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588. (1894) Critique de combat

Comme toujours, les disciples maladroits ont compromis le maître. […] Ou bien Marc Amanieux, trop modeste, ne s’est-il pas assez émancipé du maître qu’il s’est choisi ? […] Mais on a surpris le secret du maître et aussitôt c’est une noble émulation pour le servir. […] Salut, oiseaux chanteurs, qui fûtes peut-être nos premiers maîtres de langue ! […] Coppée est de ceux qui croient tout sauvé, dès qu’ils ont un chef ou un maître ?

589. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Il est maître chez lui et regarde attentivement les gens qu’il y admet. […] L’œil du maître, il n’y a que ça, n’est-ce pas, crétin ?  […] » commande le maître de la maison. […] » — « Mais cher maître… !  […] le maître, le consolateur paraît !

590. (1932) Le clavecin de Diderot

Maîtres de quoi, au fait ? […] Dans les trous qu’il a creusés à même la matière pensante et le muscle émotif, le vent a pris place, règne en maître. […] Coup d’essai, coup de maître. […] Maître d’hôtel, une bouteille de champagne. […] De maître à chien, les choses ne vont jamais sans quelque érotisme.

591. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Heyne, Bopp, Lassen, Strauss furent ses maîtres de prédilection. […] C’est vrai, j’ai conspiré contre mon maître et je l’ai tué. […] Beethoven était son maître de prédilection. […] Il est inutile de se dérober au charme des maîtres. […] Épicure est son maître.

592. (1903) La pensée et le mouvant

Elle vise, avant tout, à nous rendre maîtres de la matière. […] Mais les trouverait-on aussi tranchées entre les maîtres eux-mêmes ? […] Ravaisson resta toujours attaché à son ancien maître. […] L’œuvre entière du maître pourrait servir de commentaire à ce mot. […] L’auteur, tout jeune encore, était déjà un maître.

593. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Avec de l’argent et de l’esprit, un parvenu se dégourdit vite, et son fils, sinon lui, sera initié : quelques années d’exercices à l’académie, un maître de danse, une des quatre mille charges qui confèrent la noblesse lui donneront les dehors qui lui manquent. […] Pour des gens qui veulent contrôler le pouvoir et abolir les privilèges, quel maître plus sympathique que l’écrivain de génie, le logicien puissant, l’orateur passionné qui établit le droit naturel, qui nie le droit historique, qui proclame l’égalité des hommes, qui revendique la souveraineté du peuple, qui dénonce à chaque page l’usurpation, les vices, l’inutilité, la malfaisance des grands et des rois   Et j’omets les traits par lesquels il agrée aux fils d’une bourgeoisie laborieuse et sévère, aux hommes nouveaux qui travaillent et s’élèvent, son sérieux continu, son ton âpre et amer, son éloge des mœurs simples, des vertus domestiques, du mérite personnel, de l’énergie virile ; c’est un plébéien qui parle à des plébéiens  Rien d’étonnant s’ils le prennent pour guide, et s’ils acceptent ses doctrines avec cette ferveur de croyance qui est l’enthousiasme et qui toujours accompagne la première idée comme le premier amour. […] Sareste, c’est le Contrat social que leur maître leur donne en guise de manuel. […] Ce mot fut répété, commenté, et fit bien du mal. » Les grands ont beau condescendre, « accueillir avec une égale et douce bonté tous ceux qui leur sont présentés » ; chez le duc de Penthièvre les nobles mangent avec le maître de la maison, les roturiers dînent chez son premier gentilhomme et ne viennent au salon que pour le café. […] Il est si doux, si enivrant, pour l’homme qui, de toute antiquité, a subi des maîtres, de se mettre à leur place, de les mettre à sa place, de se dire qu’ils sont ses mandataires, de se croire membre du souverain, roi de France pour sa quote-part, seul auteur légitime de tout droit et de tout pouvoir   Conformément aux doctrines de Rousseau, les cahiers du Tiers déclarent à l’unanimité qu’il faut donner une constitution à la France ; elle n’en a pas, ou, du moins, celle qu’elle a n’est pas valable.

594. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Je ne lui donne pas le nom de maître ni celui de chef d’école. […] C’est avec ce côté héroïque de la poésie du maître que les deux premiers volumes nous font refaire connaissance, et il faut proclamer qu’Hespérus, les Contes épiques, le Soleil de minuit, les Soirs moroses sont de très nobles poèmes, de perfection achevée ; d’imagination flambante et grandiose. […] Ces messieurs s’entreregardèrent, puis, à l’instar du marquis Ubilla au troisième acte de Ruy Blas : Fils, dirent-ils, nous avons un maître. […] Quand vous êtes né aux lettres, Hugo, radieux, était déjà le Maître vénéré, le Père accueillant. […] La langue en est somptueuse, éclatante, un peu précieuse et obscure par endroits ; le vers est toujours d’un maître ouvrier qui possède et manie avec une incomparable habileté tous les secrets du rythme… [Le Temps (31 octobre 1898).]

595. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Mais si, dans cet orgueil de la vie, il en est un qui, par désœuvrement ou par fatigue des plaisirs, ouvre le livre dédaigné, quelle n’est pas sa surprise, en se retrouvant parmi ces animaux auxquels il s’était intéressé enfant, de reconnaître par sa propre réflexion, non plus sur la parole du maître ou du père, la ressemblance de leurs aventures avec la vie, et la vérité des leçons que le fabuliste en a tirées ! […] Le maître du chien n’a ni âge, ni condition, ni fortune : le faible est pour le chien le seul puissant de ce monde ; le vieillard lui est un enfant aux fraîches couleurs, le pauvre lui est roi. […] Du jour où La Fontaine fut poète, il quitta cette charge de maître ès eaux et forêts, qui ne lui avait été qu’un prétexte pour se promener sans fin sous de beaux ombrages ou pour sommeiller au bord des ruisseaux. […] Mon imitation n’est point un esclavage   : Je ne prends que l’idée, et les tours et les lois Que nos maîtres suivaient eux-mêmes autrefois. […] Il avait été maître des eaux et forêts.

596. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Le roi restait, toujours majestueux, mais sans son escorte d’hommes supérieurs, entouré et obscurci de parvenus choisis par le caprice ou donnés par le hasard, qui le flattent dans sa passion d’être le maître et dans la plus grande faute de sa vie, son mariage avec Mme de Maintenon. […] Les caractères abaissés, les influences des cabinets secrets, la servitude des courtisans, les ministres portés au conseil par leur habileté au jeu de billard, les gens de guerre qui ont peur du feu187; une vieille femme qui se rend puissante auprès du maître le plus jaloux, en affectant de ne vouloir que ce qu’il veut ; les fortunes faites par les petits moyens, depuis que les grands sont devenus suspects ; les anecdotes innombrables, depuis que les grandes actions sont devenues rares ; voilà la matière où se plaît Saint-Simon et où il excelle. […] Mais Tacite regrette le plus grand gouvernement qui ait existé ; Saint-Simon, en déplorant que les nobles ne fussent plus les associés et les soutiens nécessaires de la royauté, et avec elle les maîtres du gouvernement, Saint-Simon regrettait l’anarchie. […] Mais à Rome ainsi qu’à Versailles l’humeur du prince donnait seule le prix aux choses ; le vrai n’était vrai que s’il l’était selon la raison du maître, et la vertu qui ne songeait pas à plaire n’était pas innocente. […] C’est en la mettant au-dessus de lui qu’il s’en rend maître, et pour la langue comme pour la doctrine, c’est de sa libre obéissance qu’il tire son autorité.

597. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Le dernier et le plus illustre de ceux qui ont pris La Fontaine ainsi, c’est mon vénéré maître, Hippolyte Taine, qui a fait un livre admirable, et avec lequel je ne songe pas à rivaliser, mais il n’en est pas moins vrai qu’il n’y a chez lui, je crois, qu’une partie de la vérité. […] Il a fait encore cet aveu, et cet aveu si précieux qui consiste à nous dire que, en somme, ce sont bien les animaux qu’il peint pour qu’ils nous servent de maîtres en certaines circonstances et dans une certaine mesure ; il l’a dit très bien encore ailleurs. […] La Fontaine nous peint les animaux, et cette fois en eux-mêmes, comme ils sont ou comme il croit les voir, il nous peint les animaux pour qu’ils nous servent de maîtres, pour qu’ils nous apprennent quelque chose et par leurs défauts, et par leurs qualités. […] Dieu seul sait la distance entre nous, Seul il sait quels degrés de l’échelle de l’être Séparent ton instinct de l’âme de ton maître ; Mais seul il sait aussi, par quel secret rapport. […] Chaque castor agit ; commune en est la tâche : Le vieux y fait marcher le jeune sans relâche ; Maint maître d’oeuvre y court et tient haut le bâton.

598. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Quoique nous pliions sous l’influence de Goethe qui a replacé, prétend-on, les anciens dans leur vraie lumière, nous, c’est-à-dire tous, n’avons ni pour Virgile, ni pour aucun ancien, excepté Tacite qui se rapproche de nous par la haine éternelle du pouvoir chez l’homme et l’insultante manière de juger nos maîtres, l’intérêt animé et sincère qui répond par un frémissement ou une palpitation à chaque coup de scalpel porté dans l’œuvre du grand écrivain-Les raisons de cette indifférence sont nombreuses. […] Il avait en Homère un prédécesseur, mais il était et il est demeuré sans aucun rival et sans maître. […] On n’est jamais un héros pour son valet de chambre, disait-on, même au temps où les valets de chambre pouvaient être de bons domestiques ; mais dans une société qui est rongée par l’affreux cancer de l’envie, je comprendrais encore mieux que ces êtres, pour qui on ne peut jamais être un héros, voulussent descendre leurs maîtres ou leurs maîtresses en mettant en lumière leurs misères… et, après leur mort, leurs petits papiers. […] Le légataire de Sainte-Beuve, qui administre son testateur lui-même comme sa fortune, — comme une propriété dont on a, aux termes de la loi, le droit d’user et d’abuser, crierait comme une oie du Capitole (il a déjà crié) si on touchait un peu rudement à son illustre maître, et qu’on discutât son talent en le réduisant à ce qu’il est, sans exagération et sans ambages. Mais lui qui fait le tendre, lui, le très humble et reconnaissant serviteur de ce maître qui l’a comblé, va bien plus loin que nous quand nous jaugeons les puissances et les impuissances de Sainte-Beuve.

599. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Car enfin, il y a moins de trois siècles, les Turcs, maîtres absolus des plus beaux climats de l’Occident, dominaient la Méditerranée, menaçaient ses rivages, et, délivrés de Charles-Quint, semblaient ne plus compter d’adversaires en Europe. […] Ce fut le dimanche, 7 octobre 1571, dans cet ancien golfe de Corinthe qui se prolonge entre la côte de l’Albanie et la presqu’île de Morée, près du détroit où s’était livrée la bataille d’Actium, que le génie romain gagnait, au profit d’un maître, contre l’amas confus et les pavillons barbares de l’Orient. […] « Fabius, si les pleurs n’offusquent tes regards, promène ta vue attentive sur ces longues allées détruites ; vois ces marbres et ces arcs de triomphe abattus ; vois ces statues superbes qu’a renversées Némésis, couchées dans la poussière, et les maîtres qu’elles représentent, enterrés dans un profond oubli. […] Il faut l’avouer cependant : la différence saisie par un tel maître échappe à des yeux plus faibles ; et, dans cette périlleuse carrière du mysticisme, la suspension de l’âme humaine pour laisser place à Dieu seul, l’amour contemplatif porté jusqu’à l’extase, sans tomber dans le quiétisme, sont pour nous une douteuse énigme. […] À la mort de Ronsard, Malherbe avait trente ans ; et il était déjà maître de ce pur et nerveux langage dont il usait avec épargne et qu’il posséda jusqu’à la fin de ses jours.

600. (1914) Une année de critique

Jules Renard est maître absolu des mots qu’il emploie. […] Ces métèques sont devenus les vrais maîtres du pays. […] Jean-Louis Vaudoyer professent envers les maîtres. […] Le maître de la maison. […] Le maître de la maison.

601. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

A ce point de vue, il est un maître, une gloire, le héros du verbalisme. […] Quel maître du genre ! […] Il s’insinua dans la vie privée de son maître, dans sa vie amoureuse même, afin de pouvoir le mieux tenir en sa main. […] Le bas clergé suivait avec enthousiasme l’exemple de ses maîtres. […] Si vous considérez Bossuet comme l’un de vos maîtres, comme l’une de vos gloires, de quel droit vous insurgez-vous contre la conséquence normale de sa volonté, c’est-à-dire notre écrasement par la Prusse ?

602. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Il s’agit toujours d’Auguste, dont vous voyez que nous faisons aujourd’hui un maître de langue. […] Il semble que l’ancienne langue, l’ancienne civilisation auraient dû céder à ces maîtres nouveaux. […] Ils la firent même adopter par leurs maîtres nouveaux. […] Le Romain vaincu latinisait le mot favori de son maître ; il répétait guerra. […] Constantinople, sous ses maîtres grossiers, garda sa langue et sa théologie.

603. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Mais sans Malherbe, sans sa juste et ferme direction, on peut croire que Racan n’eût point été ce qu’on l’a vu, et lui-même, s’adressant à son maître, a dit : « Je sais bien que votre jugement est si généralement approuvé, que c’est renoncer au sens commun que d’avoir des opinions contraires aux vôtres. » Né en 1589 au château de La Roche-Racan, en Touraine, aux confins du Maine et de l’Anjou, Racan, de trente-quatre ans plus jeune que son maître, connut Malherbe étant page de la chambre de Henri IV. […] Un autre élève de Malherbe, et le seul après Racan qui mérite un souvenir, parce qu’il est le seul qui ait laissé en poésie, et dans le goût du maître, quelque chose de durable, c’est Maynard. […] On trouverait difficilement la trace directe du maître dans ses autres disciples ; ils sont élégants, mais faibles, et, à la seconde génération, les plus purs, comme Segrais, dérivent vers le bel esprit.

604. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Le maître de tout, l’instituteur et le législateur des formes de l’expression humaine n’est pas autre que l’instinct, cette révélation sourde, mais impérieuse et pour ainsi dire fatale de la nature dans notre être et dans tous les êtres. […] Bossuet était pour lui plus qu’un ami, c’était un maître ; mais un maître chéri autant qu’admiré. […] Le roi, madame de Maintenon et le duc de Beauvillers avaient été admirablement servis par le hasard ou par le discernement, en rencontrant et en choisissant un tel maître pour un tel disciple.

605. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Le tableau qu’il trace de l’enfance et de la jeunesse de son maître est tout cordial et charmant. […] C’était un professeur excellent, grave, sans gestes, un peu lent, fait pour la toge, et qui attachait autant par son sérieux même que par le don qu’il avait de voir et de peindre ; profondément respectueux de sa tâche, et qui n’ignorait point, — je cite ses expressions, — que « l’esprit de l’enfant est un livre où le maître écrit des paroles dont plusieurs ne s’effaceront pas. » Cependant on commençait à le connaître. […] Duruy était nommé maître de conférences à l’École normale et inspecteur de l’Académie de Paris ; en février 1862, inspecteur général ; la même année, professeur d’histoire à l’École polytechnique. […] Elle se relèvera si elle reconnaît bien le grand courant du monde, et si elle s’y plonge et s’y précipite… L’humanité, comme Dieu même, n’a que des idées fort simples et en petit nombre, qu’elle combine de diverses manières… » Il marquait alors la suite historique de ces combinaisons et il admirait ce long effort « logique » pour affranchir « le fils du père, le client du patron, le serf du seigneur, l’esclave du maître, le sujet du prince, le penseur du prêtre, l’homme de sa crédulité et de ses passions », pour mettre « légalité dans la loi, la liberté dans les institutions, la charité dans la société, et donner au droit la souveraineté du monde ».

606. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

De même quelques portraitistes — leur maître est aujourd’hui Whistler — synthétisent les traits caractéristiques d’une figure et, comme une auréole impalpable, font rayonner de cette image le songe de toute une existence humaine. […] Le musicien, s’il a une idée un peu haute, dévide les syllogismes d’une inexpressive argumentation sonore, et un maître glorieux comme Wagner écrit le dialogue de Wotan et Fricka dans la Walkyrie ; s’il regarde plus bas, il trempe son art en pleine matière et s’efforce d’imiter convenablement l’eau qui coule, ou le tonnerre qui gronde, ou la tempête qui rugit, quand ce n’est pas le tintamarre grossier d’une fête à Montmartre. […] On pourrait faire la même observation, en l’accentuant, au sujet de certaines com positions d’un jeune maître à l’inspiration noble et sans cesse variée, M.  […] Et encore s’agit-il, en cette planche comme en quelques autres d’une fantaisie d’un maître qui a du génie.

607. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Vos études sur les corpuscules organisés qui existent dans l’atmosphère servent de point de départ à tout un ordre de recherches, où vos disciples sont des maîtres qui s’appellent Lister, Tyndall. […] Sa modestie certainement fut exagérée, puisqu’elle lui fit croire qu’il était disciple quand, en réalité, il était maître, et qu’on le vit se subordonner à des personnes auxquelles il était fort supérieur. […] Je regrette cependant, comme vous, que ce grand et fidèle ami de la vérité se soit renfermé dans une école portant un nom déterminé, et ait salué comme son maître un homme qui, bien que considérable à beaucoup d’égards, ne méritait pas un tel hommage. […] La mesure qu’il voulait pour lui, il la réclamait pour les autres, même quand il savait que ceux-ci ne lui rendraient pas la pareille s’ils étaient les maîtres.

608. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Mais ce n’est que lors du mariage de son ami le duc de Chartres, le futur Régent, avec une des filles bâtardes de Louis XIV, que la curiosité de Saint-Simon s’avoue tout entière et se déclare : « Il m’en avait depuis quelques jours transpiré quelque chose (de ce mariage), et, comme je jugeai bien que les scènes seraient fortes, la curiosité me rendit fort attentif et assidu. » Louis XIV et sa majesté effrayante qui impose à toute sa famille, la faiblesse du jeune prince qui, malgré sa résolution première, consent à tout, la fureur de sa mère, l’orgueilleuse Allemande, qui se voit obligée de consentir elle-même, et qui nous est montrée, son mouchoir à la main, se promenant à grands pas dans la galerie de Versailles, « gesticulant et représentant bien Cérès après l’enlèvement de sa fille Proserpine » ; le soufflet vigoureux et sonore qu’elle applique devant toute la Cour à monsieur son fils, au moment où il vient lui baiser la main, tout cela est rendu avec un tour et un relief de maître. […] À l’autre bout, dans les premières pièces, c’est-à-dire les plus éloignées du salon des princes, sont les valets, contenant mal leurs mugissements, et désespérés de la perte d’un maître si vulgaire, « si fait exprès pour eux ». Parmi ces valets désolés il s’en glisse d’autres plus avisés, envoyés là par leurs maîtres pour voir et observer ; les Figaros du temps, accourus aux nouvelles, « et qui montraient bien à leur air de quelle boutique ils étaient balayeurs ». […] À le voir les décrire avec des expressions si particulières et si précises, on dirait d’un Hippocrate au chevet d’un mourant, qui étudie chaque symptôme, chaque crispation de la face, et qui lui assigne son caractère avec l’autorité d’un maître.

609. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Le parti ultra fit invasion dans le pouvoir en 1820, et dès lors ne lâcha plus pied qu’il ne fût le maître absolu. […] Quel trait plus vrai et plus naturel que celui du domestique François, qui a tant résisté à son maître sur le chapitre de la cuisine, qui a tant dit qu’il ne la savait pas faire, qui n’a entrepris l’omelette, l’immense omelette de quinze œufs, qu’à son corps défendant, et qui, dès qu’il en est venu à bout, est si fier, puis si mortifié quand son maître lui dit qu’il ne la mangera pas ! […] Théodore Leclercq est maître dans ces touches délicates et intimes de caractère.

610. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

La mère a saisi une des mains de son enfant, ainsi la composition présente en cet endroit, au centre, sur le massif, à quelque hauteur au-dessus de la terrasse qui forme la partie antérieure et la plus basse du tableau, un groupe de six figures ; la mère éplorée soutenue par deux de ses femmes, son enfant qu’elle tient par la main, son époux entre les bras duquel l’enfant est tourmenté, et une troisième suivante agenouillée aux pieds de sa maîtresse et de son maître. […] Qu’on expose ce tableau en quelque endroit du monde que ce soit, qu’on lui oppose quelque maître ancien ou moderne qu’on voudra, la comparaison ne lui ôtera pas tout mérite. […] Le groupe des deux figures dont l’une se déchire les flancs (quoiqu’il y ait peut-être dans Rubens ou ailleurs un possédé que Doyen ait regardé), sera toujours d’un grand maître ; que s’il a pris cette figure, c’est ut conditor et non ut interpres, et que ce Greuze qui lui en fait le reproche n’a qu’à se taire, car il ne serait pas difficile de lui cogner le nez sur certains tableaux flamands où l’on retrouve des attitudes, des incidents, des expressions, trente accessoires dont il a su profiter, sans que ses ouvrages en perdent rien de leur mérite. […] Qu’il mette un peu de plomb dans sa tête ; que ses compositions deviennent plus sages, plus décidées ; que les figures en soient mieux assises ; qu’il n’entasse plus tête sur tête ; qu’il étudie plus les grands maîtres ; qu’il s’éprenne davantage de la simplicité ; qu’il soit plus harmonieux, plus sévère, moins fougueux, moins éclatant, et vous verrez le coin qu’il tiendra dans l’école française.

611. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Son courage n’est que l’ouvrier de son bon sens. « En examinant, dit-il, et en mesurant chaque chose selon la raison, et en portant sur les choses le jugement le plus rationnel possible, tout homme avec le temps peut se rendre maître de tout art mécanique. […] Tout est contre elle : il est son maître ; il est justice of the peace, à l’abri de toute intervention, sorte de Dieu pour elle, avec tout l’ascendant et l’autorité d’un prince féodal. […] Il est chef de famille, maître de tous les siens, despote et ambitieux comme un patricien de Rome, et il veut fonder une maison. […] Son premier héros, Joseph, est le frère de Paméla et résiste aux propositions de sa maîtresse, comme Paméla à celles de son maître. […] Nous comprenons maintenant qu’un âge oratoire le reconnaisse pour maître, et qu’on lui attribue dans l’éloquence la primauté qu’on reconnaît à Pope dans les vers.

612. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Nous estimons trop l’Université de France, nous avons une trop haute idée des esprits supérieurs, des maîtres illustres qu’elle a produits et qu’elle possède, et de ceux, plus jeunes, qui aspirent à les continuer, pour ne pas exprimer ici ce que nous croyons la vérité : l’Université n’a pas été sans préjugés et sans prévention dans l’étude du grec ancien et à l’égard de la Grèce moderne. […] Qu’on se figure cinq ou six jeunes gens d’élite sous la conduite d’un maître à la fois artiste et érudit, sous une direction telle que M. 

613. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Les maîtres célèbres, qui, dans ces dernières années, avaient convoqué une avide jeunesse autour de leurs chaires retentissantes, ayant jugé convenable de se taire tous ensemble, M.  […] Lerminier unit à tant d’autres, ne ressortent nulle part plus évidemment chez lui que dans cette attaque portée à deux hommes qui sont deux maîtres en vrai style.

614. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Je n’y chercherai donc qu’une occasion d’exprimer de nouveau au plus cher de mes maîtres spirituels mon admiration reconnaissante, et aussi d’avertir les personnes frivoles d’une des erreurs où elles tombent le plus aisément au sujet de l’auteur des Origines du Christianisme, de protester enfin contre une légende fâcheuse et très mal fondée : celle du scepticisme de M.  […] La parole du maître ayant prodigieusement dépassé le cercle de son auditoire naturel, il a été très imparfaitement entendu ; et on l’a admiré ou haï tout de travers, et l’on a affreusement simplifié sa philosophie.

615. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence du barreau. » pp. 193-204

Les Grecs & les Romains, qui ont été nos maîtres presque en tout, en poësie aussi-bien qu’en histoire, sont cause que nous avons été longtemps égarés dans ce genre d’éloquence. […] Les changemens qu’y apportèrent le Maître & Patru font quelques pas vers le but qu’on devoit se proposer ; mais on étoit encore, de leur temps, bien loin de la perfection.

616. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

Quand on songe que Bagnoli, Le Maître, Arnauld, Nicole, Pascal, s’étaient consacrés à l’éducation de la jeunesse, on aura de la peine à croire, sans doute, que cette éducation est plus belle et plus savante de nos jours. […] Quel chef-d’œuvre ne serait point sorti des mains d’un tel maître !

617. (1767) Salon de 1767 « De la manière » pp. 336-339

De là les différentes manières propres aux diverses écoles, et à quelques maîtres distingués de la même école : manière de dessiner, d’éclairer, de draper, d’ordonner, d’exprimer ; toutes sont bonnes, toutes sont plus ou moins voisines du modèle idéal. […] Comment n’y aurait-il pas un vice de technique, résultant des faux mélanges ; un vice de l’école ou de maître ; un vice de l’organe, si les différentes couleurs ne l’affectent pas proportionnellement ?

618. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

Il falloit que les maîtres d’escrime qui instruisoient les gladiateurs, leur montrassent non-seulement à se bien servir de leurs armes, mais il falloit encore qu’ils enseignassent à ces malheureuses victimes dans quelle attitude il falloit se coucher, et quel maintien il falloit tenir lorsqu’on étoit blessé mortellement. Ces maîtres leur apprenoient, pour ainsi dire, à expirer de bonne grace.

619. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 3, que l’impulsion du génie détermine à être peintre ou poëte, ceux qui l’ont apporté en naissant » pp. 25-34

L’Huillier, le pere de Chapelle, eut été le maître des occupations de son fils, il l’auroit appliqué à toute autre chose qu’à la poësie. […] Dénué de guide et de maître, il avoit fait déja des progrès surprenans dans la géometrie, sans qu’il eut songé à étudier une science.

620. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre IV. Personnages des fables. »

Parmi ces récits, les plus nombreux — et de beaucoup — sont ceux qui rapportent les bons tours joués par maître lièvre à l’hyène, son ennemie intime. […] Maître lièvre dupe toujours en spéculant sur les défauts de ceux à qui il a affaire : gourmandise ou vanité.

621. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

C’est avec un sentiment respectueux pour le Maître, dont la mémoire nous est toujours présente, que j’analyse son passage du séminaire à la vie laïque. […] Renan avait connu une crise de conscience, je crois qu’il faudrait la chercher un peu plus tard, quand il a terminé son essai sur l’Avenir de la Science et qu’après quelques tentatives, il se détermine à se conformer à la conduite dictée par les anciens : « Le philosophe doit sacrifier aux dieux de l’Empire. » Ce que Pascal formulait : « Il faut avoir une pensée de derrière la tête et juger du tout par là, en parlant cependant comme le peuple. » Cet aphorisme constitue le point essentiel du « renanisme » ; c’est à l’adopter que le maître put hésiter, parce qu’il avait l’amour de la vérité et qu’il dut lui en coûter de la taire à demi, comme il fit le plus souvent, dès sa trentième année.

622. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

J’envie mon ami Emile Hinzelin, qui s’est donné le plaisir de chercher, dans cette petite ville des Ardennes, les premières traces de notre maître vénéré. […] Comment négliger de marquer que le sol d’où sortit ce maître est le même qui produisit Turenne et que l’un et l’autre représentent la discipline la plus haute de cet esprit français que des plaisantins et des irrespectueux veulent trop souvent définir par la nomenclature de nos vaudevillistes plus ou moins amusants à travers les âges ?‌

623. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

qui est descendu plus avant dans les profondeurs de la politique ; a mieux tiré de grands résultats des plus petits événements ; a mieux fait à chaque ligne, dans l’histoire d’un homme, l’histoire de l’esprit humain et de tous les siècles ; a mieux surpris la bassesse qui se cache et s’enveloppe ; a mieux démêlé tous les genres de crainte, tous les genres de courage, tous les secrets des passions, tous les motifs des discours, tous les contrastes entre les sentiments et les actions, tous les mouvements que l’âme se dissimule ; a mieux tracé le mélange bizarre des vertus et des vices, l’assemblage des qualités différentes et quelquefois contraires ; la férocité froide et sombre dans Tibère, la férocité ardente dans Caligula, la férocité imbécile dans Claude, la férocité sans frein comme sans honte dans Néron, la férocité hypocrite et timide dans Domitien, les crimes de la domination et ceux de l’esclavage, la fierté qui sert d’un côté pour commander de l’autre, la corruption tranquille et lente, et la corruption impétueuse et hardie, le caractère et l’esprit des révolutions, les vues opposées des chefs, l’instinct féroce et avide du soldat, l’instinct tumultueux et faible de la multitude, et dans Rome la stupidité d’un grand peuple à qui le vaincu, le vainqueur, sont également indifférents, et qui sans choix, sans regret, sans désir, assis aux spectacles, attend froidement qu’on lui annonce son maître ; prêt à battre des mains au hasard à celui qui viendra, et qu’il aurait foulé aux pieds si un autre eût vaincu ? […] « En attendant, dit-il, je consacre ce livre en l’honneur d’Agricola mon beau-père ; et dans ce projet ma tendresse pour lui me servira ou d’excuse, ou d’éloge45. » Alors il parcourt les différentes époques de la vie de son héros, peignant partout comme il sait peindre, et montrant un grand homme à la cour d’un tyran, coupable par ses services même, forcé de remercier son maître de ses injustices, et obligé d’employer plus d’art pour faire oublier sa gloire, qu’il n’en avait fallu pour conquérir des provinces et vaincre des armées.

624. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

Depuis la loi de Publilius Philo qui assura au peuple romain la liberté et la souveraineté, le sénat n’eut plus qu’une autorité de tutelle, analogue à ce droit des tuteurs, d’autoriser en affaires légales le pupille maître de ses biens. […] Telle fut la sagesse des sénats héroïques, et particulièrement celle du sénat romain, soit dans les temps où l’aristocratie décidait seule des intérêts publics, soit lorsque le peuple déjà maître se laissait encore guider par le sénat, ce qui eut lieu jusqu’au tribunal des Gracques.

625. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

L’élève, à son tour, devenu grand homme, conserva un penchant de cœur pour l’éducation libérale des jésuites, et une reconnaissance filiale pour son maître, le Père Porée. […] Newton, qui venait de mourir, pour les sciences physiques ; Bacon, pour la philosophie réaliste et rationnelle ; Shaftesbury, pour l’audace de ses négations religieuses ; Bolingbroke, l’homme d’État célèbre, retiré en France et avec lequel Voltaire avait été lié précédemment en Touraine, pour son mépris des révélations ; le grand poëte anglais Pope pour l’éclectisme élégant de ses poésies didactiques, furent ses maîtres dans la pensée et dans le style. […] Une jeune femme de la cour, plus éprise de la gloire personnelle que du rang, la marquise du Châtelet, s’était attachée à lui comme à son maître dans l’art de penser et d’écrire. […] Il fut écarté par les préventions du jeune roi Louis XV et par la jalousie de ses maîtres. […] Le peuple, sans le comprendre tout à fait, voyait dans ce vieillard le précurseur d’on ne sait quel inconnu, dans les idées et dans les choses, qui devait être la Révolution française ; les hommes de lettres saluaient en lui leur roi, l’Académie le maître de la langue, les comédiens français le maître de la scène pendant soixante ans de triomphe ; la cour venait adorer en lui la mode, cette seconde royauté de la France.

626. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Par Montemayor et par Perez de Hita, ils furent nos maîtres dans le roman galant et héroïque. […] Le maître lui-même soupira ses fausses amours en pointes fades ; mais ce qu’il y a de plus significatif, c’est que toutes les hautes parties de sa doctrine furent comme stérilisées jusqu’à Boileau, et qu’il ne fit pas école. […] Encore tiennent-ils plus du goût général que j’ai tâché de définir dans la littérature de Henri IV, que du caractère original de leur maître. […] Son ignorance et sa paresse le préservèrent des pointes ; et même il n’accepta des enseignements de son maître que ce qui ne coûtait pas plus de peine à pratiquer qu’à négliger. […] En 1576 il s’échappe de la cour avec son maître qu’il sert avec activité et dévouement.

627. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Mauriac avoue pour un de ses maîtres. […] Il avoue lui-même Callimaque et Philétas pour ses maîtres. […] Tolstoï n’en a pas, et demeure le maître de tous les romanciers comme M.  […] Je m’enchantai du reste, et prévis un maître. […] Et tel naïf croyait que le maître allait les désavouer !

628. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

L’annonce et le fait divers régneront en maîtres. […] Il n’y a chez lui que ce qu’on trouve chez les maîtres. […] Quelques-uns de nos maîtres ont débuté sous ses yeux. […] Jean Aicard a des morceaux de maître. […] Nos maîtres contemporains ont notre sang et nos nerfs.

629. (1924) Critiques et romanciers

Les domestiques, autour de, Bien dignes de leurs maîtres. […] Mais, entre le maître et le chien, l’amitié est ravissante. […] Soudainement, le voici maître de ses mots et de sa phrase. […] Pierre Mille, où il est passé maître. […] Ses maîtres, tout compte fait, sacrifiaient la réalité.

630. (1900) La culture des idées

« Mais le trait de force, il n’y a que le maître qui le donne. » Cela décourage Pécuchet. […] Il s’agit naturellement des œuvres où l’intelligence imaginative a la plus grande part, des œuvres dont le subconscient est toujours le maître collaborateur. […] Jean-Baptiste, mort aussi pour son maître, a pris la place du favori de l’empereur. […] Les jeunes gens confient en secret leurs désirs à ces maîtres qui savent d’ailleurs les pénétrer à la fougue que montrent les adultes dans les jeux publics. […] Le maître chargé d’enseigner le français proscrit dans ses leçons l’usage de hollandais.

631. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Parny est trop entièrement épris et trop paresseux pour aller faire comme André Chénier, pour revenir, par une combinaison de goût et d’érudition, aux maîtres de la lyre éolienne. […] Parny élégiaque est complet en soi : il n’appelle pas, comme Millevoye et quelques autres poètes souffrants et inachevés, l’idée de plus grand que soi, et ne fait point attendre ni désirer vaguement ce maître futur. Lui-même, dans son cercle limité, est un maître, non un précurseur.

632. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

On le nomme maître des eaux et forêts dans la maîtrise de Châtillon : il accepte. […] Passy, dans l’étude consciencieuse qu’il a faite, s’attache à montrer ce que fut, au sortir de là, le préfet de la Seine sous le Consulat et l’Empire ; quelles ressources et quels obstacles il rencontrait pour l’accomplissement de sa tâche dans les lois nouvelles, dans la nature du gouvernement et dans le caractère du maître : « C’est le seul moyen, dit-il, de rendre une équitable justice à l’homme qui, avec du labeur, du bon sens, de l’honnêteté, sut faire des qualités supérieures. » Il y eut plus d’un moment distinct et plus d’une étape durant ces douze années d’administration : le Conseil général, composé de vingt-quatre membres nommés par Napoléon, n’eut pas tout à fait le rôle qu’on semblait lui destiner d’abord. […] Le maître ne voulait que me faire tomber d’une main, et de l’autre main, suivant sa propre expression, me relever plus ou moins ; mais il a appelé pour cela trop de monde.

633. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Il a montré le gouvernement, comme la société, en quête de l’idée nouvelle et ne la possédant pas ; l’ordre moral nul, l’ordre matériel ne subsistant que parce que tout le monde se rend compte du péril et y prend garde ; il n’a vu dans la liberté et dans les diverses conséquences qu’on en réclame que des moyens pour atteindre à un but inconnu ; et durant tout le temps qu’il appuyait ainsi le doigt sur ces plaies du siècle, l’auditoire jeune et fervent, comme un malade plein de vie, palpitait ; il était suspendu en silence aux lèvres du maître éloquent, et il attendait jusqu’au bout le remède : le remède n’est pas venu. […] Ce sont là d’heureuses inconséquences dont nous le félicitons, et dont nous ne félicitons pas moins son auditoire ; les saillies du maître rectifient souvent sa doctrine dans l’esprit des disciples. […] Sainte-Beuve a publié dans l’appendice sur George Sand (tome I, page 510), une lettre entre autres de l’auteur d’indiana, où Jouffroy est caractérisé de main de maître et de philosophe.

634. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Pascal, La Bruyère, Fénelon sont de meilleurs maîtres de style et en donnent mieux la théorie que Buffon et Marmontel, où l’on vous ramène sans cesse. […] Il a sa source dans les sentiments les plus respectables : humilité candide, conscience de sa propre ignorance, respect du maître, confiance aux lumières de ceux qui sont établis pour savoir et pour instruire, soif de savoir, qui saisit avidement toutes les connaissances qu’on lui présente et n’en veut rien laisser tomber. […] Ils ne contredisent pas le maître, ils ne doutent pas de lui.

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