Or, le jardin de M. l’abbé Gorini, que je tiens à ce qu’il achève, est le jardin public — trop public — de l’histoire contemporaine, un potager d’erreurs de toute sorte, et dans lequel précisément ce vigoureux sarcleur d’abbé Gorini a retourné plus d’une plate-bande pour le compte de M. […] Le grand défaut, le seul défaut capital peut-être de l’ouvrage de M. l’abbé Gorini, qui l’empêchera d’être lu et goûté du public, nous l’avons signalé au commencement de ce chapitre, c’est de n’être pas un livre ayant son commencement, son milieu, sa fin, son organisme et son art.
Publié en Belgique, chez les éditeurs Lacroix et Verboeckhoven, les fonctionnaires publics du gouvernement Victor Hugo, descendu de la même planche qui, sans se rompre, a porté les Misérables, et bien autrement fort de café, disait-on, contre le sacerdoce et l’Église, que tout ce qu’on nous avait servi jusque-là, ce livre, intitulé sinistrement : le Maudit, était l’œuvre d’un prêtre, non d’un prêtre ébauché et d’un fuyard de séminaire comme Ernest Renan, mais d’un vrai prêtre, complet et héroïque, qui n’avait pas mis son nom à son ouvrage, parbleu ! […] Tiré en pleine chambre du Sénat et de la main gantée d’écarlate d’un cardinal, il a forcé l’attention publique. […] Sans valoir la millième partie du bruit qu’on lui a fait, Renan a bien ce qu’il faut, semble-t-il, pour illusionner, je ne dis pas les évêques, dont les mains calmes et consacrées doivent savoir exactement le poids ou la légèreté de l’erreur, mais du moins ce gros public, dont l’instinct est faillible, — mauvais juge d’une science assez grande pour tromper et d’un style assez travaillé pour paraître beau.
Votre colère ne fait abstraction de personne ; tout le monde y passe, l’homme de talent et son copiste qui n’en a pas ; le livre admiré par le public, et le livre que le public a sifflé. […] Pourquoi laisser le public en paix, pendant que vous agitez le monde littéraire ? Le public est en ceci le vrai coupable ; c’est le public, tout autant que les auteurs, qui fait ses romans, ses contes et ses drames. […] Au contraire, parlez au public d’un huissier-priseur ou d’un commissaire de police ; parlez tout simplement de l’ours Martin ou de Jacqueline : soudain le public va vous prêter tout son intérêt, toute son attention. […] Ici, Charrié et sa bande, et là-bas le comité de salut public !
Il y faudra voir, au contraire, l’un des principaux exemples de cette admirable condensation de formules qui, chez les populations avancées, réunit, sous une seule expression usuelle, plusieurs attributs distincts, quand la raison publique est parvenue à reconnaître leur liaison permanente. […] Ne pouvant empêcher le libre essor de la raison moderne chez les esprits cultivés, on s’est ainsi proposé d’obtenir d’eux, en vue de l’intérêt public, le respect apparent des antiques croyances, afin d’en maintenir, chez le vulgaire, l’autorité jugée indispensable. […] Notre respectueuse admiration sera toujours bien due assurément à la prudence sacerdotale qui, sous l’heureuse impulsion d’un instinct public, a su retirer longtemps une haute utilité pratique d’une si imparfaite philosophie. […] Cette prééminence est d’une nature tellement sensible que, sans doute, la raison publique la reconnaîtra suffisamment, longtemps avant que les institutions correspondantes aient pu convenablement réaliser ses heureuses propriétés. […] Ainsi, l’universelle propagation des principales études positives n’est pas uniquement destinée aujourd’hui à satisfaire un besoin déjà très prononcé chez le public, qui sent de plus en plus que les sciences ne sont plus exclusivement réservées pour les savants, mais qu’elles existent surtout pour lui-même.
Mais, s’il vous plaît, à cause des allusions, non point que contenait la pièce, mais que le public pouvait y mettre. […] Mais dès le temps de Sedaine, le public désirait secrètement qu’ils se mariassent, et l’auteur voulait que le public le désirât. […] Je n’aime pas que le public se trompe complètement. […] Il s’agissait de forcer le public à donner raison à une personne qui, aux yeux de la raison, a absolument tort. […] Par conséquent, durant cette seconde partie, à l’acte IV, de la scène du III, nous dirons sans cesse, nous, public : « Hé !
Ce passage est tiré du livre même que nous annonçons aujourd’hui au public. […] L’éducation publique, qui est celle que les enfants reçoivent de l’état dans des établissements publics ; son but est de former l’homme pour la société publique et les devoirs religieux et politiques qu’elle commande. […] « Que des établissements publics, dit M. […] Luther attenta au sacerdoce public, Calvin le remplaça dans la famille. […] Sans doute quand le cri est public, général, violent, quand c’est toute une nation qui parle sans contrainte.
Le public. — La scène. […] Un écriteau en grosses lettres indique au public qu’on est à Londres ou à Constantinople ; et cela suffit au public pour se transporter à l’endroit voulu. […] Quels sont-ils ces bourgeois, ces courtisans, ce public dont le goût façonne le théâtre ? […] Ils manifestent mieux que les autres hommes l’esprit public, parce que l’esprit public est plus fort chez eux que chez les autres hommes. […] Oui, j’en suis une ; car celle qui est la femme d’Orgilus, et vit en adultère public avec Bassanès, est à tout le moins une prostituée.
Comme amateur des vieux livres, on peut souffrir de cette divulgation des choses rares ; comme partie du public et comme lecteur du commun, on ne saurait s’en plaindre. […] le siècle marche, les voies publiques s’étendent, les rues s’élargissent, le grand chemin est partout. […] Léon Feugère, cet autre éditeur qui a bien mérité de La Boétie, n’est pas et ne prétend pas être un amateur aussi déclaré ni aussi opiniâtrement en quête sur tel ou tel point, un défricheur ni un investigateur bibliographique du même genre : il ne s’adresse qu’à ce qui peut intéresser plus généralement le public ; universitaire des plus instruits, littérateur estimable, plein d’acquis, de culture, et utilement laborieux, il a pris à tâche de faire connaître avec étendue et de mettre aux mains de tout le monde des auteurs jusqu’ici peu répandus, et dont la lecture courante ne peut se faire qu’à l’aide d’un introducteur aussi complaisant qu’érudit. […] En dédiant les vers latins de La Boétie au chancelier de L’Hôpital, Montaigne développe cette même idée : il se console, dit-il, de voir tant de hasard présider au choix des hommes qui gouvernent les autres, et, là même où la chose publique est le mieux réglée, le discernement faire faute trop souvent sur ce point, en considérant qu’Étienne de La Boétie, « l’un des plus propres et nécessaires hommes aux premières charges de France, avait tout du long de sa vie croupi méprisé ès cendres de son foyer domestique ». […] Quand ils se rencontrèrent La Boétie et lui au début de la vie publique, ils étaient encore sous le vestibule de l’Antiquité et comme sous le Portique.
Tout en ayant l’air de braver le public, ou de le narguer, il n’est que de le prendre en dessous par une de ses veines. Théophile Gautier négligea toujours et dédaigna ce qui parle le plus au public français ; il se fit un malin plaisir et un jeu de le contredire en toute rencontre, affectant de ne s’adresser qu’à quelques-uns. […] Ce sont tous ces charmants vers que je reproche au public, qui lit avec plaisir les feuilletons de Théophile Gautier, de ne pas avoir présents et de ne pas assez couronner. […] Est-il amoureux, par exemple, souffre-t-il : au lieu de se plaindre, de gémir, de se répandre en larmes et en sanglots, de presser et de tordre son cœur au su et vu de tous, ce qui lui paraît peu digne, — car il ne sied pas, selon lui, que le poète geigne en public, — il se contient, il a recours à quelque image comme à un voile, il met à son sentiment nu une enveloppe transparente et figurée ; il dira : LE POT DE FLEURS Parfois un enfant trouve une petite graine, Et tout d’abord, charmé de ses vives couleurs, Pour la planter, il prend un pot de porcelaine Orné de dragons bleus et de bizarres fleurs. […] Sans compter que le public français (j’y reviendrai) ne peut guère porter qu’un poète nouveau à la fois, notez encore que c’est presque toujours par des côtés accessoires, étrangers à la poésie pure, qu’il l’adopte et qu’il l’épouse.
Je pardonne même, sinon à ceux qui ont pu contribuer à sa démarche, à ceux du moins qui sont tentés d’y applaudir, parce que je suis persuadé qu’elle produira dans le public un effet tout contraire à celui qu’on en attend… » C’était dix fois juste. […] Maiouet, dans cette affaire et pour cette petite pièce montée à loisir, ne sut donc point se placer au vrai point de vue du public et du théâtre. Il ne se dit point que l’autorité de Raynal (si autorité il y avait) ne pouvait se séparer du fond des doctrines qu’il avait si ostensiblement soutenues et proclamées ; que son changement d’idées graduel et sincère, remontant à quelques années et connu seulement de quelques amis, ne pouvait que lui nuire en éclatant comme une conversion subite et en s’étalant comme un exemple de plus de la versatilité humaine ; que les hommes célèbres et les personnages publics ne sont pas seulement ce qu’ils sont, mais ce qu’ils paraissent ; que l’auteur de l’Histoire philosophique était le dernier des hommes qui eût le droit de rappeler si solennellement à la modération ceux qu’il avait de longue main excités et échauffés ; que c’était tout au plus ce qu’aurait pu tenter un Mirabeau, se transformant de tribun séditieux en tribun conservateur : et encore aurait-il eu de terribles difficultés personnelles à vaincre : Quis tulerit Gracchos de seditione querentes ? […] Il put continuer d’être cher à ses amis et leur tenir de fort beaux propos, leur prodiguer de généreux sentiments, et gémir plus haut que personne en se promenant avec eux le soir dans les allées du Luxembourg97 ; mais l’homme public ne comptait plus, il s’était brisé du même coup et devant ses contemporains et devant la postérité. […] Peut-être enfin n’était-il pas sans utilité pour la morale de remarquer qu’en soufflant dans cette occasion une sorte de flétrissure publique pour une production qui n’était pas de lui, Raynal avait en quelque sorte été puni d’avoir usurpé seul la gloire d’un grand ouvrage où il avait eu tant de collaborateurs. » 99.
Il y a des scènes et des publics qui nous excitent, qui nous élèvent dès l’abord, qui nous forcent à tirer de nous-mêmes et plus constamment tout ce que nous valons. […] Plus ou moins tôt, toutes les qualités percent, et la dose de nouveauté qu’on avait en soi est versée dans le public. […] Le public, dans sa reprise d’enthousiasme, en voulait, les acteurs tout naturellement y insistèrent ; ce leur était chose plus facile. […] Vers le même temps, il est vrai, la pièce, jouée en province, à Metz, à Bordeaux, devant un public moins en garde, réussissait entièrement. […] Scribe a observé que les titres directs, les caractères affichés aux pièces, tels que l’Ambitieux, les Indépendants, sont une difficulté de plus aujourd’hui, une sorte de programme proposé d’avance au public impatient qui le conçoit à sa manière, et trouve volontiers que l’auteur ne le remplit pas à souhait.
II « Mais cette femme, si magnanime et si supérieure à son sort en public, fléchissait, comme toute nature humaine, dans la solitude et dans le silence du cachot. […] dit l’accusateur public en voyant ce cortège de femmes des noms les plus illustres groupé autour de la sœur de Louis XVI. […] Non, je n’ai pas eu de telles faiblesses envers le comité de salut public qui contresigna de telles concessions de têtes à la cruauté du peuple ! […] Robespierre, qui a personnifié en lui cette mêlée d’abord sublime, puis hideuse, des pensées et des passions, des philosophies et des fureurs, des principes et des sophismes, des moralités privées et des atrocités publiques, va périr sous la main non de ses ennemis, mais de ses complices. […] Il s’enivre d’une perspective de félicité publique pendant que la France palpite sur l’échafaud.
La malignité publique se complut à voir la figure du roi, des princes, des ministres, des favoris et des favorites, dans les personnages dont Fénelon avait composé ses tableaux. […] Il y vit sa condamnation certaine à un éternel exil, et sa situation d’ennemi public dans une cour qui ne lui pardonnerait jamais. […] Mais le dévouement de Fénelon ne se borna pas à des actes particuliers ; il put s’élever au noble rôle d’assistance publique. […] Le service militaire réduit à cinq ans de présence sous les drapeaux ; les pensions aux invalides servies dans leurs familles, pour être dépensées dans leurs villages, au lieu d’être dilapidées dans l’oisiveté et dans la débauche du Palais des Invalides dans la capitale ; Jamais de guerre générale contre toute l’Europe ; Un système d’alliance variant avec les intérêts légitimes de la patrie ; Un état régulier et public des recettes et des dépenses de l’État ; Une assiette fixe et cadastrée des impôts ; Le vote et la répartition de ces subsides par les représentants des provinces ; Des assemblées provinciales ; La suppression de la survivance et de l’hérédité des fonctions ; Les États généraux du royaume convertis en assemblées nationales ; La noblesse dépouillée de tout privilége et de toute autorité féodale, réduite à une illustration consacrée par le titre de la famille ; La justice gratuite et non héréditaire ; La liberté réglée de commerce ; L’encouragement aux manufactures ; Les monts-de-piété, les caisses d’épargne ; Le sol français ouvert de plein droit à tous les étrangers qui voudraient s’y naturaliser ; Les propriétés de l’Église imposées au profit de l’État ; Les évêques et les ministres du culte élus par leurs pairs ou par le peuple ; La liberté des cultes ; L’abstention du pouvoir civil dans la conscience du citoyen, etc. […] Cet élève était devenu la perspective de la France ; elle attendait son règne comme celui de la vertu et de la félicité publique.
Étant homme, et poète, il aimait ce qui venait de lui, et préférait ce qu’il voyait mal reçu du public. Il quitta le théâtre par un dépit d’auteur sifflé, après Pertharite : il y rentra, au moment où disparaissaient et les modèles qu’il peignait et le public qui avait fait sa renommée. […] Pour lui, il a sur les unités le sentiment qui est celui du public, et qui les a établies : elles sont l’expression de « la raison naturelle » ; elles donnent la vraisemblance, et un air de réalité au poème dramatique. […] Ensuite, parce que, de son temps du moins, la fortune des hommes illustres intéressait le public plus que celle des bourgeois, et fournissait des causes plus adéquates à la grandeur des passions ; et puis, aussi, parce qu’en somme les intérêts historiques donnent aux passions une base plus universellement intelligible que les intérêts professionnels ou financiers, d’où sortent les passions bourgeoises. […] Seulement ces effets violents ne réchauffent pas la tragédie, précisément par ce que le public fait la réduction convenable, et par ce que le sang versé au théâtre n’est pas pathétique physiquement, par son aspect, mais moralement, par les causes de l’acte.
Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française 4 août 1881 Il y a un jour dans l’année, Messieurs, où la vertu est récompensée. […] « Tous les enfants élevés par cette bonne fille Albert, nous dit l’inspecteur de l’Assistance publique de la Loire-Inférieure, ont bien tourné. […] Le public, qui est juste quelquefois, se prononce hautement pour la touchante victime ; elle, toujours réservée, ne consent pas à se laisser trop plaindre. ; Le dimanche suffit à sa consolation. […] Un groupe de jeunes filles que ses vertus ont spécialement captivées, et qui cherchent l’estime publique en s’approchant d’elle, ne la quitte pas. […] Dans ce genre, il est vrai, vous ne prenez pas vos lauréats pour confrères ; mais la confiance que le public vous témoigne est quelque chose de touchant.
Ce sont ces originaux que Manuel, officier public, trouva dans les cartons et qu’il s’appropria sans scrupule, se vantant, pour plus d’effet, de les avoir découverts « sous les débris » de la Bastille, dont il était l’un des « vainqueurs ». […] Il descendit donc, et, pour arriver à la langue générale et publique, il ne craignit point de traverser la déclamation à la nage et de se plonger dans le plein courant du siècle, bien sûr qu’il était d’en ressortir à la fin non moins original et plus grand. […] Même dans les choses d’amour, dans ses souvenirs élégiaques, écrivant à son amie, il la défend en idée devant ses accusateurs, et il la défend en se levant, en se tournant volontiers vers le public absent, qu’il apostrophe et qu’il invoque : Voulez-vous, demande-t-il, qu’elle ait fait une imprudence ? […] On se prend à répéter avec lui : « Somme toute, il n’y a que les hommes fortement passionnés capables d’aller au grand ; il n’y a qu’eux capables de mériter la reconnaissance publique… » Ne dirait-on pas qu‘à travers ses barreaux il aperçoit déjà le Panthéon ? […] Il y eut en lui aussi une part de comédien et de personnage de théâtre qui tenait au talent même, et comme il en entre si aisément et à peu près inévitablement, on ose le dire, chez tous les hommes publics à qui il est donné de mener les autres hommes : mais le fond du cœur était chaud, le fond de la conviction était sincère, de même que plus tard nous verrons que le fond de ses vues politiques, en apparence si turbulentes et si orageuses, était tout à fait sensé.
Mais il résulta de cette longévité académique que, dans la seconde moitié du xviie siècle, l’Académie ne se renouvela point aussi vite que le public l’aurait pu souhaiter. […] ) Elle se livra au public, elle s’associa à Messieurs de l’Académie, et établit chez elle un bureau d’esprit. […] Ses petits écrits parurent de son vivant et d’abord sans sa participation, bien que, par le soin extrême de rédaction qu’elle y avait mis, elle semble avoir eu en vue le public. […] Mais ce fut bien pis quand le manuscrit de ses Réflexions sur les femmes, ouvrage plus hardi et qui était de nature à provoquer les railleurs, fut tombé aux mains d’un libraire et commença à circuler dans le public ; elle racheta vite toute l’édition ou ce qui en restait, mais sans pouvoir empêcher qu’on ne la réimprimât à l’étranger. […] À un endroit elle définira, par exemple, toutes les vertus d’après leur degré d’opposition avec l’amour-propre : « Tous les vices favorisent l’amour-propre, et toutes les vertus s’accordent à le combattre : la valeur l’expose, la modestie l’abaisse, la générosité le dépouille, la modération le mécontente, et le zèle du bien public l’immole. » C’est merveilleusement bien dit ; mais, du temps de Mme de Lambert, il ne fallait pas un grand nombre de ces phrases-là pour fatiguer quiconque n’était pas né à l’avance avec un esprit de forme psychologique et quelque peu doctrinaire.
Il demanda à le voir seul ; il l’entretint longuement des malheurs publics, et il cherchait jour sensiblement à une ouverture. […] Ce qui n’était pas une manœuvre et une intrigue, c’était le sentiment public alors répandu dans les classes supérieures et aisées de la société, et qui faisait explosion pour la première fois. […] Pour prendre des noms très purs et presque consacrés qui représentent l’un et l’autre de ces deux aspects de la France, je nommerai comme expression de la raison publique alors, des hommes tels que M. […] Ce qu’on peut dire après avoir écouté Marmont, et ce que diront tous ceux qui l’entendront un jour, c’est que, dans la résolution qu’il prit, il n’entra rien de cet égoïsme qui songe avant tout à soi et non au bien public, et qui déshonore. […] Le colonel Fabvier, qui avait accompagné le maréchal à Lyon, et qui avait été son chef d’état-major dans cette mission délicate et ferme, jugea à propos de rétablir les faits et de justifier par un écrit public ces actes que le ministère ne défendait que faiblement.
Un jeune homme de vingt ans fait cette action héroïque d’épouser une belle jeune fille ; on lui dresse des arcs de triomphe, on vient le voir par curiosité, on lui envoie le grand-cordon comme le lendemain d’une bataille, on couvre les places publiques de feux d’artifice, des gens qui pourraient avoir des barbes blanches mettent des perruques pour venir le haranguer presque à genoux, on jette en l’air des millions sterling en fusées et en pétards aux applaudissements d’une multitude en haillons, qui ne mangera pas demain ; le Lancashire affamé fait pendant à la noce ; on s’extasie, on tire le canon, on sonne les cloches, Rule, Britannia ! […] Mais si l’on joue Macbeth, c’est devant peu de public. […] On y a utilisé tous les bronzes York, Cumberland, Pitt et Peel ; on a, pour la composer, désencombré les places publiques d’un tas de cuivres non justifiés ; on a amalgamé dans cette haute figure toutes sortes de Henris et d’Edouards, on y a fondu les divers Guillaumes et les nombreux Georges, l’Achille de Hyde-Park a fait l’orteil ; c’est beau, voilà Shakespeare presque aussi grand qu’un Pharaon ou qu’un Sésostris. […] L’initiative prise par le comité entraînera certainement les pouvoirs publics. […] Ce qui est dû à Shakespeare, c’est une manifestation nationale ; un jour férié, une fête publique, un monument populaire, votés par les chambres et inscrits au budget.
Le public a été partagé entre ce tableau de Vien, et celui de Doyen sur l’ épidémie des ardents ; et il est certain que ce sont deux beaux tableaux ; deux grandes machines. […] De graves magistrats s’ils y avoient été auraient écouté et pesé ce que la doctrine nouvelle avoit de conforme ou de contraire à la tranquillité publique. […] Pourquoi ces statues qui peuploient les jardins publics, le portique, le céramique et autres endroits, ne se recommandoient pas seulement par la correction et la pureté du dessein. […] Je vous ai dit que le public avoit été partagé sur la supériorité des tableaux de Doyen et de Vien. […] J’observai qu’à la plaine des sablons, un jour de revue, que la curiosité badaude y rassemble cinquante mille hommes, le nombre des masses y seroient infinis en comparaison des grouppes ; qu’il en seroit de même à l’église, le jour de pâques ; à la promenade, une belle soirée d’été ; au spectacle, un jour de première représentation ; dans les rues, un jour de réjouissance publique ; même au bal de l’opéra, un jour de lundi gras ; et que pour faire naître des grouppes dans ces nombreuses assemblées ; il fallait supposer quelque événement subit qui les menaçât.
Je ne le crois pas : Cette mesure musicale me paraît purement une mesure de salubrité publique. […] Et, le salut donné, il se retourne vers le gros du public avec un sourire qui signifie : Voyez, vous autres manants, en quels termes je suis avec la noblesse ! […] Vingt ans il a fouillé les bibliothèques publiques ; vingt ans il a épelé — ligne par ligne — Monstrelet, Lachesnaye des Boys, d’Hozier — nulle part le nom des Maillet n’était inscrit dans le livre d’or de la noblesse. […] il se livra à l’enthousiasme public, — vêtu d’une veste en toile blanche et d’un pantalon de couleur : il est aimé d’une sympathie qui lui permet de ces insolences. […] Il va sans dire que j’inaugure ma direction en interdisant l’entrée du musée au public.
Enfin, par cela même qu’il a abaissé tous les niveaux connus de l’histoire de la Révolution, l’auteur de l’Histoire des Causes a déplacé toutes les idées acceptées par l’opinion depuis tant d’années, il a repris en sous-œuvre l’éducation publique à cet égard, et a poussé dans l’avenir sa traînée de lumière. […] Et, à ce propos, comme il faut qu’il soit toujours l’homme des renseignements inattendus, Cassagnac nous déploie une longue liste de tous les révolutionnaires, depuis Barrère jusqu’à Voyer-d’Argenson, depuis Marat et Danton jusqu’à Hérault de Séchelles et Fouquier-Tinville, avec l’état des charges publiques dont ils étaient investis sous ce gouvernement qui les sustentait et les honorait, et qui, pour sa peine, devait en mourir ! […] Enivrés, comme des gens qu’on consulte, ils brouillèrent toutes les nations par leur ignorance, leur importance, leur jalousie des classes supérieures ; ils puisèrent aux écrits des philosophes du xviiie siècle les théories qui y dormaient comme des tempêtes, et ils les versèrent dans l’esprit public avec leurs brochures. […] Or, cet aveuglement de l’esprit et ce vice de la volonté n’étant point, quand la Révolution éclata, dans la masse du peuple, mais, comme l’a prouvé Cassagnac, uniquement dans ceux qui la menèrent et l’égarèrent, nous parler à fond de ces meneurs coupables, nous ouvrir leur âme, passer de l’homme public, exagéré par la perspective du théâtre, à l’homme privé, saisi dans la stricte rigueur de ses habitudes et de ses passions, dans ce terrible tous les jours de la vie qui nous en dit tant sur les hommes ! […] Pourquoi, en effet, après leur vie publique, la vie privée de Sieyès, de Mirabeau, de Lafayette, de Robespierre, de Marat, de Danton et de tous les autres, si on peut, sans mutiler l’histoire, distraire la personnalité de ces hommes du cadre d’événements surhumains dans lequel ils se sont mus et qu’ils ont rempli, si on veut abaisser sur leurs visages nus, avec une monstrueuse indulgence, le voile noir que la république de Venise étendait sur l’image de son doge décapité ?
Le public était vraiment son patron. […] Je veux parler maintenant de l’un des hommes les plus importants, je ne dirai pas seulement de la caricature, mais encore de l’art moderne, d’un homme qui, tous les matins, divertit la population parisienne, qui, chaque jour, satisfait aux besoins de la gaieté publique et lui donne sa pâture. […] L’un d’eux, qui a trait au choléra, représente une place publique inondée, criblée de lumière et de chaleur. […] Il évite même avec soin tout ce qui ne serait pas pour un public français l’objet d’une perception claire et immédiate. […] Il connaît, comme Marivaux, toute la puissance de la réticence, qui est à la fois une amorce et une flatterie à l’intelligence du public.
Enfin le fait est manifeste et le goût public déclaré. […] En un mot, dans ce mélange et cette intervention sans frein de la passion publique aux représentations judiciaires, il y a ruine pour l’art, danger pour la justice, perversion de la morale moyenne en ce qu’on initie chaque classe aux émotions fortes.
La séance publique avait lieu le soir dans une salle improvisée sous la halle : Six mille âmes et plus qui saluent la croix Étayée de six évêques, Deux cents chanoines alignés, Musique de messieurs, musique de soldats, Et le prêtre au milieu. […] Il avait récité la veille cette pièce au banquet des évêques, avant de la dire à la séance publique.
C’est un écueil pour les pièces de théâtre des peuples libres, que les succès qu’on obtient, en mettant en scène des allusions aux affaires publiques. […] À Athènes on pouvait se faire connaître, et se justifier sur la place publique au milieu de la nation entière ; mais, dans nos associations nombreuses, on ne pourrait opposer que la lumière lente des écrits au ridicule animé du théâtre.
Le Public, qu’on ne peut y envoyer avec lui, sera du parti de Philoxene, & le Tyran n’aura pour partage que le ridicule de ses Ecrits, & la honte de l’oppression. […] Ceux qui s’intéressent au succès de ses travaux, autant qu’à l’avantage du Public, sont portés, par ces deux motifs, à désirer qu’au talent de l’analyse, il pût réunir un style plus flexible, plus agréable, plus varié.
Ses Instructions pour les Magistrats, son Essai sur le Droit public, ses Ecrits sur les Belles-Lettres, ses Instructions pour l’éducation de son fils, sont autant de monumens qui renferment, chacun en particulier, une raison supérieure, des traits brillans dont se forment un grand corps de lumiere qui éclaire l’esprit autant qu’il échauffe le cœur. […] Il interprete les Loix, comme l’eût fait le Législateur lui-même ; il expose le Droit naturel & le Droit public, comme s’il étoit l’interprete de la Nature & de toutes les Nations ; il parle de Littérature, comme si les Muses, les Graces & le bon Goût l’eussent rendu dépositaire de leurs oracles.
Je me suis acquitté, dans cet article, de ce que je devois au Public & à M. Helvétius : de ce que je devois au Public, en condamnant des erreurs que l’Auteur lui-même avoit rétractées authentiquement : de ce que je devois à l’amitié de M.
Le Public impartial sait, depuis long-temps, à quoi s'en tenir. […] « L'inscription que l'amitié vous a dictée, pour être mise au bas de mon portrait, indisposeroit contre moi le Public : il suffit de mettre dans l'exergue mon nom, mon âge, & ma patrie, en ces termes : Joannes-Baptista Rousseau, Parisinus anno ætatis 66.
Il n’arrive que trop souvent aux femmes qui donnent dans le bel-esprit, & qui veulent s’élever au-dessus des préjugés, de finir par braver toutes les bienséances, & par n’avoir aucune considération dans le public. […] En s’en moquant, en bravant le public & son ennemie, en continuant à jouir de sa conquête, en conjurant l’amour de la laisser égarer & de servir ses goûts & ses caprices : Permets, m’amour, penser quelque folie.
Sa premiere production, écrite avec beaucoup d’ordre, de lumiere & de goût, avoit prévenu favorablement le public. […] Palissot & Castillon les consignent dans un ouvrage digne des encouragemens du public.
Il demande que tous les citoyens soient égaux devant la loi, que les hommes de toutes les sectes soient déclarés capables de toutes les fonctions publiques, que les catholiques et les juifs puissent, comme les luthériens, les anglicans et les calvinistes, s’asseoir au parlement. […] Macaulay arrive à l’histoire de la révolution qu’il tire justice et vengeance de ceux qui ont violé les droits du public, qui ont haï ou trahi la cause nationale, qui ont attenté à la liberté. […] Les subtils raisonnements des Grecs deviennent unis et aisés ; les difficiles problèmes de la providence, de l’immortalité, du souverain bien, entrent dans le domaine public. […] Il ne savait pas mieux le fort et le faible de sa cause ; il n’était pas plus familier avec les intrigues, les rancunes, les variations des partis, les chances de la lutte, les intérêts des particuliers et du public. […] He was approached with outward marks of reverence, and his name was used in public instruments.
On vient de faire paraître la cellection de leurs discours à l’imprimerie du Journal d’Économie publique, chez M. […] Cette constance dans les opinions de quelques individus, y est même respectée quand elle ne trouble point la tranquillité publique. […] Ses premiers regards tombaient sur les restes du grand homme dont la mémoire lui était confiée par la reconnaissance publique. […] Le public eut raison, car cet éloge respire l’enthousiasme de la gloire. […] En un instant elle est répandue dans les maisons, dans les places publiques ; il est mort ; à ce mot, qui de nous n’a été attendri ?
… la pièce est fichue, si nous sommes forcés de la suspendre quatre ou cinq jours. » Et l’on est contraint de faire une annonce, pour solliciter l’indulgence du public. […] Oui, c’est positif, le public n’aime pas la simplicité de cette prose dramatique, il veut autour des catastrophes de la vie, la langue du boulevard du Crime. […] Public froid, glacé. […] » Paul Bert, le ministre de l’instruction publique, dans l’anxieuse inquiétude qu’il a de l’avenir de la République, avoue que dans le moment, il n’a plus sa tête pour son travail. […] Les femmes font vraiment très bien sur les fonds, et entrent tout à fait dans l’harmonie du mobilier… Mais la généralité de mon public demande toutefois que les femmes viennent tard, tard, tard.
Il en fit une lecture publique dans une Assemblée de toute la Grèce aux Jeux Olympiques. […] Bautzée ont traduit cet historien en françois, & le public se partage entre leurs versions. […] Ces mémoires ne sont pas fort exacts ; mais ils peuvent servir pour les faits publics sur lesquels les historiens se trompent rarement. […] Mais on l’a fait à l’Abrégé chronologique de l’histoire & du droit public de l’Allemagne, par M. […] Il faut espérer que l’auteur ne frustera pas le public de la suite d’une histoire qu’il attend avec tant d’impatience.
L’Institut est un corps de l’État : les pensées, les opinions de chacun de ses membres sont diverses et libres ; mais chaque président, chaque secrétaire perpétuel, portant la parole dans les séances publiques au nom de la compagnie qu’il représente, ne parle plus en son nom propre, et s’il lui arrive de froisser à dessein les opinions et les vues paisibles de beaucoup de ses collègues, il est dans le cas d’être redressé par l’un d’eux. […] Royer-Collard cessa de présider le Conseil de l’Instruction publique, Jouffroy avait attaqué le christianisme et compromis par là même l’enseignement. […] Il a donc fallu que M. le secrétaire perpétuel, pour rendre son sujet tout à fait agréable et pour l’accommoder au goût particulier du public dont il recherchait la faveur, dissimulât le côté essentiel qui y aurait jeté une ombre. […] La recherche du vrai dans toutes les théories, le goût du beau sous toutes les formes, la jouissance du droit conquis par la raison publique et consacré par la loi commune, l’application rapide de toutes les découvertes utiles et l’échange des productions multipliées de l’univers, devinrent en philosophie, en littérature, en politique, en industrie, le travail, l’ambition, le partage de l’heureuse génération à laquelle appartenait M.
Il avertit dans la préface qu’il écrivit d’abord en français et la traduisit ensuite en latin « pour répondre aux exigences du doctorat » ; mais c’est sous sa première forme qu’il la donne au public. […] Ainsi, après avoir enregistré quelque interdiction légale, dont l’application s’était faite le jour même, il passait brusquement, sans transition, à des nouvelles de l’autre monde et des pays transatlantiques : « Le Pérou vient de déclarer la guerre à l’Équateur… » ou bien : « On n’apprendra pas sans intérêt que la route qui vient d’être ouverte entre San-Francisco et la Nouvelle-Orléans abrégera d’une semaine le temps exigé naguère, etc. » Puis venait l’histoire des oiseaux du Palais de Cristal à Londres, les perroquets et les perruches qu’on avait représentés dans le catalogue comme d’excellents parleurs, et qui, « intimidés apparemment par la présence du public, ont gardé le silence » ; de jolies malices enfin, un peu renouvelées de Swift, mais accommodées à la française. […] Après avoir exposé à merveille et dans un parfait tableau les libertés de la presse anglaise et les avoir expliquées par le caractère du public à qui elle s’adresse, il reconnaît les différences de notre esprit, à nous, et de nos tendances françaises ; et cependant ses conclusions n’admettent guère, sur cet article capital, de différence de régime d’un pays à l’autre. […] Saint-Marc Girardin, qui serait arrivé à son tour et à son heure comme ministre de l’instruction publique, ne le pouvait être que sur la fin, avec et par M.
Je ne témoignais de penchant pour aucun côté, ni ne me mêlais à rien ; j’avais toujours un air serein, beaucoup de prévenance, d’attention et de politesse pour tout le monde, et comme j’étais naturellement fort gaie, je vis avec plaisir que de jour en jour je gagnais l’affection du public, qui me regardait comme une enfant intéressante et qui ne manquait pas d’esprit. Je montrais un grand respect à ma mère, une obéissance sans bornes à l’Impératrice, la considération la plus profonde au grand-duc, et je cherchais avec la plus profonde étude l’affection du public. » Et encore « Je m’attachais plus que jamais à gagner l’affection de tout le monde en général : grands et petits, personne n’était négligé de ma part, et je me fis une règle de croire que j’avais besoin de tout le monde, et d’agir en conséquence pour m’acquérir la bienveillance ; en quoi je réussis. » Elle rencontra, à ce moment difficile et décisif, un conseiller excellent : c’était un Suédois de beaucoup d’esprit, qui n’était plus jeune, le comte Gyllenbourg. […] Je n’en fis pas secret à Mr Tchoglokoff qui le redit à l’oreille de deux ou trois personnes, et de bouche en bouche, au bout d’un quart d’heure à peu près, tout le monde le sut. » Avec une galanterie des ce genre et moyennant cette adroite flatterie pour un caprice souverain, la grande-duchesse réparait pour quelque temps, dans l’esprit futile d’Élisabeth, bien des préventions contre elle, qu’on lui avait inspirées. — Mais voici le mieux, et je ne crois pas qu’un peintre de femmes, fût-il un Hamilton, eût jamais pu mieux faire ni mieux dire, s’il s’était proposé de nous donner le portrait de Catherine, à l’âge de vingt et un ans : « Aux bals de la Cour, où le public n’assistait pas, je me mettais le plus simplement que je pouvais, et en cela je ne faisais pas mal ma cour à l’Impératrice, qui n’aimait pas beaucoup qu’on y parut fort parée. […] Je me souviens qu’un jour, à une de ces mascarades publiques, ayant appris que tout le monde se faisait faire des habits neufs, et les plus beaux du monde, désespérant de pouvoir surpasser les autres femmes, je m’avisai de mettre un corps couvert de gros de Tours blanc (j’avais alors la taille très-fine), une jupe de même sur un très-petit panier ; je fis accommoder mes cheveux de derrière la tète, qui étaient fort longs, très-épais et fort beaux ; je les fis nouer avec un ruban blanc en queue de renard ; je mis sur mes cheveux une seule rose avec son bouton et ses feuilles, qui imitait le naturel à pouvoir s’y tromper, une autre je l’attachai à mont corset ; je mis au cou une fraise de gaze fort blanche, des manchettes et un tablier de la même gaze, et je m’en allai au bal.
Germond de Lavigne, s’est avisé (car toute cause trouve à la fin son avocat) de prendre en main la défense du continuateur anonyme de Don Quichotte, de celui qui avait essayé, dans l’intervalle des deux parties, de supplanter Cervantes et de se substituer en son lieu et place dans la faveur du public. […] G. de Lavigne a fait plus, il a critiqué la seconde partie du Don Quichotte de Cervantes et s’est mis par là en contradiction avec le goût public presque universel. […] L’avocat voudrait répliquer encore ; mais la Cour s’est déjà levée, le public qui a devancé le jugement se disperse et l’on n’y est plus. […] Bouterwek avait commencé, et il attribuait à Cervantes une idée plus haute que celle d’avoir voulu décréditer les mauvais romans de chevalerie, bien qu’il lui reconnût aussi cette dernière intention, mais seulement comme occasionnelle et secondaire ; il la réduisait au point de la subordonner tout à fait à je ne sais quelle vue supérieure : « On ne saurait supposer, disait-il, que Cervantes ait eu l’absurde pensée de vouloir prouver l’influence fâcheuse des romans sur le public, par la folie d’un individu qui aurait pu tout aussi bien perdre la tête en lisant Platon ou Aristote.
Ils étaient là, de père en fils, laborieux, instruits, secrets, sachant l’échiquier, alors si compliqué, des États de l’Europe, le personnel des Cours, le droit public et les traités, le mécanisme et l’organisme du Corps germanique et de l’Empire, les prétentions et les casus belli de tout genre, tous les mystères et les arcanes des chancelleries ; on leur demandait des mémoires sur les questions les plus ardues ; ils les rédigeaient aussitôt, du jour au lendemain, avec exactitude, clarté, sans qu’on eût même l’idée d’y rattacher leur nom. […] Napoléon, dans une audience publique à Milan (juin 1805), fit une scène à l’envoyé extraordinaire de la reine, chargé de le complimenter, et la dénonça avec une colère calculée comme une furieuse ennemie de la France : « Si après tant d’années de règne elle ne sait pas mettre du calme et de la modération dans sa conduite et dans ses discours, le vaisseau anglais qu’elle tient dans la rade de Naples ne la sauvera pas. » Après de telles injures, l’ulcération, des deux parts, devint incurable. […] Thiers fut annoncée et vint, en quelque sorte, déboucher, défiler comme une grande armée, à dater de 1845, et pendant près de vingt ans occuper le devant de la scène, envahir et posséder l’attention publique : lui, l’historien diplomatique, qui avait puisé aux mêmes sources, qui en avait par endroits creusé plus avant quelques-unes, qui y avait réfléchi bien longtemps avant d’oser en tirer les inductions, les conséquences essentielles, mais qui, une fois les résultats obtenus, y tenait comme à un ensemble de vérités, il se trouvait du coup distancé, effacé, jeté de côté avec son noyau de forces. […] Mais, on le conçoit, et même chez un esprit que les succès littéraires ne préoccupaient point, même pour le seul penseur, il y eut, il dut y avoir des tristesses intimes et profondes, de grandes défaillances morales, de voir ainsi l’œuvre de sa vie compromise et découronnée, de se sentir arriver au public tout haché et morcelé, lui qui précisément avait la conception une et entière ; d’assister au développement et au plein succès d’une autre vue que la sienne, et que naturellement il estimait moins exacte et moins vraie, sur cette grande époque et sur l’homme étonnant qui la personnifie.
Je laisse aux biographes futurs de Veyrat le soin de rechercher et de nous énumérer quelles furent ses déceptions à cette époque de l’exil, déceptions du côté des événements publics, déception de la part des hommes mêmes sur la protection et l’appui desquels il avait pu compter, trahison peut-être et perfidie de la part de quelques amis avec lesquels il avait étroitement vécu. […] On lit dans son Journal à cette date : « Le poëte sans fortune est le plus malheureux des hommes : la courtisane ne livre que son corps, libre de garder au fond du cœur les sentiments qui lui restent ; l’autre, au contraire, doit, pour vivre, livrer ses soupirs, ses émotions, les pensées qui lui sont chères, et jusqu’aux plus secrètes profondeurs de son âme, et cela à un public libre de noircir le tout de la plus injurieuse critique ou du mépris le plus insultant. » — C’est le Journal d’où sont tirées ces paroles si senties, qu’il serait curieux de connaître : on nous le doit. […] Il avait insulté Charles-Albert par une sorte d’Épître publique : il voulut que la réparation fût publique aussi et retentissante.
Confondant l’État et le roi, non comme le courtisan pour livrer l’État au bon plaisir du roi, mais pour que le roi fit du bien public son bien, il voulut fortifier le roi pour assurer la paix ; il se dévoua à combattre tous les l’auteurs de sédition et, d’anarchie, les ambitieux déguisés en fanatiques, et les fanatiques en qui le zèle faisait tous les effets de l’ambition. […] Aux fantaisies historiques d’Hotman sur la royauté élective et la souveraineté des Etats, il opposa la théorie de la monarchie française, héréditaire, absolue, responsable envers Dieu du bonheur public ; avec une nette vue de l’état réel des choses, il vit dans l’Etat la famille agrandie, et dans l’absolutisme royal l’image amplifiée de la puissance paternelle. Autour de ces idées fondamentales, il groupa une théorie générale des formes diverses du gouvernement, de fortes études sur les progrès et les révolutions des États, des réflexions curieuses sur l’adaptation des institutions politiques aux climats, enfin de très libérales doctrines sur l’impôt et l’égale répartition des charges publiques : si bien que ce livre, sans éloquence, sans passion, pesant, peu attrayant, fonda chez nous la science politique, et ouvrit les voies non seulement à Bossuet pour la théorie de la royauté française, mais à Montesquieu pour les principes d’une philosophie de l’histoire. […] Ce sont d’abord les deux charlatans, espagnol et lorrain, qui débitent le précieux Catholicon : symbole expressif des ambitions qui entretenaient la guerre civile ; puis le pittoresque tohu-bohu de la procession ligueuse, charge plaisante de la réelle procession de 1590, mais en même temps véridique peinture de toutes les mascarades révolutionnaires : enfin les États, et cette fameuse suite de discours où, par un spirituel emploi de procédé satirique, chacun des meneurs vient se déshabiller lui-même devant le public, et livrer le secret de son égoïsme, jusqu’à ce que, dans la bouche de D’Aubray, la voix de la saine et honnête bourgeoisie française, tour à tour indignée, ironique ou piteuse, se fasse entendre.
Les idées de Balzac : éducation intellectuelle du public par les lieux communs. — 2. […] Fils peu tendre, vieux garçon, citoyen désintéressé de la fortune publique, enfin parfaitement égoïste, il n’a pas l’excitation qui vient du cœur. […] Il a jeté dans la circulation tous les excellents lieux communs, où consiste la culture supérieure des esprits ; en les vulgarisant, il a mis le public en état de goûter les grandes œuvres dont elles seraient le nécessaire fondement. […] Boileau voyait en lui l’apologiste des ouvrages précieux, et la conduite publique de Chapelain l’y autorisait.
Le public, paraît-il, lui témoigne un profond respect. Cela ne m’étonne pas outre mesure, puisque ce même public, entre la contemplation des aventures cinématographiques de Rigadin, une séance de Tango et un match de boxe, couvre de son mépris toutes les tentatives artistiques et accule Antoine à la faillite. […] Ils ont, presque tous, pratiqué le culte constant des camaraderies littéraires indispensables et la politesse assidue des relations mondaines Ce sont parfois d’habiles spéculateurs de cette crédulité publique avide de posséder des étiquettes officielles de talent et des garanties de valeurs. […] Le grand public, que domine aujourd’hui l’Académie, est devenu incroyablement niais et timoré.
Dolet y fait parler un pendu qui avait eu l’honneur, après son exécution, d’être disséqué dans l’amphithéâtre public de Lyon par Rabelais en personne, ou qui du moins lui avait fourni le sujet d’une belle leçon d’anatomie : En vain la Fortune ennemie a voulu me couvrir d’outrages et d’opprobre, disait le pendu dans les vers de Dolet ; il était écrit qu’il en serait autrement. […] Exposé dans un théâtre public, on me dissèque : un savant médecin explique devant tous, à mon sujet, comment la Nature a fabriqué le corps de l’homme avec beauté, avec art, avec une parfaite harmonie. […] Certes, le jour où Rabelais faisait dans l’amphithéâtre de Lyon cette leçon publique d’anatomie, il devait avoir, comme Vésale, cet air vénérable de docteur et de maître dont quelques-uns de ses biographes ont parlé, et il représentait dignement en lui la majesté de la science. […] Toutefois, rappelons-nous bien que ces méthodes nouvelles, et, avant tout, agréables, d’apprendre les sciences aux enfants, moyennant un précepteur ou gouverneur pour chacun, ne tiennent nul compte des difficultés inhérentes à l’éducation publique et de celles qui dépendent de l’ordre de la société même.
Ainsi qu’on fait l’éducation de l’imagination publique à peu près comme on fait l’éducation d’un organe, les romans de feuilleton ont créé dans la masse des lecteurs de véritables appétits de Gargantua. […] si souvent dans les choses de l’art et de l’intelligence, c’est précisément le mérite de ces sortes de compositions qui fait leur infortune, et, nous le répétons, pour publier un volume de ces choses dédaignées du public, il faut ou la candeur d’un mouton qui au bord d’une route rêve un pré, ou l’insouciance altière d’un véritable artiste qui écrit pour ses pairs littéraires et donne sa démission à l’avance de toute popularité. […] Il ne rêve pas les gros publics ! […] … Serait-il donc possible qu’Hippolyte Babou eût peur… de faire peur au public avec son titre net de Lettres satiriques, lui, Babou, qui, comme Scudéry, ma foi !