Bien plus, je déclare, dans mon infaillibilité bourgeoise, que quiconque fait admirablement bien les vers est beaucoup moins poëte que tout honnête homme épris de son ménage ; car le talent de composer des vers parfaits nuit évidemment aux facultés de l’époux, qui sont la base de toute poésie ! […] telle est ma terrible sentence de damnation… Jour du jugement, jour suprême, quand luiras-tu dans ma nuit ?
Elle les fait tous lever et ouvrir toutes les fenêtres ; il la reconnaissait encore moins : “Sans doute, ajouta-t-il, c’est la coiffure de nuit qui en est cause. — Allez, lui dit-elle, vous êtes un ingrat ! […] Il était couché dans une même chambre avec plusieurs de ses amis ; il se mit pendant la nuit à parler très haut à l’un d’eux. […] Mais cette même feuille apprenait que dans la nuit du 15 au 16 mai la jeune Reine avait été prise par la rougeole. […] Il arrive des champs et désire savoir Si durant son absence elle s’est bien portée : « Hors les puces qui m’ont la nuit inquiétée », Répond Agnès. […] On dirait à coup sûr que nous l’aurions fait la nuit comme des désespérés ou comme des gens ivres.
Il y rêve nuit & jour. […] Pendant la nuit, saint François ne manqua pas de lui apparoître précisément avec un capuchon pointu. […] Malheureusement pour le frère Matthieu de Bassi, la nuit qu’il s’étoit échappé de son couvent, il faisoit un grand clair de lune. […] A force de mettre sous la presse des volumes d’injures contre les bollandistes, & de ne se donner aucun repos ni jour ni nuit, François de Bonne-Espérance succomba, l’an 1677, à l’excès du travail, & fut remplacé par d’autres qui enchérirent sur ses emportemens. […] Bagnès travaille jour & nuit à la réfutation de la thèse.
Il n’y a rien de supérieur dans notre langue aux Méditations de Lamartine, à quelques-unes des grandes odes d’Hugo, — depuis les Deux Îles, 1824, jusqu’aux Mages, 1856, — ou aux Nuits d’Alfred de Musset. […] Ce que nous supportons en effet de l’auteur des Méditations ou de celui des Nuits, nous ne saurions le supporter longtemps même d’un Sainte-Beuve, — c’est du poète que je parle, — ou d’une Desbordes-Valmore. […] Et il est bien certain que, de même que « l’on va très commodément de Paris en Auvergne sans avoir besoin d’un quart de cercle », ainsi l’indifférence entière des Musset ou des Hugo à tout ce qui n’était pas leurs amours ou leurs vers ne saurait rien enlever de la beauté de leurs Nuits ou de leurs Orientales. […] XIII, 1857 ; — Alfred de Musset : ses Nuits ; et sa Confession d’un enfant du siècle, 1835 ; — George Sand, Elle et Lui, Paris, 1859 ; — Paul de Musset, Lui et Elle, Paris, 1860 ; et Biographie d’Alfred de Musset, Paris, 1877 ; — Mme O. […] Le « Poète de l’amour » ; — et que c’est toujours à cette qualification qu’il en faut revenir en parlant de Musset ; — s’il n’y a pas dans notre langue ; — et en dépit des chicanes de style ou de versification qu’on peut lui faire ; — qu’il faut même que l’on lui fasse ; — de plus beaux poèmes d’amour ; — de plus sincères, de plus passionnés, et de plus poignants ; — que la Lettre à Lamartine ou que la Nuit d’octobre. — Pareillement, et à l’exception de son Lorenzaccio ; — qui est sa part de « contribution » ou son « contingent » dans la bataille romantique ; — son Théâtre tout entier n’est qu’un hymne à l’amour [Cf.
Vierge encore, j’entre, au seuil d’un avenir plus beau, Dans la nuit glaciale. […] Au bout d’une dizaine d’années, les nuits sont froides, les cheveux tombent, on s’enrhume, et il faut en définitive s’enfoncer sur la tête un bonnet moins galant que chaud.
Jamais je n’oublierai certaines matinées sombres du mois de novembre, où les brouillards froids et épais de Londres empêchaient de distinguer le jour de la nuit, et forçaient le diplomate matinal à écrire ses dépêches à la lampe, sur un petit guéridon au pied de son lit. Le prince de Talleyrand ne donnait que peu d’heures au sommeil ; il passait une moitié de sa nuit dans les salons aristocratiques de Londres ; il y semait ou il y recueillait négligemment ces mots qui deviennent le lendemain des indices ou des actes.
Hors la nuit de Nibelheim, je m’approcherais volontiers, si vous vous penchiez à moi. […] Une nuit épaisse, éclate de toutes parts.
L’homme commence par reconnaître les séquences de jour et de nuit ; puis les séquences mensuelles produites par la lune ; puis le cycle annuel du soleil ; puis le cycle des éclipses de lune ; puis les périodes des planètes supérieures ; tandis que l’astronomie moderne détermine le long intervalle, après lequel l’axe de la terre reviendra occuper le même point dans le ciel ; et l’époque à peine concevable dans laquelle se reproduiront les perturbations planétaires142. » Un nouveau progrès consiste en ce que la correspondance croît en spécialité. […] Dans la description de ses songes causés par l’opium, « alors que la mer lui apparaissait pavée d’innombrables figures, suppliantes, courroucées, désespérées, surgissant par myriades, par générations, par siècles, — alors qu’une architecture imaginaire se présentait à lui avec une vivacité et un éclat insupportable, ayant la faculté de grandir et de reproduire à l’infini », alors donc que les impressions mentales étaient extrêmement nombreuses et très distinctes, de Quincey nous dit qu’il lui a quelquefois semblé « avoir vécu 70 ou 100 ans dans une seule nuit » ; bien plus, « qu’il a eu alors des sentiments qui lui paraissaient avoir duré mille ans, ou plutôt un laps de temps qui excédait les limites de toute expérience humaine. » N’arrive-t-il pas, pendant un assoupissement de quelques minutes, de faire des rêves qui paraissent durer un temps considérable ?
Elle fouille dans les coffres de ses mansardes pour y trouver la veste noire, le chapeau de feutre, le morceau de crêpe qu’elle réserve aux tristes solennités de ses propres convois ; elle les étale sur le lit ; elle se promet de les revêtir en masse au lever du soleil, pour que la ville ait changé de couleur pendant cette triste nuit. […] ………………………………………………………… ………………………………………………………… Au milieu des tombeaux qu’environnait la nuit, Ainsi je méditais, par leur silence instruit.
Ainsi le tic-tac d’une montre paraît plus sonore pendant la nuit, parce qu’il absorbe sans peine une conscience presque vide de sensations et d’idées. Des étrangers, conversant entre eux dans une langue que nous ne comprenons point, nous font l’effet de parler très haut, parce que leurs paroles, n’évoquant plus d’idées dans notre esprit, éclatent au milieu d’une espèce de silence intellectuel, et accaparent notre attention comme le tic-tac d’une montre pendant la nuit.
Mon bien-aimé est avec moi, comme un sachet de myrrhe ; il passera la nuit entre mes mamelles (I, 13). […] Or, comme on a supprimé le truc trop facile des confidents, il faut recourir, pour l’exposition, aux amies et amis indiscrets, aux serviteurs bavards ; tout cela potine et caquette dans une salle de bal, autour d’une table à thé ou d’un jeu de puzzle (qui tend à remplacer le whist), ou entre deux coups de balais ; et puisque tout se passe « comme dans la vie », c’est par de longs méandres qu’on arrive au but ; c’est du temps perdu pour l’action, et c’est un éparpillement de comparses qui nuit à la psychologie des personnages essentiels.
N’est-ce pas lui qui a fait ces vers délicieux qui expriment comme dans un regret rapide et sobre les premières grâces de la vie : Tout le plaisir des jours est en leurs matinées ; La nuit est déjà proche à qui passe midi.
En une nuit, il y ordonna un tel travail qu’il le rendit imprenable aux troupes de la Ligue ; et Henri III, qui alors était uni avec le parti de Navarre, l’étant venu visiter le matin, en fut émerveillé et lui dit : « Hé quoi, monsieur de Rosny !
Pour lui, il passait quelquefois sept nuits de suite sans dormir.
Et avec cela que j’aie un domestique bien nourri, une femme qui ne soit pas trop savante ; la nuit, du sommeil, et le jour, point de procès !
… L’impression d’un excellent livre ne doit pas être un larcin, ne doit pas être une action de surprise, une action de ténèbres et de nuit.
En revanche, Rohan se plaît fort à célébrer une action héroïque de sept soldats de Foix qui, s’enfermant dans une bicoque auprès de Carlat, arrêtèrent le maréchal et toute son armée deux jours entiers, et, après lui avoir tué plus de quarante hommes, se sauvèrent au nombre de quatre ; trois sur les sept, trois proches parents, voulurent demeurer et se sacrifier, parce que l’un était blessé et hors d’état de sortir : « Ainsi les quatre autres, dit Rohan, à la sollicitation de ceux-ci et à la faveur de la nuit, après s’être embrassés, se sauvent, et ces trois-ci se mettent à la porte, chargent leurs arquebuses, attendent patiemment la venue du jour, et reçoivent courageusement les ennemis, desquels en ayant tué plusieurs, meurent libres. » Ce sont là les seuls éclairs du récit chez Rohan, qui voudrait bien assurer aux noms de ces braves soldats une immortalité dont il n’est pas le dispensateur : il fallait de certains échos particuliers, et qui ne se retrouvent pas deux fois, pour nous renvoyer les glorieux noms qui ont illustré les Thermopyles.
Pendant que Frédéric s’appliquait, après tant de désastres, à rétablir toutes les parties de l’État qui avaient souffert, soignant l’agriculture et l’industrie, attirait chez lui les populations voisines, faisait bâtir des villages, rendait à l’armée sa discipline et le ton de solidité qu’elle avait autrefois, et, en cela comme dans le veste, moins inventeur et novateur que praticien, « se bornait à donner par la routine, par de continuels exercices, aux officiers et aux troupes, l’intelligence et la fermeté dans tous les mouvements, pour être sûr d’eux à l’occasion s’il était nécessaire de les employer dans le sérieux » ; pendant que chaque jour, depuis le matin jusqu’à la nuit, il remplissait ainsi en conscience son devoir de chef et de tuteur de peuple, il fut atteint de la plus cruelle des douleurs.
Maine de Biran veut encore davantage, il aspire à dire avec le chrétien parfait : « Douleur, tu es mon bien » — « Car, remarque-t-il délicatement, c’est le trouble et non la souffrance qui nuit à l’âme. » Tout cela ne se passe pas en un jour chez Maine de Biran, mais dure des années.
Je me lève le plus matin qu’il m’est possible, et me couche le plus tard que je puis ; cependant la journée me semble trop courte, et plus je m’occupe, plus le temps semble fuir comme un trait d’arbalète ou un vol d’oiseau. » N’est-ce pas ainsi que le vieux Venceslas disait de ses insomnies volontaires : Ce que j’ôte à mes nuits, je l’ajoute à mes jours.
Mais la nuit porte conseil : il réfléchit au danger de son voyage, et il pense que mieux vaut le différer et partir, non pour Paris, mais pour Reims et Vervins, afin de se rendre de là à la Chartreuse du Val-Saint-Pierre-en-Thiérarche, où il avait un parent, dom Barthélemy Effinger, qu’il n’avait jamais vu, mais qui lui destinait une cure : « Je resterai, se disait-il, au monastère sous prétexte d’en vouloir connaître l’intérieur, les pratiques, et peut-être d’en devenir un des moines ; sous ce prétexte, j’exigerai et j’obtiendrai le secret. » il ne serait allé à Paris qu’un peu plus tard et quand déjà sa famille, inquiète de son absence, l’y aurait fait chercher vainement.
Rien n’est neutre en ce monde, excepté vous ; le jour n’est pas neutre envers la nuit ; la vie n’est pas neutre envers la mort… » Et il continue sur ce ton déclamatoire.
Les dix années qu’elle passa avec son ami furent tout entières consacrées par elle à adoucir son amertume, à favoriser ses goûts, à y entrer autant qu’elle le pouvait, soit qu’il voulût jouer la tragédie, — ses propres tragédies, — à domicile (ce qu’il fit d’abord avec le feu et l’acharnement qu’il mettait à toute chose), soit qu’il lui plût de s’enfermer et de tirer le verrou pour travailler comme un forçat, versifier jour et nuit ou étudier le grec à mort : c’étaient les seules diversions assez fortes pour l’absorber et pour l’aider, tant bien que mal, à endurer les invasions intermittentes de la Toscane par les armées républicaines.
Une nuit, les ennemis firent une sortie considérable à la tête d’une tranchée ; ils avaient déjà fait plier les troupes de garde et auraient causé un grand désordre, si Catinat « qui était de jour » n’eût ramené ces mêmes troupes avec tous les officiers du régiment d’Auvergne ; il y reçut un coup de mousquet qui, heureusement, ne fit que percer son chapeau et couper sa perruque.
Confiné à La Chesnaie, il craint plus que tout, dit-il, le déplacement et les aller et venir ; il se figure qu’il est fait pour se tenir coi dans un petit coin : « Je n’aime guère à changer de place, et, à quelques petits tours près dans le jardin, mes jours comme mes nuits se passent dans la salle.
Les beaux étés sans toi, c’est la nuit sans flambeau.
De telles nuits marquent des âmes beaucoup trop éveillées, et assurément, si je me mêlais de me scandaliser, ma délicatesse serait bien déconcertée par un pareil dérangement, surtout après la grande et pompeuse retraite.
Ce n’est ni la pieuse et sublime mélancolie du Penseroso s’égarant de nuit, tout en larmes, sous les cloîtres gothiques et les arceaux solitaires ; ni une charge vigoureuse dans le ton de Regnier sur les orgies nocturnes, les allées obscures et les escaliers en limaçon de la Cité ; ni une douce et onctueuse poésie de famille et de coin du feu, comme en ont su faire La Fontaine et Ducis ; c’est Damon, ce grand auteur, qui fait ses adieux à la ville, d’après Juvénal ; c’est une autre satire sur les embarras des rues de Paris ; c’est encore une raillerie fine et saine des mauvais rimeurs qui fourmillaient alors et avaient usurpé une grande réputation à la ville et à la cour.
Les romans que l’on nous a donnés depuis quelque temps, dans lesquels on voulait exciter la terreur, avec de la nuit, des vieux châteaux, de longs corridors et du vent, sont au nombre des productions les plus inutiles, et par conséquent, à la longue, les plus fatigantes de l’esprit humain.
On agrandit les événements par des images violentes ; on dit d’un richard qui s’enrichit, « qu’il pleut dans son escarcelle » ; on dit des pèlerins alléchés par la vue d’une huître « qu’ils l’avalent des yeux. » On insiste, on redouble, on s’acharne ; on ne se contente pas de dire qu’un avare entasse et compte ; on le montre « passant les nuits et les jours à compter, calculer, supputer sans relâche, calculant, supputant, comptant comme à la tâche. » On revient vingt fois sur le même objet, avec vingt expressions différentes ; un seul mot est impuissant à manifester la sensation intérieure ; tout le dictionnaire y passe ; toutes les images grossissantes ou appétissantes défilent coup sur coup pour l’exprimer.
La traduction des Mille et une Nuits, que Galland donna en 1708, avait déposé dans les esprits toute sorte d’images des mœurs et des coutumes orientales.
Cela n’empêche pas de vivre comme les autres, de jouir, à l’occasion, du ciel, de l’air pur ou même de la société des hommes et des femmes ; mais, dans les minutes où l’on pense, il n’est guère possible, en dehors d’une foi positive, d’être optimiste : il y a trop de souffrances inutiles et absurdes et, de tous les côtés, une trop épaisse muraille de nuit… M.
Que la plupart de ceux qui consacrent leur vie à des travaux d’érudition spéciale n’aient pas le grand esprit qui seul peut vivifier ces travaux, c’est un inconvénient sans doute, mais qui bien souvent nuit plus à la perfection des auteurs qu’à l’ouvrage lui-même.
On s’accordera, je pense, à reconnaître qu’une description de Théophile Gautier est saisissante pour les yeux ; que la Nuit d’Octobre est émouvante ; qu’un roman de Voltaire fait penser ; que le Qu’il mourût du vieil Horace est d’une héroïque vigueur ; que le Corbeau d’Edgar Poe emporte l’imagination bien au-delà du monde réel.
Ces regards en arrière ont la vertu magique de remettre en lumière des formes, des idées, des œuvres oubliées, et quelque écrivain de jadis, sorti tout à coup de la nuit du passé, se trouve avoir sa place et son influence parmi les fils d’un autre siècle.
Ces gens-là ne savent pas que les paupières ont une espèce de transparence ; ils n’ont jamais vu une mère qui vient, la nuit, voir son enfant au berceau une lampe à la main, et qui craint de l’éveiller.
Le Jour et le lendemain, ou La nuit porte conseil, est un des sujets les plus délicats qui se puissent traiter, et M.
Sans prendre à la lettre les imprécations de d’Aubigné sur le roi qui eut le malheur d’attacher son nom à cette nuit funeste, on conviendra qu’il y avait au moins de l’illusion de précepteur et de père nourricier dans Amyot. — Quant au petit roi, il jugeait son bon maître tout en le comblant : on rapporte qu’il le raillait parfois sur son avarice et sa parcimonie, et enfin, lui qui se connaissait en vers et qui en faisait même d’assez bons, il se permettait de trouver durs ceux qu’Amyot mêlait à ses traductions : Amyot, très peu poète en cela, ne l’en trouvait pas moins aimable.
Vingt fois, en sortant, pour aller les décrire, de ces séances qui se prolongeaient si avant dans la nuit, et perdant dans les ténèbres et dans le silence des rues de Versailles ou de Paris les agitations que j’avais partagées, je me suis avoué que si quelque chose pouvait arrêter et faire rétrograder la Révolution, c’était un tableau de ces séances retracé sans précaution et sans ménagement, par une âme et par une plume connues pour être libres.
Je passe la nuit sans m’éveiller, et le soir, quand je vais au lit, une espèce d’engourdissement m’empêche de faire des réflexions.
Il ne contribua pas seulement à fonder par souscription la première bibliothèque commune, la première société académique (qui deviendra l’université de Philadelphie), le premier hôpital ; il leur apprenait à se chauffer au logis par des poêles économiques, à paver leurs rues, à les balayer chaque matin, à les éclairer de nuit par des réverbères de forme commode.
En qualité de solitaire, nous confesse Rousseau, je suis plus sensible qu’un autre ; si j’ai quelque tort avec un ami qui vive dans le monde, il y songe un moment, et mille distractions le lui font oublier le reste de la journée ; mais rien ne me distrait sur les siens ; privé du sommeil, je m’en occupe durant la nuit entière ; seul à la promenade, je m’en occupe depuis que le soleil se lève jusqu’à ce qu’il se couche : mon cœur n’a pas un instant de relâche, et les duretés d’un ami me donnent dans un seul jour des années de douleurs.
Pour mettre sa sensibilité plus à son aise, par un singulier et subtil accommodement il supposait que c’était d’un autre que lui qu’il parlait : C’est d’un moi que je parle, et non pas de moi ; car, loin des hommes, au pied des hautes montagnes, au bruit d’une onde monotone qui ne présente d’autre idée que la marche égale du temps, et sans autre aspect qu’une longue solitude, une retraite silencieuse que bordent déjà les ombres d’une éternelle nuit, je n’ai plus de rapport avec ce ministre naguère emporté par les événements, agité par les passions du monde, et sans cesse aux prises avec l’injustice ; je n’ai plus de rapport avec lui que par les émotions d’une âme sensible… Il revient à chaque instant, avec des cris de David ou de Job, sur cette calamité, qui véritablement n’était pas si grande qu’il le supposait : Quelquefois seulement, au pied de ces montagnes où l’ingratitude particulière des représentants des Communes m’a relégué, et dans les moments où j’entends les vents furieux s’efforcer d’ébranler mon asile, et renverser les arbres dont il est environné, il m’arrive alors peut-être de dire comme le roi Lear : « Blow, winds, … Soufflez, vents impétueux !
Tourguénef excelle à rendre les aspects voilés de la campagne, la terre suante en plein midi, estompant de sa vapeur grise les teintes vives et les arêtes des formes, les après-dîners dans l’ombre vague des bois, la tristesse bleutée des printemps et des automnes, surtout le « je ne sais quoi d’un azur vaporeux et mollement argentin » des belles et calmes nuits d’été.
Rougon dans la Fortune, et le campement des insurgés la nuit dans Plassans, l’abbé Mouret et frère Archangias courant les Artaud, les luttes exaspérées de Florent contre les poissardes de la Halle commandées par la dynastie Méhudin, toutes ces scènes parfaitement localisées se passent fait par fait.
Il y a un art admirable à avoir ainsi fondu ses idées, & à les avoir exprimées avec un laconisme dont l’énergie ne nuit point à la clarté.
Toute cette splendeur militaire en bonnet de nuit n’est plus qu’un marécage infect.
Il avait préféré se nourrir de racines, arrivant bien juste à ne pas mourir de faim en broyant du lin pendant la nuit, travail non roturier, et qui ne le faisait pas déroger. […] Il l’a pieusement édifié, ce monument prématuré, et l’a orné avec amour ; tout autour il fait fumer l’encens jour et nuit. […] Alexis est-il si bien informé, si Émile ne lui a pas lui-même révélé les secrets de ses nuits ? […] Sans doute il écoute avec effroi la voix qui, la nuit, lui fait entendre le mot de l’Écriture : Tu ne tueras point. […] L’interprétation ne nuit pas à l’œuvre ; il ne m’a pas semblé qu’elle fût merveilleuse : Mlle Bartet m’a seule pleinement satisfait.
Bref, un si rare objet m’est si doux et si cher Que ta main seulement me nuit de te toucher. […] Et bourgeois également, si je puis ainsi dire, le petit chat d’Agnès, et le ruban, et les chemises de nuit… Tout cela nous rend, exprime, ressuscite pour nous une façon de vivre très différente, si je ne me trompe, de celle dont le Menteur même nous donnait l’idée, plus voisine de la réalité, plus terre à terre, plus enfoncée dans la matière. […] Messieurs, en deux mots comme en cent, que personne n’a su comme lui qu’en poésie comme en peinture, l’histoire ou le passé, d’un seul mot, c’est le style, Ces flambeaux, ce bûcher, cette nuit enflammée, Ces aigles, ces faisceaux, ce peuple, cette armée, Cette foule de rois, ces consuls, ce sénat. […] Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle, Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle ! […] Tout m’afflige, et me nuit, et conspire à me nuire70 (Ses mains retombent.)
Les institutions charitables eû l’on impose son nom, les fondations de prix, certaines constructions de peu de goût qui ne sont faites que pour étonner par leur masse ou par leur hauteur, les cénotaphes, les inscriptions gravées dans le roc, toutes les entreprises d’une philanthropie vaniteuse, plusieurs sottises illustres et un bon nombre de grands crimes sont inspirés, comme les œuvres de la littérature et de l’art, par le désir passionné qu’a l’homme de laisser de lui-même un souvenir, fût-il terrible ou ridicule, et d’échapper à l’affreuse nuit du néant. […] Le petit flambeau qui éclaire notre nuit et qui nous permet de voir à dix pas mesure aussi l’étendue des ténèbres environnantes ; en sorte que, plus la lumière pénètre profondément, plus le cercle d’obscurité s’élargit. […] Tel conquérant aussi grand qu’eux, faute d’un grand poète ou d’un grand historien, n’est jamais sorti du crépuscule ou de la nuit complète. […] Non, j’aime beaucoup mieux me figurer « l’aigle de Meaux », s’il était né trop tard, se retirant au fond de quelque Thébaïde, allant s’ensevelir à la Grande-Chartreuse ou à la Trappe, et là, seul avec Dieu, dans la nuit silencieuse de cette tombe anticipée, consommant le sacrifice entier de sa gloire et de son génie. […] La nuit la plus profonde continua d’envelopper pendant toute la durée de l’âge classique et de la monarchie les satires vengeresses du poète huguenot et « ronsardisant », jusqu’à ce que, après deux cent cinquante ans de silence et d’obscurité, soit que l’auteur des Châtiments ait réellement imité son vieil ancêtre, soit plutôt que la critique ait découvert avec surprise et admiration une parenté naturelle entre les deux génies, Agrippa d’Aubigné fût acclamé soudain comme un très grand poète, comme une sorte d’avatar de Victor Hugo !
Elle souffre et se sent percer les mains en expiation toutes les nuits. » Vigny et Sainte-Beuve sont deux des maîtres de Baudelaire : le Sainte-Beuve « carabin » ; et le Vigny mystique « en qui, comme le dit M. […] Parce qu’ils sont également pesés, et qu’ils veulent tous enfermer autant de sens, tous les mots viennent au même plan, ils prennent tous la même importance ; la préoccupation du détail nuit à l’effet de l’ensemble ; et, comme nous le disions tout à l’heure, la beauté de la forme, par un retour inattendu, périt en quelque sorte dans la recherche de la forme même. […] La nuit mélancolique achevait de descendre Et semblait sur le parc avec lenteur tomber, Comme d’un fin tamis une légère cendre, En noyant les contours qu’elle allait dérober. […] De là vient que les doctrines secrètes sont proposées dans des symboles comme dans les ténèbres de la nuit, car on peut très bien comparer la forme symbolique aux ténèbres et à la nuit. » Il avait raison. […] Ce qu’il y a de plus poétique dans Shakspeare, et de plus shakspearien, ce n’est pas sans doute Coriolan, ni même Othello, c’est ce qu’il y a de plus symbolique : c’est le Songe d’une nuit d’été, c’est Hamlet, c’est la Tempête.
Pour rendre sensible les commencements ou le terme de l’existence, le cours des journées et des nuits, le bondissement du sang ou de la sève, l’agitation de l’air et des eaux, il y a là des intuitions d’une finesse et d’une puissance insoupçonnées jusqu’alors, un sens miraculeux des symboles, des correspondances et des harmonies. […] Je n’aime guère cette rose qui accueille la chenille comme un cadeau et qui, « pressentant qu’il fera froid cette nuit, est bien aise de se mettre un boa autour du cou ». […] Tu t’es toute la nuit grisée de tes mensonges, Les mots qui t’enchantaient pâlissent maintenant, Et, danseur revenu du carnaval des songes, Tu t’éveilles devant le matin frissonnant. […] Quant à son inspiration, il la définit en ces termes : On dirait que ce sont des cendres de pensée… La lumière est éteinte et les mots malgré moi Tendent un dessin vide à l’ombre nuancée Dont les égarements sont traduits par ma voix, Et je ne cherche pas ce que cela veut dire, Un vers chante un instant, disparaît et revient, Un mot sanglote, un mot semble vouloir sourire, Le secret de la nuit vient se mêler au mien… Puis le rêve s’esquisse et devient une phrase Où quelque sens humain pénètre obscurément, Et j’aperçois un peu sous une triple gaze Un visage penché vers moi, divinement… … Souffle mystérieux, ô vol noir qui m’emportes, Pour dire la chanson pure que tu voudrais, Il faut des yeux fermés, il faut des lèvres mortes, Et nul amour, nul souvenir et nul regret… On devine combien une telle esthétique aboutit presque nécessairement à une poésie un peu floue, mobile, fluide et comme évanescente. […] On les ramasse à la pelle le long des rues, et elles encombrent les asiles de nuit de la littérature.
Il voit dans le christianisme la plaie la plus épouvantable dont aient souffert les races occidentales ; il regarde la Renaissance, la Réforme et la Révolution française comme des aubes bienheureuses, qui, après la nuit du moyen âge, annoncent une nouvelle morale plus saine, lumineuse et naturelle. […] Il faut que ses poèmes comme l’Odeur sacrée, l’Ode à Corot, le Gouffre, la Nuit de Juin, Au Jardin, Forêt d’Hiver, chantent et chantent encore dans les mémoires bien parées. […] Toutes les nuits, il est hanté par le souvenir du pendu, qui le poursuit dans ses rêves comme dans ses veilles, jusqu’au lugubre soir d’hiver où il imite l’exemple maudit de l’étranger.
L’année suivante, dans la nuit du mercredi au jeudi 16 juillet 1896, Edmond de Goncourt mourait à Champrosay. […] La nuit il était tenu éveillé par des bruits inexplicables, par des craquements insolites. […] Mallarmé, bien qu’il se fût « déparnassiennisé », était resté en fort bons termes avec Mendès dont la facilité l’émerveillait. « Catulle est étonnant, disait-il volontiers, on pourrait le réveiller à n’importe quelle heure de la nuit et il aurait, toujours prêtes, deux cent lignes de copie. » Ce mérite d’improvisateur, reconnu, ne l’empêchait pas de sourire quand Villiers de l’Isle-Adam déclarait : « Catulle, c’est une frégate dans une bouteille.
Aussi, à la mort du pontife, comme les passions irritées cherchaient à se venger sur ses restes, et que le catafalque placé dans l’église de Saint-Pierre, pendant la neuvaine des obsèques, n’était point en sûreté, Bernis, fidèle à l’amitié et au respect envers l’illustre mort, entretint à ses propres frais une garde qui, jour et nuit, veilla autour de ce catafalque pour en préserver les inscriptions et empêcher tout scandale.
Dans ses Deux Amis du Monomotapa, les craintes de l’ami qui se lève la nuit à cause d’un songe et qui court sur l’heure réveiller son autre lui-même, sont un trait de l’amitié-passion : Un songe, un rien, tout lui fait peur Quand il s’agit de ce qu’il aime.
. — « Elle aimait les lettres, dit l’abbé Le Grand, et elle avait une si grande passion pour la poésie, qu’elle passait les nuits à faire des vers. » La conclusion de l’Histoire de Duclos est piquante et elle a couru comme un de ces mots heureux qu’il lançait en causant.
Elle fait effet, elle règne à la manière des puissants du siècle, et même plus qu’eux : Ils n’agissent que sur les esprits, et j’ai le cœur et les sens de plus dans mon domaine… Suis-je une dupe, dites-le-moi, de jouir à la manière des héros et des ministres, d’avoir sans peine ce qui leur coûte des années de travail, ce qui leur fait passer tant de mauvaises nuits dans la crainte d’en être privés ?
Ce qui fait à mes yeux une grande partie de l’intérêt des écrits de d’Argenson et ce qui doit les rendre précieux pour quiconque aime la vérité, c’est que tout y est successif et selon l’instant même ; il ne rédige pas ses mémoires après coup en résumant dans un raccourci plus ou moins heureux ses souvenirs ; il écrit chaque jour ce qu’il sait, ce qu’il sent ; il l’écrit non pas en vue d’un public prochain ou posthume, mais pour sa postérité tout au plus et ses enfants, et surtout pour lui, pour lui seul en robe de chambre et en bonnet de nuit.
Derrière la maison, au bas d’un rocher, est une futaie d’arbres débroussaillés avec des ruisseaux qui coulent, des nappes, cascades et bouillons d’eau qui vont nuit et jour, et qui rendent ce séjour tout semblable aux champs Élysées.
— Je n’ai pas bien distingué, il faisait nuit. » — Un autre : « Il faut qu’il ait mis plus de six heures pour venir de Versailles. » — D’autres racontaient froidement quelques circonstances.
. ; enfin un rêve des Mille et une Nuits.
On craint d’eux une surprise ; on a vu leurs vaisseaux à l’embouchure du fleuve… Tout ceci, on le sent, est pour préparer à l’exploit prochain de Rodrigue, qui aura lieu cette nuit même.
Deux nuits entières il lutta, les mains jointes, contre cette vision ; elle disparut enfin et le laissa meurtri, brisé, mais saintement humilié et persuadé qu’il avait choisi la bonne part13. » Voilà des miracles de la littérature exquise, de celle qui ne brille que par l’étendue et la rapidité des aperçus, la justesse heureuse des touches, les ménagements et le choix des couleurs et du langage.
Oui, j’avais cru sentir dans des songes confus S’évanouir mon âme et défaillir ma vie ; La cruelle douleur, par degrés assoupie, Paraissait s’éloigner de mes sens suspendus, Et de ma pénible agonie Les tourments jusqu’à moi déjà n’arrivaient plus Que comme dans la nuit parvient à notre oreille Le murmure mourant de quelques sons lointains, Ou comme ces fantômes vains Qu’un mélange indécis de sommeil et de veille Figure vaguement à nos yeux incertains.
Il mourut assez misérable dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 16S4. — La chronologie des premières pièces de Corneille a été longtemps établie d’une manière erronée : voici comment il faut la rétablir : le Cid, déc. 1636 ou janv. 1637 ; Horace et Cinna, 1640 ; Polyeucte, 1643 ; Pompée et le Menteur, hiver de 1643-1644 ; la Suite du Menteur, sans doute 164i ; Rodogune, hiver de 1644-1645 ; Théodore, 1645.
L’ame, indépendamment des plaisirs qui lui viennent des sens, en a qu’elle auroit indépendamment d’eux & qui lui sont propres ; tels sont ceux que lui donnent la curiosité, les idées de sa grandeur, de ses perfections, l’idée de son existence opposée au sentiment de la nuit, le plaisir d’embrasser tout d’une idée générale, celui de voir un grand nombre de choses, &c.
Je comprends Buffon les mettant au même rang que les Saisons de Saint-Lambert et les Mois de Roucher, dans cette boutade à madame Necker : « Saint-Lambert, au Parnasse, n’est qu’une froide grenouille, Delille un hanneton, et Roucher un oiseau de nuit. » Le jugement, pour être rendu de mauvaise humeur, n’en est pas moins juste ; encore aujourd’hui, ce n’est pas sans mauvaise humeur qu’on lit ces poésies, surtout les Saisons.
Après avoir marché de longs siècles dans la nuit de l’enfance, sans conscience d’elle-même et par la seule force de son ressort, est venu le grand moment où elle a pris, comme l’individu, possession d’elle-même, où elle s’est reconnue, où elle s’est sentie comme unité vivante ; moment à jamais mémorable, que nous ne voyons pas, parce qu’il est trop près de nous, mais qui constituera, ce me semble, aux yeux de l’avenir, une révolution comparable à celle qui a marqué une nouvelle ère dans l’histoire de tous les peuples.
Les vents vous auraient-ils exaucé cette nuit ?
A peine si Boileau accorde à Villon et à Marot quelques maigres éloges qui encore portent à faux ; il traite Ronsard et son école avec une insultante pitié ; et l’historien qu’il essaie d’être pousse un soupir de soulagement, comme un homme perdu dans la nuit qui voit poindre l’aurore, quand, dans sa course rapide à travers le passé littéraire de la France, il arrive à Malherbe, son précurseur.
Madame nous apprend dans ses lettres originales que « le roi, malgré ses intrigues, couchait régulièrement toutes les nuits avec la reine.
Frantz a invité toute la gentilhommerie du voisinage à la fête de ses fiançailles ; le soir vient, la nuit s’écoule, et les salons restent vides, et les valets promènent ironiquement leurs plateaux d’argent sous les plafonds étoilés, offrant du punch aux chaises et des sorbets aux fauteuils.
Le rideau se relève sur Claude debout, la nuit, devant sa fenêtre, posé en face de la lune qui le revêt d’une mystique blancheur.
Ce soleil naissant, et l’aurore sa fourrière sont, à mon gré, des objets délicieux, la fraîcheur de la nuit tempérant l’ardeur de ses rayons.
Il usa de son droit immédiatement pour donner le vote le plus favorable certes et le plus clément qui se soit produit dans le Comité secret de cette nuit mémorable.
Il veut sans cesse paraître amusant, étincelant, et il n’est pas tous les jours en veine : « Je suis bête ce soir… Je n’ai rien de drôle à vous mander d’ici… Je ne suis pas gai aujourd’hui, et ma lettre ne sera pas à imprimer. » Cela revient perpétuellement sous sa plume et nuit au naturel.
Elle fera, par exemple, ces vers contre un certain vote de la Chambre des députés (13 avril 1839), vote que je ne prétends point d’ailleurs approuver ; et elle a écrit en novembre 1848 ces autres fameux vers contre le général Cavaignac, où, le voulant exterminer et pourfendre, elle ne trouve rien de plus fort à lui appliquer dans sa colère, parce que le digne général a dormi une heure pendant une des nuits de juin, que ce dernier coup accablant : Vive l’Endymion de la guerre civile !
La première Fronde, celle de 1648, ne lui fournit pas l’occasion de s’émanciper encore, et son esprit se borna à donner cours à ses préventions qu’elle ne prenait pas la peine de dissimuler : « Comme je n’étais pas fort satisfaite de la reine ni de Monsieur dans ce temps-là, ce m’était un grand plaisir, dit-elle, que de les voir embarrassés. » Lorsque la reine et la Cour, sur le conseil du cardinal, quittèrent Paris pour Saint-Germain dans la nuit du 6 janvier 1649, elle se fit un devoir de les accompagner, bien qu’elle fût loin de partager leurs pensées et leurs vues : « J’étais toute troublée de joie de voir qu’ils allaient faire une faute, et d’être spectatrice des misères qu’elle leur causerait : cela me vengeait un peu des persécutions que j’avais souffertes. » La légèreté, le désordre et la cohue de cette cour de Saint-Germain sont peints à ravir par une personne aussi légère et frivole que pas une, mais qui est véridique et qui dit tout.
Mirabeau, à Vincennes, travaillait ardemment, nuit et jour, ne dormant que trois heures, et à demi aveuglé par les veilles.
Les chefs-d’œuvre du goût, par mes soins reproduits, Ont occupé mes jours, ont enchanté mes nuits, Et souvent, insensé !
Ainsi, loin de regretter le monde qui nous fuit, nous le fuyons à notre tour ; nous échappons à des intérêts qui ne nous atteignent déjà plus ; nos pensées s’agrandissent comme les ombres à l’approche de la nuit, et un dernier rayon d’amour, qui n’est plus qu’an rayon divin, semble former la nuance et le passage des plus purs sentiments que nous puissions éprouver sur la terre à ceux qui nous pénétreront dans le ciel.
La seule chose que je veuille conclure de ces détails qui assaisonnent en toute occasion la partie aimable des Mémoires de Marmontel, c’est qu’il était de sa nature un peu sensuel et qu’il le laisse voir, ce qui ne nuit pas à l’intérêt et ce qui fait que le lecteur se dit en le suivant : « Le bon homme embellit quelquefois le passé de trop faciles couleurs, mais il s’y montre avec naïveté en somme et tel qu’il était, il ne ment pas !
Il se livrait à la société le jour, et il travaillait la nuit.
Celui qui avait eu pour guide l’honneur, un faux honneur trop souvent, mais enfin qui avait tenu à l’opinion et à l’estime de ses semblables, ne trouvait pas son compte sous ce turban de quatre livres qui lui pesait, et qu’il n’avait pris que comme un bonnet de nuit ; il avait beau plaisanter, un fonds de remords et de regret lui disait qu’il avait mal usé de si beaux dons naturels et que sa vie avait, totalement échoué.
Le Barbier en prit encore son parti ; l’auteur, au lieu d’une comédie, en donna une autre : Le Barbier n’ayant pas été représenté comme il devait l’être le samedi (12 février), le lendemain dimanche, l’auteur mettait en vente, la nuit même, au bal de l’Opéra, ce fameux quatrième Mémoire dont il se débitait six mille exemplaires et plus, avant que l’autorité eût le temps d’intervenir et de l’arrêter.
Ma joie n’est pourtant point sans inquiétude, et la tendresse que j’ai pour mon petit espalier et pour quelques œillets me fait craindre pour eux le froid de la nuit, que je ne sentirais point sans cela.
La nuit venue, on servit avec propreté tout ce que l’habitation fournissait.
Quelle lumière dans la nuit du temps !
Pour comprendre le rayon de soleil, il faut vibrer avec lui ; il faut aussi, avec le rayon de lune, trembler dans l’ombre du soir ; il faut scintiller avec les étoiles bleues ou dorées ; il faut, pour comprendre la nuit, sentir passer sur nous le frisson des espaces obscurs, de l’immensité vague et inconnue.
Quelquefois néanmoins, on serait tenté de croire que l’agent vital est presque indépendant des actions physico-chimiques, lorsqu’on le voit supporter avec tant de flexibilité les plus grands écarts dans les conditions du milieu extérieur où il est plongé, — l’extrême froid ou l’extrême chaud, l’humidité ou la sécheresse, la lumière ou la nuit, la présence ou l’absence, ou du moins l’extrême inégalité de l’électricité atmosphérique.
Le nouvelliste se couche le soir tranquillement sur une nouvelle qui se corrompt la nuit, et qu’il est obligé d’abandonner le matin à son réveil.
astre de feu, jour heureux que je hais, Jour qui fais mon supplice, et dont mes yeux s’étonnent, Toi qui sembles le dieu des cieux qui t’environnent, Devant qui tout éclat disparoît et s’enfuit, Qui fais pâlir le front des astres de la nuit ; Image du Très-Haut qui régla ta carrière, Hélas !
Une figure n’acquiert de la vigueur qu’autant qu’on la reprend, cherchant continuement à l’aprocher de nature ; comme font Greuze et Chardin " … mais c’est un travail long, et un dessinateur s’y résout difficilement, parce que ce technique nuit à la sévérité du dessein ; raison pour laquelle le dessein, la couleur, et le clair-obscur vont rarement ensemble.
D’où naît cette division du jour et de la nuit telle que dans la nature même au cercle terminateur de l’ombre et de la lumière elle n’existe pas aussi tranchée ?
…………………………………………………… Mais j’ai vu du faubourg fumer les cheminées, J’ai regagné la ville aux nuits illuminées Et le pavé mouvant, etc., etc.
Et dans la nuit des hypogées Les générations logées Viennent pour être interrogées Par le Christ, chacune à son tour.
Je ne vois pas non plus qu’il y ait de quoi passer « des nuits affreuses à déchirer son mouchoir pour étouffer ses sanglots », parce qu’on vous demande, comme dit M. […] Une nuit qu’il dormait, une voix l’appelle, une voix qui « avait l’intonation haute d’une cloche d’église ». […] » Donnons-nous le plaisir d’en citer encore un troisième : « La nuit douce s’étalait autour d’eux ; des nappes d’ombre emplissaient les feuillages. […] Il s’agit de trouver, pour telle saison de l’année, pour telle heure du jour et de la nuit, l’indication précise qui donne au vague d’une description générale l’accent de la personnalité. Les murmures d’une nuit de mai ne sont pas les bruits d’une journée d’octobre ; le silence d’un midi d’août n’est pas le silence d’un minuit de décembre.
De la liberté On appelle Liberté le droit qui appartient ou qu’on reconnaît à tout homme de faire ce qui ne nuit pas aux autres hommes. […] « Dans la République, dit le marquis d’Argenson, chacun est parfaitement libre en ce qui ne nuit pas aux autres. […] La multitude des têtes se nuit et la multitude des queues obéit à une seule tête qui veut tout dévorer. […] Vous avez, la nuit, insulté une église, sans que personne vous ait vu ni entendu ; quelque loi qui ait été rédigée, vous y échappez. […] Même vous avez, la nuit, souillé une église.
C’est l’eunuque au milieu du sérail ; Il n’y fait rien et nuit à qui veut faire. […] Piron mourut dans la nuit du 21 au 22 janvier 1773, âgé de quatre-vingt-trois ans six mois et quelques jours.
de quelque soin qu’incessamment il veille, Quelque gloire qu’il ait à nulle autre pareille, Et quelque excès d’amour qu’il porte à notre bien, Comme échapperons-nous en des nuits si profondes, Parmi tant de rochers qui lui cachent les ondes, Si ton entendement ne gouverne le sien ? […] Mais comme le tout est relevé et ennobli par cette strophe charmante : Réservez le repos à ces vieilles années Par qui le sang est refroidi : Tout le plaisir des jours est en leurs matinées148 ; La nuit est déjà proche à qui passe midi.
Il n’y avait pour elle de ce côté-là qu’un danger, c’était dans ces années obscures, indécises, où la puberté naissante de la jeune fille se confond encore dans l’ignorance de l’enfant, alors qu’on peut dire : Il n’est déjà plus nuit, il n’est pas encor jour. […] Enfin une sueur effroyable a éteint la fièvre sans secours ; mais il a eu cette nuit un peu d’agitation.
L’Amphitryon de Plaute et l’heureuse imitation qu’en a faite Molière, Le Songe d’une nuit d’été, La Tempête et la plupart des comédies de Shakespeare, rentrent dans le genre poétique. […] Lorsqu’un médecin vous parle d’aider, de secourir, de soulager la nature, de lui ôter ce qui lui nuit, et lui donner ce qui lui manque, de la rétablir et de la remettre dans une pleine facilité de ses fonctions ; lorsqu’il vous parle de rectifier le sang, de tempérer les entrailles et le cerveau, de dégonfler la rate, de raccommoder la poitrine, de réparer le foie, de fortifier le cœur, de rétablir et conserver la chaleur naturelle, et d’avoir des secrets pour étendre la vie à de longues années, il vous dit justement le roman de la médecine.
ces deux hommes consommés creusèrent en une nuit, tête à tête, de leurs propres mains, l’abîme qui allait les engloutir inévitablement tous les deux ; et sept ou huit ministres, capables chacun de bonne administration et de bon conseil, ne trouvèrent ni une parole ni un geste pour se jeter résolument entre le roi et le précipice ouvert devant lui. […] Le roi, sur mon avis, a signé cette nuit la dissolution de la chambre !
Veuillot n’eut pas, à proprement parler, sa « nuit ». […] Sans illusion ni sur les représentants ni sur le fondement humain de l’aristocratie, aussi impitoyable aux « mauvais nobles » qu’aux « mauvais prêtres », c’est lui qui, à propos d’un domaine dépecé par un gentilhomme de boulevard et de cabinets de nuit, écrit ces lignes, où se révèle délicieusement la qualité de son âme : Je ne peux prendre mon parti de ces décadences de la noblesse.
. — Or, le lendemain, venu chez Labosse pour faire sa demande, qui est instantanément accueillie, Costard reconnaît dans son futur beau-père le vieux monsieur avec qui il a fraternisé l’autre nuit, chez Baratte, à quatre heures du matin : et de se taper sur le ventre, et de se rouler de rire, tant « elle leur semble bonne ». — Peu de mois après, l’idée d’être trompé par sa femme amuse tellement Costard, que Bobette ne peut se tenir de lui apprendre que « ça y est » en effet. « Tiens ! […] Que, dans un moment de détresse sentimentale, les chevaux noirs et les cuivres imposants des Folies-Bergère l’aient fait songer à la mort ; que, dans une autre heure mélancolique, la symétrie des deux flagrants délits lui ait paru vaguement providentielle et l’ait rendu vaguement spiritualiste… c’est saugrenu, mais plausible ; nous connaissons cela ; c’est, après tout, d’impressions analogues que sont sorties les Nuits et l’Espoir en Dieu ; et il y a donc, dans Paul Costard, un Musset qui s’ignore ; un Musset « loufoque », pour parler sa langue.
Telle est la « nuit obscure » dont les grands mystiques ont parlé, et qui est peut-être ce qu’il y a de plus significatif, en tout cas de plus instructif, dans le mysticisme chrétien. […] Pour en référer à elle, l’artiste avait chaque fois à donner un effort, comme l’œil pour faire reparaître une étoile qui rentre aussitôt dans la nuit.
Les plus célèbres s’appelaient Mohicans, et la nuit tyrannisaient Londres. […] Soixante-trois nuits de suite, la pièce fut jouée parmi un tonnerre de rires ; les dames firent écrire les chansons sur leurs éventails, et l’actrice principale, dit-on, épousa un duc. […] La chaire avait le sans-façon et la rudesse du théâtre, et, dans cette peinture des braves gens énergiques que le monde taxe de mauvais caractères, on retrouvait la familiarité âcre du Plain-Dealer. « Certainement il y a des gens qui ont une mauvaise roideur naturelle de langue, en sorte qu’ils ne peuvent point se mettre au pas et applaudir ce vaniteux ou ce hâbleur qui fait la roue, se loue lui-même et conte d’insipides histoires à son propre éloge pendant trois ou quatre heures d’horloge, pendant qu’en même temps il vilipende le reste du genre humain et lui jette de la boue. — Il y a aussi certains hommes singuliers et d’un mauvais caractère qu’on ne peut engager, par crainte ni espérance, par froncement de sourcils ni sourires, à se laisser mettre sur les bras quelque parente de rebut, quelque nièce délaissée, mendiante, d’un lord ou d’un grand spirituel ou temporel. — Enfin il y a des gens d’un si mauvais caractère, qu’ils jugent très-légitime et très-permis d’être sensibles quand on leur fait tort et qu’on les opprime, quand on diffame leur bonne renommée et quand on nuit à leurs justes intérêts, et qui par surcroît osent déclarer ce qu’ils pensent et sentent, et ne sont point des bêtes de somme pour porter humblement ce qu’on leur jette sur le dos, ni des épagneuls pour lécher le pied qui les frappe et pour remercier le bon seigneur qui leur confère toutes ces faveurs d’arrière-train835. » Dans ce style saugrenu, tous les coups portent : on dirait un assaut de boxe où les ricanements accueillent les meurtrissures.
La portière prête spontanément toute son attention aux commérages ; le peintre, à un beau coucher de soleil où le paysan ne voit que l’approche de la nuit ; le géologue, aux pierres qu’il rencontre où le profane ne voit que des cailloux. […] Dans le silence de la nuit, le tic-tac d’une montre située à quelque distance, tantôt n’est pas entendu, tantôt est renforcé : de même pour le bruit d’une cascade ; des oscillations analogues ont été observées dans l’ordre des sensations optiques et tactiles. […] S’estimant incapable, malgré de longues réflexions et de multiples recherches tentées pour résoudre ce problème, de se livrer à tout autre travail mental, il tomba dans un tel état de tristesse et d’apathie qu’il voulut interrompre le cours de ses études… Son sommeil était incomplet et interrompu ; souvent il passait des nuits éveillé, toujours absorbé dans son idée dominante.
Taine), le jour et la nuit se succèdent constamment, et par conséquent suivant une loi de périodicité incontestable. Cependant jamais personne n’a pensé que la nuit fût la cause du jour, ni le jour de la nuit.
Il est aussi absurde de chercher la vérité — et de la trouver, — quand on a atteint l’âge de raison, que de mettre ses souliers dans la cheminée, la nuit de Noël. « A cette heure, me disait l’un des créateurs d’une science nouvelle, nous ne pouvons établir aucune théorie, mais nous pouvons démolir toutes celles qu’on établirait. » Il faut tâcher d’en rester toujours à ce stade : la seule recherche féconde est la recherche du non-vrai. […] Dans Chateaubriand, c’est l’idée de vie ; elles brillent et elles tremblent, mais comme un collier de diamant sur une gorge nue ; le monde s’anime, la nuit est une femme couchée au-dessus de la terre … On trouve cela, quand on a une grande sensibilité et quand on a longtemps, depuis son enfance, contemplé le ciel nocturne ; on ne trouve pas cela en s’essayant, selon la méthode Albalat, à réparer de vieilles phrasés, comme on répare de vieux souliers, en leur mettant des épithètes neuves, en leur mettant des semelles neuves. […] Chez lui les parfums, les sons, les couleurs, les saveurs et les attouchements se confondent en de perpétuelles synesthésies : la pluie, en voyage, un grignotement sur la capote de la voiture ; l’orage, les éclairs s’entortillent aux rochers ; la nuit, l’azur du lac veillait derrière les feuillages ; les sons du cor sont veloutés ; ceux de l’harmonica sont liquides. […] Le monde, étant devenu romantique, voulut un Homère romantique, un Homère digne de collaborer au Parnasse, Leconte de Lisle s’en chargea ; quand il lui fallut un Christ romanesque, un Christ devant qui on pût déclamer le Saule et les Nuits, Renan fut tout prêt. […] Il vécut comme poète ce que vit un champignon — peut-être vénéneux — et il traîna pendant vingt ans, sur les mers et les sables, la vie hasardeuse d’un marchand des « Mille et une Nuits ».
Le voile de la nature est pour nous comme le voile de la nuit, où dans une immense obscurité brillent quelques points de lumiere ; & il n’est que trop prouvé que ces points lumineux ne sauroient se multiplier assez pour éclairer leurs intervalles. […] Il arrive quelquefois que ce qui a produit l’un pour un tems, nuit dans tous les tems à l’autre. […] César au milieu d’une nuit orageuse, frappe à la porte d’un pêcheur. […] Hors les puces qui m’ont la nuit inquiétée, ne seroit dans Agnès qu’un trait de simplicité, si elle parloit à ses compagnes. […] L’astuce est une finesse pratique dans le mal, mais en petit : c’est la finesse qui nuit ou qui veut nuire.
La plupart des autres ouvrages du philosophe sont des impromptus faits au courant de la plume au milieu du tumulte et des intrigues de la cour, dans les intervalles dérobés aux fonctions de l’instituteur, à la pénible administration des provinces ; dans l’horreur d’un exil ; la nuit ; assis à une table frugale ; sur une grande route, des tablettes à la main ; en traversant les places publiques ; dans la maladie, à côté des bains : il ne compose pas, il verse sur le papier son esprit et son âme ; il ne s’épuise point à donner de la cadence à sa phrase, il m’exhorte, il s’exhorte lui-même à la pratique de la vertu ; il sonde le fond de son cœur, il ne se ménage pas. […] A quelque heure du jour ou de la nuit qu’Ariste lise ces lignes, il se rappellera ce que Pithias lui disait, lorsqu’après la perte d’une épouse chérie, il s’écriait, en versant un torrent de larmes : « Il n’y a plus de bonheur pour moi dans ce monde. — Il n’y a plus de bonheur pour vous dans ce monde ! […] Il serait à souhaiter que les philosophes modernes, sourds aux cris de l’envie, et connaissant mieux le prix et la douceur du repos, suivissent l’exemple du sage Fontenelle305 ; se fissent, comme lui, un système de bonheur indépendant des opinions et des jugements du vulgaire, et se dissent froidement : « Je n’ai jamais lu aucun des ouvrages de mes ennemis306 ; je n’ai ni le droit de les mépriser, parce que j’ignore s’ils ont du talent, ou s’ils en manquent ; ni celui de les haïr, puisqu’ils ne m’ont pas fait le moindre mal, puisqu’ils ne m’ont pas donné un instant d’humeur pendant le jour, ni un quart d’heure d’insomnie pendant la nuit. […] tes passions, tes goûts, tes fantaisies, tes folies n’ont-elles pas mis tes jours et tes nuits au pillage, sans que tu t’en sois aperçu ? […] « Le croassement du corbeau, le cri du hibou pendant la nuit, ne présagent non plus le malheur que le chant de l’alouette et du rossignol n’annonce un heureux événement ; mais ils sont lugubres, et nous penchons plus vers la crainte que vers l’espoir… » Serait-ce que dans le cours de la vie nous éprouvons plus de mal que de bien, ou que l’effroi du mal est plus violent, son souvenir plus durable que l’attrait ou la douceur du bien ?
Cette nuit, les Anglais se logèrent dans un lieu assez fort, entre haies, vignes et buissons.
Le jour, je me promène sous des hêtres pareils à ceux que Saint-Amant dépeint dans sa Solitude ; et, depuis six heures du soir que la nuit vient, jusqu’à minuit qui est l’heure où je me couche, je suis tout seul dans une grosse tour, à plus de deux cents pas d’aucune créature vivante : je crois que vous aurez peur des esprits en lisant seulement cette peinture de la vie que je mène… Les circonstances qui précédèrent et suivirent ce mariage furent assez singulières, et achevèrent de donner à Lassay, de lui confirmer aux yeux du monde le caractère de bizarrerie et d’excentricité qui tenait plus aux personnes auxquelles il s’était lié, qu’à lui-même.
Il prenait tout le premier sa part à la peine en ne quittant presque pas la tranchée. « Il n’est pas nécessaire, lui disaient les ingénieurs, qu’un maréchal de France y soit si souvent. » — « Non, répondait-il, mais avouez que cela ne fait pas mal. » Je passe avec eux (avec les soldats) une partie de la nuit, écrivait-il au ministre ; nous buvons un peu de brandevin ensemble : je leur fais des contes, je leur dis qu’il n’y a que les Français qui sachent prendre les villes l’hiver.
On sait l’affreuse histoire de Mme de Tencin, cette femme d’esprit et d’intrigue, qui a fait des romans de pur sentiment : un jour, le soir du 6 avril 1726, un de ses anciens amants, un M. de La Fresnaye, à qui elle avait voulu (il paraît bien) extorquer ou soustraire des sommes considérables, va chez elle furieux, hors de lui, se met sur un canapé et se loge quatre balles dans le cœur, dont il meurt sur le coup ; « Le canapé en frémit ; la dame en gémit : on avertit le premier président et le procureur général du Grand-Conseil, qui le font enterrer, la nuit, en secret, et le lendemain chacun conte l’histoire à sa manière, et il y en a cent.
Après un Conseil où la question avait été une dernière fois agitée, où toutes les raisons s’étaient produites, toutes les considérations pour et contre, et où, chaque chose bien pesée, le Cabinet se décidait pour l’action avec toutes ses chances, on allait se séparer : la discussion s’était prolongée jusque bien avant dans la nuit ; M. de Rémusat, ministre patriote et lettre, s’écria en se levant et en concluant le débat : « Fata viam invenient… » Par malheur, la décision resta sans effet ; le roi ayant reculé au dernier moment, le Cabinet donna sa démission, et le ministre en fut pour sa belle allusion virgilienne.
C’est après une incubation plus ou moins longue qu’au moment souvent où il n’y vise guère, la nuit surtout, dans quelque court réveil, un mot, inaperçu jusque-là, prend flamme et détermine la vie.
Si l’on peut dire qu’il revint à la charge et se logea toujours plus ou moins au sein de sa foi, c’était là une manière, après tout, d’être assez mal logé et mal à l’aise ; et Pascal ne lui laissa, jour et nuit, ni paix ni trêve.
Je chausse alors un autre bonnet de nuit, et je jouis d’une autre oreille.
Ce genre de vie, auquel il est si peu propre, l’engage au milieu des situations les plus amusantes pour nous, sinon pour lui, comme dans cette scène de boudoir où la coquette essaye de le séduire, ou bien lorsque, remplissant un rôle de femme dans un rendez-vous de nuit, il reçoit, à son corps défendant, les baisers passionnés de l’amant qui n’y voit goutte.
Rœderer vient d’étudier avec une minutie qui n’est pas sans agrément, et avec une prédilection qui ne nuit pas à l’exactitude ; si Bayle, qui entra dans le monde vers 1675, c’est-à-dire au moment de la culture la plus châtiée de la littérature de Louis XIV, avait passé ses heures de loisir dans quelques-uns des salons d’alors, chez madame de La Sablière, chez le président Lamoignon, ou seulement chez Boileau à Auteuil, il se fût fait malgré lui une grande révolution en son style.
Qu’est-ce qu’un conquérant opposant des barbares à des barbares dans la nuit de l’ignorance ?
En effet, la seconde nuit à la première, et l’obligation de toujours bien dire l’empêche de dire tout ce qu’il faudrait.
Tous les mouvements, tous les sentiments de sa dame occupent sans cesse sa pensée : elle sourit, ou elle s’irrite ; elle refuse, ou elle est près de céder ; elle est absente, ou présente ; elle s’introduit le jour dans sa solitude, ou elle lui apparaît dans ses songes de la nuit, précisément au gré du caprice de l’imagination qui le guide.
Le bonasse Régent, qui l’avait embastillé, s’était laissé tirer une pension par une dédicace ; et plus tard, au moment où le ministère venait de le contraindre à imprimer clandestinement à Rouen sa Henriade, dont les exemplaires entraient la nuit à Paris dans les fourgons de la marquise de Bernière, Voltaire poussait sa première pointe à la cour, il recevait une pension sur la cassette de Marie Leczinska ; cette petite dévote se laissait ensorceler par l’esprit du poète, à qui la tête tournait en s’entendant appeler familièrement par la reine : « mon pauvre Voltaire ».
Et pourtant il est, lui aussi, le conteur de soi-même ; mais sur un mode tranquille et froid, à l’aide d’emblématiques personnages comme le Silence, la Nuit, la Tristesse, avec des mots vagues et voilés, qui gardent un doigt sur les lèvres ; le plus constamment usité d’entre eux est le mot taciturne.
La tyrannie n’a rien inventé de plus odieux que ces visites de censeurs à qui nulle porte, de jour ni de nuit, ne pouvait être fermée, et qui, à l’imitation du fisc poursuivant le payement de l’impôt, exerçaient la vie domestique.
Ô vilaines âmes, qu’il fait nuit en vous, que vous aimez peu de chose !
Elle rappelle à son mari, avec une rage de dégoût, je ne sais quel honteux souvenir d’amour aviné, et on dirait qu’elle lui crache au visage les baisers de sa nuit de noces.
[NdA] Parlant de Diane de Poitiers, la Pompadour de son temps, un poète du xvie siècle, Olivier de Magny, disait : Partout où vous allez, et de jour et de nuit, La piété, la foi, et la vertu vous suit, La chasteté, l’honneur…………………… Ces poètes ont une façon de prendre les choses, qui n’est qu’à eux.
Il est bien temps de venir nous dire, quand l’expérience est faite et que vous êtes à bout de mécomptes : Que m’importaient pourtant ces futiles misères, à moi qui n’ai jamais cru au temps où je vivais, à moi qui appartenais au passé, à moi sans foi dans les rois, sans conviction à l’égard des peuples, à moi qui ne me suis jamais soucié de rien, excepté des songes, à condition encore qu’ils ne durent qu’une nuit !
La veille de la bataille des Dunes, dans la nuit qui précéda, il est couché sur le sable, dans son manteau, tout à côté de M. de Turenne.
De tous côtés on s’accuse de conspirations, de complots, sans voir qu’à la fin il y a danger « que notre inquiétude errante et nos soupçons indéterminés, dit-il, ne nous jettent dans un de ces combats de nuit où l’on frappe amis et ennemis ».
c’est ce dont plus tard il parlera toujours : « Quelqu’un cette nuit a flétri mon cœur », dira-t-il dans son dernier discours au 9 Thermidor.
Continûment, d’un élan exaspéré, elle affronte avec son rêve cette réalité différente et le brise à des formes rigides auxquelles elle avait prêté d’autres contours, — semblable à quelque tragique voyageur muni d’une fausse carte et qui, dans la nuit, rencontrerait des précipices où il pensait trouver une route unie et résistante.
La horde primitive retrouve et vénère son chef mort dans le lion qui le dévora et qui, franchissant la nuit le cercle de feu où elle s’endort, prélève sa dîme sur les anciens serviteurs.
* * * — Après un habit mal fait, le tact est ce qui nuit le plus dans le monde.
Et comme on a vu une révolution réussir par l’abolition immédiate des privilèges aristocratiques, les imitateurs sans génie ne trouveront-ils pas tout simple de proposer le même moyen, et d’appeler le prolétariat à la nuit du 4 août de la propriété ?
Les heures s’écoulent, la nuit s’avance ; la pendule seule s’en aperçoit : et quand ses coups réitérés donnent, comme avec impatience, le signal du départ, on quitte ou pour le repos ou pour le travail solitaire cette conversation, qui est elle-même le délassement le plus délicieux et le plus fécond des travaux.
Cette histoire peut, d’après les idées modernes, peut, me semble-t-il, se raconter de trois manières différentes : d’abord, elle peut se raconter comme Apulée l’a racontée, et à peu près aussi La Fontaine (mais vous verrez qu’il y a une réserve à faire), se raconter comme un conte des Mille et une Nuits, en décrivant tout ce qui est arrivé à Psyché parce qu’elle a été curieuse, ce qui lui a valu des mésaventures qui ont été très dures.
Roberts, — vers récents ceux-là, que je découvre en tête de son volume : Chants de tous les jours : A travers le brouillard la lune repose belle, Pénétrée d’une couleur spectrale d’améthyste, Ô blanche nuit, charme jusqu’à l’étonnement Des bestiaux dans la brume !
Seulement la pauvre alouette ne chantait jamais. » Il montre Cosette qui travaille, et qui regarde jouer les enfants de Thénardier, Cosette qui tremble quand on lui parle, Cosette à qui la marâtre commande d’aller, la nuit, puiser de l’eau dans la forêt, et qui a peur des branches, de l’ombre, du silence, Cosette qui rencontre dans les bois Jean Valjean, un étranger cependant, et qui a tout de suite confiance, Cosette, à qui l’inconnu, entré avec elle dans l’auberge, donne une poupée, et qui n’ose pas croire d’abord à la joie, et puis s’abandonne au rêve de ses six ans, saisit la poupée, et l’endort avec des gestes et un recueillement maternels.
Il pourrait marcher nuit et jour.
On ne marche pas sans hésiter au sein d’une nuit obscure, & les ténebres de l’ignorance couvraient le monde entier. […] On fit le même accueil au Philosophe sans le savoir, autre drame tout moral, & où la morale ne nuit point à l’action. […] Par exemple, quand je fais évoquer ainsi à Médée les esprits infernaux : Sortez Démons, sortez de la nuit éternelle, Voyez le jour pour le troubler, &c. […] Ce Peintre né, ce Térence nouveau, Plus vif, plus gai que l’ami de Lélie, Ce favori de Momus, de Thalie, Du ridicule ingénieux fléau ; Moliere, enfin, dans la nuit éternelle, N’emporta point son sublime pinceau.
Tous les actes humains, quels qu’ils soient, doivent être mis en lumière puisqu’il n’y a ni haut ni bas, ni beau ni laid ; et que d’ailleurs devant faire connaître l’homme physiologique et non l’homme métaphysique, l’omission du plus petit détail nuit à l’intelligence du sujet ; étant dit que du fonctionnement normal ou anormal d’un organe, dépend l’état du caractère et de l’humeur. […] Il nous représente, sans discontinuer, des jours, des nuits, des montagnes, des vallées, des forêts, des cours d’eau, des mers et, brochant sur l’ensemble, les saisons avec leurs accidents de température et de météorologie.
Cette hypothèse rendrait ce recueil analogue à ces Nuits de Musset, consacrées à des femmes si évidemment différentes. Comparez la Nuit d’octobre, où le poète maudit celle qui l’a trahi : Et dans cette source amère Du moins, je me laverai Et j’y laisserai, j’espère, Ton souvenir abhorré… Et celle de Décembre, où il s’écrie : Ah ! […] Toutes les nuits, deux de ses élèves le veillent.Ils reviennent pour lui tenir compagnie : « Où en êtes-vous ? […] Il écrit pour ces autres âmes dont je parlais tout à l’heure, pour leur insuffler la flamme dont il est dévoré, pour les éclairer de la lumière qui s’est allumée, en lui et devant lui, dans cette nuit du lundi 23 novembre 1654, dont le papier trouvé dans son habit, après sa mort, nous garde le témoignage. […] Musset a dit bien justement, dans sa célèbre apostrophe à Voltaire : Il est tombé sur nous, cet édifice immense Que de tes larges mains tu sapas nuit et jour.
La nuit, le 21 février, malgré la foule qui hurlait devant la maison et à qui Armande Béjart jeta par la fenêtre mille livres pour l’apaiser, la bière de Molière portée à bras, fut enlevée de la maison mortuaire et, sans être présentée à l’église, dirigée par la rue Montmartre vers le cimetière. […] Le 5 août 1667, Tartuffe fut donné pour la première fois, mais le lendemain, au moment où la pièce allait commencer, et devant une telle affluence que des dames de la cour avaient été forcées, pour trouver de la place, de monter aux troisièmes loges, un ordre arriva portant défense de par le premier président du Parlement de jouer la pièce : « Monsieur le premier président ne voulait pas qu’on le jouât33. » Et, éternelle sottise des censeurs, à l’heure même où l’on supprimait, où l’on voulait étouffer cette œuvre virile, honnête et fière, on laissait représenter sur le Théâtre-Italien je ne sais quelle farce grotesque et graveleuse, Scaramouche Hermite, dans laquelle un moine montait, la nuit, par une échelle, dans la chambre d’une femme mariée, et revenait de temps à autre à la fenêtre annoncer au public qu’il prenait soin de « mortifier la chair » : — Qu’esto é per mortificar la carne ! […] C’est à peine si le critique place le magnifique auteur des Nuits un peu au-dessus de Brizeux ou des deux Deschamps. […] Ce Baron « l’homme à bonnes fortunes » est celui-là même qui allait réclamer son bonnet chez une grande dame qui semblait le méconnaître après avoir passé la nuit avec lui.
Ceci est une descente facile dans la nuit, facilis descensus Averni. […] Évitez tous ceux qui dorment mal et qui sont éveillés la nuit ! […] Il faut trouver dix vérités pendant le jour ; autrement tu chercheras des vérités pendant la nuit et ton âme restera affamée. Dix fois dans la journée il faut rire et être joyeux ; autrement tu seras dérangé la nuit par ton estomac, ce père de l’affliction. […] Quand vient la nuit, je me garde bien d’appeler le sommeil.
Il me suffit d’entrevoir qu’il ressortira infailliblement de tous ces conflits de vigoureuses et puissantes originalités, pour attendre ce terrible mais glorieux lendemain, en dormant provisoirement quand vient la nuit sur mes deux oreilles. […] Durant les longues nuits du dortoir, ces spectres avaient agité leur sommeil, enflammé leur cœur de haine et d’amour, de jalousie et de dévouement. […] En fait d’inventions merveilleuses, les Mille et Une nuits seront toujours supérieures aux romans à la douzaine.
Il commençait à faire nuit quand je suis arrivé… Nous sommes revenus pied par le bois de Boulogne.
Aratus que vous rappelez est précisément celui d’après lequel j’ai rêvé Spendius ; c’était un homme d’escalades et de ruses qui tuait très-bien la nuit les sentinelles et qui avait des éblouissements au grand jour.
Ce qui remplit désormais ma vie, c’est mon affection pour ma femme ; elle me tient lieu de tous les autres liens ; elle ne me laisse désirer ni regretter aucune autre société… Je ne fais plus d’efforts pour plaire aux autres… C’est ainsi que le bonheur lui-même nuit peut-être à notre perfectionnement. » Il avait raison ; pas trop de bonheur, pas tant de plénitude conjugale et domestique, pas de béatitude, qui que vous soyez, artiste ou philosophe, si vous voulez avoir encore de l’aiguillon.
Pour couronner le tableau des qualités domestiques chez Mme Roland, il ne faut plus que rappeler le début de cette autre lettre écrite à Bosc, de Villefranche : « Assise au coin du feu, mais à onze heures du matin, après une nuit paisible et les soins divers de la matinée, mon ami à son bureau, ma petite à tricoter, et moi causant avec l’un, veillant l’ouvrage de l’autre, savourant le bonheur d’être bien chaudement au sein de ma petite et chère famille, écrivant à un ami tandis que la neige tombe, etc. » A côté de ces façons d’antique aloi, de ces qualités saines et bonnement bourgeoises, osons noter l’inconvénient ; à défaut du chatouillement aristocratique, la jactance plébéienne et philosophique ne perce-t-elle pas quelquefois ?
Chaque trait s’ajoute à son tour, et prend place de lui-même dans cette physionomie qu’on essaye de reproduire ; c’est comme chaque étoile qui apparaît successivement sous le regard et vient luire à son point dans la trame d’une belle nuit.
Au tome second des Œuvres choisies de La Monnoye (page 296), on lit un récit détaillé de cette mort de Santeul par La Monnoye ; témoin presque oculaire ; rien n’y vient ouvertement à l’appui du dire de Saint-Simon : Santeul s’était levé le 4 août, encore gai et bien portant ; il ne fut pris de ses atroces douleurs d’entrailles que sur les onze heures du matin ; il expira dans la nuit, vers une heure et demie.
déchargeons autant que possible la magistrature, — cette magistrature si respectable, si méritante, si indispensable et si vigilante à chaque heure du jour et de la nuit, si digne de reconnaissance dans le cercle étendu de ses justes attributions, — déchargeons-la le plus possible d’une responsabilité de cette nature, sujette à tant d’écarts et dont les actes, à distance, font un étrange effet en présence de l’histoire et de la postérité.
Une nuit, quelques vociférateurs allèrent crier sous ses fenêtres, dans la rue de l’Université: Vive Ledru-Rollin !
Les principaux sont ceux de Cassandre, de la Nuit, du Triomphe de l’Amour.
Depuis le départ de Bouchet, les jours et les nuits ont paru longs aux hôtes de Légugé.
L’être innocent, celui qui ne nuit jamais, ne saurait vivre.
Ainsi, aux questions d’Elsa, Lohengrin répond par cette strophe : « Ne respires-tu pas avec moi les suaves parfums de la nuit ?
C’est ce qui explique comment on peut éprouver des sensations sans en avoir conscience (recevoir une blessure dans le feu de la bataille) ; et penser, sans éprouver aucune sensation spéciale, sauf celles de la vie organique (réfléchir dans son lit au milieu du silence de la nuit).
Qui ne s'apperçoit en effet que ses Personnages montrent trop de penchant à discourir ; qu'ils raisonnent le plus souvent, lorsqu'ils devroient agir ; que le Poëte se met indiscrétement à leur place, mal-adresse qui nuit toujours à l'illusion & affoiblit l'intérêt ?
La simple image n’a généralement pas la même force que la perception ; en vain, les yeux ouverts en plein jour, je voudrais voir la nuit : la réalité s’empare de ma conscience, je ne puis m’empêcher de voir clairement le jour.
Celles des amours des Patriarches, de la passion éfrénée de la femme de Putiphar, de la coqueterie de Judith & des propositions brusques que lui fait Holopherne, du crime épouvantable d’Onan, de la facilité avec laquelle Rachel céde Lia à Jacob pour une nuit, y sont relevées comme étant toutes des écueils pour l’innocence.
La science, dit un écrivain déjà cité, peut bien éclairer le monde, mais elle laisse la nuit dans les cœurs ; c’est au cœur lui-même à se faire sa propre lumière.
Pour un poète et pour un critique qui a l’expérience de la vie et qui jette sur les œuvres de la pensée le regard serein d’une maturité pleine et contenue, quelle plus belle place et quelle plus noble attitude que de faire asseoir sa renommée, en lui reployant ses longues ailes, aux pieds d’Homère et de Virgile, — de ce groupe souverain qui couronne le sommet de l’Histoire ; d’être à Virgile à son tour, par l’interprétation de son génie, ce que fut Virgile à Homère, et d’éclairer pieusement d’un flambeau le radieux guide qui conduit à travers les siècles le grand aveugle dans la nuit !
Capefigue de la voix qu’on a quand on chante dans la nuit, trappistes de théâtre, puritains de spéculation et de Bourse, avons-nous bien le droit, au milieu de nos Thébaïdes de plaisir, de nous montrer si impitoyables pour le siècle de nos aïeux ?
La nuit y lutte avec le jour.
« Comme l’aurore naissante a montré son beau visage, lorsque s’en va la nuit sainte, comme paraît le blanc printemps, quand l’hiver se retire, ainsi Hélène aux cheveux d’or a brillé parmi nous, forte et grande.