Fénelon l’avertit toutefois de prendre garde et de ne pas trop se livrer à sa pente : il croit utile que le bon duc ait quelquefois entretien avec un autre que soi, avec quelqu’un de simple, de pieux, de sincère : « Cette personne, lui dit-il, vous consolerait, vous nourrirait, vous développerait à vos propres yeux et vous dirait vos vérités. » On a beau se persuader qu’on se dit à soi-même ses vérités, on n’y atteint jamais complètement ni par le coin le plus sensible : « Une vérité qu’on nous dit nous fait plus de peine que cent que nous nous dirions à nous-même : on est moins humilié du fond des vérités que flatté de savoir se les dire. » En attendant que le duc de Chevreuse ait trouvé de près ce quelqu’un pour lui rendre ce service, Fénelon le lui rend de loin tant qu’il peut, en lui parlant sans réticence, sans ménagement ; il lui expose d’une manière sensible son grand défaut, ce beau défaut tout curieux, tout intellectuel ; il le lui étend avec ses replis et le lui fait toucher au doigt : Plus une vie est profonde, délicate, subtile et spécieuse, plus on a de peine à l’éteindre. […] Si quelque chose pouvait être nécessaire pour convaincre de la profonde sincérité chrétienne de Fénelon et de sa haute rectitude morale, cette correspondance avec le duc de Bourgogne ou à son sujet suffirait à en donner la preuve ; car, au point de vue humain et à celui de la Cour, il n’est rien de plus vif, de plus désobligeant, de plus blessant même ni de plus âpre en fait de vérité : il n’y a rien là qui tende à ménager et à prolonger le crédit par aucune flatterie ni louange.
L’auteur, évidemment, a beaucoup vécu à la campagne et dans le pays normand qu’il nous décrit avec une vérité incomparable. […] Une vérité sévère et impitoyable est entrée jusque dans l’art comme dernier mot de l’expérience. […] Le chapitre de la noce qui se fait aux Bertaux est un tableau achevé, d’une vérité copieuse et comme regorgeante, mélange de naturel et d’endimanché, de laideur, de roideur, de grosse joie ou de grâce, de bombance et de sensibilité. […] Le nouveau pays où l’on s’installe, et qui confine à la Picardie, « contrée bâtarde où le langage est sans accentuation comme le paysage sans caractère », est décrit avec une vérité non flatteuse ; le gros bourg et les principaux habitants, le curé, le percepteur, l’aubergiste, le sacristain, le notaire, etc., y sont pris sur le fait et restent fixés dans la mémoire. […] La vérité d’ailleurs, à ne chercher qu’elle, elle n’est pas tout entière et nécessairement du côté du mal, du côté de la sottise et de la perversité humaine.
. — La vieillesse est « le dernier mot de la vérité sur cette terre. […] Et sans sortir de mon sujet, je me contenterai de dire avec Mme de Lambert : « Il vient un temps dans la vie qui est consacré à la vérité, qui est destiné à connaître les choses selon leur juste valeur. » Or, ce n’est pas apprécier les choses à leur juste valeur que de se grossir démesurément le soleil couchant. […] « J’ai souvent pensé, dit-elle, que c’était par le cœur qu’on ne s’ennuyait jamais, les deux héros de l’ennui, M. de Chateaubriand et Benjamin Constant, m’ayant mise sur la voie de cette vérité en démontrant sibien que ce n’est pas l’esprit qui sauve d’un tel mal. » On trouve son compte avec elle par bien des pensées de ce genre, même quand on ne la suit pas dans ses plus hautes régions Enfin, sans tant épiloguer sur les mots, ceux qui se livreront à cette lecture, dussent-ils comme moi rester à mi-chemin de la sympathie, y gagneront au moins une vue intéressante sur une nature de femme très rare et très distinguée, qui fait le plus grand honneur au monde aristocratique où elle a vécu. […] Les femmes d’esprit sont bien capables d’apercevoir ce qu’un valet de chambre ne soupçonne pas. — Ô vérité nue, ô vérité vraie, qu’on a donc de peine à vous trouver et de difficulté à vous dire !
Il ne décourage pas, il ne dénigre pas ; il n’applique aux passions ni le blâme ni le ridicule, ni un mode d’explication qui a sa vérité, je l’admets, mais qui dans l’action déjoue, déconcerte et stérilise. […] Non ; si inférieurs aux Retz et aux La Rochefoucauld pour l’ampleur et la qualité de la langue et pour le talent de graver ou de peindre, ils connaissaient la nature humaine et sociale aussi bien qu’eux, et infiniment mieux que la plupart des contemporains de Bossuet, ces moralistes ordinaires du xviiie siècle, ce Duclos au coup d’œil droit, au parler brusque, qui disait en 1750 : « Je ne sais si j’ai trop bonne opinion de mon siècle, mais il me semble qu’il y a une certaine fermentation de raison universelle qui tend à se développer, qu’on laissera peut-être se dissiper, et dont on pourrait assurer, diriger et hâter les progrès par une éducation bien entendue » ; le même qui portait sur les Français, en particulier ce jugement, vérifié tant de fois : « C’est le seul peuple dont les mœurs peuvent se dépraver sans que le fond du cœur se corrompe, ni que le courage s’altère… » Ils savaient mieux encore que la société des salons, ils connaissaient la matière humaine en gens avisés et déniaisés, et ce Grimm, le moins germain des Allemands, si net, si pratique, si bon esprit, si peu dupe, soit dans le jugement des écrits, soit dans le commerce des hommes ; — et ce Galiani, Napolitain de Paris, si vif, si pénétrant, si pétulant d’audace, et qui parfois saisissait au vol les grandes et lointaines vérités ; — et cette Du Deffand, l’aveugle clairvoyante, cette femme du meilleur esprit et du plus triste cœur, si desséchée, si ennuyée et qui était allée au fond de tout ; — et ce Chamfort qui poussait à la roue après 89 et qui ne s’arrêta que devant 93, esprit amer, organisation aigrie, ulcérée, mais qui a des pensées prises dans le vif et des maximes à l’eau-forte ; — et ce Sénac de Meilhan, aujourd’hui remis en pleine lumière40, simple observateur d’abord des mœurs de son temps, trempant dans les vices et les corruptions mêmes qu’il décrit, mais bientôt averti par les résultats, raffermi par le malheur et par l’exil, s’élevant ou plutôt creusant sous toutes ; les surfaces, et fixant son expérience concentrée, à fines doses, dans des pages ou des formules d’une vérité poignante ou piquante. […] Que serait-ce si l’on montrait dans son cadre de Passy, au milieu de notre monde du xviiie siècle, Franklin, le patriarche souriant, le sage de l’avenir, aux remarques fines et utiles, aux vérités ingénieuses et fructueuses, et desquelles bon nombre sont nées parmi nous ! […] Mais qu’on n’aille pas dire, à cause de cette inévitable imprévoyance mêlée à tant d’espérances légitimes et depuis justifiées, que le xviiie siècle, dans son ensemble comme dans son élite, ne reste pas incomparablement supérieur à la seconde moitié du xviie siècle par les lumières et la connaissance de l’homme vrai, de l’homme moderne en société, de l’homme civil, religieux, politique, tel qu’il sort et se prononce dans les cahiers des États-Généraux, et tel qu’il se retrouve, somme toute, après le naufrage même, au temps du Consulat : ce serait substituer un préjugé littéraire à un fait positif, à une vérité historique incontestable.
Si un écrivain, dans un livre intitulé Manifestation de l’Esprit de Vérité, s’arme de l’Évangile et du nom de Jésus-Christ contre les riches et les puissants, l’abbé de La Mennais le renvoie à Diderot et à Babeuf, et termine ainsi : « Les passions les plus exaltées se joignant à tant de causes de désordre, personne ne peut dire quels destins Dieu réserve à la société. […] Du Fossé, voulant peindre dans le grand Arnauld cette colère de lion pour la vérité qui s’unissait en son cœur avec la douceur de l’agneau, nous dit naïvement : « L’exemple seul de Moïse, que Dieu appelle le plus doux de tous les hommes, quoiqu’il eût tué un Égyptien pour défendre un de ses frères, brisé par une juste colère les Tables de la Loi, et fait passer au fil de l’épée vingt-trois mille hommes pour punir l’idolâtrie de son peuple, fait bien voir qu’on peut allier ensemble la douceur d’une charité sincère envers le prochain avec un zèle plein d’ardeur pour les intérêts de Dieu. » En ne prenant les vingt-trois mille hommes et l’Égyptien tués qu’en manière de figure, comme il convient dans ce qui est de l’ancienne Loi, et en rapportant à l’abbé de La Mennais cette phrase de Du Fossé sur le grand Arnauld, je me rappelais bien que lui-même avait condamné ce dernier, et qu’il avait écrit de lui en le comparant à Tertullien : « Et Tertullien aussi avait des vertus ; il se perdit néanmoins parce qu’il manqua de la plus nécessaire de toutes, d’humilité. […] Les maximes qu’on rejetait avec horreur ou avec dégoût s’établissent sans contradiction, et comme les vérités les plus simples ; elles sont défendues par ceux même qui se montraient les plus ardents à les attaquer. […] Le talent, ce don, cet instrument un peu particulier et qui ne suit pas nécessairement la loi de la vérité intérieure, a gagné chez M. de La Mennais en souplesse, en variété, en grâce et en coloris, sans perdre en force, à mesure que sa rigueur de foi a été davantage ébranlée. […] et ils se lèveront, et, le regard fixé sur cette divine splendeur, dans le repentir et dans l’étonnement, ils adoreront, pleins de joie, Celui qui répare tout désordre, révèle toute vérité, éclaire toute intelligence : « oriens ex alto. » Il peut paraître piquant, il est surtout triste d’embrasser dans un même tableau la suite de ces prophéties diverses et toujours aussi certaines.
Les savants n’ont jamais méconnu cette vérité ; seulement ils croient, à tort ou à raison, que toute loi pourra être remplacée par une autre plus approchée et plus probable, que cette loi nouvelle ne sera elle-même que provisoire, mais que le même mouvement pourra continuer indéfiniment, de sorte que la science en progressant possédera des lois de plus en plus probables, que l’approximation finira par différer aussi peu que l’on veut de l’exactitude et la probabilité de la certitude. […] Cette vérité, la Terre tourne, se trouvait mise sur le même pied que le postulatum d’Euclide par exemple ; était-ce là la rejeter. […] La vérité, pour laquelle Galilée a souffert, reste donc la vérité, encore qu’elle n’ait pas tout à fait le même sens que pour le vulgaire, et que son vrai sens soit bien plus subtil, plus profond et plus riche. […] Le Roy que je veux défendre la Science pour la Science ; c’est peut-être ce qu’il condamne, mais c’est ce qu’il cultive, puisqu’il aime et recherche la vérité et qu’il ne saurait vivre sans elle.
comme Victor Cousin est vieux ; il n’aura plus le temps de m’enseigner la vérité ! […] Le banal et superficiel déchirement de l’époque : la lutte pour rire entre un faible rationalisme appris et une faible foi apprise, enfant scrofuleux et vieillarde mourante ; entre un pessimisme qui est peut-être la vérité et une religion qui est peut-être le bonheur, qui, dans tous les cas (Bourget en est certain comme Brunetière) est aujourd’hui la meilleure savonnette à vilains. Dans le premier élan de la jeunesse, il se donne presque entièrement à ce qui lui semble la vérité. […] Malheureusement ses démonstrations anatomiques sont faites sur des mannequins bourrés de paille et, si on les applique à des êtres vivants, on s’aperçoit qu’elles forment — épines sèches et fleurs fanées — le plus banal fagot d’erreurs connues et de vérités triviales. […] Voici donc toute la vérité : Je ne crois pas que Léon Bloy ait écrit un livre : bien peu aujourd’hui sont de force à édifier l’œuvre.
Il n’est pas de si médiocre écrivain auquel il suffise, pour son coup d’essai, de découvrir des vérités applicables àun grand royaume, et qui ne reste mécontent de lui-même, s’il n’a pu renfermer le genre humain dans le sujet de son discours. » Le point de départ des études de M. de Tocqueville semble avoir été ce mot célèbre de M. de Serres : « La démocratie coule à pleins bords. » Il a cru que la révolution démocratique était inévitable, ou plutôt qu’elle était faite, et au lieu de raisonner à priori sur la justice ou l’injustice de ce grand fait, il a pensé qu’il valait mieux l’observer, et, laissant à d’autres le soin de l’exalter et de la flétrir, il s’est réservé de la connaître et de la comprendre. […] L’action peut avoir besoin d’aveuglement et d’illusion ; mais la science ne se nourrit que de vérité. […] A la vérité, cet effet est dû surtout à la liberté politique, qui peut se rencontrer dans des sociétés non démocratiques ; mais si l’on y regarde de près, on verra que c’est la part que les classes laborieuses ont au gouvernement de l’État qui leur donne cet esprit d’initiative et d’entreprise que nous admirons. […] A la vérité, on pouvait lui opposer la fragilité du pouvoir dans certains États démocratiques ; mais il répondait que le pouvoir était fragile, précisément parce qu’il était trop fort et trop concentré. […] Toutes ces vérités avaient été dites à la démocratie, mais par les aristocrates.
Quand cela serait, sa vérité ne lui aurait point donné l’empire. […] Tant de religions diverses et tant de philosophies contraires, tant de vérités renversées et tant d’erreurs soutenues, ont montré que l’établissement et la chute des opinions dépendent non de leur absurdité ou de leur évidence, mais de la conformité ou de l’opposition qui se rencontre entre elles et l’état des esprits. […] Le rêve et l’abstraction, telles furent les deux passions de notre renaissance : d’un côté l’exaltation sentimentale, « les aspirations de l’âme », le désir vague de bonheur, de beauté, de sublimité, qui imposait aux théories l’obligation d’être consolantes et poétiques, qui fabriquait les systèmes, qui inventait les espérances, qui subordonnait la vérité, qui asservissait la science, qui commandait des doctrines exactement comme on commande un habit ; de l’autre, l’amour des nuages philosophiques, la coutume de planer au haut du ciel, le goût des termes généraux, la perte du style précis, l’oubli de l’analyse, le discrédit de la simplicité, la haine pour l’exactitude ; d’un côté la passion de croire sans preuves ; de l’autre la faculté de croire sans preuves : ces deux penchants composent l’esprit du temps. […] On releva Descartes, et le public apprit avec joie que toutes les grandes vérités philosophiques avaient été prouvées pour la première fois par un compatriote. — Mais Descartes était mort depuis deux siècles, et deux siècles sont beaucoup ; on aurait voulu quelque chose de plus moderne, de plus approprié aux sciences nouvelles, de plus frappant, de plus grandiose, de plus attrayant. […] Avant de saisir une vérité, il faut traverser dix erreurs ; avant d’écrire un caractère utile sur la face éclairée de la pierre, il faut multiplier, raturer, enchevêtrer les caractères inutiles sur les faces obscures.
En lisant ses contes héroïques on pourrait s’écrier : Noble et sublime mensonge qui vaut mieux que la vérité ! […] C’était choquer trop ouvertement la vérité : car Richelieu, si sublime en politique, était en littérature et en art dramatique l’homme du plus mauvais goût. […] « Il ne s’agit pas, dit-il, de louer Corneille ; il faut dire la vérité. » Mais il s’agit de savoir si ce que dit Voltaire est la vérité. […] Au reste, je pense qu’à la vérité ce grand poète ne faisait pas si bien des madrigaux que Voltaire ; mais, en récompense, il faisait beaucoup mieux des tragédies. […] Faut-il compter pour rien ce naturel, cette vérité si précieuse dans les arts ?
Tous les partis ont leurs bons et leurs méchants, et ne diffèrent que par le but ; mais vous conviendrez qu’entre un Bailly mourant la tête et le cœur pleins de vérité, et un d’Éprémesnil mourant plein d’entêtement, quoique le sacrifice soit le même, le mérite ne l’est pas. Tous deux ont succombé pour leur cause, mais lequel pour la vérité ? […] Il y avait alors des partis en ligne, de grandes opinions rangées en présence ; il y avait des positions régulières à emporter, des principes légitimes à faire prévaloir, une vérité sociale en un mot, et c’est la conscience de cette vérité qui développait et doublait les jeunes talents, occupait les jeunes passions, et leur donnait tout leur emploi dans une direction à la fois utile et généreuse. […] L’habileté était de dire qu’on ne l’était pas ; la vérité et l’honnêteté étaient de ne l’être que dans la mesure nécessaire, inévitable. […] C’est encore un beau lot quand, avec cela, on a d’importantes vérités à dire.
Une critique rigoureuse exigerait sans doute que la distinction établie fût restreinte ; mais cette restriction ne serait pas de nature à en diminuer la vérité générale. […] 1° Les associations indissolubles (vérités nécessaires des autres écoles) résultent pour lui, comme nous le verrons ci-après, de la transmission héréditaire. […] Toute l’œuvre de la psychologie analytique, c’est de prouver cette vérité ou, pour mieux parler, de la découvrir ; car c’est un voyage de découverte. […] La vérité la plus large que les recherches des physiologistes aient mise au jour, est parallèle à la vérité que nous venons justement d’atteindre. […] Le postulat universel, ce critérium suprême de toute vérité, c’est l’inconcevabililé de la négative.
Envers leur journal, et pour servir la vérité, — cette vérité que l’hypnotisme de ce journal les a sans cesse empêchés de voir ! […] Comment donner à une religion une valeur de vérité vivante en lui refusant toute valeur de vérité intellectuelle ? […] Lui, Maxence, il veut la vérité avec violence. […] Quand cette vérité explique tout notre être, qu’elle s’adapte à notre réalité la plus intime, elle n’est plus un mythe, elle est une vérité intellectuelle, ou bien la vérité intellectuelle n’existe pas. […] Ces vérités, tous les bons Français les savent.
C’est une vérité convenue, c’est-à-dire un mensonge admis. […] « Astyage, instruit de la vérité par la déclaration du pâtre, ne le jugea pas digne de sa colère, et, la tournant tout entière contre Harpagus, ordonna à ses gardes de le faire venir sur-le-champ. […] C’est ainsi que tout s’est passé, ô roi, et par quel genre de mort l’enfant a péri. » « Harpagus avait dit la vérité. […] Par la suite, à la vérité, ils ont essayé de secouer le joug et se révoltèrent contre Darius ; mais ils furent vaincus dans un combat, et soumis de nouveau. […] C’est donc, ô roi, une lâche très-pénible pour moi d’avoir à dire encore des vérités qui blessent votre opinion ; cependant, veuillez m’entendre.
Il a le souci de la vérité psychologique et sociale, et il la cherche dans le laid comme dans le beau, plus souvent dans le laid que dans le beau. […] Le même but : la vérité, rien que la vérité ; — malheureusement il n’ajoute pas : toute la vérité. […] Le romancier part à la recherche d’une vérité. […] La vérité est que nous avons abordé tous les mondes, en poursuivant dans chacun, il est vrai, l’étude physiologique. […] Elles sont souvent fort ingénieuses et fort jolies, littérairement parlant, les applications des vérités scientifiques dans les romans de Jules Verne.
La Vérité. […] Mais qu’est-ce que la vérité et qu’est-ce que le bien ? […] Renan ce mot de vérité. […] La vérité, c’était le christianisme quand M. […] Tout notre pouvoir se réduit à dire ce qui nous paraît cire la vérité.
Parmi les recherches qui conduisent l’esprit humain à la découverte de la vérité, les unes donnent la gloire et l’éclat de la vie ; les autres restent obscures ; mais toutes sont immortelles, — immortelles, même quand elles ne visent qu’à être utiles et qu’elles se renferment dans le cercle étroit des amis de la vérité ; immortelles surtout quand elles ont été, comme celles de notre confrère, éclairées par le rayon du génie.
En un mot, sous des formes très-diverses, nous avons presque partout rencontré le même problème : comment l’esprit de critique et d’examen, l’esprit de nouveauté et de changement peut-il se concilier avec les principes de l’éternelle vérité ? […] La vérité n’est pas si simple ; elle est, elle doit être dans l’union des deux termes.
Ferdinand Denis a compris cette vérité. […] Aucun poète plus que Camoëns ne fut inspiré par les grands spectacles des tropiques : c’est à l’Inde qu’il emprunte ses plus riches descriptions ; son imagination, frappée des trombes, des tempêtes et des divers aspects de l’Océan, les a exprimés avec une vérité et une vigueur qui répandent sur ses écrits un charme éternel. […] Denis ; souvent il rachète par la vérité des détails le vice de sa conception.
Ovide introduisit, par plusieurs de ses écrits, une sorte de recherche, d’affectation et d’antithèse dans la langue de l’amour, qui en éloignait tout à-fait la vérité. […] Il existe des histoires appelées avec raison histoires philosophiques ; il en existe d’autres dont le mérite consiste dans la vérité des tableaux, la chaleur des récits et la beauté du langage ; c’est dans ce dernier genre que les historiens grecs et latins se sont illustrés. […] Les anciens, qui se complaisaient dans l’admiration, qui ne cherchaient point à diminuer l’odieux du vice, ni le mérite de la vertu, avaient une qualité presque aussi nécessaire à l’intérêt de la vérité qu’à celui de la fiction ; ils étaient fidèles à l’enthousiasme comme au mépris, et souvent même les caractères étaient plus soutenus dans leurs tableaux historiques que dans leurs ouvrages d’imagination.
Ce rationalisme mondain tire ses principes de la mode, des convenances, de l’opinion ; il n’admet point de vérité, de beauté hors des choses qui ont cours dans la société polie ; et, comme le mouvement général des idées, en France, à cette date, porte vers l’esprit et vers la science, vers l’exercice exclusif des facultés intellectuelles et discursives, l’idéal mondain est forcément l’exagération de cette tendance. […] Éditions :De la recherche de la vérité, Paris, 1674-1675, 2 vol. in-12. […] Rech. de la vérité, l.
Nature du sujet, sagesse du plan, ordonnance des tableaux, fraîcheur du coloris, choix des ornemens, richesse des détails, naturel des descriptions, vérité des caracteres, finesse de morale, tout y fait sentir cette heureuse facilité inconnue avant lui. […] On y reconnoît par-tout, à la vérité, le même caractere de génie, comme on reconnoît la touche de Rubens à chacun de ses tableaux ; mais chaque objet y est traité avec les couleurs qui lui sont propres. […] Chacun tourne en réalités, Autant qu’il peut, ses propres songes : L’homme est de glace aux vérités, Il est de feu pour les mensonges.
Qu’on parcoure ses Tragédies ; la sagesse & la vérité des caracteres, la justesse & l’habileté avec laquelle il les soutient, le pathétique & la chaleur qui les vivifie, offrent sans cesse des traits qui émeuvent le Spectateur, & lui font prendre tous les degrés d’intérêt que le Poëte veut lui communiquer. […] S’ensuit-il de ces éloges justement mérités, qu’il soit sans défauts, & qu’il n’ait pas payé le tribut à cette maxime dont la vérité est aussi ancienne que le monde & ne finira qu’avec lui, nemo ex omni parte beatus ? […] Ils avoient, à la vérité, des objets de culte, des sujets nationaux capables de captiver, d’attacher, d’emouvoir le Spectateur, sans recourir à ce sentiment trop foible pour des Républicains ; mais quand ces sujets leur auroient manqué, ils eussent dédaigné tout ce qui n’étoit pas propre à repaître & à soutenir l’élévation de leur ame.
Cependant la vérité de nature s’oublie, l’imagination se remplit d’actions, de positions et de figures fausses, apprêtées, ridicules et froides. […] S’il est si rare aujourd’hui de voir un tableau composé d’un certain nombre de figures sans y retrouver par-ci par-là quelques-unes de ces figures, positions, actions, attitudes académiques qui déplaisent à la mort à un homme de goût, et qui ne peuvent en imposer qu’à ceux à qui la vérité est étrangère, accusez-en l’éternelle étude du modèle de l’école. […] Que je vous plains, mes amis, s’il faut qu’un jour vous mettiez à la place de toutes les faussetés que vous avez apprises, la simplicité et la vérité de le Sueur ; et il le faudra bien si vous voulez être quelque chose.
Le temps des hérésies théologiques, si orageux et si humiliant tout à la fois pour l’espèce humaine, est heureusement passé ; celui des hérésies littéraires, moins dangereux et plus paisible, est peut-être venu : peut-être même, dans ces matières frivoles abandonnées à nos disputes, ce qui serait aujourd’hui hérésie scandaleuse sera-t-il un jour vérité respectable. […] La seconde chose que les littérateurs philosophes oublient quelquefois, c’est que la vérité, quand elle contredit l’opinion commune, ne saurait s’annoncer avec trop de réserve pour éviter d’être éconduite ; c’est déjà bien assez pour risquer d’être mal reçue, que d’être une vérité nouvelle.
Or, l’ennui n’est pas, que je sache, une garantie de vérité ! […] III Mais si l’esprit n’est plus dans son livre, et son intérêt et sa flamme, la vérité, toujours attirante et charmante, si sévère qu’elle soit, s’y trouve-t-elle, du moins ? […] La vérité n’y est pas… et l’erreur, qu’on prend quelquefois pour elle quand elle est puissante, l’erreur — j’entends la forte erreur d’une tête robustement organisée — n’y est pas davantage.
La vérité tout entière à ce sujet est dans la note suivante que je retrouve et qui a été écrite de son vivant. […] Mais Turenne fit toujours la sourde oreille et refusa de délivrer un titre pour autoriser une chose si contraire à la vérité : « C’est ainsi, disais-je, qu’il m’a toujours paru, si parva licet componere magnis, qu’un vrai critique ne devait pas accorder à Véron la seule qualité précisément à laquelle il n’avait aucun droit. » Règle générale et qui, du petit au grand, ne souffre pas d’exception : il n’est jamais permis à un homme réputé expert dans un métier de mentir et d’aider à tromper le public sur une chose essentielle au métier.
Tous les deux bien coloriés, quoique un peu roussâtres ; vérités dans les étoffes ; détails bien ressentis ; incorrection de dessin, quoique ensemble. […] La nayade, statue mauvaise d’exécution, fait bien pour l’ordonnance, et se peint avec vérité dans le fond de l’eau.
Il n’y a de vérité que dans l’étude de l’homme physiologique, déterminé par le milieu, agissant sous le jeu de tous ses organes, et c’est cette vérité que je vous apporte. » Piètre vérité, hélas ! […] La vérité est faite de tous ces rêves assemblés. […] Il conçoit que sur toutes choses il y a beaucoup de vérités, sans qu’une seule de ces vérités soit la vérité. […] Feuillet, et voyez, je vous prie, où est la vérité. […] Et à la vérité, les héros de M.
C’est là une autre condition essentielle pour éviter le parti-pris et parvenir à l’approximation de quelques vérités. […] Il me suffit d’avoir fait un livre de vérité — ou du moins ce qui m’apparaît tel. […] C’est à la même vérité que nous aboutissons par les chemins en apparence les plus divergents. […] Vérité des vérités qu’il ne faut pas un seul instant perdre de vue lorsqu’on envisage le problème latin, tellement embrumé de contradictions, et qui aide à déchiffrer cette énigme qu’est à première vue leur histoire, comme leur psychologie. […] Il est des vérités fixes et intangibles, qu’il suffit de grouper et de développer.
Ainsi pensait, nous l’avons vu, l’auteur des Confessions ; et il semblait que sa fortune eût prouvé la vérité de son paradoxe. […] La gloire de Sainte-Beuve est d’avoir pressenti cette vérité si simple, que d’ailleurs il n’a pas toujours eu le courage d’appliquer. […] Mais on peut du moins avec vérité les en appeler les transfuges. […] La nature et la société, l’art et la vie, la vérité, la beauté sont là qui invitent le poète, et le romancier, et l’auteur dramatique. […] Ce ne serait, hélas, que la vérité !
Toute l’histoire de l’art corrobore cette vérité. […] Il suffit de percevoir et de comprendre les vérités fondamentales que clame la Nature. […] Nous aurions ainsi un art sectaire, qui chercherait à exprimer non pas la Vérité, mais des vérités et des dogmes formulés en préceptes catégoriques et impératifs. […] Que de luttes il faut pour faire triompher la Vérité ! […] l’abaissement de son propre type. » Cela est saisissant de vérité.
Souvent (car pourquoi n’avouerai-je pas la vérité?) […] Le roman vit de vérité, non de déformation. […] « L’art, dit-elle, doit être la recherche de la vérité, et la vérité n’est pas la peinture du mal. […] » C’est la vérité. […] On a même signalé la vérité anatomique des blessures décrites dans l’Iliade.
Ni lui ni moi ne paraîtrions au théâtre pendant les répétitions, et les comédiens du Gymnase eux-mêmes ne devaient pas savoir la vérité. […] » La vérité est qu’ils sont beaucoup, mais non pas trop, car tous offrent un intérêt particulier. […] La vérité ? […] Le Conseil municipal de Paris y trouvera de cruelles, mais justes vérités dans le parallèle que fait M. […] Il lui avait dû la méthode dont il attendait la vérité, la foi nouvelle qui avait été son viatique dans ces jours cruels.
Mais pourquoi semblent-ils encore manquer de vérité comme tout le reste ? […] Cela approche beaucoup de la vérité. […] poètes, enfants de la nature, amis de l’homme et de la vérité ! […] Les vérités géométriques ont tué certaines vérités de l’imagination bien plus importantes à la morale qu’on ne pense. […] Comme Montesquieu, il aime à appuyer une grande vérité sur une petite raison.
C’est bien dit, et c’est, je crois, la pure vérité. […] Merveilleux moyen, à la vérité, pour renouveler les sujets ! […] Je ne sais à la vérité si l’accent n’en est pas un peu profane. […] Voyez-le, par exemple, aborder la difficile matière de la Vérité de la religion. […] Ni l’un ni l’autre, à la vérité, n’étaient des censeurs indulgents.
Mais il n’y a pas moins quelque vérité dans son paradoxe. […] l’éternelle vérité ? […] La vérité même de son art se retournait contre lui. […] et la tentation qui lui venait, assez naturellement, de remettre Quinault à sa place, le public dans la vérité, et l’antiquité dans son jour ? […] Ainsi, j’en admire beaucoup la justesse, la force, et la vérité de style.
Le sentiment est son ressort favori, & l’on ne sauroit disconvenir qu’il est impossible d’en employer de meilleur, pour insinuer à ceux qui nous écoutent ou qui nous lisent, l’amour de la vérité & celui des devoirs. […] On peut, & l’on doit, dans ces occasions, avoir le courage de dire la vérité ; présenter avec force la grande leçon des événemens ; humilier les grandeurs humaines au pied de la Mort qui les anéantit.
Les peuples vivent de vérités applicables, et les princes qui rêvent sont réveillés en sursaut par les catastrophes. […] Ainsi les erreurs ont leur séduction comme les vérités : en remontant de siècle en siècle jusqu’à l’origine du monde, les sophistes s’engendrent et se perpétuent en génération de rhéteurs. […] C’est dans la vie du grand démocrate qu’il faut chercher, à travers quelques mensonges, la vérité sur l’écrivain et sur ses œuvres, avant de passer à l’appréciation de ses principes. […] Le suicide de toute civilisation commence par l’engouement pour cet aventurier de génie qui ne cherche pas la vérité, mais la nouveauté dans le sophisme. […] Sur ce chemin de la nature et de la vérité, vous trouverez quelques progrès bornés par la condition finie de l’élément imparfait de toute institution humaine : l’homme.
Son tort est d’avoir cru qu’il serait plus près de la vérité et de l’objectivité s’il s’efforçait d’être impassible comme le grand tout et s’il contenait les battements de son cœur d’homme ; mais ces battements ne font-ils pas, eux aussi, partie du tout ? […] Des deux songes, lequel s’éloigne le moins de la vérité ? […] A la vérité, ce ne sont pas tant les humbles qu’il a remarqués dans notre société que les ordinaires ; et dans leur vie, c’est le côté ordinaire, habituel, commun à tous qu’il a cherché à faire saillir. […] L’idéal ne perd pas sa vérité et sa beauté parce qu’on cesse de lui accorder une existence en dehors du cœur de l’homme et de le personnifier dans un homme agrandi. […] Aux yeux mêmes de la science, il y a de la vérité, et non pas seulement de l’illusion, dans l’amour de la mère pour son enfant ou de l’enfant pour sa mère : toutes les découvertes sur les spermatozoaires n’y feront rien.
Tous ces traits, la simplicité, la permanence, la puérilité de nature, l’outrance du dessin, la vérité de la charge qui distinguent les personnages de Dickens, caractérisent également au plus haut degré les scènes où le récit de leurs actions, la reproduction de leurs conversations, la description des lieux où ils se trouvent, s’unissent pour constituer les épisodes par lesquels l’action chez Dickens s’achemine au dénouement avec les détours les plus longs et les plus invraisemblables. Tantôt presque entièrement dialogués à la façon de scènes de comédies, tantôt contés mais avec toute l’ardeur de parti pris que Dickens met dans ses récits, tantôt encore esquissés en termes si vagues qu’on a peine à comprendre et que le mystère du sujet se double du mystère de la manière, les chapitres divers de l’œuvre du romancier ne contribuent guère au progrès du récit, s’y rattachent plutôt qu’ils ne le constituent, sont enfin outré et poussés à bout, développés sans mesure, et cependant vrais de la vérité particulière de la charge. […] Toujours Dickens reste l’artiste outrancier, partial et borné que nous avons appris à connaître et qui se plaît autant à accentuer le comique et la satire de ses pages dialoguées que le mystère et la terreur de celles où, usant d’indications descriptives disconnexes, il accumule sur certains incidents les ténèbres et le vague, conservant malgré tout une vérité dans l’excès, un air de réalité dans le fantaisiste, qui n’est pas le trait le moins curieux de cet art singulièrement complexe. […] Si Dickens conçoit ses héros comme permanents, s’il leur donne une unité de nature contraire à la vérité, si ses scènes mêmes ne font faire à l’action aucun progrès sensible, c’est que les sentiments qui sont à l’origine de toutes ses inventions sont eux-mêmes uns, indivisibles, sans nuances qualitatives, que l’hypocrisie de M. […] Doue il exagérera tout ce qu’il ressent ; il sera à la fois outré et redondant (Bain, Émotions et volonté, p. 21) et quand Dickens aura à poser un caractère ou à développer une scène, il le fera, avec la verve excessive, l’extrême partialité, le manque de mesure et de vérité qui sont l’un des principaux traits de son art.
Les Indiens ont dans leurs proverbes une image qui exprime pittoresquement et physiquement cette vérité : De quelque côté que vous incliniez la torche, la flamme se redresse et monte vers le ciel. […] Le progrès indéfini et continu est une chimère démentie partout par l’histoire comme par la nature ; mais le perfectionnement relatif, local, temporaire, est attesté comme une vérité. […] Cet instinct est, comme celui du perfectionnement indéfini de l’espèce, un mensonge ici, une vérité plus loin. […] « La douleur est la seule vérité irréfutable d’ici-bas. […] En quelque lieu que soit Krisna, le dieu de la foi ; en quelque lieu que soit Arjoùn, le puissant lanceur de flèches, là se trouvent certainement la vérité, la fortune, la victoire et la vertu !
» Et de ce ton de douairière du Marais qu’elle affectionne : « La manie de votre âge, dit-elle en terminant, est de vouloir faire entendre la raison aux hommes : l’expérience du mien enseigne qu’il est plus sûr de les y laisser revenir ; que le temps les ramène d’ordinaire à la raison et à la vérité ; mais que la raison et la vérité n’ont presque jamais convaincu personne. » Cet esprit si expérimenté et si sûr, qui débute par où d’autres sages finissent, patience ! […] monsieur, la vérité nécessairement dans l’un ou l’autre extrême ! […] Celle-ci, de plus, avait un peu pour idée, nous l’avons vu, que le temps seul ramène les hommes à la raison et à la vérité ; mais que la raison et la vérité n’ont presque jamais convaincu personne. » Elle disait encore que « la raison, par malheur, n’est faite que pour les gens raisonnables. » Le jeune homme, sorti de Nîmes et de Genève, ayant gardé des ferveurs du calvinisme une croyance de christianisme unitairien et une sorte d’enthousiasme rationnel, se sentait le devoir et le besoin d’aller à un but, d’y pousser les autres, de convaincre, de faire preuve au dehors de cette pensée avant tout influente et active. […] Ce que j’appelle transaction n’était à ses yeux que la vérité même dans son ménagement humain nécessaire, mais sur sa base inébranlable. […] Personne de vérité jusqu’au bout, elle ne voulut mêler, même aux devoirs qui suivent la mort, rien de factice et de convenu, rien que de conforme à l’intime pensée.
J’ai dit : « Ils sont hommes, ils se trompent, ils ne voient pas la vérité ; s’ils la voyaient, ils se garderaient bien de m’exécuter. » Voilà tout ! […] Son fouet, fait d’éclairs, était un rude diseur de vérités. […] Heureusement, la vérité n’a pas besoin de style. […] J’ai essayé comme un autre, dans une de ces rares occasions nées d’elles-mêmes, de la continuer en l’innocentant, en lui ôtant son venin comme à la vipère, en lui arrachant sa dent malfaisante avant de la cacher dans mon sein comme le psylle d’Égypte ; j’ai proclamé toutes ses vérités sans lui concéder ni crime ni colère. […] La nature se refuse à ces parallèles, parce qu’ils sont, non pas, comme ils en ont l’air, les audaces de la vérité, mais les paradoxes du radicalisme.
On accomplirait la dernière moitié de la tâche, on appliquerait la vérité et la justice, on rajeunirait le monde. […] Il est, avec elle, nombre de vérités de détail, de racines salutaires que le pied rencontre en chemin ; mais dans la prétention principale qui la constitue, et qui s’adresse à l’abîme infini du ciel, la philosophie n’aboutit pas. […] Jouffroy, c’est bien de tout voir de la montagne ; s’il envisage l’histoire, s’il décrit géographiquement les lieux, c’est par masses et formes générales, sans scrupule des détails, et avec une sorte de vérité ou d’illusion toujours majestueuse […] Jouffroy en était, en ces années-là, à cette période heureuse où luit l’étoile de la jeunesse, à la période de nouveauté et d’invention ; il se sentait, à l’égard de chaque vérité successive, dans la fraîcheur d’un premier amour ; depuis, il se répète, il se souvient, il développe. […] La psychologie en elle-même (si je l’ose dire), à part un certain nombre de vérités de détail et de remarques fines qu’on en peut tirer, ne sert guère qu’au sentiment solitaire du contemplateur et ne se transmet pas.
L’assentiment que trouve la vérité dans les âmes est sa puissance. […] Mais il n’est pas donné au crime lui-même de dégrader la vérité ; elle survit à tout, même à ses victimes. […] Jusque dans ses fureurs, c’était toujours une vérité qui l’agitait. […] Elle ne se réservait que la propriété, ou plutôt l’invention des vérités générales qu’elle mettait en lumière. […] est-ce que le sophisme est une vérité ?
L’imitation utile féconde, on ne peut trop louer Du Bellay de l’avoir définie : c’est, dans la peinture de la vie humaine et dans l’expression des vérités générales, de se rencontrer avec les anciens qui y ont excellé. […] Que j’aime à voir, dans des écrits qui ont trois siècles, la tradition des grands principes littéraires exposée en termes si vifs par des esprits neufs à la découverte et à la possession de la vérité ! […] On imite impunément les anciens parce qu’à la distance où ils sont de nous, c’est par la raison seulement, et sur le terrain des vérités générales, que nous commerçons avec eux. […] Nous ne pouvons imiter des anciens que les vérités générales, qu’on n’imite pas, mais que chaque grande nation exprime à son tour dans la langue de son pays. […] S’il lui arrive de s’estimer à son prix, par comparaison avec les autres ; c’est qu’il ne peut ni ne doit s’exclure de son amour pour la vérité ; mais combien ne se trouve-t-il pas petit en présence de son idéal !