N’avons-nous pas tous, à vingt ans, vécu de leur vie, vécu de leurs chants ? […] — Vivons dans ces beaux lieux. […] — J’ai bien assez vécu — À Villequier. […] Elle quitta sa famille et son enfant pour aller vivre seule. […] Je ne puis vivre et penser que dans la retraite.
C’est précisément dire qu’il ne vit pas, et l’empêcher de vivre. […] La France n’est pas trente millions d’hommes qui vivent entre les Pyrénées et le Rhin, c’est un milliard d’hommes qui y ont vécu ; et ceux qui sont morts comptant beaucoup plus que ceux qui vivent, car ce sont eux qui ont défriché le champ et bâti la maison ; c’est leur souvenir qui fait la continuité de l’idée de patrie, qui fait que la patrie existe, qu’elle se distingue d’une association d’un jour. […] La tradition nous fait vivre, penser, parler ; mais elle peut se rompre ; nous tendons même à faire qu’elle se rompe. […] Elle vivait déjà de lecture et de parole, c’est-à-dire de pensée. […] A tel moment tragi-comique de sa vie, il s’écrie : « C’est absurde de vivre avec des gens qui ne savent pas dormir !
Elle a bravement vécu, noblement lutté et légitimement triomphé. […] Je mourrai seul, ainsi que j’ai vécu. […] — Vivent les fils ! […] À quoi bon vivrais-je une centaine d’années ? […] Comme il arrive toujours, elle fut combattue : Son père alla vivre à la campagne, près Paris.
Il est impossible, en effet, de séparer ces deux idées ; ce qui est vivant mourra, ce qui est mort a vécu. […] Il n’était donc pas complètement inerte : il vivait obscurément. […] Les végétaux et les animaux vivent identiquement, mais fonctionnent autrement. […] Les êtres inférieurs vivent sans ces appareils, qui ne sont que l’apanage des organisations de luxe. […] En entrant en contact avec les parties, il les rend excitables ; elles ne peuvent vivre qu’à la condition de ce contact.
Mais un instinct lyrique et épique vivait dans l’âme franke des trouvères d’oïl. […] Il dit une seconde fois penser, aimer, admirer, vivre, comme on avait pensé, aimé, admiré, vécu. […] Villiers de l’Isle-Adam a vécu dans le rêve, par le rêve, pour le rêve. […] Et cet esprit, en qui vivait, suprême, presque divin, le pouvoir de l’idéalisation, s’est résigné à l’ironie. […] Il ne savait pas vivre.
À cette époque où l’on vit moins pour écrire qu’on n’écrit pour vivre, qui peut se flatter de durer tout entier ? […] Mais, quand il ne demeurera plus une ligne de toute la prose laudative ou agressive qu’on aura, de nos jours, versée sur ses écrits, ses vers, ses « vers latins » vivront encore. […] Son imagination s’est imprégnée de ces couleurs, et, cessant d’être un étranger, les sentiments dont avaient vécu, dont vivent encore les habitants de ce pays qu’il visitait, se sont, au fil de l’heure, insinués jusqu’au fond de lui-même. […] (Vivez purement, Dieu vous voit.) […] Il a vécu comme tous les hommes, c’est-à-dire qu’il a laissé derrière lui — je prends la formule à Victor Hugo — « plusieurs fantômes de lui-même ».
Le pire est de vivre en un temps qui n’a pas sa maladie nette, sa passion. […] Car il est des esprits si paresseux et si immobiles qu’ils ne feraient pas d’eux-mêmes un pas, quand ils vivraient une éternité. […] Courage, courage pourtant, et nous vivrons ! […] Un homme qui a bien vécu se sent plus libre dans sa solution : l’est-il davantage ? […] Ce ne sont que des arts qui s’allongent et s’amplifient tant qu’ils peuvent pour occuper, faire valoir et faire vivre l’ouvrier.
Il a fait vivre l’âme sous la rose transparence des diaphanes tissus. […] Cette poésie présente d’étroits rapports avec notre époque, avec la société où nous vivons. […] Il épouse une jeune fille auprès de qui il doit vivre sans amour. […] « Vivre ! s’écrie-t-il, vivre tellement que l’on en craint un brisement de son âme.
Est-ce que peut-être pour observer le monde, il en a toujours vécu trop éloigné ? […] de ceux qui n’ont vécu que par et pour la politique ? […] Il vivait encore à l’époque où je faisais cette leçon ! […] je l’ai entendu confesser devant moi des actes dont la honte me poursuit avec obsession… Il feignait de vivre de notre simple et paisible vie, tandis qu’à côté et en silence il en vivait une autre. » Quoi qu’il puisse dire, quoi qu’elle puisse faire, la déchéance est irréparable. […] Renan, s’il eût vécu du temps de Louis XIV, eût composé pour le Dauphin de France l’Histoire universelle.
Le chancelier d’Aguesseau plus calme, qui connaissait le travail de l’abbé Le Grand et qui s’était autrefois confié en ce docte et laborieux personnage pour le projet d’une nouvelle collection des Historiens de France, disait après avoir lu le livre de Duclos : « C’est un ouvrage écrit aujourd’hui avec l’érudition d’hier. » Le fait est qu’en lisant de suite ce récit de Duclos, on n’est point intéressé, on n’entre point avant dans le sujet, on n’y vit point, et il semble dès lors que l’auteur n’y a pas non plus habité suffisamment ni vécu. […] Mais, dès que Louis XI est né, on tire son horoscope, et l’abbé Le Grand nous raconte ce qu’on lui prédit : On prédit qu’il vivrait soixante et dix ans, et qu’il passerait les mers, ce qui s’est trouvé faux. […] L’adroite Chausseraye saisit le moment et répondit au roi « qu’il était bien bon de se laisser tourmenter de la sorte à faire chose contre son gré, son sens, sa volonté ; que ces bons messieurs ne se souciaient que de leur affaire et point du tout de sa santé, aux dépens de laquelle ils voulaient l’amener à tout ce qu’ils désiraient ; qu’en sa place, content de ce qu’il avait fait, elle ne songerait qu’à vivre et à vivre en repos, les laisserait battre tant que bon leur semblerait, sans s’en mêler davantage ni en prendre un moment de souci, bien loin de s’agiter comme il faisait, d’en perdre son repos et d’altérer sa santé, comme il n’y paraissait que trop à son visage ; que, pour elle, elle n’entendait rien ni ne voulait entendre à toutes ces questions d’école ; qu’elle ne se souciait pas plus d’un des deux partis que de l’autre ; qu’elle n’était touchée que de sa vie, de sa tranquillité, de sa santé… ».
Si sur quelques points l’auteur est enclin et entraîné à trop accorder à Henri IV, à le faire plus libéral dans le sens moderne qu’il ne l’était, à donner une trop grande consistance à ce qui n’a été que fort court, à croire qu’il aurait tout fait s’il avait plus vécu, il y a un train général de bien-être et de félicité bien ordonnée pendant ce règne, sur quoi il est pleinement dans le vrai et ne se méprend pas ; et il nous apporte toutes les pièces à l’appui, les démonstrations victorieuses. […] Ce regret venait du soin que ce prince avait eu de les faire vivre en paix37. […] Que serait-il arrivé si Henri IV avait vécu davantage ? […] Au dedans, si Henri IV avait vécu et si quinze années de règne lui avaient été accordées encore, on peut croire que la France se serait de plus en plus assise, aurait mûri (ce qui lui est chose rare) par voie de continuité.
Cet enfant que la vie effaçait de son livre, Et qui n’avait pas même un lendemain à vivre, C’est moi. […] Mme Hugo, femme supérieure, d’un caractère viril et royal, comme dirait Platon, s’était décidée à ne pas voir le monde, et a vivre retirée dans une maison située au fond du cul-de-sac des Feuillantines, faubourg Saint-Jacques, pour mieux vaquer à l’éducation de ses fils. […] L’un et l’autre jeunes, à peu près obscurs, livrés à des convictions ardentes, exagérées, plus hautes et plus en arrière que le présent ; avec un fonds d’ironie sérieuse et d’austère amertume, unique en de si fraîches âmes ; tous deux roidis contre le flot vulgaire, en révolte contre le torrent, le pied sur la médiocrité et la cohue ; examinant, épiant avec anxiété, mais sans envie, les œuvres de leurs rivaux plus hâtés, et sans relâche méditant leur propre gloire à eux-mêmes, ils vécurent ainsi d’une vie condensée, rapide, haletante pour ainsi dire. […] Le général Hugo, qui ne mourut qu’en 1828, vécut assez pour jouir avec larmes de ce trophée tout militaire, que dédiait son fils aux vétérans de l’Empire.
» Et nous, qui dans l’amour consumons nos journées, Nous, qui de nos regards vivrions des années, Nous disons : Ce n’est qu’un moment ! […] Ils devraient souvent y songer, ceux qui vivent dans la fange des villes, dans leur corruption, dans leurs révoltes : à voir ce qu’il faut d’ordre, de résignation, de peines, pour féconder la terre et faire vivre ceux qui l’habitent, ils deviendraient plus calmes peut-être, et meilleurs. […] » Arthur, qui n’est pas un ouvrage composé, ni qui sente le talent de profession, Arthur, qui n’est guère peut-être qu’une suite de débris, de soupirs, de souvenirs et d’espérances, mais où le souffle est le même d’un bout à l’autre, et où l’esprit, vrai parfum, unit tout, sera, nous le croyons, une lecture propice et saine, et reposante, à bien des âmes fatiguées, à bien des palais échauffés, un correctif, au moins d’un moment, à tant de talents plus brillants que sincères, à tant d’enthousiasmes dont la flamme est moins au cœur qu’au front ; Arthur, si l’amitié et trop de conformité intime ne nous abusent, Arthur vivra et conservera le nom de son auteur, qui n’a plus à se repentir littérairement de ses écarts, de sa venue hâtive, de ses plaisirs distrayants et de ses faiblesses paresseuses, puisque, de tant d’imperfections éparses, il lui a été donné un jour (ô nature douée avec grâce !)
Quelque part, à bon droit, qu’on fasse à la vocation singulière et déclarée des talents, ce n’est pas sans une certaine préparation générale et une certaine prédisposition du terroir natal lui-même, qu’à titre d’écrivains français si éminents, on a pu voir sortir de Genève Jean-Jacques, Benjamin Constant de Lausanne, et les de Maistre de Savoie, ceux-ci surtout, qui n’en sont sortis que pour aller vivre tout autre part qu’en France. […] Arrivé dans le Nord, sa première idée fut qu’il n’avait pour ressource que son pinceau, et, comme tant d’honorables émigrés, il se préparait à en vivre ; mais la fortune changea : il put garder l’épée, et, au service de la Russie, il parvint graduellement au rang de général. […] Ce pauvre lépreux, avant d’être à la Cité d’Aoste, vivait à Oneille. […] En parcourant les ouvrages à la mode, il s’est effrayé d’abord, il s’est demandé si notre langue n’avait pas changé durant ce long espace de temps qu’il avait vécu à l’étranger : « Pourtant ce qui me tranquillise un peu, ajoutait-il, c’est que, si l’on écrit tout autrement, la plupart des personnes que je rencontre parlent encore la même langue que moi. » En assistant à quelques séances de nos Chambres, il s’est trouvé bien dérouté de tant de paroles ; au sortir du silence des villas et du calme des monarchies absolues, il comprenait peu l’utilité de tout ce bruit, et l’on aurait eu peine, je l’avoue, à la lui démontrer pour le moment.
Le temps permet aux gens de bien de vivre partout où ils veulent. […] J’en ai quelquefois cependant ; et si mes pensées s’inscrivaient toutes seules sur les arbres que je rencontre, à proportion qu’elles se forment et que je passe, vous trouveriez, en venant les déchiffrer dans ce pays-ci après ma mort, que je vécus par-ci par-là plus Platon que Platon lui-même : Platone platonior. […] Mal connu par ceux-là, méconnu par ceux-ci, il met à notre décharge, dans ses balances équitables, les superstitions et les incrédulités des époques où nous vivons. « Nous vivons dans un temps malade ; il le voit.
XXXI Madame Guyon, cause de toutes ces agitations, sortit de Vincennes après la mort de Bossuet, et vécut reléguée en Lorraine chez une de ses filles. […] « Ce livre de Fénelon, dit Bossuet, qui vivait encore à l’époque de son premier bruit, est un roman. […] Si le duc de Bourgogne avait vécu et si Fénelon avait conservé sur lui l’ascendant que tant d’années d’absence avaient respecté, 1789 aurait commencé en 1715, et la monarchie, réformée, n’eût été que la république chrétienne avec une tête. […] Ainsi vécut et mourut Fénelon.
Ils sont inventés, car ils vivent ; et par quoi vivent-ils, sinon par les beautés du style ? […] Si l’invention dans le poète épique est le don de s’oublier lui-même et de vivre de la vie des personnages qu’il a créés, nul n’était moins fait que Voltaire pour la gloire de l’épopée, parce que nul ne s’est moins oublié dans ses écrits. […] S’il eût vécu en ce temps-là, Boileau l’eût peut-être rendu plus difficile sur la correction ; mais en retour il eût appris à Boileau un idéal de l’élégie et de l’idylle bien autrement aimable que celui de l’Art poétique.
De là ce monde étrange où vit l’enfance, où vivait l’homme primitif. […] Vivre sans un système sur les choses, c’est ne pas vivre une vie d’homme. […] La science, et la science seule, peut rendre à l’humanité ce sans quoi elle ne peut vivre, un symbole et une loi.
Quatre ou cinq camarades logeaient ensemble chez quelque artisan de la ville ; chaque écolier avait avec lui ses provisions pour la semaine, ses vivres qui lui venaient de la maison paternelle : Notre bourgeoise nous faisait la cuisine, et pour sa peine, son feu, sa lampe, ses lits, son logement, et même les légumes de son petit jardin qu’elle mettait au pot, nous lui donnions par tête vingt-cinq sols par mois ; en sorte que, tout calculé, hormis mon vêtement, je pouvais coûter à mon père de quatre à cinq louis par an. […] L’homme qui fait des souliers est sûr de son salaire ; l’homme qui fait un livre ou une tragédie n’est jamais sûr de rien. » Marmontel devint donc, en 1753, secrétaire des Bâtiments sous M. de Marigny, frère de Mme de Pompadour ; dès lors il habita Versailles, et durant cinq années il vécut pêle-mêle et tour à tour avec des artistes, avec des intendants des Menus-Plaisirs, travaillant à sa guise, étudiant à ses heures, et voyant toutes sortes de sociétés qu’il nous peint fidèlement, la société des premiers commis comme celle des philosophes, le financier Bouret comme d’Alembert : Oui, j’en conviens, dit-il, tout m’était bon, le plaisir, l’étude, la table, la philosophie ; j’avais du goût pour la sagesse avec les sages, mais je me livrais volontiers à la folie avec les fous. […] Marmontel modeste, occupé, goûté, s’étant réduit sciemment à des genres secondaires, « à des genres d’écrire dont on pouvait sans peine, disait-il, pardonner le succès », vivait heureux et était même assez sage pour mépriser les critiques qui, de tout temps, l’avaient de loin harcelé. […] Il vécut assez pour voir le 18 Brumaire, mais pas assez pour entrer dans le nouveau siècle ; il expira avec celui même qui finissait, et dont il représente si bien les qualités moyennes, distinguées, aimables, un peu trop mêlées sans doute, pourtant épurées en lui durant cet honorable déclin.
Ce moment est décisif dans la vie de Voltaire, et signale en effet son véritable avènement à la monarchie littéraire universelle : il règne et régnera durant les vingt années qui lui restent encore à vivre ; mais nous n’avons aujourd’hui qu’à le suivre dans sa relation avec le président de Brosses avec qui il est entré en affaires d’intérêts. […] J’ai de quoi vivre sans Tourney, et j’aime mieux y laisser croître des ronces que d’y être persécuté. […] Au moment le plus vif de la contestation, il poussera la bouffonnerie et la parodie jusqu’à dire : « J’ai fait le bien pour l’amour du bien même, et le ciel m’en récompensera ; je vivrai longtemps, parce que j’aime la justice. » On ne peut tout dire en détail, et il faut bien en venir à la plus grosse et à la misérable affaire qui fit la rupture. […] J’ai si peu de temps à vivre, que je ne dois point craindre la guerre. » J’abrège ces ignominies.
Il ne se dit jamais avec la douce sagesse que devrait avoir un homme qui a médité sur la montagne et qui a vécu au désert : « Les vieilles religions sont comme les vieux arbres : il y a des milliers de familles innocentes d’oiseaux qui y font leurs nids47. » Au reste, il y a dans tout ceci à faire la part du siècle et du moment ; elle est immense. […] Je le laisse parler lui-même le plus que je peux ; c’est le meilleur moyen de le faire connaître, car on le lit bien peu aujourd’hui : Lorsqu’en 1783, écrit-il, je partais de Marseille, c’était de plein gré, avec cette alacrité, cette confiance en autrui et en soi qu’inspire la jeunesse : je quittais gaiement un pays d’abondance et de paix pour aller vivre dans un pays de barbarie et de misère, sans autre motif que d’employer le temps d’une jeunesse inquiète et active à me procurer des connaissances d’un genre neuf, et à embellir, par elles, le reste de ma vie d’une auréole de considération et d’estime. […] On raconte qu’un jour Marmont, gouverneur d’Alexandrie, eut l’idée d’envoyer quelque présent de fruits et de vivres à l’amiral anglais qui était en vue et qui bloquait la mer. […] À quelqu’un qui, vivant à la campagne, regrettait la ville, Volney racontait une anecdote de Diderot, qui avait au château de Meudon une jolie chambre où il n’allait jamais, et qui répondait un jour à Delille en refusant de la lui céder : « Mon cher abbé, écoutez-moi ; nous avons tous une chimère que nous plaçons loin de nous ; si nous y mettons la main, elle se loge ailleurs ; je ne vais point à Meudon, mais je me dis chaque jour : J’irai demain ; si je ne l’avais plus, je serais malheureux. » — Vous, Monsieur, qui vivez à la campagne, continue Volney, vous avez placé votre chimère à la ville ; mais que l’exemple de Diderot vous serve.
L’âme qui était en cet acteur, le cœur qui a vécu derrière cet esprit, il les exige et les réclame ; et s’il ne peut recueillir tout cet être moral, toute la vie intérieure, il commande du moins qu’on lui en apporte une trace, un jour, un lambeau, une relique. […] Ce sera dans la communion de cette inspiration d’un temps, sous la possession de son charme et de son sourire, que l’historien arrivera à vivre par la pensée aussi bien que par les yeux dans le passé de son étude et de son choix, et à donner à son histoire cette vie de la ressemblance, la physionomie de ce qu’il aura voulu peindre. […] Ses traditions circulent, ses idées vivent, ses aspirations s’agitent, son génie lutte dans le monde contemporain. […] Trois volumes, si nous vivons, suivront ce volume de La Femme au xviiie siècle.
Les autres vivent, mais vivent peut-être en sentant, au fond de leur supériorité troublée, que l’histoire de ceux qui sont morts sera prochainement leur histoire. […] Si un talent pareil, sans grand ressort naturel, comme on vient de le voir, s’anime donc quelque part, et se met à vivre, comme dans cette histoire littéraire de la Restauration, par exemple, avec une intensité qui étonne, il faut chercher, dans la loyauté des convictions et la profondeur des croyances, le secret de cette vie soudaine et de cette inspiration sur laquelle, avec le talent, un peu cotonneux de l’auteur, on n’était pas en droit de compter. […] Mais, chez nous, chez nous qui vivons dans l’intimité de notre propre littérature, pour qu’on se croie le droit de toiser les hommes et les œuvres, il faut, si on n’est pas un maître, en savoir pourtant un peu plus long que le premier venu littéraire, il faut une personnalité.
Sans doute elles étaient là pendant la veille, mais nous en étions alors distraits par l’action, nous vivions extérieurement à nous-mêmes : le sommeil nous a fait rentrer en nous. […] Sans doute ils n’ont plus la même précision ; mais en revanche ils retrouvent beaucoup d’impressions « subjectives » qui passaient inaperçues pendant la veille, quand nous nous mouvions dans un monde extérieur commun à tous les hommes, et qui reparaissent dans le sommeil, parce que nous ne vivons plus alors que pour nous. […] Ils s’attirent l’un l’autre, et le souvenir-fantôme, se matérialisant dans la sensation qui lui apporte du sang et de la chair, devient un être qui vivra d’une vie propre, un rêve. […] Cela c’est veiller, c’est vivre de la vie psychologique normale, c’est lutter, c’est vouloir.
Chateaubriand, au moins, s’étudiait lui-même et étudiait la société dans laquelle il vécut. […] Ils vécurent si unis, fondant leurs styles et leurs pensées, que le public les prenait pour un seul écrivain. […] Si l’on songe à la manière de vivre de la génération qui précéda Zola, on sera frappé du contraste. […] Si le prêtre vit de l’autel, pourquoi le romancier ne vivrait-il pas du roman ? Supposons qu’il n’ait pas besoin pour vivre du produit du roman ; l’argent n’est-il pas à apprécier, puisqu’il est la marque évidente qu’il a un public ?
C’est le portrait d’un homme de cinquante ans, et qui a vécu. […] Grâce à eux, je ne me suis pas trop aperçu de la disgrâce où nous vivons. […] Il y fut aidé par la préoccupation exclusive où il vivait de son art. […] Il lui fallait d’autres raisons de vivre que celles que lui avait fournies le « culte du Moi ». […] Balzac y vécut de 1840 à 1847.
S’ils vivaient assez vieux malgré tant de traverses, ils étaient récompensés par la plus belle joie, celle de voir leurs idées s’imposer à la vie. […] Les moins habiles d’entre les romantiques ressemblent à ces ténors d’opéra qui, sur la scène, vivent et meurent sans jamais perdre de vue le chef d’orchestre. […] Shelley, en toute simplicité, en toute spontanéité, a vécu dans la nature, toujours. […] Rien n’égale leurs audaces, sinon le plaisir qu’ils ont de les projeter sur l’univers ; ils vivent de mirages éperdus. […] vivent peut-être encore après ce que nous appelons la mort.
Camille Doucet récipiendaire, a pu dire avec une finesse heureuse : « Tout à l’heure, Monsieur, vous exprimiez le regret de n’avoir point vécu dans la familiarité de M. de Vigny. Consolez-vous, personne n’a vécu dans la familiarité de M. de Vigny, pas même lui. » Mais M. de Vigny manquait de mémoire le jour où il écrivait cette note, et je puis dire que je le connaissais alors et l’avais étudié assez à fond, comme poète du moins et comme artiste.
Victorin Fabre, ainsi grandi par ses maîtres, s’enferma de bonne heure et vécut toujours dans un cercle d’illusion. […] Il essaya, dans les années suivantes, diverses fondations, celle d’un recueil périodique, la Semaine, qui n’eut pas de durée, et finalement la Tribune, qui vécut, mais lui échappa.
S’il le veut, il y a en lui l’étoffe d’un romancier actuel, fécond et vrai ; son mauvais goût (car il en a) n’est que dans le détail ; ainsi, il reproduit trop par moments le jargon psychologique du maître ; il a des redoublements de bel esprit dans ses analyses, des drôleries et trivialités métaphoriques dans ses portraits, qui déplaisent au passage, mais sans avoir le temps de rebuter ; il a une multitude d’allusions dont un trop grand nombre, pour ceux qui ne vivent pas tout à fait de cette vie du jour, sont déjà subtiles et obscures. […] Le rôle de Marillac surtout est une création heureuse, et qui mérite de vivre après que l’original aura disparu.
Aujourd’hui que trois cent soixante-cinq jours, c’est-à-dire, par le temps où nous vivons, trois cent soixante-cinq événements, nous séparent du roi tombé ; aujourd’hui que le flot des indignations populaires a cessé de battre les dernières années croulantes de la restauration, comme la mer qui se retire d’une grève déserte ; aujourd’hui que Charles X est plus oublié que Louis XIII, l’auteur a donné sa pièce au public ; et le public l’a prise comme l’auteur la lui a donnée, naïvement, sans arrière-pensée, comme chose d’art, bonne ou mauvaise, mais voilà tout. […] tout est toujours possible à tous les moments donnés, et jamais plus de choses ne furent possibles qu’au temps où nous vivons.
dès que Henri III eut commencé à vivre de regime, on le vit rarement malade… etc. […] Comme nous changeons d’air en voïageant, à peu près comme nous en changerions si l’air du païs où nous vivons s’altéroit, l’air d’une contrée nous ôte une partie de notre appetit ordinaire, et l’air d’une autre contrée l’augmente.
Il s’imagine qu’elle ne donne pas que la joie de ses beautés aux yeux qui la contemplent et la pureté de ses voluptés à, nos âmes, mais, de plus, encore, la force à nos esprits et à nos cœurs pour vivre non plus tête à tête et cœur à, cœur avec elle, mais pour vivre mieux avec les hommes et être plus dispos et plus prompt à toutes les charges du devoir !
Prise dans son ensemble, bien entendu, la littérature qui ne grandit pas s’amoindrit ; et la nôtre, depuis la mort de Chateaubriand, de Ballanche, de Balzac, de Stendhal-Beyle, depuis des vieillesses plus tristes que la mort même, et dont nous ne nommerons pas les titulaires, puisqu’ils vivent encore, la nôtre a trop rappelé sans interruption ce que devint la littérature anglaise après la resplendissante époque des Byron, des Burns, des Coleridge, des Crabbe, des Sheridan, des Shelley et des Walter Scott. […] Louandre n’a été ni assez philosophe ni assez poète ; il a été de l’entre-deux, et c’est dommage… Car, s’il avait pris les choses seulement par le côté poétique, il aurait pu nous donner un livre où la science du chroniqueur et de l’antiquaire se serait mêlée à ce qui fait vivre les livres plus que la science elle-même : le style, la couleur, l’émotion !
Il veut faire vivre ensemble toutes les finesses : il croit plaire au gouvernement par tout ce qu’il dit de son chef ; bourgeois de Paris aux bourgeois de son département, par un regain d’opposition toujours chère à la bourgeoisie ; et à ses collègues par toutes sortes d’amabilités. […] Spirituel dans une certaine mesure, frotté d’esprit plu ; encore que spirituel par les gourmets intellectuels avec lesquels il a vécu, comme un crouton est frotté d’ail, riche, facile, ayant des goûts fastueux, une bonne table surtout, l’autel des illusions et de la fédération universelle, Véron, avec de la tenue et du silence, aurait pu passer pour un esprit politique.
Quant à l’autre partie de l’homme, qui est l’âme, les poètes théologiens la placèrent dans l’air, chez les Latins anima ; l’air fut pour eux le véhicule de la vie, d’où les Latins conservèrent la phrase animâ vivimus, et en poésie, ferri ad vitales auras, pour naître ; ducere vitales auras, pour vivre ; vitam referre in auras, pour mourir ; et en prose animam ducere, vivre ; animam trahere, être à l’agonie ; animam efflare, emittere, expirer ; ensuite les physiciens placèrent aussi dans l’air l’âme du monde.
« Cher Harmodius, tu n’as pas cessé de vivre ! […] Maintenant ils sont impérissables ; et, si nous n’avons pas l’Anacréon que lisait Horace, le nom du moins et quelque chose du poëte vivront toujours.
Sa timidité, sa réserve, cette pensée chez elle arrêtée qu’une femme doit vivre cachée, étendirent sur ses rares qualités un voile que bien peu soulevèrent. […] Bousier. — Et de quoi vivrais-je, alors ? […] Vivre avec sa pensée, n’en rien laisser sortir qui ne soit conforme à une certaine idée que l’on ait en propre, c’est pour nous une règle de vie, c’est un devoir. […] J’ai renoncé à vivre par moi-même, et je crois tellement en la Providence que je me confie en quelques amis plus riches que moi. […] Ils ne demandaient qu’à vivre, et leur part de bonheur, leurs songes d’avenir, ils les ont donnés pour cet autre rêve, la Patrie !
Ce n’était pas la peine de discuter avec de petites gens qui ont l’impertinence de vouloir vivre. […] Il a vécu dans les antichambres. […] Le galant, pour toute besogne, Avait un brouet clair : il vivait chichement. […] Un grand gouvernement systématique et complet qui vit de ses sujets et fait vivre ses fonctionnaires, forme le réservoir où affluent toutes les bonnes choses ; et c’est là que les habiles vont puiser, quel que soit le régime. […] D’abord, vous voyez la grosse cité, les gras bourgeois mangeurs et bruyants (en ce temps-là il y en avait encore), qui partent pour la bataille, le visage frais et fleuri, avec force vivres dans leur bissac.
Je vivrai donc toujours puissant et solitaire ? […] c’est le droit qu’il aurait de vivre. — La cause ? […] — Écrit pour vivre ! […] Et j’ai aussi votre orgueil, mon père, qui fait que je ne le dis pas. — Mais vous qui étiez vieux et qui saviez qu’il faut de l’argent pour vivre, et que vous n’en aviez pas à me donner, pourquoi m’avez-vous créé ? […] — Eh bien, je vivrai !
Tâchons de reconstituer en elle la série des étapes qui aboutissent à cet effet particulier de condensation poétique, grâce à quoi l’on enferme, en la traduisant, une émotion vécue. […] Merveilleuse puissance de l’émotion vécue, ou sinon vécue, recréée par une imagination sympathique correspondante ! […] Qu’il y ait correspondance entre la vie vécue et l’art créé, c’est alors un rythme magnifique, donnant satisfaction à l’Idéal que nous portons en nous. […] Prétendre enlever à la femme toute raison de vivre, quand l’heure fatale a marqué la dernière étape de la vie, c’est trop délibérément s’insurger contre des lois inéluctables et pourtant providentielles ! […] Bien que frappé avant la vieillesse, il vécut assez pour voir s’épanouir chez une enfant de son sang des dons littéraires qui venaient confirmer le sens du dicton : Bon sang ne peut mentir.
Voilà trop longtemps que nous vivons sur le vocabulaire romantique ! […] S’il eût vécu, aujourd’hui ce serait l’incontesté maître de la jeunesse ; il est notre adoré frère aîné. […] Mais il faut vivre ! […] … Il faut vivre, vous dis-je. […] Qui vivra verra.
Ce qui est certain, c’est que l’éducation de Louise fut fort soignée, qu’elle vécut dans les loisirs et les honnêtes passe-temps ; elle apprit la musique, le luth, les arts d’agrément, les belles-lettres, sans négliger pour cela les travaux d’aiguille, et enfin elle associait à ces goûts divers, déjà si complets chez une femme, les exercices de cheval et des inclinations passablement belliqueuses. […] Elle avait environ vingt-neuf ans à la date de cette publication ; elle vécut jusqu’en 1566, et mourut à l’âge où les cœurs passionnés n’ont plus rien à faire en cette vie, ayant vu se coucher à l’horizon les derniers soleils de la jeunesse. […] Une muse tendre qui a vécu quelque temps sous le même ciel et qui en a respiré l’influence, Mme Valmore, s’est rendue l’écho de cette tradition vaguement charmante sur elle dans les vers suivants, qui sont dignes de toutes deux : …………….. […] Louise Labé n’est leur type sous aucun point de vue, et Mlle de Lespinasse pas davantage. » Ce que je puis dire seulement, c’est que j’ai parlé d’après quelques exemples à moi connus et d’après l’impression de personnes qui ont elles-mêmes vécu à Lyon ; je suis loin de prétendre que les femmes de la société lyonnaise proprement dite soient ainsi ; j’ai eu en vue celles de toutes les classes, et même au-dessous de la bourgeoisie. […] si j’estois en ce beau sein ravie De celui-là pour lequel vais mourant ; Si avec lui vivre le demeurant De mes courts jours ne m’empeschoit Envie ; Si m’acollant me disoit : Chère Amie, Contentons-nous l’un l’autre, s’asseurant, Que jà tempeste, Euripe, ne courant, Ne pourra desjoindre en notre vie ; Si de mes bras le tenant acollé, Comme du lierre est l’arbre encercelé, La Mort venoit, de mon aise envieuse, Lors que souef plus il me baiseroit, Et mon esprit sur ses lèvres fuiroit, Bien je mourrois, plus que vivante, heureuse !
Sans plus donc chercher à la déplacer en idée et à la transporter par delà les lointains de l’horizon, nous allons l’envisager et la suivre dans ce qu’il lui a été permis d’être au jour qu’elle a vécu. […] Leurs ambassadeurs étaient eux-mêmes un des ornements essentiels de la philosophie et de la conversation française : on se rappelle sur quel pied distingué y vivaient le baron de Gleichen, ambassadeur de Danemark, et celui de Suède, le baron de Creutz. […] J’ai souvent réfléchi aux causes qui font que tous ceux qui vivent dans le grand monde finissent par se détester les uns les autres, et meurent presque tous en calomniant la vie. […] qui n’a pas, en voyant cette journée du Ciel, vécu avec nous de toutes les espérances ? […] Il n’aurait pas fallu non plus que Mme de Krüdner, même en venant au treizième siècle, eût vécu trop avant dans ce siècle et jusqu’au moment où des mystiques commencèrent de prêcher l’Évangile éternel ; son imagination, toujours périlleuse, aurait pu s’échapper de ce côté, si voisin de la pente de ses rêves.
C’est d’elle que nous continuons de vous entretenir aujourd’hui en feuilletant jusqu’à la fin cette correspondance et ce journal intime de cet ange terrestre qu’on appelait Eugénie de Guérin, ce saint Augustin des femmes, seulement un saint Augustin sans péché, dont les larmes ne furent point de l’expiation, mais des effusions du cœur, effusions tantôt d’enthousiasme pour Dieu, tantôt de pitié pour ses créatures, tantôt d’admiration pour la nature, et qui ne vécut comme la fleur de l’herbe des champs que pour verser sa douce odeur sous les pieds de son père, de son frère et de ses amis. […] C’était une infection, une misère, des haillons pourris, des poux : vivre là ! […] « Tous les soirs je lis quelque Harmonie de Lamartine ; j’en apprends des morceaux par cœur, et cette étude me charme et fait jaillir je ne sais quoi de mon âme, qui me transporte loin du livre qui tombe, loin de ceux qui parlent auprès de moi ; je me trouve où sont ces esprits qui balancent les astres sur nos têtes, et qui vivent de feu comme nous vivons d’air… » VIII Son père l’interroge quelquefois sur ses occupations solitaires dans sa chambre : elle lui lit pour le contenter quelques passages insignifiants de ses notes, mais elle lui dérobe tout ce qui pourrait l’affliger. […] Voilà le mal de voir et de vivre, c’est de laisser toutes les plus jolies choses derrière. » XXXII La pensée de l’état de son frère devenu sa propre pensée la suit toujours.
C’est là que je vivais à quinze ans entre un père militaire, une mère jeune encore et belle comme la mémoire mal voilée de son matin, et cinq sœurs groupées autour d’elle selon leurs âges différents comme des anges échelonnés sur les degrés de l’échelle de Jacob. […] Dans un de ces entretiens, il nous raconta qu’il allait bientôt paraître un volume du poésies dont il avait connu intimement l’auteur ou plutôt l’éditeur à Lauzanne. — Ce chevalier français, nous dit-il, était lieutenant-colonel d’un régiment de cavalerie émigré licencié, et vivait habituellement avec sa femme dans un modeste village des environs de Liége. […] Clotilde venait de perdre sa mère, elle vivait dans sa terre de Vessau aux bords de l’Ardèche. […] Plus ne vivrons que par des soubvenirs : Bien qu’Aurora de plours l’herbette arroze, Prou se complaist en son char de saphyrs ; Songe à Tython, quand veoit la jeune roze S’espandyssant aux souffles des zéphyrs… De vray, me duict le tourment où me livre Plus que son heur : car enfin que l’y siert Remémorer ung que ne peult revivre ? […] Me fend le cœur ta plaincte langoureuse ; Et moinz barbare estoit de t’immoler, Que te forcier vivre ainsy douloureuse !
Chamfort qui s’en moquait en vécut ; Rivarol les rechercha, et n’oublions jamais que si la Bérénice de Racine est un chef-d’œuvre écrit sur commande, le discours de Rivarol sur l’Universalité de la langue française a été écrit en vue d’un prix littéraire. […] Tant qu’il y aura, d’une part, un magazine soucieux de faire autour de son titre une publicité flatteuse, et d’autre part, des dames ou des messieurs écrivains ravis de disposer de quelque influence auprès de leurs jeunes confrères, aucune condamnation portée en vertu des principes supérieurs ne fera que les prix littéraires aient vécus. […] Relativement à ce qui est, à ce que nous n’avons pas voulu, il n’est pas trop fou de penser qu’un prix n’est humiliant pour un écrivain enclin à vivre autrement qu’il fut assidu à l’école, que dans la mesure où il le sollicite, où il le pourchasse. […] Le poète peut composer en accomplissant une besogne pour vivre. […] Il faut vivre dangereusement.