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394. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

On y suppose nos facultés en exercice, et l’on y admet leurs découvertes originelles. […] On veut dire que l’antécédent est suffisant et complet, qu’il n’y a pas besoin d’en supposer un autre que lui, qu’il contient toutes les conditions requises, que nulle autre condition n’est exigée. […] Elle est obligée de supposer ou de reconnaître quelque état primordial d’où elle part et qu’elle n’explique pas1511. […] Il ne suppose des qualités et propriétés que par un artifice de langage, et pour grouper plus commodément des faits. […] Ce surplus ou résidu de vitesse est un conséquent et suppose un antécédent ; Laplace trouva l’antécédent dans la chaleur que développe la condensation de chaque onde sonore, et cet élément nouveau introduit dans le calcul le rendit parfaitement exact.

395. (1923) Au service de la déesse

L’on feint aussi de supposer que le critique fasse le bas ouvrage de la littérature. […] Quelle raison de supposer que, ces pièces de William Stanley, c’était le théâtre de Shakespeare ? […] Il faut supposer qu’en 1715 ou en 1716 l’abbé Louis Tiberge fit le voyage de Louisiane : et l’on n’en sait rien. […] Il faut supposer bien des choses qu’on ne sait pas. […] Vous n’osez pas supposer qu’on écrit ce morne jargon sans le faire exprès.

396. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

On peut supposer un Dieu suprême, créateur de puissances moindres que lui. […] La science de l’absolu, si grande qu’on la suppose, ne sera jamais l’identité avec l’absolu. […] À supposer qu’on aime une personne pour sa beauté, ce qui déjà est douteux, et la beauté ne semble pas être la cause de l’amour, mais à supposer que cela soit et qu’on aime une personne parce qu’elle est belle, ce n’est pas du tout une raison pour qu’on aime les autres manifestations de la beauté dans l’univers. […] Et l’on peut supposer une chose fort triste, mais qui n’est pas sans vraisemblance. […] C’est que, à supposer tous les gouvernements du monde violant les lois, y compris la démocratie, à supposer cela, la démocratie est le meilleur des gouvernements ; et, à supposer tous les gouvernements du monde observant les lois, y compris la démocratie, à supposer cela, la démocratie est le pire des gouvernements.

397. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Supposons un tableau composé sur ce thème : un étang, le soir. […] Ce serait lui faire injure, car ce serait supposer qu’il n’était ni musicien, ni poète. […] Le seul fait de composer un poème suppose un certain calme, une possession de soi, un souci d’art, incompatible avec les crises de la passion. […] Je suppose que l’on ne rêve pas seulement, mais que vraiment on compose. […] Métaphore et comparaison supposent une analogie.

398. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Redonnel, Paul (1860-1935) »

Louis-Xavier de Ricard De poète plus moderne que Paul Redonnel il n’y en a certes pas, — et pourtant il est en même temps la survivance, en ses qualités intimes d’artiste, des troubadours de la grande époque — supposez

399. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 548-551

Dans ses autres Discours, il parle rarement au cœur ; jamais ou presque jamais de ces expressions vigoureuses, de ces images frappantes, de ces traits hardis qui supposent une ame fortement pénétrée de son sujet, & capable de maîtriser les autres ames Il a paru trop oublier que les hommes déferent moins à la raison qu’à leurs passions ; que ce n’est qu’en agitant leur cœur, qu’on parvient à les dominer ; que l’homme éloquent n’est pas celui qui raisonne avec justesse, mais celui qui rend avec énergie ce qu’il sent avec vivacité ; celui qui nous échauffe par la chaleur du sentiment & de l’imagination, non celui qui nous instruit & nous éclaire par la lumiere & la vérité de ses raisonnemens.

400. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Greuze  » pp. 157-158

La scène est supposée au coin d’une rue.

401. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 9, comment on rend les sujets dogmatiques, interessans » pp. 64-66

Supposé même que l’objet, qu’un poëme dogmatique nous présente, fût si curieux qu’on le lût une fois avec plaisir, on ne le reliroit pas avec la même satisfaction qu’on relit une églogue.

402. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

ceux-là, ils ont des privilèges, on leur passe tout ; là où ils manquent, on y supplée, on y ajoute ; tout leur est interprété à bien et à honneur, les obscurités, les excentricités, les boutades hors de propos, les écarts de verve ou les éclipses ; on y suppose après coup des clartés, des profondeurs de sens ou de passion, des miracles de fantaisie qui, le plus souvent, n’y ont jamais été, même pour leurs plus proches contemporains. […] Réduit souvent par sa faute à de tristes extrémités et amené, bien que jeune, à songer à sa dernière heure, Villon suppose qu’il fait son testament (il y en a deux de lui, le grand et le petit, sans compter un codicille), et dans cette supposition il lègue à ses amis tout ce qu’un pauvre diable qui n’a pas un sou vaillant peut donner ; parmi ses legs, il y a bon nombre de lays ou de ballades, et il a dû penser au jeu de mots : C’est à un poète une idée singulièrement originale et touchante, nous dit d’abord M.  […] Celui-ci a donc découvert et imaginé que toute la veine satirique, railleuse, irrévérente et sensuelle de Villon lui venait de son père, et que la veine tendre et religieuse qu’on lui suppose par moments, ses velléités du moins et ses retours de mélancolie venaient de sa mère.

403. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Sur un premier point, pour n’avoir pas à y revenir trop souvent, il est à remarquer que Corneille, qui s’est attaché à observer les unités d’action, de temps et de lieu ; qui, pour la durée du temps et de l’action, s’est tenu exactement dans les vingt-quatre heures (tellement que la pièce commencée vers midi ou une heure, je suppose, dure jusqu’au lendemain, à peu près à la même heure), n’a pu observer aussi exactement l’unité de lieu. […] Chez Corneille, il faut supposer que Rodrigue fait signe au comte et le détache d’un groupe en passant. […] Shakspeare n’aurait pas inventé cela ; c’est trop peu naturel ; il y a trop de compartiments, de contradictions subtiles ; mais c’est beau, d’un beau qui suppose le chevaleresque et le point d’honneur du Moyen-Age.

404. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

C’est ainsi qu’il eut à répondre, dès 1815, au général Sarrazin, « de triste mémoire », lequel, jugeant des autres d’après lui-même, avait supposé que Jomini avait fourni au maréchal Blucher des plans faits pour compromettre l’armée qu’il venait de quitter. […] La pièce capitale de son apologie, la Correspondance avec le baron de Monnier, publiée en 1819, et de laquelle j’ai extrait tant de passages intéressants, m’a, je l’avoue, fort préoccupé, et il y a quinze jours encore j’inclinais à supposer que le correspondant du général pouvait bien avoir été (moyennant une légère faute typographique) le baron Mounier, le spirituel causeur, celui qui est mort pair de France, qui avait été secrétaire du cabinet de Napoléon, et qui me paraissait remplir plusieurs des conditions du correspondant confidentiel. […] Il n’a cessé, en la retraçant, et pour ses divers points de vue, de se placer au quartier général de celui qu’il suivait neuf ans auparavant à Eylau ; c’est là qu’il se suppose en idée, et non dans le camp de ses adversaires.

405. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Mais ce motif unique et tout particulier ne fut pas compris de loin ni même de près ; on en supposa d’autres plus graves. […] Il avait de plus quelques autres raisons sans doute, comme on peut supposer qu’en suggère aisément la morale ou la jeunesse. […] Traité avec le plus grand mépris dans cette Cour, et privé de l’espoir de jouer un rôle à Paris, la mort lui parut être sa seule ressource ; mais il porta sur lui une main mal assurée ; le courage manqua à ce nouveau Caton, pour achever… L’amour de la vie prévalut, un chirurgien fut appelé, et le comte prouva qu’il ne savait ni vivre ni mourir. » Quand on a eu affaire dans sa vie à des haines aussi cruelles et aussi envenimées que cette page en fait supposer, on a quelque mérite à n’avoir jamais pratiqué qu’indulgence et bienveillance, comme l’a fait M. de Ségur.

406. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

. — Supposons que nous soyons arrivés au terme d’une longue et multiple enquête à laquelle nous aurions soumis, sinon toutes les œuvres littéraires d’une époque, du moins la grande majorité d’entre elles ; que nous ayons relevé leurs principaux caractères et les rapports de tout genre qui existent entre ces expressions de l’esprit national et ce qui de loin ou de près entre en contact avec elles ; que nous ayons enfin réuni, en un tableau soigneusement dressé, les résultats obtenus. […] Il est entendu que nous supposons accompli le long travail préliminaire dont nous ne donnons que les conclusions. […] Rien qui fasse supposer que nous dépendons tous plus ou moins du milieu qui nous enveloppe.

407. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Dans ce poème de Napoline, qui marque sa seconde époque (1834), elle suppose une jeune fille, une amie intime, qui se croit fille du grand homme du siècle, Napoléon, et qui l’est grâce à une faute de sa mère, et c’est bien pourquoi on l’appelle Napoline. Cette jeune fille que Mme de Girardin décrit avec une complaisance de sœur, Ayant un peu d’orgueil peut-être pour défaut, Mais femme de génie, et femme comme il faut, a tous les enthousiasmes d’abord, tous les cultes et les amours d’un cœur de jeune fille, et il est permis de supposer que le poète lui en a prêté quelques-uns des siens. […] Quelle plus folle idée, par exemple, quelle invention plus plaisante, que, dans la description d’une chasse à Chantilly, de supposer que le pauvre cerf a eu le bon goût, dans sa fuite, de parcourir les vallons les plus pittoresques, les sites les plus célèbres : Il a traversé tout le parc d’Ermenonville, dit-elle ; il a salué en passant, rapidement, il est vrai, la tombe de Jean-Jacques, ce mortel qui, comme lui. se croyait toujours poursuivi… Après six heures de course, la victime ingénieuse (voyez-vous la curiosité de l’expression ?)

408. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Je suppose, pour ne pas être injuste, qu’on a présent à l’esprit Le Siècle de Louis XIV, l’Histoire de Charles XII, ce qu’il y a d’inspiration chevaleresque dans la tragédie de Tancrède, l’Épître à Horace, Les Tu et les Vous, Le Mondain, Les Systèmes, les jolies stances : Si vous voulez que j’aime encore… ; je suppose qu’on a relu, il n’y a pas longtemps, bon nombre de ces jugements littéraires exquis et naturels, rapides et définitifs, qui sont partout semés dans la correspondance de Voltaire et dans toutes ses œuvres, et, bien assuré alors qu’il ne saurait y avoir d’incertitude sur l’admiration si due au plus vif esprit et au plus merveilleux talent, je serai moins embarrassé à parler de l’homme et à le montrer dans ses misères. […] Le bois livré et brûlé, l’envie prit à Voltaire de ne le point payer au marchand et de supposer que le président le lui devait ou le lui avait donné en cadeau.

409. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Il n’est que logique de supposer dans le monde moral des phénomènes analogues de vibration sympathique ou, pour parler le langage psychologique, de détermination réciproque, de suggestion et comme d’obligation mutuelle. […] Supposons une série de raisonnements abstraits sur des objets abstraits, par exemple une suite de théorèmes d’algèbre. […] Il est probable qu’a tous les états physiologiques correspondent des odeurs déterminées, et, comme à tout état physiologique correspond un état psychologique, il n’est pas étrangede supposer avec M. 

410. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Supposons que se fasse tout à coup sentir le contact du corps avec la chemise ; le dormeur se rappellera qu’il est vêtu légèrement. […] Mais supposez qu’à un moment donné je me désintéresse de la situation présente, de l’action pressante, enfin de ce qui concentrait sur un seul point toutes les activités de la mémoire. Supposez, en d’autres termes, que je m’endorme.

411. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

En fait, les institutions que nous avons comparées pour, deviner l’état d’esprit qu’elles supposaient, étaient bien, quoique orientées dans un même sens, des institutions particulières, faites pour des sociétés séparées. […] La première, seule s’exprime directement par les institutions, soit : mais ne suppose-t-elle pas logiquement la seconde ? […] La période qui précède immédiatement l’ère moderne — celle de la féodalité — suppose un esprit tout contraire au nôtre ; mais, pour la période antérieure à celle-ci, en est-il de même ?

412. (1900) Molière pp. -283

Et quel fonds de scélératesse naïve et d’impudent mensonge ce conte suppose chez cette petite fille, qui instantanément sait arranger une histoire pareille, sans hésiter ; voyez Rosine, au contraire : Oh ! […] Il me reste, messieurs, à arriver aux deux œuvres de Molière qui supposent la réunion des trois facultés que j’ai précédemment signalées. […] Supposez que Molière eût été seulement un homme de talent, d’un certain talent : il aurait fait contre les dévots une comédie de la même colère et de la même portée que celle que fit Palissot contre les philosophes ; supposez qu’il eût eu plus que du talent, du génie, mais un génie de portée ordinaire : eh bien, il eût fait en comédie contre les dévots, ce qu’a fait contre eux La Bruyère dans ses Caractères, qui ne vont pas au-delà de ce que La Bruyère pouvait avoir sous les yeux. […] Est-ce trop s’avancer de supposer que l’auteur de Gil Blas aurait pu être lui-même Molière, si la première disgrâce de sa vie n’eût été de naître trop tard. […] Ceux-là même, parmi les successeurs de Molière, dont la destinée fut en apparence plus heureuse, n’ont acheté le génie comique et l’expérience amère qu’il suppose qu’au prix de bien des souffrances morales !

413. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Je sais qu’on peut supposer à cet usage une origine gothique. […] L’antiquité lui fut-elle aussi complètement inconnue qu’on le suppose ? […] On la suppose frivole et licencieuse, ou tout au plus satirique. […] Tout ce que l’imagination peut réunir, peut supposer de plus grand, se retrouve en lui. […] Tant de vers supposent peu de poésie.

414. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Maurice de (1810-1839) »

L’auteur suppose qu’un être de cette race intermédiaire à l’homme et aux puissantes espèces animales, un centaure vieilli, raconte à un mortel curieux, à Mélampe, qui cherche la sagesse, et qui est venu l’interroger sur la vie des Centaures, les secrets de sa jeunesse et les impressions de vague bonheur et d’enivrement dans ses courses effrénées et vagabondes.

415. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre premier. La question de fait et la question de goût » pp. 30-31

La question de fait et la question de goût Supposons que nous ayons dressé comme il convient, la liste des différentes périodes, qui sont comme les étapes de notre itinéraire à travers le passé.

416. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 465-468

Cette découverte, qui suppose une étude réfléchie & combinée des Langues anciennes & une connoissance approfondie de l’Histoire, n’est pas appuyée sur des rapports vagues & isolés, mais sur toute la suite de l’Histoire des Egyptiens, rapprochée de celle des Hébreux, mais sur une ressemblance si sensible, si soutenue, qu’on ne peut la regarder comme fortuite, sans renoncer à tout ce que l’érudition présente de plus convaincant.

417. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — I »

Il apparaîtra, qu’à supposer réalisé le vœu de l’une ou l’autre de ces tendances, ce triomphe causerait, avec la ruine de cette tendance, la suppression de toute réalité.

418. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

De là, de ce commerce vague et porté par des sons, entretenu par des lettres, et où divers incidents assez naturels retardent la rencontre, naît un amour tel qu’on le peut supposer entre deux êtres très-jeunes, très-purs et très-malheureux. […] L’étiquette jette un voile uniforme sur tout cela : c’est une sorte de mesure positive qui donne à des tons discordants les apparences de l’harmonie. » Il y a dans cette cour une comtesse de Lémos, femme d’esprit, qui ose être elle-même et se soucier peu de ce qu’on suppose : « L’attitude indépendante qu’elle sait y conserver, dit l’auteur, m’a fait imaginer quelquefois que, dans cette même cour où l’on ne parle guère, il ne serait pas si difficile qu’on le croit de se permettre de tout dire, pourvu que l’on consentît en revanche à permettre d’y tout penser. » On est très-prompt, en effet, à y penser beaucoup de choses. Don Alphonse a eu le bonheur, dans une chasse, de sauver la vie de la reine ; elle lui en a témoigné sa reconnaissance avec une vivacité qui est sortie une fois de l’étiquette, et voilà dès lors qu’on le suppose amoureux et favorisé. […] L’auteur est loin de refuser au ministre espagnol toute qualité affectueuse : « Nous nous trompons souvent dans nos jugements, quand nous penchons trop à supposer qu’un homme est tout à fait, est complétement ce qu’il est beaucoup.

419. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Une insinuation est renfermée dans ces paroles, mais elle s’évanouit par l’énoncé même qui suppose la personne tenant ruelle, exposée à la vue de tonie sa société. […] Ceci nous éloigne toujours plus de l’application supposée, et ces pécores, ces bourgeoises, ces provinciales sont tellement privées d’usage, de tact, de discernement, qu’elles prennent de plats et de grossiers laquais pour des seigneurs du meilleur ton, de l’esprit le plus distingué. […] et n’est-ce pas une étrange témérité de supposer offensive pour la maison de Rambouillet une pièce qui, dirigée contre les peckes, est pleine de sel, de verve et de comique, et qui serait un contresens fort plat d’un bout à l’autre si elle avait la direction qu’on lui suppose ?

420. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Personne, non plus que moi, ne pouvait supposer qu’un livre empreint d’une spiritualité aussi ardente, aussi éclatante que les Fleurs du mal, dût être l’objet d’une poursuite, ou plutôt l’occasion d’un malentendu. […] Supposez une fantaisie sinistre qui manque aux fantaisies du conteur américain, une imagination qui va de pair avec ses imaginations désordonnées ; supposez, dans un palais comme celui du prince Prospero, par exemple, à la suite des sept grandes salles éclairées du côté du corridor par leurs fenêtres flamboyantes, une serre de vitrage disposée pour servir de jardin d’hiver. […] Figurez-vous cette langue, plus plastique encore que poétique, maniée et taillée comme le bronze et la pierre, et où la phrase a des enroulements et des cannelures ; figurez-vous quelque chose du gothique fleuri ou de l’architecture moresque appliqué à cette simple construction qui a un sujet, un régime et un verbe ; puis, dans ces enroulements et ces cannelures d’une phrase qui prend les formes les plus variées comme les prendrait un cristal, supposez tous les piments, tous les alcools, tous les poisons, minéraux, végétaux, animaux, et ceux-là les plus riches et les plus abondants, si on pouvait les voir, qui se tirent du cœur de l’homme, et vous avez la poésie de M. 

421. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

On aperçoit aisément, d’après cette considération, pourquoi ces théories n’ont pu encore être formées, puisqu’elles supposent le développement préalable de toutes les différentes sciences fondamentales. […] Ce qui rend, en général, plus sensible encore la nécessité logique de cette distinction fondamentale entre les deux grandes sections de la philosophie naturelle, c’est que non seulement chaque section de la physique concrète suppose la culture préalable de la section correspondante de la physique abstraite, mais qu’elle exige même la connaissance des lois générales relatives à tous les ordres de phénomènes. […] On voit, en effet, que, quelque parfaite qu’on pût la supposer, cette classification ne saurait jamais être rigoureusement conforme à l’enchaînement historique des sciences. […] Celle-ci, pour être conçue d’une manière vraiment méthodique, suppose évidemment la connaissance préalable de l’autre.

422. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Mais voyez comme, presque sournoisement, l’avocat qu’est La Fontaine, dépose en passant, jette, en passant, une idée qui sera féconde, il le suppose et il a bien raison de le supposer, dans l’esprit de son lecteur, et qui achemine le lecteur à la conclusion où lui, auteur, veut atteindre. […] Nous voici au mois de mai, je suppose. […] Il a dit ailleurs  et j’aurais pu vous apporter les sept ou huit volumes où l’on trouve ici et là Voltaire parlant de La Fontaine, j’y ai pensé, mais j’ai supposé que l’heure me presserait  il a dit ailleurs que La Fontaine est à peu près au niveau de l’Arioste.

423. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Nos noms actuels, n’emportant point avec eux de signification, sont sans poésie : nous y suppléons par des épithètes, ou en ressuscitant d’anciens noms dont la signification ne nous est pas connue, mais auxquels nous en supposons une, avec quelque raison. Un des avantages, entre autres, de la noblesse, est de donner un nom significatif, ou au moins un nom auquel il est permis de supposer une signification. […] Les langues auraient donc été faites tout d’une pièce par des hommes en qui la force de l’intelligence aurait fait prévoir les besoins futurs de la pensée ; il est présumable en effet qu’en remontant à l’origine de ces sociétés, grossière et misérable comme il faut la supposer dans une telle hypothèse, ce ne seraient pas ces sortes de besoins qui auraient commandé les premiers l’emploi de la parole. […] Il faut d’abord supposer que les hommes ont subsisté, pendant un assez long espace de temps, privés du bienfait d’un langage organisé : ce furent de simples interjections, des cris, des onomatopées ; les signes des mains, l’expression de la figure, aidaient à l’intelligence de ces émissions de la voix.

424. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Jay, intitulé Conversion de Jacques Delorme, je trouvai aussi qu’on m’avait peu consulté en me louant aussi absolument d’une conversion qui n’était pas si entière qu’on la supposait. […] Vous vous en moquez à votre aise en famille, et pour la commodité de votre discours, le jour où vous entrez à l’Académie ; mais devant l’Europe, supposez-la absente, quelle lacune !

425. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

Les faits qui sont rassemblés dans cet ouvrage sont moins neufs que l’auteur ne le supposait d’après ses lectures assez récentes ; mais les conséquences qu’il en tire sont extrêmes et singulières. […] C’est là une de ces assertions d’après coup qui supposent qu’on tient dans la main tous les éléments du problème, tous les fils et les ressorts de l’histoire.

426. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

On reproche souvent à certaines doctrines sociales de ne se préoccuper que des intérêts matériels, de supposer qu’il n’y a pour l’homme qu’une espèce de travail et qu’une espèce de nourriture et de concevoir pour tout idéal une vie commode. […] Je suppose une pensée aussi originale et aussi forte que celle du christianisme primitif apparaissant de nos jours.

427. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

En effet, la beauté d’un hymne suppose un sublime entendement. […] Car toutes les phrases que j’ai citées, ne supposent-elles pas une grande foi chez leurs auteurs ?

428. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Supposé que durant l’enfance et dans un temps où nous ne connoissions pas encore les autres poëmes, on nous eut inspiré pour l’éneïde une veneration qu’elle ne méritât point, nous sortirions de ce préjugé dès que nous viendrions à lire les autres poëmes, et à les comparer avec l’éneïde. […] Voudroit-on supposer que tous les habiles gens qui vivent ou qui ont vécu depuis que ces nations se sont polies aïent conspiré de mentir au désavantage de leurs concitoïens, dont la plûpart morts dès long-temps ne leur étoient connus que par leurs ouvrages, et cela pour faire honneur à des auteurs grecs et romains, qui n’étoient pas en état de leur sçavoir gré de cette prévarication.

429. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

En premier lieu, supposé que quelques-unes des melopées qui étoient les especes du genre tragique, composassent des chants proprement dits ; on ne sçauroit au moins disconvenir que quelques-unes de ces especes ne composassent seulement une simple declamation. […] Il ne seroit pas impossible de trouver encore dans les anciens auteurs des faits qui supposent l’usage dont parle Capella.

430. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

Supposons cette Décentralisation accomplie. […] Toute œuvre payée à l’écrivain sa valeur suppose des bénéfices réalisables par l’éditeur : or, l’éditeur de province n’aura que des débouchés nécessairement très restreints ; et il faudra un miracle de vogue, rien que pour couvrir les frais d’impression !

431. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Il est à supposer qu’il croit à deux choses : c’est à savoir à l’empire des choses sur nous et au pouvoir de nous sur les choses. […] Du moins à le supposer tel, par comparaison que nous aurons faite de lui à lui, nous aurons pensé, nous aurons réfléchi sur ces différentes forces, extérieures que nous subissons, intérieures que nous saisissons ou croyons saisir ; extérieures que nous sentons, intérieures dont nous prenons conscience ; et nous aurons, en tout cas, élargi le cercle de notre esprit.

432. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

Supposons que Voltaire fasse représenter de nos jours une tragédie ; M. de Carné la trouvera exécrable parce qu’elle est de lui ; M.  […] À ces qualités que je suppose réunies dans mon critique, j’en ajouterais volontiers quelques autres, quoiqu’elles semblent moins indispensables, par exemple d’être discret et de parler français.

433. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

S’il est vrai, comme je le crois, que la divergence des opinions diverses qui se disputent aujourd’hui l’empire de la société commence immédiatement à l’origine de la pensée, nous allons être obligés de creuser jusque-là pour expliquer cette divergence ; car, je ne puis assez le répéter, la lutte des intérêts contraires, quelque active qu’on puisse la supposer, ne suffirait pas toute seule pour amener les résultats dont nous sommes témoins. […] En un mot, la parole est nécessaire à l’homme pour penser, et alors l’homme n’a pu inventer la parole ; car on ne peut supposer un temps où il ait été sans pensée, et on ne peut expliquer comment il aurait pu créer la parole, sans laquelle il ne pouvait penser ; ou la parole n’est pas nécessaire à l’homme pour penser, et alors il a pu graduellement inventer la parole.

434. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Ces romans n’étaient point, comme on eût pu le supposer, des impies plaidoyers en faveur des désordres d’une vie effrénée, mais une attaque directe et à fond contre l’inégalité matrimoniale, assez mal commode pour l’adultère. […] Pour notre compte, nous ne croyons nullement à l’égalité spirituelle de l’homme et de la femme, telle que le bas-bleuisme la suppose et la pose.

435. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

En effet l’œuvre, dans sa pensée, est toujours adaptée à sa destination, et on comprend quelle richesse d’imagination suppose cette scrupuleuse adaptation de l’édifice à son but. […] En tous cas, il a, dès à présent, fait preuve d’une assez belle vigueur pour que nous le supposions capable d’un tel enfantement.

436. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 2-5

Il entre ensuite dans la galerie, où il suppose consacrées sur la toile toutes les actions mémorables du regne de Louis XIII, dont il rapporte la gloire au Cardinal.

437. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 507-511

Tous ses Ouvrages abondent en une érudition qui étonne l’esprit & suppose l’étude la plus longue, la plus immense & la plus réfléchie.

438. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 10, objection tirée des tableaux pour montrer que l’art de l’imitation interesse plus que le sujet même de l’imitation » pp. 67-70

Il faut toujours supposer, comme la raison le demande, que l’art ait réussi également ; car il ne suffit pas que les tableaux soïent de la même main.

439. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — II. Le fils des bâri »

Ne pouvant supposer que la grossesse de celle-ci durât depuis mon départ de Matakon, je demandai à Ali ce qu’était devenu l’enfant dont elle avait dû accoucher après mon départ et il me raconta l’histoire que voici : Vers le mois de mai 1899, Nâna avait donné naissance à un garçon, mais ce petit garçon ne ressemblait en rien aux autres enfants.

440. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Peut-on supposer dans un homme, & un homme instruit comme le P. le Bossu, une méprise aussi grossière que celle de confondre fable, apologue, avec fable, constitution d’un poëme. […] Mettons aussi les romans qu’elle suppose que j’ai lus, pour les deux cent fois qu’elle a lus avec plaisir quelques pièces du cinique Aristophane. […] Il suffit, en effet, d’un coup d’œil jetté rapidement sur ces prétendues copies & l’original supposé, pour en découvrir la prodigieuse différence. […] On convient généralement qu’Énée vivoit trois cens ans après Didon : sur quoi les sçavans, scrupuleux en fait de noms & de dattes, se récrient contre l’audace de Virgile ; lui demandent raison d’avoir fait rencontrer deux illustres personnages qui ont vécu dans des siècles différens ; d’avoir supposé à la reine de Carthage la passion la plus violente & la plus éloignée de son caractère, puisqu’à la mort de Sichée, elle lui voua une fidélité inviolable & préféra le bûcher à de nouveaux engagemens. […] On peut tout feindre, tout oser dans un poëme, du moment qu’on ne nuit pas à la suite des événemens de l’histoire ; qu’on n’est point démenti par une opinion générale ; qu’on ne suppose rien qui ne puisse avoir été fait.

/ 1858