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972. (1910) Rousseau contre Molière

Il est très honnête homme d’autre manière encore. […] s’écrie Alceste, ici tout à fait dans la manière et le ton de Molière. […] Il y a, pense-t-on généralement, deux manières d’exciter à la vertu. […] Il l’a attaqué de toutes les manières. […] Il le faut pour que Molière le fasse détester, maudire, mépriser et moquer de toutes les manières possibles.

973. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Veut-on une idée de la manière triviale et burlesque dont un poëte éminent, comme sir Walter Scott, n’a pas rougi de travestir cette merveilleuse expédition d’Égypte, si féconde en prestiges, d’un grandiose si imposant, et d’une inutilité si glorieuse ? […] Qu’on ne croie pas, au reste, que cette manière de voir contraire le moins du monde l’admiration si justement décernée au plus enchanteur des génies contemporains : elle la laisse subsister tout entière, et ne fait que l’interpréter diversement.

974. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

Voici dès lors la collectivité divisée avec elle-même : sa réalité acquise la prédispose à de certaines manières d’être et elle est incitée par quelques-uns des siens à en adopter d’autres. […] Bientôt le style jésuite va montrer dans toute leur difformité les œuvres d’une sensibilité qui a perdu conscience de ses propres manières d’être et se conçoit à l’imitation de modèles dont elle est impuissante à s’approprier l’âme secrète.

975. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre premier. »

De cette manière, la faute n’est point rejetée spécialement sur le fabricateur souverain. […] Cela diminue la curiosité, d’autant plus qu’il y revient à la fin de la fable, et même d’une manière trop longue et peu piquante.

976. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Chose difficile sans doute, mais moins peut-être qu’une distribution graduée qui éclairerait la scène d’une manière diffuse et large, et où la quantité de lumière serait accordée à chaque point de la toile, eu égard à sa véritable exposition et à sa véritable distance du corps lumineux : quantité que les objets environnants font varier en cent manières diverses, plus ou moins sensibles, selon les pertes et les emprunts qu’ils occasionnent.

977. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 14, comment il se peut faire que les causes physiques aïent part à la destinée des siecles illustres. Du pouvoir de l’air sur le corps humain » pp. 237-251

Comme deux graines venuës sur la même plante donnent un fruit dont les qualitez sont differentes, quand ces graines sont semées en des terroirs differens, ou bien quand elles sont semées dans le même terroir en des années differentes : ainsi deux enfans qui seront nez avec leurs cerveaux composez précisément de la même maniere, deviendront deux hommes differens pour l’esprit et pour les inclinations, si l’un de ces enfans est élevé en Suede et l’autre en Andalousie. […] Non-seulement la fermentation qui prépare un orage agit sur notre esprit, de maniere qu’il devient pesant et qu’il nous est impossible de penser avec la liberté d’imagination qui nous est ordinaire, mais cette fermentation corrompt même les viandes.

978. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

Elle avoit chez les uns et chez les autres la même étendue et les mêmes principes, de maniere qu’on peut se servir également pour expliquer l’étendue et l’usage de la musique des anciens, soit des auteurs grecs, soit des auteurs latins. […] L’art rithmique donnoit des regles pour assujettir à une mesure certaine tous les mouvemens du corps et de la voix, de maniere qu’on pût en battre les temps, et les battre du mouvement convenable et propre au sujet.

979. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

qu’ils ne s’en vont pas tous finir à la Morgue et à Bicêtre, mais qu’il en est qui se décident à emboîter le pas… gymnastique, pour aller plus vite, derrière cette société en marche qu’ils ne voulaient ni servir ni suivre, et même à avoir avec elle de ces manières très peu sauvages à l’aide desquelles on prend le succès à Paris. […] Ils sont aussi particuliers et locaux à leur manière que les plus corrompus, les plus dépravés des Chinois le sont à la leur.

980. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

Il peint pour peindre et pour faire sentir à la manière allemande. […] De l’un, il observe d’un œil joyeux et frais les objets de la nature qui manifestent leur vie d’une manière palpable par leur accroissement ou leur mouvement, et qu’ordinairement nous tenons pour inanimés.

981. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

À notre sens, il y avait donc deux manières d’écrire ou de concevoir cette histoire de la Sorcellerie qui n’a pas encore été carrément abordée, malgré l’essai de Walter Scott, et qui, riche en détails, en monographies, ressemble à un bloc de marbre dégrossi attendant le ciseau du maître ! […] Dans ces passages, — et nous citerons entre autres la belle légende de l’enchanteur Merlin, rajeunie par la manière dont elle est contée, — il est évident que la plume de ce rationaliste, qui vaut mieux que sa philosophie, a tout ce qu’il faut pour tracer à l’imagination sa plus belle histoire : abondance, vigueur, grâce parfois, et toujours le rayon qui est le talent, cette autre sorcellerie qui a aussi son bûcher, mais en nous-mêmes, et que, comme l’autre, on n’éteint pas !

982. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Par un autre hasard encore, ces deux poètes se recommandent par des qualités si différentes, ils forment entre eux une telle antithèse de talent et de manière, que les opposer dans un étroit vis-à-vis c’est, comme on dit en peinture, les repousser l’un par l’autre ; c’est donner plus de précision à leur examen ; et faire mieux sentir le prix de ce que tous les deux possèdent et de ce qui manque à chacun d’eux. […] Alors il passe dans la manière du poète un phénomène d’expression colorée, brûlante et sensuelle, que les vers qui suivent traduisent et peignent : Ne me demandez pas si sa prunelle est peinte Ou du céleste azur ou du bleu de la nuit ; Quelle nuance d’or, de jaspe ou d’hyacinthe A ses tempes se joue, en sa tresse reluit ; D’albâtre ou d’incarnat si sa joue est empreinte ; Si c’est grâce chez elle ou beauté qui séduit ; Ne me demandez pas quel espoir, quelle crainte, Se mêlant à mes feux, me guide ou me poursuit !

983. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

— avec nos sentiments et nos égoïstes manières de penser. Le caractère du talent de Belmontet est une fougue âpre et non sans fierté, qui rappelle en plus d’un endroit la manière de Lebrun, le lyrique, auquel il reste supérieur par la grandeur des sujets qu’il traite et l’ardeur de ses sentiments.

984. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VII. De la physique poétique » pp. 221-230

En traitant de ce sujet, nous ne pouvons omettre une observation importante qui jette beaucoup de jour sur celle que nous avons faite dans la Méthode (il nous est aujourd’hui difficile de comprendre, impossible d’imaginer la manière de penser des premiers hommes qui fondèrent l’humanité païenne 80). […] Les poètes appellent cette partie præcordia ; ils attachent au foie de Titan chacun des animaux remarquables par quelque passion ; c’était entendre d’une manière confuse, que la concupiscence est la mère de toutes les passions, et que les passions sont dans nos humeurs.

985. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

La manière littéraire a beau changer ; les formes du style. […] Chaque manière (même la bonne, la meilleure, si l’on veut) est voisine d’un défaut. […] Ce serait, il faut en convenir, une étrange manière de renouveler l’empire d’Orient et celui d’Occident. […] Fontanes le composa en trente-six heures, dans toute la verve de sa limpide manière. […] Par cette manière d’être Français en tout, il restait encore fidèle au Louis XIV.

986. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

L’esprit humain se partage en diverses manières d’être. […] C’est une exhibition à la manière anglaise. […] Champfleury saisit un sujet, il s’y renferme pour ainsi dire comme dans une manière de microcosme. […] d’une sûreté de brosse et d’une fermeté de manière magistrale, M.  […] Je fais une appréciation de la manière de l’écrivain et non l’examen détaillé de ses ouvrages.

987. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Et, quant à leur contrariété, elle se résout de cette manière. […] Évidemment, il a bientôt élargi sa manière ; les idées affluèrent et l’art s’affina. […] Ce n’est pas sa manière. […] Revenir aux primitifs, c’est, pour eux, en quelque manière, revenir à la nature et à la vérité. […] Rares sont les observateurs qui n’ont pas, en quelque manière, conclu déjà quand ils commencent à regarder.

988. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Il l’avait fait d’une manière plus affectueuse encore et plus vive à l’époque où M. de Talleyrand avait donné sa démission d’ambassadeur à Londres, et s’était tout à fait retiré de la vie politique. […] Lorsque la lecture fut terminée (et ce fut là toute la séance, une petite demi-heure en tout), l’enthousiasme n’eut pas de bornes ; le prince eut à passer, au retour, entre une double haie de fronts qui s’inclinaient avec un redoublement de révérence ; chacun en sortant exprimait son admiration à sa manière, et Cousin, selon sa coutume, plus haut que personne ; il s’écriait en gesticulant : « C’est du Voltaire ! […] Cette manière de finir contraste avec celle de son contemporain et ancien collègue l’abbé Sieyès, mort sans rétractation deux années auparavant. […] Sainte-Beuve reçut un grand nombre de lettres et documents de toute espèce, dont il se proposait de tirer parti pour écrire ici, en manière d’appendice ou de post-scriptum, un article final et inédit, qui eût été un dernier mot sur Talleyrand. […] Je ne suis pas en mesure de discuter ce point ; pour cela les termes de comparaison me manquent ; le doute d’ailleurs n’offre ici aucun inconvénient, cette lettre isolée n’ayant d’intérêt que comme échantillon et comme exemple de la manière familière et simple avec laquelle M. de Talleyrand traitait la politique dans l’intimité.

989. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

La révolution de Juillet a été une de ces occasions d’agrandissement légitime que n’ont pas laissé passer deux ou trois génies ou talents éminents ; eux, du moins, ils ont secoué à leur manière leurs traités de 1815, et ils ont bien fait. […] On n’a à s’inquiéter en rien de la manière dont Jocelyn se rattache, comme épisode, au grand poëme annoncé. […] Jocelyn nous offre beaucoup plus de particularités dans le détail, de curiosité pittoresque, domestique, locale, que les précédents poëmes de Lamartine, et marque en ce sens chez lui une nouvelle manière. […] Ce serait une assez neuve et utile manière de caractériser Lamartine, et de renouveler l’étude tant de fois faite de sa poésie, que de le comparer d’un peu près avec ces deux grands lakistes, qu’il connaît fort légèrement sans doute, et desquels il se rapproche et diffère par de frappants endroits. […] Aux savants la beauté historique ou critique ; à nous, poëtes, la beauté évidente et sensible, etc. » Mais ces deux poëtes, fidèles également à la beauté naturelle, d’une âme aussi largement ouverte à la réfléchir, se distinguent dans la manière dont ils s’élèvent et par laquelle ils arrivent à l’embrasser, à la dominer.

990. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Cette manière de juger les œuvres des hommes, et par conséquent les hommes mêmes, a ses avantages en ce qu’elle soumet à des lois fixes et invariables les travaux de l’imagination. […] Cette manière, peut-être nouvelle, d’envisager la littérature des différents siècles et des différents pays aura pour nous cet avantage qu’elle nous permettra de juger l’influence des lettres sur les destinées des hommes et des empires. […] Si nous devons nous écarter des règles ordinaires dans l’appréciation des œuvres du génie, nous ne suivrons pas plus, dans la manière de vous les faire connaître, l’exemple de la plupart des cours de littérature. […] Quand ils reçoivent l’instruction parmi des contes faits à plaisir, ils sont, par manière de dire, ravis d’aise et de joie. » Pénétré de cette vérité, nous avons mis tous nos soins à nous dépouiller de la gravité des écoles ; et, sans prétendre à vous ravir d’aise et de joie, comme le veut le philosophe de Chéronée, notre ambition sera satisfaite si nous parvenons à vous inspirer quelque intérêt pour nos études, et quelque bienveillance pour nous-même. […] Cette seconde manière d’exprimer nos pensées et nos sentiments, qu’on nomme pantomime, est trop intimement liée à la première pour qu’on puisse les séparer.

991. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Ni le temps, ni les circonstances ne modifièrent en rien la manière devoir et d’entendre de Fétis et, lorsqu’en 1865, il livra àia publicité la deuxième édition de sa Biographie universelle des musiciens, on put constater à l’égard de Wagner un redoublement d’animosité que les années semblaient n’avoir fait que mûrir davantage. […] Ce furent les débuts assez obscurs du Wagnérisme qui se révéla d’une manière plus sensible à l’occasion des deux concerts dirigés par Wagner lui-même au théâtre de la Monnaie, les 24 et 28 mars 1860. […] Samuel se hasarda à mettre au programme une œuvre de Wagner et, cependant, rien ne faisait craindre que l’opposition dût se manifester, comme à Paris, d’une manière ostensible. […] C’est la période de transition qui, à la faveur des concerts où Wagner se trouve relégué momentanément, amènera par degrés le public à comprendre et à goûter les œuvres de la dernière manière. […] Anvers, Gand, et Liège, toutefois, ont eu de brillantes auditions wagnériennes et ont vu des représentations théâtrales d’ouvrages de la première manière de Wagner.

992. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

En apparence, ses mœurs, ses manières, ses dehors, son langage, sont les mêmes que ceux du vrai monde ; mais approchez, et les fêlures paraissent, les dissonances éclatent, les vernis s’écaillent, les fausses positions se trahissent, les fortunes scandaleuses montrent le vert-de-gris qui les ronge, les corruptions fardées développent leurs miasmes. […] Raymond de Nanjac, un jeune capitaine de spahis qui revient d’Afrique, et, à la manière dont leurs yeux s’accrochent au passage, vous devinez que l’amour a passé par là. […] Pas un mot de trop, pas une parole qui passe la mesure, un hardi mélange d’amabilité et de remontrance, la sévérité du langage tempérée par des nuances et des manières adorables : c’est la Diplomatie désarmant la Guerre de sa main gantée, et lui arrachant un sourire. […] Elle a une nièce, jeune, charmante, innocente encore, et, à la manière dont elle l’offre en mariage aux fils de famille, vous diriez qu’elle la met aux enchères et qu’elle a cinq pour cent de commission sur le prix de vente. […] Son âme est pure encore, mais ses paroles, ses manières, ses regards ne le sont plus déjà : le corps est chaste, la robe est souillée.

993. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Deschanel a relevé dans la manière d’aujourd’hui quelques prononciations défectueuses des lettres doubles ; il y a une tendance à les faire sentir, comme il y a une tendance à faire sentir les consonnes finales ; mais là encore M.  […] Cette manière de dire qui a précédé la manière actuelle, et qui est celle que J. […] J’ai entendu cette phrase : « Vous avez agi d’une façon cruche. » Le substantif qui implique une idée de qualité, de manière d’être, tend naturellement à devenir un adjectif ; c’est le passage du particulier au général. […] Cependant, Vaugelas écrivait au mot promener : « Tantôt il est neutre, comme quand on dit : Allons promener ; il est allé promener ; je vous enverrai bien promener. » Il est donc possible que la manière populaire de traiter promener soit un archaïsme136.

994. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Puisque aussi dans ma triste qualité de vieillard il m’est permis de rappeler un passé qui me fut honorable ; puisqu’il est également convenu que tout auteur a de l’amour-propre, je ne craindrai pas de vous parler avec franchise de ma vie littéraire et de la manière dont on obtenait des succès de mon temps. […] Cependant au milieu de cette confusion de genres, de ces actions heurtées et sans suite, de ces personnages grotesques, rodomonts et ampoulés, de ce cliquetis de pensées hardies et tout à la fois neuves, élevées et communes, il est impossible de ne pas reconnaître dans vos productions dramatiques une imagination vive, une verve surabondante, une manière pittoresque d’exprimer une belle pensée, quelques scènes savamment creusées, et enfin, si vous voulez rétrograder vers le simple bon sens, l’espoir d’un talent vif et original. […] Cependant, Monsieur, si, malgré toutes les précautions que l’on prend pour faire votre public, quelques hommes des anciens jours se rencontrent dans la salle et osent vous donner leur avis, selon l’ancienne manière, ils se voient bientôt environnés des hommes les plus menaçants. […] Ce n’est que depuis quelque temps qu’ils ont vu une manière de gagner de l’argent par une lutte scandaleuse où la raison doit finir par succomber, grâce à la ténacité d’un parti fanatique. […] Hugo d’une manière indirecte.

995. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Théophile Gautier, — qui était un peintre littéraire et qui s’appelait encore, par-dessus le marché, « un gaufreur », — Gustave Flaubert, dont Zola relève par la phrase comme un vassal de son suzerain, nous ont bien trop accoutumé à leur manière, à leur style d’une matérialité presque dense, à leur couleur bombante qui approche du relief, pour que nous soyons fort étonné et fort ravi des descriptions de M.  […] Avec le matérialisme voulu de sa préoccupation et de sa manière, M.  […] Je voudrais vous faire voir et flairer ces fromages pour vous donner une idée de la manière violente, inouïe, emphatique, musicale, et, ma foi ! […] Zola, ce ne sont que détails pareils, subtils et dégoûtants, saillant, avec un raffinement ordurier, même sur le fond de fumier et de fiente où il pose triomphalement sa favorite Désirée, — laquelle, du reste, n’est là que pour justifier ces manières de peindre et peut-être aussi pour lancer le mot de la fin de ce livre immonde, — aussi bien sous les roses de son Paradou que sur le fumier de sa basse-cour… Ce mot de la fin, je me garderai bien de l’oublier, parce qu’il donne en une fois l’idée de l’abjection intégrale du livre de M.  […] Il n’a plus dans le ventre que la conscience de ses personnages, que leurs ignobles passions, leurs horribles manières de sentir et de s’exprimer.

996. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Ce n’est point un enfant, parce qu’il a dix ans de moins qu’elle, mais parce qu’il n’a ni force de volonté, ni principe, ni manière à lui de concevoir la vie, ni rien, enfin, de ce qui constitue en bien ou en mal la virilité morale d’un homme. […] Il a le choix de beaucoup de manières, parce qu’il n’en subit aucune, parce qu’il ne sent en lui jamais cette irrésistible inspiration qui fait des hommes de vrai génie des esclaves de Dieu comme le soleil. […] Feydeau nouvellement publié, c’est un retour à sa première manière, qu’elle fût d’ailleurs spontanée ou d’imitation dans Fanny. Or, le retour à la première manière est presque toujours un progrès dans un homme, car la première manière est la vraie ; elle est d’instinct pour les facultés, quelle qu’en soit la force ou la faiblesse.

997. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

L’intelligence n’est qu’une des manières d’être de la sensibilité, et non pas la plus stable, encore moins la plus volontaire. […] Albalat, une importance extrême à une certaine manière d’écrire, au « style en soi ». […] Et il analyse la manière des maîtres. […] Voulue et appuyée, l’antithèse est une manière de discourir assez fâcheuse ; ingénue, elle est une nécessité. […] » Les deux manières de dire ont peut-être leurs applications particulières.

998. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Il commence une pièce à la manière alexandrine. […] Je trouve une correspondance étroite entre la manière dont M.  […] Et avec une tradition d’art, c’est toute une manière d’être et une morale qui s’imposent. […] Les Sources vers le Fleuve accusent une tout autre manière. […] C’est ce qu’on appelle d’un terme un peu grossier la manière.

999. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Il veut avoir les manières d’un gentilhomme, le langage d’un gentilhomme, le faste d’un gentilhomme, les galanteries d’un gentilhomme et tous les ridicules d’un gentilhomme. […] Il attaque presque nommément, et à coup sûr de manière que personne ne s’y trompe, l’abbé Cotin, peut-être Ménage. […] Seulement il y a plusieurs manières d’être intelligent. […] C’est une manière de marquer le profond mépris où il le tient. […] S’il faut payer son écot de conversation, elle ne fera point un portrait malicieux, elle traduira en raccommodant à sa manière un passage de Lucrèce, et quel passage ?

1000. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

N’est-ce pas curieux, cette manière de travailler ? […] Il a agi puissamment sur Lamartine, sur Musset, sur Vigny et même sur Gautier première manière. […] C’est véritablement un poème épique rustique dans la manière d’Homère. […] Or, nous n’en savons rien, et elle ne nous est connue plutôt que comme ne l’aimant d’aucune manière. […] Il finira par reconnaître les périls de cette « manière forte ».

1001. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Mais ce don de la rareté, dangereux autant que séduisant, ne dégénéra pas chez lui en manière. […] Cette furie du langage est, à sa manière, une furie d’action. […] L’ivresse les transformait en les amplifiant, en les interprétant d’une manière grandiose. […] … » lui dis-je en manière de salut. […] Il y a plusieurs manières de montrer ; il n’y en a qu’une de démontrer.

1002. (1902) Le critique mort jeune

Remy de Gourmont sut tromper cette fatigue d’une excellente manière, en exécutant un solide travail. […] Mais on trouve qu’elle ne s’appliquerait pas mal non plus à la manière artificielle que prenait parfois Renan pour parler des mystères de la foi. […] Si dans sa première manière, qui date du temps où M.  […] Mais Bossuet, et Bonald aussi, déduisaient de la même manière : et leurs conclusions ne vont pas à 1789. […] Spirituelle surtout la manière dont M. de Régnier a repris, remis à neuf, recréé un sujet auquel se sont appliqués vingt romanciers de nos jours.

1003. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Si ce poète et ce polisseur de syllabes a pu composer un livre qui fait date dans l’histoire du roman par plus de vérité qu’on n’en trouvait chez Balzac, surtout par une vérité plus constante, ce n’était sûrement pas en vertu d’une théorie expresse (pessimisme foncier et religion du style, voilà Flaubert : en critique, il avait fort peu d’idées claires) — mais c’était un peu « pour brider sa fantaisie4 » après la débauche de la Tentation de saint Antoine ; c’était aussi parce qu’il voyait dans la description exacte et ciselée des platitudes une manière d’ironie féroce où se délectait cet ennemi des philistins ; c’est enfin qu’amoureux avant tout d’une langue précise et concrète, il sentait que les détails de la vie extérieure appelaient d’eux-mêmes et lui suggéraient la forme arrêtée et tout en relief où triomphait sa virtuosité laborieuse. […] Ils ont aimé passionnément les lettres, avec une sincérité entière et un désintéressement rare ; poussant bravement leur manière jusqu’à l’extrême, sans consentir jamais à des atténuations qui eussent peut-être suffi à leur amener le grand public ; poussant dans les derniers temps le courage de leur opinion jusqu’au baragouin le plus distingué. […] Nous sommes ici très loin de la manière de Gustave Flaubert, très loin de Mme Bovary, qui est, elle aussi, une nerveuse, mais dont le développement pervers est si logique, dont les actes et les sentiments sont constamment déterminés par ce qui les précède ou par les circonstances extérieures. […] Qui de nous, en y regardant d’un peu près, n’a surpris en soi, ou autour de soi, même chez les personnes qu’il pensait connaître le mieux, des phénomènes qui déroutent, des volontés ou des faiblesses qu’on ne s’explique pas entièrement, des effets dont les causes en partie se dérobent et qui font parler de la fatalité ou des nerfs, deux manières de nommer l’inconnu ? […] Dans Manette Salomon la manière triomphe.

1004. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Ils causent, ils s’égayent, ils se disputent même, en manière de distraction, les jeunes écervelés. […] repart David, Il y a le ton vert, le ton jaune, le ton des roses, de la paille, du fenouil, le ton de l’etain anglais, le ton des aboyeurs, la manière des fleurs de haies, la manière des marjolaines et une multitude d’autres manières et d’autres tons qu’on ne retient qu’à la longue. » Le compositeur a imaginé pour cette réponse moqueuse un scherzo pétillant de fantaisie et de malice. […] Hans Sachs, l’artisan rythmeur, serait une manière de Sébastien Bach plus naïf, nourri dans l’école, rompu aux disciplines classiques, mais bien supérieur à ses émules par l’envergure de l’âme et la fierté des visées. […] On voit là toute l’influence de Wagner sur la manière dont on imagine le théâtre moderne.

1005. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

« Quelques mois d’un travail assidu m’ayant mis à même de me former une idée telle quelle du système de déclinaison et de conjugaison sanscrites, et de la manière non moins ingénieuse que compliquée avec laquelle les mots y sont orthographiés, je cherchai aussitôt à me faire l’application de ces éléments, en m’exerçant sur quelque manuscrit ; car il n’existait pas même alors de texte imprimé, sauf celui de l’Hitopadèse, qui n’avait pas encore passé sur le continent. […] … De quelles fautes, grands dieux, me suis-je donc rendue coupable dans une de mes régénérations précédentes, pour avoir été traitée d’une manière aussi cruelle, d’abord par celle qui m’a donné l’existence, et aujourd’hui par toi ? […] Seigneur, la douce familiarité qui règne dans votre conversation m’enhardit à vous faire quelques questions : Pourrions-nous savoir de quelle noble famille vous faites l’ornement ; quelle contrée est actuellement dans le deuil, à cause de votre absence ; et quel motif, vous, dont toutes les manières annoncent une délicatesse exquise, a pu vous déterminer à entreprendre un voyage pénible, pour visiter cette forêt consacrée aux plus rudes austérités ? […] Quand je réfléchis sur la puissance de Brahma et sur les perfections de cette femme incomparable, il me semble que ce n’est qu’après avoir réuni dans sa pensée tous les éléments propres à produire les plus belles formes, et les avoir combinés de mille manières dans ce dessein, qu’il s’est enfin arrêté à l’expression de cette beauté divine, le chef-d’œuvre de la création. […] … ce sourire dérobé, sur lequel on vous faisait prendre aussitôt le change d’une manière si adroite, n’est-ce pas là la preuve d’un amour qui, retenu par la plus aimable pudeur, s’il n’ose se dévoiler en entier, se laisse cependant deviner en partie ?

1006. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Le roi n’a pas hésité à reconnaître pour vraies toutes les circonstances relatives à la manière dont le pêcheur a retrouvé l’anneau, telles qu’il nous en fait le récit. […] Oui, cet anneau retrouvé d’une manière tout à fait miraculeuse, et à la vue duquel le retour de ma mémoire était sans doute attaché. […] Cependant, la simple vue de cet anneau m’ayant rendu plus tard la mémoire, je me rappelai alors avec amertume les moindres circonstances de cette union, et la manière indigne dont j’avais traité Sacountala. […] Les règles de leur littérature théâtrale, règles puisées dans la religion plus que dans l’art, révèlent, dans ces temps reculés, de profondes notions sur la manière d’émouvoir, d’intéresser, de tendre et de détendre l’esprit des hommes rassemblés, et de les faire sortir de ces représentations dans un état d’édification morale où le plaisir même profite à la sainteté. […] » lui dit le sage anachorète, « ne comprenez-vous pas qu’on vous apprend ici d’une manière détournée, en action et non en récit, la naissance de ces deux enfants vos fils ?

1007. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

En telle manière ils coururent en remontant le canal, si bien que, la veille de Saint-Jean-Baptiste en juin, ils vinrent à Saint-Étienne, une abbaye qui était à trois lieues de Constantinople. […] Il est surtout un passage de son récit qui m’a paru charmant au milieu de sa recherche, et bien touchant d’invocation à travers sa grâce un peu affectée ; je vais le traduire aussi fidèlement que possible : on y verra un contraste parfait avec la manière et le ton de Villehardouin ; ce sont les deux civilisations et les deux littératures en présence. […] La chronique de Villehardouin, à sa manière et dans sa rudesse, rouvrait donc une ère littéraire de l’histoire.

1008. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Bien qu’il ait vécu à côté de Bossuet, il n’en a reçu aucun rayon pour l’expression, et sa manière de dire se passe toute dans l’ombre. […] Voilà le vrai de ces jugements, un vrai tout relatif ; en s’exprimant d’une manière si crue, Bossuet cédait trop à ses répugnances instinctives et abondait, comme on dit, dans son propre sens. […] L’opulence de sa maison est pour la grande place qu’il remplit et pour des bienséances d’état ; ce sont des dehors qui l’environnent ; mais, dans sa personne, tout est simple et modeste comme auparavant ; ses manières même et ses discours sont, comme autrefois, pleins d’affabilité ; c’est, en effet, la même personne que j’ai eu l’honneur de pratiquer à Germigny, il y a dix-sept ou dix-huit ans et plus… Jugez si je suis content de mon voyage !

1009. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

On y sentait non seulement l’observateur déjà éprouvé et mûr, mais une nature passionnée, avide d’action, par moments une manière d’ambitieux pour qui l’histoire s’offrait comme une suite de rôles qu’il eût aimé à transporter et à réaliser dans le présent. […] Autant pour tous ceux qui sont de l’espèce de Figaro, de Gil Blas et de Panurge, de ce Panurge « sujet de nature à une maladie qu’on appeloit en ce temps là faute d’argent, c’est douleur sans pareille (et toutefois, dit Rabelais, il avoit soixante et trois manières d’en trouver toujours à son besoin, dont la plus honorable et la plus commune étoit par façon de larcin furtivement fait) » ; — autant pour cette bande intrigante et peu scrupuleuse, la question d’argent est à la fois importante et légère, objet avoué de poursuite et de raillerie, un jeu et une occupation continuelle, et à toute heure sur le tapis, autant c’est un point sensible et douloureux pour ces natures pudiques et fières, timides et hautes, qui n’aiment ni à s’engager envers autrui ni à manquer à personne, qui ont souci de la dignité et de l’indépendance autant que les autres de l’intérêt. […] Ainsi il est d’avis de tenter M. d’Oraison de deux manières : ou du côté de son fils, s’il persiste à le vouloir faire entrer dans le Régiment du roi : Vauvenargues, toute difficile qu’est la chose, s’en chargerait et en ferait son affaire ; — ou du côté d’une de ses filles : il s’engagerait bien à en épouser une dans deux ans, s’il n’était en mesure alors de le rembourser ; il payerait de sa personne, moyennant toutefois certaine condition de dot.

1010. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Mme Récamier, en définitive, n’avait rien à cacher ; et dans ce qu’on nous donne aujourd’hui au nom de la famille, nous possédons véritablement ce qui était l’habitude aimée et préférée, la manière d’être constante et suivie, l’extérieur et l’intérieur de cette femme aimable et célèbre. […] Ambassadeur à Rome en 1828 et 1829, il écrit de là à Mme Récamier des lettres qui ont de beaux passages, et qui, à travers les infirmités de caractère désormais trop en vue, montrent le talent encore dans tout son plein et dans sa plus grande manière : Rome, mercredi 15 avril 1829. […] Il est fâcheux que les défauts de sa manière se marquent trop avec les années, et je regrette qu’on nous ait donné, dans la dernière moitié du second volume, un trop grand nombre de ces pages qui sont des certificats de décadence.

1011. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Qu’il me soit permis de remarquer qu’il y a un peu de parti pris dans cette manière de sentir. […] il est poète, quoiqu’il n’ait pas la sainte fureur, ni cet aiguillon de désir et d’ennui, qui a été notre fureur à nous, le besoin inassouvi de sentir ; bienqu’il n’ait pas eu la rage de courir tout d’abord à toutesles fleurs et de mordre à tous les fruits ; — il l’est, bien qu’il ne fouille pas avec acharnement dans son propre cœur pour y aiguiser la vie, et qu’il ne s’ouvre pas les flancs (comme on l’a dit du pélican), pour y nourrir de son sang ses petits, les enfants de ses rêves ; — il l’est, bien qu’il n’ait jamais été emporté à corps perdu sur le cheval de Mazeppa, et qu’il n’ait jamais crié, au moment où le coursier sans frein changeait de route : « J’irai peut-être trop loin dans ce sens-là comme dans l’autre, mais n’importe, j’irai toujours. » — Il l’est, poète, bien qu’il n’ait jamais su passer comme vous, en un instant, ô Chantre aimable de Rolla et de Namouna, de la passion délirante à l’ironie moqueuse et légère ; il est, dis-je, poète à sa manière, parce qu’il est élevé, recueilli, ami de la solitude et de la nature, parce qu’il écoute l’écho des bois, la voix des monts agitateurs de feuilles, et qu’il l’interprète avec dignité, avec largeur et harmonie, bien qu’à la façon des oracles. […] Ce qui m’y frappe avant tout et partout, c’est combien l’auteur, soit qu’il raisonne, soit qu’il interroge l’histoire littéraire, ne comprend que sa propre manière d’être et sa propre individualité ; par cela même il nous avertit qu’il n’est pas un critique.

1012. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Tout cela revient à dire que la disposition particulière des esprits et le moment précis de culture littéraire qui favorisaient et réclamaient les traductions en vers sont passés et ont fait place à une autre manière de voir, à un autre âge ; et ici, comme dans des ordres d’idées bien plus considérables et bien autrement importants, il n’est que vrai d’appliquer ce mot d’un ancien sage que je trouve heureusement cité, à savoir qu’on ne retourne jamais au même point et que le cours universel du monde ressemble à « un fleuve immense où il n’est pas donné à l’homme d’entrer deux fois. » Les choses allant de la sorte, on doit savoir d’autant plus de gré aux esprits non pas attardés, mais foncièrement religieux à l’art ou obstinément délicats, qui n’ont pas perdu la pensée, même devant un public si refroidi, de lutter de couleur, de relief et de sentiment avec de désespérants modèles. […] Entré jeune dans la vie littéraire sous l’astre orageux de Balzac (l’auteur assurément qui ressemble le moins à Térence), M. de Belloy a sauvé de cette influence caniculaire son originalité, une manière de sentir à lui, modeste, discrète, délicate. […] « Je m’en réjouissais fort », dit le père. —  « Vous aviez bien raison, répond Sosie, qui ne perd jamais l’occasion de glisser son proverbe : je suis bien d’avis qu’il n’y a rien de plus utile dans la vie que rien de trop. » — Simon continue l’éloge de ce modèle de fils qui s’accordait si bien avec tous ceux de son âge, prenait sa part modérée dans leurs plaisirs, se prêtant à tous, ne se préférant à personne : manière sûre de se faire bien venir et d’acquérir des amis. — Le bon Sosie ne manque pas de glisser de nouveau son proverbe et de pousser, selon son habitude, l’idée de son maître jusqu’à en faire une maxime : « C’était bien sage à lui, dit-il, d’en agir ainsi ; car, par le temps qui court, la complaisance engendre l’amitié, la vérité fait des ennemis. » — « Cependant, poursuit le père, voilà bien trois ans de cela, arriva ici dans le voisinage une femme d’Andros, sans parents, pauvre, belle, à la fleur de l’âge. » — « Aïe !

1013. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

On ne peut qu’admirer, en somme, la large et intelligente manière dont Bossuet a parlé de la Grèce. […] Ce qui les forme, ce qui les achève, ce sont des sentiments forts et de nobles impressions qui se répandent dans tous les esprits et passent insensiblement de l’un à l’autre… Durant les bons temps de Rome, l’enfance même était exercée par les travaux ; on n’y entendait parler d’autre chose que de la grandeur du nom romain… Quand on a commencé à prendre ce train, les grands hommes se font les uns les autres ; et si Rome en a porté plus qu’aucune autre ville qui eût été avant elle, ce n’a point été par hasard ; mais c’est que l’État romain constitué de la manière que nous avons vue était, pour ainsi parler, du tempérament qui devait être le plus fécond en héros. » La guerre d’Annibal est très-bien touchée par Bossuet ; et quand il a bien saisi et rendu le génie de la nation, la conduite principale qu’elle tint les jours de crise, et le caractère de sa politique, il ne suit pas l’historique jusqu’au bout, comme l’a fait et l’a dû faire Montesquieu. […] De loin, il s’élèvera et paraîtra de plus en plus, aux regards d’une postérité qui aura, je le suppose, bien d’autres visées, comme une colonne, ou mieux une double ou triple pyramide un peu singulière d’aspect ; mais en approchant, en le considérant de près, que de belles et grandes choses on y retrouvera, dites pour la première fois et de cette manière durable et superbe qui ne saurait s’imiter !

1014. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Duveyrier78 S’il y a une chose évidente et certaine, c’est que l’homme en ce siècle est de plus en plus occupé de cette terre, du globe qu’il habite et de la manière d’y vivre le mieux possible, de l’exploiter le plus largement, de le maîtriser, de le posséder, de l’embellir aussi et de l’illustrer par des prodiges de créations civiles, scientifiques, industrielles. […] Je ne saurais croire que les Grecs, par exemple, qui en tout temps s’opposaient d’une manière si tranchée aux Barbares, n’aient pas eu une idée nette et distincte de la civilisation. Après cela, que cette idée se présentât à eux sous les termes de πολιτεία, παιδεία, ou tout autre, je laisse aux savants à le déterminer ; mais je suis certain que les Grecs, par leur brillant, leur éducation, leur art, leur génie actif et persuasif, leur faculté colonisatrice, avaient essentiellement et au plus haut degré le sentiment de cette chose que les modernes appellent civilisation ; ils l’avaient, comme tout ce qu’il leur fut donné d’avoir, d’une manière exquise ; ils en avaient même le sentiment en ce qui est de l’humanité, de la philanthropie : il suffit de se rappeler ce bel article de traité que Gélon imposa aux Carthaginois vaincus, et que Montesquieu a consacré par un chapitre de l’Esprit des Lois.

1015. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Pour un homme venu de rien, il a pris aisément les manières de la Cour. […] Je m’acquitterai du devoir de l’offrir à Dieu et en même temps tous ceux qui y ont part, afin qu’il daigne se trouver à ces noces chrétiennes et y apporter de ce bon vin que lui seul peut donner, qui met la vraie joie dans le cœur, et qui donne aux vierges une sainte fécondité en plus d’une manière : Vimim germinans virgities, comme parle un prophète. » Vous éprouvez sans doute, monsieur, qu’il n’est besoin de vous nommer l’auteur, ni de vous le désigner plus clairement. » Ainsi échangeaient de loin leurs bénédictions, ainsi s’exprimaient entre eux avec une prudence mystérieuse ces hommes de piété et de ferveur dont le commerce semblait un crime, et en qui l’esprit de parti prétendait découvrir de dangereux conspirateurs. […] Son gendre et sa sœur, Mlle de Moramber, sont sans cesse à le servir avec son fils et son épouse, et tous se surpassent, chacun en sa manière. » Et dans la même lettre, reprenant la plume le lendemain (car le jour du courrier n’était que le jeudi) : « Ce 25 mars, vers le soir. — Je sors de chez le pauvre M. 

1016. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Les Anglais sont moins indépendants que les Allemands dans leur manière générale de considérer tout ce qui tient aux idées religieuses et politiques. […] Les ouvrages des Allemands sont d’une utilité moins pratique que ceux des Anglais ; ils se livrent davantage aux combinaisons systématiques, parce que n’ayant point d’influence par leurs écrits sur les institutions de leurs pays, ils s’abandonnent sans but positif au hasard de leurs pensées ; ils adoptent successivement toutes les sectes mystiquement religieuses ; ils trompent de mille manières le temps et la vie, qu’ils ne peuvent employer que par la méditation. […] Les Allemands ont quelquefois le défaut de vouloir mêler aux ouvrages philosophiques une sorte d’agrément qui ne convient en aucune manière aux écrits sérieux58.

1017. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Bien des détails ont été écrits l’imagination, ou du moins sans preuve, quelques-uns même en dépit de preuves opposées, sur cette rupture et sur la manière dont madame de Maintenon figura dans les premiers mouvements auxquels elle donna lieu à la cour. […] Vous verrez de quelle manière se tournera cette amitié. » Le 28 juin, « Vous jugez très bien de Quantova (madame de Montespan) ; si elle peut ne point reprendre ses vieilles brisées, elle poussera sa grandeur au-delà des nues ; mais il faudrait qu’elle se mît en état d’être aimée toute l’année sans scrupule111 ; en attendant, sa maison est pleine de toute la cour ; les visites se font alternativement, et la considération est sans bornes. » Une autre lettre, du 3 juillet, porte : « Ah ! […] Vous connaissez la manière de Le Nôtre.

1018. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Walckenaer, frais, vif, rose et riant, peint par Greuze, menant de front les plaisirs et le travail, ardent à l’étude, au monde, à la société, sensible aux passions, présentant l’image d’une jeunesse à la fois sérieuse et amoureuse ; nous ne pouvons que le deviner, mais littérairement il se trahit, et toujours il gardera dans son style, dans sa manière de dire, même quand il voudra peindre le siècle de Louis XIV, quelque chose de ce qui caractérise l’époque de Louis XVI. […] On sait maintenant et l’on sent, pour peu qu’on y prenne garde, en quoi le style de la première époque de Louis XIV diffère du style moyen du milieu du règne, et en quoi ce règne finissant a déjà sa manière confinant au xviiie  siècle. […] Les sciences positives qu’il a cultivées et augmentées enregistreront son nom ; la littérature française ne saurait désormais oublier non plus un nom qui se trouve lié d’une manière si inséparable à ceux de Mme de Sévigné et de La Fontaine.

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