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506. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Le pauvre directeur réclama, et le gouverneur embarrassé s’en remit à la décision de l’archevêque. […] Voulant donner la définition de ce qu’on entendait par ce mot, qui, étymologiquement, veut dire liens (lazzi, parole lombarde, au lieu de lacci, parole toscane), Riccoboni se sert de l’exemple suivant : « Dans la pièce d’Arlequin dévaliseur de maisons, Arlequin et Scapin sont valets de Flaminia, qui est une pauvre fille éloignée de ses parents et qui est réduite à la dernière misère.

507. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

Les vieux types de la commedia dell’arte y furent dénigrés, proscrits, par suite de l’influence de la comédie française, avec une rigueur qui ne fut dépassée que par l’Allemagne où, dans une représentation solennelle, le pauvre Arlequin fut brûlé en effigie sur la scène de Leipsig. […] « En ce cas, je suis mort, répondit le pauvre malade, car c’est moi qui suis Arlequin. » La différence qui existait entre le bouffon à la ville et le bouffon au théâtre est curieusement caractérisée dans une anecdote relative au fameux Santeul, le fantasque chanoine de Saint-Victor.

508. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

On a bien vite reconnu si la rime est riche ou pauvre, si la césure est régulière ou vagabonde. […] Est-il pauvre ou somptueux ?

509. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Oublié et abandonné de tous, excepté de ses créanciers, le pauvre gentilhomme devient alors ce qu’il peut, un peu aventurier, un peu spadassin, un peu bohémien. […] Le peuple, qui a l’avenir et qui n’a pas le présent ; le peuple, orphelin, pauvre, intelligent et fort ; placé très bas, et aspirant très haut ; ayant sur le dos les marques de la servitude et dans le cœur les préméditations du génie ; le peuple, valet des grands seigneurs, et amoureux, dans sa misère et dans son abjection, de la seule figure qui, au milieu de cette société écroulée, représente pour lui, dans un divin rayonnement, l’autorité, la charité et la fécondité.

510. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

S’il eût été le pacificateur des troubles populaires, le conciliateur des pères avec les enfants, des époux et des parents entre eux, le consolateur de l’affligé, le défenseur de l’opprimé, l’avocat du pauvre, quelque absurdes qu’aient été les dogmes d’une classe de citoyens aussi utiles, qui d’entre nous aurait osé les attaquer ? […] Je ne le veux ni pauvre ni riche.

511. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

Tous ces gens des Instituts, dont Saint-Victor n’est pas et qui mériterait d’en être s’il avait le malheur d’être pédant et lourd, tous ces pauvres gens des Instituts, quand ils font un livre savant, l’embrouillent de notes. […] par aucune des affectations et des mensonges auxquels ce pauvre temps nous a accoutumés.

512. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Nous aurions le plus singulier des anonymes, un anonyme d’idées et dédoublé de tout, nous n’eussions eu à vous présenter que ce phénomène d’un homme de goût qui, pendant un gros volume in-8º de cinq cents pages, à l’exception du dernier chapitre, —  indiscret comme le post-scriptum de la lettre d’une pauvre femme qui a fait tout ce qu’elle a pu pour bien se tenir, mais qui s’échappe, — ne se serait montré absolument rien de plus qu’un dilettante de littérature et… un homme de goût. […] Nous lui dirions enfin qu’il est bien dur envers les hommes de verve et de fantaisie, bien dur envers ce charmant et pauvre Caprice qui va tout à l’heure donner La Fontaine à la France, La Fontaine, aussi étonnant que le grand Corneille !

513. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

Il a osé préférer le pauvre Pierre Saliat, qui n’était qu’un écrivain, à un puissant Monsieur de l’Académie des inscriptions comme Larcher, et quoiqu’il ait pris (il faut en convenir) bien des précautions… professorales pour toucher à ce puissant Monsieur d’Académie, car les académiciens sont pour les professeurs ce que pour les bourgeois doivent être des duchesses, M.  […] Jugez par là de ce qu’était cette langue générale du seizième siècle, qu’imitait Pascal, puisque le pauvre secrétaire gringalet d’Odet de Chatillon, resté obscur comme un insecte dans sa poutre, la parlait et récrivait aussi bien que Montaigne !

514. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

Je me permets cette revendication, parce qu’il ne faut pas voler à un pauvre le seul écu qu’il ait jamais eu, fût-ce pour le donner à un autre pauvre, d’ailleurs, comme Esménard, plein d’indignité.

515. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Nous n’avons pas lu son livre dans sa langue, mais dans la traduction élégante et pure que Porchat nous en a donnée, et même dans cette traduction écrite avec soin, nous n’avons jamais vu, sur un sujet plus opulent et plus ample, livre plus pauvre et plus étriqué que cette histoire, — bien moins une histoire qu’une dissertation historique comme on doit en lire beaucoup par année à l’Académie de Berlin. […] on voit à travers ce pauvre masque, qui n’est pas de fer, mais de caoutchouc !

516. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

Mais nous, nous n’avons jamais travaillé à la statue de ce pauvre poète dont le doux nom a servi à tant de tapages ! […] À son insu, nous le voulons bien, le pauvre condamné du Spielberg pouvait causer un mal horrible.

517. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

S’il y a des titres, en effet, qui peuvent pousser comme des fleurs d’esprit dans les plus pauvres cervelles, il y en a d’autres qui ne sont que les fausses fleurs de la Spéculation ou de la Vanité… Je puis très bien pardonner à l’auteur d’un mauvais livre, quel qu’il soit, de m’avoir pipé avec le sien et de m’avoir fait avaler un méchant ouvrage caché sous un titre alliciant et qui s’adressait à ma friandise intellectuelle, mais il m’est impossible de pardonner à un éditeur — et par là je n’entends point le libraire — qui publie des Correspondances inédites et trompeuses sous des noms qu’on aime et auxquels la plus sympathique curiosité s’attache, et cela uniquement pour l’égoïste plaisir de camper son nom sous ces noms célèbres et d’avoir tripoté un livre de plus ! […] En dehors de l’Histoire, sans l’intérêt des faits de l’Histoire, le pauvre Sismondi, homme du monde, pédant dépaysé dans des Décamérons impossibles, voulant donner gentiment la patte aux dames et ne pouvant pas, devait être ce qu’il est en ces lettres arrachées aux rats, qui en auraient mieux joui que nous ; car, franchement, elles ne sont rien de plus qu’insignifiantes, quand elles ne confinent pas… j’oserai le mot, puisqu’il est mérité !

518. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Ils ne tuèrent sous eux aucun système, et ils passèrent leur temps et leur jeunesse à faire sur la pensée et les systèmes des autres le petit travail critique que fait sur lui-même le pauvre enfant de Murillo dont je veux leur épargner le nom ! […] Jules Simon, nous le trouvons bien brave et bien franc, et presque bien grand philosophe, ce pauvre M. 

519. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Nous préférons au Silvio Pellico de la commisération publique le Silvio qui ne la demande pas, le Silvio humble, sévère pour lui et surtout repentant de sa faute que l’on a travestie en gloire ; mais nous, nous n’avons jamais travaillé à la statue de ce pauvre poëte dont le doux nom a servi à tant de tapages ! […] À son insu, nous le voulons bien, le pauvre condamné du Spielberg pouvait causer un mal horrible.

520. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Frédéric Mistral a tiré sa colossale idylle est l’amour de la fille d’une fermière pour un pauvre vannier, à qui ses parents la refusent en mariage. […] Il y a aussi un autre chant, intitulé Les Prétendants, où les trois rivaux du pauvre Vincent le vannier sont dépeints avec un détail si prodigieux et si vaste, qu’on dirait trois rois de contrées différentes qu’Alari, le berger, Veran, le gardien de cavales, et Ourrias, le loucheur, Ourrias, toute la tragédie de ce poème, qui se lève et que l’on pressent dès les premières strophes que lui consacre le poète… : « Ourrias, né dans le troupeau, élevé avec les bœufs, — des bœufs il avait la structure et l’œil sauvage, et la noirceur, et l’air revêche et l’âme dure !

521. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Seulement notre critique, à nous, n’aurait-elle que deux minutes à vivre, elle ferait, pendant ces deux minutes, sa pauvre justice éphémère et rendrait hommage à un homme de talent méconnu, parce que dans le débordement de paganisme et de matérialisme universel, il est resté purement et incorruptiblement un spiritualiste et un chrétien. […] Et celui que servent les anges, Qui tient le monde sur son doigt, Était là, tout transi de froid, Comme un pauvre enfant dans ses langes.

522. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rivet, Gustave (1848-1936) »

Et cela sans contorsions de vers, de rimes pauvres par leur richesse, rien qu’en laissant parler en lui la nature.

523. (1767) Salon de 1767 « Dessin. Gravure — Lempereur »

Attache, attache tant que tu voudras, pauvre génie si vilement employé ; je te réponds que le clou manquera et que le médaillon tombera dans la boue.

524. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Toutefois j’ajoute qu’il ne s’agit que de nos idées à nous, pauvres critiques. […] Pourquoi mépriser Molière, parce qu’il est le poète, non de quelques pédants, mais de l’humanité, et parce que sa pauvre servante le comprenait mieux qu’eux ? […] Il rit encore des roulements d’yeux et des contorsions du pauvre homme, lorsqu’il jette à Agnès, dans un transport d’amour et de rage, cette question d’un comique si sublime : Pourquoi ne m’aimer pas, madame l’impudente ? […] Elle était simple et bonne, comme cette pauvre Laforêt311 qui ne savait pas lire. […] si ces personnes si sages et si froides n’avaient pas tant de savoir, tant d’esprit ; si, au lieu de l’orgueilleuse sommation des philosophes, Uranie recevait l’humble visite d’un pauvre maître d’école de village, avide de comprendre et de goûter le beau, elle ne serait pas embarrassée.

525. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Elle racontait cette anecdote d’une manière très apitoyante, la pauvre fille ! […] Pauvre salle de spectacle, où jamais comédie ne fut jouée, et qui pourtant, s’élevant de terre et se parant de sculptures, dut prendre tant de place dans les rêves du bâtisseur de cette maison au temps jadis. […] Tout ce tendre, tout ce vaporeux hystérique, toute cette surexcitation de la tête par le cœur, font de la religion catholique un mauvais mode d’éducation de la femme pauvre. […] Là, dans les vapeurs bleues, dans l’or de l’automne, au-dessus du Bas-Meudon, le bord de rivière inspirateur de notre pauvre En 18.. ; nous allons devant nous au hasard, sur la route de Bellevue. […] Voilà donc ce joujou de reine, dont on a fait une si monstrueuse folie, ce Trianon le grand chef d’accusation contre la pauvre femme.

526. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Connaîtriez-vous point, frère, dans une rue Déserte, une maison sans porte, à moitié nue ; Près des barrières, triste ; — on n’y voit jamais rien, Sinon un pauvre enfant fouettant un maigre chien ; Des lucarnes sans vitre, et par le vent cognées. […] J’ai trouvé sur un banc une femme endormie, Une pauvre laitière, une enfant de quinze ans, Que je connais, Gunther. — Sa mère est mon amie. […] Il achète d’une mère infâme une pauvre victime innocente de la misère et du libertinage ; il s’en fait aimer ; puis quand il a dépensé sa dernière obole, il savoure un infâme suicide dans les bras de la courtisane involontaire dont il a tué l’âme avant de se tuer lui-même. […] Il brisa sur sa tige un pauvre dahlia. […] Ses enfants demi-nus sortent de la bruyère, Et viennent lui conter comme leur pauvre mère Est morte sous le chaume avec des cris affreux ; Mais maintenant au loin tout est silencieux ; Le misérable écoute, et comprend sa ruine.

527. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Les lettres qu’elle écrit durant le terrible hiver de 1709 respirent la pitié pour les pauvres gens « qui mouraient de froid comme des mouches ». […] La première Dauphine, qui était Allemande et née princesse de Bavière, le dit à Madame en pleurant, mais sans rien oser pour empêcher un tel affront qui les atteignait toutes deux : « Laissez-moi faire, répondit Madame, j’arrangerai cela ; car, lorsque j’ai raison, rien ne m’intimide. » Et le lendemain elle s’arrangea si bien qu’elle rencontra dans le parc une des deux demoiselles soi-disant comtesses palatines : elle l’aborda et la traita de telle sorte (les termes étonnants en ont été conservés) que la pauvre fille en prit une maladie dont elle mourut. […] Elle n’était pas, sur le chapitre de la comédie, de l’avis de Bossuet, de Bourdaloue et des autres grands oracles religieux d’alors ; elle devançait l’opinion de l’avenir et celle des moralistes plus indulgents : À l’égard des prêtres qui défendent la comédie, écrivait-elle assez irrévérencieusement, je n’en parlerai pas davantage : je dirai seulement que, s’ils y voyaient un peu plus loin que leur nez, ils comprendraient que l’argent que le peuple dépense pour aller à la Comédie n’est pas mal employé : d’abord, les comédiens sont de pauvres diables qui gagnent ainsi leur vie ; ensuite la comédie inspire la joie, la joie produit la santé, la santé donne la force, la force produit de bons travaux ; la comédie est donc à encourager plutôt qu’à défendre.

528. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Frédéric, au contraire, était d’avis qu’à la guerre il y a un moment où, quand on a assez fait pour ôter au hasard tout ce qu’on peut par la prudence, il faut risquer le coup, et que « quiconque n’entreprend rien après avoir bien réfléchi à sa besogne, ne sera jamais qu’un pauvre sire ». […] C’est ce qui, malgré mes autres chagrins, ne laisse pas de me faire un sensible plaisir, et ce qui était fort à désirer pour l’avantage de l’État, surtout pour celui des pauvres orphelins qui me sont confiés. » Il lui parle toujours alors comme à un tuteur naturel indiqué pour la chose publique et pour les siens, dans le cas où il disparaîtrait lui-même. […] Frédéric, qui depuis longtemps a renoncé à l’idéal, et qui se contente en tout, faute de mieux, des à peu près, réplique à son frère et lui déclare, en vertu de l’expérience, que la perfection n’existe pas, que les meilleurs des humains, ce sont les moins vicieux : Vous m’envoyez, lui dit-il, dans les cabanes des pauvres chercher la vertu ; mais les hommes qui les habitent sont-ils sans passions ?

529. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

« Pauvre, pauvre siècle ! […] Le cauchemar domine ; l’Enfer tient plus de place que le Paradis. — « La société voyage dans les cercles de Dante. — Je vois comme une voûte de fer s’abaisser sur les peuples. — La société est idiote quand elle n’est pas frénétique, — cette pauvre société idiote qui s’en va à la Morgue en passant par la Salpêtrière. » C’est lui qui dit ces choses, et on peut imaginer quelle perspective lui composent ces belles images.

530. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Il avait été auparavant, et sans doute après quelque revers de famille, dans une condition moins heureuse, et l’un de ses contemporains nous l’a montré dans une chambre voisine du ciel et « séparée en deux par une légère tapisserie que le vent soulevait », — une pauvre chambre d’étudiant. […] Il aurait été comme un chasseur à qui le gibier manque, le gros gibier, et qui est obligé de se contenter d’un pauvre lièvre qu’il rencontre en plaine. […] On sait les beaux portraits du Riche et du Pauvre, auxquels il n’y a qu’à admirer : c’est mieux encore que du Théophraste.

531. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Elle a debonne heure retourné le monde ; elle a pris le contre pied de la nature ; elle a fait ce que défend un ancien sage, elle a déclaré la guerre à la vie : « Du petit au grand, écrivait-elle à une amie dans sa jeunesse, j’ai beaucoup étudié, beaucoup appliqué le dogme du sacrifice, auquel la pauvre Jeanne Gray avait tant de foi. […] Le vieillard, à ses yeux, a toutes les faveurs célestes, et il réunit sur sa tête tous les privilèges ; il est « le pontife du passé, ce qui ne l’empêche pas d’être le voyant de l’avenir. » Il est « le vrai pauvre de Jésus-Christ ; ses rides sont ses haillons. » Il a des insomnies cruelles ; tant mieux ! […] Le pauvre bonhomme ne savait plus que faire et la cherchait toujours machinalement. » — M. de Falloux, ayant lu cette anecdote, a cru de son devoir d’en contester l’authenticité ; il a fait une espèce d’enquête auprès du valet de chambre du général Swetchine : je n’ai pas entrepris moi-même de contre-enquête ; mais le fait m’a été raconté à deux reprises, et a eu pour témoin une femme du monde.

532. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

À la fin de la préface d’un de ses recueils à propos d’un travail sur la Poésie des races celtiques, qu’il y a inséré, il se plaît à revenir en arrière, à repasser sur les souvenirs, les piétés et même les mystiques superstitions de ses pères ; il se met tout à coup à regretter que les humbles marins, ses aïeux, n’aient pas tourné leur gouvernail, n’aient pas laissé dériver leur barque vers d’autres rivages ; il se suppose un moment enfant attardé, fidèle, de la pauvre et poétique Irlande ; écoutez ! […] Je les vois dans mes rêves, ces cités pacifiques de Clonfert et de Lismore, où j’aurais dû vivre, pauvre Irlande, nourri du son de tes cloches, au récit de tes mystérieuses odyssées. […] Sous une forme ou sous une autre, il est conquis à Jésus ; il l’est surtout depuis qu’il a visité cette Palestine, objet et terme désiré de son voyage, ce riant pays de Génézareth, qui ressemble à un jardin, et où le Fils de l’Homme a passé le meilleur temps de sa mission à prêcher les petits et les pauvres, les pêcheurs et les femmes au bord du lac de Tibériade ; il faut entendre comme il parle à ravir et avec charme de ce cadre frais et de ce paysage naturel des Évangiles.

533. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Il y joint comme pendant, et dans un parallèle que la science n’a pu rendre encore aussi égal et aussi avancé qu’elle le voudrait, l’aperçu de ces empires non moins gigantesques, mais plus mobiles et ruineux, qui s’élevèrent à Ninive et à Babylone, sur le Tigre et sur l’Euphrate, créations magnifiques, mais trop voisines de la Perside et de ses pauvres montagnards pour ne pas attirer et tenter incessamment des recrues de vainqueurs. […] Après avoir sauvé de l’élément ennemi l’Étolie pauvre et guerrière, la grasse Thessalie et la lourde Béotie, il se trouve tout à coup étroitement étranglé au centre par la double victoire que remporte la mer au golfe de Corinthe et à l’Euripe ; mais il se dédommage bientôt en lançant d’un côté la pointe de l’Attique et en s’épanouissant de l’autre en différents rameaux dans la Morée ; quand il cède enfin, il proteste encore contre sa défaite en faisant jaillir cette couronne de belles îles qui relient la Grèce, comme autant d’arches de pont, à l’Asie Mineure et à l’Italie. […] C’est ainsi que l’historien s’explique que Marc-Aurèle, pendant un règne de dix-neuf ans, n’ait pas plus fait ni tenté pour restaurer radicalement l’Empire, pour en améliorer la Constitution d’une manière durable et qui lui survécût : « Pauvres politiques, se disait tout bas le sage, ceux qui prétendent régler les affaires sur les maximes de la philosophie !

534. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Maint affranchi reçoit des présents ; peut-être le consul lui-même daigne-t-il en accepter, soit pour épargner à Téanum le fardeau des logements militaires, soit pour se souvenir des Sidicins dans le sénat, où les pauvres alliés ont tant besoin de protecteurs. […] Dans sa superstition de vengeance, Colomba n’imagine rien de plus odieux, de plus ulcérant, que cette oreille fendue à la pauvre bête. […] Et cet autre refrain, qu’à l’oreille d’Orso tous les échos murmurent, ne le cède à rien en opiniâtre et fixe clameur : « A mon fils, mon fils en lointain pays, — gardez ma croix et ma chemise sanglante… — Il me faut la main qui a tiré, — l’œil qui a visé, — le cœur qui a pensé… » La scène avec les Barricini autour de la bière du pauvre Pietri ne ferait pas un indigne pendant, pour le tragique, à ce qui se passe là-bas au pied du tombeau d’Agamemnon.

535. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Lesage et son « Gil Blas » Lesage499 vécut pauvre, obscur et digne. […] Jusqu’ici du moins, ce n’étaient que de pauvres diables d’écrivains, sans talent et sans gloire, qui avaient vécu aux gages des libraires. […] Il n’y a qu’une chose qu’elle ne puisse faire pour lui : c’est d’être pauvre, mal vêtue.

536. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Patru est un nom plus qu’un auteur ; on ne le lit plus, et je ne viens pas ici conseiller de le lire ; mais de loin, et par tradition, on l’estime ; on se rappelle qu’au barreau et à l’Académie, en son temps, il a été une autorité, un oracle ; que Boileau, qui voyait si peu de maîtres en matière de langue et de goût, s’inclinait tout d’abord devant lui, qu’il a placé son nom en plus d’un vers devenu proverbe, et que, par un acte noble et délicat de reconnaissance, il l’a secouru pauvre dans sa vieillesse. […] Patru pauvre n’avait pas de quoi payer son secrétaire et son lecteur ; Richelet était ce lecteur, et Patru se décida à le payer en nature, c’est-à-dire moyennant des articles de dictionnaire. […] Le père Bouhours, l’un de ses admirateurs et de ses disciples, et qui l’assista dans ses derniers moments, a dit : Les malheurs d’autrui le touchaient plus que les siens propres, et sa charité envers les pauvres, qu’il ne pouvait voir sans les soulager, lors même qu’il n’était pas trop en état de le faire, lui a peut-être obtenu du ciel la grâce d’une longue maladie, pendant laquelle il s’est tourné tout à fait vers Dieu ; car, après avoir vécu en honnête homme et un peu en philosophe, il est mort en bon chrétien dans la participation des sacrements de l’Église et avec les sentiments d’une sincère pénitence.

537. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Quand elle sut de quoi il s’agissait, elle sauva ce pauvre homme, qu’elle fit coucher et panser dans son cabinet jusqu’à ce qu’il fût guéri. […] Si Catherine de Médicis pour aller voir son fils le duc d’Anjou, fait le voyage de Paris à Tours, en trois jours et demi, ce qui était bien rapide alors et ce qui essoufflait le pauvre M. le cardinal de Bourbon peu accoutumé à de telles corvées, c’est que cette reine y est « portée, dit Marguerite, des ailes du désir et de l’affection maternelle ». […] Au sortir de Namur, à Liège, on a la touchante et pathétique histoire de cette pauvre jeune fille, Mlle de Tournon, qui meurt de douleur d’avoir été méconnue et trahie par son amant qu’elle allait retrouver avec confiance, et qui lui-même, se ravisant trop tard et raccourant pour la consoler, ne rencontre plus que son cercueil.

538. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Si le père de Chasles, si peu soucieux des talents futurs de son fils, l’avait jeté aux Enfants-Trouvés comme Rousseau y jeta les siens, je ne doute pas que Philarète ne fût sorti des mains de la pauvre sœur de Saint-Vincent de Paul qui l’aurait ramassé et qui lui aurait appris son catéchisme, avec des rayons de plus dans la tête, avec ces rayons qui sont les plus beaux et qui lui ont toujours manqué ! […] Je sais encore où est sa métaphysique, car il a métaphysiqué, le pauvre Chasles ! […] Il est vrai que dans l’Angleterre Whig l’un a écrit une histoire whig de ce whig couronné, Guillaume III, auquel il sacrifie Marlborough et toutes les grandes figures de l’époque ; tandis que le pauvre Philarète Chasles a continué de faire de la critique et de la littérature inutiles en ce beau pays de France où Chateaubriand se plaignait de ne pouvoir rester ministre, où le grand Balzac n’aurait jamais pu l’être, quand Disraëli, un mauvais romancier que nous mépriserions en France, l’est en Angleterre à plus de soixante-dix ans !

539. (1899) Arabesques pp. 1-223

» Tu t’ennuies, pauvre homme ? […] Traître aux pauvres, il s’est allié, par amour des écus, avec les Soudards, la Banque, la Grosse-Industrie et la Grosse-Propriété. […] Le front est pauvre comme l’âpre rocher du Tyrol… Il était chasseur avant tout, et secondairement empereur. […] On sait de quels grognements ils poursuivirent, il y a peu, le juge, — vraiment exceptionnel, — qui acquitta, bien qu’elle eût pris un pain, une pauvre diablesse abandonnée et honnie pour avoir commis ce crime : un enfant naturel. […] En apparence, rien de mieux conçu pour le soulagement des pauvres : le petit locataire étant dégrevé de quelques taxes qu’on reporte sur le gros propriétaire.

540. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Pauvre peuple ! […] avez-vous volé un pauvre ou un riche, un artisan ou un avare ? […] ces pauvres auteurs modernes, qui vous font parcourir le labyrinthe inextricable de leurs nouvelles locutions ! […] A Paris, l’hôpital est la terreur du pauvre. […] Il ne faut demander aux médecins que le respect de la chair pauvre et sans défense.

541. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Mais comment compter toute une classe intéressante de pauvres auteurs qui n’ont eu, hélas ! […] Tous les pauvres mortels désirent vivre : pourtant, ce n’est point cette idée fixe qui leur méritera le paradis. […] Et maintenant, pauvre écrivain, quel parti prendras-tu ? […] Devant cette menace terrible, les pauvres auteurs (oh ! […] Il est vrai que l’objection n’en serait pas une pour Carlyle, qui sans doute ne reconnaissait chez les deux pauvres sires aucun des caractères du héros.

542. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mariotte, Émile »

Du moins, ô pauvre ami foudroyé dans l’orage, Qui souffres et combats avec tant de courage, Je veux, comme un témoin, paraître à ton côte.

543. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

» — On reconnaît, à travers la théorie, l’accent personnel, la rancune du plébéien pauvre, aigri, qui entrant dans le monde, a trouvé les places prises et n’a pas su se faire la sienne, qui marque dans ses confessions le jour à partir duquel il a cessé de sentir la faim, qui, faute de mieux, vit en concubinage avec une servante et met ses cinq enfants à l’hôpital, tour à tour valet, commis, bohême, précepteur, copiste, toujours aux aguets et aux expédients pour maintenir son indépendance, révolté par le contraste de la condition qu’il subit et de l’âme qu’il se sent, n’échappant à l’envie que par le dénigrement, et gardant au fond de son cœur une amertume ancienne « contre les riches et les heureux du monde, comme s’ils l’eussent été à ses dépens et que leur prétendu bonheur eût été usurpé sur le sien421 »  Non seulement la propriété est injuste par son origine, mais encore, par une seconde injustice, elle attire à soi la puissance, et sa malfaisance grandit comme un chancre sous la partialité de la loi. « Tous les avantages de la société422 ne sont-ils pas pour les puissants et pour les riches ? […] — L’essieu de sa chaise vient-il à se rompre, tout vole à son secours. — Fait-on du bruit à sa porte, il dit un mot et tout se tait. — La foule l’incommode-t-elle, il fait un signe et tout se range. — Un charretier se trouve-t-il sur son passage, ses gens sont prêts à l’assommer, et cinquante honnêtes piétons seraient plutôt écrasés qu’un faquin retardé dans son équipage. — Tous ces égards ne lui coûtent pas un sol ; ils sont le droit de l’homme riche, et non le prix de la richesse. — Que le tableau du pauvre est différent ! […] Que sa pauvre charrette renverse, je le tiens heureux s’il évite en passant les avanies des gens lestes d’un jeune duc. […] Mais je le tiens pour un homme perdu, s’il a le malheur d’avoir l’âme honnête, une fille aimable et un puissant voisin. — Résumons en quatre mots le pacte social des deux états : Vous avez besoin de moi, car je suis riche et vous êtes pauvre : faisons donc un accord entre nous ; je permettrai que vous ayez l’honneur de me servir, à condition que vous me donnerez le peu qui vous reste pour la peine que je prends de vous commander. […] Confessions, 2e partie, IX, 361. « J’étais si ennuyé des salons, des jets d’eau, des bosquets, des parterres et des plus ennuyeux montreurs de tout cela ; j’étais si excédé de brochures, de clavecin, de tri, de nœuds, de sots bons mots, de fades minauderies, de petits conteurs et de grands soupers, que, quand je lorgnais du coin de l’œil un simple pauvre buisson d’épines, une haie, une grange, un pré, quand je humais, en traversant un hameau, la vapeur d’une bonne omelette au cerfeuil…, je donnais au diable le rouge, les falbalas et l’ambre, et, regrettant le dîner de la ménagère et le vin du cru, j’aurais de bon cœur paumé la gueule à Monsieur le chef et à Monsieur le maître qui me faisaient dîner à l’heure où je soupe et souper à l’heure où je dors, mais surtout à Messieurs les laquais qui dévoraient des yeux mes morceaux, et, sous peine de mourir de soif, me vendaient le vin drogué de leur maître, dix fois plus cher que je n’en aurais payé de meilleur au cabaret. » 418.

544. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Imitez les Arabes ; au moins chez eux la parole d’un homme ne change et ne trompe jamais… « Et ce pauvre, colonel Boutin, que n’ai-je pas fait pour prévenir ses malheurs ? […] « — Vous renouvelez, reprit-elle, toute ma douleur : pauvre Ali ! […] Jusqu’ici, je n’ai osé les confier à personne ; promettez-moi que vous les lui remettrez vous-même, quelle que soit l’époque de votre retour à Paris, et les dernières volontés du pauvre voyageur seront ainsi accomplies.” […] « La femme de ce pauvre roi est venue en Syrie passer comme une Anglaise obscure, tandis que lady Stanhope y jouait le rôle que la princesse de Galles n’eût jamais dû quitter. Pauvre princesse Charlotte !

545. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Je vous recommande donc mes pauvres serviteurs, la décharge de mes dettes, et de faire fonder quelque obit annuel pour mon âme, non à vos dépens, mais faire la sollicitation et ordonnance comme sera requis, et qu’entendrez mon intention par ces miens pauvres désolez serviteurs, tesmoins oculaires de ceste mienne dernière tragédie. […] « Vous recepvrez des tokeus de moy pour vous ramentevoir de faire prier pour l’âme de vostre pauvre cousine, destituée de tout ayde et conseil, que de celuy de Dieu, qui me donne force et courage de résister seule à tant de loups hurlants après moy : à Dieu en soyt la gloire ! « Croyez en particulier ce qui vous sera dit par une personne qui vous donnera une bague de rubis de ma part, car je prens sur ma conscience qu’il vous sera dit la vérité de ce que je l’ay chargée, spécialement de ce qui touche mes pauvres serviteurs et la part d’aulcun. […] les pauvres âmes ne feront rien que prendre adieu de moi.

546. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Les rochers et les bois n’entendent nuit et jour Que de pauvres bergers qui se plaignent d’amour. […] Et tantôt ont éclaté des grèves, ces étranges guerres en pleine paix, où les deux adversaires, au lieu de se saisir et de s’étreindre corps à corps, luttent à qui pourra rester le plus longtemps les bras croisés ; tantôt aux faubourgs des grandes capitales ont surgi des émeutes formidables, prélude sanglant de la guerre la plus implacable qui existe, la guerre de classes, la guerre entre pauvres et riches. […] Et Alfred de Vigny, et Pierre Dupont, et Victor Hugo ont fait tour à tour ressortir le contraste poignant de ces pauvres, condamnés de naissance à produire pour d’autres tant de richesses. […] Il en est où la vie littéraire a été plus difficile : qu’on se rappelle-le pauvre Hardy, fournisseur attitré du théâtre du Marais, grand fabricant de tragédies, comédies, pastorales et autres pièces innombrables, s’écriant lamentablement : « Les fers de la pauvreté empêchent l’esprit de volet dans les cieux !  […] Il leur arrive aussi d’être raillés, bernés, maltraités, et tous n’ont pas le courage de crier comme l’un d’entre eux : « Prenez garde ; j’ai une plume ». — Il leur arrive d’être employés à de vilaines besognes, comme le pauvre Jodelle qui use les restes de sa verve à faire par ordre l’apologie de la Saint-Barthélemy.

547. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Pour ce qui est de leur Trinitaire, qui tortionne si vilainement la pauvre diablesse d’âme de leur Madame Gervaisais, ce n’est guères plus qu’une caricature outrageante pour le catholicisme, — ou plutôt tout le livre est une caricature outrageante, et qui n’a demandé, pour la tracer, ni grandeur de talent ni grandeur de caractère. […] Tout au plus l’a-t-il achevé, a-t-il donné la dernière main à l’importance de cette précieuse créature des classes moyennes, dont il a fini, le pauvre Louis-Philippe, très prince de nature mais qui aurait voulu s’embourgeoiser lui-même, par désespérer ! […] Il pouvait très bien se dispenser de les écrire, ces trois pauvres pages, mais l’heure est aux systèmes, et il a voulu, sans nul doute, dire aussi, distinctement, son petit mot à travers l’assourdissante huaille du Naturalisme actuel, et déterminer les mérites de sa position dans la trifouillante poussée de cette littérature canaille. […] Stérilité presque imbécile, M. de Goncourt, après la mutilation irrémédiable de son pauvre clown, coupé en deux par un accident dont son frère est la cause, ne trouve rien de mieux, pour nous attendrir, que de le faire un jour asseoir à la porte du Cirque, d’où il entend de loin des applaudissements qui le désespèrent. […] il se fait humblement le frère quêteur du document humain, et mendie en son nom comme un pauvre d’église sous un porche !

548. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

J’avais une bague de mes cheveux qui a appartenu au pauvre M. […] J’espère cependant être en état de partir jeudi prochain, mais je meurs de peur que le climat du Nord ne convienne pas à ce pauvre enfant. […] Adieu, cher Matthieu, ne vous lassez pas d’aimer votre pauvre amie. […] Que signifient ces aumônes aux pauvres, quand on néglige la charité du cœur ? […] de Paris. — Il met trop de philanthropie dans l’amitié, et l’on a peur d’être traitée par lui comme un pauvre.

549. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Le pauvre homme est mort à la peine. […] Le pauvre M.  […] Il y a là de quoi faire envie à nos pauvres directeurs de journaux. […] Va, pauvre Parisien ! […] Il s’agissait alors d’une nation de pauvres.

550. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Et en effet, dans les vers latins tout remplis des réminiscences et des locutions d’Horace et de Virgile, il n’y a pas, il ne peut y avoir ces traits fins et caractéristiques, la cheminée de mon petit village , le clos de ma pauvre maison , l’ardoise fine, qui est la couleur locale des toits en Anjou, et ce je ne sais quoi de douceur angevine opposé à l’air marin et salé des rivages de l’Ouest. […] Je ne voudrais plus y joindre, pour nous donner l’entier spectacle de l’âme et des dispositions intérieures du pauvre et triste poète, dans les derniers mois de sa vie, qu’une autre lettre française de lui adressée à un ami (le même Morel probablement), sur la mort du feu roi et le département de Madame de Savoie. […] Quant à moi (et hoc mihi apud amicum liceat), encore que jusques ici j’aie enduré des indignités de la fortune autant que pauvre gentilhomme en pourroit endurer, si est-ce que pour perte de biens, d’amis et de santé et si quelque autre chose nous est plus chère en ce monde, je n’ai jamais éprouvé si grand ennui que celui que j’ai dernièrement reçu de la mort du feu roi et du prochain département de Madame, qui étoit le seul appui et colonne de toute mon espérance… » Épuisé de santé, de peines et de travail, Du Bellay mourut le jour même du 1er janvier 1560. […] et en quelle saison Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, Qui m’est une province et beaucoup davantage ?

551. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Ce serait un pauvre spectacle, aux yeux de cette adorable Divinité, de qui tout émane et à qui tout aboutit, de cette âme universelle qui n’est qu’âme, c’est-à-dire intelligence, volonté, force et perfection, que le spectacle de populations plus ou moins nombreuses broutant la terre dans un ordre plus ou moins régulier, comme celui du troupeau devant le chien, sans autre fin que de se partager plus ou moins équitablement l’herbe qui nourrit leur race, jusqu’au jour où leurs cadavres iront engraisser à leur tour le fumier vivant tiré du fumier mort, et destiné à devenir à son tour un autre fumier ! […] Partout la fraternité en action imposant aux forts la tutelle des faibles, aux riches la responsabilité des pauvres par l’assistance, obligatoire quoique volontaire, du travail et de la charité. […] XVI Notre contrat social, à nous, le contrat social spiritualiste, au contraire, celui qui cherche son titre en Dieu, qui s’incline devant la souveraineté de la nature, celui qui ne se reconnaît d’autre droit que dans ce titre magnifique, et plus noble que toutes les noblesses, de fils de Dieu, égal par sa filiation et par son héritage à tous ses frères de la création, celui qui ne croit pas que tout son héritage soit sur ce petit globe de boue, celui qui ne pense pas que l’empire de quelques millions d’insectes sur leur fourmilière, renversant ou bâtissant d’autres fourmilières, soit le but d’une âme plus vaste que l’espace, et que Dieu seul peut contenir ou rassasier ; celui qui croit, au contraire, à l’efficacité de la moindre vertu exercée envers la moindre des créatures en vue de plaire à son Créateur, celui qui place tous les droits de l’homme en société dans ses devoirs accomplis envers ses frères ; celui qui sait que la société humaine, civile et politique, ne peut vivre, durer, se perfectionner en justice, en égalité, en durée, que par le dévouement volontaire de chacun à tous, dévouement du père au fils, de la femme à l’époux, du fils au père, des enfants à la famille, de la famille à l’État, du sujet au prince, du citoyen à la république, du magistrat à la patrie, du riche au pauvre, du pauvre au riche, du soldat au pays, de tout ce qui obéit à tout ce qui commande, de tout ce qui commande à tout ce qui obéit, et, plus haut encore que cet ordre visible, celui qui conforme, autant qu’il le doit et qu’il le peut, sa volonté religieuse à cet ordre invisible, à ce principe surhumain que la Divinité (quel que soit son nom dans la langue humaine) a gravé dans le code, dans la conscience, table de la loi suprême ; celui qui sait que, sous cette législation des devoirs volontaires qu’on nomme avec raison force ou vertu, il n’y a ni Platon, ni J.

552. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

» Pauvre interrogation d’enfant destinée à rester à jamais sans réponse ! […] … Dans la pauvre âme humaine, La meilleure pensée est toujours incertaine, Mais une larme coule et ne se trompe pas. […] Elle a raison, elle veut dire :            Pauvre petit, A ton insu, ton cœur respire,            Et t’avertit Que le peu de sang qui l’anime            Est ton seul bien, Que tout le reste est pour la rime            Et ne dit rien. […] Ta pitié dut être profonde, Lorsqu’avec ses biens et ses maux, Cet admirable et pauvre monde Sortit en pleurant du chaos !

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