Il a publié une Histoire légendaire de sainte Élisabeth de Hongrie, où il y a de belles pages, mais aucune critique, même relativement parlant. […] Dans ce beau travail (sur Vanini), il établit de plus en plus nettement la position qu’il prétend faire à sa philosophie éclectique. […] Au bout de quelque temps de ce voyage entre bons amis, le catholicisme se trouverait fort dépourvu et amoindri : il le sent, aussi n’accepte-t-il pas les avances, et il tire à boulets contre l’ennemi qui a beau se pavoiser de ses plus pacifiques couleurs.
Dès qu’il écrit, c’est autre chose… Pourtant il a commencé par faire des vers très beaux et, malgré quelques singularités, très intelligibles (sans quoi, je n’aurais pas osé dire « très beaux », car je ne me moque jamais des gens). […] Sur les poèmes de Poe (la traduction est d’une belle et audacieuse littéralité), je me récuse.
Tant qu'on aura parmi nous l'idée de la belle Poésie, & le goût des véritables beautés, Rousseau sera regardé comme le Génie le plus étonnant que notre Nation ait produit. […] Son pinceau, tantôt noble, tantôt délicat, tantôt vigoureux, & toujours facile, sait retracer à propos le beau désordre de Pindare, les graces d'Anacréon, la saine raison d'Horace, & la pompe majestueuse de Malherbe. […] M. de Voltaire a beau s'épuiser en raisonnemens, se consumer en recherches, pour prouver que celui dont il se glorifioit autrefois d'être l'Eleve & l'Ami, est véritablement l'Auteur des Couplets qui occasionnerent ses malheurs ; tous ses efforts seront inutiles, & ne produiront jamais que cette réflexion : Comment l'Auteur de tant d'Ouvrages, plus condamnables & plus odieux que ces mêmes Couplets, ose-t-il se déclarer si obstinément l'accusateur d'un homme plus malheureux que coupable, plutôt soupçonné que convaincu ?
. ; mais l’auteur a trop cherché l’esprit & les belles phrases. […] C., le plus bel ouvrage qui soit sorti de la main des hommes, dit Fontenelle, & certainement le plus propre à calmer les troubles du cœur & les inquiétudes de l’esprit. […] Les Œuvres spirituelles de Fénelon, sont le fruit d’une belle ame & d’un cœur sensible qui aime & qui fait aimer la vertu ; mais il y a une petite teinture de quiétisme, qui pourroit produire de mauvais effets sur les esprits foibles.
Son Port de Rochefort est très beau. […] Regardez le Port de La Rochelle avec une lunette qui embrasse le champ du tableau, et qui exclut la bordure ; et oubliant tout à coup que vous examinez un morceau de peinture, vous vous écrierez, comme si vous étiez placé au haut d’une montagne, spectateur de la nature même : Ô le beau point de vue ! […] c’est qu’il ne faut rien commander à un artiste, et quand on veut avoir un beau tableau de sa façon, il faut lui dire, Faites-moi un tableau, et choisissez le sujet qui vous conviendra ; encore serait-il plus sûr et plus court d’en prendre un tout fait.
Au lieu de cueillir des fleurs, il cueillait avec délicatesse les plus belles idées, les plus beaux récits, les plus beaux dialogues qui aient germé dans l’esprit humain.
Ce qui fait l’étonnant mérite de la Princesse de Clèves et de Madame de La Fayette, ce sont les nuances les plus tendres et les plus choisies qu’on ait jamais vues fleurir, un matin, dans la délicatesse humaine, et que madame de la Fayette nous a offertes avec l’adorable simplicité qui prend de l’eau de source dans ses belles mains pour nous montrer combien elle est pure. […] Le sujet du livre est la conversion d’une belle juive qui devient chrétienne pour épouser un seigneur français, ou qui épouse un seigneur français pour devenir chrétienne. […] Mais c’est encore beau d’être cela !
C’est par ces belles choses que débuta Dryden, le plus grand poëte de l’âge classique en Angleterre. […] Beau titre et propre à faire fracas. […] Il y a d’heureuses antithèses, des épithètes d’ornement, de belles comparaisons travaillées, et tous les artifices de l’esprit littéraire. […] Pour qu’une belle poésie naisse, il faut qu’une race rencontre son siècle. […] J’ai trouvé chez lui de beaux morceaux, je n’en ai jamais rencontré d’agréables ; il ne sait pas même disserter avec goût.
Mais, son livre fait, et parfait, soudainement ce fut bel et bien fini. […] Est-ce là un bel idéal ? […] … » C’est extrêmement beau. […] C’est une belle chose, ce refus. […] Et c’est un bel argument ; c’est l’argument du patriotisme.
Adolphe Régnier, dans l’Avant-Propos de la belle édition de Molière, donnée par l’Imprimerie nationale en 1878. […] Elles ne sont pas non plus très belles, pour ne pas dire qu’elles sont en général fort laides. […] « Il dédaigne les fioritures du style, il est trop vaillamment épris du beau, dit M. […] » Que ne s’est-il donc fait à lui-même ce beau raisonnement ! […] Taine, il y a plus de vingt ans, développait dans ses belles leçons sur l’Idéal dans l’art.
Chez nous, en France, il faut prendre Manon, la belle petite œuvre de M. […] Et comme il devient brillant et merveilleux quand Eva apparaît au savetier-poète, dans ses beaux habits de riche fiancée ! […] Mais il est entier dans le beau prélude du troisième acte : Sachs aussi a autre chose à penser, et, comme une solution à ses réflexions, ce motif qui avait d’abord peu à peu pris le rhythme du motif 2, se fond même dans celui-ci, avec une décision psychologique que la musique pouvait seule exprimer. […] Motif 26 (p. 34, 236, 237, 238, 240, 247, 248, 265, 273, 276, 303, 307, 346). — Avec ce motif, une des plus belles adaptations du motif primordial, apparaît une modification profonde. […] Le 47 surtout que nous avons placé du côté d’Eva, représente la belle couronne de fleurs que chantent ironiquement les apprentis autour de Walther.
On a beau être courtisane, on n’aime pas être marchandée sottement, comme un cheval anglais ou un objet d’art. […] D’ailleurs, la jalousie, c’est trop beau pour elle. […] On a beau faire, l’amour d’une courtisane éclabousse toujours celui qui s’y plonge. […] Le drame a beau dire une telle récidive met en garde contre la passion dont elle fait parade. […] A sa mort, Vénus a déchiré ses belles joues et l’Amour a poussé des cris plaintifs.
Il se pose trop en homme qui a eu une belle douleur, et qui semble dire : « Faites-la-moi oublier, ce sera pour vous une gloire. » Mais c’est ainsi que sont faits les cœurs humains, et une délicate fidélité, ou même un délicat oubli, un ensevelissement profond et respecté, n’est le propre que de bien peu. […] Mais il a beau nous expliquer et nous commenter sa pensée, le vieillard a trahi son faible de vanité : le dernier mot est toujours qu’il n’y a qu’une place dans l’État à laquelle il se soit cru éminemment propre, celle de roi, d’un roi plus ou moins constitutionnel et à l’anglaise sous Louis XIV. […] Lassay, tout en s’en faisant honneur, reconnaissait que ce portrait était flatté, et il répondait au peintre par un mot du maréchal d’Ancre : « Tu me flattes, mais ça me fait plaisir (Tu m’aduli, ma mi piace). » La vieillesse fut son bel âge. […] Vous me demandez des nouvelles de ma santé ; je ne suis ni sain ni malade, et j’attends le printemps et les beaux jours comme les petits oiseaux. […] Mignet, en compagnie de son ami Thiers, était allé entendre à la Sorbonne le cours d’un des plus illustres professeurs d’alors (Villemain), et, en sortant, au milieu de tous les éloges que lui paraissait mériter une si belle littérature, il ajoutait : « C’est singulier !
C’est alors que Rodrigue, l’exilé de Castille, commença à mener sa vie de condottiere et d’aventurier qui lui valut tant de renom, et où il finit par s’acquérir, à force de bravoure et de ruse, une belle souveraineté dont il était investi quand il mourut, celle de Valence. […] Sa veuve Chimène essaya de se maintenir dans Valence et y réussit pendant deux années encore : après quoi, désespérant de s’y défendre, et au bout d’un siège soutenu durant sept mois, les chrétiens quittèrent la belle cité en la brûlant (mai 1102). […] On lui attribue tout ce qui paraît de plus beau et de plus enviable au moment où l’on est, et la vieille chanson rhabillée recommence sans cesse. […] Venez-nous en aide pour l’amour de sainte Marie. » Il posa les mains sur sa belle barbe ; puis il prit ses filles dans ses bras, et les pressa sur son cœur, car il les aimait beaucoup. […] Cette manière de gagner le pain, belle en elle-même dans sa franche expression première, se relève singulièrement et se poétise.
Nous profiterons, chez le biographe, de toutes les belles paroles. […] On raconta donc qu’étant à la campagne lorsque arriva cette mort imprévue de la plus belle personne de la Cour, et qui le préférait à tous les autres, il revint sans en être informé, et que, montant tout droit dans l’appartement dont il savait les secrets accès, il trouva l’idole non-seulement morte, mais encore décapitée ; car les chirurgiens avaient, dit-on, détaché cette belle tête pour la faire entrer dans le cercueil trop court. L’imagination émue des conteurs ne s’arrêta pas en si beau chemin, et il ne coûta rien d’ajouter que cette tête si chère, emportée par lui, devint plus tard l’objet de ses méditations à la Trappe, le signe transformé, et présent à toute heure, de son culte pénitent. […] La raison modérée a beau dire et vouloir mitiger, il y a dans les grands cœurs repentants quelque chose qui crie plus haut, une conscience qui veut se punir et ne pas être consolée à si peu de frais. […] Il n’y avait à la Trappe, dans le cabinet de l’abbé, que quelques estampes de dévotion sur des murailles blanches : cette page-ci est décidément trop belle, je la détache et je l’emporte avec moi.
Nisard, ancien élève et très-fort élève de la Sainte-Barbe-Nicole, et rédacteur encore secondaire aux Débats, se montrait fort attentif, vers 1829, au mouvement littéraire et poétique qui s’émancipait de plus belle alors. […] Au milieu de toute l’adhésion due aux principes et à la majesté de ton de l’illustre modèle, et aussi à la noblesse de propos de son admirateur, je n’ai pu m’empêcher, je l’avoue, de sourire de cette affinité élective si déclarée, de ce choix de M. de Buffon ; et je me suis rappelé que si M. de Buffon avait demandé sa voiture au plus beau de la lecture de Paul et Virginie, M. […] André Chénier, à qui il accorde le miel de l’Hymette, n’est pour lui qu’un jeune poëte, auquel on a fait le tort de le mal admirer ; répétition encore (en diminutif) du rôle de M. de Buffon, de l’homme de la prose, qui s’applaudit de pouvoir dire : Cela est beau comme de la belle prose ! […] Cet article a soulevé des récriminations diverses et animées : peut-être, en effet, pour qu’on pût en écrire alors, la mémoire de Carrel était trop incandescente ; le biographe a eu beau y employer beaucoup de phrases et mêler beaucoup d’eau dans son encre, il n’a pas réussi. […] Ses belles phrases, qu’accepte trop sincèrement le critique littérateur, pourraient bien n’être qu’une magnifique tenture dérobant le vide.
Ce fut pourtant, si l’on parle un instant avec lui la langue vaguement complaisante de Louis XIV, ce fut, à tout prendre, un heureux et facile génie, d’un savoir étendu et lucide, d’une vaste mémoire, inépuisable en œuvres, également propre aux histoires sérieuses et aux amusantes, renommé pour les grâces du style et la vivacité des peintures, et dont les productions, à peine écloses, faisaient, disait-on alors, les délices des cœurs sensibles et des belles imaginations. […] Le côté satirique que préfère Le Sage manque ici tout à fait ; la grossièreté et la licence, qui se faisaient jour à tout instant sous ces beaux dehors, n’y ont aucune place. […] Il en faut dire autant de l’inclination du vieux marquis pour la belle milady R… Prévost n’a voulu que rendre son héros perplexe et intéressant : le comique s’y est glissé à son insu, mais un comique délicat à saisir, tempéré d’aménité, que le respect domine, que l’attendrissement fait taire, et comme il s’en mêle dans Goldsmith au personnage excellent de Primerose. […] Ce qui reste beau, ce sont les raisonnements philosophiques d’une haute mélancolie que se font en plusieurs endroits Cléveland et le comte de Clarendon. […] Lenglet l’avait brutalement accusé de s’être laissé enlever par une belle : Prévost répondit que de tels enlèvements n’allaient qu’aux Médor et aux Renaud, et il exposa en manière de réfutation le portrait suivant, tracé de lui par lui-même : « Ce Médor, si chéri des belles, est un homme de trente-sept à trente-huit ans, qui porte sur son visage et dans son humeur les traces de ses anciens chagrins ; qui passe quelquefois des semaines entières dans son cabinet, et qui emploie tous les jours sept ou huit heures à l’étude ; qui cherche rarement les occasions de se réjouir ; qui résiste même à celles qui lui sont offertes, et qui préfère une heure d’entretien avec un ami de bon sens à tout ce qu’on appelle plaisirs du monde et passe-temps agréables : civil d’ailleurs, par l’effet d’une excellente éducation, mais peu galant ; d’une humeur douce, mais mélancolique ; sobre enfin et réglé dans sa conduite.
Dans une lettre, tout à côté d’une belle phrase sincère sur la Providence, il mentionnera Hexameron rustique de La Mothe-Le-Vayer avec ses obscénités : « Sed omnia sana sanis. » ajoute-t-il tout aussitôt, et le voilà satisfait. […] Il est curieux surtout à entendre parler des poètes et pousseurs de beaux sentiments, qu’il considère assez volontiers comme une espèce à part, sans en faire une classe supérieure. […] Cet idéal de tolérance universelle, d’anarchie paisible et en quelque sorte harmonieuse, dans un État divisé en dix religions comme dans une cité partagée en diverses classes d’artisans, cette belle page de son Commentaire philosophique, il la réalise dans sa république des livres, et, quoiqu’il soit plus aisé de faire s’entre-supporter mutuellement les livres que les hommes, c’est une belle gloire pour lui, comme critique, d’en avoir su tant concilier et tant goûter. […] Son bon sens le sauva, tout jeune, de la superstition littéraire pour les illustres : « J’ai assez de vanité, écrit-il à son frère, pour souhaiter qu’on ne connoisse pas de moi ce que j’en connois, et pour être bien aise qu’à la faveur d’un livre qui fait souvent le plus beau côté d’un auteur, on me croie un grand personnage….. […] Il s’était pris d’admiration et d’émulation pour la belle invention des journaux par M. de Sallo, pour ceux que continuait de donner à Paris M. l’abbé de La Roque, pour les Actes des Érudits de Leipsick.
Le sentiment du beau intellectuel, alors même qu’il s’applique aux objets de littérature, doit inspirer de la répugnance pour tout ce qui est vil et féroce ; et cette aversion involontaire est une garantie presque aussi sûre que les principes réfléchis. […] Quelles belles formes d’indignation la haine du crime n’a-t-elle pas fait découvrir à l’éloquence ? […] Les poètes, les moralistes caractérisent d’avance la nature des belles actions ; l’étude des lettres met une nation en état de récompenser ses grands hommes, en l’instruisant à les juger selon leur valeur relative. […] Les grands hommes de la première antiquité, s’ils étaient calomniés pendant leur vie, n’avaient de ressource qu’en eux-mêmes ; mais, pour nous, c’est le Phédon de Socrate, ce sont les plus beaux chefs-d’œuvre de l’éloquence qui soutiennent notre âme dans les revers. […] La méthode de définir tous les termes, et de substituer sans cesse la définition à la place du défini, est belle, mais impraticable ; car comment éviter le cercle ?
De grands seigneurs retirés, de belles dames oisives s’amusent à démêler les nuances des termes pour en composer des maximes, des définitions et des portraits. […] Chez lui la forme est plus belle que le fonds n’est riche, et l’impression originale, qui est la source vive, perd, dans les canaux réguliers où on l’enferme, sa force, sa profondeur et ses bouillonnements. […] Éloquence, art, situations, beaux vers, tout y est, excepté des hommes ; les personnages ne sont que des mannequins bien appris, et le plus souvent des trompettes par lesquels l’auteur lance au public ses déclamations. […] Ceux-ci ont beau se dire sectateurs de Bacon et rejeter les idées innées ; avec un autre point de départ que les cartésiens, ils marchent dans la même voie, et, comme les cartésiens, après un léger emprunt, ils laissent là l’expérience. […] Dans le plus beau roman du dix-septième siècle, la Princesse de Clèves, le nombre des mots est réduit au minimum Le Dictionnaire de l’ancienne Académie française contient 29 712 mots ; le Thesaurus grec de H.
Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, héritier d’un nom si beau, qu’il devait rendre plus beau par sa vie et sacré par sa mort, était né le 6 décembre 1721. […] Il semblait qu’en se retirant alors comme il fit, en se consacrant uniquement désormais aux soins de l’agriculture dans ses beaux jardins de Malesherbes, ce noble et digne vieillard de près de soixante-dix ans avait clos définitivement sa carrière. […] Fréron aurait en tout ceci un trop beau rôle, si je n’ajoutais que, vers la fin de sa lettre, son amour-propre prenait le dessus et s’exaltait jusqu’à dire : Je crois que je m’y connais un peu, monsieur ; je sais ce qu’ils valent, et je sens ce que je vaux. […] Cette reconnaissance, au reste, a porté bonheur à Rousseau, qui n’a rien écrit de plus beau que les Quatre lettres à Monsieur de Malesherbes. […] Il était négligé dans sa forme, rond dans sa tournure, et avait quelque chose de l’homme de campagne. — « M. de Malesherbes, lui disait Louis XVI, vous et moi avons ici le ridicule de tenir aux mœurs du vieux temps ; mais ce ridicule ne vaut-il pas mieux que les beaux airs d’aujourd’hui ?
Ces roideurs de style, ces passages qui sentent l’huile dans son beau livre, auraient disparu. […] Sous cet abri puissant, les lettres sont libres dans leur sphère : les idées générales, immortel héritage du genre humain, se revêtent de la majesté d’un beau et simple langage : toute vérité peut se faire jour, si elle demeure en dehors d’une application immédiate. […] Quoi de plus beau pour l’écrivain que de dépendre de lui seul de s’enrichir par son travail ; de voir l’approbation publique, comme un suffrage universel, lui apporter franc par franc sa célébrité, et le profit s’identifier avec la gloire ? […] Il leur demande non d’être justes, mais d’être frappantes ; non d’exprimer une vérité, mais de produire une belle page. […] Le beau, le juste, le vrai sont les aspects différents d’une seule et même chose, les faces diverses d’une même pyramide ; elles semblent éloignées à la base, elles se réunissent au sommet.
Pourquoi, parmi tant de souvenirs de l’Iliade repris et entraînés dans les flots du poëte thébain, n’a-t-il pas cité, du moins en preuve de l’unité d’Homère, un des plus beaux témoignages qui aient été jamais rendus par le génie à sa propre puissance, pour flétrir l’injustice et faire durer la gloire ? […] « Héritières des eaux du Céphise, qui habitez la terre des beaux coursiers, ô Grâces, reines toujours célébrées de la brillante Orchomène, protectrices des antiques Minyens, écoutez, lorsque je prie. […] Il en reçut, non l’âme poétique qui ne se donne pas, mais de belles parures de langage, quelques grains d’or pur, qu’il étendit en feuilles minces et brillantes dans le tissu de sa diction laborieuse. […] Par-là, et non pas seulement par de belles formes d’imagination, le poëte de Dircé s’élève ; il est lui-même un prêtre et, selon toute apparence, le prêtre du culte plus épuré que, sous la forme mythologique, la raison commençait à démêler, à travers les traditions confuses et les nombreux symboles du polythéisme. […] C’est déjà la pleine lumière de ce bel âge de la Grèce qui commence à Eschyle et que couronne Platon, âge où le sublime, soit de la passion, soit même de la réflexion, a toujours la forme et l’accent de la poésie.
Et puis, cette prompte et facile consolatrice, la jeunesse, lui tenait lieu de tout ; nul n’était fait pour en jouir mieux que lui ; tous les contemporains nous ont parlé des avantages de sa personne et des agréments de sa figure : « Je me souviens toujours de vos grâces, de votre belle physionomie, de votre esprit », lui écrivait Voltaire après des années. Duclos, son ami, l’un de ceux qui ont le mieux parlé de lui, et dont la brusquerie habituelle s’est adoucie pour le peindre, a dit : « De la naissance, une figure aimable, une physionomie de candeur, beaucoup d’esprit, d’agrément, un jugement sain et un caractère sûr, le firent rechercher par toutes les sociétés ; il y vivait agréablement. » Marmontel enfin, moins agréable cette fois que Duclos, et avec moins de nuances, nous dit : « L’abbé de Bernis, échappé du séminaire de Saint-Sulpice, où il avait mal réussi, était un poète galant, bien joufflu, bien frais, bien poupin, et qui, avec le Gentil-Bernard, amusait de ses jolis vers les joyeux soupers de Paris. » Cette figure ronde et pleine, cette belle mine rebondie et à triple menton, qui frappe dans les portraits de Bernis vieilli, il la prit d’assez bonne heure : mais d’abord il s’y mêlait quelque chose d’enfantin et de délicat ; et toujours, jusqu’à la fin, le profil gardera de la distinction et de l’élégance : le front et l’œil sont très beaux. […] Bernis y avait mis, plus encore que d’habitude, une profusion de fleurs, de bouquets, de guirlandes ; et là-dessus Voltaire l’appelait, en s’adressant à lui-même, la belle Babet, ou, en parlant à d’autres, la grosse Babet : c’était alors une bouquetière en vogue, une marchande de quatre saisons. […] On dit que ce cardinal était l’homme du monde le plus aimable, qu’il aima la littérature toute sa vie, qu’elle augmenta ses plaisirs ainsi que sa considération, et qu’elle adoucit ses chagrins, s’il en eut… Puis, d’autres fois, il revient sur les souvenirs de Babet « qui remplissait son beau panier de cette profusion de fleurs » ; il joue, il badine, il retourne la critique en éloge. […] On veut trop faire fortune aujourd’hui, et on craint trop de la perdre quand on l’a faite : c’est le mal général qui afflige aujourd’hui l’Europe ; car, Dieu merci, on a beau dire, nous ne sommes pas les seuls qui méritions des reproches.
Mais par cela même que Chapelain vécut et se survécut, il vint un moment sous Louis XIV, et à la plus belle heure, où l’on aurait pu noter au sein de l’Académie un esprit légèrement arriéré. […] Il me mit entre les mains des mémoires faits par lui-même, pour le plan qu’il m’ordonna de lui dresser, de ce magnifique et rare collège qu’il méditait pour les belles sciences, et dans lequel il avait dessein d’employer tout ce qu’il y avait de plus éclatant pour la littérature dans l’Europe. […] Déjà Voiture était comme cela : homme du monde et de Cour, délicat à l’excès et dégoûté, un peu dédaigneux des gens de lettres, il craignait apparemment de s’ennuyer parmi eux ou de retomber en bourgeoisie, et il restait dans ses belles et fines sociétés. […] On a noté, d’après les Mémoires de Perrault, le moment où les séances de l’Académie devinrent publiques pour le beau monde, pour la fleur des courtisans, dans la salle du Louvre ; ce fut Fléchier qui inaugura le compliment ou discours de réception débité solennellement devant un cercle choisi (1673). […] Patin rappelle la belle préface que Vaugelas a mise en tête de ses Remarques ; et par ce côté l’Académie se montre fidèle, en l’étendant plutôt qu’en la restreignant, à sa mission première.
L’amour des Lettres, aux âges de belle culture, suppose loisir, curiosité et désintéressement ; il suppose aussi une latitude de goût et même de caprice, une liberté d’aller en tous sens. […] Mignet, dans une de ces belles Notices dont il enrichit annuellement les fastes de l’Académie dont il est le secrétaire perpétuel, avait modelé, en quelque sorte, la figure de Sismondi et inauguré son buste6. […] S’il croit apercevoir chez nous, vers la fin de sa vie (1842), corruption et décadence, il s’en attriste ; il a beau être redevenu Genevois ou cosmopolite, la France, à ses yeux, est comme le cœur de l’humanité. […] Sismondi, en effet, aura beau écrire plus tard bien des pages. […] J’y distingue trois beaux morceaux, trois paysages : l’un intitulé les Champs ; l’autre, la Beauté des collines ; et le troisième, Description d’une petite métairie.
Il ne saurait y avoir excès dans ce que nous donne et nous donnera en tous ces genres divers le curieux par excellence, le possesseur du plus beau et du plus riche cabinet particulier qui se puisse voir. […] Il la remplit donc étant âgé de 48 à 52 ans (1581-1585) : « C’est une charge qui doit sembler d’autant plus belle, dit-il, qu’elle n’a ni loyer ni gain autre que l’honneur de son exécution. […] Ici, on va le voir, finit son beau rôle, et il est à regretter pour lui que son temps de mairie n’ait pas expiré en cet été de 1585, vers ce mois de juin : il sortait de l’exercice de sa charge avec tous les honneurs de la guerre. Mais la suite et la fin sont un peu moins belles, quoique je ne voie pas que personne, en ce temps-là, lui en ait fait un sujet formel de reproche. […] Il y a un beau mot de Mirabeau : « Tout homme de courage devient un homme public le jour des fléaux. » Montaigne, homme public, n’a pas fait ni senti qu’il devait faire ce qu’eût fait un Mirabeau et d’autres, qui, dans l’habitude, valaient moins que lui.
Fromentin, agréable et attachant à lire d’un bout à l’autre, mérite qu’on le reprenne avec réflexion : il nous offre, dans la suite des peintures variées qui s’y succèdent, une belle image du talent et aussi une application de la théorie de l’auteur ; il nous livre le résultat excellent de sa manière, en même temps qu’il nous dévoile sa pensée particulière sur l’art. […] Autant vaut donc ne pas parler de couleur et déclarer que c’est très beau ; libre à ceux qui n’ont pas vu Boghari d’en fixer le ton d’après la préférence de leur esprit. » Je remarque à la fois chez le peintre écrivain et sa répugnance à employer un ton cru, et son autre répugnance à créer ou à introduire un nom technique pour un ton nouveau : l’indice du procédé et du scrupule de M. […] C’est ainsi encore qu’en plein désert, durant une nuit caniculaire, il dira : « L’heure était si belle, la nuit si tranquille, un si calmant éclat descendait des étoiles, il y avait tant de bien-être à se sentir vivre et penser dans un tel accord de sensations et de rêves, que je ne me rappelle pas avoir été plus satisfait de ma vie… » Un si calmant éclat, voilà encore un effet moral qui devient une nuance pittoresque, et la beauté du son, sa largeur, s’y joint pour compléter l’impression. […] Et pourtant un beau tableau d’intérieur, la vue prolongée d’une mosquée ou d’un harem ferait pardonner bien des indiscrétions. […] Voir dans la Gazette des Beaux-Arts (année 1859, tome II, page 293) une belle gravure de ce tableau par Piaud, d’après un dessin d’Ed.
Laissons donc vite l’introducteur qui aurait eu si beau jeu pourtant à publier modestement, correctement, cette cinquantaine de lettres, imprimées qu’elles sont d’ailleurs avec le luxe typographique qui distingue les presses de M. Plon, et ornées en tête d’un très beau portrait de Collé. […] C’est trop le livrer en déshabillé vraiment ; c’est donner trop beau jeu à cette disposition habituelle où sont les critiques de tous les temps, et surtout ceux du nôtre, de se mettre au-dessus des auteurs et de le prendre de haut avec ceux qu’on juge. […] Ce ne sont pas là les beaux côtés ni les côtés amusants de Collé. […] Le beau plaisir de faire dire au lecteur en finissant : « Décidément, le bonhomme Collé bat la breloque !
On sait le motif de presque toutes les hostilités et les antipathies d’alors : c’est que Boileau n’était pas sensible ; on invoquait là-dessus certaine anecdote, plus que suspecte, insérée à l’Année littéraire, et reproduite par Helvétius ; et comme au dix-huitième siècle le sentiment se mêlait à tout, à une description de Saint-Lambert, à un conte de Crébillon fils, ou à l’histoire philosophique des Deux-Indes, les belles dames, les philosophes et les géomètres avaient pris Boileau en grande aversion2. […] Vous aurez fait de beaux et légitimes raisonnements sur les races ou les époques prosaïques ; mais il plaira à Dieu que Pindare sorte un jour de Béotie, ou qu’un autre jour André Chénier naisse et meure au xviiie siècle. […] Et lorsque dans leurs idées de réforme, ils ont décidé de revenir à l’antiquité grecque et romaine, toujours fidèles à cette logique incomplète du bon sens qui n’ose pousser au bout des choses, ils se tiennent aux Romains de préférence aux Grecs ; et le siècle d’Auguste leur présente au premier aspect le type absolu du beau. […] Le beau bouquet d’arbres qui en couronnait le bassin a été abattu il y a peu d’années. […] La métaphore, je suis venu à le reconnaître, n’a pas besoin, pour être légitime et belle, d’être si complètement armée de pied en cap ; elle n’a pas besoin d’une rigueur matérielle si soutenue jusque dans le moindre détail.
Ma sœur, qu’ils étaient beaux, les jours De France ! […] XXXVIII Une femme jeune, belle, malheureuse, proscrite dans sa famille, s’empara alors de sa vie. […] Joubert avant de mourir, comme une harpe éolienne qui rend quelques beaux sons, et qui n’exécute aucun air. » C’était triste et vrai. […] Madame de Beaumont invita Chateaubriand à venir à Passy pendant la belle saison. […] Si le christianisme est l’allégorie du mouvement des sphères, la géométrie des astres, les esprits forts ont beau faire, malgré eux ils ont encore laissé assez de grandeur à son culte !
Car, au contraire, plusieurs des pages qu’il a écrites (les plus nombreuses peut-être) sont surtout remarquables par la vigueur virile et la belle lucidité d’une intelligence proprement philosophique. […] L’Académie a beau l’honorer publiquement : cela n’empêche point les plus aventureux parmi les plus jeunes écrivains, et ceux du cerveau le plus trouble, symbolistes, esthètes, wagnériens et mallarmistes d’être pour lui pleins d’égards, de le considérer comme un maître. […] C’est un beau scrupule de critique. […] Il a un faible très marqué pour les belles étrangères qui passent l’hiver à Paris. […] Bourget et l’un des plus beaux romans qu’on ait écrits dans ces vingt dernières années ; car je n’en vois point où l’on rencontre à la fois tant de force d’analyse et tant d’émotion, ni qui présente aux plus distingués d’entre nous un plus fidèle miroir de leur âme.
Mitscherlich, et vous arrivâtes à votre belle théorie de la dissymétrie moléculaire. […] Pour moi, quand on nie ces dogmes fondamentaux, j’ai envie d’y croire ; quand on les affirme autrement qu’en beaux vers, je suis pris d’un, doute invincible. […] On prend à cet égard les plus belles résolutions de sobriété intellectuelle, et on ne les tient pas. […] Permettez-moi de vous rappeler votre belle découverte de l’acide droit et de l’acide gauche. […] La fin d’une si belle vie aurait dû être calme, douce et consolée.
Prométhée, voulant tromper Zeus, tue un bœuf et le dépèce en deux parts : d’un côté, les chairs et les entrailles qu’il enveloppe sous la peau de l’animal écorché, de l’autre, les os qu’il recouvre d’une belle couche de graisse succulente. […] Il ordonna à Héphestos de la pétrir avec de la terre et de l’eau, à l’image des plus belles déesses. […] Quand la Femme fut accomplie, les dieux s’étonnèrent de leur œuvre, ils n’avaient pas cru si bien faire. — « L’admiration les saisit dès qu’ils eurent vu cette belle calamité. […] Le génie plastique de la Grèce se révèle, dès son origine, par ces beaux symboles. […] Zeus laissa faire et ferma les yeux, — « Ce ne fut pas contre sa volonté », — dit Hésiode — « que le fils robuste d’Alcmène aux beaux pieds délivra le fils de Japet, mais afin que la gloire d’Hercule, né dans Thèbes, fût encore plus grande sur la terre nourricière.
Voltaire, qui avait peint le siècle de Louis XIV avec tant de talent et de charme, mais en beau, et qui fut averti des contradictions que l’autorité de Saint-Simon pouvait lui susciter un jour, avait conçu le dessein de réfuter quelques parties de ces Mémoires. […] Il a beau être passionné, il sent bien à quel point la charité peut sembler incompatible avec la vue réelle et l’exposé inexorable de la nature humaine et des choses de l’histoire envisagées, comme il fait, par le revers de la tapisserie : « Une innocente ignorance, se demande-t-il, n’est-elle pas préférable à une instruction si éloignée de la charité ? […] Le stoïque est une belle et noble chimère. […] La seconde scène, qui signale en quelque sorte le plus beau jour de la vie de Saint-Simon, sera celle du lit de justice, où fut consommée sous la Régence la dégradation du duc du Maine et la ruine légale des bâtards légitimés. […] Il était mal avec Monseigneur et avec ses entours ; aussi cette nouvelle soudaine du danger où se trouvait le malade lui fut tout d’abord des plus agréables ; il le confesse sans hypocrisie : « Je passai, dit-il, la journée dans un mouvement vague de flux et de reflux, tenant l’honnête homme et le chrétien en garde contre l’homme et le courtisan. » Mais il a beau faire et se tenir de son mieux, l’homme naturel l’emporte, et il se laisse aller à des espérances riantes d’avenir ; car il était très bien avec la petite cour du duc de Bourgogne, lequel, par la mort de son père, se trouvait ainsi à la veille de régner.
Michaud dans les beaux jours de La Quotidienne : « Eh bien ! […] Quand on lit ce bel ouvrage de Bossuet, on est à l’instant comme un voyageur qui se sent porté sur un grand fleuve aux ondes pleines, majestueuses et sonores sous le soleil. […] Le plus sûr et le plus commode pour juger des belles parties de Bonald, c’est de briser, de secouer en quelque sorte son réseau, et de ne voir que les pensées mêmes qui s’en détachent. […] Il a, sur la corruption du goût et sur les rapports du talent et des mœurs, des conseils sobres et sains, qui rappellent Vauvenargues : Le beau en tout est toujours sévère. […] Nous ne nous sommes jamais vus ; mais je le regarde comme un de nos plus beaux génies, et m’honore de l’amitié qu’il m’accordait, et de la conformité de nos opinions.
On voit luire dans cette correspondance mutuelle comme un éclair d’une de ces amitiés à la Platon, faites pour unir ceux qu’anime un même culte du beau et du vrai. […] Wolff dit sans contredit de belles et bonnes choses, mais on peut pourtant le combattre, et, dès que nous remontons aux premiers principes, il ne nous reste qu’à avouer notre ignorance. […] Le 13 avril, c’est-à-dire six semaines auparavant, Frédéric écrivait à M. de Suhm ces belles paroles : Vous pouvez bien juger que je suis assez tracassé dans la situation où je me trouve. […] Cinq jours avant sa mort, il adressa à Frédéric une admirable lettre qui peint l’une des plus belles âmes qui aient passé sur la terre, et qui couronne dignement cette idéale amitié. […] Elle mérite de nous arrêter encore ; je n’ai fait que l’effleurer cette fois ; je continuerai à la faire connaître par extraits et à y dégager les belles parties, celles surtout qui sont propres à caractériser en lui l’ami sincère.
Il est resté le caméléon singulier qui prend toutes nos couleurs et nous les renvoie, mais qui a parfois l’heureux privilège de les concentrer, de les épurer, de les faire plus belles, en nous les renvoyant ! […] Pour nous, la vérité n’est certainement pas du même côté que pour elle ; mais les protestants ont encore de beaux fragments de ce que, hélas ! […] Ainsi, dans sa nouvelle intitulée l’Hégélien, la protestante s’échappe dans l’exhibition de la Bible qu’elle donne à ce beau capitaine, — rouge d’idées comme de barbe, — qui n’a plus que la religion de M. […] Seulement, même pour nous catholiques, ce qu’elle dit est puissant et beau ! Pour ma part, j’ai vu peu de choses sentimentalement aussi belles, J’ai peu vu de ces langages, inouïs d’ardeur, de mouvement, d’aspiration, d’expression inspirée, poignante, navrée ou héroïque dans la douleur et dans l’amour ; j’en ai peu vu de pareils, même dans les livres, religieux ou profanes, qui passent pour les plus passionnés, pour les plus chauffés au feu des brûlantes larmes humaines.
Par exemple, dans ce livre de l’Homme, que voici, il se tire très bien d’une foule de pages que je trouve fort belles. Je ne chicane pas sur le mot : belles de tout point, — de substance, d’émotion, de poésie, de vérité, d’éclair. […] … Et pourtant, je l’affirme, rien de plus beau, à quelque point de vue qu’on se mette. Si on a la foi de l’écrivain qui a tracé ces pages, il n’est pas étonnant que ce soit beau, mais si, sans avoir la foi, on a seulement le sentiment poétique et l’imagination grandiose, on admirera certainement encore, et peut-être regrettera-t-on de ne pas croire à ce qui est si beau ! […] D’ailleurs, il n’y a de vraiment beau que les livres braves.
Le lieu d’abord est décrit : entre deux monts, en une plaine, Renart qui, en marchant, a une rivière à sa droite, aperçoit un très beau lieu dans la prairie, de l’autre côté de l’eau ; il y voit un hêtre dont l’aspect lui fait envie ; il traverse l’eau et se dirige vers l’arbre, tourne autour en dansant, puis s’étend sur l’herbe fraîche. […] vous chantez mieux que vous ne faisiez ; et, si vous vouliez, vous iriez encore un degré plus haut. » Et Tiècelin, à qui est venu l’amour-propre de chanteur, commence à crier de plus belle. […] Ce que le trouvère n’a pas cherché, mais ce qui ne laisse pas de frapper encore et d’émouvoir, le combat continuant, c’est le contraste du lieu riant et frais et de la mêlée si lourde et si sanglante : « Dedans un très beau pré, sur une douce pente, à mi-voie de Josselin et du château de Ploërmel, au chêne que l’on appelle de la mi-voie, le long d’une geneslaie qui était verte et belle… » Il y a là un sentiment comme involontaire de nature, un souvenir circonstancié de la terre de la patrie, qui ajoute à l’effet simple et grandiose. — Si le poète y a pensé, ce n’est pas pour y voir un contraste, mais plutôt pour y noter un accord entre cette belle nature chérie et ce beau fait d’armes glorieux : son patriotisme marie tout cela.
Sa longue et studieuse vieillesse, l’emploi actif, constant, animé, ingénieux, qu’il fit jusqu’à la fin de ses facultés excellentes, achevèrent de mettre tant d’heureuses qualités dans leur plus beau jour, et lui ont justement mérité le titre qui lui a été décerné de vieillard illustre. […] Biot, rétabli, se retrouve peu après en qualité d’élève, et des plus zélés, à l’École polytechnique, une belle fondation de la Convention délivrée, et qui, avec l’établissement de l’École normale, honore à jamais le génie de cette première époque restauratrice, où l’esprit humain revenu à peine d’une terrible oppression n’avait pourtant rien perdu encore, comme cela se vit plus tard, de sa hardiesse et de sa grandeur. […] Biot, de belles pages et dignes d’être recueillies textuellement par l’histoire ; celle-ci, par exemple : « La France touchait à sa perte ; Landrecies, le Quesnoy, Condé, Valenciennes, étaient au pouvoir de l’ennemi ; Toulon s’était livré aux Anglais : des flottes nombreuses tenaient la mer et effectuaient des débarquements. […] Ainsi se vérifia cette assertion hardie d’un membre du Comité de salut public : « On montrera la terre salpêtrée, et cinq jours après on en chargera le canon. » Certes, de telles pages, si fermes, si continues, et où la précision s’allie au mouvement, ne font pas tort à la verte jeunesse de celui dont nous avons si longtemps goûté les beaux, exacts et un peu froids articles dans le Journal des Savants. […] Biot déclare ne pas comprendre est belle dans son vague.
Montausier qui, sous ses vertus de Caton et sous le manteau de duc et pair, avait un arrière-fond de pédant et une dureté de cuistre, eut beau déployer et briser sur son élève le fouet et la férule, — Bossuet, qui assistait aux coups sans mot dire, eut beau écrire pour lui les traités les plus relevés et les plus magnifiques discours, — au lieu de le stimuler par aucun moyen, on n’était parvenu qu’à l’assommer et à le rebuter, pour le reste de sa vie, de toute noble application de la pensée. […] Il faut lire encore la Médaille, c’est-à-dire le beau côté et son revers : non plus une simple copie d’après nature, mais une invention ingénieuse de cette imagination charmante et souple qui savait prendre toutes les formes pour s’insinuer et persuader. […] Or, voici la description : « D’un côté, cette médaille, qui est fort grande ; représente un enfant d’une figure très belle et très noble : on voit Pallas qui le couvre de son égide ; en même temps les-trois Grâces sèment son chemin de fleurs ; Apollon, suivi des Muses, lui offre sa lyre : Vénus paraît en l’air dans son char attelé de colombes, qui laisse tomber sur lui sa ceinture ; la Victoire lui montre d’une main un char de triomphe, et de l’autre lui présente une couronne. Les paroles sont prises d’Horace : Non sine Dis animosus infans (Enfant plein de courage, et non déshérité des Dieux). » Voilà le beau côté ; on sourit, on croit déjà reconnaître une allusion flatteuse ; l’amour-propre est prompt à deviner ce qui le chatouille et déjà disposé à s’épanouir ; mais toute médaille a son revers ; « Le revers est bien différent. […] Il y a une troupe de Satyres impudents et moqueurs, qui font les postures les plus bizarres, qui rient, et qui montrent du doigt la queue d’un poisson monstrueux, par où finit le corps de ce bel enfant.
Cet être puéril et grossier ne cessa ainsi, durant des années, d’entretenir cette jeune fille, belle, fière, supérieure, et qui, de nom du moins, était sa femme, des sottes et grotesques amourettes qu’il entamait à droite et à gauche avec les femmes les plus laides et les plus indignes, lesquelles, de leur côté, le méprisaient encore, comme le firent, au reste, et comme en avaient apparemment le droit, toutes celles à qui il eut affaire dans sa vie. […] Il est bon de savoir que l’Impératrice Élisabeth était très-bien en homme ; elle était ce qu’on peut appeler la plus belle jambe de son empire ; elle dansait en perfection, et il était naturel dès lors quelle se plût à donner des bals masqués où tous les hommes étaient en habits de femme, toutes les femmes en habits d’homme. […] Je me souviens qu’un jour, à une de ces mascarades publiques, ayant appris que tout le monde se faisait faire des habits neufs, et les plus beaux du monde, désespérant de pouvoir surpasser les autres femmes, je m’avisai de mettre un corps couvert de gros de Tours blanc (j’avais alors la taille très-fine), une jupe de même sur un très-petit panier ; je fis accommoder mes cheveux de derrière la tète, qui étaient fort longs, très-épais et fort beaux ; je les fis nouer avec un ruban blanc en queue de renard ; je mis sur mes cheveux une seule rose avec son bouton et ses feuilles, qui imitait le naturel à pouvoir s’y tromper, une autre je l’attachai à mont corset ; je mis au cou une fraise de gaze fort blanche, des manchettes et un tablier de la même gaze, et je m’en allai au bal. […] Je ne me souviens pas de ma vie d’avoir entendu autant de louanges de tout le monde que ce jour-là : on me disait belle comme le jour et d’un éclat singulier. A dire la vérité, je ne me suis jamais crue extrêmement belle, mais je plaisais, et je pense que cela était mon fort.
Ce beau volume, chef-d’œuvre de typographie, qui s’offre à nous encadré, illustré d’ornements en tête et à la fin des chapitres, parsemé d’images sur bois figurant les Évangélistes ou les scènes des Évangiles, a cela de remarquable qu’il a été composé et imprimé en très peu de temps ; on avait dit qu’on n’irait pas à l’Exposition de Londres, que l’Imprimerie Impériale n’y serait pas représentée cette fois. […] La vue de ce beau livre m’a tenté, et je me suis mis à relire, — oui, à relire d’un bout à l’autre, non pas les quatre Évangiles, je mentirais, mais le premier des Évangiles, celui qui est dit selon saint Matthieu ; et les idées qu’a fait naître en moi cette lecture sont telles, que je crois pouvoir les communiquer à mes lecteurs sans inconvénient ni scandale pour aucun. […] Mais tout cela, exemples ou préceptes, tout ce qui, chez les Anciens, fait de la très belle morale sociale et philosophique n’est pas le christianisme même vu à sa source, et dans son esprit et dans sa racine. […] considérez comment croissent les lis des champs… etc. » Nous savons tous dès l’enfance ces belles paroles, nous sommes nourris de ces innocentes et virginales images ; l’idée pourtant qui y est exprimée ou plutôt touchée si légèrement, le conseil qui y est donné d’un air si aisé et d’un si engageant appel, n’est pas seulement un renchérissement sur la nature, c’est plutôt un renversement de cette nature humaine tout égoïste et du sens commun ordinaire, en vue d’une idéale et surnaturelle perfection. […] Il est beau, d’ailleurs, d’être un de ces artistes délicats dont on peut dire : Et toujours mécontent de ce qu’il vient de faire, Il plaît à tout le monde et ne saurait se plaire.
Quinet dont nous parlerons tout à l’heure, appartient comme lui à cette génération infatigable et généreuse, pure, avide d’espérance, insatiable de beaux désirs, de laquelle lui-même il a dit en un endroit : Toute une nation puissante qui s’éprend Pour le bien, pour le bon, pour le beau, pour le grand ; Et toute une jeunesse ardente et sérieuse, Qui pâlit de travail, et, les larmes aux yeux, Cherchant son avenir, au plus profond des cieux Suit l’étoile mystérieuse. […] Cette comparaison doit donner de la modestie aux poëtes qui réussissent, à l’égard de leurs généreux frères qui échouent ; mais elle doit donner aussi à penser à ces derniers : dans les arts, dans la poésie, rien ne dure, rien n’est véritablement beau, sans la qualité de finesse. […] on a beau dire que ces années sont des siècles : nous tous, gens de trente ans, nous l’avons vu. […] Quinet a plus d’un beau mouvement cornélien, comme quand il dit : Deux mondes sont ici, qu’en tout je vois paraître ; Ou Brutus, ou César, lequel vaut-il mieux être ? […] Il a rendu à merveille son patriotique regret dans le beau chant d’invective appelé Aiguillon.
Diana Vernon à cheval, franchissant les barrières et se perdant dans le taillis ; Juliette au balcon tendant les bras à Roméo ; l’ingénue Agnès à son balcon aussi, et rendant à son amant salut pour salut du matin au soir ; la moqueuse Suzanne et la belle comtesse habillant le page ; que sais-je ? […] Différaient-elles beaucoup de l’Élégie à la voix gémissante ; Au ris mêlé de pleurs, aux longs cheveux épars, Belle, levant au ciel ses humides regards ? […] Un de nos amis les plus chers, qui, pour être romantique, à ce qu’on dit, n’en garde pas moins à Racine un respect profond et un sincère amour, a essayé de retracer l’état intérieur de cette belle âme dans une pièce de vers qu’il ne nous est pas permis de louer, mais que nous insérons ici comme achevant de mettre en lumière notre point de vue critique. […] Talma, qui, dans ses dernières années, en était venu à donner à ses rôles, surtout à ceux que lui fournissait Corneille, une simplicité d’action, une familiarité saisissante et sublime, l’aurait vainement essayé pour les héros de Racine ; il eût même été coupable de briser la déclamation soutenue de leur discours, et de ramener à la causerie ce beau vers un peu chanté. […] Il était doux, fleuri, agréablement subtil, épris des antiques chimères, doué des signes gracieux de l’avenir ; et sa prose, encor qu’un peu traînante, ne ressemblait pas mal à ces beaux vieillards divins dont il nous parle souvent, à longue barbe plus blanche que la neige, et qui, soutenus d’un bâton d’ivoire, s’acheminaient lentement au milieu des bocages vers un temple du plus pur marbre de Paros.
Le poëte a beau se démener, se commander l’enthousiasme, se provoquer au délire, il en est pour ses frais, et l’on rit de l’entendre, à la mort du prince de Conti, s’écrier dans le pindarisme de ses regrets : Peuples, dont la douleur aux larmes obstinée, De ce prince chéri déplore le trépas, Approchez, et voyez quelle est la destinée Des grandeurs d’ici-bas. […] Les cantates de Rousseau jouissent encore d’une certaine réputation ; celle de Circé, en particulier, passe pour un beau morceau de poésie musicale. […] C’est que ce brillant et ce beau appartiennent tantôt à Platon, tantôt à Pindare, tantôt même à Boileau et à Racine : Rousseau s’en est emparé comme un rhétoricien fait d’une bonne expression qu’il place à toute force dans le prochain discours. […] Son style a de la gravité, quelque noblesse, mais peu d’images, peu de consistance, nulle originalité ; il y a de beaux traits, mais ils sont pris. […] La plus belle ode que l’on doive à J.