Mais il m’en est revenu, un peu, je l’avoue, à le voir se jeter à la Seine du haut du pont des Arts… Oui, je sais, le retour chez lui, les propos atroces de sa femme ont achevé de le désespérer et de l’affoler… Mais il m’avait si bien paru jusque-là qu’Astier-Réhu n’était point de ceux qui se suicident ! […] De même, quand la sèche et sifflante Mme Astier l’attend à la fin pour lui jeter sa haine à la figure et pour lui apprendre que, s’il est arrivé à l’Académie, c’est qu’elle s’en est mêlée (… Et elle précisait les détails de son élection, lui rappelait son fameux mot sur les voilettes de Mme Astier, qui sentaient le tabac, malgré qu’il ne fumât jamais… « un mot, mon cher, qui vous a rendu plus célèbre que tous vos livres »), je cherche quel intérêt peut avoir une personne si fine à désespérer et à chasser d’auprès d’elle un mari qui ne serait rien sans elle, il est vrai, mais sans qui elle serait moins encore. […] » avec l’intonation désespérée de la femme qui a mesuré le gouffre et s’y jette les yeux ouverts, pour tenir un engagement d’honneur. » Comprenez-vous ?
. — Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie… » Nous pourrions multiplier les citations à l’infini ; car pour trouver des exemples de cette forme de style, il suffit presque de jeter au hasard les yeux sur quelques-uns des écrits qui ont fait bruit dans notre siècle, tandis qu’on se fatigue à en chercher dans la littérature classique. […] Ce n’est point seulement dans le détail que les poètes de cette école cultivent le symbole : ils ont quelquefois jeté dans ce moule une pièce tout entière et de grande étendue. […] Ces deux îles jetées aux deux extrémités de la terre, L’une aux mers d’Annibal, l’autre aux mers de Vasco, ces deux îles que le poète décrit si sombres et si terribles, où Napoléon a pu naître et mourir, où son ombre revient régner dans les tempêtes, et où viendront, à l’appel de son ombre, tous les peuples de l’avenir, ces deux îles sont le symbole de la fortune de Napoléon.
Depuis Jean-Jacques, c’est dans la forme de langage établie et créée par lui que nos plus grands écrivains ont jeté leurs propres innovations et qu’ils ont tenté de renchérir. […] La vue de la campagne, la succession des aspects agréables, le grand air, le grand appétit, la bonne santé que je gagne en marchant, la liberté du cabaret, l’éloignement de tout ce qui me fait sentir ma dépendance, de tout ce qui me rappelle à ma situation, tout cela dégage mon âme, me donne une plus grande audace de penser, me jette en quelque sorte dans l’immensité des êtres pour les combiner, les choisir, me les approprier à mon gré, sans gêne et sans crainte. […] S’il lui manque par moments une plus chaude lumière et les clartés d’Italie ou de la Grèce ; si, comme autour de ce beau lac de Genève, la bise vient quelquefois refroidir l’air, et si quelque nuage jette tout à coup une teinte grisâtre aux flancs des monts, il y a des jours et des heures d’une limpide et parfaite sérénité.
Aujourd’hui donc je ne viens rien conseiller, mais je veux simplement jeter un coup d’œil sur l’état actuel de la poésie, et sur le mouvement qu’elle a suivi dans ces dernières années. […] On ne joue plus de tragédies jetées dans le moule de celles d’il y a trente ans, mais on en fait et l’on en imprime encore. […] Or, un joyeux bouvreuil, Son poitrail rouge au vent, son bec ouvert, et l’œil En feu, jetait au ciel sa chanson matinale, Hélas !
Je jetai ma serviette, tout émue, et M. de Chamillart me dit : « Cela est bon ! […] Il est curieux de comparer cette différence qui tient à celle des humeurs et comme au tempérament des deux esprits : Tout ce que vous me représentez, madame (écrit la princesse des Ursins), depuis que l’officier des gardes vint annoncer la venue de M. de Chamillart qui conduisait M. de Silly dans votre petite chambre de Marly, pendant que vous soupiez dans votre cabinet, jusqu’à ce que Sa Majesté vînt dire elle-même à la porte cette grande nouvelle, me paraît si naturel, que je crois vous avoir vue jeter votre serviette par terre, courant pour entendre ce que l’on disait ; Mme de Dangeau voler pour aller écrire à monsieur son mari ; Mme d’Heudicourt marcher comme si elle avait eu de bonnes jambes, sans savoir presque ce qu’elle faisait ; M. de Marsan sauter sur un siège pour se faire voir, malgré sa goutte, avec la même facilité que l’eût pu faire un danseur de corde. […] Elle s’attache de bonne heure à Villars et semble deviner que ce général qu’on appelle fou sera en définitive le sauveur : « Car il y a trop de sages, dit-elle, ou au moins trop de gens qui croient l’être quand ils ne hasardent rien ; et je suis persuadée qu’il faut quelquefois laisser les choses au hasard, pourvu qu’on ne les pousse pas jusqu’à une témérité qui n’appartient qu’aux héros de romans. » Ce dernier défaut, elle le sent bien, serait volontiers celui de Villars ; elle le lui pardonne pourtant au milieu de l’abaissement trop universel : « Ce maréchal de Villars parle et agit, dit-elle, comme ces héros de romans qui croient porter la victoire partout où ils vont : j’aime assez ces airs-là présentement, si opposés à ceux qui nous ont jetés si près du précipice. » L’héroïque défense du maréchal de Boufflers dans Lille la transporte et tire d’elle de nobles accents : L’exemple que ce maréchal a donné en défendant Lille comme il l’a fait devrait bien causer de l’émulation et de la honte en même temps, si l’on compte encore pour quelque chose l’honneur.
Ces ruines de son ouvrage primitif ressemblaient à celles qui sont jetées dans un paysage, et qui le décorent ; il les avait revêtues de fleurs et de verdure. […] Mais dans une composition assez analogue que nous offre l’Étude treizième, et où il nous montre un voyageur jeté par un naufrage dans une île inconnue, qui se trouve être l’île de Naxos, il a excédé la mesure : appliquant le même procédé d’idéalisation à l’antique histoire d’Ariane, il montre cette jeune fille de Minos, dans le récit légendaire d’un berger, pleurant nuit et jour l’infidèle Thésée et ne pouvant même être consolée par les jeunes Naxiennes qui lui versent du vin dans des coupes d’or. […] Écoutons M. de Féletz, rapporteur de la séance dans le Journal de l’Empire d’alors (26 novembre) : Après avoir jeté, dit-il ironiquement, quelques fleurs sur M.
Mme Daniel Stern avait-elle spéculé sur l’embarras dans lequel ce mot de « madame » devant un nom, même faux, jette nécessairement le critique, ou n’avait-elle voulu que se révéler, en se cachant, et jouir du privilège du masque, sans en avoir l’inconvénient ? […] Dans les Esquisses morales, Mme Stern ne s’occupe pas seulement de la femme ; elle jette aussi des vues sur l’homme, sur son éducation, dans laquelle elle remplace le catholicisme et sa tradition, qui éveille trop tôt l’enfant du beau rêve de la nature (n’est-ce pas joli ?) […] À sa prochaine publication, elle pourrait se jeter dans le chinois et l’apprendre pour nous faire l’histoire de la Chine.
Il est des gens qui peuvent tout dire, parce qu’ils relèvent tout et poétisent tout en l’exprimant, parce qu’ils jettent sur les moindres choses de la vie une couleur, un rayon, un charme ; mais ce n’a jamais été Mérimée, même par ses plus beaux jours de talent. […] Il jette, il est vrai, vers la fin, un regard assez prophétiquement noir sur l’Empire, auquel sa carcasse, comme il disait de sa personne, a survécu quelques jours. […] Quand elles ont paru, on s’est jeté à ces lettres d’un caractère intime et qui semblaient promettre des révélations d’autant plus sûres qu’elles étaient posthumes… Mais, une fois lues, ces lettres sont tombées des mains stupéfaites et on ne les ramassera point !
L’âme humaine, captive de la matière, croit que ses passions sont une ressource, et que c’est se jeter par la fenêtre de sa prison que de se jeter à elles, et elle s’y jette ; mais c’est dans l’ennui qu’elle retombe, ennui plus creusé par sa chute, hélas !
De là ces traits de feu, ces grâces ravissantes jetées çà et là dans les chants du poëme de Lucrèce ; de là cette fréquente contradiction de son art et de son système, ce retour involontaire au polythéisme qu’il maudit, ces nouvelles apothéoses substituées aux idoles qu’il renverse, et cet hymne de louange et d’amour qu’il semble près d’exhaler sans cesse, et dont il cherche l’objet en dédaignant tous les anciens cultes de la terre. […] Seule tu peux assurer une tranquille paix aux mortels : car les rudes travaux de la guerre sont sous la loi de Mars tout-puissant, qui souvent se jette sur ton sein, comme enchaîné par la blessure d’un immortel amour ; et, les yeux élevés vers toi, la tête mollement renversée en arrière, nourrit d’amour ses regards avides, aspirant à toi, ô déesse ! […] Catulle s’inquiète peu de l’ordre à mettre dans cette richesse, et du soin qui en lierait les diverses parties : il jette des vers admirables de description ou de passion, comme autant de couleurs dérobées aux maîtres de l’art hellénique.
Naturellement, les journaux locaux s’emparent de la question, la discutent, jettent du « remarquable, de l’illustre, du génial » à la tête de l’auteur. […] Ils ont jeté leurs œuvres à la bataille, armés de leur seul génie et de leur seule fierté. […] Jetés, presque enfants, à la Bourse, n’ayant appris qu’à gagner de l’argent, ils ne se sont jamais arrêtés aux belles études généreuses, ni aux sublimes rêves de l’art. […] Ce serait en gâter le charme immense, en atténuer l’immense terreur où il jette les âmes. […] Il paraît trop de livres, et les mauvaises herbes, que personne n’arrache, et qui jettent librement, à tous les vents, leurs pullulantes graines, étouffent les belles fleurs, poussées à leur ombre mortelle.
Ce n’est qu’un mot quelquefois qui, sous la plume du spirituel commentateur, s’étend, s’éclaircit, et jette tout à coup une vive lumière. […] Des chercheurs, dont il faut louer la patience, mais redouter quelquefois le scrupule excessif, ont réussi à jeter le doute sur quelques-uns de ces textes les plus répandus. […] Le dégoût des misères et des laideurs modernes le jette dans un spleen à faire paraître Young folâtre. […] La Tragédie gardait alors le pas sur la Comédie, non seulement par le fait universel de son droit d’aînesse, mais surtout par le prodigieux éclat qu’avait jeté et que jetait encore le théâtre de Voltaire. […] Jetez les yeux sur ces articles écrits avec l’audace ingénue des vingt ans et de l’obscurité qui s’assure en elle-même.
L'homme de Lettres se fait sentir dans presque tous ses Ouvrages ; qualité rare & propre à venger l'Erudition, du décri où l'ont jetée plusieurs Savans, dont le mérite ne consistoit qu'à savoir, & plusieurs Beaux-Esprits, dont le défaut ordinaire est de savoir trop peu.
Avant-propos Aujourd’hui que l’Œuvre des deux frères est terminé — l’un étant mort depuis des années, l’autre se trouvant trop vieux pour entreprendre à nouveau un travail d’imagination ou même un travail d’histoire de longue haleine, — il a paru intéressant au survivant de réunir, dans un volume, les préfaces et les manifestes littéraires, jetés en tête des diverses éditions de leurs livres.
» Baffo jette à terre 20 cauris et s’éloigne en emportant le canari. « Quand le marchand s’en reviendra, se dit-elle, il trouvera les cauris à la place du canari ».
C’est lui qui l’a jetée sur ce lit de douleur, et c’est moi qui l’y veille. […] On voit que l’auteur les jette exprès dans des sottises palpables et dans des contradictions marquées. […] Vous voyez une excellente tante, mistress Hoggarthy, du château de Hoggarthy, s’imposer dans la maison de son neveu Titmarsh, le jeter dans de grosses dépenses, persécuter sa femme, chasser ses amis, désoler son mariage. […] — La table des rangs et des distinctions est un mensonge, et devrait être jetée au feu. […] Sir Pitt, père de Rawdon, se jette à ses pieds, muni de cent mille livres de rentes, et s’offre pour mari.
À défaut d’autres causes, il suffisait, pour la jeter dans le libertinage, de l’odorat. […] A-t-elle jamais jeté un regard sur le pauvre Justin ? […] je vais peut-être jeter M. […] Non que je veuille jeter la pierre à l’enchanteresse qui nous a si longtemps charmés ! […] Ces réserves faites, on jette la raison par-dessus bord, et il n’y a pas moyen de ne pas se livrer à Regnard.
Le mot de La Bruyère peut s’appliquer à l’expression de tous les sentiments : « Amas d’épithètes, mauvaises louanges ; ce sont les faits qui louent, et la manière de les raconter. » Quand Mme de Sévigné veut faire sentir à sa fille tout son chagrin de leur séparation, elle ne se jette point dans les exclamations, elle n’emploie pas les adjectifs : elle raconte par le menu l’emploi de sa journée, après que Mme de Grignan fut partie.
Voici de beaux vers : Jette cet or de deuil où tes lèvres touchèrent, dans le miroir du sang, le reflet de leur fleur mélodieuse et douce à blesser !
Tandis que le café-concert abrutissait la masse avec des refrains idiots, Pottier, en exil ou à l’écart, obscur, oublié, jetait aux quatre murs de sa chambre ces chansons de bataille, de revendication et de miséricorde : Jean Misère, Jean Lebras, Don Quichotte, Madeleine et Marie, Ce que dit le pain, Le Chômage, Tu ne sais donc rien, Chacun vit de son métier, Le Jour du terme, L’Insurgé, La Sacoche, Elle n’est pas morte, et cet émouvant Contremaître de fabrique, perdu dans ses œuvres posthumes… Yvette Guilbert peut convoquer le ban et l’arrière-ban de ses fournisseurs de tragique, reprendre Jules Jouy et faire appel à ses émules, elle aura de la peine à découvrir quelque chose qui atteigne au pathétique du Fils de la fange, des trois simples strophes intitulées : Déjà, ou du refrain, moins ignoré, si douloureux, si poignant, si pareil à un glas dans la bouche de Jean Misère : Ah !
Après avoir débuté par des Héroïdes aussi fades que langoureuses, il s’est jeté, depuis quelque temps, à corps perdu, dans la composition des Drames, autres Productions de la même espece.
Nous savons que ses Manuscrits n’offroient presque qu’un amas de feuilles volantes, de Pieces informes, de traits jetés au hasard sur le papier, & qui souvent n’indiquoient ni voie ni but.
Dès lors cet esprit moderne s’est senti émancipé ; il a jeté son bagage, il a marché à la légère. […] À l’entendre, Homère n’est qu’une vieille idole, que La Motte a jetée bas de son piédestal, comme Descartes a renversé l’autel d’Aristote ; les homéristes sont taillés en pièces, comme autrefois les péripatéticiens de collège, et le genre humain est sauvé.
Du poète c’est le mystère ; Le luthier qui crée une voix Jette son instrument à terre, Foule aux pieds, brise comme un verre L’œuvre chantante de ses doigts ; Puis d’une main que l’art inspire, Rajustant ces fragments meurtris, Réveille le son et l’admire, Et trouve une voix à sa lyre, Plus sonore dans ses débris104 ! […] Je ne mettrai de sa réponse que deux ou trois strophes dans lesquelles elle réclamait avec confusion contre le mot de gloire que lui avait jeté magnifiquement le grand poète : Mais dans ces chants que ma mémoire Et mon cœur s’apprennent tout bas, Doux à lire, plus doux à croire, Oh !
Théophile Gautier, ce n’est donc ni la légitimité ni la possibilité de l’innovation que je lui conteste ; j’aperçois même, dans la voie particulière où il s’est jeté, un sentier étroit qu’il aurait pu tenir, qu’il a tenu par endroits, mais qu’il a comme détruit à plaisir aussitôt en l’outre-passant. […] Pourquoi, découragé par vos divins tableaux, Ai-je, enfant paresseux, jeté là mes pinceaux Et pris pour vous fixer le crayon du poëte, Beaux rêves, obsesseurs de mon âme inquiète, Doux fantômes bercés dans les bras du désir, Formes que la parole en vain cherche à saisir !
Il est commode de jeter sur ces nobles folies le mot si équivoque de pédantisme ; il est plus facile encore de montrer que ces amants passionnés de la science n’avaient ni le bon goût ni la sévère méthode de notre siècle. […] La confusion qu’on en a faite a contribué à jeter une sorte de défaveur sur les branches les plus importantes de la science, sur celles-là même qui, à cause de leur importance, ont mérité d’être choisies pour servir de bases aux études classiques.
Qu’il veuille chanter « le culte du moi » ou « l’énergie nationale », il jette toujours, en des romans mal faits et exsangues, quelques pages d’autobiographie ou d’histoire où ne frémit plus, passionnante, la vie multiforme. […] Les documents sont jetés au hasard — ceux qui sont intéressants et ceux qui ne le sont pas — dans le vieux moule naturaliste.
C’est la même turlutaine d’événements que dans les dames de cette époque : ce sont des fleurs jetées, par les fenêtres, à de beaux cavaliers, — des bals masqués, — la poésie des femmes qui n’y vont pas et des dramaturges qui y vont trop — des bals masqués où l’épouse masquée est prise pour la maîtresse par le mari infidèle et qui découvre ainsi la catastrophe ! […] Est-ce que le roi de Thulé, après avoir pleuré dans sa coupe, ne la jeta pas à la mer ?
et il la jetait par la fenêtre. […] Dumas et le père Didon, jetée, celle-ci !
C’est un de ces hommes qui ont commis des crimes en histoire avec les mains de la vertu, mais, du moins, c’est une âme dans sa haine, c’est une tierté dans son orgueil, c’est une intelligence respectueuse pour toutes les grandes croyances sociales, et, au milieu de tout cela, c’est un artiste de génie qui ne se regarde pas faire et qui fait des merveilles, sans se douter de l’éclat qu’elles jettent et de leur incomparable beauté ! […] Très certainement nous nous attendions à un coup d’œil plus mâle, plus haut, plus désintéressé, surtout, jeté sur le xviie siècle par un homme comme Paulin Paris à travers les Historiettes de Tallemant des Réaux.
Il oublie que la conversation est un genre de génie tout individuel, intransmissible, incommunicable, qui peut jeter sa flamme dans le monde comme elle peut la jeter partout ailleurs ; mais qu’elle ne tient à aucune atmosphère, qu’elle n’est ni une routine, ni une éducation, ni un procédé, et que quand elle devient une manière d’être générale elle n’est plus qu’une médaille effacée, tombée à l’état de monnaie qu’on se passe de main en main et que chaque main efface un peu plus !
Je ne sache pas de livre meilleur que le sien pour jeter la goutte d’eau glacée sur les fronts échauffés par le bonnet rouge, — pour rasseoir et paralyser l’enthousiasme imbécilement ou épileptiquement révolutionnaire… Peu de temps avant sa mort, est-ce que Victor Hugo — un égaré aussi par l’histoire de la Révolution française — n’écrivait pas cette phrase, chargée, croyait-il, d’une prophétie : « Le dix Août est à la Révolution ce qu’aujourd’hui est à demain… » ? […] On le trouva, à l’Hôtel de Ville, la mâchoire brisée, son habit violet déchiré, ses culottes nankin avalées, ses bas de coton sur ses talons, souillé, sanglant, vautré sur une table où il venait d’écrire, et après l’avoir un peu lavé, un peu pansé, tout en l’insultant, on le jeta, ce reste vivant d’homme, au bourreau, qui coupa comme il put cette tête fracassée, et telles furent, en mourant, la grâce et la décence de ce magnifique gladiateur de l’Égalité !
pour ceux qui ont besoin de l’estime humaine et de l’admiration des connaisseurs, voilà qui jette la glorieuse et terrestre splendeur sur l’humble front du saint bonhomme ! […] D’autres viendront peut-être encore qui lui reprocheront d’avoir fait perler la goutte de sainte lumière qu’il y jette sur la politique de Richelieu et de Mazarin.
Jeune, vingt-trois ans à peine, l’âge à peu près de lord Byron quand il publia ses Heures de loisir, l’auteur du livre que voici nous le jette à la tête comme un défi, avec des airs qu’assurément lord Byron n’avait pas quand il débuta. […] Voici comme ce marmot-Titan, qui demandait dans sa préface qu’on décourageât les jeunes poètes et qu’on jetât sans pitié dans le barathrum des Spartiates tout ce qui ne serait pas conformé pour devenir un Hercule, a, par une inconséquence de l’orgueil qui se frappe sans vouloir se punir, inventé une théorie qui semble une protectrice de sa faiblesse.
… Né dans les premières années du siècle, quand le canon de Wagram fêtait le baptême de ceux-là qui pouvaient avoir l’espérance de mourir un jour en héros, et qui, l’Empire tombé, ne surent que faire de la vie, Alfred de Musset se jeta aux coupes et aux femmes de l’orgie comme il se serait jeté sur une épée si on lui en eût offert une, et il a peint cette situation dans les premières pages qui ouvrent les Confessions d’un enfant du siècle, avec une mélancolie si guerrière !
S’ils sont vraiment grands, ils sont solitaires et ne relèvent que d’eux… Malheureusement, Heredia relevait un peu trop, comme tous les Parnassiens, du reste, de ce lapidaire d’Emaux et Camées qui, pour nous avoir jeté, si l’on veut, des diamants à la tête, ne nous en pas moins lapidés ! […] Tout y est, rien n’est oublié de l’inventaire épique de la civilisation espagnole au moment de la mort de la grande Isabelle la Catholique et de l’invasion de cette sacrée soif de l’or qui s’empara alors de la militaire et religieuse Espagne, et qui la jeta, après l’avoir dépravée, comme un vampire, sur le Nouveau Monde.
à ce rutilant et truculent Gautier, obligé à vanter des tragédies jetées dans le vieux moule classique et écrites comme si le moule était si usé qu’il ne marque plus… Pour la Cléopâtre, il s’en tire habilement en nous donnant un médaillon de Cléopâtre, un Émail et Camée de sa façon : mais pour la Judith, il y reste, sentant bien, au fond de sa conscience, — poids fâcheux ! […] Sapho, qui ne lance qu’un cri avant de se jeter à la mer, était jeune.
Ainsi, le volcan éteint nous jette, après coup, ses scories ! […] Tous les vers, tous, sans exception, de ce poète qui fut Auguste Barbier, y sont jetés dans le moule à chandelle que voici… et c’est vraiment curieux, venant de l’auteur de l’Idole !
Jeune, — et parmi les derniers venus dans cette littérature expirante qui, comme le dauphin mourant, jette ses dernières couleurs, — M. […] Quoique le romancier voie les réalités, et, quand il s’agit de les nommer, ne barguigne pas, le cynisme de ce terrible Richepin, qui ne craignait pas autrefois d’être cynique, qui n’hésitait jamais devant l’expression et se jetait à corps perdu sur elle, n’a plus guères, dans tout ce livre, que quelques traits fort rares, et encore le romancier ne s’y arrête pas, ou, s’il les ose, le croiriez-vous jamais ?
Une fois qu’il l’aime, il ne la séduit pas : il se jette dessus. […] Bataille et Rasetti, et malgré la pureté de l’adolescence des jeunes filles, je ne jetterais pas ce roman par-dessus les murs de leurs pensions.
C’est, d’une part, l’absence complète d’invention dans l’idée de son ou de ses livres, et l’odieuse abjection, l’abjection extra-humaine, d’un personnage déjà odieux dans le livre de madame Sand, où il est brutal, joueur, escroc, ce qui suffit pour poser et montrer le mystère de cet horrible amour sans bandeau, qui se jette, les yeux ouverts, dans des bras infâmes ! […] C’est toujours la même potée de choses vulgaires qu’on nous jette, depuis des siècles, sur la tête.
la retraite de Prague, pendant trente lieues de glace, jeta dans ton sein les semences de la mort, que mes tristes yeux ont vues depuis se développer. […] Toute la fin respire le charme de l’amitié, et porte l’impression de cette mélancolie douce et tendre, qui quelquefois accompagne le génie, et qu’on retrouve en soi-même avec plaisir, soit dans ces moments, qui ne sont que trop communs, où l’on a à se plaindre de l’injustice des hommes ; soit lorsque blessée dans l’intérêt le plus cher, celui de l’amitié ou de l’amour, l’âme fuit dans la solitude pour aller vivre et converser avec elle-même ; soit quand la maladie et la langueur attaquant des organes faibles et délicats, mettent une espèce de voile entre nous et la nature ; ou lorsqu’après avoir perdu des personnes que l’on aimait, plein de la tendre émotion de sa douleur, on jette un regard languissant sur le monde, qui nous paraît alors désert, parce que, pour l’âme sensible, il n’y a d’êtres vivants que ceux qui lui répondent.
XXVIII « En Égypte, où la tradition a exercé l’empire le plus tyrannique, l’architecture fleurit comme art religieux et national ; elle élève ces montagnes de pierre qui portent dans leurs flancs de royales sépultures, et qui jettent leur tristesse sur la monotonie de l’horizon ; elle construit d’énormes enceintes et multiplie les colonnes en des séries de portiques interminables où la pensée se perd avec le regard. […] Un coup de vent nous jeta avant la nuit dans le port ; des chevaux de Thessalie nous emportèrent vers la ville. […] À quelques pas de là, nous entrâmes dans la ville, c’est-à-dire dans un inextricable labyrinthe de sentiers étroits et semés de pans de murs écroulés, de tuiles brisées, de pierres et de marbres jetés pêle-mêle, tantôt descendant dans la cour d’une maison écroulée, tantôt gravissant sur l’escalier ou même sur le toit d’une autre : dans ces masures petites, blanches, vulgaires, ruines de ruines, quelques repaires sales et infects, où des familles de paysans grecs sont entassées et enfouies. […] Elles forment, de ce côté du temple, un chaos ruisselant de marbre de toutes formes, de toutes couleurs, jeté, empilé, dans le désordre le plus bizarre et le plus majestueux : de loin, on croirait voir l’écume de vagues énormes qui viennent se briser et blanchir sur un cap battu des mers. […] LXVI Je ne sens point de tristesse ici ; l’âme est légère, quoique méditative ; ma pensée embrasse l’ordre des volontés divines, des destinées humaines ; elle admire qu’il ait été donné à l’homme de s’élever si haut dans les arts et dans une civilisation matérielle ; elle conçoit que Dieu ait brisé ensuite ce moule admirable d’une pensée incomplète ; que l’unité de Dieu, reconnue enfin par Socrate dans ces mêmes lieux, ait retiré le souffle de vie de toutes ces religions qu’avait enfantées l’imagination des premiers temps ; que ces temples se soient écroulés sur leurs dieux : la pensée du Dieu unique jetée dans l’esprit humain vaut mieux que ces demeuras de marbre où l’on n’adorait que son ombre.
J’ai essayé de montrer quelle lumière le principe de perfectionnement graduel jette sur l’admirable talent constructeur de l’Abeille domestique. […] On ne peut tirer une objection valable de ce que la science, en son état actuel, ne jette encore aucune lumière sur le problème bien plus élevé de l’essence ou de l’origine de la vie. […] Lorsque nous serons certains que tous les individus de la même espèce, et toutes les espèces alliées de la plupart des genres, sont descendus d’un commun ancêtre à une époque relativement peu éloignée et qu’ils ont émigré d’un berceau unique ; lorsque aussi nous connaîtrons mieux leurs divers moyens de migration ; alors, à la lumière que la géologie jette dès aujourd’hui et jettera plus encore à l’avenir sur les changements survenus dans les climats ou dans le niveau des terres, nous pourrons sûrement suivre et retracer avec une grande exactitude les anciennes migrations des habitants du monde entier. […] Nous pouvons même jeter un regard prophétique dans l’avenir jusqu’à prédire que ce sont les espèces communes et très répandues, appartenant aux groupes les plus nombreux de chaque classe, qui prévaudront ultérieurement et qui donneront naissance à de nouvelles espèces dominantes.
On se jetait ses pantins à la tête. […] On porte aux nues des œuvres médiocres, on jette au ruisseau des œuvres estimables. […] Et tous, jetez-vous dans l’action, acceptez et décuplez la vie. […] Il suffit que l’auteur jette des gâteaux de miel au public. […] Ceux-là sont bafoués, et on les jette au ruisseau.
Il jeta un coup d’œil rapide sur les Esquisses que Bachelier a faites d’après le poème de Gesner, et il mit sous son bras celle où l’on voit Adam soulevant le cadavre de son malheureux fils, une de ses filles éplorée à ses pieds, et sa femme échevelée sur le fond.
Sans dire mot, l’impitoyable Cyclope jette ses mains sur les compagnons d’Ulysse et en saisit deux. […] Puis il jeta un regard à son petit garçon qui dormait toujours. […] Sa femme pleure d’abord, puis elle se jette dans les bras d’un autre. […] Chaque invité se jetait sur un quartier, et il prenait par-dessus une petite tasse de café. […] Et Rachel d’ôter vivement la bague de son doigt, et de la jeter d’un geste charmant au poète.