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1207. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Les paysans avaient perçu sous forme d’égalité, de liberté et de fraternité leur âpre désir de posséder en propriétaires le sol qu’ils cultivaient en mercenaires. […] Et faut-il croire que l’impression produite sur le second par les assassinats et les incendies de la Commune a paralysé la liberté de doctrine dont le premier avait donné un si vigoureux exemple ? ‌ […] Demi-savants, ils prennent pour de la liberté d’esprit la négation des vérités traditionnelles et l’adhésion aux hypothèses les plus neuves qu’ils considèrent naïvement comme celles de l’avenir. […] C’est ainsi que la famille pourrait être reconstituée par la liberté de tester, qui donnerait l’équivalent moderne des majorais et des substitutions. […] Si la liberté de tester a permis à un Pullmann de contraindre ses fils à un recommencement presque complet de leur fortune, cette liberté sert surtout aux potentats des Etats-Unis à fixer leurs dollars entre les mêmes mains et à prolonger les triomphes de leur énergie par leurs maisons, tout comme les seigneurs du moyen âge.

1208. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Quelle preuve peut-il donner que Boileau, que Racine, que Molière, que Bossuet, que Pascal aient ainsi comme abdiqué sous la loi du cartésianisme leur liberté d’esprit ? […] Mettez la grâce : il est bien certain que vous diminuez la nature, et même que vous risquez de détruire la liberté ; mais ôtez la grâce, et donnez à la nature ce que vous enlevez à la religion : il est non moins certain que, dans l’ordre moral, selon le mot célèbre, vous avez fait de Dieu la plus inutile hypothèse. […] Heureux du moins si le besoin d’argent, dans cette première fougue de la liberté reconquise, plutôt encore que de la jeunesse, ne l’avait entraîné à rien de plus fâcheux qu’à composer ses longs romans, ou à traduire de l’anglais l’Histoire métallique des Pays-Bas ! […] Mais, en tout cas, lorsque nous avons à parler des besognes vulgaires où ils se trouvèrent plusieurs fois réduits, non seulement nous devons nous garder de mêler aucun dédain à l’expression de nos regrets (ce qu’aujourd’hui même nous faisons trop souvent), mais encore nous souvenir que c’est là le prix dont ils ont payé pour nous la liberté même qu’ils nous ont léguée. […] Non sans doute qu’à mon tour, tout Voltaire et Rousseau qu’ils soient, je veuille les abstraire de leur humanité, pour en faire de purs esprits qui ne se seraient divisés que sur la façon d’entendre la liberté, le progrès et la justice.

1209. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Ayant hérité, par la mort de son père, d’un petit domaine, il n’usa de sa liberté et de sa fortune que pour persister dans sa vie studieuse, et s’enferma à l’université trois ans encore. […] D’esprit, il n’y en a guère ici : on n’a pas le loisir d’être spirituel en de pareilles batailles ; songez à ce peuple soulevé qui écoute, à ces hommes emprisonnés, exilés, qui attendent : ce sont la fortune, la liberté, la vie ici qui sont en jeu. […] Si Dryden est un politique expérimenté, un controversiste instruit, bien muni d’arguments, sachant tous les tournants de la discussion, versé dans l’histoire des hommes et des partis, cette habileté de pamphlétaire, toute pratique et anglaise, le retient dans la basse région des combats journaliers et personnels, bien loin de la haute philosophie et de la liberté spéculative, qui impriment au style classique des contemporains français la durée et la grandeur. […] Le roi pour lequel il avait écrit était détrôné et chassé ; la religion qu’il avait embrassée était méprisée et opprimée ; catholique et royaliste, il était confiné dans un parti vaincu, que la nation considérait avec ressentiment et avec défiance comme l’adversaire naturel de la liberté et de la raison. […] Cette critique montre, en abrégé, tout le bon sens et toute la liberté d’esprit de Dryden, mais en même temps toute la grossièreté de son éducation et de son temps.

1210. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Je laisse à chacun la liberté d’aimer ou de ne pas aimer les œuvres de Balzac, tant il est vrai, ainsi que le fait remarquer M.  […] Celles-ci ne sont le prix que de l’indépendance et de la liberté, dont nous voyons trop peu de traces dans ses actes isolés. […] Ses éternelles limites le protègent, ses inépuisables ressources le sauvent dès qu’il fait abstraction complète de sa liberté. […] Sa liberté, il la met, non pas dans l’indépendance des contraintes physiques, mais dans l’absolution des contraintes morales. […] C’est là ta part de liberté ; dans cette œuvre de professeur de physique ou de commis de nouveautés, nous verrons ton originalité, ta puissance.

1211. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Le maître de Saroutaki était proche du roi lorsque la plainte fut faite et la punition ordonnée ; et, comme il vit que le prince se mit à parler assez gaiement de l’arrêt qu’il venait de donner, et en souriait en le regardant, il prit la liberté de lui dire en riant: « En vérité, sire, c’est dommage que ce malheureux garçon meure ; car il a infiniment d’esprit, et il pourrait rendre un jour d’importants services à Votre Majesté. » Le roi répondit: « Eh bien, qu’on le sauve, s’il est encore temps, ou qu’on le fasse panser. » Le pardon du roi arriva trop tard: sa sentence avait déjà été exécutée ; mais elle l’avait été si heureusement, que le criminel n’en mourut pas, comme on en court le risque dès qu’on a dix-huit ans passés. […] Le deuil dura de cette force vingt et un jours, et puis chacune tira pays ; car la défunte leur avait donné la liberté en mourant. […] Ce fut Abas le Grand lui-même qui retrancha jusqu’à cette liberté aux femmes de son palais, par l’aventure étrange qui lui arriva comme il était en Hyrcanie. […] La condition de ces seigneurs les rend naturellement timides ; tout illustres et tout princes qu’ils paraissent, ils ne sont en effet que des esclaves: leur vie, leur liberté, leur honneur et leurs biens dépendent absolument du souverain.

1212. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Et en effet, le cœur de l’homme, jusqu’alors engourdi par des cultes purement hiérarchiques et sacerdotaux, pouvait-il ne pas s’éveiller et sentir germer en lui quelque faculté inattendue, au souffle d’une religion humaine parce qu’elle est divine, d’une religion qui fait de la prière du pauvre la richesse du riche, d’une religion d’égalité, de liberté, de charité ? […] Le temps en est venu, et il serait étrange qu’à cette époque, la liberté, comme la lumière, pénétrât partout, excepté dans ce qu’il y a de plus nativement libre au monde, les choses de la pensée. […] Ce qu’il a plaidé, au contraire, c’est la liberté de l’art contre le despotisme des systèmes, des codes et des règles. […] Tant mieux ; la liberté du poëte en est plus entière, et le drame gagne à ces latitudes que lui laisse l’histoire.

1213. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Après le Napoléon du Consulat, le Napoléon de 1815 revenant de l’île d’Elbe avec des paroles de modération et de paix, et appelant à lui non seulement les hommes d’épée, ses vieux compagnons d’armes, non seulement les fonctionnaires de tout ordre, ses anciens serviteurs, mais les amis même de la Révolution et de la liberté, tous les hommes de la patrie, quelle que fût leur origine, ce Napoléon était le plus fait pour toucher et pour entraîner.

1214. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

A entendre nos espérances d’alors, il semblait que, pour l’entier triomphe d’un genre plus vrai et des jeunes talents qui s’y sentaient appelés, il ne manquât qu’un peu de liberté à la scène et de laisser-faire.

1215. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

Le Play ou ses collaborateurs ont si bien décrits, l’ouvrier émigrant ou le maçon, l’ouvrier sédentaire ou le tailleur, le charpentier de Paris, compagnon du devoir ou de la liberté, etc., il en est un qu’ils ont négligé et que je signale à leur attention ; celui-là, je l’ai observé de près depuis bien des années, et j’ai vécu avec lui, je pourrais dire, comme lui ; aussi suis-je en état de le décrire, et je l’essayerai même, puisque l’idée m’en est venue : c’est l’ouvrier littéraire.

1216. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Les anciens, et surtout Aristote, ont été presque aussi forts que les modernes sur de certaines parties de la politique ; mais cette exception à l’invariable loi de la progression, tient uniquement à la liberté républicaine dont les Grecs ont joui, et que les modernes n’ont pas connue.

1217. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

L’indépendance existait pour chacun, avant que la liberté fût constituée pour tous.

1218. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

En étant conséquente au système sur lequel cet ouvrage est fondé, au système qui considère la liberté absolue de l’être moral comme son premier bien, j’ai dû préférer et indiquer comme le meilleur et le plus sûr des préservatifs contre le malheur, les divers moyens dont on va voir le développement.

1219. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre X. L’antinomie juridique » pp. 209-222

Le contrat collectif du travail supprime la liberté du travailleur isolé.

1220. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

Le seul moyen de reconquérir sa liberté, c’est de faire à sa célébrité le sacrifice d’une soirée.

1221. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

Par une existence douce, réglée, contemplative, laissant sa part à la liberté de l’individu, ces petites églises croyaient inaugurer sur la terre le royaume céleste.

1222. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

La religion consacre la liberté, nous avons des citoyens.

1223. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Le vrai y est exposé avec cette aimable liberté qui sied si bien dans les ouvrages, où l’esprit ne fait que suivre les sentimens du cœur.

1224. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

J’ai crû pouvoir emploïer le mot de siecle dans cette signification avec d’autant plus de liberté, que la durée d’un siecle est arbitraire essentiellement, et qu’on est convenu de donner cent années à chaque siecle uniquement pour faciliter en chronologie les calculs et les citations.

1225. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Confuse, en effet, obscure, incertaine, et ce n’est pas tout, répugnant à la lumière, — car c’est la Critique qui fait la valeur de l’Histoire, et la Critique n’est jamais là où les peuples ne sont que des masses sans conscience et sans liberté, — l’histoire orientale n’est qu’un vague empâtement d’hommes, de choses et de doctrines.

1226. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

— et plût à Dieu que je pusse parler des vivants avec la même liberté !

1227. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

Comme les éclectiques, ces emprunteurs à tout le monde, il les doit, ces idées, à Descartes, à Leibnitz ou à Reid, et cela s’appelle : la progression des êtres, le grand optimisme, la liberté humaine, la Providence et l’étude des faits de conscience ; et voilà la valise faite de M. 

1228. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

entre l’esprit monarchique et l’esprit révolutionnaire, dans laquelle il serait stipulé qu’il prend la France avec tout son inventaire révolutionnaire d’indépendances et de libertés, qui, d’ailleurs, ne trompent plus personne, tant elles nous ont de plus en plus précipités !

1229. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Qu’importent ces laideurs morales passagères chez les poètes, où tout est de passage ; chez les poètes, ces innocents coupables lorsqu’ils sont coupables, pour qui, en raison même des facultés qui font leur génie, la liberté humaine est moins grande que pour les autres hommes dans ce malheureux monde tombé !

1230. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

Des jurisconsultes comme Baudouin, Duaren et Hotman, commentateurs de ces lois romaines, si nécessaires à des peuples barbares qui commençaient à étudier des mots, et n’avaient point de lois ; d’Argentré, d’une des plus anciennes maisons de Bretagne, et auteur d’un excellent ouvrage sur la coutume de sa province ; Tiraqueau, qui eut près de trente enfants, et composa près de trente volumes ; Pierre Pithou, qui défendit contre Rome les libertés de l’église de France, qui devraient être celles de toutes les églises ; Bodin, auteur d’un livre que Montesquieu n’a pas fait oublier ; enfin, Cujas et Dumoulin, tous deux persécutés, et tous deux hommes de génie, dont l’un a saisi dans toute son étendue le véritable esprit des lois de Rome, et l’autre a trouvé un fil dans le labyrinthe immense de nos coutumes barbares.

1231. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Paul Adam nous arrivait du naturalisme, il avait subi une de ces condamnations pour liberté d’écrire, fort bien portées depuis Baudelaire et Flaubert. […] C’était Francis Vielé-Griffin et Henri de Régnier, sortis avec éclat des premiers tâtonnements, apportant l’un des visions élégantes et hiératiques, l’autre un sentiment très vif de la nature, une sorte de lakisme curieux de folklore, avec une liberté encore hésitante du rythme, mais une décision complète sur cette liberté rythmique. […] Lemaître, n’est pas habituée aux libertés prises avec le vieil alexandrin. […] Lui aussi cherchait à s’évader, il n’osa toucher au vers et choisit le poème en prose ; s’il eût vécu, peut-être eût-il élargi ses tendances de liberté. […] Ils vont tous deux, avec des allures et succès différents, mais d’une même noble allure, vers les revendications populaires, vers la liberté.

1232. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

On peut équivoquer sur les mots ; mais la suppression de la liberté implique la suppression de la morale. […] Pourquoi pas en se réclamant du mot inscrit en tête du programme révolutionnaire et démocratique : « Liberté ?  […] S’il nourrit des ambitions politiques, c’est avec l’espérance de mieux défendre ces chères libertés. […] La liberté ! […] À voir le triomphe officiel de cette tyrannie appelée d’un nom emprunté à l’Angleterre du seizième siècle, le laïcisme, il semblerait que leur long effort pour revendiquer, au contraire, les libertés au nom de la liberté, ait été inefficace.

1233. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

… « Quand Honoré fut d’âge à comprendre et à apprécier son père, c’était un beau vieillard, fort énergique encore, aux manières courtoises, parlant peu et rarement de lui, indulgent pour la jeunesse qui lui était sympathique, laissant à tous une liberté qu’il voulait pour lui, d’un jugement sain et droit, malgré ses excentricités, d’une humeur si égale et d’un caractère si doux qu’il rendait heureux tous ceux qui l’entouraient. […] Il ne se plaignit pas toutefois dans ce réduit, où il trouvait la liberté et portait de belles espérances que ses premières déceptions littéraires ne purent éteindre. […] C’était une Polonaise, une Orientale, une personne attachée, dit-on, par devoir à un vieil époux dont la santé expirante devait assurer bientôt la liberté.

1234. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

« Quand il eut terminé je pris la parole, et je répondis que nous étions accusés à tort de complot et de rébellion, crimes indignes de la pourpre et de notre caractère personnel ; que notre conduite avait été très simple et très franche ; qu’il était faux que nous eussions fait un secret de notre opinion à nos collègues intervenus, que nous leur avions même parlé à ce sujet, mais avec la mesure qui était nécessaire afin de nous garantir de l’accusation d’avoir cherché à recruter des prosélytes pour accroître le nombre des non-intervenants ; que si, malgré notre prudence, on nous traitait de la sorte, on nous aurait blâmés bien davantage si nous avions endoctriné ceux dont l’avis était contraire au nôtre ; qu’aucun d’eux ne pouvait nier de bonne foi que nous ne lui avions pas manifesté notre opinion et les motifs sur lesquels elle se basait ; que nous n’avions pas, il est vrai, fait des ouvertures au ministre des cultes, mais que nous étions allés chez le cardinal Fesch, auquel, comme à notre collègue et à l’oncle de l’Empereur, nous avions cru pouvoir parler avec plus de liberté et moins de publicité, justement pour envelopper la chose dans le mystère ; que le plus ancien d’entre nous lui avait confié, avec abandon et sincérité, notre détermination ; que nous lui avions aussi suggéré le moyen d’empêcher tout éclat, en le priant d’obtenir de l’Empereur qu’on ne nous invitât pas, et qu’il voulût bien se contenter de l’intervention de ceux qui étaient d’un avis différent du nôtre, et qu’on n’avait pas accepté ce moyen terme. […] Ils parlèrent en pleine liberté de la manière dont ils appréciaient l’affaire, et devinrent ainsi les principaux auteurs du rejet des modèles composés peu de minutes auparavant. […] « Arrivés dans l’appartement du cardinal Mattei, où nous pouvions parler en toute liberté, je m’empressai de relever l’inconvenance, — pour ne rien caractériser davantage, — qu’il y aurait à souscrire ces formules, et je fis saisir à tous ceux qui ne savaient pas la langue qu’ils n’avaient pas compris la portée des mots.

1235. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Cela signifiait que ces grands solitaires de la pensée s’étant élevés en totale liberté, à leurs risques et périls, à de prodigieuses altitudes, contemplaient le fait en admirant leur propre force, mais tout à coup étaient saisis d’appréhension par l’éveil d’une pensée sociale : « Que fera l’humanité si elle se croit munie de nos ailes ?  […] Le xixe  siècle les a lâchés à travers la littérature ; ils ont usé et abusé de la liberté qu’on leur accordait. […] Maurice De Waleffe (Extrait de Paris-Midi) Émile Zola, dans le dernier quart du siècle, exerçait en prose le sacerdoce que Victor Hugo exerça d’abord en vers pendant quarante ans ; il enseignait aux foules la liberté et l’égalité, au nom de la science.

1236. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Depuis lors, Taine127 a brillamment interprété des sonates de Beethoven, non sans faire remarquer avec justesse que la musique, évoquant, non des formes distinctes ni des idées précises, mais des états d’âme et des nuances de sentiment, laisse à l’interprétation une liberté des plus larges. […] Le jour Olt les romantiques attaquèrent les classiques, ils se distinguèrent de leurs adversaires par une barbe croissant en liberté et par une chevelure mérovingienne. […] On le vit bien, sous la Révolution, dans ces immenses concours de multitude sur lesquels planait, comme une étoile avant-courrière d’une nouvelle ère, une grande Idée nationale ou humaine, par exemple celle de liberté ou de fraternité, que peintres, sculpteurs, musiciens, poètes essayaient tous d’exprimer ou d’incarner à leur façon.

1237. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Un moment l’on parle de l’embarras pudique de la jeune fille jetée dans le lit du mari, et là-dessus, une des dîneuses dit avoir entre les mains un curieux autographe : les instructions, par la poste, d’une mère absente, à sa fille… Au fumoir, Théophile Gautier m’entretient de sa fille Judith, de son roman chinois paraissant dans la Liberté, qu’il trouve « du Salammbô sans lourdeur ». […] Presque aussitôt un tigre se décide à entrer, mais l’autre, flairant longuement le plancher et reniflant la prison, buté devant la loge, rappelle l’autre dans la langue qu’ont les animaux entre eux, et tous deux après une terrible passe de leurs formidables pattes, se refusent à sortir, la gueule et l’œil retournés vers le vert du jardin et la liberté du ciel. […] Un moment qu’échappé au sommeil, il se trouve à côté de Saint-Victor, le critique de la Liberté lui dit, avec la crispation lui venant, dans le salon de la princesse, à la vue de notre bande d’intimes : — Eh bien !

1238. (1903) La renaissance classique pp. -

Nous les interpréterons avec la même liberté que le poète grec interprétait les mythes et les légendes de sa patrie. […] La liberté absolue de l’inspiration, si elle était possible, aboutirait en fin de compte à la barbarie et à l’anarchie littéraire. […] On obtiendra la liberté dans l’ordre, l’unité stricte dans la plus riche diversité.

1239. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Chez elle : Liberté, Égalité, Fraternité, ne veulent dire qu’asservissement ou mort des classes supérieures. […] Oui, la liberté de la Presse, car je n’ai pas plus de respect pour cette puissance sacro-sainte que n’en eurent Balzac et Gavarni. […] Dans la dégradation du monument, brille sur une plaque de marbre intacte, dans la nouveauté de sa dorure, la légende menteuse : Liberté, Égalité, Fraternité. […] … Ils ne savent donc pas que je ne demande que la conservation de ma personne et de Saint-Gratien, ma liberté individuelle, comme je l’ai écrit à M.  […] Dans sa position actuelle, la princesse n’a plus sa liberté de parole, ces emportements éloquents, ces rudes coups de boutoir, ces portraits griffés d’une griffe originale.

1240. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Pas à pas, il a suivi son héroïne, il nous la montre dans une famille insupportable, dans l’atelier ou le magasin monotone, qui sont bien faits pour rendre précieux ses courts moments de liberté. […] — Monsieur Pailly… vous commencez par manquer au respect de la liberté, du moins de la mienne. […] vive la liberté ! et par la liberté j’entends la liberté des autres autant que ma propre liberté, mais ma propre liberté autant que celles des autres. […] vive la liberté !” 

1241. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Autre obstacle qui s’oppose à ce qu’on arrive d’une part à la vérité, à la connaissance, d’autre part à la vie en force, en liberté et en beauté. […] C’est un grand « danger pour la liberté intellectuelle. […] C’est croire que l’homme peut réaliser un idéal de liberté, de force libre, de beauté, de grâce, de noblesse et d’eurythmie. […] Elle ne voulait au fond ni liberté, ni fraternité, ni même égalité. […] C’est la liberté.

1242. (1923) Au service de la déesse

C’est une espèce de fatalité, mais qui a ce caractère de ne pas abolir toute liberté : ni la liberté des dieux, ni la liberté des mortels. […] Il cède enfin ; mais son hésitation marque sa liberté : « la loi qu’il exécute l’a obligé sans le contraindre ». […] Et il arrange son roman biologique avec une liberté ridicule, avec une liberté scandaleuse, étant donné qu’il se présente comme la science parfaite en lutte contre l’imagination philosophique ou religieuse. […] Et ils ont l’arrogance de gens qui, en réclamant leurs droits, revendiquent la liberté d’accomplir leurs devoirs. […] Il écrit : « Le poète Rustique peut bien, à son âge, prendre quelques libertés avec ce qu’on est convenu d’appeler la civilité puérile et honnête.

1243. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Il est libéral en paroles et du bout des lèvres, et la liberté est un mot avec lequel on peut, à certains jours, le mener très loin. […] Victor Hugo écrit Les Orientales, qui sont toutes pleines du souffle de la liberté, pleines de la liberté et de son culte farouche. C’est Canaris, c’est l’enfant grec qui veut de la poudre et des balles, et c’est le klephte, le klephte avec son fusil brisé : Un klephte a pour tous biens l’air du ciel, l’eau des puits, Un bon fusil bronzé par la fumée, et puis La liberté sur la montagne ……………………… Dans Les Feuilles d’automne, composées au lendemain de 1830, il y a déjà un souffle révolutionnaire venu des journées de juillet. […] Les classiques portaient des vêtements corrects, et les romantiques avaient laissé à leur fantaisie, en fait d’habillement, toute sa liberté, ou plutôt, je crois qu’ils avaient travaillé cette fantaisie. […] Je l’ai fait en toute liberté, ne me croyant pas imposé de faire continuellement un panégyrique des auteurs dont je vous parlais.

1244. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

. — On a bien les deux systèmes en présence : d’un côté, le zèle, l’exactitude suprême, mais avec un penchant au purisme ; — de l’autre, une liberté qui va au relâchement, une largeur poussée jusqu’à la latitude, l’indifférence en matière de style, le tolérantisme. […] Scipion Dupleix n’avait pas moins de quatre-vingt-deux ans, lorsqu’il acheva d’imprimer, le 14 avril 1651, son in-quarto intitulé Liberté de la Langue française dans sa pureté.

1245. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Toute petite, dans la vallée de la Scarpe, ayant aperçu à la haute tourelle d’un donjon un vieux prisonnier qui lui avait tendu les bras, elle était partie à pied le jour même avec son frère pour aller à Paris chercher la liberté qu’on lui avait dit résider là-bas pour ce captif. […] Après la bénédiction des arbres de la liberté et la lune de miel de la République, le quart d’heure de Rabelais commence : toute révolution amène avec elle son chômage à tous les degrés, depuis le bas jusqu’au faîte, et tout chômage entraîne après soi son déficit et sa pénurie : « (À Mme Derains, 1848)… La triste réalité est que je suis sans aucun argent ; que l’on m’envoie à l’heure même une contrainte pour mes impositions, et que je n’ai reçu ni mon mandat, ni avis sur mon trimestre échu depuis cinq jours..

1246. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Il balbutia avec eux quelques mots de liberté, et on les applaudit dans sa bouche ; il rentra chez lui pour se féliciter de sa haine assouvie contre les ministres, mais les ministres avaient entraîné les Bourbons. […] La liberté ne s’improvise pas sous la tyrannie, encore moins sous l’anarchie.

1247. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

On avait dit aux auteurs dramatiques : Conservez à chacun son propre caractère… Des siècles, des pays étudiez les mœurs ; mais en leur prescrivant sur ce point la plus rigide exactitude, on leur avait laissé, en ce qui concerne les circonstances des événements, une assez grande liberté. […] De savoir si cette modification est heureuse, c’est une autre question que je n’examine pas ; il me suffit de montrer que le système romantique laisse encore tant de liberté aux poètes.

1248. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Des préceptes qui ont rapport aux genres, les uns sont purement formels, et se rattachent ainsi à la versification ; ce sont les conventions qui lient et soutiennent les genres, et limitent la liberté du poète dans le choix ou la disposition des mètres, et dans les dimensions et proportions de l’œuvre. […] Au reste, on ne fait plus de difficulté de le reconnaître aujourd’hui ; et depuis que l’effervescence romantique s’est calmée, et que la liberté de l’art est assurée, nous ne trouvons plus grand intérêt à réclamer ni à pratiquer le mélange des genres.

1249. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Son esprit pénétrant, subtil, amer, est comme l’instrument naturel pour fouiller dans la corruption, et il y porte l’âpre investigation du confesseur, avec la liberté philosophique de l’historien. […] Il avait l’humeur trop indépendante, il aimait trop la vérité comme un avantage et un droit sur les autres, il croyait trop en chrétien à la liberté humaine pour être propre à la politique.

1250. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Mon rêve serait d’être logé, nourri, vêtu, chauffé, sans que j’eusse à y penser, par quelqu’un qui me prendrait à l’entreprise et me laisserait toute ma liberté. […] Quelquefois même je suis blessé, au nom de la bienveillance générale, de voir l’attachement particulier qui lie deux personnes ; je suis tenté de m’écarter d’elles comme de juges faussés, qui n’ont plus leur impartialité ni leur liberté.

1251. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Les faibles de naguère tendent à devenir les forts d’aujourd’hui et déjà l’on peut redouter que cette force nouvelle, devenue tyrannique, ne détermine une forme nouvelle de l’oppression et ne supprime la liberté individuelle qui aura pu fleurir durant peut-être un bref laps de temps grâce à l’incertitude d’une lutte encore inégale entre deux principes contraires. […] L’essentiel, en pareille matière, est de n’être pas dupe ; en un temps où les nations existent et sont constituées plus fortement qu’elles ne le furent jamais, il y a place pour des conventions internationales où le droit des gens, défini avec une précision plus grande et constamment amélioré, peut, au moyen de clauses réciproques, assurer aux hommes des différentes nations une sauvegarde, une protection, une liberté et des commodités croissantes dans tous les pays du monde.

1252. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Le penseur, en ce siècle, peut avoir aussi sa foi sainte, sa foi utile, et croire à la patrie, à l’intelligence, à la poésie, à la liberté ! […] Lui-même est l’instrument de sa propre grandeur ; Libre quand il descend, et libre quand il monte, Sa noble liberté fait sa gloire ou sa honte.

1253. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Comédie, au reste, cela voulait dire (on ne le sait pas toujours) χὼμοι bourgade, et ωδὴ chant, c’est-à-dire chant des faubourgs, le chant de la joie et de la liberté quelque peu avinée, la chanson joyeuse de la vie errante : Vie errante Est chose enivrante ! […] Est-ce que jamais la comédie a pu remplacer la philosophie et la sagesse, c’est-à-dire la gloire et la liberté ?

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