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1478. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

Lui digère très bien et très vite, porte légèrement les choses vastement absorbées ; digestion leste, mémoire leste, esprit leste, par suite d’un estomac intellectuel très bon.

1479. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

pour monter plus coquettement la garde à la porte du maréchal de Saxe.

1480. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Abrégé décharné et désossé, qui ne creuse rien et croit planer sur tout, avec une prétention d’aigle qui trahit par trop le perroquet de Montesquieu… Et si, talent à part, qui meurt toujours à ce jeu, Ranke avait réussi à nous faire illusion sur la justice de son histoire, il aurait pu croire à la bonté de son système quand il s’agit de l’intérêt de ces idées qui doivent, pour plus de sûreté, s’infiltrer dans les esprits au lieu de s’y répandre, et passer par-dessous les portes au lieu de les forcer.

1481. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

— une pension du gouvernement qui les avait mis à la porte de l’Angleterre.

1482. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

Je viens de lire cette longue méditation cartésienne, faite les yeux fermés et les mains jointes avec les airs de recueillement d’un philosophe en oraison, dans l’in-pace de la conscience, dans le silence profond de la petite Trappe psychologique que tout philosophe porte en soi, pour y faire des retraites édifiantes de temps en temps et s’y nettoyer l’entendement, et, je l’avoue, je n’y ai rien trouvé qui m’éclairât d’un jour inconnu et fécond la personnalité divine que nous autres catholiques nous savons éclairer du jour surnaturel de la foi.

1483. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

Toute cette morale dont ils se chamarrent n’est donc pour eux que de l’ornementation pure, pièces d’estomac, broderies de robe, inscriptions de lambris, peintures d’éventail, dessus de porte, arabesques, mais elle n’a aucune influence réelle sur leur caractère et leurs actes, et elle ne peut pas en avoir, car voici précisément où un homme, qui n’aurait pas été M. 

1484. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXV. Le Père Ventura »

Indépendamment de la lumière que tout prêtre porte dans sa main, par cela seul qu’il est prêtre et qu’il allume son flambeau à la source de toute splendeur, le P. 

1485. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

, porte, il est vrai, une préface en vers de 1852 ; mais nous n’acceptons pas plus pour ces Poésies complètes d’Augier que pour les Odes funambulesques dont nous parlions récemment, la fin de non-recevoir tirée de la longueur du temps qui s’est écoulé depuis qu’un livre a été produit, et que certaines personnes trop indulgentes invoquent au bénéfice de l’écrivain.

1486. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

Mais d’athée convaincu, nous n’en connaissions pas qui écrivît des vers de cette mortelle désespérance : Aussi, dans quelque lieu que je porte mes pas, L’ennui marche avec moi ; si, dans la nuit en fête, Les étoiles du ciel s’allument sur ma tête, Je me tais, sachant bien qu’elles n’entendent pas.

1487. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

La Chimère porte un sein de femme, et la poésie la moins humaine peut racheter le vide de son amphore par la pureté de son contour et les beautés de sa surface.

1488. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

un malheur si rare, parce qu’il avait, comme homme, les qualités que Boileau reconnaissait en Chapelain, est-ce une raison pour que la Critique ne porte pas un regard calme sur les œuvres qu’il a laissées, et ne demande pas à ces œuvres la justification des regrets exprimés par ceux-là qui ne disaient pas grand’chose de M. 

1489. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Par parenthèse, c’est là qu’il parle, je crois, à propos d’un apothicaire, « du harnais de la thérapeutique », et voilà comme il porte, lui, le harnais de la légèreté, cet étrange faiseur de Décamérons !

1490. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre XI. De la géographie poétique » pp. 239-241

Les noms d’Hercule, d’Évandre et d’Énée passèrent donc de la Grèce dans le Latium, par l’effet de quatre causes que nous trouverons dans les mœurs et le caractère des nations : 1º les peuples encore barbares sont attachés aux coutumes de leur pays, mais à mesure qu’ils commencent à se civiliser, ils prennent du goût pour les façons de parler des étrangers, comme pour leurs marchandises et leurs manières ; c’est ce qui explique pourquoi les Latins changèrent leur Dius Fidius pour l’Hercule des Grecs, et leur jurement national Medius Fidius pour Mehercule, Mecastor, Edepol. 2º La vanité des nations, nous l’avons souvent répété, les porte à se donner l’illustration d’une origine étrangère, surtout lorsque les traditions de leurs âges barbares semblent favoriser cette croyance ; ainsi, au moyen âge, Jean Villani nous raconte que Fiesole fut fondé par Atlas, et qu’un roi troyen du nom de Priam régna en Germanie ; ainsi les Latins méconnurent sans peine leur véritable fondateur, pour lui substituer Hercule, fondateur de la société chez les Grecs, et changèrent le caractère de leurs bergers-poètes pour celui de l’Arcadien Évandre. 3º Lorsque les nations remarquent des choses étrangères, qu’elles ne peuvent bien expliquer avec des mots de leur langue, elles ont nécessairement recours aux mots des langues étrangères. 4º Enfin, les premiers peuples, incapables d’abstraire d’un sujet les qualités qui lui sont propres, nomment les sujets pour désigner les qualités, c’est ce que prouvent d’une manière certaine plusieurs expressions de la langue latine.

1491. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

Le passage de Tacite que nous avons cité plus haut, nous porte à croire qu’il en fut de même chez tous les peuples barbares de l’antiquité, et par suite, à conjecturer que la loi salique qui était certainement en vigueur dans la Germanie, fut aussi observée généralement par les peuples du moyen âge.

1492. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Le fleuve Hélicon, après un cours de quelques lieues, s’abîme et semble se perdre sous terre pendant vingt-deux stades, pour renaître sous un autre nom qu’il porte jusqu’à la mer : les habitants racontaient que cette disparition datait du jour où, devant les meurtrières du poëte, qui voulaient laver le sang dont elles étaient souillées, le fleuve s’était enfui d’horreur pour ne pas servir à purifier le crime.

1493. (1902) Propos littéraires. Première série

On a trouvé un pauvre homme pendu dans le tambour de la porte latérale de Saint-Magloire, du côté de l’épître. […] Je gagerais bien que vous ne croyez pas au trèfle à quatre feuilles qui porte bonheur à qui le rencontre. […] Jules Legras porte sur Goethe me paraissent quelquefois, à moi profane, (oh ! […] Zola qui porte pour titre le nom de cette ville. […] Avez-vous vu, au milieu de la rue déserte où s’arrête la diligence pour le relais, quatre ou cinq pifferari assis sur le seuil d’une porte ?

1494. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Guerrier porte les traces à chaque page ? […] Nous y frappâmes… Le maître me vint ouvrir la porte, qui fut refermée à l’instant. […] Il n’est guère un des nombreux règlements sur la librairie qui ne porte les traces d’une préoccupation de ce genre. […] En toute occasion, l’intérêt qu’il porte à Rousseau se déclare. […] » Il vaut la peine de faire observer que c’est ici sur Candide le jugement que porte Grimm, et presque dans les mêmes termes.

1495. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Il vous contait Byron. » Un de ses trop rares volumes ne porte-t-il pas ce titre : Les femmes de Gœthe ? […] Les ventes des cuirs qu’il porte aux foires de Besançon ne sont pas toujours fructueuses. […] Que de fois je l’ai reconduit ici, au sortir de chez notre commun ami François Coppée, qui habitait à quelques pas, — vous pouvez, en vous penchant, apercevoir la porte à l’angle du jardin des Frères de Saint-] ean-de-Dieu, au numéro 12 de la rue Oudinot. […] Vous voyez quelle oasis de littérature c’était alors que ce vieux coin de notre vieux faubourg Saint-Germain, représenté aujourd’hui à l’Hôtel de Ville par quelqu’un qui porte un nom historique. […] Le plus lucide témoin des volte-face du dix-neuvième siècle, Sainte-Beuve, écrivait à l’occasion de Madame Bovary : « Cet ouvrage porte bien le cachet de l’heure où il a paru II vient à point en ce moment.

1496. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Le titre légitime, même seulement en apparence, en impose à un certain point à celui qui le porte. […] L’envoyé de Sardaigne n’avait en réalité là qu’un seul rôle : écouter aux portes et faire de l’esprit sur ce qu’il avait entendu par le trou de la serrure. […] Il avait trop de sens aussi pour s’imaginer que la France permettrait impunément à cette maison de Savoie de constituer contre elle, sur les Alpes et au pied des Alpes, à nos portes, une puissance équivoque de quinze ou vingt millions d’hommes, qui, en s’alliant, comme elle l’a toujours fait, avec l’Autriche, formerait une masse de soixante millions d’hommes pesant par leur réunion sur notre frontière de l’Est et du Midi d’un poids qui nous écraserait en se réunissant.

1497. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

Il sort de son palais au milieu de la nuit avec les conjurés, pour attaquer à la fois le palais des Doria hors la ville, et pour s’emparer des galères dans le port : Gianettino Doria, accourant au port pour défendre les galères, est tué à la porte de la ville. […] XVIII L’impératrice paye cette défection des provinces lombardes, du Vigevano, du duché de Pavie et du territoire de Plaisance ; chaque annexion à ce royaume rapiécé du Piémont porte la date d’une alliance troquée contre une autre. […] Comme elle n’a plus de force, elle n’a plus de crédit dans les conseils du monde, elle écoute aux portes des cabinets, elle attend de la destinée l’heure d’une restauration dans ses possessions italiennes par la main de la coalition dont elle est le satellite ; son royaume, gouverné par un proconsul français, le prince Borghèse, et par cinq préfets de la France, s’est complétement et facilement incorporé à nous.

1498. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Son maître a faim, a soif ; il n’a quelquefois ni pain ni eau à lui offrir ; il ne sait pas même le garantir contre le vent qui souffle à travers sa porte et sa fenêtre, comme Tulou dans sa flûte, mais moins agréablement. » « Suivent les réprimandes du maître au serviteur : « — Moi-même ? […] Cette fin est probable, et de tristes exemples ne la justifient que trop : le docteur n’a-t-il pas dit que la folie est toujours à la porte des grandes intelligences qui fonctionnent trop ? […] Il y a d’ailleurs d’innombrables difficultés à vaincre pour aborder n’importe quelle scène, et je n’ai pas le loisir de jouer des jambes et des coudes ; un chef-d’œuvre seul, et mon nom m’en ouvriraient les portes ; mais je n’en suis pas encore aux chefs-d’œuvre.

1499. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Le bas de la cavité, jusqu’à moitié du nid, était garni de poil de lièvre, et sur le fond, ou nichette, avaient été étendues une demi-douzaine de ces larges plumes duveteuses que notre tétrao commun porte sous le ventre. […] Quand il veut demeurer en place, il porte sa queue presque droite, et tout son corps s’agite par brusques secousses ; mais bientôt il repart en faisant de petits sauts, s’aidant en même temps des ailes, et s’accompagnant de son rapide et continuel chit, chit. […] L’ouverture était fermée avec de la vieille paille, et le travail si proprement exécuté, qu’il ne restait plus de trace de l’ancienne porte.

1500. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Il ouvrit la porte d’une pièce, sur le seuil de laquelle on lisait en passant le mot Salve, présage d’un accueil amical. […] Une porte ouverte laissait voir une autre chambre également ornée de tableaux, et par laquelle le domestique était allé m’annoncer. […] Les portes et les rues qui en partent conduisent à tous les bouts du monde.

1501. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Ce progrès porte un nom, resté vrai, quoiqu’il ait le tort de ne pas signifier la même chose pour tout le monde. […] Disciple de Descartes, il porte la plus glorieuse marque du cartésianisme, la doctrine de la spiritualité de l’âme. […] Quand Gil Blas, dans l’antichambre de l’archevêque de Grenade, attend le moment d’être reçu, au lieu d’inventorier le palais archiépiscopal, il aime mieux, dit-il, décrire le peuple d’ecclésiastiques et de gens d’épée qui attendent comme lui à la porte du cabinet.

1502. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Cet homme qui avait écrit sur sa porte, en grosses lettres et en matière d’enseigne, que tout était mal, que jusqu’à lui tout le monde s’était trompé, s’étonnait qu’on le sommât de donner des recettes pour faire mieux. […] Il est vrai que Rousseau consentira quelque jour à lui mettre un livre dans les mains ; mais ce ne sera pas le jour où l’âme de l’enfant, s’échappant des liens de cette éducation matérielle, se sentira éprise d’une autre sorte de curiosité que celle qui le porte à briser un joujou ou à casser un meuble. […] Le peu qu’entrevoit des choses réelles ce roi des ours, comme l’appelait spirituellement Mme d’Épinay, les jours où il passait sa tête inquiète hors de la porte de son ermitage, il l’entrevoit d’un œil troublé par la passion ou dépaysé par la solitude.

1503. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

L’objection ne porte que contre une invention réfléchie. […] Cette charmante petite ivresse de la vie qu’il porte en lui-même lui donne le vertige ; il ne voit le monde qu’à travers une vapeur doucement colorée ; jetant sur toutes choses un curieux et joyeux regard, il sourit à tout, tout lui sourit. […] Regnault : c’est l’objectivité la plus parfaite ; l’auteur est complètement absent ; l’œuvre ne porte aucun cachet national ni individuel ; c’est une œuvre intellectuelle, et non une œuvre humaine.

1504. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

L’esquisse orchestrale du premier acte porte la date du 15 janvier 1858 ; la partition de cet acte fut envoyée à MM.  […] C’est à Venise que le second acte fut terminé ; l’esquisse orchestrale porte la date du 9 mars 1859. La première esquisse du troisième acte est sans doute aussi de 1858, et a été terminée à Venise fin septembre ou commencement octobre 1858 ; l’esquisse orchestrale fut terminée à Lucerne, elle porte la date du 19 juillet 185970.

1505. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

» Et elle, Brünnhilde, le Wotan-femme, « ferme derrière elle les portes grandes ouvertes de l’éternel Devenir, pour entrer dans le très saint pays de son choix, le pays sans désir et sans illusion » ; … la plus profonde souffrance d’amour m’ouvrit les yeux : je vis finir le monde. » J’ai cru utile d’insister sur ce point capital de la différence profonde entre les deux poèmes : c’est la seule chose qu’il soit indispensable de connaître pour comprendre et juger le poème de l’Anneau du Nibelung, et c’est en même temps un des faits les plus importants et les moins connus pour comprendre et juger l’évolution artistique qui s’est complétée et terminée dans l’âme de Wagner entre 1848 et 1852, c’est-à-dire, entre sa trente-cinquième et sa trente-neuvième année. […] Jullien trace de Wagner, de sa vie, de son caractère, l’énoncé qu’il fait ce ses théories, l’analyse qu’il donne de ses œuvres, les jugements qu’il porte à chaque moment… tout est faux, archi-faux ! […] Quant au wagnérisme de nos Wagnériens, j’imagine qu’il est sincère et intelligent ; qu’il ne leur vient point du désir d’être à la mode, mais de l’impérieux appel de leurs âmes d’artistes : j’imagine encore qu’il les porte à voir en Wagner autre chose qu’un harmoniste très habile, un César Franck allemand, sans pareil pour les tours de force : autre chose aussi qu’un auteur de mélodies sensuelles à la façon de Schumann ou de M. 

1506. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

L’analyse se porte souvent sur le moi ; or, le souci constant du moi, qui est un signe maladif pour le cerveau, l’est aussi pour la littérature. […] Le vice porte atteinte au juste et au vrai, révolte l’intellect et la conscience ; mais, comme outrage à l’harmonie, comme dissonance, il blessera plus particulièrement certains esprits poétiques, et je ne crois pas qu’il soit scandalisant de considérer toute infraction à la morale, au beau moral, comme une espèce de faute contre le rythme et la prosodie universels. » — Alors pourquoi écrire soi-même les Fleurs du mal et chanter le vice ? […] En automne, le bruit des bûches qu’on vient de scier et tombant sur le pavé des cours lui fait dire : Il me semble, bercé par ce choc monotone, Qu’on cloue en grande hâte un cercueil quelque part… Ce n’est pas tant, à proprement parler, l’angoisse de la mort qu’on retrouve à chaque page que l’horreur toute physique du tombeau ; et lorsque nous le voyons se complaire aux idées de décomposition, évoquer les squelettes et rêver de cadavres, nous sommes tout simplement en présence de l’enfant qui, ayant peur de l’obscurité, ouvre la porte le soir et fait quelques pas au dehors pour ressentir le grand frisson de la nuit et, qui sait ?

1507. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Les créations infinies et de dates immémoriales de Dieu dans les profondeurs sans mesure de ces espaces qu’il remplit de lui seul par ses œuvres ; les firmaments déroulés sous les firmaments ; les étoiles, soleils avancés d’autres cieux, dont on n’aperçoit que les bords, ces caps d’autres continents célestes, éclairés par des phares entrevus à des distances énormes ; cette poussière de globes lumineux ou crépusculaires où se reflétaient de l’un à l’autre les splendeurs empruntées à des soleils ; leurs évolutions dans des orbites tracées par le doigt divin ; leur apparition à l’œil de l’astronomie, comme si le ciel les avait enfantés pendant la nuit et comme s’il y avait aussi là-haut des fécondités de sexes entre les astres et des enfantements de mondes ; leur disparition après des siècles, comme si la mort atteignait également là-haut ; le vide que ces globes disparus comme une lettre de l’alphabet laissent dans la page des cieux ; la vie sous d’autres formes que celles qui nous sont connues, et avec d’autres organes que les nôtres, animant vraisemblablement ces géants de flamme ; l’intelligence et l’amour, apparemment proportionnés à leur masse et à leur importance dans l’espace, leur imprimant sans doute une destination morale en harmonie avec leur nature ; le monde intellectuel aussi intelligible à l’esprit que le monde de la matière est visible aux yeux ; la sainteté de cette âme, parcelle détachée de l’essence divine pour lui renvoyer l’admiration et l’amour de chaque atome créé ; la hiérarchie de ces âmes traversant des régions ténébreuses d’abord, puis les demi-jours, puis les splendeurs, puis les éblouissements des vérités, ces soleils de l’esprit ; ces âmes montant et descendant d’échelons en échelons sans base et sans fin, subissant avec mérite ou avec déchéance des milliers d’épreuves morales dans des pérégrinations de siècles et dans des transformations d’existences sans nombre, enfers, purgatoires, paradis symbolique de la Divine Comédie des terres et des cieux ; Tout cela, dis-je, m’apparut, en une ou deux heures d’hallucination contemplative, avec autant de clarté et de palpabilité qu’il y en avait sur les échelons flamboyants de l’échelle de Jacob dans son rêve, ou qu’il y en eut pour le Dante au jour et à l’heure où, sur un sommet de l’Apennin, il écrivit le premier vers fameux de son œuvre : Nel mezzo del cammin di nostra vita , et où son esprit entra dans la forêt obscure pour en ressortir par la porte lumineuse. […] Dante le comprit, et, franchissant les limites de l’espace et du temps pour entrer dans le triple royaume dont la mort ouvre les portes, il plaça de prime abord la scène de son poème dans l’infini. […] Si l’homme, d’après les philosophes, est un abrégé de l’univers, il ne se montre jamais si puissant que lorsqu’il maîtrise cet univers intérieur, ce tumulte orageux de sentiments et de pensées qu’il porte en lui.

1508. (1903) La renaissance classique pp. -

Elle exclut ou elle rejette au second plan tout ce qui, dans la nature, ne porte point les caractères d’ordre, d’harmonie et de beauté qui sont les caractères essentiels de l’activité vivante. […] Ce rustre qui passe, le fouet sur l’épaule, en suivant son chariot, porte peut-être en lui une âme de maître, et, s’il ne rêve encore que l’aisance ou la fortune, peut-être que ses arrière-neveux rêveront l’Empire. […] Mais si l’homme a disparu, la nature disciplinée par lui porte toujours son empreinte.

1509. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Le poison n’envahit jamais l’organisme d’emblée et dans sa totalité ; mais il porte son action toxique et paralysante sur un élément organique essentiel à la vie. […] La nature de notre esprit nous porte d’abord à rechercher la cause première, c’est-à-dire l’essence ou le pourquoi des choses. […] C’est ainsi que l’expérience, qui vient à chaque pas montrer au savant que sa connaissance est bornée, n’étouffe pas en lui son sentiment naturel, qui le porte à croire que la vérité absolue est de son domaine. […] Ce n’est qu’un éclair dont la lueur nous a découvert d’autres horizons vers lesquels notre curiosité inassouvie se porte encore avec plus d’ardeur. […] Un des plus grands obstacles qui se rencontrent dans cette marche générale et libre des connaissances humaines est donc la tendance qui porte les diverses connaissances à s’individualiser dans des systèmes.

1510. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Votre majesté ne souffriroit jamais qu’on dise qu’un cadet de la maison de Lorraine lui auroit fait perdre terre ; encore moins qu’on la vît mandier à la porte d’un prince étranger. […] Toute faveur porte l’idée de quelque chose de gratuit ; il m’a fait la faveur de m’introduire, de me présenter, de recommander mon ami, de corriger mon ouvrage. […] La fausse gloire tient souvent à la vaine, mais souvent elle se porte à des excès ; & la vaine se renferme plus dans les petitesses. […] Il ne devoit blâmer que les empereurs qui négligerent ces places frontieres, & qui ouvrirent les portes de l’empire aux Barbares. […] Dans combien de villes ne porte t-on pas nuds piés les châsses des saints pour obtenir les bontés de l’Etre suprème par leur intercession ?

1511. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

D’ailleurs si le comique porte sur des caracteres généraux & sur quelque vice radical de l’humanité, il ne sera que trop ressemblant dans tous les pays & dans tous les siecles. […] On porte à nos spectacles pathétiques deux principes opposés, le sentiment qui veut être émû, & l’esprit qui ne veut pas qu’on le trompe. […] César au milieu d’une nuit orageuse, frappe à la porte d’un pêcheur. […] César frappe à la porte, il n’en est point troublé. […] S’il est un Jupiter, s’il porte le tonnerre, Peut-il voir les forfaits qui vont souller la terre ?

1512. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Ce genre du roman, que la critique déclare, de temps à autre, épuisé, porte en lui des richesses extraordinaires de renouvellement. […] Toutes les nuances de sensibilité qui ont été celles de ces Baillard, déjà noyés dans le passé, mais un passé tout voisin, il les porte en lui. […] Il développe en lui secrètement, il porte à leur maximum de tension certaines vertus. […] Son billet porte la date du 23 août. […] Il porte une tendresse émue à ses compagnons de sacrifice.

1513. (1887) Essais sur l’école romantique

Chez lui seulement, beautés, défauts, tout porte un cachet singulier. […] Ainsi l’imagination poétique, ce don de Dieu, ne trouve jamais dans son chemin de landes stériles : partout où elle se porte et se fixe, le monde lui livre ses mystères ; l’âme la plus muette, sa pensée. […] Mais ce naïf, retrouvé par eux, porte un peu la faute de son origine toute réactionnaire. […] Une amulette qu’elle porte au cou l’a sauvée de l’infamie ; si elle perd son honneur, elle ne reverra jamais sa mère. […] — Mes travaux ne m’en laissent pas le temps ; d’ailleurs, j’aime autant Mirabeau que Barnave, et Barnave que Mirabeau. » Je porte à un troisième un volume rose. « Que pensez-vous de ces contes ?

1514. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Je porte ma dignité comme un remords si elle est faite de tant de douleurs. […] Et la mer porte sur ses ondes Le vaisseau qui se rit des flots. […] Déjà la jeune École, tout ce qui porte l’avenir dans ses entrailles, se tourne vers l’Orient, vers les pays de grand soleil, dont toutes les routes de terre et de mer conduisent en Grèce.. […] Il a beau affecter avec ses grands écrivains l’indépendance d’esprit qu’il porte partout ailleurs, ce n’est qu’une feinte. […] C’est l’antithèse ironique que fait la gravité décente du grand escalier avec ce qui se passe derrière les belles portes d’acajou : cela revient après toutes les scènes particulièrement ignobles, comme un refrain de ballade.

1515. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Mais voilà, on ne refait pas son tempérament, et pas plus qu’on ne saurait ajouter un centimètre à sa taille, une échine vraiment droite ne se plie aux voussures de certaines portes. […] Pour n’avoir pas su nous rendre un compte exact ou du moins suffisant, des éléments qui composent le génie de ces hommes, véritables demi-dieux ayant dominé leur époque, on fut sévère à celle-ci au-delà de toute mesure : « Le Génie, s’écriait Barbey d’Aurevilly dans un élan lyrique… Mais ce qui fait le plus le génie, aux yeux de ceux qui savent le comprendre, c’est quand il réagit avec fierté contre sa race, quand il se cogne contre son milieu, ou qu’il le secoue autour de lui, comme le lion secoue sa crinière… c’est enfin quand il porte le moins ou repousse le plus de ces influences fatales dont on voudrait le faire sortir. » Magnifique mouvement d’éloquence à la française, chez cet autre Normand d’authentique génie… plaidoyer pro domo… défense personnelle où l’on retrouve l’accent du vieux lion méconnu qui justement secoue sa crinière et sort encore les griffes qui marquèrent tant et de si profondes entailles ! […] Dans une très belle invocation qui porte ce titre : les Voix de la Mer, elle supplie la grande Divinité païenne de calmer ses ardeurs : Ah ! […] Il subsiste encore la chance que cette âme porte en soi sa littérature et sa musique, auquel cas rien au monde ne saurait les empêcher d’en sortir, tandis que les réminiscences d’une mémoire trop fidèle risquent d’anéantir toute spontanéité. […] Porte à l’Artémis les sombres violettes, A l’Aphrodite la pourpre des Iris,  A Perséphona, vierge aux lèvres muettes,  La langueur des lys.

1516. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Il s’est mis à cheval sur cet âne immortel que montait Sancho Pança de son vivant ; heureux âne qui porte dans sa besace cent fois plus de philosophie qu’Aristote n’en portait dans sa tête. […] Chez les courtisanes de Corinthe, à qui les portes s’ouvrent-elles ? […] En grimpant, le roi a mis le palais en rumeur ; on accourt, une voix crie à mademoiselle de La Beaume (mademoiselle de La Vallière plus tard) : « Fermez votre porte ! […] (des mots durs pour attraper les badauds) pour faire des portes en gomme indiennes. […] Ce n’est pas celui-là qui passerait des nuits et des jours à la porte de la maison où repose la femme qu’il lui faut absolument, seule entre toutes les femmes de la création28 !

1517. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Quand les vapeurs de la vallée s’élèvent devant moi, qu’au-dessus de ma tête le soleil lance d’aplomb ses feux sur l’impénétrable voûte de l’obscure forêt, et que seulement quelques rayons épars se glissent au fond du sanctuaire ; que couché sur la terre dans les hautes herbes, près d’un ruisseau, je découvre dans l’épaisseur du gazon mille petites plantes inconnues ; que mon cœur sent de plus près l’existence de ce petit monde qui fourmille parmi les herbes, de cette multitude innombrable de vermisseaux et d’insectes de toutes les formes, que je sens la présence du Tout-Puissant qui nous a créés à son image, et le souffle du Tout-Aimant qui nous porte et nous soutient flottants sur une mer d’éternelles délices ; mon ami, quand le monde infini commence ainsi à poindre devant mes yeux et que je réfléchis le ciel dans mon cœur comme l’image d’une bien-aimée, alors je soupire et m’écrie en moi-même : « Ah ! […] On a sa première lettre de plainte à Goethe : « La ressemblance (avec Albert) ne porte, il est vrai, disait-il en terminant, que sur le côté extérieur, et, grâce à Dieu, seulement sur l’extérieur ; mais si vous teniez à l’y introduire, était-il donc nécessaire d’en faire un être aussi apathique ?

1518. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

L’artiste qui aime, qui chérit, qui croit, qui hait, qui repousse et qui abhorre, qui s’engage de tout son être dans ce qu’il sent et ce qu’il exprime, porte en lui des sources plus abondantes et dont la saveur pénètre. […] Les applaudissements redoublèrent dès qu’on l’aperçut lui-même à la porte de la loge ; mais ils devinrent plus vifs que jamais, quand, contraignant le bonhomme Ducis à prendre place sur le devant, il se tint modestement derrière ce patriarche de la littérature de l’époque, quoiqu’il y eut place aussi là pour lui. » Lorsque le général prépara l’expédition d’Egypte, Ducis fut l’un des premiers auxquels il pensa pour l’emmener avec son Institut de voyage et de conquête ; il voulait un poète au milieu de ses savants.

1519. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

L’instinct de l’amour créateur emporte l’homme et la femme l’un vers l’autre ; mais, une fois l’enfant conçu, ce même instinct, devenu paternité, porte les deux êtres générateurs à perpétuer leur union dans l’intérêt de l’enfant, ce troisième être qui les confond et les réunit par une union permanente et sainte, sanctionnée par les autres hommes et par Dieu. […] Un autre instinct porte d’autres groupes à s’unir, pour être plus solides, aux premiers groupes.

1520. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

On voyait du premier coup d’œil que c’était écrit à la manière hébraïque, où chaque verset porte avec lui son idée ou son image. […] Ledru-Rollin, chef des journalistes radicaux, et ayant, malgré ses amis, reconnu en lui des facultés de parole et des puissances de conception très-grandes avec des intentions non déguisées contre le socialisme subversif, notre ennemi commun, j’avais conçu pour lui une secrète estime, et je n’étais pas loin d’espérer que le concours d’un homme aussi bien doué ne pût être, sous une forme ou sous une autre, très-utile à la république ; depuis, il suivit légèrement une émeute sans portée qu’il devait répudier courageusement ou conduire ; il se réfugia en Angleterre par une fausse porte, mais il parut de ce jour-là se retirer de la politique, et il vécut en mort de ses souvenirs, de ses regrets et peut-être de son mépris pour les vivants.

1521. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Mais certes, c’est bien pis à Londres, quand la scène reste vide, quand les personnages la désertent par la seule raison que le poète n’a plus de paroles à leur souffler, quand ils s’échappent par l’une de ces deux portes de l’avant-scène qui ne disparaissent jamais, pas même en avant d’une rase campagne. […] Le genre romantique est si vague de sa nature, que nous ne savons pas même quelle est la signification précise du nom qu’il porte.

1522. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

A qui n’en vient-il pas dans l’esprit par cette porte de la mémoire, toujours ouverte à tout ce qui est imitation et mode ? […] La langue anglaise a continué d’être facultative ; s’y moquer des préceptes d’Addison n’y porte point malheur tandis que chez nous on a remarqué, même avant Voltaire, qu’on ne s’y moque pas impunément des préceptes de Boileau.

1523. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

La principale porte sur la harangue du sieur d’Aubray, prévôt des marchands, qu’on a trouvée trop longue et trop sérieuse au prix des précédentes, qui sont courtes et burlesques. […] Dans le temps même qu’il écrivait son traité De la Sagesse, faisant bâtir une petite maison à Condom, en l’an 1600, il y mit sur la porte : « Je ne sçai. » Entre cette devise et celle de Montaigne, il y a cette différence que Charron semble y avouer qu’il a été par moments incommodé de l’ignorance qui fait les délices de Montaigne. « Que sais-je ? 

1524. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

« M. de Balzac, dit-il, explique avec tant de force ce qu’il entreprend de traiter, il l’enrichit de si grands exemples, qu’il y a lieu de s’étonner que l’exacte observation de toutes les règles de l’art n’ait point affaibli la véhémence de son style ni retenu l’impétuosité de son naturel… Plus une personne a d’esprit, ajoute-t-il, et plus infailliblement elle est convaincue de la solidité et de la vérité de ses raisons, principalement lorsqu’elle n’a dessein de prouver aux autres que ce qu’elle s’est auparavant persuadé à elle-même. » Plus loin, parlant du caractère moral et des écrits de Balzac : « Il y a, dit-il, dans ces écrits une certaine liberté généreuse qui fait voir qu’il n’y a rien de plus insupportable que de mentir2. » Descartes interprète en bien même sa vanité, disant que Balzac ne parle de lui avec avantage que par l’amour qu’il porte à la vérité, et par une générosité naturelle. […] Celles-là n’étaient ni commandées, ni attendues à la porte de l’auteur par le courrier de quelque grand personnage ; elles étaient écrites à propos, pour un besoin d’esprit ou de cœur, pour causer de loin, pour le simple plaisir de les écrire.

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