Combien, dit Tertullien dans son traité contre les spectacles, un pantomime est-il obligé de souffrir de maux dans son corps, afin qu’il puisse devenir un comédien ?
Le premier joug qu’ils souffrent qu’on leur impose, ou plutôt qu’ils s’imposent eux-mêmes, c’est de se borner à être les copistes plutôt que les rivaux des auteurs qu’ils traduisent.
Vous souffrez volontiers que certains hommes conservent un culte de vénération pour vingt-cinq ans de notre histoire, parce qu’eux ont été plus ou moins mêlés aux événements de cette époque récente, parce qu’ils en ont plus ou moins adopté les résultats ; et vous vous irritez de ce que certains autres hommes, plus religieux dépositaires des mœurs anciennes, des vieilles habitudes, des illustrations consacrées par les siècles, se retirent quelquefois dans le silence de leurs foyers pour brûler un grain d’encens aux pieds de leurs premiers dieux domestiques, qui, après tout, furent assez longtemps les dieux de la patrie.
Maurras seraient bien capables d’en écrire la magie, comme Chateaubriand dans son génie du christianisme (Stendhal ne pouvait le souffrir) a écrit une cristallisation, une Magie de la religion.
En parlant des maux, ne vous attendrirez-vous pas sur ceux qui les ont soufferts ?
Je n’aurais pas souffert cela dans le feu de la jeunesse, sous le consulat de Plancus190. » Le poëte était-il vrai tout à l’heure, dans sa triomphale apothéose du vainqueur de l’Espagne ?
À onze ans il perdit sa mère. « Je crois, disait-il à Berthe Vadier sur la fin de sa vie, que, si mon père avait vécu, j’aurais eu beaucoup à souffrir de lui. […] On devrait même, un moment, prendre en bloc cette génération genevoise qui eut ses vingt ans entre 1835 et 1848, et qui, née dans les premières années de la liberté et de l’union à la Suisse, n’avait pas souffert pour cette liberté, mais la recevait en héritage et se disait : « Qu’en ferons-nous ? […] Dans leurs lettres de jeunesse, peu ou point de la blague et de la gaieté familières à cet âge. « L’ironie a de bonne heure atteint mon enfance. » Il en souffrait et s’en gardait. […] De tout cela Amiel souffrit très fort. […] — J’ai souffert à Genève, et je m’y suis crétinisé. — On a écrasé ma plume, bâillonné ma lèvre, tranché ma veine, tari ma joie, éteint ma flamme, brisé mon grand ressort. » Briser un grand ressort est évidemment ce qu’on attend le moins d’un Genevois.
Tout ce luxe de paternité ne lui rapporte qu’ingratitude : il en souffre, mais comme en souffrirait un chien ou une bête de somme qu’on laisserait dans l’abandon. […] Ces deux sens n’en font plus qu’un pour souffrir de la même douleur, et c’est un hommage rendu par le poëte à la sainteté du rôle de père, que Triboulet, plongé dans le cynisme et l’opprobre, se purifie et se relève du moment qu’il a sa fille à défendre. […] Vous êtes malheureux, vous souffrez et vous le dites avec ce paroxysme de franchise qui persuade et qui désarme. […] Le paysan souffre encore ; le petit acquéreur a encore sujet d’envier le grand propriétaire. […] Les hommes ont faibli : l’Église a souffert de leurs égarements et gémi de leurs fautes ; mais elle a prévalu, et sa force surnaturelle, qui s’était révélée en grandissant dans la persécution, s’affirme en triomphant de la prospérité.
D’autre part, il se délivre de l’ennui, son ennemi capital, et contente son besoin d’action ; le devoir conçu donne un emploi aux facultés et un but à la vie, provoque les associations, les fondations, les prédications, et, rencontrant des âmes et des nerfs plus endurcis, les lance, sans trop les faire souffrir, dans les longues luttes, à travers le ridicule et le danger. […] On n’a jamais vu en Angleterre une plus copieuse et une plus véhémente analyse, une si pénétrante et si infatigable décomposition d’une idée en toutes ses parties, une logique plus puissante, qui enserre plus rigoureusement dans un réseau unique tous les fils d’un même sujet : Quoiqu’il ne puisse arriver à Dieu ni bien ni avantage qui augmente sa félicité naturelle et inaltérable, ni mal ou dommage qui la diminue (car il ne peut être réellement plus ou moins riche, ou glorieux, ou heureux qu’il ne l’est, et nos désirs ou nos craintes, nos plaisirs ou nos peines, nos projets ou nos efforts n’y peuvent rien et n’y contribuent en rien), cependant il a déclaré qu’il y a certains objets et intérêts que par pure bonté et condescendance il affectionne et poursuit comme les siens propres, et comme si effectivement il recevait un avantage de leur bon succès ou souffrait un tort de leur mauvaise issue ; qu’il désire sérieusement certaines choses et s’en réjouit grandement, qu’il désapprouve certaines autres choses et en est grièvement offensé, par exemple qu’il porte une affection paternelle à ses créatures et souhaite sérieusement leur bien-être, et se plaît à les voir jouir des biens qu’il leur a préparés ; que pareillement il est fâché du contraire, qu’il a pitié de leur misère, qu’il s’en afflige, que par conséquent il est très-satisfait lorsque la piété, la paix, l’ordre, la justice, qui sont les principaux moyens de notre bien-être, sont florissants ; qu’il est fâché lorsque l’impiété, l’injustice, la dissension, le désordre, qui sont pour nous des sources certaines de malheur, règnent et dominent ; qu’il est content lorsque nous lui rendons l’obéissance, l’honneur et le respect qui lui sont dus ; qu’il est hautement offensé lorsque notre conduite à son égard est injurieuse et irrévérencieuse par les péchés que nous commettons et par la violation que nous faisons de ses plus justes et plus saints commandements, de sorte que nous ne manquons point de matière suffisante pour témoigner à la fois par nos sentiments et nos actions notre bon vouloir envers lui, et nous nous trouvons capables non-seulement de lui souhaiter du bien, mais encore en quelque façon de lui en faire en concourant avec lui à l’accomplissement des choses qu’il approuve et dont il se réjouit831. […] Je me réjouis que l’Amérique ait résisté ; trois millions d’hommes assez morts à tous les sentiments de liberté pour souffrir volontairement qu’on les fasse esclaves auraient été des instruments convenables pour rendre le reste esclave aussi… L’esprit qui maintenant résiste à vos taxes en Amérique est le même qui autrefois s’est opposé en Angleterre aux dons gratuits, à la taxe des vaisseaux ; c’est le même esprit qui a dressé l’Angleterre sur ses pieds, et par le bill des droits a revendiqué la constitution anglaise ; c’est le même esprit qui a établi ce grand, ce fondamental et essentiel principe de vos libertés, que nul sujet de l’Angleterre ne peut être taxé que de son propre consentement. […] Nous jugeons que ni un homme ni une assemblée d’hommes n’a le droit de dépouiller un homme ni une assemblée d’hommes de ce qui est son bien authentique et son héritage transmis. « Il n’y a pas un personnage public dans ce royaume qui ne réprouve la déshonnête, perfide et cruelle confiscation que votre assemblée nationale a été contrainte d’exercer sur votre Église879. » Nous ne souffrirons jamais que chez nous le domaine établi de la nôtre soit converti en une pension qui la mette dans la dépendance du trésor.
On prétend que la gravité du poëme l’exige ainsi : car c’est peu pour le préjugé de ne pas condamner nettement les pratiques d’Homere : il en fait des regles, et des regles qui ne souffrent pas même d’exception. […] C’est que les bons auteurs nous ont accoûtumés à ne rien souffrir que de sensé. […] Je trouve ensuite que la prose peut s’élever à une grande élégance ; qu’elle peut imiter les hardiesses de la poësie, et conserver avec cela plus de fidélité que les vers n’en souffrent. […] Les auteurs ne leur auroient pas donné cette étendue, s’ils avoient fait attention à deux choses : l’une, que les vers françois veulent être extrêmement soignés, qu’ils ne souffrent rien de forcé ni de languissant ; que tout difficiles qu’ils sont, le lecteur ne tient compte de la difficulté de les bien faire, qu’autant qu’elle est surmontée ; et que par conséquent, il est téméraire de se mettre hors d’état de suffire à cette élégance exacte et continue que les vers exigent, en se surchargeant d’une matiere trop vaste.
Et si vous les aimez, souffrez qu’on rie de vous. […] C’est un homme qui souffre horriblement de la situation fausse où il s’est mis. […] On lui versait un purgatif dans le bouillon qu’on lui offrait, et on riait à se tordre de ses contorsions, quand elle souffrait d’une colique qu’il fallait dissimuler devant le roi. […] Les rayons du soleil vous baisent trop souvent ; Vos cheveux souffrent trop les caresses du vent ; etc. […] pour l’amour du grec, souffrez qu’on vous embrasse.
Né de la tristesse dont souffrait la Pensée, restée si longtemps immobile, confinée en elle-même, il s’émut et rendit au Sentiment ses droits : c’est son vrai mérite et sa réelle action. […] Il va au fond : ce qu’il demande à un poëte c’est la nature des idées qui l’occupent et, s’il aime Shakespeare, c’est que l’auteur d’Hamlet souffre du même sublime mal qui tourmente l’auteur de Faust, c’est qu’ils ont tous deux la passion des causes et que leurs symboles sont beaux surtout d’être les vêtements de la Vérité. […] Il les sent, comme il est lui-même, incapables d’aimer la Vérité, mais comme il souffre de cette impuissance et qu’il est dégoûté de n’être que ce qu’il est ! […] Quoique le dilettante semble goûter de tous les plaisirs également, il souffre plus qu’un autre, ne pouvant choisir. […] Or, en ces jours que voici, héritiers de tant de jours, semble-t-il pas que le génie humain souffre d’un immense désir de s’échapper de lui-même ?
Il n’est point besoin qu’on lui reproche qu’il lui est honteux de souffrir l’entretien de son amant après qu’il a tué son père ; elle avoue que c’est la seule prise que la médisance aura sur elle. […] Et certes, Monseigneur, ce changement visible qu’on remarque en mes ouvrages depuis que j’ai l’honneur d’être à Votre Éminence, qu’est-ce autre chose qu’un effet des grandes idées qu’Elle m’inspire quand Elle daigne souffrir que je Lui rende mes devoirs ? […] En voici un échantillon : Don Garcia Souffrez, Señora, que cette main vous relève, si toutefois je suis digne d’être l’Atlas d’un ciel incomparable. […] Don Garcia C’est que, les intentions étant ce qui donne leur signification aux actes, soit de faveur, soit de dommage, votre main touchée n’est pas une faveur pour moi, si vous l’avez souffert sans l’avoir voulu. […] Mais ce fut après le Cid, Horace, Cinna et Polyeucte, que Rotrou, s’élançant sur les traces de son ami, produisit ses œuvres les plus fortes : entre autres, Saint Genest et Venceslas, où se trouve ce vers, d’un sentiment si exquis : L’ami qui souffre seul fait une injure à l’autre.
Aussi bien, ces études de droit, qu’il faudrait faire tomber vers 1642, auraient-elles eu fort à souffrir des distractions de Molière. […] C’est ainsi qu’on ne saura jamais ce que les sociétaires de la Comédie-Française ont souffert de porter pendant dix-huit ans le titre de comédiens ordinaires de l’Empereur ! […] En tout cas, de quelque côté que soit la première faute, Molière a souffert, et profondément souffert de ce mariage. […] Il en souffrit plus qu’on ne croit d’ordinaire. […] Il ne souffrait que de la douleur de ne pouvoir conquérir les sympathies du maître.
Depuis longtemps nous souffrions à voir l’ingénieux écrivain dans les liens d’une espèce de polythéisme littéraire. […] Il y a dans le cœur des plis secrets, auxquels il ne souffre pas qu’un autre que lui touche pour les déployer. […] Ô vous qui avez trop vieilli par l’âme et souffert, si vous voulez déguiser le plus amer de votre souci, ne riez jamais, ne vous efforcez plus de sourire ! […] Je n’en dis pas autant de leur Église, parce que la conséquence, qui souffre des éclipses dans les individus, n’en supporte point dans les masses ; prenez une multitude, vous verrez que l’idée qu’on lui a inculquée porte, chez elle, tous les fruits dont elle est susceptible ; et même c’est là seulement qu’on connaît la véritable portée des idées. […] Lorsque nous souffrons de n’être pas unis à Dieu, la guérison n’est pas de nous dire : Soyons unis à Dieu.
Ses Morticoles méritaient mieux qu’un succès de malignité ou de scandale et resteront au dossier des justes doléances, pour le soulagement des malheureux qui ont souffert dans leur chair meurtrie et pour la satisfaction des gens de cœur dont la conscience fut révoltée par le cynisme des charlatans. […] Mais il ne pouvait souffrir qu’on le « lâchât ». […] On saura plus tard, quand ce point aura été touché par un maître, ce que nous avons désiré, ce que nous avons rêvé, ce que nous avons souffert. […] L’auteur de l’Employée semble fait pour substituer aux dissertations où s’enveloppent, s’amortissent, s’évanouissent ces drames obscurs, l’évocation directe des êtres vivants qui disent leur peine, des âmes douloureuses et timides qui n’osent pas crier leur volonté de vivre et leur fatigue de trop souffrir. […] Touffu, mal composé, trop poussé au noir, souvent crispé par une synthèse violente qui veut attribuer à la bureaucratie tous les maux dont nous souffrons, il manque de proportions, de mesure, parfois de justesse.
Ils sont individuels et généraux ; comme la monade ils reflètent l’univers dont ils font partie ; ils apportent sur le théâtre beaucoup plus que leur être propre et leur être propre n’en souffre pas. […] Comment le problème du classicisme, qui semble de part et d’autre assez clairement posé, peut-il souffrir deux solutions si dissemblables, c’est ce qu’il sied d’examiner une fois de plus. […] … — Si, pour ma part, auprès de La Fontaine, sauvegarde du primesaut lyrique dans la poésie de son temps, j’ai plaisir à placer l’auteur de Bérénice, figure esthétique maîtresse de l’époque de Louis XIV, je ne saurais continuer, comme ceux-là mêmes à qui j’en fais reproche, de l’invoquer en toute occasion… — que d’abord je n’aie vu bien clair dans l’admiration que je lui voue, dût celle-ci en souffrir quelque peu. […] Je conçois en un certain sens que l’on souffre de cet amoindrissement d’un grand homme. […] Il ne dit pas un mot qui ne soit propre à éclairer son caractère : effrayante lucidité… dont nous commençons à souffrir déjà… Quand, de tant de traits rapprochés, de tant de paroles analytiques, un vers soudain se détache, un regard, un geste, préparé de si loin, si profondément commandé, que c’est l’âme même qui s’y montre.
Chez les plantes, les botanistes considèrent le duvet qui recouvre les fruits ou la couleur de leur chair comme des caractères négligeables, et cependant nous tenons d’un habile horticulteur, Downing, qu’aux États-Unis les fruits à peau lisse souffrent beaucoup plus que ceux à peau velue des attaques d’une espèce de Charençon ; que les Prunes pourprées sont plus sujettes que les jaunes à une maladie qui leur est particulière, tandis qu’une autre attaque au contraire les Pêches à chair jaune beaucoup plus que celles dont la chair est autrement colorée. […] Toute espèce qui entre en vive concurrence avec une autre espèce en voie de subir des modifications avantageuses aura naturellement plus que toute autre à souffrir de ses progrès. […] Si nous essayons de préjuger l’avenir, nous pouvons prédire presque avec certitude que ce sont les groupes d’organismes aujourd’hui étendus et triomphants, ceux dont la série spécifique est la plus compacte, c’est-à-dire qui n’ont encore souffert que peu d’extinctions, qui continueront de s’accroître pendant une longue période.
On voit, par une lettre de Mme de Maintenon à la même, d’avril 1679, qu’elle ne pouvait souffrir les Marsillac, père et fils. — Toutes ces lettres adressées à madame de Saint-Géran sont devenues très-suspectes depuis les derniers travaux critiques sur l’édition de La Beaumelle. […] Dieu avoit jeté une amertume salutaire sur ses occupations mondaines, et elle est morte après avoir souffert dans la solitude, avec une piété admirable, les rigueurs de ses infirmités, y ayant été fort aidée par M. l’abbé Du Guet et par quelques-uns de Messieurs de Port-Royal qu’elle avoit en grande vénération, ce qui a fait dire mille biens d’eux par Mme la comtesse de Grammont qui estime fort Port-Royal et ne s’en cache pas…. » 125.
Vingt autres redevances, jadis d’utilité publique, ne servent plus qu’à nourrir un particulier inutile Le paysan, tel alors que nous le voyons aujourd’hui, âpre au gain, décidé et habitué à tout souffrir et tout faire pour épargner ou gagner un écu, finit par jeter en dessous des regards de colère sur la tourelle qui garde les archives, le terrier, les détestables parchemins, en vertu desquels un homme d’une autre espèce, avantagé au détriment de tous, créancier universel, et payé pour ne rien faire, tond sur toutes les terres et sur tous les produits. […] Sans doute aussi, et notamment depuis trente années, ils veulent être humains ; ils dissertent entre eux sur les droits de l’homme ; ils souffriraient de voir la face pâle d’un paysan qui a faim.
« Ô doux et précieux gage que la mort m’enleva et que le ciel me garde… Toi qui vois ce qui se passe en moi et qui souffres de mon mal, toi qui peux seule changer en béatitude tant de douleur, que ton ombre au moins visite mes courts sommeils et que ta vision calme mes gémissements ! […] Et si ces sensibilités profondes et délicates, comme celle de Pétrarque, ont été douées par la nature et par l’art du don d’exprimer avec force, grâce, naturel et harmonie leurs enthousiasmes, de chanter leurs soupirs, de moduler leurs larmes, de confondre leur passion profane pour une créature divinisée avec cette passion sainte pour l’éternelle beauté qui devient la sainteté de la passion, alors ces âmes s’emparent du monde par droit de consonance avec tout ce qui sent, souffre ou aime comme elles ont aimé ; car le cœur de l’homme a été fait, comme le bronze ou comme le cristal, sonore ; il vibre à l’unisson de tous les autres cœurs créés de la même argile et susceptibles des mêmes accords, dans le concert universel des sensations.
L’homme, jeté au milieu de cet univers, sans savoir d’où il vient, où il va, pourquoi il souffre, pourquoi même il existe, quelle récompense ou quelle peine recevront les longues agitations de sa vie : assiégé des contradictions de ses semblables, qui lui disent, les uns qu’il y a un Dieu, auteur profond et conséquent de toutes choses, les autres qu’il n’y en a pas ; ceux-ci, qu’il y a un bien, un mal, qui doivent servir de règle à sa conduite ; ceux-là, qu’il n’y a ni bien ni mal, que ce sont là les inventions intéressées des grands de la terre ; l’homme, au milieu de ces contradictions, éprouve le besoin impérieux, irrésistible, de se faire sur tous ces objets une croyance arrêtée. […] Notre admiration pour les belles parties de ce livre est la garantie de notre impartialité pour ses défaillances de style, de vertu et de sentiment ; mais le cœur souffre autant que la vérité en lisant ces pages.
Les nerfs en souffrent, mais le cœur en saigne, et les gouttes de sang qui en découlent sont les délices des cœurs sensibles. […] Et tu souffres sans honte un affront si sanglant !
Il y a, je le sais, dans l’homme des instincts faibles, humbles, féminins, si j’ose le dire, une certaine mollesse, qui a des analogies fort étendues qu’on devine sans vouloir se les définir, et dont le physiologiste aurait peut-être autant à s’occuper que le psychologue 35, instincts qui souffrent de cette mâle et ferme tenue du rationalisme, laquelle ressemble parfois à une sorte de raideur 36. […] qu’ils durent souffrir !
Car, contemplant le spectacle de l’univers, il voyait tout alentour le lamentable et triomphant et Lamentable spectacle des efforts vers l’accomplissement ; et artiste, il souffrait ces activités, partout éparses. […] Les fervents wagnériens et les plus idéalistes en ont souffert.
Ton juge sera ton consolateur, ton éternité compensera ta minute ; souffre pour justifier ta race coupable, ou souffre pour conquérir ta propre félicité ; et, dans l’une ou l’autre hypothèse, bénis !
Je sais frapper l’ennemi, susciter des secours, souffrir le froid et le chaud, coucher sur la dure, supporter à la fois la fatigue et la faim et faire ce qu’ont fait nos ancêtres pour illustrer le nom romain. » Un jeune militaire russe parlerait ainsi. […] Presque tous ces écrivains sont peut-être sans conséquence entre les mains d’un homme fait ; mais je demande si l’on parle de bonne foi lorsqu’on assure que la langue de ces auteurs, difficiles pour le style, profonds pour les choses et souvent dangereux pour les mœurs, peut être la première étude de la jeunesse ; si l’on souffrira sous des yeux innocents et purs les leçons de Plaute, dont je n’ai point parlé ; celles de Térence que je me rappelle en ce moment, Térence, dont l’élégance et la vérité sont au-dessus de tout éloge, mais dont les peintures n’en sont que plus séduisantes ; les leçons d’athéisme de Lucrèce : j’aimerais encore mieux qu’on exposât les élèves à se corrompre le goût dans le dur, sec et boursouflé Sénèque le tragique, à qui je devais cette petite égratignure pour l’ennui qu’il m’a causé, et à qui j’en demande pardon pour quelques belles scènes qu’il a inspirées à notre Racine.
Le bon chevalier Beaumanoir va vers lui, et lui dit dans un sentiment tout humain qui est rare au Moyen Âge, qui manque chez Froissart, historien de cour, et qu’on est heureux de retrouver ici : Chevaliers d’Angleterre, vous faites grand péché De travailler les pauvres, ceux qui sèment le blé… Si laboureurs n’étaient, je vous dis ma pensée, Les nobles conviendrait travailler en l’airée (aux champs), Au fléau, à la houe, et souffrir pauvreté ; Et ce serait grand peine quand n’est accoutumé.
Enfin, monseigneur, souffrez que je tire un peu d’avantage de la conduite que j’ai tenue depuis huit mois d’absence, soit à Bruxelles, soit à Francfort.
Une expression naturelle de regret se mêle dans la parole d’Arago au sentiment d’orgueil que lui inspire la vérité inaltérable, mais peu accessible, des sciences : Les sciences exactes, a-t-il dit dans sa notice sur Thomas Young, ont sur les ouvrages d’art ou d’imagination un avantage qui a été souvent signalé : les vérités dont elles se composent traversent les siècles sans avoir rien à souffrir ni des caprices de la mode ni des dépravations du goût.
Il suffit donc que Dangeau, quelques plaisanteries qu’on fasse de lui, soit d’une utilité réelle à la postérité et qu’il la serve, pour qu’elle lui en tienne compte et ne souffre pas qu’on le sacrifie.
Il y a des poèmes de lui que je ne puis souffrir ; sa Rome ridicule, imprimée furtivement en 1643, et pour laquelle l’imprimeur fut mis en prison, me révolte.
Ç’a été une de mes plus profondes souffrances de ce passé dont j’ai tant souffert. » Guérin, ramené au Cayla déjà mourant, y respira l’air natal, sourit au ciel bleu, retrouva ses impressions les plus chères, et, exhalant sa belle âme le 19 juillet 1839, alla reposer sous le gazon du cimetière d’Andillac.
Bussy, au contraire, était un ambitieux et un courtisan qui avait imprudemment barré sa fortune, et qui le sentait et qui en souffrait ; c’était une âme inquiète et vaine, qui ne trouvait pas en elle les ressources pour se consoler.
Mais Bonstetten à la fois sérieux et mobile, qui, en matière de politique, avait plus que des goûts et n’avait pas tout à fait des doctrines, ne rencontra guère d’occasions où il pût souffrir de ce désaccord : son dernier établissement dans une république polie, à l’abri des contradictions et loin des mécomptes, laissait le champ libre à ses seuls instincts, à ses bienveillantes et incorrigibles espérances.
Averti qu’il se trompait et qu’il n’était pas avoué, il s’arrêtait devant l’obstacle, il s’inclinait devant l’arrêt rendu ; il souffrait, il se taisait, il priait.
Ayez des principes, mais qui, appliqués et dans l’usage, souffrent des modifications.
On avait forcé le ressort monarchique sous ce long règne de Louis XIV ; on avait tout poussé à l’extrême ; la faculté de souffrir était à bout.
Un jour, le général Liéven, la voyant passer à travers un salon, disait à son voisin Poniatowsky : « Voilà une femme pour laquelle un honnête homme pourrait souffrir quelques coups de knout sans regret. » Ce général parlait et sentait comme le poëte : Rien que pour toucher sa mantille, De par tous les saints de Castille, On se ferait rompre les os.
Quand je parle d’art, je sais bien qu’il y a dans cette seconde partie des endroits où certaines idées mystiques, symboliques ou morales, sont trop développées ; il y aura plus d’une fois redondance ; il y aura des moments où Bossuet s’oubliera, s’étendra un peu trop au point de vue de la composition, où il reviendra sur ce qu’il a dit déjà, et sinon l’intelligence, du moins la satisfaction du lecteur en pourra souffrir.
Il y ajouta quelques mots sur la tempête qui s’était élevée contre la maison et qui avait obligé des personnes qui s’y étaient retirées à s’en séparer ; que, pour le défunt, les ronces et les épines avaient étouffé pendant un temps ces précieuses semences que son cœur y avait reçues ; mais que, comme on avait lieu d’avoir une humble créance qu’il était une de ces heureuses plantes que le Père céleste a plantées lui-même pour ne souffrir jamais qu’elles fassent entièrement déracinées 108, elle avait repris vigueur et avait porté son fruit en son temps.
Une première exploration opérée par M. le docteur Ricord en 1867, sur la fin de l’hiver, peu de mois après les atteintes au mal, n’avait rien fait découvrir et avait fait beaucoup souffrir M.
Le patriote suisse, en Jomini, voyait toutes ces choses et en souffrait.
Ils ont fait, pour ainsi dire, une invasion dans les classes supérieures de la société, et tout ce que nous avons souffert, et tout ce que nous condamnons dans la révolution, tient à la nécessité fatale qui a fait souvent confier la direction des affaires à ces conquérants de l’ordre civil.
Le monde ne souffre pas la passion, et en cela il est dans son droit.
. — Rien de moins conforme aux méthodes de l’induction scientifique, car elles excluent toute hypothèse qui n’explique pas, et, comme on le montrera, le principe de raison explicative est un axiome qui ne souffre aucune exception157.
On fera comme la nature, qui jette à profusion les qualités sur chaque objet, et ne souffre pas deux choses semblables dans l’univers.
Si quelque partie de la littérature devait souffrir de l’ardeur des discordes civiles, c’était, semble-t-il, la poésie, et pourtant il est vrai qu’elle leur doit quelques-unes de ses meilleures œuvres.
La prose, l’élocution pratique avait moins souffert que la poésie des fantaisies du bel esprit.
Mais au moins ce sont des caractères, ce sont deux grands honnêtes gens, avec leur esprit étroit et obstiné ; ils savent souffrir pour le bien.
La vraie séparation est celle qui ne fait pas souffrir.
I Apparemment il n’est pas inutile, pour voir dans la réalité ce qui vaut la peine d’y être vu, d’avoir commencé par ne pas la regarder de trop près, par être un poète, un rêveur sans plus, un être à sensations délicates, vibrant pour des riens, et qui se contente de souffrir ou de jouir démesurément des choses sans avoir souci de les photographier.
je ne souffre point de ces canailles-là.
Ils souffrent de leurs contradictions, et pour se satisfaire ils organisent un sport social.
Oscar Wilde, encore qu’il se défendît d’obéir aux préjugés, subissait à son insu cette hostilité héréditaire et s’il avait retrouvé, à Londres, cette même rigueur puritaine, cette même obstination hypocrite du cant (on sait que les Irlandais se font gloire d’un haut renom de chasteté) dont sa libre et sensuelle nature avait à souffrir, il se sentait doublement incité à s’en affranchir par instinct et par désir de faire pièce à une race détestée.
Marmont, ramené lui-même à ces temps de splendeur et d’enivrante espérance, lui en exprimait avec feu l’esprit ; il lui parlait de son père, comme il l’avait vu, comme il l’avait aimé alors ; il ne craignit pas d’entrer dans les détails de nature et de caractère : il lui disait que son père avait été bon, avait été sensible, avant que cette sensibilité se fût émoussée dans les combinaisons de la politique ; il lui disait, comme il l’a dit depuis à d’autres, et avec une larme : « Pour Napoléon, c’était le meilleur et le plus aimable de tous les hommes, le plus séduisant, le plus sûr en amitié ; mais l’homme privé était tellement chez lui l’instrument de l’homme politique, que tout ce que l’on a dit de lui, tout ce que j’ai souffert moi-même de l’homme politique, tout cela se concilie avec le sentiment que j’exprime. » Et il avait deux traits singuliers qu’il aimait à citer comme indice et preuve de cette sensibilité première, et si bien recouverte ensuite, de Napoléon.
Aujourd’hui, il me plairait d’en détacher la plus belle et la plus intéressante figure, celle de Madame, à laquelle Cosnac eut l’honneur de se dévouer par un libre choix et pour laquelle il eut la gloire de souffrir.
Elle avait été très louée à l’avance, et la première représentation en souffrit : elle ne reprit qu’après coupures, aux représentations suivantes.
La rencontre subite de ces deux états de connaissance fait jaillir le rire avec la même rigueur que le frottement du souffre sur un corps sec dégage une étincelle.
Tous les sujets frappants dans l’histoire ou dans la fable ne peuvent point toujours paraître heureusement sur la scène : en effet, leur beauté dépend souvent de quelque circonstance que le théâtre ne peut souffrir.
… Profanateur de nature et d’éducation, flétrissant, pourrissant, un peu pourri lui-même, tel est Mistigris ; et je souffrirais d’avoir à dire qu’il reste quelque chose de cet affreux enfant terrible dans le talent élégant, désinvolte et presque aristocratique de Gustave Droz, si, en tournant les pages de son livre, je ne trouvais, à ma grande joie, le La Bruyère mauvais sujet corrigé, marié et père, — comme ces bons cœurs de mauvais sujets le deviennent, — le Bébé arrivé et Mistigris parti, par respect pour cette innocence, qui a fait tout à coup sûr l’auteur un peu immodeste de Monsieur et de Madame l’assainissant effet d’une contagion de pureté.
Dans ces deux jugements : « Je souffre ; cette pierre est ronde », il n’y a qu’un rapport contingent, il n’y a point de rapport nécessaire.
Dante possédait une intelligence et une science remarquables pour son temps, mais ce temps souffrait d’indigence intellectuelle, et comme penseur il ne l’a guère dépassé. […] Ni lui, ni l’Italie n’en souffraient, d’après M. […] Ajoutons qu’un artiste producteur, ne s’intéressant d’habitude qu’à son œuvre ou à son esthétique et à ce qui s’y rapporte, souffre de cette indifférence olympienne un peu plus souvent que le simple critique. […] Les passions de parti lui avaient fait et lui font même encore une guerre presque aussi acharnée qu’à Victor Hugo ; on pouvait craindre que sa renommée n’eût fini par en souffrir. […] Oui, il a dit : « Nous ne souffrons que d’un seul mal, la bêtise, mais il est formidable. » Oui, presque toute son œuvre étale impitoyablement cette vertigineuse et presque universelle infirmité.
Avec lui, Charles serait certainement heureux ; avec lui, la fortune ne deviendrait pas une source de dépravation et d’abaissement de caractère chez l’enfant bien doué, déjà enclin aux noblesses plutôt qu’aux vilenies du cœur ; avec lui, la mère ne souffrirait d’aucun de ces sombres et féroces débats dont souffrent les ménages à double lignée. […] Car j’ai souffert à t’apprendre. […] C’est l’effet de l’antipyrine prise à haute dose…, le seul moyen que nous ayons de l’empêcher de souffrir. […] Tandis que je souffrais, tu restais calme… De quelle argile es-tu donc pétri, toi que le plus violent amour qu’ait pu te donner une femme n’a pas fait aimer ? […] Sentant par instinct qu’une femme doit jouir ou souffrir, elle trouvait à macérer sa chair une sorte de volupté.
Malgré tout, j’ai peur que le prince Renaud n’ait, en effet, quelques illusions, s’il croit que le mal social dont souffre le vieux monde n’a pas atteint le nouveau. […] Mais peut-être aussi, diront les autres, qu’il y a en elle une sœur de charité qui s’éveille, dès qu’elle voit souffrir. […] Ce sont sans doute de bons palliatifs au mal dont souffre notre enseignement secondaire. […] Il aurait souffert dans la suite de ne pas assez ressembler aux-autres. […] On y souffre, on y aime pourtant !
Six mois après, à sa sortie de l’hôpital, il trouva la réponse de Rolland : « Ce n’est pas seulement parce que vous souffrez que votre lettre m’a ému. […] Raymond Radiguet ne souffrit pas que d’être présenté au monde comme un phénomène. […] Et quand chacun le nomme prodige, le diminue à ses yeux en l’appelant Bébé, Radi, il souffre d’être le jouet de ceux qu’il va si tôt dépasser. […] Ses réactions contre l’académisme en littérature datent de ses débuts à Paris, quand il fréquentait vers 1900 le salon d’Édouard Rod, romancier suisse que la Revue des Deux Mondes accaparait alors, et qui traitait pour un certain public des sujets inoffensifs, sans jamais se permettre de l’éclat ou de la fantaisie, dût sa conscience littéraire en souffrir. […] Pendant la guerre, Ramuz a beaucoup souffert de la scission avec la France de la Suisse romande, française par le cœur, l’esprit, l’histoire, sinon par la politique.
Ils s’ennuient vite et ne peuvent souffrir l’ennui. […] Il a souffert, mais il a inventé ; il a défailli, mais il a produit.
J’ai toujours aimé ceux qui aiment, ceux qui souffrent, ceux qui gémissent et qui s’indignent en silence, ceux qui se sauvent d’un monde moqueur ; ceux qui s’enveloppent, quand ils sortent, de leur manteau troué par la misère, de peur d’être reconnus dans la rue par ces persifleurs spirituels ou bêtes qui vendent des ricanements aux passants pour insulter toute grandeur : ces pauvres honteux de la gloire, qui sentent en eux leur noblesse innée, qui se cachent de peur qu’on ne se moque, non d’eux-mêmes, mais du don divin qu’ils portent en eux. […] — Oui, souffrons avec patience et avec résignation l’un et l’autre, reprit-il, comme un Job quand il se repent d’avoir mal parlé ; puis, ouvrant le papier que je lui avais tendu sur son lit, il se prit à me lire la dernière ode que je lui avais inspirée !
On voit que son traducteur, qui aimerait à le suivre au septième ciel, souffre, tout en l’excusant, de cette philosophie un peu trop terrestre. […] Vous, au contraire, répondez pour moi que je ne serai pas plutôt mort que je m’en irai jouir de félicités ineffables, afin que le pauvre Criton prenne les choses plus doucement, et qu’en voyant brûler mon corps ou le mettre en terre, il ne s’afflige pas sur moi, comme si je souffrais de grands maux, et qu’il ne dise pas à mes funérailles qu’il expose Socrate, qu’il le porte, qu’il l’enterre.
J’ôtai mon sac et mes souliers ; j’avais des ampoules et je pensais : « Mon Dieu… mon Dieu… Peut-on souffrir autant ? […] Goulden, qui n’était pas trop content de voir revenir les anciens rois et les anciens nobles, pensait pourtant que ces gens avaient assez souffert dans les pays étrangers, pour comprendre qu’ils n’étaient pas seuls au monde et respecter nos droits ; il pensait aussi que l’empereur Napoléon aurait le bon sens de se tenir tranquille… mais il se trompait : — les Bourbons étaient revenus avec leurs vieilles idées, et l’empereur n’attendait que le moment de prendre sa revanche.
Voilà pourquoi les délicats en fait de poésie, ceux mêmes qui ne souffrent pas que Thalie soit une muse, ne refusent pas à Molière le nom de grand poète. […] Les autres souffrent, tout est dans l’ordre ; le mal vient-il jusqu’à lui, le monde entier est confondu. » Si le temps a pu tourner en égoïsme l’indifférente sagesse du jeune Philinte, pourquoi n’aurait-il pas changé en générosité active la stérile misanthropie du jeune Alceste ?
Comme il l’aime, comme il souffre des rigueurs de ce mystère du Dieu-homme s’offrant en victime pour nous sauver ! […] Contemplez ce que souffre un homme qui a tous les membres brisés et rompus par une suspension violente, qui, ayant les mains et les pieds percés, ne se soutient plus que sur ses blessures, et tire ses mains déchirées de tout le poids de son corps antérieurement abattu par la perte du sang ; qui, parmi cet excès de peine, ne semble élevé si haut que pour découvrir de loin un peuple infini qui se moque, qui remue la tête, qui fait un sujet de risée d’une extrémité si déplorable67 !
. — Artabane terminait par ces graves paroles, que Némésis aurait pu mettre dans la bouche d’un de ses prophètes : « Vois comme la Divinité foudroie les êtres qui dominent les autres, et ne souffre pas qu’ils s’en fassent accroire, tant que les petits ne l’irritent point. […] Sparte s’affligeait d’ailleurs des maux soufferts par Athènes, et elle promettait de nourrir les familles de ses combattants aussi longtemps que durerait la lutte.
Je souffre, que faut-il faire ? […] Quant à ajouter : — Ce que telle chose a fait une fois et ce que telle autre a souffert de son action arrivera encore de la même manière, selon une loi, — c’est là une idée très ultérieure, dont nous avons montré plus haut la genèse.
— On n’en peut trop avoir, et pour en amasser Il ne faut épargner ni crime ni parjure, Il faut souffrir la faim et coucher sur la dure, Avoir plus de trésors que n’en perdit Galet, N’avoir dans sa maison ni meubles ni valet, Parmi des tas de blé vivre de seigle et d’orge, De peur de perdre un liard souffrir qu’on vous égorge.
Mais, dans une mer étendue et peu profonde, telle que serait, par exemple, celle qui environne l’Archipel Malais et dont la profondeur varie entre 30, 40 et jusqu’à 60 brasses, une formation très étendue peut au contraire s’accumuler pendant une période de soulèvement, et, cependant, ne pas souffrir une trop grande dégradation à l’époque de son émersion lente. […] Mais les descriptions que nous possédons actuellement des dépôts Siluriens, qui couvrent d’immenses contrées dans la Russie et dans l’Amérique du Nord, n’appuient aucunement cette supposition que plus une formation serait ancienne, plus aussi elle aurait nécessairement souffert de la dénudation et du métamorphisme139.
sens, mémoire et bonne souvenance de toutes les choses passées, esprit clair et aigu pour concevoir tous les faits dont je pourrois être informé, âge, corps et membres pour souffrir peine24, je m’avisai que je ne voulois point tarder de poursuivre ma matière ; et pour savoir la vérité des lointaines besoignes et entreprises, sans que j’y envoyasse aucune autre personne en mon lieu, je pris voie et occasion raisonnable d’aller devers haut prince et redouté seigneur monseigneur Gaston, comte de Foix et de Béarn… Le comte de Foix ne l’a jamais vu, mais il le connaît de réputation et a bien souvent entendu parler de lui.
Ce renoncement suprême en vue de Marianne ne lui paraissait pas même mériter le nom de sacrifice : « Je ne sens que de la joie, disait-il, en songeant que je vais, en attendant la mort, mener une vie plus triste qu’elle, et j’aime si fort ma douleur qu’il me semble que c’est encore un moindre malheur de la souffrir que de la perdre ; si ma chère Marianne la peut voir, elle lui fait plaisir. » Il haïssait les biens, les grandeurs, tout ce qu’il ne pouvait plus partager ; il n’aimait que cette douleur, la seule chose qui lui restât de son amie ; il en parlait, d’ailleurs, comme d’une peine poignante, qui le tenait cruellement éveillé durant les nuits et qui prolongeait ses insomnies jusqu’au matin, où il ne s’assoupissait qu’à la fin et par excès de fatigue : « Mais j’ai beau faire, je ne saurais perdre de vue l’objet de mon tourment.
Vous êtes criminel de votre grandeur et des offenses que vous avez reçues : ceux qui ont fait la Saint-Barthélemy s’en souviennent bien, et ne peuvent croire que ceux qui l’ont souffert l’aient mise en oubli.
Il faut leur donner le temps de se faire entendre, et souffrir même qu’ils disent des choses inutiles.
MM. du May et Moreau, qui ne faisaient que de le quitter, rapportèrent qu’il souffrait des douleurs épouvantables et qu’il se démenait comme un possédé ; on crut que c’était une colique, et que ce ne serait rien.
Elle n’ose jamais procéder que suivant la méthode la plus scrupuleuse et la plus uniforme de la grammaire : on voit toujours venir d’abord un nominatif substantif qui mène son adjectif comme par la main ; son verbe ne manque pas de marcher derrière, suivi d’un adverbe qui ne souffre rien entre deux ; et le régime appelle aussitôt un accusatif, qui ne peut jamais se déplacer.
Ceux qui ont vu le règne de Charles IXe, avec la suite des maux que la France a soufferts depuis, jugeront facilement le danger où elle est.
Un jour qu’il était commis pour interroger un prisonnier dans une affaire de faux, il dut le présenter à la question, faire faire tous les apprêts et même le faire déchausser : « Je souffris beaucoup en mon humeur, nous dit-il, d’être obligé d’user de sévérité et de voir les apprêts de la question, quoique je susse qu’elle ne serait pas donnée. » — Tel était l’homme de bien et du plus honorable caractère, auquel sa conduite depuis, dans le procès de Fouquet et la louange de Mme de Sévigné ont donné du lustre.
L’homme de mérite et aussi l’homme de lettres en lui avaient secrètement souffert.
» don Juan sentant que la partie était perdue et que tout lui échappait, fut pris de désespoir et d’une mélancolie profonde, qui devint une maladie pleine d’incidents inconnus : « Les médecins, qui traitaient son corps d’un mal qui était dans son esprit, lui firent souffrir durant trois semaines assez de tourments pour achever sa vie ; il mourut le 17 septembre 1679, âgé de cinquante ans.
Ce rat faisait beaucoup souffrir le délicat et harmonieux poète ; il ne ressemblait pas à son grand-père, qui avait intenté un procès à un peintre lequel, en peignant les vitres de la maison, s’était avisé d’y mettre, au lieu du rat, un sanglier.
Souffrir et crier, haïr ce qu’on vient de lire, est-ce un résultat de l’art ?
Je donnerai ce préambule ; mais qu’on veuille bien distinguer et dégager la vérité de l’accent, sous ce qui nous semble aujourd’hui un peu déclamatoire et qui appartient au langage du siècle ; il n’est pas mal, d’ailleurs, de voir le sentiment des malheurs publics se mêler si intimement aux infortunes personnelles du rêveur ; les générations qui souffraient ainsi, et dont les âmes se soulevaient avec de tels gémissements sous toutes les sortes d’oppressions, méritaient de vivre assez pour assister et coopérer à la délivrance de 89.
Il ne reverra plus son cher Tancarville qu’après trente années presque révolues d’absence (septembre 1845) ; en le revoyant, sa verve se ranime avec toutes les émotions de son cœur, et il le salue, il le célèbre encore une fois par une Épître où l’homme sensible et le sage jettent un dernier regard mélancolique, mais non morose, sur ce passé : Parmi tous ces débris où j’ai souvent erré, Où j’ai joui, souffert, aimé, rêvé, pleuré, Mon heureuse jeunesse en vingt lieux dispersée Soudain de toutes parts remonte à ma pensée.
Dans les affaires humaines, cette loi est plus absolue encore ; elle ne souffre aucune exception.
., soit devenu nécessaire, et qu’il faille dresser toute cette immensité d’échafaudage pour quatre ou cinq chefs-d’œuvre, les seuls qu’on relise et qui vivront ; mais la science ne fait point de ces partages, dès qu’elle prend les choses en main ; elle établit sa méthode et ne souffre pas de choix ni d’exception.
Il souffrait (ce qui vaut mieux) des débats irritants, des récriminations violentes qui remettaient toujours en avant les noms de Marat et de Robespierre ; il accusait les Girondins et surtout le ministre Roland d’avoir perdu bien du temps à des querelles jalouses : il avait hâte qu’on prît les grandes et décisives mesures pour la défense du territoire.
Ici commence une triste période pour la pauvre reine : elle put s’y faire, s’y accoutumer par la suite ; tant qu’elle le put, elle ignora : il est impossible que, quand elle sut tout à n’en pas douter, elle n’en ait pas cruellement souffert.
C’est le christianisme de Channing, de Chalmers, sans aucune marque calviniste expresse : il a réduit le christianisme à ses éléments les plus simples, les plus essentiels ; mais il lui garde expressément son caractère divin, surnaturel ; il le laisse entouré et glorifié des prophéties, prises au vrai sens, et des miracles ; il ne souffre aucune amphibologie sur la personne même du Christ, il voit en lui l’homme-Dieu et ne permet point qu’à cette nature divine on substitue, à aucun degré, le plus sage, le plus saint, et fût-ce même le plus divin des hommes.
Les contemporains, en effet, s’ils ont les avantages de leur position, en ont aussi les inconvénients : s’ils savent quantité de points, ils en ignorent une infinité d’autres ; le détail leur dérobe l’ensemble, les arbres les empêchent de voir la forêt ; de plus, ils sont juges et parties ; ils souffrent, ils combattent, ils succombent ou ils triomphent ; vainqueurs ou vaincus, ils aiment ou ils haïssent : comprendre purement et simplement l’objet de leur enthousiasme ou de leur colère est ce dont ils se soucient le moins.
Le roi beau-père est charmant ; il aime ses enfants, et, aux caresses qu’il faisait à Mme la Dauphine défunte, je juge de celles que notre princesse aura à souffrir.
Modèle des hommes en place et des administrateurs, bon et juste autant qu’éclairé, Malouet n’était pas sans se reprocher bien souvent d’assister aux abus, même en les corrigeant de son mieux dans le détail ; mais il se sentait hors d’état d’y remédier à fond et d’y couper court à la racine, et il en souffrait.
Les choses du devant en souffrent : il n’y a pas de vraie grandeur possible avec cela, et on ne peut même, à ce prix, être un grand politique que par éclairs et dans de rares moments.
ô Niobé, qui as tant souffert, tu es pour moi comme un dieu, ô toi qui, dans ton sépulcre de pierre, toujours pleures !
C’est alors qu’un soir, après avoir assez mal dîné à Covent-Garden, dans Hood’s tavern, comme il était de trop bonne heure pour se présenter en aucune société, il se mit, au milieu du fracas, à écrire, dans une prose forte et simple, tout ce qui se passait en son âme : qu’il s’ennuyait, qu’il souffrait, et d’une souffrance pleine d’amertume et d’humiliation ; que la solitude, si chère aux malheureux, est pour eux un grand mal encore plus qu’un grand plaisir ; car ils s’y exaspèrent, ils y ruminent leur fiel, ou, s’ils finissent par se résigner, c’est découragement et faiblesse, c’est impuissance d’en appeler des injustes institutions humaines à la sainte nature primitive ; c’est, en un mot, à la façon des morts qui s’accoutument à porter la pierre de leur tombe, parce qu’ils ne peuvent la soulever ;— que cette fatale résignation rend dur, farouche, sourd aux consolations des amis, et qu’il prie le Ciel de l’en préserver.
Les Romains n’auraient jamais supporté, sur leur théâtre, les plaisanteries grossières d’Aristophane ; ils n’auraient jamais souffert que les événements contemporains, les personnages publics fussent ainsi livrés en spectacle.
Lorsqu’en s’accoutumant à voir souffrir les animaux, on parvient à vaincre la répugnance des sens pour le spectacle de la douleur, l’on devient beaucoup moins accessible à la pitié, même pour les hommes ; du moins l’on n’en éprouve plus involontairement les impressions.
Richepin, nous ayant raconté la naissance d’un gueux dans un fossé, par la neige, nous jure, « le front découvert, que l’autre (entendez Jésus) n’a pas tant souffert », nous trouvons drôle son grand geste après qu’il s’est si visiblement amusé à nous décrire en rimes triples, avec des mots furibonds, un accouchement pittoresque.
Les plus résistants, ceux qui ont échappé, par miracle, au Mal-né, à la contagion des écoles, aux épidémies des villes, ceux qui, par miracle, ont rapporté un corps sain de leur passage à travers les bouges des garnisons et des brasseries7 du quartier latin, n’en souffrent pas moins, au fond de l’âme, d’un désarroi profond.
D’un air de n’attacher aucune importance aux choses tristes qu’il disait, il me conta qu’il avait assez longtemps vécu très malheureux à Londres, pauvre professeur de français, qu’il avait beaucoup souffert dans l’énorme ville indifférente, de l’isolement et de la pénurie, et d’une maladie, comme de langueur, qui l’avait, pour un temps, rendu incapable d’application intellectuelle et de volonté littéraire.
S’ils avancent, l’année est froide, pluvieuse, les fruits peu mûrs, les blés manquent et le peuple souffre.
En admettant que cette réponse ne souffre aucune objection, il faut admettre pourtant qu’elle entame à peine le problème, puisque la vraie difficulté est celle-ci : Pourquoi quand nous éprouvons un vif plaisir, quand nous sommes frappés d’un contraste inattendu entre des idées, se produit-il une contraction particulière des muscles de la face et de certains muscles de la poitrine et de l’abdomen ?
Il écrit à Racine les vers suivants : Et qu’importe à nos vers que Perrin les admire, Que l’auteur du Jonas s’empresse pour les lire ; Qu’ils charment de Senlis le poète idiot127, Ou le sec traducteur du français d’Amyot, Pourvu qu’avec éclat leurs rimes débitées Soient du peuple, des grands, des provinces goûtées, Pourvu qu’ils puissent plaire au plus puissant des rois, Qu’à Chantilly Condé les souffre quelquefois, Qu’Enghien en soit touché, que Colbert et Vivonne, Que La Rochefoucauld, Marsillac et Pomponne, Et mille autres qu’ici je ne puis faire entrer, À leurs traits délicats se laissent pénétrer !
« Car Dieu est infiniment équitable et chaque homme, en ce monde comme en l’autre, a toujours ce qu’il mérite. » Je ne ferai pas remarquer ce que de telles paroles, écrites pendant que l’innocent souffrait encore, avaient d’odieux.
Aussi je souffre toujours quand je vois une chose simple qu’on n’a pas osé dire dans un éloge historique par je ne sais quel scrupule de noblesse ou de fausse convenance.
Mlle de Launay, dépendante chez la duchesse du Maine, souffrait de sa position, et s’en servait aussi pour observer.
C’est bien là le caractère en effet des Thermidoriens purs ; et, montrant les causes qui rendent impossible sur ce terrain bouleversé et ensanglanté la formation de toute grande popularité nouvelle : Tous ont appris à se défier, ajoute-t-il, de cette périlleuse élévation ; fussent-ils tentés d’y aspirer, ils n’y parviendraient pas, car les racines de toute autorité individuelle sont desséchées : ni l’Assemblée, avertie par l’exemple de Robespierre, ni le peuple, dégoûté de ses démagogues, ne le souffriraient.
Nous qui parlons ici, nous en souffrons d’ailleurs autant que personne, et nous en ressentons la gêne.
Lieux sacrés où l’amour, pour les seuls biens de l’âme, Sut tant souffrir !
Elle aime Valère, mais en aimant elle souffrira, et ne l’épousera point.
L’aurore elle-même nous semble parfois immodérée ; qui la regarde en face, souffre ; l’œil, à de certains moments, pense beaucoup de mal du soleil.
Il lui faut enfin, sinon l’accord des mœurs et des opinions, du moins une telle indépendance entre ces deux forces, qu’elles ne puissent plus se rencontrer pour se combattre ; car nos mœurs ne sauraient s’avancer au niveau de nos opinions ; et l’on ne voudra pas souffrir que les opinions rétrogradent pour marcher d’un pas égal avec les mœurs.
Que les artistes aient souffert de ces théories trop rigides, qu’ils se soient souvent insurgés, cela est compréhensible ; mais nous, dans notre révolte, ne confondons pas Brunetière avec le pédant Scaliger !
Bien qu’il souffrît de ces persécutions, non seulement M. […] On voit que des êtres faits comme nous ont passé là, y ont vécu, y ont aimé, y ont pensé, y ont souffert. […] Durant quelques jours, je menai une existence inquiète, redoutant les railleries probables, et les rectifications malicieuses dont mon amour-propre eût beaucoup souffert. […] Le cas de M. de Goncourt, comme vous dites, c’est le cas d’un homme qui a beaucoup aimé son art, qui en a durement, douloureusement souffert, qui, à travers les injustices, les insultes, et les découragements qu’elles entraînent, a toujours lutté, sans une défaillance. […] Il souffrait d’une gastrite ; un refroidissement est venu, et l’a emporté.
Paul Margueritte, Jacques et Thérèse, les années étant venues, pourront se sourire, sans honte, sans arrière-pensée, ayant lutté et souffert par l’amour, ayant haussé et ennobli en eux l’idéal ; ils auront alors des cheveux gris. […] J’ai bien souffert autrefois à cause de lui, puis j’ai pris mon parti de la séparation effective… Sa maladie l’a rendue toute naturelle. […] Les grands hommes ne peuvent se souffrir les uns les autres, et ils n’ont guère d’esprit. […] Il faut admirer en cela la nature, qui ne souffre rien d’inutile. […] Henry Houssaye, nous nous sommes réjoui des victoires de l’Empereur et nous avons souffert de ses défaites.
J’ai déjà expliqué la formation historique des clichés ; Mallarmé a pu voir de son vivant — et s’il nous avait été conservé, qu’il en eût souffert ! […] Dès qu’ils possédèrent cinq ou six poètes, rejetons heureux de la greffe hellénique, ils n’en souffrirent plus d’autres ; et peut-être que, vraiment, l’instinct social ou de race dominant chez eux l’instinct de liberté ou individuel, peut-être qu’aucun poète ingénu ne leur naquit pendant quatre ou cinq siècles. […] Lorsque, après une absence, Pierre revint à Stommeln, il trouva Christine plus calme, simple, aimable, souriante, « pleine de grâce en ses mouvements » ; elle souffrait moins et remplissait dans la maison aisée de son père l’office d’une jeune fille accueillante et hospitalière, versant avant et après le repas l’eau de l’aiguière sur les mains des convives. […] L’Angleterre se fait souffrir elle-même pour oublier les blessures qu’elle a reçues de l’étranger et c’est la religion qui a bénéficié de cette longue crise d’orgueil. […] L’orgueil a fini par se liquéfier en une résignation noire : le peuple de Dieu souffre parce que Dieu l’a voulu, et pour être jusqu’au bout le nouvel Israël, il faut que l’Angleterre souffre en silence, ainsi que les Juifs de jadis.
Chateaubriand n’avait pas assez souffert pour exprimer la souffrance, ce qui allait être le grand besoin du siècle. […] En Allemagne, en Angleterre, partout où devait souffrir utilement le proscrit volontaire, son impatience de poésie longuement comprimée ne faisait que s’accroître dans l’épreuve ses rêves le suivaient à toutes les étapes de son chemin pénible, et surtout ceux qui devaient adopter des noms impérissables et prendre des formes immortelles. […] Il appartenait à une de ces familles qui avaient le plus souffert du renversement de l’ancienne société. […] Il se désole sur ce peuple ligurien condamné à un jeûne perpétuel, à une nourriture d’herbes ou de pâtes insuffisantes ou malsaines, affamés d’ailleurs par le fisc et l’usure, peuple infortuné qui n’a que trop contracté l’habitude de souffrir. […] que tu me feras souffrir !
Quand je pense à une certaine classe de personnes ultra-raisonnables et anti-poétiques par qui j’ai tant souffert, je sens toujours la haine pincer et agiter mes nerfs. […] C’est de cette facilité à souffrir, commune à tous les artistes et d’autant plus grande que leur instinct du juste et du beau est plus prononcé, que je tire l’explication des opinions révolutionnaires de Wagner. […] Je me souviens que, malgré que j’aie toujours soigneusement étouffé dans mon coeur ce patriotisme exagéré dont les fumées peuvent obscurcir le cerveau, il m’est arrivé, sur des plages lointaines, à des tables d’hôte composées des éléments humains les plus divers, de souffrir horriblement quand j’entendais des voix (équitables ou injustes, qu’importe ?) […] Balzac, que les amères récriminations des hypocrites faisaient beaucoup souffrir, et qui attribuait une grande importance à cette question, saisit l’occasion de se disculper aux yeux de vingt mille lecteurs. […] Depuis quelque temps, j’ai tout l’Olympe à mes trousses, et j’en souffre beaucoup ; je reçois des dieux sur la tête comme on reçoit des cheminées.
Cela vous ferait souffrir, et la vue de cette agitation détruirait de fond en comble tout le plaisir que me ferait sans cela votre présence. […] « C’est une triste manière d’y arriver, et d’autres inquiétudes ne me permettront pas, je le crains, d’y rester longtemps ; mais dans l’état de brisement où je suis par suite de ce que je viens de souffrir et de tout ce que j’ai souffert depuis un an, ce me sera un vrai soulagement de serrer la main de quelques vrais amis comme vous et les vôtres.
Que Pierre ou Paul soit un coquin, peu nous importe, c’était l’affaire des contemporains ; ils souffraient de ses vices, et ne devaient penser qu’à le mépriser et à le condamner. […] Considérez, par exemple, ces phrases par lesquelles il essaye de rendre sensibles à un public anglais les événements de l’Inde : « Au temps de Warren Hastings, dit-il, la grande affaire d’un serviteur de la Compagnie était d’extorquer aux indigènes cent ou deux cent mille livres sterling aussi promptement que possible, afin de pouvoir revenir en Angleterre avant que sa constitution eût souffert du climat, pour épouser la fille d’un pair, acheter des bourgs pourris dans le Cornouailles, et donner des bals à Saint-James square… Il y avait encore un nabab du Bengale, qui jouait le même rôle vis-à-vis des dominateurs anglais de son pays, qu’Augustule auprès d’Odoacre, ou les derniers Mérovingiens avec Charles Martel et Pépin le Bref. […] Déjà, dans les parties qui ont souffert le plus cruellement, d’opulentes cultures et de paisibles habitations commencent à s’élever au milieu de la solitude.
Si Virginie souffrait, on en était averti par les cris de Paul ; mais cette aimable fille dissimulait aussitôt son mal, pour qu’il ne souffrît pas de sa douleur. […] — Nous venons, dit Virginie, de la Rivière-Noire, demander la grâce d’une pauvre esclave marronne, à qui j’ai donné, ce matin, le déjeuner de la maison, parce qu’elle mourait de faim ; et voilà que les noirs marrons nous ont ramenés. » Madame de la Tour embrassa sa fille sans pouvoir parler ; et Virginie, qui sentait son visage mouillé des larmes de sa mère, lui dit: « Vous me payez de tout le mal que j’ai souffert. » Marguerite, ravie de joie, serrait Paul dans ses bras, et lui disait: « Et toi aussi, mon fils, tu as fait une bonne action. » Quand elles furent arrivées dans leurs cases avec leurs enfants, elles donnèrent bien à manger aux noirs marrons, qui s’en retournèrent dans leurs bois, en leur souhaitant toute sorte de prospérités.
L’enfant n’est que lui, ne voit que lui, n’aime que lui, et ne souffre que de lui : c’est le plus énorme, le plus innocent et le plus angélique des égoïstes. […] Cela ne m’amusait pas du tout, mais c’était pour la galerie. » Flaubert a toujours un peu de cette vanité-là : ce qui fait qu’avec une nature très franche, il n’y a jamais une parfaite sincérité dans ce qu’il dit, sentir, souffrir, aimer. […] L’autre jour, à propos de cela, Dumas fils nous disait qu’à ses premières pièces, Labiche lui avait demandé : — Eh bien, et l’estomac, tu n’en souffres pas encore ?
Musset l’exaspère : « Excepté, dit-il, à l’âge de la première communion, c’est-à-dire à un âge où tout ce qui a trait aux filles publiques et aux échelles de soie fait l’effet d’une religion, je n’ai jamais pu souffrir ce maître des gandins, son impudence d’enfant gâté qui invoque le ciel et l’enfer pour des aventures de table d’hôte, son torrent bourbeux de fautes de grammaire et de prosodie, enfin son impuissance totale à comprendre le travail par lequel une rêverie devient un objet d’art. » Il est curieux de voir que c’est là exactement le vocabulaire et les métaphores qu’emploient au sujet de Baudelaire ceux qui ne peuvent le souffrir. […] Quant à la direction de mon travail, je me la réserve exclusivement et je ne souffrirai pas que personne se l’attribue. » Il finit tout de même par partir pour l’Algérie. […] Elle touche à tout, tient à tout, ne souffre aucune atteinte qui n’atteigne aussi tout le reste ; elle est le lien de nos souvenirs, elle embrasse, résume et reproduit, dans ses proportions variables, toutes nos existences contemporaines. […] De cette vie genevoise, dans un air mou, sous des regards ironiques et entre des êtres rétrécis, il a souffert comme un Français de la province. […] Souffrir par sa faute est un tourment de damné. » Il ignorera la liberté, parce qu’il entendra, par liberté, non le devoir de vouloir, c’est-à-dire de choisir, mais le droit de ne pas vouloir et la faculté de ne pas choisir. « Mon idole, c’est la liberté, ma croix, c’est le vouloir. » Et la liberté ainsi entendue, c’est bien en effet une idole, non un dieu, et il faut sans doute que l’homme passe sur cette croix du vouloir pour s’incorporer à Dieu.
Partant, jugez si je mérite d’être ainsi traité, et si je dois plus longtemps souffrir que les financiers et trésoriers me fassent mourir de faim, et qu’eux tiennent des tables friandes et bien servies… Rosny introduit, après bien des retards, dans le Conseil des finances, y trouva une conjuration et complicité tacite des autres membres qui tendaient à le déjouer et à le faire tomber en faute : Or sus, mon ami, lui avait dit le roi au moment de l’y installer, c’est à ce coup que je me suis résolu de me servir de votre personne aux plus importants Conseils de mes affaires, et surtout en celui de mes finances.
C’est peut-être le jour où il souffrait d’avoir adressé ces lettres un peu trop terre-à-terre au contrôleur général, qu’il écrivit, pour se revancher, ces mots latins et courageux à huis clos en tête de son exemplaire de l’Histoire universelle de d’Aubigné : « Duo tantum haec opto, unum ut moriens populum Francorum, etc. » Ces deux souhaits de Mézeray étaient de voir, avant de mourir, la liberté du peuple français, et que chacun fût dorénavant rétribué selon ses services.
Le défaut de Duclos, dans ce monde élégant qui en souffrait quelquefois, est très finement noté par M. de Forcalquier : Ce qui lui manque de politesse, dit-il, fait voir combien elle est nécessaire avec les plus grandes qualités : car son expression est si rapide et quelquefois si dépourvue de grâce qu’il perd, avec les gens médiocres qui l’écoutent, ce qu’il gagne avec les gens d’esprit qui l’entendent.
Son Octave, jeune homme riche, blasé, ennuyé, d’un esprit supérieur, nous dit-on, mais capricieux, inapplicable et ne sachant que faire souffrir ceux dont il s’est fait aimer, ne réussit qu’à être odieux et impatientant pour le lecteur.
M. de Larnac avait quelque emploi qui ne convenait point à ses goûts, et qu’il ne pouvait concilier avec son ambition littéraire ; il en souffrait, et il l’exprimait vivement, oubliant trop que celui à qui il s’adressait aurait pu simplement lui répondre par le mot de Guatimozin : « Et moi donc !
Combien de fois, dans ces luttes parlementaires où la question de l’enseignement public moderne se débattait, les esprits impartiaux n’étaient-ils point partagés et ne souffraient-ils pas ?
Sur quoi Saint-Simon ajoute au plus vite cette explication : « C’est qu’il n’y ayant plus de filles d’honneur que les deux souffertes à Mme la princesse de Conti, il n’y avait plus personne pour quêter. » Mais cette incorrection parfois incroyable de diction ne doit pourtant pas faire admettre de lui toute locution étrange d’après une copie fautive.
Ce n’était pas assez : une parente et une amie qu’il avait à Soleure, et qui avait toujours souffert de l’injustice dont il avait été l’objet, travailla si bien en sa faveur que, sur un léger prétexte, et pour avoir obtenu du roi qu’on augmentât la quantité de sel qu’on donnait annuellement au canton, Besenval apprit tout d’un coup qu’il était populaire parmi les siens ; les esprits s’émurent en sens inverse de la vieille querelle qu’on lui avait faite quatorze ans auparavant.
Mais le roc qui vit à l’air depuis dix mille ans, où la lumière a tous les jours déposé et fondu ses teintes métalliques, est l’ami du soleil ; il en porte le manteau sur les épaules ; il n’a pas besoin d’un vêtement de verdure ; s’il souffre des végétations parasites, il les colle à ses flancs et les empreint de ses couleurs.
Ajoutez que l’Église de Paris m’a envoyé tout exprès Dumoulin pour s’opposer à ce que je vinsse ici (à Fontainebleau), dussé-je souffrir tous les supplices !
Il y a nombre de gens qui savent le goûter et l’admirer de la bonne manière et qui souffraient de la fausse ; ils étouffaient d’impatience, ils avaient besoin d’être vengés.
La fortune m’a fait naître le plus pauvre gentilhomme de France ; mais, en récompense, elle m’a honoré d’un cœur sincère, si exempt de toutes sortes de friponneries qu’il n’en peut même souffrir l’imagination sans horreur. » Honneur et vertu !
Votre gravure dans Hamlet et celle de Shakespeare sont l’une et l’autre sous mes yeux et devant ma table ; c’eût été sans doute leur faire souffrir un divorce trop cruel que de les séparer.
Paris s’en aperçut peu ; mais ce qui se vit alors dans quelques provinces n’est pas encore oublié : le corps universitaire souffrit et fut découragé dans la personne de plus d’un de ses jeunes membres.
En les lisant, il a des regrets à bien des mots qui passent ; s’il les rejette et s’il se voit forcé de constater leur déclin ou leur décès, son sentiment d’homme de goût ne laisse pas de souffrir en les sacrifiant.
Il dit qu’on le traite a comme un colonel de petite condition, dont on réforme le régiment sans daigner l’avertir. » Et son peuple lui-même, et toute l’Italie qui le voit traiter « comme un sujet, non comme un souverain », prend parti pour lui et souffre à son exemple.
dit l’imberbe Othman, au grand étonnement de tous ; car, si les chrétiens se font la guerre, le commerce en souffrira. » — Le lendemain, une caravane, chargée de produits soudaniens, partait pour Tripoli et devait-en retour prendre des marchandises d’Europe.
Grote par le cas le moins compliqué et qui souffre le moins d’objections), l’Odyssée est manifestement un poëme qui se tient, qui a dû se tenir toujours et se lier dès le principe par une suite d’aventures concourant à un but commun qui est le retour d’Ulysse, sa reconnaissance par les siens et sa victoire sur les prétendants.
III Un des mérites du maréchal de Noailles est, du moins, de l’avoir senti et d’avoir averti Louis XV de ce relâchement de tous les ressorts (8 juillet 1743) : « Qu’il me soit permis, Sire, de vous exprimer combien je souffre et je suis touché de voir Votre Majesté, qui mérite d’être aimée et bien servie, l’être si mal.
Il a renouvelé les anciennes apothéoses, fort au-delà de ce que la religion chrétienne pouvait souffrir ; mais il n’attendit pas que le roi fût mort pour faire la sienne, dont il n’aurait pas recueilli le fruit.
Il fait allusion à la jalousie et aux tracasseries dont il est l’objet et dont on peut prendre idée par les accusations grossies de Mme Campan : « Je ne parlerai pas à Votre Excellence, dit-il, de mille petites peines que j’ai souffertes presque continuellement : ce ne sont que des piqûres d’épingle, mais leur nombre creuse des plaies et rend la vie amère. » Le dauphin, le futur Louis XVI, n’aimait pas l’abbé et le lui marquait rudement.
L’indépendance des idées est nécessaire à l’indépendance de l’admiration. » Ils veulent du présent, du vif, du saignant dans les œuvres : « En littérature, on ne fait bien que ce qu’on a vu ou souffert. » L’Antiquité leur paraît encore à juger ; ils ne paraissent accepter rien de ce qu’on en dit ; ils croient que tout est à revoir, et que le procès à instruire n’est pas même commencé ; ce respect du passé en littérature, ce culte des anciens à tous les degrés, qu’il s’agisse des temps d’Homère ou du siècle de Louis XIV, est, selon eux, la dernière des religions qu’on se prendra à examiner et à percer à jour : « Quand le passé religieux et politique sera entièrement détruit, peut-être commencera-t-on à juger le passé littéraire. » Ils ne font grâce entre les anciens qu’à Lucien, peut-être à Apulée, à cause de l’étonnante modernité qu’ils y retrouvent : ce sont pour eux des contemporains de Henri Heine ou de l’abbé Galiani.
Et puisque j’y suis, je ne me refuserai pas de couler à fond cet article de cupidité honteuse dont le personnage politique en lui a tant souffert, et s’est trouvé si atteint, si gâté au cœur et véritablement avili.
Tant qu’elle se borne à rire des Etats, des gentilshommes campagnards et de leurs galas étourdissants, et de leur enthousiasme à tout voter entre midi et une heure, et de toutes les autres folies du prochain de Bretagne après dîner, cela est bien, cela est d’une solide et légitime plaisanterie, cela rappelle en certains endroits la touche de Molière : mais, du moment qu’il y a eu de petites tranchées en Bretagne, et à Rennes une colique pierreuse, c’est-à-dire que le gouverneur, M. de Chaulnes, voulant dissiper le peuple par sa présence, a été repoussé chez lui a coups de pierres ; du moment que M. de Forbin arrive avec six mille hommes de troupes contre les mutins, et que ces pauvres diables, du plus loin qu’ils aperçoivent les troupes royales, se débandent par les champs, se jettent à genoux, en criant Meà culpà (car c’est le seul mot de français qu’ils sachent) ; quand, pour châtier Rennes, on transfère son parlement à Vannes, qu’on prend à l’aventure vingt-cinq ou trente hommes pour les pendre, qu’on chasse et qu’on bannit toute une grande rue, femmes accouchées, vieillards, enfants, avec défense de les recueillir, sous peine de mort ; quand on roue, qu’on écartèle, et qu’à force d’avoir écartelé et roué l’on se relâche, et qu’on pend : au milieu de ces horreurs exercées contre des innocents ou pauvres égarés, on souffre de voir Mme de Sévigné se jouer presque comme à l’ordinaire ; on lui voudrait une indignation brûlante, amère, généreuse ; surtout on voudrait effacer de ses lettres des lignes comme celles-ci : « Les mutins de Rennes se sont sauvés il y a longtemps : ainsi les bons pâtiront pour les méchants : mais je trouve tout fort bon, pourvu que les quatre mille hommes de guerre qui sont à Rennes, sous MM. de Forbin et de Vins, ne m’empêchent point de me promener dans mes bois, qui sont d’une hauteur et d’une beauté merveilleuses ; » et ailleurs : « On a pris soixante bourgeois ; on commence demain à pendre.
Par contrainte, ils ont souffert que le roi s’en appropriât la portion publique.
. — Lorsqu’un instrument tranchant s’enfonce dans notre chair, nous souffrons, et cette douleur, prise en elle-même et toute seule, est une sensation proprement dite.
Voilà l’abrégé de l’histoire d’Homère ; elle est simple comme la nature, triste comme la vie ; elle consiste à souffrir et à chanter : c’est en général la destinée des poètes.
mon Dieu, la mort n’est pas si terrible que ce que je souffris dans cette minute !
Son excuse, c’est tout ce qu’il a souffert : les impressions de son premier âge ont été le froid, la faim, la maladie, l’incertitude du lendemain ; dans sa douloureuse enfance de misère et de lutte, son caractère s’est aigri, sa sensibilité s’est surexcitée, son intelligence s’est aiguisée, son imagination s’est enfuie éperdument loin des réalités qui blessent.
Se voir et se mépriser, haïr en soi le plus cher de sa vie, se sentir l’auteur des peines qu’on endure et entendre dire à ceux qui les voient du dehors : Quelle chose étrange de souffrir ainsi !
Il voudrait jouir, souffrir sans arrière-pensée, sans autre préoccupation que son amour.
Il l’aime un temps, puis est repris par la peinture, se détache de sa compagne, la fait horriblement souffrir sans le savoir, et, après des années d’efforts douloureux et d’essais avortés, convaincu enfin et désespéré de son impuissance, se pend devant son grand tableau inachevé Le milieu où se déroule le drame, c’est le monde des artistes (peintres, sculpteurs, hommes de lettres) L’époque, c’est la fin du second empire.
Je ne sais si je m’abuse, mais il me semble que cette force de représenter tout en emblèmes, exagérée jusqu’au point de ne pouvoir souffrir l’abstraction, est le trait caractéristique de la poésie de M.
Ceux qui aiment l’uniformité trouveront quelque satisfaction dans l’avènement d’un vaste régime social unitaire : ceux qui se complaisent dans la diversité en souffriront.
C’est, je vous assure, en ce moment le seul moyen de ne faire que peu de fautes, de n’adopter que peu d’erreurs, de ne souffrir que peu de maux. — Vivre, lui disait-il encore, c’est penser et sentir son âme ; tout le reste, boire, manger, etc., quoique j’en fasse cas, ne sont que des apprêts du vivre, des moyens de l’entretenir.
Le sentiment patriotique était très vif en lui ; il souffrait douloureusement des blessures de la France et des désastres qui marquèrent la chute de l’Empire.
En apprenant la mort du duc de Bourgogne, Fénelon n’a qu’une parole ; elle est brève et sentie, elle est ce qu’elle doit être : « Je souffre, Dieu le sait ; mais je ne suis point tombé malade, et c’est beaucoup pour moi.
Je souffre cruellement, et je voudrais arriver vite au bout de ma carrière. » À chaque ligne de cette correspondance naïve, je vois l’ennui, le mépris du présent, la haine des générations vivantes, de « ces myrmidons d’aujourd’hui qui se fagotent en grands hommes », le culte surtout, l’idolâtrie de la jeunesse, de celle qu’il n’a plus : « Je suis toujours triste, parce que je suis vieux… Restez jeune, il n’y a que cela de bon. » L’Élégiaque grec ne dit pas autrement, mais il est Grec et païen.
Le moment présent n’est pas très favorable à Rousseau, à qui l’on impute d’avoir été l’auteur, le promoteur de bien des maux dont nous souffrons.
Je n’ai que trop, pour mon malheur, expérimenté ce qu’on souffre de telles pertes.
N’y cherchez point l’homme d’État qui souffre ou qui regrette tout au moins le bien qu’il aurait pu faire.
Atteint en détail de mille offenses et de mille maux qui viennent « à la file », et qu’il eût plus gaillardement soufferts « à la foule », c’est-à-dire tout à la fois ; chassé par la guerre, par la contagion, par tous les fléaux (juillet 1585), il se demande déjà, du train dont vont les choses, à qui il aura recours, lui et les siens, à qui il ira demander asile et subsistance dans sa vieillesse, et, après avoir bien cherché et regardé tout alentour, il se trouve en définitive tout nu et « en pourpoint ».
Disons que, durant sa longue vie et au milieu de ses satisfactions secrètes d’amour-propre, elle eut constamment à souffrir et à se contraindre.
Il jouit de sa malice et n’en souffre pas.
Il justifiait ce joli mot de l’abbé de Boismont, son confrère à l’Académie : « Nous aimons tous infiniment M. de La Harpe notre confrère, mais on souffre en vérité de le voir arriver toujours l’oreille déchirée. » L’abbé Maury écrirait cette année même (9 décembre 1778), dans une lettre à Dureau de La Malle, la page suivante sur La Harpe ; elle en dit plus que toutes nos réflexions ; il est impossible de peindre d’une manière plus expressive le décri qui le poursuivait en ce moment, et l’injustice publique soulevée par de pures imprudences, mais dont il faillit demeurer victime : Il n’est pas vrai, écrit l’abbé Maury, qu’on ait ôté à La Harpe le Mercure ; il n’est plus chargé de la rédaction de ce journal, et on a réduit ses honoraires à mille écus, en bornant son travail à un article de littérature et à la partie des spectacles.
Il n’en souffrit pas moins cruellement de l’affront qui lui était fait ; et alors, non pas, comme on l’a cru, par hypocrisie et pour complaire au roi, mais par un réveil naturel des sentiments religieux de sa première éducation, il songea à Dieu dans sa disgrâce, et il essaya s’il ne pourrait pas guérir son cœur en le tournant vers ce qui ne change point.
Au milieu des changements merveilleux qui s’accomplissent et qui inaugurent de toutes parts une ère de paix et de régularité, la littérature ne saurait souffrir : pour peu qu’elle se ressemble à elle-même et à ce qu’elle a été dans les beaux temps, elle aime l’ordre, le travail, une société plus active qu’orageuse, assise et florissante, et qui n’est plus uniquement occupée chaque jour à s’empêcher de périr.
Richelieu a sa méthode sur la manière dont un Premier ministre dévoué doit produire et mettre en relief un roi courageux ; il souffre de voir Luynes ne rien entendre à cet art et à cette jalousie d’honneur qu’on doit avoir pour les armes de son maître.
Et dire, qu’au milieu du vague de tout rêve, il est tellement réel, il est tellement présent, que dans le cauchemar, je resouffre de ce que j’ai souffert.
* * * — La littérature, c’est ma femme légitime, les bibelots, c’est ma p….. mais pour entretenir cette dernière, jamais, au grand jamais, ma femme légitime n’en souffrira.
J’ai seulement voulu montrer qu’à huit siècles de distance on retrouve, en des circonstances peu analogues, la présence d’un vers qui souffre mal l’analyse prosodique, et qui est essentiellement différent de toutes les formes du vers, latines ou françaises.
Jamais, ou bien rarement, il s’est aventuré sur la terre commune, celle où l’être humain, dépouillé des oripeaux de la convention sociale, nu et désarmé, lutte, souffre et meurt.
Mais comme la nature ne nous montre nulle part ce modèle ni total ni partiel, comme elle produit tous ces ouvrages viciés ; comme les plus parfaits qui sortent de son attelier ont été assujettis à des conditions, des fonctions, des besoins qui les ont encore déformés, comme par la seule nécessité sauvage de se conserver et de se reproduire, ils se sont éloignés de plus en plus de la vérité, du modèle premier, de l’image intellectuelle, en sorte qu’il n’y a point, qu’il n’y eut jamais, et qu’il ne peut jamais y avoir ni un tout, ni par conséquent une seule partie d’un tout qui n’ait souffert ; scais-tu, mon ami, ce que tes plus anciens prédécesseurs ont fait.
On voit si bien, à travers sa phrase émue, qu’il a souffert toutes ces douleurs, tressailli de toutes ces joies, combattu toutes ces luttes !
Sous sa main, elle était devenue humaine ; elle écoutait aux portes du cœur ; et pas de doute que si son cœur, à lui, avait souffert, si la destinée lui avait fait goûter à ses savoureuses amertumes, si la divine Marâtre qu’on appelle la Douleur lui avait mis au front ce baiser mordant qui le féconde, pas de doute que comme critique même (comme écrivain, ce n’est pas douteux), il aurait été plus profond et plus grand… L’homme n’est jamais assez intellectuel pour pouvoir se passer de sentiments, et les plus forts sont les sentiments blessés.
Comme Machiavel, il fut ambassadeur et souffrit noblement de la pauvreté.
C’est le Témoignage éternellement vivant, indiscutable, incompatible et péremptoire, qui ne souffre pas qu’on l’invalide de la grosseur d’un atome, de la grosseur d’un rien, si un rien pouvait être quelque chose se gardant contre ses Saints eux-mêmes ; car l’Église a condamné, sur des points d’interprétation particulière, ceux qu’elle aimait le plus et qui l’ont le mieux servie.
Coquillage des bords de la Bretagne, mis sur l’étagère des belles dames, il y bourdonne les bruits lointains des flots de la mer… Cela fait rêver et ne fait pas souffrir… Cela est presque joli à entendre.
Le vertueux évêque souffrait surtout, dans sa douloureuse indignation, à la vue des crimes religieux qu’il ne pouvait prévenir.
Votre mémoire n’ébranle nullement mon opinion, qui se réduit à ceci : que l’empire de la coalition sur la France et la division de ce royaume seraient un des plus grands maux qui pussent arriver à l’humanité. » Celui qui a écrit ces lignes mémorables dans sa correspondance intime, lorsque le contrecoup des événements de France anéantissait sa fortune, l’éloignait de sa famille et le chassait de son pays, mérite d’être cru quand il tient le même langage dans ses Considérations sur la France, et les plus grandes sévérités de son génie doivent être accueillies comme celles d’un médecin dévoué qui, penché sur le lit d’un malade bien cher, le fait souffrir pour guérir son mal. […] De leur côté, les partis, après avoir tant souffert, avaient des blessures à cicatriser, et un despotisme impartial était pour eux un progrès. […] Or, le premier consul, bientôt après empereur, ne consentait à souffrir aucune autre influence intellectuelle que la sienne ; il ne voulait point laisser se créer une force d’idées qu’il n’aurait point dans les mains. […] Henri V a souffert tout ce que peut souffrir un homme et un prince. […] La France, saignée aux quatre membres par les longues et lointaines guerres de l’empire, et fatiguée de ce despotisme si lourd malgréson vernis de gloire, avait tant souffert, que, dans ces premiers moments, le retour de la paix, sous quelque forme qu’elle se présentât, lui faisait l’effet d’une délivrance ; et l’Europe elle-même, bien plus altérée de repos que de succès, semblait n’être entrée sur notre territoire que pour conquérir cette paix, non moins nécessaire aux peuples coalisés qu’à la France.
A son approche ses douleurs s’apaisent ; il se meurt, mais ne souffre plus. […] As-tu souffert d’une longue maladie, ou Diane, te visitant, a-t-elle fait tomber sur toi ses « douces flèches ? […] — Il eut à souffrir la révolte et la trahison. […] Le roi leur permettait l’irrévérence, comme le sultan souffre l’insulte et l’imprécation des fakirs. […] il est encore une partie de mon cœur qui souffre pour toi !
Je souffrais néanmoins de cet état violent, contraire à ma nature, et je suppliais tous mes amis, les uns après les autres, de m’apporter quelque raison honorable qui, en justifiant nos adversaires ou, du moins en les excusant, me permît de ne pas les mépriser. […] Un contre trois, c’était une proportion acceptable ; et, puisque le choix de Saurin souffre des difficultés, pourquoi ne prenait-on pas Monod ? […] Corneille a beaucoup souffert de l’aveu qu’il a fait que son génie avait baissé et du désespoir hautain avec lequel il s’est publiquement déclaré vaincu. […] — « Je veux, dit Pierre, lutter et souffrir. […] Flaubert ne voulait pas que Mme Sand se permît de rire ; il souffrait cruellement de son désaccord avec de chères intelligences, quand il combattait pour Chateaubriand, objet de son culte, contre les mécréants Tourgueneff et Zola ; mais son irritation la plus vive, d’où venait-elle ?
Et, en les écoutant, elle souffre encore de ce je ne sais quoi d’inconsolé qui, goutte à goutte, pleure au plus profond des femmes, qu’elles souffrent de leurs douleurs, ou qu’elles les aient oubliées, ou qu’elles les pressentent, futures, ou bien qu’elles se croient même heureuses16 ». […] Mais si l’homme en a souffert jusqu’au bout, cette souffrance ne passe pas dans son art, — ni en lassitude ni en application. […] Il souffrait de la solitude, non seulement de cette solitude que crée l’exil, mais de celle qui enveloppe une supériorité dont on a conscience et qui n’est pas reconnue. […] S’ils ont excellé dans la « note », c’est que la « note » souffre les approches les plus familières ; je dirai même qu’elle les appelle : elle n’est vraiment « note » qu’à ce prix. […] On souffre un peu, puis on se console, fût-ce d’une bonne action.
Tels sont les trois genres de comique, parmi lesquels nous ne comptons ni le comique de mots si fort en usage dans la société, foible ressource des esprits sans talent, sans étude, & sans goût ; ni ce comique obscene, qui n’est plus souffert sur notre théatre que par une sorte de prescription, & auquel les honnêtes gens ne peuvent rire sans rougir ; ni cette espece de travestissement, où le parodiste se traîne après l’original pour avilir par une imitation burlesque, l’action la plus noble & la plus touchante : genres méprisables, dont Aristophane est l’auteur. […] La tragédie qui n’est qu’un apologue devroit finir par un trait frappant & lumineux, qui en seroit la moralité ; & nous ne craignons point d’en donner pour exemple cette conclusion d’une tragédie moderne, où Hécube expirante dit ces beaux vers : Je me meurs : rois, tremblez, ma peine est légitime ; J’ai chéri la vertu, mais j’ai souffert le crime. […] Tantôt on croit voyager sur un vaisseau avec ce qu’on aime, on est exposé à la même tempête ; on dort sur le même rocher, & à l’ombre du même arbre ; on se desaltere à la même source ; soit à la poupe, soit à la proue du navire, une planche suffit pour deux ; on souffre tout avec plaisir ; qu’importe que le vent du midi, ou celui du nord, enfle la voile, pourvû qu’on ait les yeux attachés sur son amante ? […] L’action de l’Odyssée prouve, si l’on veut, qu’un état ou qu’une famille souffre de l’absence de son chef ; mais elle prouve encore mieux qu’il ne faut point abandonner ses intérêts domestiques pour se mêler des intérêts publics, ce qu’Homere certainement n’a pas eu dessein de faire voir. […] La liberté romaine avoit chéri l’autorité des rois ; elle ne put souffrir l’autorité des grands.
Vous ne vous contentez plus des ecchymoses, vous tuez bel et bien, — et vous vous entendez à faire souffrir longtemps. […] Cet amour aigu, qu’on a fiché par surprise dans son âme, où il s’enfonce chaque jour davantage comme un poignard vivant, cet amour qu’il ne cherchait pas, qu’on lui a imposé, dont il souffre et dont il est innocent, il faut cependant qu’il ait satisfaction ! […] Mais cette âme ingénue n’entend rien aux roueries de Célimène, elle ne sait qu’aimer, se donner et souffrir. […] dit-il enfin, est-ce que vous souffrez ? […] Nous autres, au contraire, de compréhension rapide et de nature impatiente, nous ne pouvons souffrir qu’on nous traîne longtemps sur un même sujet.
Ce n’est pas un de ces esprits qui pensent avec singularité, non plus qu’un de ces cœurs qui souffrent tragiquement. […] Cette faculté de souffrir, encore avivée pendant son affreuse maladie, n’enleva à Alphonse Daudet ni sa belle humeur ni son optimisme. […] Alphonse Daudet lui-même eut à souffrir de ces indiscrétions. […] Il ne souffrait pas plus d’être persiflé que d’être rencontré dans la rue portant un paquet de carottes sous le bras. […] Chez elle ou chez des amis, elle n’a jamais souffert que quelqu’un l’aidât à faire sa chambre.
Qu’ils n’oublient pas cependant de quelle pâte ils sont pétris, race d’esclaves et même de laquais ; qu’ils souffrent qu’un gentilhomme le leur rappelle. […] Son œuvre en souffre, même littérairement. […] Toute chair qui souffre, le sang, de quelque artère qu’il coule, animale ou humaine, le taureau harponné de banderilles et le cheval aveuglé qu’il éventre, tout supplice, toute angoisse, toute peine a son hymne douloureux. […] Je n’oublie aucune des raisons par lesquelles il se démontre à lui-même qu’il doit souffrir. […] Ainsi fit-il, et, malgré tout, il souffrit.
Qu’on lui donne soixante ans et des cheveux gris, qu’on en fasse un amoureux, un jaloux et une dupe, et ce malheureux, digne pour le moins d’un blâme compatissant, puisqu’il souffre, va soulever un éclat de rire universel de gaieté moqueuse et d’antipathique dédain. […] Ce qui dans le dénouement tragique est détruit, c’est seulement la particularité exclusive… Au-dessus de la simple terreur et de la sympathie tragiques plane le sentiment de l’harmonie que la tragédie maintient en laissant entrevoir la justice éternelle qui, dans sa domination absolue, brise la justice relative des fins et des passions exclusives, parce qu’elle ne peut souffrir que le conflit et le désaccord des puissances morales, harmoniques dans leur essence, se continue victorieusement et conserve une existence réelle et vraie.
Ne savez-vous pas que je vous connais pour un âne, Et que vous auriez été bien volontiers un maquereau, Si la fortune l’avait souffert ? […] La querelle des deux coquins découvre leurs impostures, et le maître, le valet, avec les trois héritiers futurs, sont envoyés aux galères, à la prison, au pilori, « où le peuple leur crèvera les yeux à coups d’œufs pourris, de poissons infects et de fruits gâtés153. » On n’a point écrit de comédie plus vengeresse, plus obstinément acharnée à faire souffrir le vice, à le démasquer, à l’insulter et à le supplicier.
L’auteur, à contre-cœur, admirait les corrections tout bas, et tâchait tout haut d’en rabaisser l’importance, jusqu’à ce qu’enfin sa vanité, blessée de tant devoir à un si jeune homme et de rencontrer un maître dans un écolier, finit par le retirer d’un commerce où il profitait et souffrait trop. […] Si vous lisez dans Swift la copie littérale d’une conversation à la mode, vous verrez qu’une femme à la mode dans ce temps-là pouvait souffrir beaucoup de choses sans se fâcher.
« Il me prit les deux mains, les serra et me dit : « — Mon brave capitaine, vous souffrez plus que moi de ce qu’il vous reste à faire, je le sens bien ; mais qu’y pouvons-nous ? […] Elle ne peut pas souffrir le voisinage d’un homme depuis l’affaire de la lettre.
Voilà ce que Descartes enseigne divinement ; voilà ce que Descartes enseigne avec une clarté qui ne laisse plus aucun nuage, avec cette autorité qui n’appartient qu’au vrai, et qui ne souffre plus de controverse. […] Soyez donc mes cautions auprès de Criton, mais d’une manière toute contraire à celle dont il a voulu être la mienne auprès de mes juges ; car il a répondu pour moi que je ne m’en irais point ; vous, au contraire, répondez pour moi que je ne serai pas plutôt mort que je m’en irai ; afin que le pauvre Criton prenne les choses plus doucement, et qu’en voyant brûler mon corps ou le mettre en terre, il ne s’afflige pas sur moi, comme si je souffrais de grands maux, et qu’il ne dise pas à mes funérailles qu’il expose Socrate, qu’il l’emporte, qu’il l’enterre ; car il faut que tu saches, mon cher Criton, lui dit-il, que parler improprement, ce n’est pas seulement une faute envers les choses, mais c’est un mal que l’on fait aux âmes.
Cette distinction n’est possible qu’approximativement et n’est vraie qu’en gros ; elle n’a rien de tranché ni d’absolu ; la loi de continuité ne souffre pas d’exceptions. […] Il l’est pour plusieurs raisons : d’abord parce qu’ici la connaissance doit être précise et ne souffre pas l’à-peu-près, ensuite parce que les rapports sont très nombreux.
Cette puissance de souffrir pour tous, et cette puissance de compatir à tous, lui donnaient la puissance d’exprimer pour tous, et tous aussi reconnaissent leurs gémissements dans sa voix. […] Ce fut alors aussi que ce jeune homme fut confondu quelque temps par l’adversité avec ceux qui souffrent de la vie dans les misères d’une capitale.
Il parle avec une éloquence modeste des maux que les prétendants font souffrir à sa mère, à lui, à son pays. […] Là, dans sa propre demeure, il allait souffrir une indigne insulte des chiens ; mais le gardien des porcs, s’élançant d’un pied rapide, franchit le vestibule, et le cuir de bœuf tombe de sa main.
Le langage d’Aristophane sent son misérable Charlatan ; ce sont les pointes les plus basses & les plus dégoutantes ; il n’est pas même plaisant pour le peuple, & il est insupportable aux gens de jugement & d’honneur ; on ne peut souffrir son arrogance & les gens de bien détestent sa malignité. […] Enfin Segrais a violé une des regles essentielles à un bon traducteur des anciens Poëtes ; c’est de ne pas s’éloigner du sens de son original, même lorsque la versification peut en souffrir.
Ainsi, contrairement à tout ce qu’on a dit de cet homme, bien plus conséquent qu’on ne l’a cru à l’idée de toute sa vie, Granier de Cassagnac n’a jamais été le polémiste de ces gouvernements, dont il fut le bras droit et la plume valant épée, que par l’unique et souveraine raison que ces tristes gouvernements étaient tout ce qui restait d’autorité et de monarchie pour la France et tout ce que la malheureuse pouvait, de présent, en souffrir ! […] C’est l’écrivain des choses éternelles que je souffre de voir sacrifié à la nécessité des choses du temps.
Pour moi, je ne croirai jamais que la jeunesse peigne ainsi la jeunesse, que le bonheur peigne ainsi la félicité, et si je n’avais pas dans mon âme la certitude que, comme tout véritable grand homme, Shakespeare a dû cruellement souffrir de la vie, je n’en douterais plus après avoir lu Roméo. […] Il est vrai qu’immédiatement après l’avoir lâché, Hazlitt, comme Trissotin qui ne peut pas souffrir qu’on aille, de maison en maison, trimbaler ses vers, et qui tire, sans point ni virgule, les siens de sa poche, fait immédiatement son petit speech sur le Roi Lear… Nous aussi nous croyons, comme Hazlitt, que raconter un drame du vieux Shakespeare, dont la première représentation n’est pas d’hier soir et qu’on peut lire dans le premier cabinet de lecture venu, est une impertinence.
Par exemple, celle-ci : « Ceux qui ne veulent pas souffrir que le prince use de rigueur en matière de religion, parce que la religion doit être libre, sont dans une erreur impie. » Ou bien cette autre : « Les princes ont reçu de Dieu l’épée pour seconder l’Église et lui soumettre les rebelles. […] A la Révocation de l’édit de Nantes il répondit, le même mois, par l’édit de Postdam où il disait notamment : « Comme les persécutions et les rigoureuses procédures qu’on exerce depuis quelque temps en France contre ceux de la religion réformée ont obligé plusieurs familles de sortir de ce royaume et de chercher à s’établir dans les pays étrangers, nous avons bien voulu, touché de la juste compassion que nous devons avoir pour ceux qui souffrent pour l’Évangile et pour la pureté de la foi que nous confessons avec eux, par le présent édit, signé de notre main, offrir aux dits Français une retraite sûre et libre dans toutes les terres et provinces de notre domination ; et leur déclarer en même temps de quels droits, franchises et avantages, nous prétendons les y faire jouir, pour les soulager, et pour subvenir en quelque manière aux calamités avec lesquelles la Providence divine a trouvé bon de frapper une partie si considérable de son église. » La réponse à cet appel ne se fit pas longtemps attendre.
Aujourd’hui l’on mettrait volontiers sur leur compte les maux dont nous souffrons. […] Toutefois, par un autre côté, elle n’a pas été sans souffrir d’être venue si tard.
Dans quelques épîtres, il y a d’assez jolis passages, et qui le peignent, sur l’ambition, sur la paresse : Qui sait, au printemps de son âge, Souffrir les maux avec courage A bien des droits sur les plaisirs.
Que t’a servi de fléchir les genoux Devant un Dieu fragile et fait d’un peu de boue, Qui souffre et qui vieillit pour mourir comme nous ?
Il a entendu parler d’une autre personne plus convenable tant pour sa beauté modeste que pour sa vertu et haute extraction ; c’est Anne de Courtenay, fille de M. de Bontin : c’est cette dernière que la raison désigne à Rosny, et, même en telle matière qui a pour fin le mariage, il se rappelle cette maxime : « que celui qui veut acquérir de la gloire et de l’honneur, doit tâcher à dominer ses plaisirs et ne souffrir jamais qu’ils le dominent ».
Sa fierté souffrait de ce mode de paiement ; il en rougissait presque en en parlant longtemps après.
Deyverdun prend feu et lui répond (10 juin 1783) par l’aperçu d’une vie heureuse faite pour tenter ; il connaît bien son ami, il veut l’arracher à une condition politique qui n’est pas faite pour lui, et où sa nature véritable a dû nécessairement souffrir : « Rappelez-vous, mon cher ami, lui dit-il, que je vis avec peine votre entrée dans le Parlement, et je crois n’avoir été que trop bon prophète : je suis sûr que cette carrière vous a fait éprouver plus de privations que de jouissances, beaucoup plus de peines que de plaisirs.
Elle correspondait avec Leibniz, qui l’assurait qu’elle n’écrivait pas mal l’allemand, ce qui lui fait grand plaisir, car elle ne peut souffrir, dit-elle, de voir des Allemands qui méprisent et méconnaissent leur langue maternelle.
Les passions ne semblent pas l’avoir fortement agité ; il aima une de ses cousines germaines qui le paya de retour, mais le père de la jeune lille s’opposa au mariage, et Cowper ne paraît pas en avoir beaucoup souffert.
L’amour n’a jamais seulement effleuré son âme ; l’amitié suffit à sa sensibilité… La vie de cœur de Mme de Créqui, aux années actives, se résume en ces deux mots : Elle a aimé son digne oncle, et elle a souffert par son fils.
J’ai une santé bien faible pour m’appliquer aux mathématiques ; je ne peux pas travailler une heure par jour sans souffrir beaucoup.
. — Rien n’est parfait en ce monde ; Le Dieu commence à souffrir d’une tumeur au pied gauche ; puis son pied droit s’enfle.
Lainé et son égal à l’entrée de la carrière, signalé comme lui à l’attention publique et aux honneurs du nouveau régime par le même acte de résistance au régime précédent, il sent bien vite quelle destinée différente ont faite à son ami ses talents d’orateur, et quelle disproportion de classement il en résulte entre eux dans l’opinion ; il en souffre, il s’abandonne tout bas au découragement et prend une part de moins en moins active aux discussions de la Chambre : J’en suis puni (écrivait-il à la fin de l’année 1814) par la perte de cette considération personnelle dont je jouissais il y a un an.
… » Comme Voltaire l’avait dénoncé d’emblée aux puissances et signalé comme un calomniateur de Louis XIV, de Louis XV et du roi de Prusse, La Beaumelle le rappelait à l’ordre et lui faisait toucher son inconséquence : « Apprenez qu’il est inouï que le même homme ait sans cesse réclamé la liberté de la presse, et sans cesse ait tâché de la ravir à ses confrères15. » Il y a même une lettre assez éloquente, la xiiie , dans laquelle l’auteur suppose un baron allemand de ses amis, qui s’indigne de l’espèce de défi porté par Voltaire, dans son enthousiasme pour le règne de Louis XIV : « Je défie qu’on me montre aucune monarchie sur la terre, dans laquelle les lois, la justice distributive, les droits de l’humanité, aient été moins foulés aux pieds… que pendant les cinquante-cinq années que Louis XIV régna par lui-même. » La réponse est d’un homme qui a souffert dans la personne de ses pères et qui sort d’une race odieusement violentée dans sa conscience, opprimée depuis près de quatre-vingts ans16 et traquée.
Souffrira-t-elle, lui mort, qu’un de ses membres l’insulte, et qu’averti une première fois, il récidive ?
Il était souverainement injuste de dire que le prince de Conti ne pouvait plus souffrir Mme de Boufflers qui était comme sa femme de la main gauche, et qui faisait si bien les honneurs du Temple et de l’Ile-Adam ; mais il est très-vrai que la passion, des deux côtés, était depuis longtemps bien amortie ; ; le prince avait, depuis dix ans au moins, d’autres maîtresses déclarées, et il ne se contraignait en rien sur ce chapitre.
Le paysagiste pur reparaît dans mainte page, — dans la halte si bien décrite autour du pistachier, cet arbre à tête ronde et aux larges rameaux en parasol, qui abrite un moment à midi la caravane rassemblée : « L’arbre reçoit sur sa tête ronde les rayons blancs de midi ; par-dessous, tout paraît noir ; des éclairs de bleu traversent en tous sens le réseau des branches ; la plaine ardente flamboie autour du groupe obscur ; et l’on voit le désert grisâtre se dégrader sous le ventre roux des dromadaires. » Quand il nous décrit, au contraire, la végétation monotone de l’alfa, espèce de petit jonc, plante utile qui sert de nourriture aux chevaux, mais la plus ennuyeuse aux yeux qui se puisse voir, et qui, régnant sur des étendues infinies, ressemble à « une immense moisson qui ne veut pas mûrir, et qui se flétrit sans se dorer », on retrouve l’homme dont le sentiment souffre et dont l’âme s’ennuie.
La fierté de Chimène souffre, son orgueil saigne, mais la peur qu’elle a qu’il se laisse tuer l’emporte.
Je ne me départirai pas de vos conseils, dont je n’ai pas même parlé à M. le Dauphin, qui ne peut la souffrir, mais n’en marque rien par respect pour le roi.
Elle dissimule devant le monde et la Cour, mais elle souffre, et elle décharge son chagrin dans le sein de sa mère.
L’âme, rayon du ciel, prisonnière invisible, Souffre dans son cachot de sanglantes douleurs ; Du fond de son exil elle cherche ses sœurs ; Et les pleurs et les chants sont les voix éternelles De ces filles de Dieu qui s’appellent entre elles.
Mlle de Liron, toute campagnarde qu’elle est, a un esprit mûr et cultivé, un caractère ferme et prudent, un cœur qui a passé par les épreuves : elle a souffert et elle a réfléchi.
Sa santé en souffrit, son talent d’observation dut y gagner ; il remarquait tout, maladif et taciturne ; et comme il n’avait pas la tournure d’esprit rêveuse et que son jeune âge n’était pas environné de tendresse, il s’accoutuma de bonne heure à voir les choses avec sens, sévérité et brusquerie mordante.
Il souffrait de ce mal vague qui est celui du siècle, et qui se compliquait pour lui des circonstances particulières d’une position gênée.
Déjà même l’homme a trop souffert comme homme pour que les dignités, le pouvoir, les circonstances enfin qui sont particulières à quelques destinées seulement, ajoutent beaucoup à l’émotion causée par le malheur.
De même une armée qui, entrant en campagne, casserait tous ses officiers ; les nouveaux grades sont pour les plus hardis, les plus violents, les plus opprimés, pour ceux qui, ayant le plus souffert du régime antérieur, crient « en avant », marchent en tête et font les premières bandes.
Dur, colère jusqu’aux emportements contre les choses inanimées, incapable de souffrir la moindre contradiction, opiniâtre à l’excès, passionné pour tous les plaisirs, la bonne chère, la chasse, la musique, le jeu, où il ne pouvait supporter d’être vaincu ; il ne regardait les hommes que comme des atomes, avec qui il n’avait aucune ressemblance, quels qu’ils fussent.
On n’aime pas alors l’histoire pour elle-même ; et il n’est personne, dans ces études, qui ne recherche les remèdes des maux dont souffre la monarchie française.
Duruy, mais il vaut mieux ne pas les rappeler. » L’empereur souffrait ces franchises, et n’en pensait — ou n’en songeait pas moins ; car il me paraît avoir songé sa vie plus qu’il ne l’a vécue.
Que ton vers soit la chose envolée… On souffre lorsqu’après des images grandes ou fluides apparaissent des mots prosaïques ressortissant du vocabulaire de la philosophie ou empruntés à la terminologie de la Science ; l’esprit qui croyait planer avec le rêve se retrouve soudain à terre.
Ne souffre pas que, suppliante, je sois arrachée du pied de ces statues divines, entraînée comme une cavale, saisie par mes bandelettes bigarrées, tirée par mes voiles. » — Une image bucolique semble évoquer leur mère commune dans sa métamorphose douloureuse : — « Regarde-moi, je suis là, suppliante, exilée, errante, comme la vache poursuivie par le loup sur un haut rocher.
Un haut sentiment de moralité militaire anime ces pages ; on sent combien l’historien souffre d’avoir à raconter ce premier désastre ; mais il l’a sondé hardiment, et il s’estime encore heureux de n’avoir à y constater, après tant de calomnies, qu’un immense malheur.
Un jeune seigneur (Gui de Laval), qui la vit dans le moment de sa gloire, et qui en écrivît une lettre à sa mère et à son aïeule, nous l’a peinte alors de pied en cap, au naturel : « Je la vis monter à cheval, dit-il, armée tout en blanc, sauf la tête, une petite hache en sa main, sur un grand coursier noir qui, à l’huis de son logis, se démenait très fort, et ne souffrait qu’elle montât ; et lors elle dit : “Menez-le à la croix.” » Cette croix était près de l’église, au bord du chemin.
La raison ne vient guère jamais aux nations et aux masses que par nécessité, par épuisement, quand, après avoir bien souffert, on sent qu’il n’est encore, pour en finir, que d’y mettre chacun du sien et de s’accorder.
C’est ainsi que ceux qui avaient fait le scandale dans l’ancienne société, et qui avaient le plus abusé, périssaient en entraînant dans leur chute les innocents mêmes qui en avaient souffert.
Il est même à croire, comme il nous l’a très bien expliqué, que, dans un temps paisible, sa réputation d’archevêque aurait eu beaucoup plus à souffrir, car il aurait eu peine à dissimuler longtemps ses vices et ses désordres, au lieu qu’ils se perdaient dans la confusion inévitable d’une guerre civile.
Ce jugement général souffrirait quelque exception, si l’on examinait son ode intitulée Le Triomphe de nos paysages, où il y a des peintures assez fraîches, et celle qui a pour titre Mes souvenirs ou les Deux Rives de la Seine, où il a mis quelque sensibilité, mais de cette sensibilité où l’on n’a que soi-même pour objet21.
Le vent qui nous donnait dans le nez nous faisait extrêmement souffrir.
Cette émancipation de son intelligence semble n’avoir souffert aucune gêne ni aucun retard.
À la vue de ce délabrement du royaume et de cette faiblesse des conseillers durant ces années de minorité, Richelieu souffrait donc et se demandait s’il ne paraîtrait pas un vengeur.
Quand on est en état de sentir la beauté et d’en saisir le caractère, franchement on ne se contente plus de la médiocrité, et ce qui est mauvais fait souffrir et vous tourmente à proportion que vous êtes enchanté du beau.
Et sans cesse aussi, ayant assimilé les âmes aux éléments, le romancier prête, en retour, aux forces naturelles, de sourdes et inarticulées passions ; parle de l’entêtement des vagues et du rut de la terre ; fait souffrir une machine des coups qui la mutilent ; assigne à une maison l’humeur rogue de ses locataires.
Entrer en passion pour le bon, pour le vrai, pour le juste ; souffrir dans les souffrants ; tous les coups frappés par tous les bourreaux sur la chair humaine, les sentir sur son âme ; être flagellé dans le Christ et fustigé dans le nègre ; s’affermir et se lamenter ; escalader, titan, cette cime farouche où Pierre et César font fraterniser leurs glaives, gladium gladio copulemus ; entasser dans cette escalade l’Ossa de l’idéal sur le Pélion du réel ; faire une vaste répartition d’espérance ; profiter de l’ubiquité du livre pour être partout à la fois avec une pensée de consolation ; pousser pêle-mêle hommes, femmes, enfants, blancs, noirs, peuples, bourreaux, tyrans, victimes, imposteurs, ignorants, prolétaires, serfs, esclaves, maîtres, vers l’avenir, précipice aux uns, délivrance aux autres ; aller, éveiller, hâter, marcher, courir, penser, vouloir, à la bonne heure, voilà qui est bien.
J’insiste sur ce point que ni le fond ni les détails n’ont eu à souffrir de ce souci d’amélioration de la forme.
L’Église a laissé faire au Dante son rêve immense et elle a souffert dans son sein ces autres poëtes, appelés mystiques, qui souvent ont été des Saints, et qui, eux aussi, ont cherché à percer le ciel de leur regard et à voir ce qu’il y avait derrière cette éternité éblouissante !
… Et pour la pardonner aux éditeurs, il faut penser qu’après tout c’est peut-être mieux comme cela, que le monde, si indifférent aux poètes, sache bien ce qu’un grand poète — l’un des plus grands de tous — a pu souffrir pour tout le bonheur qu’il nous a donné !
» J’ai passé au front de durs moments, car pendant le premier hiver nous n’avions pas encore l’habitude de cette guerre de « taupes » et dans les Vosges (col de Sainte-Marie) nous souffrions beaucoup du froid.
Placez Joanna Southcote à Rome, elle fonde un ordre de carmélites aux pieds nus, toutes prêtes à souffrir le martyre pour l’Église. » Et rien de plus « habile », en effet, si la religion n’est qu’une politique. […] Le lieutenant de police « de la ville et faubourgs de Lyon », M. de Seynas, reçoit un matin la lettre suivante : Monsieur, souffrez que j’aie l’honneur de m’adresser à vous. […] J’ai souffert, je crois, tout ce qu’il plaît au sort de nous faire souffrir, et j’étais né d’une sensibilité peu commune. […] J’ai souffert assez longtemps les insultes de Fréron. […] Et je pourrais souffrir que l’on me retouchât !
Et il ne veut plus, il ne souffre plus que l’on lui en conte. […] — Aussi je ne peux pas souffrir les personnes qui mettent plusieurs mots. […] Ou pour aller plus profondément peut-être, ses hommes sont femmes, ils ont tous souffert de la contamination féminine, de quelque contamination féminine. […] Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous, Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ? […] D’avoir souffert ensemble.
L’envieux vit au milieu des hommes, & il ne peut les souffrir, parce que chacun lui rappelle ce qu’il n’a pas. […] En fait de goût, nous jugeons par nos habitudes : nous croyons notre Poèsie supérieure à celle de nos voisins, qui ne peuvent guères souffrir la nôtre, & les Nations disent comme les Sociétés, nous sommes les seuls qui avons de l’esprit. […] Je sçais qu’il est fin, ingénieux, délicat ; & voilà pourquoi je souffre en le lisant ; il souille à mes yeux son esprit. […] Dès qu’ils souffrent, il faut qu’il soit frappé de leurs douleurs.
S’il trouve sa Mme de Warens, il la détestera en l’aimant, la fera souffrir en lui donnant le bonheur, et, surtout, verra en elle une conquête flatteuse pour son amour-propre irrité et amer. S’il trouve une jeune fille des classes dirigeantes qu’il aime et dont il est aimé, mais aussi orgueilleuse que lui, l’amour entre ces deux êtres sera un drame terrible, où chacun, dès qu’il a laissé voir son amour, sent qu’il se livre, sent qu’il s’abaisse, redoute l’orgueil de l’autre, se reprend aussitôt et se ressaisit, souffre et fait souffrir tout ce que l’orgueil peut infliger de tortures à l’amour, passe tour à tour par toutes les affres de l’humiliation, de la révolte, de la « haine impuissante » et aussi de la haine satisfaite. […] Quand on songe que Stendhal ne pouvait pas souffrir Racine ! […] Même aux États-Unis, que Tocqueville, pour des raisons que nous verrons plus tard, aime chèrement, sur certains points un despotisme existe, qui est très pénible : « Lorsqu’un homme ou un parti souffre d’une injustice aux États-Unis, à qui voulez-vous qu’il s’adresse ? […] » Peut-on souffrir un artiste qui, peignant Boissy d’Anglas, « n’a pas vu que l’insurrection de Prairial fut provoquée par la réaction thermidorienne » ?
Il voit les personnages vivre, souffrir, espérer, entreprendre, échouer, réussir, et il s’intéresse à eux de tout son cœur. […] Il avait trop longtemps souffert de privations pour que, malgré sa constitution robuste, il pût arriver à la vieillesse. […] comme elle souffre ! […] Est-ce que cela se peut souffrir ? […] Mais elle n’a jamais souffert que l’on fût laid.
N’ayant pu d’ailleurs autrement m’y prendre pour « exalter » l’une et pour « dénigrer » l’autre, je me serai à moi-même, si l’on me souffre cette impertinence, un supplément de preuves de cette réelle impossibilité. […] Il y a peut-être en littérature des genres qui ne sauraient souffrir la médiocrité — je ne sais trop lesquels, — mais on dit qu’il y en a, et pour aujourd’hui, je le crois, je veux le croire. Il y en a d’autres, au contraire, qui la souffrent ; qui ne la supportent pas seulement, qui la comportent ; et dont on peut aller jusqu’à dire qu’ils en vivent : tels sont le sermon, le discours politique, tels encore le réquisitoire et le plaidoyer d’avocat. […] Ce qui n’est pas au moins douteux, c’est que, moins occupés d’eux-mêmes, ils eussent moins souffert, toute souffrance, comme on le sait bien, s’accroissant et s’exaspérant par l’attention qu’on lui donne. […] Mais il est plus commode, évidemment, de dire, — et surtout plus vite fait — qu’Hugo est « le « plus grand lyrique de tous les siècles », et voilà, quand on l’a dit, qui ne souffre plus de contradiction.
Elle souffre, ou plutôt encore elle autorise toutes les complaisances et toutes les contradictions. […] Son œuvre, dans son ensemble, a souffert de cette « matérialisation » de la pensée qui semble être une des conditions nécessaires de la poésie ; car comment serait-on poète sans mouvements ou sans images ? […] Elle souffre et se sent percer les mains en expiation toutes les nuits. » Vigny et Sainte-Beuve sont deux des maîtres de Baudelaire : le Sainte-Beuve « carabin » ; et le Vigny mystique « en qui, comme le dit M. […] C’est Stella qui l’encourage ; à l’approche de la Terre, le besoin de souffrir et de se dévouer s’est réveillé plus impérieux dans la chair de la femme. […] Si, d’ailleurs, son œuvre a souffert et souffrira, quelque jour, bien davantage encore de cette maladresse d’exécution, la leçon n’en était pas moins bonne.
II Quand on veut dégager les causes de l’influence sociale d’un philosophe, une première question s’impose : quelles qualités prisait-il d’abord chez l’homme et souffrait-il de ne pas rencontrer dans le monde réel ? […] C’est à seize ans qu’il composait son Sursum corda, dont une simple Stance révèle toute l’inspiration : … Quand la douleur t’étreint, sois heureux de souffrir : Il vit, et tu vivras si tu le suis. […] Le Père Léonce, qui avait tant aimé la littérature, eût, par modestie, souffert de ce rapprochement du simple prêtre qu’il voulut rester avec un grand philosophe et un grand artiste en prose ; mais n’en eût-il pas compris la portée, qui mériterait d’être étudiée dans un détail plus complet ? […] Je voudrais avoir donné le meilleur cheval que j’aye, et l’avoir, ce chant, pour le mettre ici. » Un tel courage suppose une foi profonde dans la cause pour laquelle on se bat, on souffre, on meurt. […] Il souffre d’un grand « choc nerveux », c’est l’expression dont l’impératrice se sert pour raconter à Bülow que son mari a des frissons, des crises de larmes et qu’il parle d’abdiquer.
Mais, comme je n’ai pas eu besoin de « vertu » pour être un « prodigieux poète », souffrez, Monsieur Le Blond, que je vous renvoie vos fourrures. […] Elle souffre en silence, essaye de se résigner. […] Il voit dans le christianisme la plaie la plus épouvantable dont aient souffert les races occidentales ; il regarde la Renaissance, la Réforme et la Révolution française comme des aubes bienheureuses, qui, après la nuit du moyen âge, annoncent une nouvelle morale plus saine, lumineuse et naturelle.
Je ne veux pas dire qu’il n’y ait pas de tempéraments jaloux à Paris ni qu’un jaloux n’y souffre pas ; bien au contraire. […] Elles deviennent d’une telle absurdité qu’il ne tarde pas à y renoncer et à prendre le parti de souffrir en silence, s’il ne peut vaincre son caractère et le plier aux circonstances sociales. […] Qui souffre d’une fenêtre ouverte supporte fort bien la voiture découverte, même par un temps frais et même froid.
Il souffre de la faim, de la soif ; il est assailli de violentes tempêtes, inconnues sous le ciel d’Europe ; il a de longues nuits, glacées, sans sommeil ; ses gens se révoltent, et il est seul pour les réduire à l’obéissance ; il y parvient, grâce à son énergie et à la solidité de son bâton. […] Le malade sentit ses forces diminuer de jour en jour ; mais résigné, tranquille, il dissertait gravement sur son mal, en suivait comme avec l’œil le développement rapide et caché, et calculait avec un calme admirable ce qu’il lui restait de jours à vivre et à souffrir. Souffrir et mourir !
Deux mots exactement et absolument synonymes seraient sans doute un défaut dans une langue, parce que l’on ne doit point multiplier sans nécessité les mots non plus que les êtres, et que la première qualité d’une langue est de rendre clairement toutes les idées avec le moins de mots qu’il est possible ; mais ce ne serait pas un moindre inconvénient, que de ne pouvoir jamais employer indifféremment un mot à la place d’un autre : non seulement l’harmonie et l’agrément du discours en souffriraient, par l’obligation où l’on serait de répéter souvent les mêmes termes, mais encore une telle langue serait nécessairement pauvre et sans aucune finesse. […] Nous ignorons si dans la poésie latine l’élision des voyelles avait lieu ; il y a apparence néanmoins qu’on prononçait la prose comme la poésie, et il est vraisemblable que les voyelles qui formaient l’élision en poésie n’étaient point prononcées, ou l’étaient très peu ; autrement, la mesure et l’harmonie du vers en auraient souffert sensiblement. […] L’harmonie souffre quelquefois de la justesse et de l’arrangement logique des mots, et réciproquement : c’est alors à l’orateur à concilier, s’il est possible, l’un avec l’autre, ou à décider lui-même jusqu’à quel point il peut sacrifier l’harmonie à la justesse.
Il nous apprend qu’il avait pour collaborateur le roi lui-même : « Chacun sait que le roi défunt ne lisait pas seulement mes Gazettes, et n’y souffrait pas le moindre défaut, mais qu’il m’envoyait presque ordinairement des mémoires pour y employer. » Quand le roi était éloigné de Paris, il envoyait des courriers d’un bout du royaume à l’autre, à lui Renaudot, pour lui faire savoir ce qu’il devait insérer ; et plus d’une fois, lorsque le courrier de Paris qui était porteur de la Gazette éprouvait quelque retard, il arriva que le roi témoigna son impatience.
Et comment, par exemple, n’appellerait-on point précieux un observateur qui vous dit, en voyant dans une foule les figures laides faire assaut de coquetterie avec les figures plus jolies (la page est curieuse et dispense d’en lire beaucoup d’autres ; mais, à côté du bon Marivaux, il faut bien qu’on sache où est le mauvais) : J’examinais donc tous ces porteurs de visages, hommes et femmes ; je tâchais de démêler ce que chacun pensait de son lot, comment il s’en trouvait : par exemple, s’il y en avait quelqu’un qui prît le sien en patience, faute de pouvoir faire mieux ; mais je n’en découvris pas un dont la contenance ne me dît : « Je m’y tiens. » J’en voyais cependant, surtout des femmes, qui n’auraient pas dû être contentes, et qui auraient pu se plaindre de leur partage, sans passer pour trop difficiles ; il me semblait même qu’à la rencontre de certains visages mieux traités, elles avaient peur d’être obligées d’estimer moins le leur ; l’âme souffrait : aussi l’occasion était-elle chaude.
Je laisse perdre le temps, et ensuite je veux tout forcer : voilà la clef de ma conduite… Mon amour-propre est extrême ; mais dans les petits objets, dans la société, il n’est que sur la défensive, il ne demande qu’à n’être pas blessé, sans désir d’être flatté ; dans les grands, il ne me porterait qu’à la gloire la plus éclatante ; mais le dégoût suivrait de près, et le mépris de mon siècle ne me permettrait pas de mettre longtemps du prix à son approbation… Mon amour-propre s’irrite quelquefois dans le tourbillon du monde : il se tait dans la solitude… Je n’aime point à me montrer à mes amis sous un côté défavorable ; je souffre de les voir malheureux de mon malheur, et je suis convaincu que les sentiments diminuent par la perte des avantages… Il faut donc cacher ses plaies, dissimuler les grandes impuissances de la vie : la pauvreté, les infirmités, les malheurs, les mauvais succès… Il ne faut confier que les malheurs éclatants, qui flattent l’amour-propre de ceux qui les partagent et s’y associent.
Il le dit et le redit, comme un bon citoyen qui s’en alarme, comme un homme qui en souffre, d’une manière pénétrée et touchante : il discerne un principe de mort, à travers cet esprit qui scintille, sous cette politesse méchante et glacée : J’en reviens au progrès des mœurs.
Villars en souffrait ; il n’était pas de ces généraux pour qui c’est assez d’être et de subsister.
Il a une pièce que peu de princes ont eue, et jamais nul ne l’eut qu’il ne fût grand prince : il sait souffrir qu’on lui dise vérité.
Il eut plus qu’eux aussi, plus que tous ces hommes distingués et raisonneurs du premier et du second groupe doctrinaire, le sentiment patriotique proprement dit, celui même qui animait le noble duc de Richelieu, et qui fait qu’on souffre tout naturellement et qu’on a le cœur qui saigne à voir l’étranger fouler le sol de la patrie.
Horace Vernet ne souffrait pas de ces injustices autant qu’on pouvait le croire ; Delaroche, si indignement traité par le même Aristarque, saignait et s’en irritait : Horace était un meilleur soldat au feu, et il allait son train toujours.
Commencez, monsieur, par le faire marcher à pied du rendez-vous jusqu’en Flandre. » La proposition ne laissa pas de m’étonner, mais je n’osai rien dire. » A un moment toutefois, le jeune homme insinue qu’il lui semblerait plus joli d’être dans la cavalerie ; sur quoi il se voit rembarré de la bonne manière, et le roi s’adressant de nouveau à M. de Schulenburg : « Au moins, monsieur, je ne veux absolument pas que vous souffriez que dans la marche l’on porte ses armes ; il a les épaules assez larges pour les porter lui-même, et surtout qu’il ne paye point de garde, à moins qu’il ne soit malade et bien malade. » — J’ouvris les oreilles, et je trouvai que le roi, que j’avais toujours trouvé si doux, parlait comme un Arabe ce jour-là ; mais quand je songeai que je n’avais plus de gouverneur, j’oubliai tout, et j’étais persuadé qu’il n’y avait rien au-dessus. » L’indépendance !
Homme de l’art avant tout, Jomini ne pouvait retenir son impression sur la partie qu’il voyait engagée sous ses yeux, qu’il aurait voulu jouer, et dont il appréciait chaque coup à sa valeur : un coup de maître le transportait ; un coup de mazette le faisait souffrir.
Certes, plus d’un vieillard sans flamme et sans cheveux, Tombé de lassitude au bout de tous ses vœux, Pâlirait, s’il voyait, comme un gouffre dans l’onde, Mon âme où ma pensée habite comme un monde, Tout ce que j’ai souffert, tout ce que j’ai goûté, Tout ce qui m’a menti comme un fruit avorté, Mon plus beau temps passé sans espoir qu’il renaisse, Les amours, les travaux, les deuils de ma jeunesse, Et quoique encore à l’âge où l’avenir sourit, Le livre de mon cœur à toute page écrit !
Je souffre beaucoup alors ; mais la bonté divine est partout… » Suit une longue page d’analyse qui finit par une vision.
Sans doute il en souffrait par moments, et il déplore lui-même quelque part ce je ne sais quoi d’abaissement secret, auquel un noble cœur a peine à descendre ; mais, chez lui, la nécessité était plus forte que les délicatesses.
« Mais, pour plaire aux sages et pour avoir la perfection, il faut que l’unité ait pour limites celles de sa juste étendue, que ses limites viennent d’elle ; ils la veulent éminente pleine, semblable à un disque et non pas semblable à un point. » En songeant à ses erreurs, à ce qu’il croyait tel, il ne s’irritait pas ; sa bienveillance pour l’humanité n’avait pas souffert : « Philanthropie et repentir, c’est ma devise. » Trompé par une ressemblance de nom, nous avons d’abord cru et dit que, comme administrateur du département de la Seine, il contribua à la formation des Écoles centrales ; nous avions sous les yeux un discours qu’un M.
Un jour, en avril 1822, M. de Ségur reçut une lettre timbrée de Montpellier dont voici quelques extraits : « Monsieur le comte, Souffrez qu’un inconnu vous rende un hommage qui doit au moins avoir cela de flatteur pour vous, que vous y reconnaîtrez, j’en suis sûr, le langage de la vérité.
A-t-on réfléchi que lorsque Boileau rejette le fatras des rimes banales, chères aux copistes maladroits de Malherbe, et déclare Qu’il ne saurait souffrir qu’une phrase insipide vienne à la fin du vers remplir la place vide, c’est la preuve qu’il ne comprend pas le rôle de la rime autrement que M. de Banville et tous nos Parnassiens, qui en font l’élément constitutif du vers, et s’efforcent de la faire porter sur les mots caractéristiques de la phrase ?
Il n’est pas étonnant qu’un homme qui souffre et qui craint, crie, vibre sous la pression du fait présent.
Lisette vient de la part de Virginia prier Flaminio de ne souffrir pas qu’on aille ainsi lui ravissant l’honneur, et l’engager toutefois à ne point exposer ses jours, tant elle tremblerait si elle le savait en péril.
Je souffre, ô mes amis !
Elle aimait beaucoup ce petit sucrier, qui représentait pour elle des privations, et, se voyant mourir, elle souffrait à l’idée qu’il passerait en des mains peut-être moins pures que les siennes.
Il a beau être, à son origine et dans son essence, un élan spontané de ceux qui souffrent vers le mieux-être, vers une répartition plus équitable des jouissances matérielles et spirituelles entre tous les membres de la société ; il a beau être, à ce titre, une aspiration vers une cité future qui n’existe qu’en idée dans le cerveau d’un petit nombre de penseurs ; sous l’inspiration de Marx et de ses disciples, il change de figure ; il se pique de renoncer aux chimères, de ne relever que de la science ; il raille les visées humanitaires ; il affiche la haine du sentiment ; il se moque de la fraternité et autres « fariboles » ; il met tout son espoir dans la force, cette accoucheuse des sociétés en travail ; il bannit l’idéalisme de l’histoire comme de la formation de l’avenir ; il déclare que l’intérêt est le point de départ réel de tous nos actes.
s’écriait-il, vous croyez que cela sent, que cela souffre !
Epiciers de la littérature ou charlatans de la musique, ils souffrent le martyre chaque fois qu’une œuvre paraît, vraiment libre et virile.
Même pendant le sommeil, le souvenir amer des maux pleut autour de nos cœurs ; et, même malgré nous, la sagesse arrive, présent du Dieu assis sur les hauteurs vénérables. » De cette foi profonde jaillit la sève vertueuse qui circule partout chez Eschyle, sa flamme morale, son souffre sublime, son zèle de la justice, sa haine ardente de l’iniquité.
Aimer sans la beauté, c’est chercher à souffrir.
Beethoven était certes aussi amoureux de l’art que Goethe pouvait l’être, et l’art serait toujours resté sa passion première ; mais il souffrait, il vivait superbe et mélancolique dans son génie, séparé du reste des hommes, et il aurait voulu s’en séquestrer davantage encore ; il s’écriait avec douleur et sympathie : « Chère, très chère Bettine, qui comprend l’art ?
C’est là le malheur dont eut à souffrir Lesage, qui est une sorte de Molière adouci.
Ce fut lui qui, après l’attentat de Fieschi, vint proposer aux Chambres, dans la séance du mardi 4 août, les lois dites de septembre, dont le but était de faire rentrer forcément tous les partis dans la Charte, et de ne plus souffrir qu’on en remît chaque jour en question le principe.
Cette place est réservée aux œuvres saines, à celles qui sont pures de ces amalgames étranges et de ces indignités de pensée comme de langage, à celles où le patriotisme et l’humanité ne souffrent aucune composition avec les hommes de sang, et ne se permettent point, comme passeport et comme jeu, de ces goguettes de Régence et de Directoire ; aux œuvres dans lesquelles la conscience morale plus encore que le goût littéraire n’a pas à s’offenser et à rougir de voir Loustalot et Marat, par exemple, grotesquement, impudemment cités entre Tacite et Machiavel d’une part, et Thrasybule et Brutus de l’autre.
Elle jouait à travers cela la comédie et la bergerie à chaque heure du jour et de la nuit, donnait des idées à tourner en madrigaux à ses deux faiseurs, l’éternel Malezieu et l’abbé Genest, invitait, conviait une foule d’élus autour d’elle, occupait chacun, mettait chacun sur les dents, ne souffrait nul retard au moindre de ses désirs, et s’agitait avec une démonerie infatigable, de peur d’avoir à réfléchir et à s’ennuyer un seul instant.
Il avait cru observer dans sa première jeunesse « que l’intérêt que nous avons à être justes et vertueux était fondé sur la peine que fait nécessairement éprouver à un être sensible l’idée du mal que souffre un autre être sensible ».
Le fond chez elle se dérobe ; elle glisse ; mais ici elle enfonce, elle souffre, elle crie.
Que ta manne, en tombant, étouffe le blasphème ; Empêche de souffrir, puisque tu veux qu’on aime ; Pour qu’à tes fils élus, tes fils déshérités Ne lancent plus d’en bas des regards irrités.
Ne la prenez pas pour un bel esprit de profession, elle s’en défend tout d’abord : « Il n’y a rien de plus incommode, pense-t-elle, que d’être bel esprit ou d’être traitée comme l’étant, quand on a le cœur noble et qu’on a quelque naissance. » Elle sent mieux que personne tous les inconvénients d’un bel esprit (surtout femme), qui est reçu par le monde sur ce pied-là, et elle les expose en fille de bon sens et en demoiselle de qualité qui en a souffert.
On voit combien tout ceci ne saurait s’appliquer à la France qui n’eut jamais une telle aristocratie patriotique et politique, ni aux sociétés modernes qui n’en souffrent plus.
En vain l’abbé Maury chercha-t-il à se faire interrompre, s’interrompit-il lui-même, se plaignit-il qu’on ne voulait pas l’entendre ; en vain, abandonnant et reprenant le sujet principal de son discours, se perdit-il dans les digressions les plus étrangères, interpella-t-il personnellement Mirabeau et lui jeta-t-il vingt fois le gant de la parole ; au moindre mouvement d’impatience qui s’élevait dans l’Assemblée : « Attendez, monsieur l’abbé, disait Alexandre Lameth avec un sang-froid désespérant, je vous ai promis la parole, je vous la maintiendrai. » Et, se tournant vers les interrupteurs : « Messieurs, écoutez M. l’abbé Maury : il a la parole ; je ne souffrirai pas qu’on l’interrompe. » Ayant ainsi expliqué au long tout ce jeu de scène et de coulisse, Ferrières termine en disant : « Après deux grandes heures de divagations, tantôt éloquentes, tantôt ennuyeuses, l’abbé Maury descendit de la tribune, furieux de ce qu’on ne l’en avait pas chassé, et si hors de lui, qu’il ne songea pas même à prendre de conclusions. » Or, quand on lit dans les Œuvres de l’abbé Maury, ou même dans l’Histoire parlementaire de MM.
À la liberté succéda la licence, et je la souffris ; je fis plus, je l’encourageai, tant la faveur publique avait pour moi d’attraits !
Le jugement, a-t-il dit, se contente d’approuver et de condamner, mais le goût jouit et souffre.
Ceux même qui ont été assez heureux pour échapper à cette contagion des esprits, ont attesté toute la violence qu’ils ont soufferte.
Cette action, quoique inconsidérée, me paraissant partir d’un bon cœur (c’est-à-dire d’un généreux cœur), qui ne peut souffrir d’injures, fit plus d’effet sur moi que le conseil de mes amis et le secours que le cardinal me donnait.
Un homme qui peut assister, l’âme paisible, à la torture de ses ennemis, ne ressent pas au moindre degré la douleur qu’il fait souffrir.
Souffrir est vénérable, subir est méprisable.
Il y a une âme française d’aujourd’hui aussi enthousiaste, aussi franche, aussi vive qu’autrefois ; elle sourit davantage, mais elle ne souffre pas moins ; c’est la princesse au bois, qui ne dort plus, mais qui s’amuse dans l’attente du Prince Charmant.
On ne souffre pas l’impression des ouvrages qui traitent de certains dogmes pernicieux, & l’on a raison.
J’en dis autant des orateurs, des érudits et des autres professions qui ne souffrent pas de médiocrité, et à qui l’instruction ne sert de rien sans le génie ; d’ailleurs peu nécessaires dans une société, même quand on y excelle.
Troisiémement il faut éviter le concours des syllabes qui ne souffrent pas l’élision.
Cette jeunesse enseigne la destruction de la réalité en bloc, qui n’est que la cristallisation de la bêtise et de l’infériorité soushumaine, Tous les maux dont nous souffrons peuvent être dérivés de la prédominance de la matière et le réel est synonyme de vide mental.
La logique de l’Évangile est dans nos cœurs ; c’est là qu’on doit la chercher ; les raisonnements les plus pressants sur le devoir indispensable d’assister les malheureux, ne toucheront guère celui qui a pu voir souffrir son semblable sans en être ému ; une âme insensible est un clavecin sans touches, dont on chercherait en vain à tirer des sons.
Nettement, qui est bien au-dessus de toutes les hermines, même de celles que la Bretagne porte dans ses armes, et qui ne souffre pas sans des angoisses mortelles la tache de la moindre plaisanterie sur la pureté de son sérieux, M.
Il en avait souffert, il avait même cédé une fois à la tentation de sa chair inquiète, des visions l’avaient hanté.
Après la perte de cet époux et dans un long deuil, ce cœur, qui s’était refusé longtemps à l’amour et ne l’avait souffert que près d’un tombeau, s’est dévoué tout entier à la religion.
Pour la littérature, il me semble qu’elle avait déjà souffert à maintes reprises, bien qu’à des degrés moindres, d’une semblable folie. […] Comment souffrir, sur l’horizon attique, la vilaine silhouette de ce monument funéraire qui pèse sur la colline du Musée ? […] Je ne souffre pas seulement de mon impuissance à m’identifier avec l’âme athénienne, mais encore de connaître avec évidence mon irrémédiable subalternité. […] Artémis sans voiles l’offusque seulement, mais les divinités grecques sous des noms latins le font souffrir tout à fait. […] Là-bas souffre la cité de Pallas.
Et il souffrait amèrement de sentir que, pour la première fois, le travail ne lui était plus une allégresse. […] … Si des néophytes allèrent un peu loin, ce n’est pas sa faute ; et je me figure qu’il en souffrit. […] L’expérience, nous le savions, ne nous transmet que des renseignements imparfaits, où intervient la qualité de nos sens ; et ainsi nous savions que toute notre connaissance du monde sensible souffrait de cette tare essentielle. […] Malades de la volonté qui s’exalte ou qui s’atténue, les pauvres êtres souffrent plus que ne l’exigerait leur faute, qui est la déraison. […] Barrès, quand il composait la Mort de Venise, éprouvait la taquinerie venimeuse des moustiques et souffrait des inconvénients du paludisme.
Sous le prétexte de me permettre de jouir encore une fois, elle m’amena à chercher pendant huit heures la société de mes petits enfants ; et, sans aucun doute, j’ai plus souffert dans ce court intervalle que dans toute ma maladie. […] Mais il eut l’imprudence de répondre pour les dettes d’un ami ; au jour de l’échéance, le débiteur prit la fuite, et souffrit lâchement qu’on menaçât de la prison ceux qui lui avaient servi de caution : Olivier Goldsmith avait pris gaîment une pareille aventure ; mais il n’était pas marié : il n’avait pas, comme le dit quelque part François Bacon, donné des otages à la fortune. […] S’il n’a pas vraiment méconnu son amour, s’il n’a pas oublié ses sacrifices, s’il a seulement négligé de la bénir et de la remercier chaque jour comme il devait le faire, peu importe à celle qui souffre ; il y a des larmes que nulle prière ne peut sécher. […] Or, il n’y a pas une de ces austères vérités qui ne soit écrite dans Adolphe en caractères ineffaçables : c’est un livre plein d’enseignements et de conseils pour ceux qui aiment et qui souffrent. […] Il a volé, il a été au bagne, il a souffert, il a porté courageusement la peine de son crime ; il s’est purifié par l’expiation ; il s’est réhabilité par la torture.
Le même auteur dans sa Silvanire, jouée en 1625, nous offre un exemple frappant du jargon sentimental que le spectateur non-seulement souffrait mais préférait à tout autre, depuis l’apparition des longs et sots romans d’amour. […] Richelieu, le grand Richelieu, voulait être avant tout un grand poëte, il ne jalousait pas le ministre qui lui tenait tête dans les conseils de l’Europe, mais il ne pouvait souffrir qu’on lui vantât les œuvres dramatiques de Corneille. […] J’ai donné tout mon sang à tes moindres alarmes ; Souffre qu’à tout mon sang je donne quelques larmes. […] Souffre que mes neveux adorent ma mémoire ; Et qu’ils disent de moi, voyant ce que je fis : Il fut père de Rome, et plus que de ses fils. […] Et si ma liberté pour tous n’était soufferte, Qui d’entre eux me voudrait consoler de ta perte ?
Maintes églises, maintes abbayes sont dévastées, détruites ; les clochers jetés à bas ; les plus fervents chefs-d’œuvre du moyen âge, les plus fins bijoux de la Renaissance, mutilés par la foi exaltée de ceux qui ont souffert ; l’idolâtrie papiste en maint endroit persécutée, vexée, moquée. […] Mais il estimait que déchiffrer le grimoire des chartes, composer de gros livres, non plus que régenter des classes ou monter dans des chaires, ce fût vivre selon l’esprit des grands ascètes fondateurs d’ordres, qui s’étaient enfuis au désert, pour être seuls et pauvres, pour souffrir et pour aimer. […] Le trésor de Saint-Denis contenait un miroir qu’on prétendait avoir appartenu à Virgile : dom Jean, dans sa conscience déjà éveillée de critique, souffrait d’être obligé de montrer un monument apocryphe. […] Ceux qui vont contre la nature n’excitent pas la haine, quoiqu’ils pèchent, ni la pitié, quoiqu’ils souffrent : ils ne voient pas qu’ils ne souffrent que parce qu’ils pèchent ; ce sont des fous ou des sots, et par là ils sont ridicules. […] On ne peint plus la vertu désespérée, on l’aime heureuse ; elle est touchante par essence, et il suffit qu’elle soit, sans agir et sans souffrir, pour que les yeux deviennent humides.
Le bon sens du fond n’en souffre pas ; nous n’avons qu’à y puiser à pleines mains : « Il n’y a pas longtemps que nous avons eu des ministres qui avaient du nom dans le monde. […] En vain, pour satisfaire à nos lâches envies, Nous passons près des rois tout le temps de nos vies A souffrir des mépris et ployer les genoux ; Ce qu’ils peuvent n’est rien ; ils sont ce que nous sommes, Véritablement hommes, Et meurent comme nous… Ces Stances, d’un plein souffle et d’une entière perfection, ont été mises en musique, de nos jours, par le même compositeur sévère que nous nommions tout à l’heure, M.
Cela fait souffrir. […] Quelle plus fine et plus piquante raillerie que celle qu’il fait de ces honnêtes bourgeois de la république des lettres, gens à idées rangées, bornés d’ambition et de désirs, satisfaits du fonds acquis, et trouvant d’avance téméraire qu’on prétende y rien ajouter : « Ce sont, dit-il en demandant pardon de l’expression, des esprits retirés, qui ne produisent et n’acquièrent plus ; mais ils ont cela de remarquable qu’ils ne peuvent souffrir que d’autres fassent fortune. » Relevant le besoin de nouveauté qui partout se faisait sourdement sentir, et qui s’annonçait par le dégoût du factice et du commun, ces deux grands défauts de notre scène : « Qu’il paraisse, s’écriait-il, une imagination indépendante et féconde, dont la puissance corresponde à ce besoin et qui trouve en elle-même les moyens de le satisfaire, et les obstacles, les opinions, les habitudes ne pourront l’arrêter. » Bien des années se sont écoulées depuis, non pas sans toutes sortes de tentatives, et le génie, le génie complet, évoqué par la critique, n’a point répondu : de guerre lasse, un jour de loisir, M. de Rémusat s’est mis, vers 1836, à faire un drame d’Abélard, qui, lorsqu’il sera publié (car il le sera, nous l’espérons bien), paraîtra probablement ce que la tentative moderne, à la lecture, aura produit de plus considérable, de plus vrai et de plus attachant.
Mais il ne prend jamais son but au sérieux à la manière des auteurs de la comédie nouvelle, parce que la gaieté, qui, à vrai dire, est son seul but, ne le souffrirait pas, parce que toute unité d’impression lui est fatale, et que toute digression, toute allusion, toute interruption la favorise. […] Je regrette seulement que Bombance dise au roi : Si le trop de santé vous cause des dédains, Souffrez dans vos États deux ou trois médecins : Ils vous la détruiront, je me le persuadée112.
Mais que changer d’opinion sans abandonner ses sentiments personnels, ni les vaincus, ni les malheureux, ni les faibles ; changer à ses dépens en s’exposant sciemment, au contraire, aux dénigrements d’intentions, aux colères du respect humain, au mépris des partis et aux souffrances de considération qui suivent ordinairement ces progrès des hommes sincères dans ce qu’ils croient la route des améliorations morales et des vérités progressives, c’est souffrir pour la cause du bien, c’est le martyre d’esprit pour la vérité, martyre que les hommes aggravent par leur fiel et par leur vinaigre, mais que la vérité récompense par les jouissances de la conscience. […] XXXIV Ces reproches étaient fondés, j’en sentais moi-même tous les inconvénients et tous les déboires ; mon impatience de caractère et mon bouillonnement de verve oratoire en souffraient cruellement, mais j’y étais condamné par la fausse position d’un adversaire de la royauté d’Orléans dans une assemblée d’orléanistes et d’un ennemi de l’anarchie dans une opposition radicale.
Voici quelques exemples de cette collaboration intime de l’imagination et de la passion : Dans l’Andromaque de Racine, Hermione dit à Pyrrhus : Ton cœur impatient de revoir la Troyenne Ne souffre qu’à regret qu’une autre t’entretienne ; Tu lui parles du cœur, tu la cherches des yeux33 ; c’est-à-dire : « tes yeux la cherchent, je le vois ; et ils me montrent l’état de ton âme : tu t’imagines être en présence d’Andromaque et lui parler avec passion. » L’anecdote suivante est historique, bien qu’elle figure dans une nouvelle d’Alfred de Musset ; elle nous apprend comment fut conçu l’un des plus fins chefs-d’œuvre de la poésie française : « X… reprit le chemin de son logis de mauvaise humeur et, comme c’était son habitude, il parlait seul entre ses dents… Il marchait dans la rue de Buci, le visage soucieux, les yeux baissés… Tout à coup il s’écria : Si je vous le disais, pourtant, que je vous aime ? […] Légère inexactitude dans la citation où Racine a volontairement préféré l’impersonnel à un féminin : « Ton cœur impatient de revoir la Troyenne / Ne souffre qu’à regret qu’un autre t’entretienne » (et non « une autre »)/ Tu lui parles du cœur, tu la cherches des yeux. »
Certes, notre caractère se modifie insensiblement tous les jours, et notre liberté en souffrirait, si ces acquisitions nouvelles venaient se greffer sur notre moi et non pas se fondre en lui. […] Il faudra donc, ou que l’acte soit indissolublement lié à ses antécédents psychiques, ou que le principe de causalité souffre une incompréhensible exception.
Il respecte les raffinements de spiritualité des mystiques ; il ne les souffre pas comme doctrine de l’Eglise. […] Selon lui, le précepte de tout souffrir, enseigné par Jésus-Christ et par les apôtres, ne les obligeait qu’aussi longtemps qu’il leur était impossible de rien entreprendre pour leur défense. […] La langue souffrait de ces subtilités plus ou moins dangereuses.
Il était naturellement si bon que, dans son enfance, s’étant fait au sourcil une brûlure grave qui lui laissa cicatrice, comme il en souffrait beaucoup, il dissimulait tout à fait cette douleur devant sa belle-mère, qu’il aimait tendrement ; il triomphait sans trop d’effort de l’égoïsme si ordinaire à cet âge, et, dès que sa belle-mère s’approchait de son lit, il ne sentait plus son mal. […] L’étude de l’arabe sous M. de Sacy n’en souffrait pas ; Fauriel était arrivé à lire avec sûreté la poésie dans ces deux langues. […] Et qu’on ne dise pas que l’idéal ait souffert au milieu de cette application patiente ; le personnage d’Hermangarde a toute sa pureté et son exaltation tendre, les chœurs ont leur pathétique ou leur éclat. […] Je vois ici une quantité d’êtres innocents, harmless creatures, qui souffrent des douleurs qui mettraient tels esprits tracassiers et violents que je connais, hors d’état de remuer et de tourmenter le monde.
Ils n’était permis de les agiter au dehors qu’avec une extrême prudence, la solution légitime en étant fixée par des autorités spirituelles et temporelles assez fortes, assez établies pour ne point souffrir à leur propos une trop grande animation de la controverse et pour ne tolérer à leur égard que de très calmes spéculations d’où nulle excitation pratique ne pût jaillir. […] Les tendances religieuses de l’humanité souffrent aujourd’hui d’une compression redoutable qui menace la civilisation de désordres et de cataclysmes. […] Il incarne la pensée historique du musicien, embrassant à la fois avec une émotion de patriote et une tranquillité de fataliste oriental le cycle familier des crises de son pays : la mort violente du prince, la conspiration d’un faux tsar usurpateur, la levée hostile de la Pologne, l’intrigue catholique qui la favorise, et, plus ou moins victime, plus ou moins à l’abri de ces événements, un bon peuple qui continue à porter sa besace, à souffrir et à s’amuser aujourd’hui comme hier de la vie, avec son âme fine, vague et élémentaire. […] Ils écrivent le poème de leurs émotions toutes personnelles, émotions liées à la faculté, qui caractérise leur âge, de jouir et plus encore de souffrir de tout, fût-ce de bien petites choses, d’une manière aiguë et exaspérée.
Il satirisa les religieux, la magistrature, l’université, les protestants, les rois, les pontifes, Rome ; et tout cela sans souffrir de bien cruelles persécutions. […] Et cependant, si Jules de Goncourt mourut épuisé et presque fou à force de sveltir la phrase pour lui imprimer une vibration nerveuse plus intense ; si, en limant ses pages, Flaubert suait et gémissait comme le bûcheron à chaque coup qu’il décharge sur l’arbre ; si Zola pleure de rage et se traite d’idiot en relisant ce qu’il écrit, le remet à nouveau sur le chantier et recommence à le marteler jusqu’à ce qu’il lui ait donné la forme désirée, Ernest Daudet assure que, pour rédiger une page rapide, harmonieuse, où la phrase coule majestueuse comme un fleuve qui roule des sables d’or, son frère, exigeant envers lui-même, lutte, souffre, pâlit et en reste plusieurs jours malade de fatigue. […] Les Contes à Ninon où les belles pages ne manquent pas, furent accueillis avec indifférence, et le pauvre commis de librairie, enterré derrière son comptoir, inconnu, noyé dans la mer immense des lettres parisiennes, souffrait des tortures égales à celles de Sisyphe et de Tantale en assistant à la vente rapide des livres d’autrui et au délaissement des siens. […] que dans la galerie de ses personnages il n’y en a aucun qui ne souffre de l’âme ou du corps, ou des deux à la fois.
Oui, cette maison, où j’ai tant souffert, j’y suis attaché par un lien que je ne soupçonnais pas. […] Accoudé sur la grille, pendant que je m’enfonce dans le passé à deux, déjà si lointain, pendant qu’en toussant, je pense que cette bronchite dont je souffre, pourrait bien nous faire retrouver assez vite, l’entretien de ma pensée avec ce qui reste de lui sous la pierre est, à chaque minute, interrompu et dérangé par les commandements de l’exercice, fait tout autour du cimetière par la mobile. […] Jules souffrait du foie, et nous étions tristes, comme ce triste jour. […] Je regardais tous ces travaux qui ne devaient pas protester contre la victoire allemande, je sentais à l’attitude des ouvriers, des gardes nationaux, des soldats, à ce que l’âme des gens confesse d’eux, autour d’eux, je sentais que la paix était signée d’avance, et telle que l’exigerait M. de Bismarck, et je souffrais bêtement comme d’une déception, d’une désillusion sur le compte d’un être aimé !
Du côté de l’Asie était Mars impétueux et brutal, c’est-à-dire la guerre faite avec fureur ; du côté de la Grèce était Pallas, c’est-à-dire l’art militaire et la valeur conduite par esprit… La Grèce, depuis ce temps, … ne pouvait souffrir que l’Asie pensât à la subjuguer, et en subissant ce joug, elle aurait cru assujettir la vertu à la volupté, l’esprit au corps, et le véritable courage à une force insensée qui consistait seulement dans la multitude. » On n’a jamais mieux défini ce que l’esprit classique avait vu dans les chefs-d’œuvre de l’antiquité : des leçons de morale sociale enveloppées sous les plus poétiques fictions. […] que la vérité ne brille pas toujours de sa propre lumière, et que de très bonnes causes ont eu cruellement à souffrir d’être mal défendues ? […] Vous ne vous êtes pas contenté de vouloir leur plaire, mais vous avez imité, vous avez subi, pour leur plaire, des modèles que vous n’aviez point choisis, que vous avez souffert que l’on vous imposât. […] Règne en tyran cruel ; aime à la voir souffrir.
Elle souffrait de cette injustice et voulait, la noble enfant, se venger en redoublant d’efforts. […] — Parce que je souffre trop. […] Je vais m’en aller, ou bien il faut que vous… m’autorisiez à revenir ; cela ne peut pas durer ainsi, je suis trop malheureux, je souffre, je suis malade. […] Votre pauvre père souffrait beaucoup et sa maladie était incurable ; que cela vous soit une consolation s’il peut y en avoir.
Des êtres sont au-dessus de l’humanité, leurs intelligences constellent le passé, leurs cœurs vastes sont les refuges où nous nous abritons, où nous nous réchauffons quand nous souffrons trop. […] Comme il est avide des choses de la mort, à la fois peureux et sanguinaire, se plaisant à faire souffrir le plus petit, le plus faible que lui, à tuer sans motif ; à regarder les agonies d’insectes, de bêtes ! […] Je sais que le public des vieux comme des jeunes prud’hommes exige les « préparations » ; j’ai souffert moi-même de cette exigence, et j’ajoute que si M. […] Je sais que ce souvenir m’oppresse, que j’ai peur d’avoir mal tenu mes serments, que ce chien me fait honte, que je n’ai pas si bien souffert, que je n’ai pas autant aimé. […] Je rougissais de nous voir logés comme des rois, nous bien portants, tandis que des pauvres soldats étaient si mal et souffraient si patiemment.
Ce ne sont pas des luttes de vassaux qui se battent pour un maître, qui souffrent ou frappent, sans que leur intelligence s’élève, et que leurs droits s’augmentent. […] Ces passions qui fermentaient dans ce peuple naturellement si ingénieux et si animé par son soleil, elles attendaient un homme qui dît, avec des paroles qu’on ne pût oublier, ce que tout le monde avait fait, souffert, senti, qui fût théologien et factieux ; car toutes du occupations du temps, c’étaient la théologie et la faction, les bulles et les guerres civiles, la guerres des Gibelins contre les Guelfes, la guerre des Blancs contre les Noirs, des Cerchi contre les Donati, de chaque ville contre chaque ville, et d’une moitié des citoyens contre l’autre. […] « Je sais bien, et je tiens pour vrai certainement, qu’homme mort ou prisonnier n’a ni amis ni parents ; et s’ils m’abandonnent pour or et pour argent, c’est un mal pour moi, un plus grand pour ma nation, qui, après ma mort, souffrira reproche pour m’avoir laissé prisonnier. […] Cette contrée, si florissante au milieu du douzième siècle, va recevoir en son sein toutes les horreurs d’une guerre de fanatisme et de pillage, elle va cruellement expier tout ce qu’elle a eu de paix et de bonheur ; elle va souffrir au-delà des autres pays de l’Europe. […] Ces aventures si sérieuses de la terre sainte, il ne les raconte pas avec indifférence ; il en est ému, il en souffre ; cependant son courage et sa gaieté se conservent, et font ressortir encore l’héroïsme du roi, dont il est le plus fidèle, le plus gai conseiller, le plus sincère historien.
Il avait demandé à La Monnoye un distique latin pour servir d’inscription au portrait du maître ; La Monnoye lit deux vers dont voici le sens : « Je suis ce Bayle qui corrige les autres quand ils se trompent, et qui sais moi-même toujours plaire, même en péchant. » Peu satisfait de l’aveu trop humble, Marais le pria de refaire un autre distique plus élogieux : « Je n’ai jamais pu souffrir, écrit-il à Mme de Mérigniac, que notre commune maîtresse eût des défauts. » Quand il ne peut nier absolument ces défauts de son auteur chéri, il les atténue et les explique.
Ces jours où ma jeunesse a fait souffrir les cœurs, Je n’en pourrai gémir que seul avec moi-même… Que lorsqu’il n’est plus temps de dire à ceux qu’on aime : « A genoux !
La qualité littéraire du style en souffre à son tour ; on y regrette par places la fluidité, et l’on y est trop loin du libre procédé si courant de Voltaire ou de M.Thiers.
Souffrez moins la galanterie, Ou quittez la dévotion… Tout le monde se met en peine De vous voir toujours incertaine, Sans savoir à quoi vous borner.
La pensée de Napoléon 1er sur ce point est nettement exprimée dans un passage de sa Correspondance : « Qu’on soit athée comme Lalande, religieux comme Portalis, philosophe comme Regnaud, on n’en est pas moins fidèle au Gouvernement, bon citoyen ; De quel droit donc souffrir ouvertement qu’on vienne dire à ces individus qu’ils sont mauvais citoyens ?
L’intendant de Bourges marque qu’un grand nombre de métayers ont vendu leurs meubles, que « des familles entières ont passé deux jours sans manger », que, dans plusieurs paroisses, les affamés restent au lit la plus grande partie du jour pour souffrir moins.
Il souffrait évidemment d’une hallucination de la sensibilité générale. — On peut encore dire la même chose d’une personne, E.
Un manque essentiel de respect, l’instinct de défiance et de médisance contre les puissants, contre les gens en place, contre ceux surtout qui détiennent une part de la richesse publique ou qui ont mission d’administrer la justice, contre ceux aussi, baillis ou prévôts, dont le menu peuple souffre plus parce qu’ils sont plus près de lui, voilà un autre trait de l’humeur bourgeoise ; et par là encore la seconde partie du Roman de la Rose est d’inspiration bourgeoise.
Qu’on lui parle de lui, et contre ceux par qui il croit souffrir : il entend volontiers mépriser les nobles et les prêtres, et tous ses maîtres.
Par suite, une situation initiale étant donnée, il ne souffre pas que les plus importantes des scènes qu’elle rend probables lui soient escamotées.
L’Église souffre ce qu’elle ne peut empêcher : elle consent que les fidèles, qui ne sont que le troupeau, se composent un mélange de morale humaine et de morale chrétienne ; elle ne leur demande que d’accepter ses dogmes en bloc et d’observer certaines pratiques.
N’en fais rien, je t’en supplie par la foi en Jésus-Christ, et ne souffre pas qu’on le fasse… Sans doute il faut ôter aux criminels la faculté de commettre de nouveaux crimes ; mais c’est assez que, laissés en vie, avec tous leurs membres, la loi les fasse passer de l’agitation insensée dans un repos inoffensif, ou qu’ils soient arrachés aux mauvaises œuvres pour être employés à quelque œuvre utile.
Là elle souffre, vit misérable dans la solitude, parmi les bêtes, mais toujours résignée, parce qu’elle croit avoir déplu à son seigneur et maître et avoir subi ce traitement par son ordre.
Madame Bernard peut se rassurer, celle qui va devenir sa fille a assez souffert, elle l’aimera comme lui.
Les rois en revanche ont eu le caractère bien fait ; ils ont tout souffert et oublié, et le bon Charles X, cette fois, a été comme Socrate.
Ce mot de brouillons revient perpétuellement dans sa bouche pour flétrir ses adversaires : c’est le stigmate imprimé par un esprit juste et ferme au genre de défaut qui lui est le plus antipathique et qui le fait le plus souffrir.
Le dénonciateur n’était ni connu ni confronté ; on n’y souffrait point de défenseurs, point d’écritures, pas même pour libeller le jugement, point d’instructions, mais un simple interrogatoire dont on ne prenait point note ; le prévenu arrêté à huit heures était jugé à neuf et fusillé à dix.
Il n’est point jaloux, il ne souffre point de l’absence et cette passion imaginaire ne se traduit par aucun des actes par lesquels les passions vraies s’expriment et se procurent la possession de leur objet.
Je souffre au contact des autres.
Une mort, en y réfléchissant, qui a l’air d’une mort de l’Écriture, d’un châtiment divin contre la Bohème, contre cette vie en révolte avec l’hygiène du corps et de l’âme, et qui fait qu’à quarante-deux ans un homme s’en va de la vie, n’ayant plus assez de vitalité pour souffrir, et ne se plaignant que de l’odeur de viande pourrie qui est dans sa chambre — et qu’il ignore être la sienne.
Il ajoute qu’il a vraiment souffert d’accepter cet argent, et que du reste, il a déjà pris des dispositions, pour qu’il soit un jour remboursé à l’État.
Cette histoire-là, on l’enseigne, on l’impose, on la commande et on la recommande, toutes les jeunes intelligences en sont plus ou moins infiltrées, la marque leur en reste, leur pensée en souffre et ne s’en relève que difficilement, on la fait apprendre par cœur aux écoliers, et moi qui parle, enfant, j’ai été sa victime.
Plus une pensée est banale, plus facilement elle s’exprime ; plus elle est neuve, moins de chances elle a d’être énoncée vite et bien ; dire cela, c’est formuler une loi psychologique indiscutable ; mais dire que les penseurs le plus originaux sont des écrivains barbares, tandis que les maîtres du style sont les apôtres du sens commun, et qu’en général les qualités du style sont en raison inverse de la pénétration de la pensée, c’est formuler une loi d’éthologie ; or les lois de cet ordre ne sont jamais vraies qu’entre certaines limites et souffrent toujours un certain nombre d’exceptions ; il y a des esprits médiocres qui cherchent leurs mots et ne trouvent pas ceux qu’il faudrait ; il y a des esprits inventifs qui les trouvent promptement et chez lesquels ils se combinent heureusement du premier coup.
Voilà les hommes, voilà les philosophes qu’il ne peut pas souffrir.
Autrement il faudrait bientôt qu’un géomètre, un médecin, un physicien, fussent instruits de toutes les langues de l’Europe, depuis le russe jusqu’au portugais ; et il me semble que le progrès des sciences exactes doit en souffrir.
Cette parole va bien aux royales filles de Cadmus : elles souffrirent grandement, mais le poids de leur douleur tomba devant des félicités pins grandes23. » N’y a-t-il pas là toute la solennité pathétique dont l’éloquence sacrée rehaussait les vicissitudes de la royauté, proscrite, ou rappelée dans cette île britannique plus agitée en sa terre et dans ses ports que l’Océan qui l’environne ?
Les parents des morts, pensant au long supplice que ces âmes allaient souffrir, étaient venus au tribunal en vêtements de deuil et avaient réclamé vengeance14.
Il a beaucoup souffert ; mais il n’a pas dû s’ennuyer ; d’autant plus qu’en quelque état qu’il fût, il pensait toujours. […] Il souffre impatiemment qu’on se permette et qu’on se pique de l’améliorer. […] L’humanité souffre à la fois pour expier, pour savoir, pour s’élever. […] L’exaspération est de trop ; mais je reconnais que la logique robuste du Jurassien devait quelquefois souffrir. […] Quand un groupe animal acquiert un organe nouveau, il ne fait pas seulement souffrir ses congénères moins bien armés, il les détruit ; le groupe mieux armé fait le vide autour de lui et procrée désormais l’espèce à lui tout seul.
Les arguments tirés des avantages moraux de la croyance chrétienne sont seuls solides et sont très solides ; aussi est-ce vraiment une pitié de voir quelques apologistes maladroits quitter une position si forte pour chercher dans de misérables subterfuges une conciliation avec la science, qui est illusoire et dont leur avidité à saisir les apparences trompeuses fait souffrir les fidèles tant soit peu éclairés et rire les incrédules. […] C’est pourtant un critique anglais, Georges Henry Lewes, le biographe de Goethe ; qui a fait la remarque très intéressante que voici : La gloire de Goethe a souffert de l’étendue de son oeuvre. […] En effet, rien n’a plus de prix en littérature que ces « justes volumes » profondément élaborés par des penseurs qui furent, dans toute la force du terme, des artistes, non parce qu’ils attachaient moins d’importance au fond des choses, mais, au contraire, parce que la vérité aperçue leur tenait si chèrement à cœur, qu’ils n’auraient pas tant souffert de la laisser inexprimée que de la produire au jour sans tous les avantages d’une belle forme et d’une expression parfaite. […] André Chénier lui-même a toujours un peu souffert d’être une célébrité posthume.
Polyeucte n’a pas souffert du romantisme. […] Gresset a souffert un peu des railleries que Voltaire lui a adressées. […] Il ne pouvait pas souffrir, comme on le pense bien, la mélopée, l’espèce de chant soutenu, la psalmodie monotone qui était proprement le bel air de 1730. […] Elle souffre, subit, pâtit, s’écroule. […] Mais non ; il ne veut pas d’un bien qui vient s’offrir, Et regrette les maux qu’il n’a plus à souffrir.
je souffre un bien lâche martyre ! […] Planche, très intelligent, n’était pas artiste pour une obole, et du reste, s’il s’était avisé qu’il y eût quelque rapport entre Claudie et Théocrite ou entre Claudie et Homère, ou entre Claudie et Hermann et Dorothée, il y aurait vu tout de suite une « imitation », et il l’aurait abominé et détesté, ne pouvant souffrir l’imitation de l’antique, exécrant l’imitation de l’étranger et abhorrant l’imitation des prédécesseurs français. […] J’ai vu rêver ; j’ai vu souffrir. […] Jacques finit par le faire sentir à son père, qui est très bon et qui ne veut pas que son fils souffre et qui finit par convenir que c’est aux vieux de souffrir. […] Elle souffrirait d’une simple migraine, qu’elle aurait amplement le droit de se mettre en robe de chambre, et l’on serait stupide autant que cruel de la vouloir traîner à ce dîner.
Frédéric Masson souffre durant cette entrevue ! […] Nous avons souffert la soif, la faim et le chaud et nous voilà heureusement arrivés victorieux au Caire. […] Sincèrement amoureux, par ouï-dire, des qualités et des vertus de la jeune Marie-Louise, il était « emballé » et ne souffrait plus de délais. […] Lucienne souffre volontiers que le lieutenant von Farnow lui fasse la cour. […] Le Chinois. — Ta Lao Yé, vous le voyez, je n’en puis plus, je suis incapable de souffrir davantage.
Les raisons qui me portèrent à l’emmener plutôt qu’un autre, c’est qu’il souffrait son mal en désespéré et en furieux, et que je craignais que le désespoir et l’ivrognerie, à quoi il était sujet, ne nous fît découvrir en Mingrélie. […] J’étais épuisé, en vérité ; il ne me restait que le courage et la résolution de tout faire et de tout souffrir pour sauver le bien qu’on m’avait confié.
» Au fond, nous avons souffert tout le temps, comme un homme qui verrait tutoyer sa maîtresse, chez un marchand de vin, par des hommes de barrière. […] Son présent souffre toujours un peu du souvenir ou de l’espérance.
qu’un exilé doit souffrir ! […] Je ne souffre pas, je ne me sens pas bien malade encore.
« Je souffrirai peut-être encore, mais si dure puisse-t-elle être, je me dirai que ma souffrance n’est qu’un effet transitoire accidentel, que, cependant, les essences de la joie continuent à planer dans les espaces, plein de pitié pour leur contraste nécessaire : je suis entré dans l’Éternel. […] Je souffrirai peut-être encore, mais ne m’abattrai plus, ni ne dévalerai ; je resterai debout sur les sommets que j’ai conquis : je suis entré dans l’Éternel.
Avant de mettre sa main sanguinolente et parricide sur son frère, il avoit incestueusement souillé la couche fraternelle, abusant de la femme de celui dont il pourchassa l’honneur devant qu’il effectuât sa ruine… « Enhardi par telle impunité, Fengon osa encore s’accoupler en mariage à celle qu’il entretenoit exécrablement durant la vie du bon Horwendille… Et cette malheureuse, qui avoit reçu l’honneur d’être l’épouse d’un des plus vaillants et sages princes du septentrion, souffrit de s’abaisser jusqu’à telle vilenie que de lui fausser sa foi, et qui pis est, épouser celui qui étoit le meurtrier tyran de son époux légitime… « Géruthe s’étant ainsi oubliée, le prince Amleth, se voyant en danger de sa vie, abandonné de sa propre mère, pour tromper les ruses du tyran, contrefit le fol avec telle ruse et subtilité que, feignant d’avoir tout perdu le sens, il couvrit ses desseins et défendit son salut et sa vie. […] Duncan ayant secrètement instruit Macbeth de ses intentions, feignit de vouloir traiter et traîna la chose en longueur jusqu’à ce qu’enfin, averti que Macbeth avait réuni des forces suffisantes, il indiqua un jour pour livrer la place, et en attendant il offrit aux Norvégiens de leur envoyer des provisions de bouche, qu’ils acceptèrent avec d’autant plus d’empressement que depuis plusieurs jours ils souffraient beaucoup de la disette. […] Bientôt elle apprit que le roi souffrait beaucoup d’une fistule déclarée incurable ; son père lui avait légué plusieurs secrets de son art, et Gillette conçut l’espoir de guérir le monarque. […] Quant aux scélérats, on ne doit point les voir souffrir ; le spectacle de leur malheur serait troublé par le souvenir de leur crime : ils ne peuvent avoir de punition que par la mort. […] Elle souffre, et ne se plaint ni ne se défend jamais ; elle agit, mais son action ne se montre que par les résultats ; tranquille sur son propre sort, réservée et contenue dans ses sentiments les plus légitimes, elle passe et disparaît comme l’habitant d’un monde meilleur, qui a traversé notre monde sans subir le mouvement terrestre.
Pourquoi souffrir dans l’église ce qui va contre la police des états ? […] Ils plaident pour se faire recevoir, ne veulent rien souffrir, se fâchent quand on ne leur fait pas bonne chère : malheur à quiconque les examine & les éclaire de près ; ils excitent contre lui les puissances temporelles. […] Le général des observantins, établi despote, n’eut souffert qu’une même règle & qu’un même habit. […] Si l’on souffre que les pères de la société continuent sur le pied qu’ils ont commencé, je prie Dieu que le temps n’arrive pas où les rois même voudront leur résister, & ne le pourront. » Un autre dominicain, Alphonse Vindano, alloit dans toutes les villes d’Espagne, criant en chaire que les jésuites, leur père Ignace & ses compagnons étoient à tous les diables ; qu’on pouvoit l’en croire sur sa parole, puisqu’il avoit été envoyé du ciel pour le révéler. […] Hermant : « La dignité de notre affliction est si grande, quelle me fait trembler de ce que Dieu nous a choisies pour souffrir pour sa vérité.
Sans doute, avant de se diviniser, avant de placer son génie sur l’autel et de s’agenouiller devant lui, il a cruellement souffert ; avant de s’avouer l’insuffisance de la gloire humaine et de briser la couronne que la foule avait placée sur sa tête, il a dû lutter avec de terribles visions. […] Et non seulement la poésie a beaucoup à souffrir de ce renversement des rôles qui appartiennent à l’homme et à la pierre ; mais la langue elle-même ne peut impunément se prêter à l’expression de cette monstruosité. […] Il a souffert et il trouve juste et naturel de se venger de la douleur qu’il a subie par la douleur qu’il inflige. […] Quand il arrivait au poète de détourner un mot de son sens naturel, de sa signification légitime, elle n’en souffrait pas et ne pouvait songer à le gourmander.
Un jeune chien piqué à la cuisse avec un instrument empoisonné s’aperçut à peine de sa blessure ; il courait et sautait comme de coutume, mais au bout de trois ou quatre minutes l’animal se coucha sur le ventre comme s’il eût été fatigué ; il avait conservé toute son intelligence et ne semblait nullement souffrir ; seulement il répugnait au mouvement. […] « Ce sera une consolation pour les âmes compatissantes, remarque ailleurs Watterton, de savoir que la victime n’a pas souffert, car le wourali détruit doucement la vie. » Ainsi toutes les descriptions nous offrent un tableau doux et tranquille de la mort par le curare. […] Peu de temps après, le chien ne pouvait plus se lever malgré ses efforts ; il avait conservé toute son intelligence et ne paraissait nullement souffrir ; seulement ses jambes, et particulièrement celles du train de derrière, n’obéissaient plus à sa volonté. […] Quand le Tasse nous dépeint Clorinde incorporée vivante dans un majestueux cyprès, au moins lui a-t-il laissé des pleurs et des sanglots pour se plaindre et attendrir ceux qui la font souffrir en blessant sa sensible écorce.
Pour l’avoir osé dire, en effet, je me suis vu rappelé de tous côtés à la fausse modestie qui doit être celle des commentateurs, et j’aurais traité Molière de baladin ou de bouffon que je n’aurais pas jeté plus d’alarme au camp de tous ceux qui ne sauraient souffrir qu’on dérange l’idée qu’ils s’en font ; — ou plutôt, d’après eux, c’est ainsi qu’on devra désormais le traiter. […] Mais on semble toucher plus juste quand on fait observer que ce mot de nature, vague, ondoyant et mal défini, souffre peut-être plusieurs acceptions ; que, s’il en a une dont on puisse aujourd’hui convenir, elle doit différer de celle qu’il avait pour les gens du xviie siècle ; et, qu’avant de savoir combien elle en diffère, ce serait de l’imprudence que d’inscrire Molière au nombre des philosophes de la nature. […] Mais on connaît, d’autre part, les tristesses de son ménage, et, sans nous soucier autrement de défendre ou d’attaquer une fois de plus la vertu d’Armande Béjart, on sait, à n’en pouvoir douter, ce que Molière a souffert de l’avoir épousée. […] Molière n’avait pas dit autre chose, par la bouche de Philinte, « l’honnête homme » du Misanthrope : Je prends tout doucement les hommes comme ils sont, J’accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font, Et je crois qu’à la cour de même qu’à la ville, Mon flegme est philosophe autant que votre bile.
Se venge-t-il des dangers où l’exposa leur résistance, des maux cruels qu’elle lui fit souffrir, en tâchant de déprimer leur courage ? […] Les épisodes sont dans la poésie épique ce que sont les digressions dans le discours : en effet l’épopée étant une narration continue, ne souffre rien d’étranger au récit, et n’admet ni les réflexions morales, ni les développements oratoires qui interviennent subsidiairement dans le sujet des traités polémiques, des harangues, ou des panégyriques. […] L’oreille ne souffrira pas de la succession de nos distiques si nous y arrivons par une mélodie aussi riche, aussi pénétrante que celle qui modula les dialogues et le récit d’Iphigénie en Aulide, et si nos harmonieuses descriptions s’accordent aussi bien avec les objets tracés que les modulations des lyres d’Homère, de Virgile, de l’Arioste, du Tasse, et de Milton, avec les peintures des jardins d’Alcinoüs, des Champs-Élysées, des boucliers d’Achille et d’Énée, des palais d’Alcine et d’Armide, et des riants berceaux d’Éden. […] « Je ne souffrirai pas que le sort en ordonne, « Nisus, et dès ce jour Ascagne vous les donne.
Il n’y a pas de loi si générale qu’elle ne souffre des exceptions, ou, pour mieux dire que quelque autre loi ne limite. […] Les caractères, par exemple, n’y sauraient avoir cette espèce de flottement, pour ainsi parler, ou d’indétermination qu’on leur souffre, et qui souvent même nous charme, dans le roman. […] S’il est quelque remède aux maux dont souffre cette fin de siècle, il n’y en a pas de plus sûr que l’effort individuel ; et de même que la nature ne procède point par révolutions brusques, mais par une longue et lente accumulation d’insensibles efforts, ainsi ce ne sont point des lois qui refont ou qui corrigent les mœurs, mais le travail de chacun de nous sur lui-même : « Mon Dieu ! […] Puisqu’un grand homme est toujours petit par quelques-uns de ses côtés, n’y regardons pas de trop près, et souffrons que l’éclat d’un grand service rendu à la patrie ou à l’humanité nous cache quelquefois les erreurs de ceux à qui nous le devons ; mais n’admettons pas cependant, Qu’un pourceau secouru pèse un monde égorgé, ni que nous devions l’immortalité du bronze à ceux qui nous ont fait du mal, — parce qu’ils nous en ont fait beaucoup. […] Ils boivent le vin aux lèvres des amphores, Ils s’oignent d’huiles de choix, Et ne souffrent rien des maux de Joseph.
Contester à un Français sa puissance de savoir, de connaître et de décider, cela, pour lui, ne se peut souffrir. […] Payez l’Église ; mais n’en souffrez pas qui soit gratuite. […] Loubet, qui ne pouvait pas le souffrir, mais qui a passé sa vie à faire ce qu’il désapprouvait et à blâmer dans ses discours la politique qu’il signait au bas de tous ses décrets, s’empressa de confier la présidence du conseil et la direction du gouvernement. […] Or le désintéressement, l’abnégation, c’est une force ; c’est même la plus grande force qui soit : la démocratie ne peut donc pas ou ne pourra donc pas souffrir le désintéressement et l’abnégation. […] N’importe : en vertu de cette loi qui fait qu’une génération poursuit de sa haine les descendants de ceux dont a souffert la génération d’il y a cent ans, la bourgeoisie obtenait du peuple qu’il détestât les descendants ou les pseudo-descendants des Lauzun ou des Montmorency.
Mais dès qu’il est botté, il souffre ; la douleur dure tant qu’il est botté, et tant qu’il souffre il est de la plus maussade humeur. […] Aussi quand je vois abaisser dans une mauvaise critique tout ce qui a produit, tout ce qui a beaucoup pensé et inventé, qui s’est fait lire mainte fois et redemander souvent, je souffre, mon cher Monsieur, parce que, grâce à mon séjour ici, et parmi les gens de lettres, j’apprécie ce que valent et les uns et les autres.
Leurs dieux deviennent vite des hommes ; ils ont des parents, des enfants, une généalogie, une histoire, des vêtements, des palais, un corps semblable au nôtre ; ils peuvent souffrir, être blessés ; les plus grands, Zeus lui-même, ont vu leur avènement, et verront peut-être un jour la fin de leur règne21. […] Le ruissellement des images va croissant, coupé à chaque pas de jets imprévus, de retours, de soubresauts, dont la témérité et l’énormité ne souffrent aucune traduction. […] voyez quels maux un dieu souffre par la main des dieux !
J’ai appris de ma mère la grande leçon de l’homme et du chrétien, à souffrir.
Je me contenterai de faire remarquer que, pendant les trois semaines dans l’intervalle desquelles parurent ces articles, je le rencontrai plus d’une fois à dîner ou en soirée chez des amis ; nos rapports d’amitié et de cordialité n’en souffrirent en rien, et il me dit seulement qu’il m’écrirait une longue lettre pour sa justification, lorsque j’en aurais fini de mes objections et de mes critiques.
Et pourtant ces souvenirs des commencements doivent être pleins de pureté et de charme, lorsque le prisonnier de Joux, jouissant d’une demi-liberté, venait à Pontarlier chez le vieux marquis de Mounier dont la maison lui était ouverte, lorsqu’il racontait devant lui et sa jeune femme les malheurs et les fautes qui l’avaient conduit là, et qu’elle, comme Desdemona aux récits d’Othello, comme Didon aux récits d’Énée, comme toutes les femmes qui écoutent longuement des exploits ou des malheurs, pleurait et l’aimait pour ce qu’il avait fait et subi, pour ce qu’il avait souffert.
Après ses six mois de Paris en 91, à son retour à Villefranche, bien loin alors de prévoir le ministère pour son mari et à la veille de rentrer dans la vie privée, dans l’obscurité étouffante et la nullité de la province (lettre à Bancal, 11 septembre), comme elle souffre !
Ceux qui s’attachent à ce genre d’écrire devroient être persuadés que la satyre fait souffrir la piété du Roi, et faire réflexion que l’on n’a jamais ouï ce Monarque rien dire de désobligeant à personne.
Écrivant au roi pendant une grossesse, Marguerite débutera en ces mots : Le groz ventre trop pesant et massif Ne veult souffrir au vray le cueur naïf Vous obeyr, complaire et satisfaire… Dans les désastres et les rudes épreuves qu’eut à supporter son frère, elle le comparera tantôt à Énéas et tantôt à Jésus-Christ, de même qu’elle s’écriera, cri parlant de Madame d’Angoulême, leur mère, qui est restée courageusement au timon de l’État : À-t-elle eu peur de mal, de mort, de guerre, Comme Anchises qui délaissa sa terre ?
À présent que le Tiers se juge privé de la place qui lui appartient, il se trouve mal à la place qu’il occupe, et il souffre de mille petits chocs que jadis il n’aurait pas sentis.
Le médecin de soixante ans, qui a beaucoup souffert et qui a senti en imagination beaucoup de souffrances, serait moins bouleversé par une opération chirurgicale aujourd’hui que lorsqu’il était enfant.
Les pires des tyrannies sont les petites tyrannies ; les tyrannies parlementaires sont mesquines en France ; franchement, j’en ai trop souffert pendant trente ans de ma vie pour ne pas les détester.
Ni la nouveauté, ni la hardiesse de l’expression ne souffrent de la correction grammaticale : Racine est là pour le prouver.
Il se refuse à souffrir aucune rature, à changer aucun des passages biffés ou notés par le despote : et il attend la persécution — qui ne vient pas (1811).
Aussi voit-on sans mauvaise humeur l’infatuation de Balzac écrivant d‘un de ses critiques : « Un d’eux ne pouvant souffrir cet éclat, je ne sais lequel, qui me rend plus visible que je ne veux, et cette réputation incommode que je changerais de bon cœur avec le repos de ceux qui ne sont connus de personne, a entrepris de parler plus haut que la renommée et d’obliger tout un royaume de se dédire. » Et plus loin : « Il m’est pourtant bien doux de recevoir aujourd’hui, avec vos prières, celles de la moitié de la France10. » Bayle cite l’anecdote de cet homme qui lui demandait des nouvelles de messieurs ses livres.
Celle qui les écrivait n’ignorait pas qu’elles seraient montrées ; celle qui les recevait souffrait qu’on y jetât les yeux ; car comment résister au plaisir de laisser voir aux autres qu’on est aimée ?
Je n’ai jamais beaucoup souffert.
moi, l’humble qu’une logique éternelle asservit, ô Wagner, je souffre et me reproche, aux minutes marquées par la lassitude, de ne pas faire nombre avec ceux qui, ennuyés de tout afin de trouver le salut définitif, vont droit à l’édifice de ton Art, pour eux le terme du chemin.
L’évolution se poursuit en ce sens, et, un siècle plus tard, les rôles sont distribués d’une façon précise qui ne souffre plus d’interversion ; le chant se range décidément à l’aigu et l’accompagnement au grave.
Wagner avait déjà dit : « Je n’ai jamais pu m’intéresser qu’à celui qui souffre » (IV, 377).
L’auteur a bien soin de nous apprendre en effet que, depuis sa visite à Mâtho, « les angoisses dont elle souffrait autrefois l’avaient abandonnée.
Aucune douleur, aucun martyre ne serait une douleur comparable à celle que ta rage te fait souffrir. » — Puis il se retourna vers moi en disant, avec de plus douces lèvres : « Il fut un des sept rois qui assiégèrent Thèbes.
Il arrive ainsi que des hommes d’un groupe déterminé acceptent, sous le couvert et sous le commandement de l’idée générale, un ensemble d’attitudes et de manières d’être différentes de celles que leur eût suggérées leur hérédité sociale, et dont ils eussent souffert impatiemment qu’on leur imposât directement l’obligation.
Il dit qu’il n’a jamais été malade, qu’il n’a jamais eu rien, qu’il n’a jamais souffert de quoi que ce soit, sauf un anthrax, un charbon dans le dos, qui l’a empêché de sortir dix-sept jours.
Dans La Critique de l’École des femmes, un chef-d’œuvre de sarcasme et d’esprit : « Je suis pour le bon sens, dit Molière (il veut dire qu’il est pour ceux qui savent ce qu’ils disent), et ne saurais souffrir les ébullitions du cerveau de nos marquis de Mascarille.
Personne ne les a exposé avec plus de netteté que M. l’Abbé Pluquet, auteur des Mémoires pour servir à l’histoire des égaremens de l’esprit humain par rapport à la Religion Chrétienne, ou Dictionnaire des hérésies, des erreurs & des schismes ; précédé d’un discours dans lequel on recherche quelle a été la religion primitive des hommes, les changemens qu’elle a souffert jusqu’à la naissance du Christianisme ; les causes générales, les liaisons & les effets des hérésies qui ont divisé les Chrétiens, en deux vol.
Dans des circonstances où un homme sain souffrirait, il arrive au neurasthénique d’éprouver une sensation de jouissance dont la nature morbide est incontestable.
elles en souffrent, et c’est le sentiment des masses, palpitant sympathiquement dans les âmes d’une forte disposition religieuse, comme Pusey, par exemple, Newman et tant d’autres, qui a produit ce grand mouvement vers la Vérité par la Science, ce retour au catholicisme par l’étude de ses développements dans la doctrine et dans l’histoire.
Havelock Ellis16, Zola, comme enfant et comme jeune homme, souffrit de la pauvreté, pauvreté qui allait presque jusqu’au positif dénuement, la terrible pauvreté d’extérieur décent.
Descartes, il est vrai, n’allait pas encore aussi loin : avec le sens qu’il avait des réalités, il préféra, dût la rigueur de la doctrine en souffrir, laisser un peu de place à la volonté libre.
Le drame et la comédie sont partout : partout où il y a des hommes ils aiment, ils sentent, ils souffrent.
Nous avons vu combien l’Italie a souffert des « erreurs » répétées de ses envahisseurs ; d’autres exemples sont faciles à trouver : alors que la liberté de conscience est garantie par toutes les Constitutions, comment qualifier le dogme de l’infaillibilité du pape proclamé en 1870, l’année même où Victor-Emmanuel entrait à Rome ?
Ainsi se dégradent les arts, dans l’abaissement de fortune et l’avilissement de cœur que souffrent les peuples.
non, messieurs, je vous aime trop pour souffrir que cela arrive à aucun d’entre vous. » « Eh bien, Georges, chantes-tu toujours de la musique de Glück ? […] « Souffrirez-vous, s’écria-t-il, qu’un traître, qu’un complice de Catilina, siège encore dans votre comité de sûreté générale ? Souffrirez-vous que David, cet usurpateur, ce tyran des arts, aussi lâche qu’il est scélérat, souffrirez-vous, dis-je, que ce personnage méprisable, qui ne se présenta pas ici dans la nuit mémorable du 9 au 10 thermidor, aille encore impunément dans les lieux où il méditait l’exécution des crimes de son maître, du tyran Robespierre ? […] « J’étais malade depuis huit jours, répondit alors David, et le 9 je pris de l’émétique qui me fit beaucoup souffrir, me força de rester chez moi toute la journée et toute la nuit. […] Celui-ci ne souffrait patiemment les observations de personne ; aussi les plaisanteries de Mme Simon Candeille lui parurent-elles une injure insupportable.
Mais je souffre lorsque j’entends de froids courtisans, des beaux-esprits de boudoir, des petits-maîtres faits pour apprécier des bagatelles, trancher sur le mérite d’un chef-d’œuvre de l’art : je ne vois dans leurs critiques que le pédantisme de la fatuité. […] Et l’on ne veut pas souffrir que le roi Mithridate, amoureux et jaloux, use de supercherie avec une de ses femmes, pour savoir, comme on dit, ce qu’elle a dans l’âme ! […] C’est de cette époque que date la gloire d’Athalie, qui depuis n’a pas souffert la moindre éclipse.
Si elle fait saigner le cœur de son amant, ce n’est pas pour se donner le plaisir de sentir souffrir celui qui l’aime. […] Tout les fera souffrir, même ce qui donne aux autres le bonheur et la joie. […] Ce n’est pas dureté aristocratique, ce n’est pas représailles contre la destinée et pour venger sur autrui les maux dont il a souffert ; par une perversité paradoxale qui rappelle quelques-unes des pratiques superstitieuses les plus atroces de la sorcellerie, le comte Kostia est arrivé à se persuader qu’en imposant la souffrance à un être innocent il pourrait se débarrasser de la sienne propre. […] Quelque chose du calme de cette nature se répand sur les passions du récit ; sans aimer et sans souffrir moins fortement, ses acteurs aiment et souffrent avec moins de bruit, et la solitude où se développe le petit drame de leur amour ou de leur souffrance les garantit au moins contre les complications extérieures et les accidents de l’imprévu. […] La discrétion aussi avec laquelle ils souffrent est faite pour toucher, car je ne sais pas de spectacle qui trouve plus directement le chemin du cœur que celui de larmes qui coulent en silence ou d’une douleur qui chuchote ses tortures à mi-voix au milieu des sanglots réprimés.
Quand elle apprit qu’un long, interminable chemin à travers steppes et forêts se déployait encore devant elle, et qu’elle avait à voyager toute seule, pendant plusieurs mois, en traîneaux attelés de chiens et de rennes, la folie éclata, irrémédiable, et quelques semaines plus tard, elle mourut à l’hôpital d’Irkutsk sans avoir revu son mari, pour lequel elle avait, par amour, tant souffert ! […] On ignore pour qui on souffre, et on ignore pourquoi on est dans les délices. […] Souffrait-il davantage ? […] Émile Zola prend, au début de son livre, une petite ville industrielle, Beauclair, soumise au régime actuel du salariat… c’est-à-dire au régime de la haine… Avec raison, Zola voit dans le salariat la grand mal moderne, celui dont tout le monde souffre par répercussion, les ouvriers, les patrons, les consommateurs… Et il en donne de tragiques exemples qui font frissonner… Tout ce que le salariat comporte de luttes mauvaises, de haines épuisantes, de honte, d’avilissement, de déchéance humaine, de misère et d’infécondité, il le traduit par la peinture de cette petite ville, avec une force de vérité inoubliable et saisissante. […] Malgré tout son courage, ne pouvant plus travailler, ni lire, car elle souffrait cruellement des yeux, elle écrivait.
Et le cardinal de Retz : « Madame, quelque répugnance que je puisse avoir à vous donner l’histoire de ma vie, qui a été agitée de tant d’aventures différentes… » Et Montluc : « M’étant retiré chez moi en l’âge de soixante-quinze ans, pour trouver quelque repos après tant et tant de peines par moi souffertes… j’ai voulu employer le temps qui me reste à décrire les combats auxquels je me suis trouvé pendant cinquante-deux ans que j’ai commandé… » L’homme a d’abord agi, puis il se raconte. […] Ils ne se cachèrent pas de la sentir et d’en souffrir. […] Sur ce point, comme sur tant d’autres, nous constatons que notre pays souffre d’une crise d’autorité. […] Le flottement discernable dans les mouvements de désordre que je signalais au début de ces notes le prouve : ils sentent que leur classe n’est pas séparée des autres classes, qu’ils font partie vivante d’un corps vivant, la France, qu’ils seront atteints si elle est atteinte, qu’ils souffriront ou prospéreront avec elle, et par elle. […] Ils en avaient souffert.
N’est-ce pas, en effet, d’émotions, de sensations subies et souffertes par l’homme, que s’édifie — poème ou symphonie, presque ou statue— l’Œuvre d’Art ? […] Laforgue, qui semble émigrer des bords du Gange, souffre du fatalisme oriental.
Jeudi 21 avril C’est étonnant comme les animaux, même un peu sauvages, quand ils souffrent, cherchent à se rapprocher de l’homme, et à obtenir un peu de sa commisération. […] Là, comme ma tante n’avait pas le mépris de l’enfant, du gamin, quand il lui semblait trouver chez lui une intelligence, elle me souffrait auprès d’elle, la plus grande partie de la journée, me donnant toutes ses petites commissions, me faisant l’accompagner au jardin, porter le panier où elle mettait les fleurs, qu’elle choisissait elle-même pour les vases des salons, s’amusant de mes pourquoi, et me faisant l’honneur d’y répondre sérieusement.
Mais on ne peut souffrir les déguisemens avec lesquels il raconte les batailles importantes. […] Ils doivent les désabuser de l’ambition en faisant connoître tout ce qu’il y a à souffrir auprès des Grands.
Daudet vit et souffre avec eux. […] Et concevez-vous clairement ce que ce peut bien être que d’aimer en ébéniste, ou de souffrir en marchande des quatre-saisons ? […] Il souffrait de l’inutilité de vingt-cinq ans d’efforts qu’il avait faits sans réussir à s’égaler lui-même ! […] Il y en a qui aiment autour de lui ; il y en a qui naissent ; il y en a qui souffrent ; il y en a qui pleurent ; il y en a qui meurent.
Toute la population ordinaire d’idées a été balayée, il ne reste que le fonds humain, la puissance infinie de jouir et de souffrir, les soulèvements et les apaisements de la créature nerveuse et sentante, les variations et les harmonies innombrables de son agitation et de son calme21. » Tels sont bien les sentiments dont nous affecte immédiatement la musique. […] Nous souffrons de leur souffrance, nous nous épouvantons de leurs terreurs, nous aimons de leurs amours. […] Je souffre ! […] Se représenter la souffrance par exemple, ce n’est pas réellement souffrir, même à un degré atténué et d’une manière superficielle : c’est tout autre chose.
L’on sait comment il fonda à Provins une publication périodique en vers, une autre émésis, le Diogène, comment il dut, après s’être battu en duel, porter son journal à Paris, comment l’entreprise sombra, comment le pamphlétaire retomba dans la misère noire, et jusqu’à quel point il souffrit de la cruauté du vieil iver, qu’un autre poète a si justement appelé « tueur de pauvres gens », et comment, toutefois, au retour de la belle saison, ayant élu domicile dans un vieux chêne, près de la mare d’Auteuil, il trouvait encore dans son imagination de riantes couleurs pour égayer son dénûment et pour jouir à peu de frais du seul « luxe » de la nature. […] Il y dormit, il y souffrit encore un peu de temps, il y mourut. […] Taine n’est pas, assurément, le seul Français curieux de philosophie qui ait eu à souffrir d’une instruction scindée et incomplète, mais le défaut — M. […] N’allons pas nous tromper à cette bonhomie d’allures ; elle voile une âme de feu : « Je ne puis pas souffrir qu’on ne soit pas de mon avis… Il n’y a pas des opinions, il y a de la vérité. » Ce n’est pas celui-ci qui se résignerait à préférer ce qui lui plaît, sans exclure avec force ce qu’il n’aime pas.
Nous fûmes de ceux qui en souffrirent, étant de ses amis bien anciens et affectionnés sans doute, mais non pas tout à fait particuliers et intimes.
Napoléon avait connaissance de cet état de choses et le souffrait.
elle ne sait pas tout, mais elle voit qu’une peine affreuse me consume ; elle m’a gardé trois heures pour me consoler ; elle me disait de prier pour ceux qui me faisaient souffrir, d’offrir mes souffrances en expiation pour eux, s’ils en avaient besoin. » Et ailleurs : « … Je suis une lyre que l’orage brise, mais qui, en se brisant, retentit de l’harmonie que vous êtes destinée à écouter… Je suis destiné à vous éclairer en me consumant… Je voudrais croire, et j’essaie de prier… » Par malheur pour Benjamin Constant, ces élans qui se ranimaient près de Mme de Krüdner, et qui étaient au comble pendant la durée du Pater qu’il récitait avec elle, ne se soutinrent pas, et il retomba bientôt au morcellement, à l’ironie, au dégoût des choses, d’où ne le tiraient plus que par assauts ses nobles passions de citoyen213.
Et, en mettant à part l’indépendance romaine des enfants de Rome, les restes ombrageux du monde catholique souffriront-ils longtemps sans murmures que le successeur de saint Pierre au pontificat, et le successeur de Jules II, de Léon X en politique, que le chef spirituel de leur conscience soit le sujet obséquieux ou l’évêque obéissant d’un délégué piémontais représentant au Capitole et au Vatican un duc de Savoie, descendu de Turin ou de Chambéry à Rome ?
À qui sait compatir tout ce qui souffre est grand !
« Est-ce que je souffrirai que, pour ma cause, tant de belle jeunesse romaine, tant de braves armées, égorgées de nouveau les unes par les autres, soient enlevées à la république ?
Vous n’avez pas assez de prévenances pour ces hommes du parti d’Orléans, vous n’avez pas assez de dédain et d’injures pour celui qui, en 1830 et depuis, a souffert pour vous le stoïque martyre de l’honneur.
Ils ont souffert : c’est une autre innocence !
Mais le temps, voyez-vous, ce n’est pas la respiration qui le mesure quand on souffre et qu’on attend, c’est le cœur ; le temps n’y est plus, monsieur, c’est déjà l’éternité !
Je sais qu’il faut tenir compte de la croisade des Albigeois, et de tout ce qu’eut à souffrir la délicate culture méridionale.
Ce scepticisme n’est pas le pyrrhonisme que Pascal lui a reproché car, en beaucoup de points, et principalement pour les choses qui ne souffrent pas de délai, Montaigne affirme et décide.
Des désordres de plus en plus graves se produisaient dans cette organisation forte et qui ne souffrait pas d’être déviée.
De là cet apitoiement sur un cheval qu’on torture, sur un crapaud qui agonise, sur la fleur qui périt fauchée et se sépare avec douleur de la terre nourricière, sur les choses qui souffrent et pleurent, parce qu’elles ont une âme.
Je suis vraiment heureux que vous chantiez le roi : nulle part on n’a bien rendu ce rôle, et partout j’ai eu à souffrir de la vieille et ennuyeuse routine des chanteurs.
Il souffre, et voici que sont dissipés et fuient les derniers tourbillons des souvenirs.
Mais l’ensemble de son œuvre apparaît comme la curieuse traduction de ce que jouissaient et souffraient, communément, dans l’extérieure vie do Paris, les hommes de la génération précédente.
Si tu trouvais Jésus, tu serais heureux au lieu de souffrir.
On en souffre toujours, on en meurt parfois, malgré le proverbe.
La harpe vivante diffère des autres en ce qu’elle se sent elle-même résonner, en ce qu’elle jouit ou souffre de ses accords ou de ses discordances, en ce que ce sentiment de soi réagit sur elle-même : elle a un fond mental en même temps qu’une organisation physique ; sans ce fond, il n’y aurait point de souvenir véritable, pas plus qu’il n’y aurait de chaleur véritable, malgré les ondulations de l’éther en certaines directions, sans l’être qui sent ces ondulations sous forme de chaleur.
Bientôt il souffrait des douleurs atroces.
Telles sont les odes d’Anacréon ; courtes, sa paresse n’en eût pas souffert d’autres ; naïves, il n’écrivoit que ce qu’il sentoit ; toujours remplies de tour et d’élégance, il attendoit les momens heureux de son imagination, et ne faisoit proprement qu’obéir à son génie.
VIII S’il n’a point de caractère, il se plie, il se ravale, il s’abaisse au niveau de la médiocrité commune ; il abdique son génie, il lui substitue l’esprit de corps : ce n’est qu’à cette condition qu’il y est souffert ou honoré.
Mais ce qui fait paraître ces défauts sur le théâtre, c’est quand un autre acteur entend tout ce que dit celui qui parle seul : car alors nous voyons bien qu’il disait tout haut ce qu’il devait seulement penser ; et bien qu’il soit quelquefois arrivé qu’un homme ait parlé tout haut de ce qu’il ne croyait et ne devait se dire qu’à lui-même, nous ne le souffrons pas néanmoins au théâtre, parce que l’on ne doit pas y représenter si grossièrement l’imprudence humaine, en quoi Plaute a souvent péché.
Ferrari souffre dans ses meilleures parties de cette philosophie de l’histoire qui le timbre si profondément d’inconséquence, quand ce n’est pas d’absurdité, mais en écartant même cette question de fatalité qui offusque tout de son ombre, comme dit Bossuet en parlant de la mort, les Révolutions d’Italie, cette Babel de faits entassés les uns sur les autres, n’ont ni solidité ni consistance.
Il est difficile de refuser à l’animal un certain degré de sentiment quand on voit le chien attaché à son maître au point de souffrir de son abandon et de son indifférence, au point même de mourir parfois d’inanition volontaire devant son cadavre.
Il nous semble du moins que l’on ne souffre pas comme Pascal a souffert sans qu’il en demeure quelque chose ou qu’il s’en grave quelque trace dans l’esprit le plus fier, le plus ferme, le plus sûr de soi. […] Et enfin, quand sur ses vieux jours il eut « donné dans le point de vue moral », sans compter qu’il s’y prit un peu tard et, comme on dit vulgairement, après fortune faite, sa moralité toute neuve eut à souffrir encore plus d’un accroc. […] Sur bien des points, sur l’éducation des femmes, par exemple, ou encore sur la conduite que doivent tenir avec leurs inférieurs les heureux de ce monde, — deux points où Marivaux, dans ses feuilles, reviendra fréquemment, — la maîtresse du logis elle-même a des idées qui sont en avance de son temps, et des mots qui semblent passer la portée ordinaire ; celui-ci, par exemple : « J’appelle peuple tout ce qui pense bassement et communément : la cour en est remplie » ; ou celui-ci encore : « L’humanité souffre de l’extrême différence que la fortune a mise d’un homme à un autre homme. » Et nous savons bien que du haut de la chaire vingt prédicateurs en avaient dit autant sans doute, ou davantage ; mais c’étaient des prédicateurs. […] Mais ce qu’il faut dire, — et voilà de quoi souffrit Prévost, dans son talent, j’entends, et non pas dans sa vie privée, — c’est que cette fécondité, cette abondance et cette facilité doivent pouvoir s’exercer librement, et non pas sous l’aiguillon du besoin. […] Car son orgueil même, à la nature duquel on s’est si souvent mépris, n’est pas l’orgueil de l’homme de lettres ou du bel esprit, c’est encore l’orgueil du plébéien, l’orgueil de l’homme qui s’est fait ce qu’il est devenu, lui tout seul, et qui veut bien se souvenir de ses commencements, mais qui ne veut pas souffrir que les autres les lui rappellent.
Eh bien, c’est son talent qui a le plus souffert de la bassesse de sa haine ! […] S’il revenait au monde, cet homme, qui fut l’Ixion de toutes les nuées et qui fut celui de la Gloire, aimée par lui avec une turbulence que n’ont pas ceux qui la méritent, souffrirait cruellement de voir sa renommée dramatique la plus radicalement manquée de toutes les renommées sur lesquelles son contentement de soi et sa naturelle outrecuidance avaient peut-être le plus compté.
Ainsi, même dans la passion, les Grecs conservaient leur visage ; ou bien, si la douleur devait être trop forte, l’artiste la cachait à nos yeux, non pas sans doute par impuissance de représenter les difformités de la douleur, mais par un double respect pour celui qui souffre et pour ceux qui le regardent. […] Monteil, au contraire, dans ses Monuments de la bourgeoisie, s’attache à tout ce qui a vécu, à tout ce qui a servi, a tout ce qui a souffert bourgeoisement. […] Il avait souffert sans se rendre compte de ses souffrances ; il se mourait sans savoir qu’il était malade. […] Michaud s’est éteint, et sans trop souffrir, dans une modeste retraite qu’il s’était faite à Passy, non loin du poète Renouard, son confrère, qui est enterré dans le même cimetière.
Auguste, vous êtes bon, vous êtes trop jeune pour être entièrement corrompu, et vous ne voudrez pas souffrir que ce soient les cheveux blancs d’une pauvre femme, mère de quatre enfants, qui fassent honneur à votre signature. […] Il souffrait cruellement d’être obligé de manger dans de l’étain, et sa reconnaissance était tellement persuasive, que, dans le nombre de ses invités, il y en eut qui se retirèrent convaincus que c’étaient positivement eux qui avaient dégagé le service de leur confrère des mains d’un Gobseck. […] Dans le second cas, elles humilient. — Un homme qui a le sentiment de sa valeur souffrira péniblement si, pour la constater, il a besoin de requérir l’appui des imbéciles ou des niais, qui sont une force comme toute majorité. […] S’il possède un caractère irritable, il devra le tamponner de patience, s’il ne veut pas souffrir des ruades et rebuffades qui pourront résulter de la mauvaise humeur de l’homme célèbre, quand celui-ci aura éprouvé des désagréments familiers à son état.
Ce jeune homme, qui a souffert des contraintes apportées à sa vocation, une fois libre de vivre à sa guise, s’installe dans un des vieux hôtels de l’Ile Saint-Louis dont le décor plaît à son sens de la solennité et du pittoresque. […] Scrupuleux, méticuleux, très strict en matière d’argent et ayant besoin pour produire d’une tranquillité d’esprit propice, Baudelaire souffrit cruellement de sa pénurie et des efforts nécessaires pour s’en affranchir. […] mon enfant, comme vous avez dû souffrir ! […] Non seulement le pittoresque de Paris y perd, mais son hygiène risque d’en souffrir également.
Hugo, par la magnificence de détail qu’il prodigue, fait tort nécessairement à celui de tous ses devanciers, et les deux Lebrun peuvent en souffrir.
En France, tant qu’il y aura du bon sens, de telles énormités ne se sauraient souffrir.
Comme une espèce favorisée par le sol et le climat, elle envahit tous les terrains, elle accapare l’air et le jour pour elle seule, et souffre à peine sous son ombre quelques avortons d’une espèce ennemie, un survivant d’une flore ancienne comme Rollin, un spécimen d’une flore excentrique comme Saint-Martin.
Ses yeux, quoique proéminents et pleins d’insolence, paraissaient souffrir de l’éblouissement du grand jour.
L’abbé Lambert, dont j’ai parlé en répondant à M. de Cassagnac, homme délicat et sensible, souffrait intérieurement de la maladresse de son confrère, de la grossièreté des soldats, de l’humiliation du condamné.
L’activité des oiseaux et des insectes ne souffre point de relâche ; chaque famille a ses heures.
dit-elle, je donnerais tout, car le petit souffre de la faim avec mon lait, qui est si rare et si amer sans doute ; mais je n’ai plus un baïoque à donner contre du lait.
Si la morale en souffrit, l’imagination en profita.
D’où vient cependant que Froissart, si étranger aux haines de race, ne puisse souffrir les Allemands ?
2º Le livre, « instrument spirituel », le livre si cher, si expressif, que nous aimons, le livre qui doit tout à lui-même et non à des éléments étrangers, à un jeu d’acteurs ou un rayon du feu de la rampe, le livre a-t-il à souffrir, dans son destin, de ces excès du théâtre ?
Aux premières plaintes d’Atossa, il lui a rappelé que « la destinée des hommes est de souffrir, et que des maux innombrables sortent pour eux de la terre et de la mer, quand ils ont longtemps vécu ».
Qu’il faut souffrir pour s’amuser ainsi !
Lorsque, plus tard, Racine et Boileau sont devenus des personnages officiels, des historiographes du roi, des gentilshommes ordinaires du roi, La Fontaine, qui n’a jamais été aimé à Versailles, que le roi, en définitive, n’a jamais pu souffrir, cessa de les fréquenter et la société fut rompue.