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1248. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 1, de la necessité d’être occupé pour fuir l’ennui, et de l’attrait que les mouvemens des passions ont pour les hommes » pp. 6-11

C’est l’unique ressource de la plûpart des hommes contre l’ennui ; et même les personnes qui sçavent s’occuper autrement sont obligées, pour ne point tomber dans la langueur qui suit la durée de la même occupation, de se prêter aux emplois et aux plaisirs du commun des hommes.

1249. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 17, s’il est à propos de mettre de l’amour dans les tragedies » pp. 124-131

Ils ne les regardent plus comme des hommes troublez par une passion, mais comme des hommes tombez en une veritable demence.

1250. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 22, quelques remarques sur la poësie pastorale et sur les bergers des églogues » pp. 171-178

Ces personnages, qui ne doivent point être exposez à de grands dangers, ni tomber dans des malheurs veritablement tragiques et capables par leur nature de nous émouvoir beaucoup, veulent, suivant mon sentiment, être copiez d’après ce que nous voïons dans notre païs.

1251. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 36, de la rime » pp. 340-346

Je tombe d’accord en second lieu que nous rimons tous nos vers, et que nos voisins riment la plus grande partie des leurs.

1252. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Deuxième journée. Les conspirateurs » pp. 225-233

Vers la tombée de la nuit, vingt barils de poudre ont été débarqués par les nôtres — clandestinement et sans bruit — sur le quai de la Corne d’Or… Ce sera un superbe incendie, presque aussi beau que les décors d’Herculanum.

1253. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIII »

Et, de même, quand Hugo ayant d’abord dit : « De son sceptre tombaient le joug, la loi, la règle », se ravise : « Son sceptre était un arbre ayant pour fleur la règle », il trouve ce qu’un autre que lui n’aurait pas trouvé.

1254. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Parce que, le dauphin Humbert étant tombé dans une sorte de folie, le roi de France se trouva là pour acheter ses terres à beaux deniers comptants. […] L’homme qui a une blessure mal cicatrisée peut se livrer aux actes de la vie ordinaire sans qu’on s’aperçoive de son infirmité ; mais tout exercice violent lui est interdit ; à la première fatigue sa blessure se rouvre, et il tombe. […] Cette noblesse une fois tombée, il est reste un fond indistinct de médiocrité, sans originalité ni hardiesse, une roture ne comprenant ni le privilège de l’esprit ni celui de l’épée. […] Dans quelles conditions va se produire cette existence d’outre tombe ? […] La France, qui était autrefois une société de ce genre, est tombée.

1255. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

ainsi que nous en avions décidé, mais autour de votre tombe. […] — Vous tombez bien, me dit M.  […] Il était ainsi tombé, de la plus équivoque bohème, dans la plus profonde misère. […] »… C’était tapé et d’une littérature en quelque sorte mathématique… Aussi l’Empire est tombé sous les coups de tant d’esprit ! […] Depuis ce jour-là, avec une passion grandissante, elle lut tout ce qui lui tombait sous la main, feuilletons, vieux almanachs, etc.

1256. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

L’oiseau tombe, empoisonné, « et meurt en allongeant ses pattes purpurines ». […] » C’est le petit Eyolf qui est tombé à l’eau. […] Le petit Eyolf pouvait tomber dans l’eau sans elle. […] Et la toile tombe à regret. […] Il arrive, sanglant, devant Mélissinde, tombe à ses genoux.

1257. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Il ne se consola jamais de la disgrâce vraiment trop cruelle où il était tombé. […] Sa tombe à peine fermée, elle s’éparpille, se dessèche et disparaît. […] Le véhément Sidney, rien qu’en songeant à sa maîtresse, tombait pâmé. […] Tous deux laissèrent éclater leur joie et tombèrent d’accord que ces caractères avaient été griffonnés par la main même de Richelieu. […] Mais si tu ne veux pas quitter la tombe pour un moment, fais-leur entendre des éclats de ta voix.

1258. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Ce lecteur tombe sur un roman qui date de 1837. […] Ce qui tomba d’abord devant cet esprit d’examen, ce fut ma foi religieuse. […] Une comparaison prouvera mieux encore le discrédit où cette profession, si pompeusement vantée par la tribune et les journaux, est tombée dans la France républicaine. […] Encore une étape, et le rythme et la rime seront tombés. […] Je voudrais compter goutte par goutte toute l’eau qui en est tombée, tandis que nous étions assis qu’elle parlait et que je lui répondais.

1259. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Ballanche pour sortir du découragement profond où il était tombé, fut la conception d’Antigone. […] Oui, dans le gros de la société constituée et jouissante, cela se passe ainsi ; mais l’élite de la jeunesse, par une sorte de dévouement expiatoire, tombe dans l’excès contraire, et pour elle le danger existe là où nous disons. […] Mais il est néo-chrétien en ce qu’il croit à l’interprétation successive de ce dogme, et aux découvertes de plus en plus étendues que la pénétration humaine doit faire sous l’antique lettre par degrés transfigurée : il croit que les sept sceaux, dont il est parlé dans la prophétie, sont destinés à tomber l’un après l’autre à de certains temps révolus. […] Ballanche en colère contre les châteaux ; c’est au chapitre III de l’Essai qu’il en est question : « Ces noires tours couronnées de créneaux doivent tomber ; ces longs cloîtres silencieux doivent être transformés en prisons ou en vastes ateliers pour les manufactures, etc. » M.

1260. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Il était tombé dans une espèce d’idiotisme, et passait sa journée à faire de petits tas de sable, sans que plus rien de savant s’y traçât. […] Les Lettres de Jean-Jacques sur ce sujet lui tombèrent un jour sous la main, et le remirent sur la trace d’un goût déjà ancien. […] De même qu’en 93, après la mort de son père, il n’était parvenu à sortir de la stupeur où il était tombé que par une étude toute fraîche, la botanique et la poésie latine, dont le double attrait l’avait ranimé, de même, après la mort de sa femme, il ne put échapper à l’abattement extrême et s’en relever que par une nouvelle étude survenante, qui fît, en quelque sorte, révulsion sur son intelligence. En tête d’un des nombreux projets d’ouvrages de métaphysique qu’il a ébauchés, je trouve cette phrase qui ne laisse aucun doute : « C’est en 1803 que je commençai à m’occuper presque exclusivement de recherches sur les phénomènes aussi variés qu’intéressants que l’intelligence humaine offre à l’observateur qui sait se soustraire à l’influence des habitudes. » C’était s’y prendre d’une façon scabreuse pour tenir fidèlement cette promesse de soumission religieuse et de foi qu’il avait scellée sur la tombe d’une épouse.

1261. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Je sais quand il faut m’arrêter et quand il faut courir. » Au contraire ici la critique est en action et le ridicule palpable, parce que la sottise tombe du moral dans le physique, et que l’impertinence des pensées et des sentiments devient l’impertinence des gestes et des mouvements. […] Cet animal, se sentant blessé, vint avec tant de furie sur le chasseur, qu’il lui fendit le ventre avec ses défenses, de manière qu’ils tombèrent tous deux sur la place. »176 Le chasseur de son arc avait mis bas un daim. […] Quand les juges ne seraient pas juges, quand ils décideraient sans autorité et en simples particuliers, quand leur arrêt ne serait qu’un plaidoyer, l’homme tomberait abattu sous les coups tout-puissants de leurs raisons. […] Un jour La Fontaine qui lisait tout, « ceux du Nord, et ceux du Midi », tomba sur un très-médiocre livre, les Parallèles historiques que Cassandre, le pauvre auteur affamé, le traducteur de la rhétorique d’Aristote, venait de compiler et d’arranger, Dieu sait comment, prenant à droite, à gauche, racontant le combat des Horaces, et diverses choses aussi nouvelles, et se louant dans sa préface d’un style aussi impertinent que plat.

1262. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

« Si le Ciel, dans sa bonté, me réservait un de ces moments si rares dans la vie où le cœur est inondé de joie par quelque bonheur extraordinaire et inattendu ; si une femme, des enfants, des frères séparés de moi depuis longtemps, et sans espoir de réunion, devaient tout à coup tomber dans mes bras, je voudrais, oui, je voudrais que ce fût dans une de ces belles nuits, sur les rives de la Néva, en présence de ces Russes hospitaliers. […] On dirait que, comme certaines fontaines de son pays qui pétrifient en un moment ce qu’on jette dans leur bassin, il a le don de pétrifier en un instant ce qui tombe dans sa pensée, tant ce qui en sort est moulé sur nature, revêtu d’une surface impérissable, immortelle. […] D’autres Bourbons, qui lui avaient succédé sans autre titre qu’une longue et fatale compétition à son trône, sont tombés dans leur usurpation élective comme lui dans son droit héréditaire. […] L’Empire, tombé en 1814 sous les ruines qu’il avait faites par la guerre, s’est relevé en 1850, comme une pensée interrompue qui n’a pas achevé ce qu’elle avait à dire ; il a réussi par la paix.

1263. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Le général Bonaparte, qui avait autant d’esprit que Voltaire, plus de gloire que Frédéric, pouvait seul, par son exemple et ses respects, faire tomber les railleries du dernier siècle. […] Le fils du prince de Condé, le duc d’Enghien, jeune prince de grande race militaire et de haute espérance, se trouve à sa portée, quoique sur un territoire étranger et inviolable ; il le fait arrêter, conduire à Paris, juger par une commission, fusiller dans le fossé de Vincennes, les pieds sur sa tombe. […] Dans cet effort d’esprit la raison faiblit comme la langue, et il tombe, pour cacher l’inconséquence, dans des subtilités de définitions qui rappellent les subtilités des sophistes grecs ou des sophistes de l’École dans le moyen âge. […] Napoléon était un de ces hommes qui ne s’arrêtent que quand ils tombent.

1264. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Rien de tout cela n’est avéré ; ce sont de ces bruits qui s’élèvent des apparences autour des hommes ou des femmes célèbres ; la tombe même ne dit pas tout après leur mort : le ciel sait plus de secrets encore que la terre. […] Ce costume semblait être tombé des doigts distraits de la Mode tout exprès pour une personne de cet âge ; l’art de la femme alors est de s’effacer de peur que sa parure ne l’efface ; heure du demi-jour dans les soirs d’automne où l’on n’allume pas encore la lampe pour jouir de ce qu’on appelle familièrement de l’entre chien et loup du jour mourant. […] Les vers, balbutiés par l’auteur lui-même, tombaient essoufflés dans l’oreille. […] Il fut informé par une rumeur de cour des démarches que le roi et le ministre faisaient pour me décider à accepter, à mon choix, une de ces deux ambassades ; il craignait que mon choix tombât sur Londres, et qu’il ne fût ainsi réduit à retourner à Vienne.

1265. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Les démonstrations de l’ordre naturel, telles que le témoignage des yeux, de l’oreille, de la main, ne sauraient s’appliquer aux choses qui ne tombent pas sous les sens. […] Le livre tombe des mains avant d’avoir dit son dernier mot, tant on a perdu de mots oiseux à l’attendre ; l’esprit est saisi à chaque instant d’une de ces impatiences fébriles qui bouillonnent en nous jusqu’à un véritable accès de colère, croyant toujours toucher à un but qu’on lui dérobe toujours ; or, irriter et impatienter l’esprit, ce n’est pas un bon procédé pour le convaincre. […] Dans cette apologie même, Socrate conserve encore la forme du dialogue, et poursuit Mélitus de ses interrogations ironiques pour le contraindre à tomber dans l’absurde. […] Le geôlier, qui leur ouvre les portes, les prie d’attendre un peu, parce qu’on ôte en ce moment les fers du condamné : les fers tombés, ils sont introduits.

1266. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Le duc d’Orléans, son adversaire, tombe, mais il tombe sous les coups d’un assassin. […] Inclinez mon cœur aux paroles de votre bouche ; qu’elles tombent sur lui comme une douce rosée. […] Ceux-là tombent souvent, à cause de leur orgueil et de leur curiosité, en de grandes tentations et de grandes fautes, parce que je me sépare d’eux.

1267. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Par exemple, on créait exprès un journal pour mettre le siège devant la dynastie et pour la faire tomber. […] Cousin, qui excelle à réparer sa ligne quand elle est rompue, voyant Jouffroy mort, a repris solennellement possession de son disciple sur sa tombe.

1268. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Le voile qui couvrait le buste tomba ; la figure tout d’un coup se découvrit. […] L’auteur fait allusion à la mort connue de l’abbé Prévost qui, étant tombé frappé d’apoplexie dans la forêt de Chantilly, fut transporté dans un village voisin, où un chirurgien ignorant procéda incontinent, dit-on, à l’ouverture, ce qui détermina en effet la mort ; je cite de souvenir après une simple lecture, mais assez fidèlement, je crois :     Pleurez !

1269. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Alors, Geoffroy de Villehardouin, le maréchal de Champagne, prit la parole par l’accord et par la volonté des autres, et commença à dire en telle manière : « Seigneurs, les barons de France les plus hauts et les plus puissants nous ont vers vous envoyés, et vous crient merci pour qu’il vous prenne pitié de la cité de Jérusalem, qui est en servage des mécréants, et pour que vous vouliez, en honneur de Dieu, les aider à venger la honte de Jésus-Christ ; et par ce motif vous ont-ils choisis qu’ils savent bien que nulle nation, ni gent qui soit sur mer, n’ont si grand pouvoir comme vous avez, et en partant nous commandèrent que nous eussions à en tomber à vos pieds, et de ne point nous en relever que vous ne l’ayez accordé. » « Et alors les six députés s’agenouillèrent, pleurant beaucoup ; et le doge et tous les autres commencèrent à pleurer de la pitié qu’ils en eurent, et s’écrièrent tous d’une voix, et tendant les mains en haut : « Nous l’octroyons ! […] Voilà le côté politique et prudent ; mais l’autre côté généreux et grandiose, je ne le dissimulerai pas, comme l’ont trop fait dans leurs divers récits des écrivains raisonnablement philosophes : la grandeur du courage et l’héroïsme, ce sont là aussi des parties réelles qui, même après des siècles, tombent sous l’œil de l’observation humaine.

1270. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Si, comme on peut le croire, dans le paysage probablement décrit d’après nature par Saint-Amant, il y avait en effet un coin de ruine mal famé, où l’on montrait encore de loin avec effroi ce qu’il appelle le squelette d’un amant qui s’était pendu par désespoir, je ne vois pas pourquoi il ne l’aurait pas conservé : mais autre chose est ce trait trop important pour être omis dans un paysage de ce caractère, et qui n’en occuperait dans tous les cas qu’un côté funeste et maudit, autre chose est la limace et le crapaud qu’il s’amuse à nous montrer dans la strophe suivante sur les parois de la cave ou du souterrain effondré du château : Le plancher du lieu le plus haut Est tombé jusque dans la cave, Que la limace et le crapaud Souillent de venin et de bave… Ce qui paraît d’autant plus choquant que cette cave, ainsi présentée de si laide façon, devint chez lui tout aussitôt la grotte sacrée du Sommeilq : Là-dessous s’étend une voûte Si sombre en un certain endroit, Que, quand Phébus y descendroit, Je pense qu’il n’y verrait goutte ; Le Sommeil aux pesants sourcils, Enchanté d’un morne silence, Y dort, bien loin de tous soucis, Dans les bras de la Nonchalence, Lâchement couché sur le dos, Dessus des gerbes de pavots. […] Le nuage crève, l’eau tombe à larges et pesantes gouttes ; le bruit en résonne agréablement.

1271. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Enfin, comme l’astrologue de la fable, on tombait dans un puits en regardant les astres. […] On lit le journal, le regard tombe sur un discours (du temps qu’il y avait des discours) ou sur un rapport concernant les chemins de fer ou tout autre matière d’intérêt public ; on en connaît l’auteur, on essaie de le lire, et il en reste quelque expression de style administratif et positif, qui ensuite se glisse par mégarde sous la plume aux endroits les plus gracieux.

1272. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Changez la lumière, faites que le rayon tombe où il faut, que l’ombre se retire et se dégrade, en un mot regardez Villars au soleil, le même homme va paraître tout différent. […] À la frontière de Suisse, aux portes de Bâle, il tomba par une nuit sombre dans le fossé, et faillit y laisser sa vie.

1273. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Parlant tout d’abord de M. de Candale, l’un des beaux les plus à la mode en son moment, Bussy le définissait de la sorte : « Le génie en était médiocre ; mais, dans ses premiers amours, il était tombé entre les mains d’une dame qui avait infiniment de l’esprit, et comme ils s’étaient fort aimés, elle avait pris tant de soin de le dresser, et lui de plaire à cette belle, que l’art avait passé la nature, et qu’il était bien plus honnête homme que mille gens qui avaient bien plus d’esprit que lui. » — Mme de Châtillon, accueillant avec une faveur marquée la déclaration de M. de Nemours et lui laissant voir qu’elle a bonne opinion de son mérite, s’attire cette réponse : « Ah ! […] Sur Henri IV, Sully, Richelieu, sur les plus anciens que lui et qui le dépassent par tant de côtés, il n’a ramassé que des miettes (et encore sont-elles tombées de bonne table) ; il n’est à écouter que comme un écho et un assembleur de bruits : mais sur les gens qu’il a vus et qu’il a fréquentés, dont il a mesuré et pressé la taille, il y a mieux de sa part, il compte autant que personne ; il a lu dans les physionomies, et il nous les rend.

1274. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Ses jugements tombent comme des sentences d’oracle, détachés, un par un, avec une concision et une vigueur incomparables, et le discours marche d’un pas superbe et lent, laissant aux lecteurs le soin de relier ses parties, dédaignant de leur indiquer lui-même sa suite et son but. […] Il excelle, quel que soit le sujet, et qu’il s’agisse de Shakespeare, de Saint-Simon, de Fléchier, de Bunyan, de Thackeray, etc., à situer (je l’ai dit) le personnage dans son époque et dans son milieu, à établir les rapports exacts de l’un à l’autre, à l’y enserrer comme dans un réseau, à rapprocher, à faire saillir coup sur coup, dans des phrases fermes et courtes qui tombent dru comme grêle, les traits et les signes visibles du talent personnel, de la faculté principale dominante qu’il poursuit et qu’il veut démontrer.

1275. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Guizot ne s’estime donc point proprement un vaincu, puisque ses adversaires immédiats et directs, c’est-à-dire ceux qui le combattaient dans les Chambres, n’ont point profité de sa chute et sont tombés avec lui, puisque la Chambre elle-même et l’édifice entier ont croulé. […] Je vous le demande, quand un homme vigoureux et bien portant tombe d’un second dans la rue par accident, sans se faire trop de mal et sans se rien casser, le médecin ne prescrit-il pas immédiatement la saignée ou quelque puissant dérivatif, quelque révulsif puissant ?

1276. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Avant cette époque, je ne lisais que des romans ; mais par hasard vos ouvrages me tombèrent dans les mains ; depuis je n’ai cessé de les lire, et n’ai voulu d’aucuns livres qui ne fussent aussi bien écrits et où il n’y eût autant à profiter. […] La première année de son mariage, elle n’avait lu que des romans, en effet, et de ceux qu’on ne lisait plus à cette date en France que dans les provinces, Tirant-le-Blanc en tête : Mme de Sévigné commença à l’en guérir ; Catherine dévora ses Lettres ; puis les œuvres de Voltaire lui tombèrent entre les mains, et dès lors elle mit plus de choix dans ses lectures, trop avide toutefois pour ne pas se jeter aux heures d’ennui sur tout ce qui était à sa portée, Brantôme et Péréfixe indifféremment, l’Histoire d’Allemagne du Père Barre et Platon, le Dictionnaire de Bayle quelle mit deux ans à lire (« Tous les six mois, dit-elle, je coulais à fond un tome »), que sais-je encore ?

1277. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Le jeune enfant y fut livré à lui-même pendant la Terreur ; sa passion dominante était alors pour le dessin, et il copiait indifféremment, avec une égale avidité, tout ce qui lui tombait sous la main. […] Ce rouge et ce cou blanc frappèrent tout à coup l’imagination d’Étienne, excitée déjà par les réflexions que la visite de David lui avait suggérées, et il lui sembla voir tomber la jolie tête de cette jeune femme.

1278. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Sa taille est grande et bien formée, son air est doux et vénérable, ses cheveux sont d’une couleur qu’on ne saurait guère comparer : ils tombent par boucles jusqu’au-dessous des oreilles, d’où ils se répandent sur ses épaules avec beaucoup de grâce, et sont partagés sur le sommet de la tête à la manière des Nazaréens. […] Enfin c’est un homme qui, par son excellente beauté et ses divines perfections, surpasse les enfants des hommes. » Ce Lentulus, quel qu’il soit, parle déjà comme Jean-Jacques en son Vicaire savoyard. — Et maintenant, comment cette parole du Christ, cette manne première qui tombait et pleuvait sur les cœurs simples, au penchant des collines ou le long des blés, et que le Juste avait en mourant arrosée de son sang, comment, bientôt armée et revêtue de la doctrine et de la théorie de saint Paul, est-elle sortie de la Galilée et de la Judée pour s’approprier aux Gentils et pour leur être inoculée par lui ?

1279. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Elle reste dans l’ignorance obstinée des lettres jusqu’à ce qu’un jour, ayant vu des signes gravés sur la tombe de ses père et mère, et ayant voulu savoir le sens de ces épitaphes sans pouvoir obtenir de réponse satisfaisante, elle se met à profiter incontinent des leçons du curé, qui, dès ce moment, ne reconnaît plus son élève. […] Alors que signifie ce mépris subit que Clotilde fait de lui à certain jour, comme s’il était indigne d’elle, comme si, « avec toute sa science, il n’avait ni cœur, ni âme, ni esprit…, rien de ce qui peut relever à ses yeux une femme qui tombe, lui voiler sa faute, lui ennoblir sa faiblesse, etc., etc. ? 

1280. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Mon ami Schérer devint amoureux d’une dame d’honneur, amie de la reine ; moi je le devins de la reine. » Le prince, à cette époque, avait encore, à ce qu’il paraît, des éclairs de raison et de bons moments ; il n’était pas tombé au degré permanent de brutalité qu’il atteignit quelques années plus tard. […] Quand un homme a pris l’habitude de tomber ivre mort, il est difficile au cœur ou au bras d’une faible femme de le relever, et lorsque avec cela il lui vient, de temps en temps, de soudaines envies de la saisir à la gorge et de la traîner par les cheveux, ce qu’elle a de mieux à faire pour sa dignité comme pour sa sûreté, c’est de se mettre à couvert.

1281. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

L’été de la Saint-Denis tombait en octobre, de même que l’été de la Saint-Martin tombe en novembre.

1282. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Lainé et de ses collègues, peu juste (on ne saurait lui demander des choses contraires) envers l’Empire tombé dont elle ne voyait que les désastres et les malheurs128. […] Cousin, dans un de ces éloquents discours funéraires, tels qu’il les savait prononcer, a très-bien défini Charles Loyson en ce peu de mots : noble esprit, âme tendre, jeune sage, et le pied sur cette tombe entrouverte, le bras solennellement étendu, il s’écriait en finissant : « Encore un mot, mon cher Loyson.

1283. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Louis Blanc y écrivait, et que c’était au moins une feuille d’un radicalisme impartial, sans parti pris ni passion : orléaniste n’en restait pas moins l’injure tombée de haut, à la veille du triomphe des anciens partis qu’elle caractérisait le mieux4. […] Sainte-Beuve, dont les dispositions testamentaires interdisaient après lui tout discours sur sa tombe, n’a-t-il pu se défendre également de celui que M. 

1284. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Robespierre tomba : le jeune témoin assistait aux séances de la Convention qui amenèrent sa chute. […] Au moment de pire souffrance, un volume de Bernardin de Saint-Pierre tomba sous la main du jeune homme ; il n’avait rien lu ; ce fut comme un rayon consolateur qui vint luire à ses yeux et lui révéler un monde nouveau.

1285. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

disait-elle, il est mort ce soir à six heures ; sans cela, vous ne me verriez pas ici. » Sous ce régime continu de distractions et d’amusements, il n’y a plus de sentiments profonds ; on n’en a que d’épiderme ; l’amour lui-même se réduit à « l’échange de deux fantaisies »  Et, comme on tombe toujours du côté où l’on penche, la légèreté devient une élégance et un parti pris301. […] L’étiquette tombe par lambeaux, comme un fard qui s’écaille, et laisse reparaître la vive couleur des émotions naturelles.

1286. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Personne ne se pose, ne se meut, ne se plie, ne s’allonge, ne se glisse, ne tombe comme Mme Sarah Bernhardt. […] D’autres fois, tout en gardant le même ton, la magicienne martelle son débit, passe certaines syllabes au laminoir de ses dents, et les mots tombent les uns sur les autres comme des pièces d’or.

1287. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Alphonse Daudet ne tombe dans cette banalité, soit de la fable, soit de la description ou du sentiment, à laquelle n’échappent pas toujours les écrivains qui inventent, et même les plus grands. […] Il y a eu, semble-t-il, dans le roman, une baisse du « pathétique » proprement dit par l’envahissement de la physiologie et par la défaveur où est tombé le libre arbitre.

1288. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Embrassant dans sa juridiction universelle (ce qui, je crois, ne s’était pas encore vu jusqu’à lui) tous les théâtres, jusqu’aux plus petits théâtres, obligé de parler de mille choses qui le plus souvent n’en valent pas la peine, et qui n’offrent aucune prise sérieuse ni agréable, il s’est dit de bonne heure qu’il n’y avait qu’une manière de ne pas tomber dans le dégoût et l’insipidité : c’était de se jeter sur Castor et Pollux, et de parler le plus qu’il pourrait, à côté, au-dessus, à l’entour de son sujet. […] Arnauld bénisse à Utrecht le mariage de Mlle de Prohenques, cette fille de l’Enfance qui s’était enfuie par escalade, quand je lis dans un écrit d’Arnauld lui-même qu’il ne parle d’elle que comme d’une fille apostate, et de l’homme qu’elle épouse que comme d’un grand débauché : On voit assez, dit le sévère docteur, que Dieu, qui tire le bien du mal, n’a permis qu’elle soit tombée dans des désordres si scandaleux et dans des contradictions si manifestes, que pour découvrir de plus en plus l’innocence des Filles de l’Enfance, et la malice de leurs adversaires, qui se sont servis du témoignage de cette apostate pour surprendre la religion du roi.

1289. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Cette pensée, je m’assure, vous paraîtra visionnaire d’abord, voyant ceux de qui dépendent ces sortes de grâces, si éloignés de vous en faire ; mais, pour vous éclaircir cette énigme, sachez que, parmi une infinité d’affaires qui se traitent entre la France et l’Angleterre, cette dernière en aura dans quelque temps, à Rome, d’une telle conséquence et pour lesquelles on sera si aise d’obliger le roi mon frère, que je suis assurée qu’on ne lui refusera rien ; et j’ai pris mes avances auprès de lui pour qu’il demandât, sans nommer pour qui, un chapeau de cardinal, lequel il m’a promis, et ce sera pour vous ; ainsi vous pouvez compter là-dessus… Ce chapeau de cardinal, qu’elle montre ainsi à l’improviste prêt à tomber sur un homme en disgrâce, fait un singulier effet, et on reste convaincu encore, même après avoir lu, qu’il y avait là-dedans un peu de vision et de fantaisie, comme les femmes qui ont le plus d’esprit en mêlent volontiers à leur politique. […] Vous n’êtes qu’une misérable pécheresse, qu’un vaisseau de terre qui va tomber, et qui se cassera en pièces, et de toute cette grandeur il n’en restera aucune trace. » — « Il est vrai, ô mon Dieu ! 

1290. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Au xvie  siècle, au lendemain de la Renaissance et, dans l’ivresse qui la suivit, nos poètes français imitèrent les Grecs sans sobriété et sans goût ; ils manquèrent les grandes parties par l’excès de leur imitation même ; ils ne réussirent à bien rendre que les petits auteurs, les odes gracieuses, anacréontiques, quelques idylles tombées du trésor de l’Anthologie. […] On releva dans le discours de Barthélemy quelques néologismes : il disait en parlant des États généraux et des espérances, déjà troublées, qu’ils faisaient naître : « La France… voit ses représentants rangés autour de ce trône, d’où sont descendues des paroles de consolation qui n’étaient jamais tombées de si haut. » La singularité de cette phrase, selon la remarque de Grimm, fut fort applaudie : Barthélemy inaugurait à l’Académie le style parlementaire et ce qu’on a tant de fois répété des discours du trône.

1291. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

La fraude, qu’on reconnaît à son masque et à qui l’étendart de la révolte est tombé des mains, s’est saisie d’une des rênes du char. […] Si Durameau n’avait pas eu la hardiesse de placer la tête de son saint au fond de sa composition et ses pieds au bord de sa toile, il serait tombé dans le même défaut que vous.

1292. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Je tomberai donc d’accord qu’il est des compositions historiques où les sirenes et les tritons, comme les autres divinitez fabuleuses peuvent avoir part à une action. […] Le char qu’elle vouloit arrêter l’entraîne elle-même, et le masque qu’elle portoit tombe par terre dans cet effort inutile.

1293. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Ces messieurs (qui s’étaient couchés sans doute un peu en gaieté) se réveillèrent un beau matin avec serment d’exterminer tout homme de lettres ne pouvant justifier d’un diplôme de licencié : Francisque, le plus osé des deux, se réserva de tomber le romantisme, tandis qu’Edmond retroussait en riant ses manches pour assommer ses anciens amis du Figaro. — Journalistes et romantiques, poètes et polémistes, qui vaquaient sans défiance à leur besogne littéraire, sont assaillis pêle-mêle… Victor Hugo et Villemessant, Th. de Banville et Monselet, tous reçoivent sur la tête le buste de Voltaire. — Ils se contentent d’abord de s’étonner, puis finissent par se fâcher sérieusement. […] Certes, il ne peut trouver mauvais que vous l’appeliez le père du « bon style » et que vous invitiez la jeunesse littéraire à venir faire ses dévotions sur sa tombe.

1294. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Sans cela, le volume fût tombé à plat, l’artifice était trop grossier, on n’eût pas vendu 14.000 exemplaires à l’heure qu’il est. […] Un autre s’en prend à notre physique et nous peint fantaisistement comme un vieux professeur à lunettes, qui ressemble à un chat tombé dans de la braise.

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