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864. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

II On prétend quelquefois qu’elle aurait commencé par la poésie lyrique ; et, sans remonter jusqu’à ces chansons dont Salvien nous dit qu’elles servaient à nos pères de consolation de leurs maux : —  cantilenis infortunia sua solantur , — on nous parle de « cantilènes » dont nos grandes épopées ne seraient que l’assemblage, et le développement. […] C’est presque aussitôt après que l’histoire proprement dite se dégage de l’épopée. — Geoffroi de Villehardouin et La Conquête de Constantinople, 1210-1215 ; — conditions « épiques » de l’événement, et allure « épique » du récit ; — comparaison à cet égard de l’évolution de l’épopée française et de celle de l’épopée grecque : — l’auteur de la Conquête de Constantinople est à l’auteur de la Chanson de Roland ce qu’Hérodote est à Homère. — Il serait plus arbitraire de prétendre retrouver le caractère « épique » dans la Vie de saint Louis, du sire de Joinville, 1275 ; — et cependant, si saint Louis en est le héros, ne peut-on pas dire que l’hagiographie est la véritable épopée chrétienne ? […] Caractères généraux de l’épopée romanesque ; — et qu’ils ne sont ni ceux de l’épopée héroïque, — ni ceux de la poésie provençale : — 1º le merveilleux n’y est pas celui des pays du soleil, non plus que le paysage en général ; — 2º l’adoration mystique à la fois et sensuelle dont la femme y est l’objet ne ressemble pas du tout à ce qui respire dans les chansons des troubadours ; — 3º la passion y affecte un caractère de tendresse et de profondeur qu’elle ne présente nulle part ailleurs ; — 4º et le tout s’y enveloppe d’un voile de mélancolie ou de tristesse même qui n’a certainement rien de méridional. — D’autres caractères ne différencient pas moins notre épopée romanesque de la poésie arabe ; — puisqu’on a prétendu voir dans les Arabes les initiateurs de la « chevalerie ». — Elle diffère encore de l’inspiration des Niebelungen. — L’inspiration des romans de la Table-Ronde est foncièrement celtique.

865. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Si l’on croit que la méthode des géomètres n’est pas applicable à tout, on se trompe ; si l’on prétend qu’il ne faut pas l’appliquer à tout, on a raison. […] Prétendra-t-on qu’on ne puisse être un grand jurisconsulte sans la moindre teinture de grec et avec une très-petite provision de latin, tandis que tous les nôtres en sont là ? […] Les Grecs ont été les précepteurs des Romains : les Grecs et les Romains ont été les nôtres, je l’ai dit, et je le répète : on ne peut guère prétendre au titre de littérateur, sans la connaissance de leurs langues.

866. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Un torrent entraîne les nations les unes sur les autres au fond d’un abîme commun ; moi, moi seul je prétends m’arrêter sur le bord et fendre le flot qui coule à mes côtés ! […] Prétendre avec quelques-uns que c’est l’influence d’un plus beau ciel, d’une plus belle lumière, d’une plus belle nature, c’est oublier que ce que je dis c’est en général, sans en excepter les bambochades, des tableaux de nuit et des temps de brouillards et d’orages. […] C’est alors que les critiques, les petits esprits, les admirateurs du temps passé jettent les hauts cris et prétendent que tout est perdu.

867. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Il ne prétendait point d’ailleurs, en son temps, agir sur les destinées de l’État ni sur l’opinion du public, hors du cercle de ses devoirs et de sa profession. […] Il prétend leur opposer « la résistance forte et généreuse des gens de bien », absolument comme Pascal opposait les principes d’un christianisme sévère à la morale relâchée des casuistes et directeurs complaisants.

868. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Le comte sort à la tête de cent chevaliers gentilshommes et se met à défier Diègue, fils de Laïn Calvo : « Laissez mes lavandières, fils de l’alcade citadin… » Il paraît que Diègue était d’une origine immédiatement bourgeoise ou citadine, quoiqu’il prétendît à une descendance royale éloignée. […] que voulez-vous ou que prétendez-vous ?

869. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

On prétendait que l’Académie allait se faire l’émule et la rivale des curés de Paris. […] Et d’abord, sans prétendre en rien rouvrir une discussion générale, où tous les arguments de part et d’autre semblent avoir été épuisés, et qui pourtant resterait encore inépuisable, il est impossible de ne pas rappeler devant vous qu’il y a eu (et même dans la Commission dont j’ai l’honneur d’être l’organe) deux manières d’envisager la question des droits d’auteur : l’une qui la généralise et la simplifie, qui la constitue et l’élève à l’état de principe, de droit absolu, de propriété inviolable et sacrée, revendiquant hautement sa place au soleil ; et l’autre manière de voir, plus modeste, plus positive, plus pratique sans doute, qui ne s’est occupée que d’améliorer ce qui avait été fait déjà, de l’étendre aux limites qui semblent le plus raisonnables, en tenant compte des différences de matière et d’objet, en mettant la nouvelle loi en rapport avec les articles qui dans notre Code régissent le mariage, les successions, et en combinant le mieux possible les droits des auteurs et ceux du public.

870. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Il s’appliqua dans sa jeunesse au métier des armes, s’acquit l’estime des généraux sous lesquels il servit, et, arrivé au grade de maréchal de camp, il pouvait prétendre à une plus grande fortune militaire, lorsqu’une lettre de lui, très-spirituelle et satirique, sur la paix des Pyrénées et contre le cardinal Mazarin, lettre adressée au marquis de Créqui et connue seulement de trois ou quatre personnes, fut trouvée dans une cassette déposée chez Mme du Plessis-Bellière, dont on saisissait les papiers. […] Je ne prétends pas dire, assurément, qu’il n’y ait plus lieu aux convenances des esprits et des âmes, ni à ce noble sentiment de l’amitié ; mais la forme où nous le voyons se produire chez Saint-Évremond a notablement changé avec les conditions de la société elle-même.

871. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Une partie de l’Ordre de Citeaux s’était réformée, et prétendait assez naturellement échapper à la juridiction du général qui n’admettait pas cette réforme ; mais il y avait là aussi une question de  régularité et de discipline ; Rome était saisie de l’affaire et paraissait, selon son usage, plus favorable à la chose établie qu’à l’innovation, même quand cette innovation pouvait n’être dite qu’un retour. […] On fit courir dans le temps divers bruits contradictoires, et quelques personnes prétendaient qu’il avait redoublé de frayeur aux approches suprêmes : « S’il a eu, comme on vous l’a dit (écrivait Bossuet à la sœur Cornuau), de grandes frayeurs des redoutables jugements de Dieu, et qu’elles l’aient suivi jusqu’à la mort, tenez, ma fille, pour certain que la constance a surnagé, ou plutôt qu’elle a fait le fond de cet état. » Peu de temps après cette mort, le même Bossuet, qu’on ne se lasse pas de citer et dont on n’a cesse de se couvrir en telle matière, posait ainsi les règles à suivre et traçait sa marche à l’historien d’alors, tel qu’il le concevait : « Je dirai mon sentiment sur la Trappe avec beaucoup de franchise, comme un homme qui n’ai d’autre vue que celle que Dieu soit glorifié dans la plus sainte maison qui soit dans l’Église, et dans la vie du plus parfait directeur des âmes dans la vie monastique qu’on ait connu depuis saint Bernard.

872. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Les grammaires et les dictionnaires, dont je ne prétends point contester la nécessité, sont à la langue vivante ce qu’un herbier est à la nature. […] Érudit bibliographe, il prétend par moments, comme Nodier, que c’eût été là sa vocation.

873. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Il est douteux qu’en commençant son fameux ouvrage, cet homme d’esprit et d’invention ait prétendu autre chose que de persister plus que jamais dans sa voie pessimiste, et, rassemblant tous ses secrets, en faire un roman bien épicé, bien salé, à l’usage du beau monde. […] Sue s’aperçoit qu’il est allé trop loin en un sens, vite il fait chanter les oiseaux de Rigolette. » — Je ne prétends pas que l’homme de talent, une fois lancé dans l’exploitation de cette veine socialiste et humanitaire, n’ait pas trouvé en effet des scènes dramatiques et pathétiques, n’ait pas touché avec l’habileté dont il est capable quelque fibre vive et saignante ; cela seul peut expliquer l’étendue de son succès.

874. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Comme je tiens à ne point paraître vouloir flatter même un mort, ni vouloir encore moins blesser, sans raison, des vivants, j’expliquerai toute ma pensée : je n’ai prétendu ici que relever chez M. […] Nisard se garde bien de le faire : il prétend absolument dégoûter les autres du mets qu’il a touché.

875. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Enfin, Alberti consacre les entretiens du troisième et du quatrième jour à un commentaire sur l’Énéide, et il tâche de démontrer que, sous le voile de la fiction, le poëte a prétendu représenter les dogmes principaux de cette philosophie qui a été le sujet des discussions précédentes. […] Heureusement que les amis de Laurent ne se piquèrent pas, sur ce point, d’autant de discrétion que lui : Politien, dans son poëme sur Julien, a célébré la maîtresse de Laurent sous le nom de Lucretia ; et Ugolino Verini, dans sa Fiammetta, a adressé à cette dame un poëme latin, en vers élégiaques, dans lequel il plaide avec beaucoup de chaleur en faveur de Laurent, et il prétend que, quelles que puissent être ses rares perfections, elle trouve en lui un amant digne de toute sa tendresse.

876. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Son intention était louable ; il eut tort d’étudier très superficiellement, et comme avec dédain, les vieux récits qu’il prétendait rajeunir. […] Mais ses ennemis ne se bornèrent pas à noircir son caractère : ils prétendirent qu’il n’écrivait pas le russe purement.

877. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

On devine aussi que ces lèvres ont des paroles à proférer et qu’elles les articuleront malgré tout, avides d’être écoutées ; il y a là une volonté, ferme et nerveuse à la fois, qui prétend s’imposer et s’impose véritablement, parce qu’elle avertit l’homme de lui-même et s’appuie sur notre propre force. […] La règle du premier paraît être : rien de trop peu ; il prétend exprimer toute la pensée, toute l’image, avec toutes leurs nuances, avec toutes leurs complémentaires musiques.

878. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Ou ils devaient s’opiniâtrer d’autant plus à mépriser la prédication de la parole, que Calvin les y déclarait prédestinés, ou ils pouvaient à leur tour se prétendre les élus et Calvin le réprouvé. […] Or, voici ce qu’était ce prétendu vol. 

879. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Je ne réclame De vous que vos regards meurtris… L’amour est de « l’égoïsme à deux », prétendait Mme de Staël, mais les contemporains font l’économie du partage, autant par prudence que par orgueil : Je repousse le cœur qui m’attend et m’appelle, Et je suis cette nuit amoureuse de moi, De mes yeux sans espoir, de ma voix immortelle. […] Il va jusqu’à prétendre que l’instinct sexuel est le pôle intellectuel de l’humanité.

880. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Je ne vous ai entretenu jusqu’ici que des faits qui ont concouru à fixer momentanément ma position dans Paris, et je ne vous ai encore rien dit des projets ultérieurs auxquels ces démarches se rattachent ; car vous présumez, je pense, que je n’ai prétendu en tout ceci que me procurer une position transitoire, commode pour la continuation de mes études. […] Gratry étaient bien loin d’en juger aussi rondement, et prétendaient que je devais toujours me considérer comme tenté… J’ai obéi à M. 

881. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

En parlant l’autre jour de Montaigne, et en le présentant au milieu des dissensions civiles avec toute sa philosophie, tout son bon sens et toute sa grâce, je n’ai pas prétendu offrir un modèle, mais seulement un portrait. […] Quelle que soit la ligne politique qu’on suive (et je ne prétends point que celle d’André Chénier soit strictement la seule et la vraie), cette manière d’être et de sentir en temps de révolution, surtout quand elle est finalement confirmée et consacrée par la mort, sera toujours réputée moralement la plus héroïque et la plus belle, la plus digne de toutes d’être proposée aux respects des hommes.

882. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Dans une autre circonstance, comme la municipalité de Blérancourt faisait brûler en grande pompe, sur la place publique, la protestation que quelques membres de la minorité de l’Assemblée constituante s’étaient permise contre le décret favorable aux droits des non-catholiques : « M. de Saint-Just, dit le procès-verbal, a prêté le serment civique, et il a promis de mourir par le même feu qui a dévoré la protestation, plutôt que de refuser sa soumission entière à la Nation, à la Loi et au Roi. » On a prétendu même qu’il étendit la main sur le brasier, comme Scévola. […] Il prétendait savoir où il allait, s’il avait réussi : il le savait plus certainement s’il ne réussissait pas.

883. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

. — Mobile d’intérêt immédiat : par la connaissance des lois de la nature, l’homme prétend accroître son bien-être. […] Mais aussitôt il devient nécessaire que chacun obéisse à la plus forte : il est également impossible d’imaginer une autre solution ou de prétendre que la force la plus faible l’emporte.

884. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Nous nous bornons d’ailleurs ici à indiquer l’analogie des deux faits, sans prétendre épuiser par une remarque incidente une analyse aussi délicate. […] L’explication que nous donnons ici de l’inspiration et du génie n’est que partielle ; nous ne prétendons pas nier le propre de l’inspiration, c’est-à-dire ce qui reste en elle de mystérieux, même après qu’on a montré qu’elle est à l’avance préparée par la réflexion.

885. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Rien de moins fondé sans doute ; et, lorsque l’auteur des Stromates et de l’Exhortation aux Gentils prétend toujours découvrir dans les philosophes et les poëtes de la Grèce des traces du monothéisme hébraïque et des emprunts faits à sa législation, à son histoire, à ses prophètes, la preuve manque souvent et la préoccupation paraît excessive. […] et n’a-t-il pas en même temps prétendu que cette première imposition des noms venait d’une nature divine et supérieure il l’homme ?

886. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

On prétend qu’il la chercha avec soin, trop indiscrètement.

887. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

Des amis tardifs de Béranger ont prétendu que j’avais prêté au poëte des sentiments qu’il n’avait pas.

888. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Il vient un moment triste dans la vie, c’est lorsqu’on sent qu’on est arrivé à tout ce qu’on pouvait espérer, qu’on a acquis tout ce qu’on pouvait raisonnablement prétendre.

889. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

On voit que, dans une chose quelconque, son goût apathique le porte du côté où il y a le moins d’embarras, dût-il être le plus mauvais. » Et plus loin : « Les nouvelles de la Bavière sont en pis… On prétend que le roi évite même d’être instruit de ce qui se passe, et qu’il dit qu’il vaut encore mieux ne savoir rien que d’apprendre des choses désagréables.

890. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

La vie, le sentiment de la réalité, y respirent ; de frais paysages, l’intelligence poétique symbolique de la nature, une conversation animée et sur tous les tons, l’existence sociale du xviiie  siècle dans toute sa délicatesse et sa liberté, des figures déjà connues et d’autres qui le sont du moment qu’il les peint, d’Holbach et le père Hoop, Grimm et Leroy, Galiani le cynique ; puis ces femmes qui entendent le mot pour rire et qui toutefois savent aimer plus et mieux qu’on ne prétend ; la tendre et voluptueuse madame d’Épinay, la poitrine à demi nue, des boucles éparses sur la gorge et sur ses épaules, les autres retenues avec un cordon bleu qui lui serre le front, la bouche entr’ouverte aux paroles de Grimm, et les yeux chargés de langueurs ; madame d’Houdetot, si charmante après boire, et qui s’enivrait si spirituellement à table avec le vin blanc que buvait son voisin ; madame d’Aine, gaie, grasse et rieuse, toujours aux prises avec le père Hoop, et madame d’Holbach, si fine et si belle, au teint vermeil, coiffée en cheveux, avec une espèce d’habit de marmotte, d’un taffetas rouge couvert partout d’une gaze à travers la blancheur de laquelle on voyait percer çà et là la couleur de rose ; et au milieu de tout ce monde une causerie si mélangée, parfois frivole, souvent souillée d’agréables ordures, et tout d’un coup redevenant si sublime ; des entretiens d’art, de poésie, de philosophie et d’amour ; la grandeur et la vanité de la gloire, le cœur humain et ses abîmes, les nations diverses et leurs mœurs, la nature et ce que peut être Dieu, l’espace et le temps, la mort et la vie ; puis, plus au fond encore et plus avant dans l’âme de notre philosophe, l’amitié de Grimm et l’amour de Sophie ; cet amour chez Diderot, aussi vrai, aussi pur, aussi idéal par moments que l’amour dans le sens éthéré de Dante, de Pétrarque ou de notre Lamartine ; cet amour dominant et effaçant tout le reste, se complaisant en lui-même et en ses fraîches images ; laissant là plus d’une fois la philosophie, les salons et tous ces raffinements de la pensée et du bien-être, pour des souvenirs bourgeois de la maison paternelle, de la famille, du coin du feu de province ou du toit champêtre d’un bon curé, à peu près comme fera plus tard Werther amoureux de Charlotte : voilà, et avec mille autres accidents encore, ce qu’on rencontre à chaque ligne dans ces lettres délicieuses, véritable trésor retrouvé ; voilà ce qui émeut, pénètre et attendrit ; ce qui nous initie à l’intérieur le plus secret de Diderot, et nous le fait comprendre, aimer, à la façon qu’il aurait voulu, comme s’il était vivant, comme si nous l’avions pratiqué.

891. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

puisque j’en suis sur les conjectures hasardées après coup sur le génie de Racine, n’ai-je pas prétendu quelque part qu’il était bien plus propre à l’élégie, au lyrique, qu’au dramatique, et qu’en d’autres circonstances il se fût aisément passé du théâtre pour s’adonner à la poésie méditative et personnelle !

892. (1874) Premiers lundis. Tome II « Henri Heine. De la France. »

Il faudrait, pour prétendre à le juger, parler autrement que par ouï-dire de ses Chansons, de ses Impressions de voyage ; les morceaux humoristiques que nous a fait connaître M. 

893. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

L’émancipation complète de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre, le classement selon la capacité et les œuvres, avaient de tout temps été pour nous des croyances d’instinct, des idées confuses et naturelles, pour nous qui sommes du peuple et qui ne prétendons valoir qu’autant que nous sommes capables et que nous faisons.

894. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Taine, sorti de l’école historique, prétend réduire toutes les facultés d’un artiste à une seule faculté maîtresse, toutes les facultés maîtresses de tous les artistes d’un même peuple à une grande faculté générale qui sera, par exemple, le génie oratoire pour Rome, enfin les divers génies des peuples issus d’une souche commune à l’unité de la race, et ainsi, d’abstraction en abstraction, il raréfie la critique littéraire.

895. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Tout ce qu’on prétend laisser à l’inspiration, on le livre au hasard.

896. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Comme au reste il est honnête homme, il serait patriote, ami du bien public, pitoyable au menu peuple : du moment que les petites gens se connaîtraient et ne « prétendraient » rien contre la hiérarchie, Saint-Simon gouvernerait en bon propriétaire et bon père de famille.

897. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

Je ne prétends pas juger le journalisme en lui-même.

898. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

Les Symbolistes avaient peut-être le droit de s’en prétendre peu affectés.

899. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

L’inscription par laquelle on prétendait autrefois établir que Quirinius fit deux recensements est reconnue pour fausse (V.

900. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

Appliquez les mêmes procédés à un caractère énergique et résistant ; il se raidira contre ce qu’on prétend lui imposer et peut-être ira-t-il par réaction jusqu’à en prendre le contrepied.

901. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

La recherche et le luxe de son vêtement réclament encore contre son prétendu caractère ; l’innocence est simple en tout.

902. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Souvent il la voit mieux que ceux qui prétendent la lui montrer.

903. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

La tragedie met donc sous les yeux les objets mêmes dont elle prétend se servir pour exciter la terreur et la compassion, sentimens si propres à purger les passions.

904. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIV »

Brunetière, après avoir méprisé la théorie du travail, contraint de prendre son plus bel exemple de style chez l’auteur le plus notoirement célèbre par son labeur, ses refontes et ses ratures, chez un écrivain qui recherchait l’harmonie jusqu’à fuir la moindre assonance, qui poussait jusqu’à la manie la haine des répétitions, qui exigeait la suite la plus rigoureuse dans les métaphores, qui supprimait les qui et les que et prétendait qu’avec de l’application et du goût on peut arriver à avoir du talent ?‌

905. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Quoi de moins comique que ce prétendu comique qui consiste à rapetisser ou à allonger physiquement la taille des hommes, pour perturber entre eux tous les rapports !

906. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

, a prétendu parfois qu’il pouvait faire un poète comme Brard et Saint-Omer font des calligraphes !

907. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Nous l’avons accordé dès l’abord ; c’est à ses œuvres que nous prétendions reconnaître sa présence.

908. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre IV. De la méthode » pp. 81-92

Ainsi conduit par elle, l’homme incapable d’atteindre toute l’utilité qu’il désire, obtient ce qu’il en doit prétendre, et c’est ce qu’on appelle le juste.

909. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Mais ce n’est pas dans une préface et en courant qu’on peut prétendre la résoudre. […] Vous prétendez offrir par là aux hommes un grand enseignement moral, montrer comment une seule vertu relève la bassesse ou purifie le crime ? […] Et n’est-ce pas railler que de prétendre, avec de subtils syllogismes déduits dans une préface, contrebalancer l’effet des tableaux désespérants qu’offre le roman ? […] Ce qui caractérise notre littérature contemporaine, c’est que, non contente de médire de la société, de la calomnier même, elle la met en question, et au lieu de prétendre à la corriger, la supprime. […] « Feargus. — Je ne prétends pas refaire la nôtre, mais me venger d’elle !

910. (1888) Portraits de maîtres

Nous ne songeons pas d’ailleurs à plus dissimuler les lacunes et les insuffisances de son génie que nous ne prétendons reléguer dans l’ombre les défauts qui l’ont entaché. […] Voilà pourquoi, dès le début, malgré quelques aberrations que nous ne prétendons pas défendre, George Sand, en abordant le roman, s’est placée en pleine justice, en pleine vérité. […] De même pour ce scepticisme dont on lui a fait un reproche et que nous ne prétendons point excuser. […] Cette fréquente et fraternelle assimilation avec la nature n’impliquait pas, comme on l’a prétendu, des tendances exclusivement panthéistes. […] Et c’est là pourtant ce que prétend l’Allemagne militaire et savante.

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