Je les ai applaudis quelquefois aux premières représentations ; mais j’avoue que j’applaudissais de confiance, et, quand j’entendais le public les applaudir avec enthousiasme, je pensais que le public, seul juge en cette matière, avait raison, et que j’étais apparemment sourd de cette oreille. […] XVIII On est homme public, mais on est homme avant tout. […] On s’empare de lui, on le traîne à la ville comme meurtrier d’un fonctionnaire public dans l’exercice de ses fonctions.
S’il pouvait m’être agréable de l’entendre attester en public qu’il avait été la cause de mon éloignement de la secrétairerie, je fus saisi de l’entendre affirmer que, si j’étais resté dans ce poste, les choses ne seraient pas allées aussi loin. Je craignis, si je laissais passer cette assertion sous silence, que cela ne donnât lieu au public de conclure qu’il en était vraiment ainsi et que j’aurais trahi mes devoirs, comme cela en paraissait la conséquence naturelle. […] Rentré maintenant en possession de notre liberté, et nous souvenant de la fidélité, de la dignité et du zèle avec lesquels il nous prodigua, à notre plus grande satisfaction, ses utiles et empressés services, nous croyons qu’il importe non moins à notre justice qu’aux intérêts de l’État de le rétablir dans cette même charge de notre secrétaire d’État, autant pour lui donner un public témoignage de notre estime particulière et de notre amour, que pour mettre de nouveau à profit ses qualités et ses lumières qui nous sont si connues. […] Ce qui est certain et ce qui était public à Rome, c’est l’intimité avouée de la duchesse et du premier ministre.
Il tombe au milieu de la risée publique : aussi n’est-ce jamais un laurier qui l’attend. […] La salle des cours était assez vaste, et le public s’y pressait en foule. […] Il avait peine à gravir les degrés de l’estrade où sa présence était attendue ; mais à peine l’avait-on reconnu, qu’un tonnerre d’applaudissements proclamait son arrivée : il saluait en souriant le public qu’il interrogeait du regard, pour y chercher des visages amis ; puis il déroulait son manuscrit, car il se permettait rarement l’improvisation, disant que si le professeur y gagne, l’enseignement y perd, et qu’une leçon n’est pas une affaire de vanité, mais d’utilité. […] Sciences naturelles. — De la vie et des formes variées que présentent les êtres vivants, soit végétaux, soit animaux ; — Examen des phénomènes physiques et chimiques qui résultent de l’existence des êtres organisés. — Application de ces connaissances à l’hygiène publique et à l’éducation particulière.
L’ensemble de la Tétralogie excellent, sauf peut-être le Rheingold ; un public nombreux et enthousiaste ; l’orchestre admirable sans conteste, sous la direction de M. […] Le grand public, par des auditions répétées de la symphonie en ut mineur et de la Pastorale — où est un si bel orage ! […] Cette année, au concours public ce piano du Conservatoire, le final de la sonate op. 27 fut joué dix-neuf fois de suite, par dix-neuf jeunes gens très distingués. […] De ces drames, le hollandais fut représenté l’année dernière, avec éclat et succès, à l’opéra américain ; Siegfried, si je ne me trompe, n’a jamais été présenté au public de New York.
II, chap. 6] Outre les projets de réforme et d’amélioration qui sont venus à la connaissance du public, on prétend que l’on a trouvé depuis la révolution, dans les anciens papiers du ministère, une foule de projets proposés dans le conseil de Louis XIV, entre autres celui de reculer les frontières de la France jusqu’au Rhin, et de s’emparer de l’Égypte. […] Elle devrait être écrite en caractères éclatants dans toutes les places publiques, aux portes des maisons, dans toutes nos chambres : mais elle devrait encore bien plus être gravée dans nos cœurs, et faire le continuel sujet de nos entretiens. […] Accorder hautement sa protection à un ennemi déclaré, tombé dans la disgrâce, abandonné de tous, devenu l’objet du mépris et de la haine publics ; montrer à son égard une tendresse plus que maternelle ; s’opposer en même temps et à la colère du prince et à l’aveugle fureur du peuple : voilà ce qui fait la gloire de notre sainte religion. […] Aussi eut-il la consolation, comme je l’ai dit, de faire fondre en larmes tout son auditoire, quelque aversion qu’on eût pour Eutrope, qu’on regardait avec raison comme l’auteur de tous les maux publics et particuliers.
Trois fois la salle a été pleine d’amis ; la quatrième ou la cinquième fois le public a tant sifflé vers la fin qu’on a fait baisser la toile.
Retz bien misérable, et s’il a eu de l’amour-propre et du faste en public pendant sa période révolutionnaire, il le paye amplement par ces misères d’intérieur et ces petitesses qui nous sont révélées.
Champfleury Ce Pétrus Borel, forçant l’étrangeté pour dissimuler son peu d’imagination, se présentant en « loup » dans la civilisation, goguenard très travaillé, sans cesse en quête de sujets étonnants, voulant attirer l’attention du public par son orthographe, n’écrivant toutefois qu’avec peine de bizarres récits en prose, poète jadis, dont les vers étaient hirsutes et martelés, à la tête autrefois d’un groupe d’artistes à tous crins qui avaient laissé leurs cheveux dans les mains de l’occasion.
Le public, tantôt respectueux, tantôt enthousiaste, tantôt anéanti, écouta, acclama et contempla le colossal chef-d’œuvre où l’échevèlement de la fantaisie apparaît dans les profondeurs les plus sévères de la philosophie, où la nature est aussi humaine que l’homme, la mort aussi vivante que la vie.
L’invitation de mes honorables éditeurs, derrière lesquels j’ai cru voir le public, a vaincu mes scrupules.
Le Public lui doit quarante Ouvrages, qui forment plus de trois cents volumes.
S’il n’a pas eu le prix de l’Académie pour lequel il a concouru, il a obtenu celui de l’estime du Public, qui y a reconnu des talens aussi sages que distingués.
Ce premier genre de punition fut suivi d'un bannissement, justement mérité par des Vers impies & satiriques qu'il répandit dans le Public.
Mais pour cela, outre la souplesse du génie, il faut de la patience : vertu qui manque plus que le génie aux François, & qui manque sur-tout aux Traducteurs ; car tout Ecrivain ne fait effort qu’à proportion de la gloire qu’il se promet de son Ouvrage ; & comme les Traducteurs savent que le préjugé du Public n’attache qu’une gloire médiocre à leur travail, aussi sont-ils sujets à ne faire que des efforts médiocres pour y réussir. » Après avoir condamné la maniere de traduire de Tourreil, on doit rendre justice aux deux Préfaces excellentes qu’il a mises à la tête de sa Traduction.
On peut dire encore, à la gloire de son goût & de ses connoissances, que le Public cesseroit de se plaindre des négligences & des bévues tant reprochées aux Editeurs & aux Coopérateurs du Dictionnaire Encyclopédique, si tous les Articles y eussent été traités, chacun dans leur espece, par des Ecrivains aussi instruits, aussi méthodiques, aussi précis, que lui.
« La subornation des fonctionnaires publics est un crime.
Comme il s’est, dans la suite, prononcé en toute occasion contre les inconvénients de l’éducation publique, telle surtout qu’elle existait alors, on a cherché dans les circonstances de ses premières années à expliquer cette opinion qui s’accorde si bien d’ailleurs avec toute sa manière de sentir et de craindre. […] Il y avait dans le même moment deux de ces places de secrétaires vacantes, dont l’une obligeait plus que l’autre à paraître et à lire en public. […] Cette seule idée suffit à bouleverser toute sa machine ; il eut beau faire effort pour se préparer et se mettre en mesure, il avait entrepris au-dessus de ses forces : « Ceux, dit-il, qui sont organisés comme moi, et à qui une exhibition publique d’eux-mêmes, en n’importe quelle occasion, est un poison mortel, peuvent seuls avoir quelque idée de l’horreur de ma situation ; les autres ne sauraient se la figurer. » Des mois se passèrent dans cette lutte pénible et dans cette attente, qu’il a comparée à celle du condamné qui voit approcher le jour de son exécution.
Insistant sur l’utilité dont peut être une bonne dialectique pour prémunir contre les faux jugements : « Il est certain, dit-il, que la lecture fréquente des ouvrages de Bayle donne à l’esprit une certaine volubilité sur cette matière, qu’il ne tiendra jamais uniquement des avantages de la nature. » Tout en recommandant particulièrement à son frère quelques écrits de son auteur de prédilection, il ajoute que lui-même est occupé de faire imprimer en ce moment un extrait du Dictionnaire ; il compte que cet abrégé, qui porte principalement sur la partie philosophique de l’ouvrage, se répandra dans le public et pourra être utile : Je suis persuadé que la mauvaise conduite de la plupart des hommes vient moins d’un principe de méchanceté que d’une suite de mauvais raisonnements ; et je crois par conséquent que si on pouvait leur apprendre à raisonner d’une façon plus juste et plus conséquente, leurs actions s’en ressentiraient d’une manière avantageuse. […] Il y a des doctrines et des convictions qui soutiennent et qui portent dans tout ce qui est de la parole publique ; il y en a qui font faute et qui délaissent. […] Frédéric vit le bon côté, le côté sérieux de ce succès de son frère dans l’opinion : Le public en France, lui écrivait-il (13 septembre 1784), suit ce droit bon sens naturel qui voit les objets sans déguisement ; mais les ministres ont bien d’autres réflexions à faire, dont la principale roule sur leur conservation… Mais j’ose me flatter que votre séjour disposera les esprits en notre faveur, et que si la France voit enfin qu’elle est obligée de revirer de système, elle nous choisira comme son pis-aller.
Mme de Créqui connaît M. et Mme Necker, comme tout le grand monde de 1780 à 1789 les connut et les estima : elle n’est pas engouée des Necker au point où l’étaient la maréchale de Beauvau, la duchesse de Lauzun et tant d’autres grandes dames ; elle reste à cet égard bien en deçà ; son enthousiasme pour eux est très modéré ; elle sait même très bien les railler sur leur trop visible désir de rentrer au ministère : toutefois elle les estime, et il y a même un moment en 1788, après le renvoi du cardinal de Brienne, où, si elle compte sur quelqu’un pour rétablir le crédit public, c’est sur M. […] Nommé en 1789 député des États d’Artois à l’Assemblée constituante, elle en était instruite par le bruit public : « On vient de me dire que mon fils était député (l’un des quatre) des États d’Artois ; à la bonne heure ! […] » Ses lettres, qui sont courtes, ne nous donnent que la note de son esprit et de sa conversation : celle-ci devrait être nourrie et piquante : Les nouveaux systèmes, disait M. de Meilhan dans le portrait d’Arsène, les engouements publics ne fixent son attention que par le ridicule qu’ils lui présentent.
Le mémoire, conçu et commencé dans une intention toute particulière, mais bientôt, à mesure que l’auteur avançait et s’y développait, continué et composé réellement en vue du public, est fort utile et fort attachant. […] Le grand cabinet d’audience, orné de tableaux superbes, tous de piété ou de la cour de Rome et de France, sur des tapisseries de damas violet sans or, est la dernière pièce de ce superbe appartement, destinée aux audiences publiques : des bureaux, des fauteuils, des paravents se voient à l’entour dans un grand ordre, et rien ne manque de ce qui est nécessaire à la propreté et à la magnificence ; et il y avait aussi fort bon feu. […] Ennuyé de perdre là mon temps à voir faire des grimaces, je profitai du moment qu’il regarda de mon côté, qui était celui de la porte : je m’avançai, lui mis le livre en main en lui faisant un court compliment ; à quoi, sans me dire un seul petit mot de M. de Meaux, il me répondit par cette dureté : « Vous m’avez bien pressé », o pour me reprocher mes paroles de ma précédente visite, où certainement je n’avais pas tort de lui avoir dit que les imprimeurs pressaient, parce que le livre était demandé et attendu avec impatience par le public… Je me retirai sans répliquer, bien résolu de ne paraître jamais, si je puis, à ce spectacle.
Fénelon et Beauvilliers auprès du duc de Bourgogne, Boulainvilliers, Vauban, Boisguilbert, Saint-Simon lui-même, étaient au premier rang de ceux qui agitaient ces pensées de bien public et qui méditaient des plans de réforme. […] Il se voue aux questions d’intérêt public : c’est un honneur pour lui, même quand il y aurait mêlé bien des rudesses, des obscurités et quelques chimères. […] Faire après Louis XIV quelque chose de ce que Henri IV aurait aimé à voir s’accomplir s’il avait vécu, affranchir la noblesse des servitudes de cour et des usurpations de la roture, la rendre plus sédentaire et attachée à son ménage des champs, rendre le peuple content de son sort et assuré de son bien-être, supprimer les sangsues publiques et l’appareil intermédiaire de finances entre le roi et son peuple, asseoir l’impôt moyennant des assemblées provinciales, de grands Conseils généraux répartiteurs des charges, c’est ce que Mirabeau aurait voulu et ce qui aurait renouvelé en effet l’ancienne monarchie ainsi reprise en sous-œuvre.
La Beaumelle d’ailleurs eut le premier tort public. […] Quand un prince traiterait avec indolence toutes les affaires de son empire, il devrait toujours traiter avec soin celles qui ont rapport à l’éducation publique. […] Et encore dans une lettre du 15 septembre, en lui répétant de ne point s’affecter, et en lui représentant que, lui roi, il n’est pas plus épargné qu’un autre par Voltaire : C’est le sort des personnes publiques de servir de plastron à la calomnie ; c’est contre elles que la malignité des hommes exerce ses traits.
On sait aussi par Bayle une partie des propos qui coururent dans le public, en France et hors de France, au sujet de la disgrâce de Catinat. […] Ainsi l’imposteur n’aurait eu rien qui le payât de sa peine… » À cette date, dans le public, on s’occupait donc beaucoup de Catinat, et l’on commentait sa conduite et celle que la Cour avait tenue envers lui. […] Il est toujours délicat de prétendre analyser cette voix publique que l’antique poète en son temps appelait la voix divine.
Cuvier, dit-il, un des plus grands génies de notre époque, qui a participé à l’instruction publique toute sa vie, soit comme professeur, soit comme haut administrateur, soit par ses ouvrages, soit par ses voyages d’inspection, était un ennemi prononcé de la rhétorique. […] La funeste rhétorique a là son trépied et donne le diapason aux discussions publiques. » Ce jugement qu’il rapporte, presque en ayant l’air d’y adhérer, n’empêche pas M. […] Il s’y forme une sorte d’esprit public.
Talleyrand, si sagace qu’il fût, mais trop étranger au sentiment de la pudeur publique qui seule, et au défaut même de la prudence politique, aurait dû l’avertir, ne se dit point alors que c’était trop de deux à la fois, que la double pilule était trop amère pour l’estomac de la légitimité, et qu’une réaction prochaine inévitable devait les revomir l’un et l’autre. […] Il portait, d’ailleurs, sur les choses publiques un jugement excellent ; il sentait les périls intérieurs là où ils étaient ; partisan déclaré de la liberté de la presse, il ne fut pas des derniers à prédire où mènerait la censure. […] « Il y a bien longtemps qu’il n’a paru de votre écriture à Bourbon : cela n’embellit pas l’endroit. — Il nous est cependant arrivé quelques paralytiques de plus ces jours-ci ; mais nous n’avons pas un rhumatisme de connaissance. — Je ne sais si c’est par la disposition dans laquelle mettent ces eaux-ci, ou par humeur, ou par réflexion, mais je n’ai jamais été absent de Paris avec de si mauvais pressentiments sur les affaires publiques.
Un écrivain a fleuri et brillé en son temps ; il est mort ; le goût public a changé ; sa renommée a vieilli et a pâli ; on le cite encore à la rencontre, on a de lui une ou deux pièces qui seules survivent au reste des œuvres oubliées ; il semble que tout soit dit sur son compte : et voilà subitement qu’un homme arrive, littérateur ou non de métier, mais ayant au cœur je ne sais quelle étincelle littéraire, et cet homme un matin se consacre à cette mémoire défunte, la réchauffe, la restaure, s’applique de tout point à la rehausser. […] Aucune comédie n’a peut-être autant fourni à la mémoire du public et n’a mis en circulation pour l’usage journalier un aussi grand nombre de ces mots devenus proverbes en naissant : Les sots sont ici-bas pour nos menus plaisirs… C’est pour le peuple enfin que sont fait les parents… Il ne vous fera pas grâce d’une laitue… ………. […] Mais l’échec le plus célèbre de Gresset depuis sa retraite fut à l’un de ses retours comme directeur de l’Académie, lorsqu’il reparut en public pour la réception de Suard, en août 1774.
Il est vrai que tout le monde ne pense pas ainsi : les trop longues habitudes déplaisent au public. […] Quand le drame public se déclara pour elle, par combien de scènes dut-elle l’acheter ! […] Qu’ils sont rares les êtres qui sembleraient également à leur place, bons et excellents dans la vie privée, grands dans le public, comme Washington ou Mme Roland !
le loisir que je me suis trouvé aujourd’hui à Auteuil m’a comme transporté à Reims, où je me suis imaginé que je vous entretenois dans votre jardin, et que je vous revoyois encore comme autrefois, avec tous ces chers amis que nous avons perdus, et qui ont disparu velut somnium surgentis. » Aux infirmités de l’âge se joignirent encore un procès désagréable à soutenir, et le sentiment des malheurs publics. […] Assurément, La Fontaine était bien humble de préférer ces vers laborieusement élégants de Boileau à tous les autres ; à ce prix, les siens propres, si francs et si naïfs d’expression, n’eussent guère rien valu. « Croiriez-vous, dit encore Boileau dans la même lettre en parlant de sa dixième Épître, croiriez-vous qu’un des endroits où tous ceux à qui je l’ai récitée se récrient le plus, c’est un endroit qui ne dit autre chose sinon qu’aujourd’hui que j’ai cinquante-sept ans, je ne dois plus prétendre à l’approbation publique ? […] ), M. de Boze a dit très-judicieusement : « Nous croyons qu’il est inutile de vouloir donner au public une idée plus particulière des Satires de M.
Et le village lui-même ne sait plus comment revendiquer ses communaux Contre le papier griffonné, contre les agents publics, contre l’homme qui de près ou de loin touche au blé, l’acharnement est aveugle et sourd. […] De là ces attroupements dangereux à la sûreté publique ; de là cette foule de fraudeurs, de vagabonds ; de là cette multitude d’hommes devenus voleurs et assassins uniquement parce qu’ils manquent de pain. […] À Lyon, en 1787, « 30 000 ouvriers attendent leur subsistance de la charité publique » ; à Rennes, en 1788, après une inondation, « les deux tiers des habitants sont dans la misère770 » ; à Paris, sur 650 000 habitants, le recensement de 1791 comptera 118 784 indigents771 Vienne une gelée et une grêle comme en 1788, que la récolte manque, que le pain soit à quatre sous la livre, et qu’aux ateliers de charité l’ouvrier ne gagne que douze sous par jour772 ; croyez-vous que ces gens-là se résigneront à mourir de faim ?
II Dans toutes les langues, l’homme a parlé et écrit en prose des choses nécessaires à la vie physique ou sociale, domesticité, agriculture, politique, éloquence, histoire, sciences naturelles, économie publique, correspondance épistolaire, conversation, mémoires, polémique, voyages, théories philosophiques, affaires publiques, affaires privées, tout ce qui est purement du domaine de la raison ou de l’utilité a été dévolu sans délibération à la prose. […] Nous trouverions partout que c’est l’émotion qui est la mesure de la poésie dans l’homme ; que l’amour est plus poétique que l’indifférence, que la douleur est plus poétique que le bonheur, que la piété est plus poétique que l’athéisme, que la vérité est plus poétique que le mensonge ; et qu’enfin la vertu, soit que vous la considériez dans l’homme public qui se dévoue à sa patrie, soit que vous la considériez dans l’homme privé qui se dévoue à sa famille, soit que vous la considériez dans l’humble femme qui se fait servante des hospices du pauvre et qui se dévoue à Dieu dans l’être souffrant, vous trouveriez partout, disons-nous, que la vertu est plus poétique que l’égoïsme ou le vice, parce que la vertu est au fond la plus forte, comme la plus divine des émotions.
Montesquieu n’a pas, comme on dit, détaché un chapitre de son grand ouvrage pour en donner communication par avance au public. […] Par la raison que leurs crimes, leurs injustices, le mal qu’ils justifient par l’utilité et le bien public, que tout cela ne sert à rien : leurs agitations sont vaines et ne changeront rien à l’action toute-puissante de causes éternelles. […] Il obtint la faveur du public.
Le scandale public causé par le refus de sépulture dont elle fut l’objet, l’explication tragique et l’affreux soupçon qui ont couru au sujet de sa mort, ont répandu sur sa fin un intérêt mystérieux et ont fait d’elle une victime qu’on se sent d’abord disposé à aimer et à venger. […] Cependant l’affaire tout à coup s’ébruita, et l’on dit dans le public que la duchesse de Bouillon avait tenté d’empoisonner Mlle Le Couvreur. […] Tout se réunissait au même moment pour exciter et passionner l’intérêt public autour du cercueil de l’actrice tant aimée.
Si j’osais pourtant hasarder un jugement d’ensemble, je dirais que son ambition n’y eut jamais satisfaction entière, et que les distinctions brillantes dont son existence publique fut remplie couvraient, au fond, bien des vœux trompés et le déchet de bien des espérances. […] Le Chesterfield que nous aimons surtout à étudier est donc l’homme d’esprit et d’expérience qui n’a passé par les affaires et n’a essayé tous les rôles de la vie politique et publique que pour en savoir les moindres ressorts, et nous en dire le dernier mot ; c’est celui qui, dès sa jeunesse, fut l’ami de Pope et de Bolingbroke, l’introducteur en Angleterre de Montesquieu et de Voltaire, le correspondant de Fontenelle et de Mme de Tencin, celui que l’Académie des inscriptions adopta parmi ses membres, qui unissait l’esprit des deux nations, et qui, dans plus d’un essai spirituel, mais particulièrement dans ses Lettres à son fils, se montre à nous moraliste aimable autant que consommé, et l’un des maîtres de la vie. […] Il ne recommença pas l’épreuve du discours public une seconde fois.
Ces colloques mystérieux et solitaires, ces luttes intérieures durèrent bien deux ou trois ans : chaque écho des malheurs publics redoublait l’angoisse. […] C’est ici que sa vie publique commence ; elle avait dix-sept ans. […] Michelet a bien saisi la pensée même du personnage, qu’il a rendu avec vie, avec entrain et verve, le mouvement de l’ensemble, l’ivresse de la population, ce cri public d’enthousiasme qui, plus vrai que toute réflexion et toute doctrine, plus fort que toute puissance régulière, s’éleva alors en l’honneur de la noble enfant, et qui, nonobstant Chapelain ou Voltaire, n’a pas cessé de l’environner depuis.
Il sentait plus que personne la portée politique et publique d’une question où quelques-uns ne voyaient qu’un règlement de l’ordre privé et qu’une facilité domestique. […] Homme public, il avait sur le rôle de la France et sur sa magistrature en Europe des idées qui ont été souvent redites par d’autres et exagérées depuis ; mais il n’exagérait rien, quand il disait énergiquement : Un ouvrage dangereux écrit en français est une déclaration de guerre à toute l’Europe. […] Sous la Restauration, M. de Bonald ne fit qu’appliquer aux choses publiques, et aux discussions politiques dans lesquelles il fut mêlé, son invariable doctrine de tous les temps.
Amyot a rendu des services, 1º un service inappréciable à la langue, en la répandant et en la popularisant dans ses meilleurs tours, dans son économie la plus ample et la plus facile, dans sa diction la plus large et la plus sincère, à l’aide de l’intérêt qui s’attachait aux Vies de Plutarque ; 2º il a rendu un service non moindre à la raison et au bon sens public en faisant circuler Plutarque, et ses trésors de vertu antique et de morale, dans toutes les mains, à l’aide d’une langue si claire, si facile, si diffuse, si courante et si riante. […] Bon, facile, amateur de musique, un peu timide en public, un peu perdu dans les détails, vif d’humeur, mais revenant aisément, franc, ouvert et candide, tel on nous peint et tel aisément on se figure en effet le bon Amyot, que le malheur, vers la fin de son existence heureuse, vint tout à coup visiter. […] Mais la question pour Amyot n’est pas de ce côté : elle n’est pas avec les Scaliger, les Méziriac et les érudits en us ; elle est avec le public, avec les lecteurs de toutes classes, avec tout le monde.
Cette Notice, lue dans la dernière séance publique de l’Académie des inscriptions, a ramené l’attention sur un homme respectable et excellent, original de mœurs et de caractère, bon de nature, fin pourtant, rude et brusque d’accent et de ton, qui a eu, au début de l’Empire, le plus grand succès tragique d’alors (Les Templiers), qui, depuis, a créé toute une érudition (l’étude du provençal classique et de ce qui en dépend), l’a établie et organisée d’une manière féconde, et s’est véritablement illustré par ce vaste et sagace labeur. […] Nommé en 1791 député suppléant à l’Assemblée législative, Raynouard fut alors ramené à Paris par ses devoirs publics, et il avait l’œil en même temps à ce qui pouvait aider son arrière-pensée secrète de faire son chemin dans les lettres. […] L’Institut, qui était en retard sur les événements publics, avait proposé pour sujet du prix de poésie (1803) ce mot de Montesquieu : « La vertu est la base des Républiques.
Lancé à cet âge dans le tourbillon des événements publics, on ne peut lui demander compte que de la ligne générale qu’il suivit, et non des accidents particuliers ; il eut quelques écarts de plume ou de parole : et qui donc n’en eut point dans ces temps de convulsion universelle ? […] Michaud n’avait jamais considéré sa place de lecteur du roi comme un lien ; il comprenait très bien les conditions de la presse, en ce sens que, pour avoir action sur le public, il ne faut rien accepter du pouvoir. Les gens subordonnés et dépendants, tous ceux qui avaient une attache ministérielle quelconque, il ne les admettait pas dans les luttes publiques, et l’un de ses mots était : « La livrée ne se bat pas. » À l’avènement du ministère de M. de Martignac, il s’abstint et se retira bientôt définitivement de La Quotidienne, dont il céda la direction à M.
Le mot de Mme Du Deffand : « Ce n’est pas L’Esprit des lois, c’est de l’esprit sur les lois », est un mot qui pouvait être vrai dans la société particulière de Montesquieu, mais qui cessait de l’être au point de vue du public et du monde. Le public voit les choses plus dans leur ensemble, et quand il y a un souffle supérieur et une haute empreinte dans une œuvre, il suppose à l’auteur de la raison sur tous les points, et il se prête à l’impulsion qu’il en reçoit. […] Dupin dit, dans sa préface, que, dès que L’Esprit des lois parut, deux de ses amis et lui se mirent à le lire en l’examinant ; il ajoute que ce n’est pas pour le public qu’on a fait imprimer ces Observations, qu’on ne les destine qu’à un certain nombre d’amis, et que pour cette raison on n’a tiré l’édition qu’à un petit nombre d’exemplaires.
En général, il songe à informer les princes ses correspondants bien plus qu’à les amuser ; et, quand on était lu de Frédéric le Grand ou de Catherine, on avait certes un public qui en valait bien un autre et qui voulait du solide dans l’agrément. […] Si jamais cette indulgence pour les poètes, les peintres, les musiciens, devient générale dans le public, c’est une marque que le goût est absolument perdu… Les gens qui admirent si aisément les mauvaises choses ne sont pas en état de sentir les belles. […] Cependant le monde ne va ni plus ni moins, et l’influence des opinions les plus hardies est équivalente à zéro. » Grimm se trompe ; en attribuant toute la morale publique aux institutions et à la législation d’un peuple, il oublie que, dans les intervalles de relâchement, les livres ont grande influence.
Preuss, historiographe de Brandebourg, il s’en publie une à l’usage du public, toute pareille quant au contenu, et qui n’est, à vrai dire, que la même édition moins magnifique et sous un format différent. […] Henry est allé plus loin, il voudrait y joindre certaines convictions intimes en fait de religion, et, nous présentant le roi par un aspect allemand et tout nouveau, il dit : Frédéric voulait la loi et la religion avec toute la puissance de son génie ; c’était à la surface de son âme seulement qu’il plaisantait sur des sujets qui ne lui paraissaient pas tenir au fond des choses, et dans la pensée que ces plaisanteries n’arriveraient jamais à la connaissance du public. […] Seulement le roi a pris à son compte la curiosité de l’historien : Je souhaiterais savoir : 1º si, au commencement du règne du tsar Pierre Ier, les Moscovites étaient aussi brutes qu’on le dit ; 2º quels changements principaux et utiles le Tsar a faits dans la religion ; 3º dans le gouvernement qui tient à la police générale ; 4º dans l’art militaire ; 5º dans le commerce ; 6º quels ouvrages publics commencés, quels achevés, quels projetés, comme communications de mers, canaux, vaisseaux, édifices, villes, etc. ; 7º quels progrès dans les sciences, quels établissements ; quel fruit en a-t-on tiré ?
Le vestiaire de Black-Friars était fermé d’une ancienne tapisserie de corps et métiers représentant l’atelier d’un ferron ; par des trous de cette cloison flottante en lambeaux, le public voyait les acteurs se rougir les joues avec de la brique pilée ou se faire des moustaches avec un bouchon brûlé à la chandelle. […] Shakespeare avait pu, par exemple, sans soulever de réclamation, mettre sur la scène son ancienne aventure de braconnier et faire de sir Thomas Lucy un grotesque, le juge Shallow, montrer au public Falstaff tuant le daim et rossant les gens de Shallow, et pousser le portrait jusqu’à donner à Shallow le blason de sir Thomas Lucy, audace aristophanesque d’un homme qui ne connaissait pas Aristophane. […] La postérité peut lire aujourd’hui ceci dans ses vers intimes : « Mon nom est diffamé, ma nature est abaissée ; ayez pitié de moi pendant que, soumis et patient, je bois le vinaigre. » Sonnet 111. — « Votre compassion efface la marque que font à mon nom les reproches du vulgaire. » Sonnet 112. — « Tu ne peux m’honorer d’une faveur publique, de peur de déshonorer ton nom. » Sonnet 36. — « Mes fragilités sont épiées par des censeurs plus fragiles encore que moi. » Sonnet 121. — Shakespeare avait près de lui un envieux en permanence, Ben Jonson, poëte comique médiocre dont il avait aidé les débuts.
C’est une des choses dont le goût public doit lui savoir le plus de gré ; mais ici encore je ferai quelques réserves, et, si j’admire ces poètes, c’est à titre de poètes vrais et non de poètes disciplinés. […] Par sa passion du vrai, par son horreur du faux, Boileau a instruit le goût public, et, s’il n’a pas formé les grands poètes de son temps, qui auraient pu se passer de lui, il a rendu le public attentif et sensible aux beautés de leurs chefs-d’œuvre ; par là, il s’est associé à leur gloire, et avec justice.
Dans les catastrophes publiques on voit des gueux aux environs des palais ; mais on ne voit jamais les habitans des palais autour de la demeure des gueux. […] Doyen a été suffisamment vengé de ses critiques par le suffrage public et le témoignage honorable de son académie qui sur son tableau l’a nommé adjoint à professeur. […] Le public paraît avoir regardé le tableau de Doyen comme le plus beau morceau du sallon, et je n’en suis pas surpris.
Vous enfilez les uns au bout des autres les œufs que vous avez pondus, et c’est un collier… pour le public ! […] Le bon sens public s’est-il payé de cette monnaie ? […] IV [Le Pays, 8 avril 1858] Le livre de L’Origine du langage est postérieur aux Études religieuses, non dans la publicité, mais dans l’attention publique.
Or, un jour, Virginie rencontre par hasard, innocemment, au Palais-Royal, aux carreaux d’un vitrier, sur une table, dans un lieu public, une caricature ! […] Le public français n’aime guère être dépaysé. […] Les principaux personnages de la pièce, Pierrot, Cassandre, Harlequin, Colombine, Léandre, sont devant le public, bien doux et bien tranquilles.
Sa vie publique, tout en dehors et pleine d’excitation, a, durant de longues années, fait sortir aux yeux de la France et du monde entier certains défauts et certaines dispositions intérieures, dont ses amis seuls avaient jusqu’alors le secret : toutes ses humeurs, ses splendeurs de bile et ses âcretés de sang si je puis dire, ont fait éruption. […] Je les attends à l’autre monde ; c’est là seulement que je renouerai mes amitiés2. » Est-ce donc trop s’avancer que de croire qu’après tant de preuves publiques et privées, et après ce dernier témoignage, longtemps resté secret, qui vient de sortir, — cette grande lettre datée de Villeneuve-le-Roi, — le moral et le caractère de Chateaubriand sont connus, et que, quelle que soit la mesure de sévérité ou d’indulgence qu’on y veuille apporter, les points principaux sur lesquels roule le jugement sont suffisamment fixés et établis ?