Nous savons tous que Gustave Planche, dans les derniers temps et en ses moments les plus tristes, trouvait affection et asile au foyer de M.
I Je passe sur la fin des Cent-Jours, sur cette triste et embrouillée période qui s’étend depuis Waterloo jusqu’à la seconde rentrée des Bourbons, honteux chassé-croisé d’intrigues, triomphe et règne de Fouché, et bien digne de demeurer marqué de son nom dans l’histoire.
Pourvue d’un triste mari, et n’ayant pu enlever Raoul à Sibylle, elle a pris pour amant Gandrax, le savant, l’homme de mérite, athée, il est vrai (à propos, je ne croyais pas que ce personnage d’athée proprement dit existât encore sous cette forme, à la Wolmar), — mais, à part cela, le caractère le plus droit, le plus probe, une personnalité marquante et originale, tout à fait distinguée.
Écoutons Childe Harold en ces passages célèbres : « Fair Greece, sad relic… Belle Grèce, triste relique d’une gloire évanouie !
Il aurait pu cependant, avant de mourir et pour peu qu’il eût l’esprit tourné aux tristes présages, s’apercevoir et reconnaître que son autorité avait subi un échec et qu’une partie de sa domination lui avait échappé.
On en pourrait détacher quelques paroles éloquentes et tristes sur l’état moral de la France à cette époque, état moral agité et fébrile, suspendu entre des fautes et des excès contraires, donnant d’un extrême à l’autre sans trêve ni raison, et que nous avons vu se renouveler tant de fois depuis : un mal à désespérer les sensés et les clairvoyants, à faire douter de l’avenir et du bon génie de la France, et qui est devenu proprement le mal français périodique.
C’est peut-être triste, mais pour d’autres que pour moi. » 3.
Pas un mot de politique, ceci seulement : quand on est bien persuadé (et c’est peut-être fort triste) que l’art de gouverner les hommes n’a pas dû changer malgré nos grands progrès, et que, moyennant ou nonobstant les divers appareils plus ou moins représentatifs et soi-disant vrais, au fond cet art, ce grand art, et le premier de tous, de mener la société à bien, de la conserver d’abord, de l’améliorer et de l’agrandir s’il se peut, ne se pratique jamais directement avec succès qu’en vertu de certains résultats secrets d’expérience, très-rigoureux, très-sévères dans leur équité, très-peu optimistes enfin, on en vient à être, non pas indifférent, mais assez indulgent pour les oppositions de systèmes plus apparentes que réelles, et à accorder beaucoup, au moins quand on n’est que simple amateur, à la façon : je rentre, on le voit, en pleine littérature.
Molière, penseur profond, triste au dedans, ayant hâte de sortir de lui-même et d’échapper à ses peines secrètes, sera cette fois d’un comique plus grave ou plus fou qu’à l’ordinaire.
quel triste sort nous offrez-vous donc sans mobile, sans intérêt et sans but ?
C’est, dans Tartarin de Tarascon, la jolie esquisse — et combien vraie pour ceux qui ont vu les choses de l’Algérie française, de ce cocasse et fantastique mélange de l’Orient et de l’Occident…, « quelque chose comme une page de l’Ancien Testament racontée par le sergent La Ramée ou le brigadier Pitou » Au reste, le conteur n’a pas besoin de mêler aux continents pour obtenir d’amusantes ou tristes antithèses.
Quelques mots nous donneront tout de suite le ton du recueil ; voici, par exemple, les aphorismes humoristiques qu’on y prodigue : « Une femme mariée, dit Arlequin, est comme une maison dont le propriétaire n’occupe que le plus petit appartement, et où cependant toutes les grosses réparations se font sur son compte. » Mezzetin, reprend : « Comme ainsi soit que le naturel des corneilles est d’abattre des noix et de parler gras, celui des pies d’avoir la queue longue, et des perroquets d’être habillés de vert, de même la nature des femmes est de faire enrager leur mari. » Colombine trouve son maître Persillet triste et soucieux : « Qu’est-ce que c’est, Monsieur ?
Croire qu’en imitant certaines qualités de pureté, de sobriété, de correction et d’élégance, indépendamment du caractère même et de la flamme, on deviendra classique, c’est croire qu’après Racine père il y a lieu à des Racine fils ; rôle estimable et triste, ce qui est le pire en poésie.
Je ne crois pas que celle-ci doive être nécessairement ennuyeuse et triste, mais je pense encore moins qu’elle doive être à ce point émue, sentimentale et comme magnétique.
Nous rentrâmes à sept heures, je retournai chez moi bien triste, ne comprenant rien du tout à ce que ma mère m’avait dit.
Une autre remarque plus frappante porterait sur l’espèce de conseil que le digne Marmontel donne à ses enfants en leur présentant ce triste exemple de l’ambition politique.
Un portrait peut avoir l’air triste, sombre, mélancolique, serein, parce que ces états sont permanents ; mais un portrait qui rit est sans noblesse, sans caractère, souvent même sans vérité et par conséquent une sottise.
Ces tristes allusions, auxquelles un esprit si élevé daigna trop souvent descendre, font gémir sur lui et sur le siècle qui l’encouragea par ses applaudissements.
Toute la magnificence de la prose de Buffon, toute la magie des vers de Lucrèce, ne couvrent donc que d’éclatants et tristes paradoxes.
Elle écrit ceci, parce qu’il fait froid et qu’elle est triste (c’est Leone Leoni).
Triste et grotesque histoire, malgré son éclat, et qu’on pouvait deviner avant qu’elle fût écrite !
Gustave Droz ne pouvait avoir une conception plus élevée du sentiment paternel qu’il ne l’a eue dans ces pages émues, dont j’ai partagé l’émotion, et que je juge après l’avoir partagée ; mais cette conception qu’il ne pouvait avoir, la Critique ne devait pas moins la lui montrer… Je vais finir par une chose triste.
Triste métamorphose !
Comment voulez-vous que nous y croyions encore après ces Noces de Micheline, que vous avez eu le triste courage d’accueillir ?
La philologie est un souterrain obscur, étroit, sans fond, où l’on rampe au lieu de marcher, si éloigné de l’air et de la lumière, qu’on y oublie l’air et la lumière, et qu’on finit par trouver belle et naturelle la clarté fumeuse de la triste lampe qu’on traîne accrochée après soi.
« Chers compagnons de mon art mélodieux, chers à moi comme la lumière qui visite ces tristes yeux, comme les gouttes de sang qui réchauffent mon cœur, vous êtes morts au milieu des cris de notre patrie mourante ; je ne pleure plus.
Loin de vous cette triste philosophie, qui vous prêche le matérialisme et l’athéisme, comme des doctrines nouvelles destinées à régénérer le monde : elles tuent, il est vrai, mais elles ne régénèrent point. […] Ils sont plus instruits, plus impartiaux, plus exacts, un peu trop diffus, mais presque toujours justes, vrais, courageux et modérés. » Son horreur pour « la poésie dans toutes les langues » ne l’empêcha pas de donner à la France la première traduction du Wallenstein de Schiller, triste traduction, il est vrai, aussi peu fidèle que possible, et moulée en vers classiques, comme un pastiche de Voltaire ou de Crébillon. […] Quel sera le fruit heureux et solide de tant d’épineux et sombres travaux, de tant de veilles aussi tristes que laborieuses ? […] Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille Applaudit à grands cris ; son doux regard qui brille Fait briller tous les yeux, Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être, Se dérident soudain à voir l’enfant paraître, Innocent et joyeux. […] C’était par une triste nuit.
Il peut être très poétique sans être beau : ainsi un étang morne, une terre triste et désolée, le désert, la mer sauvage. […] Il est clair par exemple que nous ne trouverons pas le même charme à un chant triste qu’à un chant d’allégresse, et que si nous admirons autant l’un que l’autre, ce ne sera pas de la même manière. […] La rêverie sera agréable ou désagréable, selon que nous nous représenterons des choses gaies ou des choses tristes. […] Ou bien, sous le coup de l’émotion que nous venons d’éprouver, nos pensées prendront une teinte triste ; nous nous enfoncerons à plaisir dans cette tristesse, pour en mieux savourer le charme mélancolique ; d’instinct nous évoquerons des images lugubres, qui nous entretiennent dans cette disposition mentale, et nous nous perdrons dans leur contemplation. […] Tant de marbre, d’études successives, d’efforts de composition, pour nous suggérer seulement cette pensée, qu’il est triste de mourir, ce serait un labeur presque dérisoire.
Les tropes sont d’un grand usage pour déguiser des idées dures, desagréables, tristes, ou contraires à la modestie ; on en trouvera des exemples dans l’article de l’euphémisme et dans celui de la périphrase. […] Par la même raison Virgile a dit la triste vieillesse. (…). […] Ce dernier vers a paru afecté ; on a dit que les flots de la mer aloient et venoient sans le motif de l’épouvante, et que dans une ocasion aussi triste que celle de la mort d’un fils, il ne convenoit point de badiner avec une fiction aussi peu naturèle. […] Il faut éviter les périphrases qui ne présentent rien de nouveau, qui n’ajoutent aucune idée accessoire, elles ne servent qu’à rendre le discours languissant : si après avoir dit d’un home acablé de remords, qu’il est toujours triste, vous vous servez de quelque périphrase qui ne dise autre chose, sinon que cet home est toujours sombre, rèveur, mélancolique et de mauvaise humeur, vous ne rendez guère votre discours plus vif par de telles expressions. […] L’euphémisme est une espèce d’allusion, avec cette diférence qu’on cherche à éviter les mots qui pouroient exciter quelque idée triste, dure, ou contraire à la bienséance.
C’était moins gai, nullement triste pourtant, grâce au désordre qui régnait alors dans ces maisons-là. […] Nous sommes étonnés quelquefois qu’en si triste monde ou puisse rire, et rire pendant cinq cents pages, presque sans un relâche. […] Il voit très bien dans l’affectation de l’écolier limousin un vice assez grave, ou une infirmité d’esprit assez triste, le goût de ne prendre des choses que l’écorce et non le solide. […] À voir Genève devenue triste, il fallait bien croire qu’elle avait changé, et à la voir changée, conclure qu’elle avait marché en avant. […] Bossuet, comme toujours, a tout dit d’un seul mot : C’est un style « triste. » C’est un style qui n’a ni la joie d’une passion douce qui s’épanche, ni celle d’une imagination qui se donne carrière et qui s’espace. « Ceux qui écrivent par humeur », dit La Bruyère, ont un style tantôt, bon, tantôt mauvais, mais du moins original.
Partout il verra de la poésie, et partout il nous en fera voir, dans la glèbe du champ comme dans le pré fleuri, dans le plus triste paysage de banlieue comme dans le site le plus enchanteur. […] Les couleurs foncées, nous faisant penser à la descente de la nuit, aux habits de deuil, nous paraîtront plutôt tristes. […] N’y a-t-il pas dans cette lumière d’or quelque chose de solennel et d’un peu triste, qui donne une impression d’antique splendeur, de très vénérable passé ? […] Ce triste cortège, ce sont nos angoisses, nos regrets, nos résignations et nos désespoirs devant la mort. […] Il nous fait trouver je ne sais quel charme aux sentiments les plus tristes, en leur donnant une sorte de résonance dans l’imagination.
Dès sa jeunesse, et même dès son enfance, il subit l’épreuve des souffrances du corps, il connut la maladie et ses langueurs, plus tristes encore à cet âge où l’être humain aspire à la vie avec plus d’intensité. […] Si secourable qu’elle puisse être à certains moments, lorsqu’elle efface de notre cœur une triste réalité pour y dérouler de brillantes fantaisies, si douce qu’elle apparaisse, quand sous le nom de rêverie elle consent à nous obéir à demi, elle affecte parfois un si absolu pouvoir, elle a si vite envahi toutes nos résolutions et toutes nos heures, que le sage fera bien, peut-être, de lui fermer strictement la porte. […] Un autre jour, triste et découragé, il s’assied devant son œuvre par distraction et par hasard ; tout à coup, comme si un soleil subit fondait d’un seul rayon toutes les glaces d’un torrent, l’idée jaillit, bouillonne et se précipite à grands flots. […] Il n’a pas aspiré à donner une forme et un rythme à ce qui est sans limite et sans nombre, à exprimer ce qui n’a pas de nom dans la langue des hommes et de représentation possible dans la matière ; mais tout ce qu’il veut exprimer, il le dit clairement, tout entier, sans rien laisser désirer à la raison, sans tenir l’intelligence dans une hésitation douloureuse ; et, pour n’avoir eu qu’une intention sage, qu’une ambition tout humaine, il nous épargne le douloureux témoignage des intentions avortées et le triste aspect d’une œuvre vieillie avant d’être achevée.
Il se serait fait un reproche, comme d’une faiblesse, de s’inquiéter si la vérité scientifique est triste ou gaie, morale ou immorale. […] Ceux dont l’enfance et l’adolescence se sont écoulées pendant les douze premières années du second empire se rappelleront toujours la froideur et le morne ennui qui accablait les âmes pendant cette triste époque. […] Les premières années de sa vie furent tristes et pénibles. […] C’était l’Imitation de Jésus-Christ : « Je n’avais encore aucune idée religieuse… Et voilà que dans ces pages j’aperçois tout à coup, au bout de ce triste monde, la délivrance de la mort, l’autre vie et l’espérance. […] Il associait la nature non seulement à ses sentiments, mais aussi à sa philosophie : « Le temps était doux et sombre, la campagne triste ; un ciel gris l’enveloppait.
Et le triste métier que le sien ! […] Où est-il, celui qui partait de cet axiome : « L’art est triste » et se posait en professeur de désillusion ? […] Il a des pages émues sur le droit des pauvres aux jouissances élevées de la vie, sur la triste condition où le travail de l’atelier réduit les femmes et les enfants du peuple. […] Quoi de plus triste ? […] Chose triste pour tous ceux (et j’en suis) qui ont toujours souhaité réduire la part de la force brutale dans le règlement des affaires humaines !
On ne s’étonnera pas, après cela, de la trouver un peu maladive, un peu malsaine aussi et profondément, triste, avec la fausse gaieté d’un mauvais rire nerveux. […] L’enfance de Thomas semble avoir été assez triste. […] Mais beaucoup de temps se passera encore avant que le vrai caractère du triste poète soit exposé, dans sa nudité, aux regards du public. […] Son ingénu pouvoir d’évocation et d’illusion l’a préservé jusqu’au bout du triste contact de la réalité. […] Leurs adieux furent tristes.
Son père John exerçait en 1569, à Stratford, la fonction de grand bailli ; mais, dix ans après, sa fortune avait éprouvé sans doute de tristes revers, car, en 1579, on voit sur les registres de Stratford deux aldermen exemptes d’une taxe imposée à leurs confrères, et John Shakespeare en est un. […] Triste assujettissement de l’homme au monde extérieur ! […] Arrivés au lieu du rendez-vous, les braves de Stratford trouvent les Francs Buveurs partis pour la foire voisine ; les Gourmets, moins redoutables, selon toute apparence, demeuraient seuls, et proposent d’essayer la fortune des armes ; la partie est acceptée ; mais, dès les premiers coups, la troupe de Stratford, mise hors de combat, se voit réduite à la triste nécessité d’employer ce qui lui reste de raison à profiter de ce qui lui reste de jambes pour opérer sa retraite ; l’opération paraissait même difficile, et devient bientôt impossible ; à peine a-t-on fait un mille que tout manque à la fois, et la troupe entière établit, pour la nuit, son bivouac sous un pommier sauvage, encore debout, s’il en faut absolument croire les voyageurs, sur la route de Stratford à Bidford, et connu sous le nom de l’arbre de Shakespeare. […] Mais, d’ailleurs, la misanthropie de Timon aussi furieuse que sa confiance a été extravagante, le caractère équivoque d’Apémantus, la brusquerie des transitions, la violence des sentiments forment un spectacle plus triste que vrai, et trop peu adouci par la fidélité du vieil intendant. […] Aucun détail de ces tristes préparatifs n’est perdu pour le sentiment qu’ils excitent ; l’insensible grossièreté des hommes voués aux habitudes d’un pareil métier, leurs chansons, leurs quolibets, tout porte coup ; et les formes, les moyens du comique rentrent ainsi sans effort dans la tragédie, dont les impressions ne sont jamais plus vives que lorsqu’on les voit près de tomber sur l’homme déjà frappé à son insu et se jouant en présence du malheur qu’il ignore.
Après l’avoir étudiée de si près et dans ses propres confidences, je crois quelquefois, en vérité, qu’elle est là devant moi, intelligente et parlante ; je me la représente en personne, avec cette physionomie pétrie de tendresse, de finesse, de douce malice et de bonté : l’amour a passé par là, on le sent, non point précisément celui qui enflamme et qui ravage, mais celui qui brûle à petit feu et qui, toutes peines éteintes, laisse après lui une réflexion légèrement mélancolique et attendrie ; arrivée à cet âge où l’on n’espère plus et où l’on a renoncé à plaire, sans pour cela se négliger, dans sa mise de bon goût et simple, tout en elle est d’accord, tout se nuance, et s’assortit ; elle ne craint pas de laisser voir à son front et à ses tempes la racine argentée de ses cheveux où il a neigé un peu avant l’heure ; elle ne cherche pas à prolonger une jeunesse inutile et qui ne lui a donné que des regrets ; elle est aussi loin de l’illusion sentimentale et de l’éternelle bergerie d’une d’Houdetot, que de la sécheresse mordante et polie d’une Luxembourg ; elle a gardé la seule jeunesse du regard, l’étincelle aimante ; elle continue de sourire à cette vie qu’elle n’a guère connue que triste et amère ; elle rêve fidèlement à ce passé qui lui a valu si peu de douceurs, elle a le culte d’un souvenir, et si elle tient encore dans ses mains un livre à couverture bleue usée (comme dans ce portrait de femme attribué à Chardin), je suis bien sûr que c’est un volume de la Nouvelle Héloïse. […] Mme de Verdelin prétendait que je n’échapperais pas à la baguette ; mais il y a longtemps que le charme est fini et que je ne crains plus, tristes Amaryllidis iras : « Je suis libre, Seigneur, et je veux toujours l’être. » 74.
La seule chose qui en moi se reproduise intacte et entière, c’est la nuance précise d’émotion, âpre, tendre, étrange, douce ou triste, qui jadis a suivi ou accompagné la sensation extérieure et corporelle ; je puis renouveler ainsi mes peines et mes plaisirs les plus compliqués et les plus délicats, avec une exactitude extrême, et à de très grandes distances ; à cet égard, le chuchotement incomplet et défaillant a presque le même effet que la voix. — Mais si, au lieu de prendre pour exemple un homme enclin à remarquer surtout les sentiments, on considère des hommes accoutumés à remarquer surtout les couleurs et les formes, on trouvera des images si nettes qu’elles ne différeront pas beaucoup des sensations. […] Le lendemain, le maréchal des logis lui dit qu’il fera un rapport au lieutenant sur ce retard. — Le 2 août, il est « un peu triste, sans être malade ».
Un jour qu’il était sorti avec trois de ses disciples par la porte orientale de la ville, pour aller prier dans la campagne près d’un édifice en ruine situé sur une colline, ses disciples furent frappés de la gravité triste de sa physionomie. […] Le triste état des choses et des mœurs dans lequel je laisse la terre prouve, hélas !
Sa figure est triste et résignée au fond, mais à la surface elle prend toutes les expressions terribles ou tendres des situations des poèmes qu’il récite. […] En face du chanteur, deux belles jeunes filles de Procida ou de Mycènes sont debout, dans l’attitude et dans l’expression de l’attention, émues jusqu’aux larmes ; l’une regarde le poète comme s’il allait lui dire le secret de sa destinée amoureuse ; l’autre baisse les yeux et songe à je ne sais quoi de triste comme le récit.
XXVII Léopold s’achemina donc vers Paris à l’appel de ces amis, mais déjà triste ; la gloire a ses mélancolies comme la religion, comme l’amour : plus on monte, plus l’on voit de profondeur sous ses pieds ; plus on possède, plus on sent le néant de ce qu’on atteint. […] J’en éprouve une peine mortelle, et c’est le jour des Morts que j’ai appris cette triste nouvelle.
Triste et résigné, il reprend au repas le sentier pierreux du désert. » XX Un troisième, féroce gardeur de taureaux et de vaches, arrive avec la confiance de sa richesse et la dureté de son métier. […] Ce dénouement est triste comme deux lis couchés dans la même vase après un débordement du Rhône dans les jardins de la Crau.
Triste chose que le monde, continue-t-il ailleurs ; on y apprend bien des choses, mais qui au fond ne nous apprennent rien ; mais quant à ce qui nous importe davantage, à la seule chose même qui nous importe véritablement, l’inspiration intérieure, le monde, au lieu de nous la donner, nous la prend. » — « Je lis madame de Staël, répond Schiller ; elle oublie son sexe sans s’élever au-dessus de lui ; c’est une nature raisonneuse, mais très peu poétique (c’est-à-dire créatrice). » Dans les lettres suivantes, la tragédie de Schiller, Wallenstein, est enfin terminée. […] Je le sais, je serai seule avec moi-même comme je me suis trouvée seule aujourd’hui sur le rivage où mourut Günderode ; seule sous les tristes saules où la mort frissonne encore, sur cette place où l’herbe ne croît plus ; c’est là qu’elle a meurtri son beau corps !
Je ne veux pas reconnaître le triste signe de la décadence, dans le premier monument de notre poésie où se révèle, par des vérités générales exprimées d’un style clair et piquant, l’instinct du grand art du xviie siècle. […] Ce sont toutes ses dispositions particulières et ses humeurs, tristes ou gaies, le plus souvent imitées de la poésie italienne et de Pétrarque en particulier, dont les sonnets avaient mis à la mode le raffinement dans l’amour.
La seule conclusion pratique à tirer de cette triste vérité, c’est qu’il faut travailler à avancer l’heureux jour où tous les hommes auront place au soleil de l’intelligence et seront appelés à la vraie lumière des enfants de Dieu. […] Et vous vous étonnez qu’avec cela ils soient parfois tristes et solitaires !
On ne sait pas combien il est douloureux à quelqu’un qui connaît et qui aime Wagner, d’être contraint à s’occuper de cette triste parodie de l’art qui fait une des joies de sa vie. […] Motif triste et recueilli que chante l’orchestre pendant que Parsifal, encore inconnu, dépose ses armes.
Il est triste de voir Wagner, l’ennemi acharné, irréconciliable, de nos théâtres, de nos concerts, de tout ce qui s’affuble chez nous du nom d’art, de le voir devenir aujourd’hui la proie précisément des directeurs de théâtre et de concerts ; et de voir que, grâce aux agissements de ces industriels, ce sont les habitués de leurs établissements qui forment aujourd’hui la grande majorité de ce qu’on se plaît à appeler des Wagnériens. […] Cela est triste, que des êtres doués d’âmes compréhensives n’aient point su se donner tout à la vénération d’un génie immense : pour savourer la chaste, forte et désintéressée volupté de ce bonheur qui renferme en lui toutes les joies d’amour et, moins égoïste qu’elles, va plus haut : l’admiration.
Les enfants que promènent les pions ont l’aspect triste d’une bande de petits prisonniers, les enfants qui se promènent avec des abbés ou des frères ignorantins, ont l’air d’être contents, comme s’ils allaient avec de grands camarades. […] De tristes pressentiments nous viennent sur notre ami, et l’homme que tous voient sur le seuil de l’immortalité académique, — nous le voyons cloué dans son cercueil.
» La souffrance vraiment philosophique impliquerait en effet une volonté stoïque, maîtresse de soi, saine, prête à aller jusqu’au fond du mal subi pour en sentir la réalité triste et pour en reconnaître aussi la nécessité, c’est-à-dire les liens qui rattachent cet accident au tout, les points par lesquels cette laideur vient se suspendre à toutes les beautés de l’univers. […] Et les hommes, ceux que Loti a voulu peindre, les marins, se réjouissent : « A ce pardon, la joie était lourde et un peu sauvage, sous un ciel triste.
Ils sont hors la société, remplissant loin d’elle le rôle fastidieux et triste de spectateurs, sans pouvoir se résigner au peu d’estime que leur concèdent, entre deux tâches, les hommes actifs, Par toute leur délicate organisation intellectuelle, ils sont empêchés de pratiquer la conduite désignée par M. […] L’on est embarrassé, par contre, de trouver chez les peuples tristes, des littérateurs de quelque nom, dont le génie n’ait rien d’amer ou de mélancolique.
Quillard nommait récemment « le triste pasteur de Galilée », tous les désirs meurtris des femmes énervées qu’il a, depuis dix-neuf siècles, volées à la saine volupté. […] … quel triste imbécile » — qu’Ubu ne devait pas dire « des mots d’esprit » comme divers ubucules en réclamaient, mais des phrases stupides, avec toute l’autorité du Mufle.
Dante ne pouvait manquer de retrouver dans l’autre monde ceux dont la triste aventure l’avait si fortement ému dans celui-ci. […] « À l’heure où, près du matin, l’hirondelle commence à gazouiller ses tristes lais, peut-être en souvenir de ses premiers malheurs, heure pendant laquelle notre âme errante pleure dégagée du corps, et, plus reprise par la pensée pour ses visions, est presque élevée à sa nature divine, — je vis en songe un aigle aux ailes d’or, etc. » On retombe bientôt dans les ténèbres d’un texte obscur et incohérent, où brillent, par moments, quelques vers de diamant comme ceux-ci : « Orgueilleux chrétiens !
Certes, il n’est pas aisé de noter les qualités essentielles qui font qu’un auteur est un humoriste, car cette fantaisie diverse est chez les uns cruelle, chez les autres triste, bouffonne chez celui-là, correcte et discrète chez celui-ci… » Les humouristes sont les plus connus peut-être des écrivains contemporains. […] L’optimisme, la joie saine et franche, c’est ce que Marius-Ary Leblond veulent réaliser dans le roman contemporain qu’ils ont raison de trouver trop triste.
Et dans leur effroi de n’être plus à l’abri sous le toit de la raison médiocre, sous le chaume d’un réalisme qui n’est pas même ignifugé et dont le vent risque d’éparpiller les brins avaricieusement joints au cours des siècles d’économie triste, dans leur trouille devant l’intelligence dès qu’elle ne consent plus à jouer les utilités, les partisans du sens commun, de l’ordre à tout prix, obligés enfin de voir à quoi les contraignent ces mythes, usent des piètres ressources d’un romantisme de bas étage. […] Ailes des paupières, nos regards volent et le vent en l’honneur duquel Picasso de chaque pierre triste a fait jaillir les Arlequins et leurs sœurs cyclopéennes et tout un monde endormi dans les secrets des guitares, l’immobilité du bois en trompe l’œil, les lettres d’un titre de journal, le vent en l’honneur duquel Chirico a construit des villes immuables et Max Ernst ses forêts, pour quelles résurrections emporte-t-il nos mains, ces fleurs sans joie.
S’il est permis de parler de style après avoir montré de si tristes défaillances dans la pensée, celui d’Audin avait tout ce qu’il fallait pour porter loin ses erreurs au moment où il écrivait son histoire. […] Tout d’abord on aurait cru que Luther et l’Allemagne, ces deux opulences de vie et de pensée, qui s’entendirent si bien au premier mot, et bondirent de joie en venant l’un vers l’autre, comme deux lions des Écritures, convenaient mieux au talent brillant, mouvementé, pathétique d’Audin, que Calvin, tapi, comme un cloporte, dans sa démocratie bourgeoise, et les tristes momeries de Genève !
On connaît leurs tristes héros, dont la lignée moribonde s’est propagée jusqu’à nous. […] On songe aux lieux tristes d’alentour et l’on se rappelle que cette misère du sol fut transformée par la volonté toute-puissante d’un seul, avec le concours d’une race et d’un peuple.
Dans ses lettres écrites à M. de Ségur, et datées d’Otchakov, de ce triste siège où, malgré les lenteurs et les intrigues, il y avait eu pourtant quelques brillantes canonnades et des combats, le prince de Ligne parlait du prince de Nassau, ce brillant paladin, sorte de chevalier errant par tous les pays, tour à tour et à volonté colonel d’infanterie, de cavalerie, ou vice-amiral.
Des saisons funestes, des pluies calamiteuses, des maladies et des contagions se joignirent pour accumuler les tristes présages, pour inquiéter et noircir les imaginations.
Daru se retrouvait ici poète par un coin : Ce serait un triste emploi de l’érudition, disait-il, de ne la faire servir qu’à répandre des doutes sur l’histoire et à détruire ces traditions nationales qui entretiennent chez les peuples l’amour de la gloire et de la patrie… Et que peut-il y avoir d’utile, par exemple, dans les efforts de je ne sais quel érudit qui a entrepris de prouver aux Suisses que Guillaume Tell n’a jamais existé ?
Sévère jusqu’à l’injustice pour ces hommes de science positive, Buffon sensible au talent, au grandiose, à la réflexion humaine quand elle se projette à travers les vues physiques, fait plus de cas d’un Pline à l’esprit fier, triste et sublime, bien qu’il déprise toujours l’homme pour exalter la nature ; il ne parle de cet ancien qu’avec une impression de respect et en laissant sous le voile ses nombreux défauts.
Il entre à son tour, par les conseils qu’il donne, dans mille détails familiers, appropriés ; il indique les recettes, les palliatifs applicables aux âmes tristes ou ulcérées, surtout les jours de fête et quand tout respire la joie alentour.
Il est même touchant, au simple point de vue de l’histoire, de contempler chez lui la Réforme triste et blessée, et qui s’en va peu à peu mourir d’avoir produit et enfanté comme une mère ce roi glorieux, ce cher ingrat, qui se détache d’elle et dont elle reste fière cependant63.
Aux députés du Clergé qui viennent de lui faire, et non sans arrière-pensée, un assez triste tableau de l’Église de France, il répond (28 septembre 1598) : À la vérité, je reconnais que ce que vous m’avez dit est véritable.
.) — Et dans son langage tout naturel, Homère, introduisant Ulysse déguisé sous le toit d’Eumée, lui fait dire : « J’aimais de tout temps les vaisseaux garnis de rames ; j’aimais les combats, les javelots acérés et les flèches, tout ce qui paraît triste et terrible à beaucoup d’autres.
Et quant à l’objection qu’on ne peut chanter dignement et prendre tout son essor quand on est occupé des soins vulgaires et des besoins de la vie, il n’a qu’une réponse à faire au triste Acanthe, il n’a, dit-il, à lui donner qu’un avis pour que les bienfaits du maître l’aillent chercher ; Le voici, cher Acanthe, en un seul mot : Excelle.
Nous ne pourrions qu’être fastidieux en insistant longuement sur les détails de cette triste affaire, si brillamment commencée et si mal finie, et en essayant de chercher le fil de ce labyrinthe dans lequel se voyait plongé sans ressource le duc de Rohan.
Nous perdons, par notre faute, une partie, et la plus grande, des bienfaits du Créateur, il nous environne de ses dons, et nous refusons d’en jouir, par je ne sais quelle triste obstination à nous tourmenter nous-mêmes.
Lacordaire fut mort depuis près d’une semaine, et que la première émotion de cette triste nouvelle fût passée, l’Académie, assemblée un jeudi, — le premier jeudi depuis qu’on avait reçu la lettre de faire part, — leva incontinent sa séance, après cette lettre entendue.
Dans une lettre à sa mère, du 16 janvier 1812, il disait avec une naïveté parfaite et en livrant le fond de son cœur : « Genève est devenue chaque année plus triste et plus déserte pour Mme de Staël ; elle en a de l’humeur ; elle juge avec une extrême sévérité, et elle ne met presque rien de son cru pour réparer tout cela : il m’arrive très souvent de m’ennuyer chez elle, et cela arrivait aussi l’année passée, et cependant elle parle de l’ennui des autres d’une manière qui me met souvent en hostilité avec elle.
Il l’applique d’abord au plus triste des sujets, à la Grâce.
Non ; si inférieurs aux Retz et aux La Rochefoucauld pour l’ampleur et la qualité de la langue et pour le talent de graver ou de peindre, ils connaissaient la nature humaine et sociale aussi bien qu’eux, et infiniment mieux que la plupart des contemporains de Bossuet, ces moralistes ordinaires du xviiie siècle, ce Duclos au coup d’œil droit, au parler brusque, qui disait en 1750 : « Je ne sais si j’ai trop bonne opinion de mon siècle, mais il me semble qu’il y a une certaine fermentation de raison universelle qui tend à se développer, qu’on laissera peut-être se dissiper, et dont on pourrait assurer, diriger et hâter les progrès par une éducation bien entendue » ; le même qui portait sur les Français, en particulier ce jugement, vérifié tant de fois : « C’est le seul peuple dont les mœurs peuvent se dépraver sans que le fond du cœur se corrompe, ni que le courage s’altère… » Ils savaient mieux encore que la société des salons, ils connaissaient la matière humaine en gens avisés et déniaisés, et ce Grimm, le moins germain des Allemands, si net, si pratique, si bon esprit, si peu dupe, soit dans le jugement des écrits, soit dans le commerce des hommes ; — et ce Galiani, Napolitain de Paris, si vif, si pénétrant, si pétulant d’audace, et qui parfois saisissait au vol les grandes et lointaines vérités ; — et cette Du Deffand, l’aveugle clairvoyante, cette femme du meilleur esprit et du plus triste cœur, si desséchée, si ennuyée et qui était allée au fond de tout ; — et ce Chamfort qui poussait à la roue après 89 et qui ne s’arrêta que devant 93, esprit amer, organisation aigrie, ulcérée, mais qui a des pensées prises dans le vif et des maximes à l’eau-forte ; — et ce Sénac de Meilhan, aujourd’hui remis en pleine lumière40, simple observateur d’abord des mœurs de son temps, trempant dans les vices et les corruptions mêmes qu’il décrit, mais bientôt averti par les résultats, raffermi par le malheur et par l’exil, s’élevant ou plutôt creusant sous toutes ; les surfaces, et fixant son expérience concentrée, à fines doses, dans des pages ou des formules d’une vérité poignante ou piquante.
mais, peu à peu, le retour de ces mélodies monotones vous pénètre et vous imprègne en quelque sorte, et pour peu que des souvenirs personnels un peu tristes s’y ajoutent, vous vous sentirez pleurer sans songer seulement à juger, à apprécier ou à apprendre les airs que vous entendez.
Il s’écriait d’un accent déchirant : « Si je pouvais trouver à vivre loin d’une Cour, dans un pays de liberté, je m’y traînerais à quatre pattes, mes enfants sur le dos. » A d’autres jours, à des moments moins irrités et moins amers, mais non moins tristes, il disait en paroles d’un découragement profond : « Combien je donnerais des années qui me sont encore destinées pour en passer une ou deux avec vous, au moins à portée de vous voir quelquefois !
Ces Ardennes, en effet, puissantes et vastes, ce grand lambeau subsistant des antiques forêts primitives, ces collines et ces vallées boisées qui recommencent sans cesse et où l’on ne redescend que pour remonter ensuite comme perdu dans l’uniformité de leurs plis, ces grands aspects mornes, tristes, pleins d’une vigueur majestueuse, ont-ils contribué en effet à remplir, à meubler de bonne heure l’imagination du jeune et grave enfant ?
La raison qu’il en donne est que « Bourges est bien l’endroit le plus triste, le plus monotone et le plus ennuyeux du royaume », et que le roi, ne devant être suivi que des gens graves de sa Cour, se trouvera là en parfaite harmonie avec les lieux : dans ce séjour d’ennui choisi tout exprès, il pourra se livrer sans distraction et sans partage à l’œuvre immense de réparation qui pèse sur ses bras : « Milton, ajoute-t-il, si médiocre dans les écrits qu’il a faits pendant qu’il jouissait de la vue, devint sublime et fit son Paradis perdu, dès que, devenu aveugle, il ne fut plus distrait de ses inspirations et de ses méditations.
Au-dehors elle affectait un front calme : « On peut être triste, disait-elle, mais jamais abattu ; notre cruel ennemi en jouirait trop. » Dans l’intimité, elle gémissait et versait des larmes.
Sans doute il y aura des différences, des dissidences qui subsisteront ; mais, en avançant, et par un triste bienfait des années, tant de portions âpres sont dépouillées déjà : ne serait-il pas temps de se rabattre vers les vues semblables, d’insister sur les endroits de la trame qui se fortifient en se croisant ?
qu’est-ce là autre chose que l’inspiration constante et même les images familières de l’orpheline Colomba, plus calme d’ailleurs dans sa triste sérénité ?
Je doute qu’il y ait du philtre amoureux pour La Fontaine, il n’a guère aimé de femmes qui en eussent pu faire la dépense. » La tête de La Fontaine ne baissait pas comme le croyait Ninon ; mais ce qu’elle dit du philtre amoureux et des sales amours n’est que trop vrai : il touchait souvent de l’abbé de Chaulieu des gratifications dont il faisait un singulier et triste usage.
Il y a longtemps déjà que je portais le sujet dans ma tête ; il y a longtemps que je voulais décrire un cas de lèpre, avec tous les phénomènes qui accompagnent cette triste maladie dont on ne voit plus, en Europe du moins, que de rares échantillons.
Ovide, dans ses Tristes, défend aux femmes de lire les Annales en vers d’Ennius, parce que, dit-il (nihil est hirsutius illis), rien n’est plus grossier que ces Annales ; et le plus grand nombre des commentateurs latins considèrent Ennius comme un mauvais écrivain.
Rousseau fait place à la nature pour elle-même : là il montre en face de l’homme, autour de l’homme, douce ou triste à ses sens ; il en fait le cadre et l’accompagnement des souffrances et des joies humaines, qui y ressortiront plus puissantes.
Le mépris de Louis XV et de ses tristes enfants est plus profond chez de grandes dames comme Mines d’Egmont et de Boufflers qui écrivent à un roi, que chez la petite bourgeoise, Mlle Phlipon.
C’est ainsi que récemment le Suisse Amiel nous a été découvert après sa mort : type remarquable d’impuissance pratique et d’activité interne, esprit tout occupé à l’analyse de soi, perdant à s’étudier le temps et la faculté d’agir, subtil, pénétrant, triste de clairvoyance aiguë, et, il faut bien le dire, quelquefois insupportable par sa manie de tout compliquer pour décomposer tout933.
Est-ce bien un naturaliste qui a écrit ceci : « Ces tristes oiseaux d’eau dont on ne sait que dire, et dont la multitude est accablante ?
D’un autre côté, niez l’immortalité d’une façon absolue, et aussitôt le monde devient pâle et triste.
Elle a été le refuge des druides et la forteresse inexpugnable des Celtes ; fidèle à elle-même, elle se cramponne aujourd’hui d’une étreinte désespérée au catholicisme qui décline et à la monarchie qui s’en va ; et en même temps vaincue dans sa lutte contre les vagues, perdant chaque mois, presque chaque jour, quelques-uns des siens au milieu des écueils, elle a peur encore des sorciers et des korrigans ; elle est convaincue que tous les ans, à la Toussaint, les noyés remontent à la surface des eaux et pour rien au monde elle ne mettrait une barque à flot ce jour-là ; elle abonde en légendes tristes ; elle est pleine de fantômes vagabonds ; et par cela même elle a gardé une physionomie archaïque, qui, non seulement se reflète dans les œuvres de ses enfants, mais l’a rendue chère aux écrivains et aux artistes de notre siècle.
La succession des âges, en effet, et l’expérience souvent triste qu’elle amène, loin d’aigrir et d’entamer chez M.
En lisant ces pages de M. de Lamartine et en trouvant à chaque instant des expressions heureuses, larges, élevées et même fines (car il y a du fin et du spirituel proprement dit chez lui bien plus qu’on ne le croirait, il y a même de la malice en quelques endroits), on éprouve un vif regret : c’est que la rhétorique, l’habitude et le besoin d’étendre, de forcer et de délayer, le conduisent à compromettre ces pensées et ces touches excellentes : « Depuis deux ans, dit-il de Napoléon, son retour à Paris, autrefois triomphal, était soudain, nocturne, triste.
Son habitude, pourtant, était plutôt triste et pensive.
possédez la chose aimée. » C’était pour échapper au moins en idée à ce prompt désenchantement, à ce triste et rapide réveil, qu’elle prodiguait ainsi les expressions figurées, mythologiques, impossibles : elle cherchait à se faire un voile ; le cœur n’y était pour rien.
… Il ne s’arrête que devant le premier président Nicolaï, son dernier et imprévu adversaire, après l’avoir désigné et au moment où il va le nommer à la suite de ces tristes acolytes de Goëzman ; cette réticence envers un nom respecté, qui s’est mis si bas, devient un nouveau trait d’éloquence.
Auger, son ami, qui s’était donné la mort dans un accès d’égarement funeste, et il terminait son discours par ce mot heureux : « Ô triste infirmité de notre nature !
Mérimée, fidèle en cela à l’esprit classique, ne mêle point les genres : Accablé par ces tristes nouvelles, Boris faisait des efforts surhumains pour cacher son désespoir.
et a répondu à Mlle*** en le raccrochant au mur déjà en deuil et tout triste : « Chère camarade, « Je suis une folle, et presque une impie d’avoir cru mon petit tableau digne de votre hôtel.
Ils sont affectueux, tristes, mélancoliques, consolants.
Ce faux classique commence avec Jean-Baptiste Rousseau, et même, il faut le dire, avec les tragédies et la Henriade de Voltaire ; il produit au xviiie siècle les tristes tragédies de la Harpe et de Marmontel, trouve plus tard un éclat, non tout à fait immérité, dans les poésies de l’ingénieux Delille, se lance dans les témérités avec Ducis, atteint l’apogée du médiocre et de l’ennuyeux avec la littérature impériale, jette ses dernières flammes et rend le dernier soupir avec l’aimable, le spirituel, l’élégant Casimir Delavigne.
Des hommes il se console par en médire et il est de ceux, signe d’âme triste et un peu mauvaise, pour qui la médisance est une consolation.
Il faut se tenir en garde contre eux, si l’on ne veut pas se préparer une vieillesse triste, puisque les, livres sont nos derniers amis, et qui ne nous trompent pas, et qui ne nous reprochent pas de vieillir.
Sainte-Beuve préparait longuement sa leçon, il l’élaborait, la mâchait, la remâchait, la mastiquait et la répétait à des chaises rangées en rond, autour de lui, dans son triste salon chocolat ; tandis que Chasles jouait avec la sienne comme un chat avec un oiseau, et la débitait pétillante, avec des grâces félines et une voix qui n’était, par exemple, ni celle d’un chat ni celle d’un tigre, mais bien la voix la plus spirituelle, la plus mélodieuse et la plus caressante qu’on pût entendre.
Je ne sais rien de plus triste que cela dans la littérature contemporaine.
De cet organe gonflé de sang, de cet abîme bouillonnant de vibrations et de passions, d’une liberté, d’une impulsivité, d’une richesse tout instinctive, de cette source d’action, de virilité, de cette région où la nature fait entendre ses voix chargées d’orages ou d’espoirs, de ce tumultueux abîme des plus violentes énergies et des plus authentiques clameurs humaines, l’Église catholique est parvenue à faire un triste néant mystique, un lamentable mélange de bassesse et d’absurdité, un odieux et puéril symbole autour duquel viennent s’agenouiller tous les stériles, tous les faibles, tous les déserteurs de la vie.
C’était une chose triste et touchante que de voir ce puissant esprit, déchu de hautes fonctions qu’il honorait, se rabaisser à l’enseignement de la grammaire, et relire Burnouf pour sa répétition du matin.
On eût dit que ses livres rares étaient douloureusement faits, et peut-être en mourant regardait-il d’un œil triste les faciles succès de ceux qui suivent tout bonnement le grand chemin des banalités de la plume. […] Il est triste à dire qu’aujourd’hui on peut faire paraître deux ou trois volumes de vers pleins de mérite et rester parfaitement inconnu. […] Elle appartient à cette école des grands désespérés, Châteaubriand, lord Byron, Shelley, Leopardi, à ces génies éternellement tristes et souffrant du mal de vivre, qui ont pris pour inspiratrice la mélancolie. […] L’âme triste du poëte cherche les mots sombres, mystérieux et profonds, et elle semble écouter dans l’attitude du Pensiero de Michel-Ange « ce que dit la bouche d’ombre ». […] Il n’y a plus moyen d’être triste.
La législature écoulée, il se retira, plus triste que jamais, tout à la mélancolie d’une épreuve qui avait tourné contre son vœu. […] Je me le rappelle entouré d’hommages, fort triste et soucieux. […] Durant les deux dernières années de sa vie, Édouard Rod parut, de jour en jour, plus triste. […] Il n’y a guère de livres plus absolument tristes ; les autres, de ce genre, mêlent à leurs descriptions un peu de romantisme, ou du pittoresque, ou bien ils affectent d’être encore plus lugubres que de raison : mais ici, ce n’est que la vie qu’on nous présente, et sans nul ornement, la vie toute seule et laide, vilaine, sale. […] Le présent, lui, ne nous permet pas de choisir : il nous inflige toute sa réalité, où il y a de tristes et déplaisantes choses.
Plus tard nous verrons un auteur chrétien, tout en commençant par admettre la réalité de ces tristes stigmates, chercher autre chose dans la nature humaine et l’y faire resplendir. […] Celui qui adhérerait à tout ce qu’a dit l’auteur sur la nature humaine, comment ne serait-il pas triste ? […] Il y fait entendre des vérités tristes, mais importantes : « Nous ne pouvons nier, dit l’Hôpital, que la religion, bonne ou mauvaise, ne donne telle passion aux hommes que plus grande ne peut estre. […] Sa morale est triste, amère même : elle n’a pas le sérieux chrétien qui marque celle de Pascal. […] Hors de l’action d’un principe surnaturel d’amour et de dévouement, on dirait même qu’une loi générale pousse le cœur sur cette triste pente ; à force d’avoir été blessé, il se cicatrise ; à certaines places, un calus s’y forme, et le souvenir de ce qu’on a souffert peut finir par rendre insensible aux souffrances d’autrui.
Tout à coup Goethe se leva comme pour éviter le commencement d’une impression triste, et comme je m’approchais pour le saluer, il m’embrassa et me donna un livre en souvenir de lui. […] Voilà le côté triste de l’affaire, et il faut nous pardonner, si nous le voyons et nous en affligeons un peu. […] « C’est une triste manière d’y arriver, et d’autres inquiétudes ne me permettront pas, je le crains, d’y rester longtemps ; mais dans l’état de brisement où je suis par suite de ce que je viens de souffrir et de tout ce que j’ai souffert depuis un an, ce me sera un vrai soulagement de serrer la main de quelques vrais amis comme vous et les vôtres.
Parce que mon âme tourmentée se cache et qu’elle accepte, me crois-tu moins triste que toi ? […] Mais elle ajoute : Si tu peux en douter, juges-en par la crainte Dont, en ce triste jour, tu me vois l’âme atteinte. […] Elle aime Polyeucte d’amitié, d’estime et d’amour, très vivement et ardemment ; elle aime Sévère de pitié mélancolique et de regret triste. […] Tristes succès, succès de scandale, qui ne prouvent qu’un peu d’effronterie bien facile, et une soif honteuse de popularité malsaine. […] Mais à mon triste sort, vous le savez, Seigneur, Une mère, un amant attachaient leur bonheur.
179» Triste métier, rabaissé en tout temps par les contrastes et les mensonges qu’il comporte, encore plus rabaissé à ce moment par les brutalités de la foule qui souvent lançait des pierres aux acteurs, et par les duretés des magistrats qui parfois leur faisaient couper les oreilles. […] Leur vie aussi est un roman, mais triste. […] Il est triste parce qu’il est tendre ; il sent trop vivement le contact des choses, et ce qui laisse indifférents les autres le fait pleurer306. […] Quoi de plus triste et de plus doux que cette ironie de Shakspeare ?
L’opposition qui existe en Italie et en France entre la population et la vie des villes et la population et la vie des campagnes, opposition malheureuse et qui a eu tant de tristes résultats historiques, n’existe pas en Angleterre. […] C’est un triste usage à faire de mes œuvres que de les employer à amuser des oisifs et à distraire des ennuyés. […] Au début du drame, avant qu’il ait encore rencontré Juliette, nous le voyons triste, rêveur, morose, cherchant la solitude, évitant ses amis ou s’enfermant dans sa chambre, dont il tire soigneusement les rideaux. […] Ce sourire paternel, ce sourire doux et triste que Sterne rencontra à sa naissance, fut la lumière qui éclaira sa vie et son talent, et dont il ressentit toujours l’influence. […] Le lieutenant Roger Sterne eut une fin triste et singulière, tout à fait shandyenne et qui ressemble à un des caprices de l’imagination de son fils.
Le génie de Milton semblait dès lors ami des idées tristes et élevées ; et le Comus, espèce de comédie-féerie qu’il fit à cette époque, à l’imitation des Italiens, présente plus de bizarrerie que de gaieté. […] L’œuvre que je médite ne sera point obtenue par une invocation à Mnémosyne et à ses filles séduisantes, mais par une ardente prière à cet esprit éternel qui peut nous enrichir de toute science et de toute éloquence, et qui envoie son séraphin avec un rayon sacré du feu de ses autels pour toucher et purifier les lèvres de celui qu’il a choisi. » Enfin, jetant un triste regard sur les querelles où il s’engage, il regrette de quitter sa douce et agréable solitude nourrie d’heureuses pensées, pour s’embarquer sur une mer turbulente, emporté loin de la brillante image de la vérité qu’il aimait à contempler dans l’atmosphère paisible et pure de ses études chéries. […] Les fureurs du fanatisme, l’enthousiasme de la révolte, les tristes joies des partis vainqueurs, les haines profondes de la guerre civile, avaient de toutes parts assailli et exercé son génie. […] Les hommes voluptueux et légers qui peuplaient la cour de Charles, les beautés célèbres, amusées par les vers galants ou satiriques des Rochester et des Waller, et par les comédies licencieuses de Wicherley, ne pouvaient éprouver que du dédain et de l’ennui pour un sujet si grave et un poème si triste. […] Peut-être dans ses mains la lyre hébraïque, appesantie par les cieux monotones du Nord, rend-elle des sons plus tristes et plus sourds.
Le prince de Ligne a dit de lui : « Vauvenargues est trop triste pour un homme de guerre ; il voyait trop noir. » Il y supposait de la prétention de la part de Vauvenargues, mais ce n’était que de la mélancolie sur un fond sérieux et de la mauvaise santé.
On dirait que les objets sont nés dans le monde le jour ou il les a vus… J’ai déjà remarqué ailleurs93 qu’à l’autre extrémité de la chaîne historique on a tout le contraire de cette impression, quand on lit nos graves professeurs d’histoire d’aujourd’hui, nos auteurs de considérations politiques d’après Montesquieu, mais plus tristes que lui, tous ceux qui cherchent et prétendent donner la raison de tous les faits, l’explication profonde de tout ce qui se passe, qui n’admettent sur cette scène mobile ni l’imprévu, ni le jeu des petites causes souvent aussi efficaces que les grandes ; esprits de mérite, mais ternes et laborieux, ployant sous le faix de la maturité autant que Joinville errait et voltigeait par trop de candeur et d’enfance94.
Je n’étais embarrassé que sur le choix… (Et après l’exposé de son idée d’imaginer une histoire sur les estampes :) Je ne sais, mon cher public, si vous approuvez mon dessein ; cependant il m’a paru assez ridicule pour mériter votre suffrage ; car, à vous parler en ami, vous ne réunissez tous les âges que pour en avoir tous les travers : vous êtes enfant pour courir après la bagatelle ; jeune, les passions vous gouvernent ; dans un âge plus mûr, vous vous croyez plus sage parce que votre folie devient triste ; et vous n’êtes vieux que pour radoter… Duclos n’avait pas tout à fait l’ironie de Platon : la sienne est rude et presque brutale.
C’est ainsi qu’à certains endroits, chez Bourdaloue, le réseau de la dialectique se détend, s’interrompt tout à coup, et laisse apercevoir le cœur de celui qui parle ; c’est ainsi que son ciel un peu triste et surbaissé s’entrouvre, et laisse passer le rayon.
Aucune morale, aucun principe d’honneur : il est seulement déterminé à ne pas simuler de l’amour quand il n’en a pas ; de même qu’à la fin, quand cet amour lui est venu pour Clélia, la fille du triste général Fabio Conti, il y sacrifiera tout, même la délicatesse et la reconnaissance envers sa tante.
Pour moi, par une longue et triste expérience, De cette illusion j’ai reconnu l’abus ; Je sais, sans me flatter d’une vaine apparence, Que c’est à mes défauts que je dois mes vertus.
Par des soupirs il encense, sa beauté suprême, et, dans son désespoir, verse une triste libation de larmes ; il adore une créature, et, dévot en vain, reçoit en échange de son amour une réponse dédaigneuse.
Une après-midi que lady Austen le voyait plus triste qu’à l’ordinaire et prêt à retomber dans ses humeurs sombres, elle imagina, pour le stimuler, de lui raconter une histoire de nourrice qu’elle savait d’enfance, très drôle et très gaie, L’Histoire divertissante de John Gilpin, où l’on voit comme quoi il alla plus loin qu’il n’eût voulu et s’en revint sain et sauf.
C’est en faisant ces rapprochements qu’on acquiert la triste conviction que des esprits même élevés sont souvent esclaves des préjugés et de la routine.
Il a écrit quelque part dans un de ses derniers articles, ces paroles qui, bien qu’ayant un sens plus général là où il les dit, expriment évidemment l’impression qu’ont dû lui laisser les années pénibles de l’apprentissage : Aujourd’hui la lutte est partout, et aussi le sérieux triste.
Il faut l’entendre au retour mêler dans un confus épanchement ses joies, ses tristesses et mortifications, ses espérances : J’écris ceci à mon retour, remerciant Dieu de ce qu’il a permis que je revinsse de là sain et sauf (il craignait apparemment quelque guet-apens), et de ce qu’il m’a accordé de trouver grâce auprès du roi, lequel m’a dit de compter sur sa bienveillance ; mais triste néanmoins et gémissant au dedans que la chose ait si mal tourné pour un ami et un homme de piété.
Un voile gris et un peu triste s’est étendu sur mon âme, comme ont fait les nuages paisibles sur la nature.
Il avait naturellement la joie de l’esprit et celle de l’humeur ; il fallait qu’il eût bien fort la gravelle pour être triste, tout comme Horace qui est heureux partout, à moins que la pituite ne s’en mêle : Nisi cum pituita molesta est.
Au second siècle de notre ère, l’humanité était dans un triste état mental ; pour vous en faire idée, vous n’avez qu’à lire Philostrate ou Apulée.
Dites-lui bien que ma grande sagesse est un profond mépris pour ce qu’on appelle la sagesse humaine ; que je n’en fais aucun cas ; que je ne l’ai jamais estimée, et que je me suis aperçu que, les trois quarts du temps, ce n’est qu’une vanité triste et tourmentante.
Le genre du Sermon, pris en dehors de son action présente, immédiate, et à l’état de branche littéraire, est, quoi qu’on fasse, un genre triste et presque nécessairement ennuyeux.
-B. explique cette bienveillance de Mesdames et de Messieurs de Port-Royal par l’influence de la marquise et par sa générosité, ce qui donnerait une triste idée de ces saints solitaires… » Toute cette critique est aussi inexacte que mal raisonnée.
Le roi fut mécontent de ces airs d’incertitude, et de tous ces revirements ; il le lui fit savoir, et le ministre de la guerre lui écrivait de Fontainebleau, à la date du 23 juillet : « Toutes vos lettres sont pleines de réflexions sur le hasard d’une bataille ; mais peut-être n’en faites-vous pas assez sur les tristes conséquences de n’en point donner et de laisser pénétrer les ennemis jusque dans le royaume, en prenant toutes les places qu’ils veulent attaquer.
Ce sentiment se prononce surtout lorsque Sigognac, honteux d’être à charge à ses tristes compagnons sans leur rendre aucun service, et les voyant en peine et tout désemparés depuis la perte du pauvre Matamore, s’offre à le remplacer lui-même, à mettre de côté sa véritable épée, et, sous le nom grotesque de Capitaine Fracasse, qui sera désormais le sien, à faire son rôle sur les tréteaux, en attendant fortune meilleure : un regard d’Isabelle l’en récompense.
Le vertueux, le sage, le philanthrope Catinat se voit chargé d’exterminer ce peuple paisible et fidèle, au cœur de ses vallées : homme de devoir et, après tout, déconsigné, il fera son métier en conscience ; il fouille le pays en tous sens, il relance dans les lieux inaccessibles ces gens « plus difficiles à trouver qu’à vaincre. » Après moins de trois semaines de campagne, il se donne la triste satisfaction d’écrire à Louvois (9 mai 1686) : « Ce pays est parfaitement désolé ; il n’y a plus du tout ni peuples ni bestiaux.
Je l’embrassai, il m’offrit ses services, puis il piqua son âne et continua son voyage, chevauchant d’un air fier et me laissant fort triste et peu disposé à profiter de l’occasion qu’il m’avait donnée d’écrire des plaisanteries. — Adieu, mes joyeux amis ; je me meurs, et je désire vous voir bientôt tous contents dans l’autre vie. »11 C’est ainsi que pour ce charmant esprit tout servait de texte à gaieté et à raillerie sans amertume.
Son caractère sombre, triste ou grossièrement gai, la teinte de fanatique et de visionnaire dont il s’est revêtu et qui recouvre le noyau solide, qui dissimule à des yeux superficiels le bon sens le plus sain et le mieux équilibré, tout le sépare des figures héroïques qui sont de nature à séduire le génie français : il n’en est que plus foncièrement d’accord avec le génie de sa race ; il en est comme l’incarnation énergique.
franchement, si ami que je sois de la réalité, je regrette que Mme Roland n’ait pas obéi jusqu’à la fin au sentiment de répulsion instinctive qui lui avait fait ensevelir en elle ce triste détail, et qu’elle ait cru devoir consigner si au long un incident plus que désagréable ; pour l’excuser, pour m’expliquer cette franchise que personne au monde ne lui demandait à ce degré, j’ai besoin de me représenter l’autorité suprême et l’ascendant prestigieux que l’exemple de Rousseau avait pris sur elle et sur les personnes de sa génération.
On sait l’histoire : Mme de Mailly ne régnait plus alors, elle faisait déjà pénitence ; c’était sa sœur, Mme de Châteauroux, beauté altière, imposante et tendre, de celles qui sont faites pour un rôle historique, pour agir et dominer, c’était cette vaillante qui régnait véritablement sur Louis XV et qui tenait le gouvernail de ce triste cœur.
Dans une lettre que le général Jomini me fait l’honneur de m’écrire à l’occasion même de ces articles, l’illustre historien est plus explicite sur le compte du maréchal de Noailles, qu’il appelle un triste général : « Quant à M. de Noailles, dit-il, la malheureuse échauffourée de Dettingen n’a jamais été bien expliquée.
Après des personnes du grand monde, telles que la duchesse de Bouillon, — une passion orageuse et triste, traversée d’affreux soupçons, — il se jeta dans les plaisirs dits faciles et n’en sortit plus : ces plaisirs l’enchaînèrent.
Elle était sérieuse, même triste, surtout pendant les séjours qu’elle faisait à la campagne, et la rêverie tint une grande place dans sa vie.
Il laisse transpirer, plutôt qu’il ne le témoigne, son mépris intérieur contre un peuple assez vil pour regretter son tyran : « La vile multitude, dit-il, celle qui assiège le cirque et les théâtres gratuits, et la lie des esclaves, et tous ceux qui, ayant dévoré leur patrimoine, vivaient des honteuses munificences de Néron, se montraient tristes et avides de nouvelles.
CCLII Je n’étais déjà plus triste, parce que je savais ce que l’ange m’avait dit la nuit, et je le suivis, avec l’autorisation du bargello, jusqu’à la loge sous l’escalier de son couvent voisin.
Dans son triste Père de famille, il note non seulement le décor et le costume, mais la position de chaque acteur en scène, ses changements de place, ses attitudes, ses jeux de physionomie.
C’est par là qu’il rend poétiques les idées philosophiques les plus tristes et les plus abstruses.
Ce volume, comme ses nombreux frères, révèle en Maurice Montégut un bourgeois grincheux à philosophie de vétérinaire triste : positivisme étroit et pessimisme sans horizon.
Vous constatez, ange triste, que « les mêmes instincts se trouvent dans le cœur de l’opprimé et dans celui de l’oppresseur ».
Ils désapprouvaient dans le style l’austérité qui annonce des mœurs difficiles, âpres, tristes ou sévères.
Son style, à lui, est triste et ne rit jamais.
C’est Jeanne, c’est Consuelo ; au fond, tout au fond, c’est toujours cette nature de Lélia, fière et triste, qui se métamorphose, qui prend plaisir à se déguiser et à se faire agréer, sous ces déguisements, de ceux mêmes qui ont cru la maudire en face.
La gaieté, chez M. de Chateaubriand, n’a rien de naturel et de doux ; c’est une sorte d’humeur ou de fantaisie qui se joue sur un fond triste, et le rire crie souvent.
Je souffre cruellement, et je voudrais arriver vite au bout de ma carrière. » À chaque ligne de cette correspondance naïve, je vois l’ennui, le mépris du présent, la haine des générations vivantes, de « ces myrmidons d’aujourd’hui qui se fagotent en grands hommes », le culte surtout, l’idolâtrie de la jeunesse, de celle qu’il n’a plus : « Je suis toujours triste, parce que je suis vieux… Restez jeune, il n’y a que cela de bon. » L’Élégiaque grec ne dit pas autrement, mais il est Grec et païen.
Quand il rencontre les horreurs et les dévastations qui signalèrent ces tristes périodes de l’histoire, il témoigne des sentiments d’humanité et d’ordre, des sentiments de bonne administration qui n’ont rien d’affecté et qu’il justifiera.
Tous les témoins du même temps s’accordent sur cette beauté, cette taille aisée, cet esprit, et sur ce coin de l’enjouement : « Tous ceux qui la connaissent, dit Le Grand Dictionnaire des précieuses, sont assez persuadés que c’est une des plus enjouées personnes d’Athènes. » Et elle-même, vers la fin de sa vie, se représente comme « gaie par nature et triste par état ».
Dans sa Lettre à Voltaire, La Harpe se plaignait d’avoir des ennemis : « Il est également triste et inconcevable, disait-il, d’être haï par une foule de personnes qu’on n’a jamais vues. » À quoi Voltaire répliquait : « Il y a eu de tout temps des Frérons dans la littérature ; mais on dit qu’il faut qu’il y ait des chenilles, pour que les rossignols les mangent afin de mieux chanter. » La recette était singulière.
la nature est vide et le soleil consume : Rien n’est vivant ici, rien n’est triste ou joyeux.
Carrel commence en rappelant les vers de Virgile sur le groupe sinistre des suicides : tout ce début de l’article est triste et morne, méditatif, un peu austère, et d’une morale qui, en restant purement philosophique, n’incline pourtant pas trop à l’indulgence.
Courier est là loin du centre, obéissant à des ordres souvent contradictoires, sans chances d’avancement, en danger d’être pris et pendu, n’échappant qu’à force de présence d’esprit et parce qu’il parle bien l’italien, perdant ses chevaux, son domestique, sa valise et ses nippes, toutes choses dont il croit devoir nous détailler le compte (triste état de services !)
Quand le frère de Jordan vint, le lendemain matin, lui annoncer la triste nouvelle, la première chose qui frappa ses yeux, en entrant dans le cabinet du roi, fut le portrait de celui qu’ils avaient perdu.
On lui dira, oui, cela est beau, mais cela est triste ; un homme qui tient la main sur un brasier ardent, des chairs qui se consument, du sang qui degoute : ah fi, cela fait horreur ; qui voulez-vous qui regarde cela.
Or, avec la robe, la femme s’en va toujours ; et ce qui reste pour nous, qui ne sommes pas statuaire, est quelque chose d’indéfinissable et de triste.
Cela est triste à dire, mais cela est, et la Critique qui pèse la gloire, parce que c’est une manière de plus de peser l’œuvre dont elle est le prix, ne peut le passer sous silence.
Forgues est sévère et même un peu triste.
Ce n’est pas Calvin qui eût écrit cette phrase : « Il n’y a pas d’homme qu’on ne puisse gagner avec des opinions mesurées. » Et encore : « Les vertus poussées à l’excès deviennent des défauts. » Et encore — (si Calvin avait eu le triste avantage de vivre après la Révolution française) : « De quoi pourriez-vous vous plaindre ?
Chose mesquine et triste !
Tristes balivernes, selon lui, que le drame-thèse, le roman-clinique et le roman-enquête. […] Sully Prudhomme y a magnifiquement échoué dans son poème du Bonheur, si profondément triste. […] Elle est plus triste de toute sa gaieté passée. […] fais attention. » … Jan est pour la pauvre Mette un bien triste fiancé. […] Et le plus triste, c’est que ça ne nous ennuiera pas.
Les autres (les scolastiques) allaient gauchement, avec des entraves aux jambes, tristes quadrupèdes qui marchaient pourtant quelque peu. […] Lafargue plaint les pauvres malades enfermés dans leur chambre triste, loin du soleil : Le couchant a percé la brume des platanes Éclairant l’ombre au coin des meubles et des cuivres. […] Montals est triste. […] Alors ils souriront en fumant dans leur pipe, Et s’ils souffrent encore, car les hommes sont tristes, Ils guériront beaucoup en écoutant les cris des éperviers pointus sur quelque métairie19. […] Puis il y a des collectivistes roublards pour le pousser à « conquérir les pouvoirs publics », c’est-à-dire à leur confier le soin de l’affamer à leur tour… Toutes ces objurgations, tous ces prêches, tous ces grommellements s’unissent en un charivari tel qu’Aliboron lui-même ne s’entend plus braire, et que le peuple, infiniment triste, las d’écouter tant de sauveurs, se couche sur le sol et demande seulement qu’on le laisse dormir.
Quel triste benêt de mari qu’Adolphe Daliphare ! […] Ce « maréchal de la littérature » est un triste modèle. […] Les circonstances qui façonnent sa triste héroïne, si vous les prenez une à une, pouvaient agir, elles agissent quotidiennement, sur tout le monde aussi bien que sur elle. […] Rien de triste ou d’attendri n’amollissait son regard pâle. […] Cependant elle n’avait pas le caractère grondeur que l’on supposerait être une condition nécessaire de telles habitudes, et son naturel, très doux, très patient, la portait à rechercher les choses les plus sérieuses et les plus tristes de la vie pour en nourrir son esprit.
dit le triste équipage. […] Regnard, que sa gaieté ne quitta jamais, reprochait à Destouches d’être un peu grave & à la Chaussée d’être excessivement triste. […] Philosophe dans ses Drames, cette Philosophie n’a rien de triste : elle répond au caractere des ses personnages. […] Sa morale, dit-on, est souvent triste. […] Tristes apprêts, &c.
Je n’aurais pas pu faire une pareille demande, — ni mon frère l’accorder… — Ma triste fortune, je le vois, me soumet toujours à vos désobligeantes méprises. — Mais les conditions que je vous apporte sont telles — que vous n’aurez pas à rougir de les accepter. […] Les idées alors sont aussi petites que les haines sont fortes ; nulle doctrine générale n’ouvre au-dessus du tumulte de la bataille des perspectives poétiques : des textes, des traditions, une triste escorte de raisonnements rigides, voilà les armes ; les préjugés et les passions se valent dans les deux partis. […] Alors un chant triste l’apaise : Timothée pleure la mort de Darius trahi.
Je me rendis de là sur un rocher qui surplombe le Rhône, et me plongeai dans mes tristes pensées. […] Je retournai à l’auberge, et après un triste repas, ne sachant que devenir, je me jetai sur mon lit, où, contre mon habitude, je tombai dans un profond sommeil. […] Très économe, il trouve fort mauvais que de la peau destinée aux fameuses chausses vertes, le tailleur ait volé de quoi faire un sac à sa femme : nouvelle preuve de l’humaine corruption, triste à découvrir pour une âme candide ! […] Thomas visite alors le Midi, et nous voyons les tristes fruits, la triste revanche des atrocités décrites par Félix. […] Dégageons, en effet, les tristes pièces de La Chaussée de leur triple enveloppe de mauvais style, de sensibilité fausse et d’absurdité romanesque : qu’y trouvons-nous ?
Loin de vous cette triste philosophie qui vous prêche le matérialisme et l’athéisme comme des doctrines nouvelles destinées à régénérer le monde : elles tuent, il est vrai, mais elles ne régénèrent point. […] Le privilège triste et sublime de la réflexion, c’est l’erreur ; mais la réflexion est le remède au mal qu’elle produit. […] Image charmante de ce qui se passe dans l’âme, lorsqu’à la sereine et insouciante confiance du sentiment succède la réflexion avec son triste cortège. […] Tous les malheurs représentés à la scène sont bien languissants devant ceux dont nous pouvons tous les jours nous donner le triste spectacle. […] La seule douceur de ses tristes jours, sa seule consolation était sa femme : il la perd, et va mourir à trente-huit ans dans ce cloître des Chartreux que son pinceau a immortalisé.
Tantôt, ce sont des sensations mystérieuses dont on croirait entendre le vol au-dessus ou au-dedans de soi : Tandis que, la tête inclinée, Nous nous perdons en tristes vœux, Le souffle de la destinée Frissonne à travers nos cheveux44. […] Tout cela, d’ailleurs, avec le même parti pris presque avoué de dénigrement, tout cela semé de paradoxes horrifiants, et aboutissant à des effets d’un comique amer et triste. […] » Ce dernier vers, cette évocation d’une chose triste, est la plus forte note de mélancolie qu’on trouve chez le poète italien ; et, pour la lui arracher, il n’a fallu rien moins que le spectacle grandiose auquel tant de poètes ont mesuré leurs désespoirs. […] Le Maroc et Constantinople offrent pourtant un spectacle capable d’inspirer quelques tristes pensées au voyageur le plus indifférent : celui des races épuisées qui n’ont pas pu résister au contact de la civilisation, qui en ont les maladies sans en avoir les remèdes, et qui finissent peu à peu, qui s’éteignent dans une fatale consomption… M. de Amicis, si facilement attendri par de petites choses, et que nous avons vu tout effrayé devant des figures de cire, ne s’émeut point à un si grand spectacle. […] Je croyais à la constance de sa passion ; j’étais fier et enivré d’un amour si pur, si constant, si désintéressé, mais d’autre part quand je songeais à ma conduite envers elle, quand je me représentais les souffrances terribles que l’Inconnue avait subies à cause de moi, et dont j’avais toujours présentes les traces profondes qu’elle portait sur sa belle et triste figure, je me mettais en fureur contre moi-même, je m’accusais d’insensibilité, de cruauté, d’infamie. » Le jeune homme grave, épris d’économie politique, accoutumé à discuter les questions sociales avec J.
Ses dernières pièces ne réussissaient point. « Si vous attendiez plus que vous n’avez eu ce soir, disait-il dans un épilogue114, songez que l’auteur est malade et triste… Tout ce que sa langue débile et balbutiante implore, c’est que vous n’imputiez point la faute à sa cervelle, qui est encore intacte, quoique enveloppée de douleur et incapable de tenir longtemps encore115. » Ses ennemis l’injuriaient brutalement, raillaient « son Pégase poussif », son ventre enflé, sa tête malade116. […] Il était obligé de mendier un secours d’argent auprès du lord trésorier, puis auprès du comte de Newcastle ; sa triste « muse bloquée, claquemurée, étriquée, clouée à son lit, incapable de retrouver la santé ou même le souffle117 », haletait et peinait pour ramasser quelque idée ou obtenir quelque aumône.
M. de Talleyrand lui objecte en vain le danger de ces promesses : « La Pologne est de la chevalerie peut-être, lui dit-il, mais ce ne peut plus être une puissance ; c’est le plus triste, mais le plus réel des faits accomplis. […] En la considérant sous un aspect purement militaire, peut-être M. de Talleyrand, plus scrupuleux, aurait-il dû alors se récuser, comme Français, de toute intervention au congrès comme diplomate des Bourbons, et se retirer dans la triste neutralité du citoyen qui gémit sur l’erreur de son pays, mais qui n’arme pas contre sa patrie l’étranger.
« C’était au milieu de ces tristes pensées que le sommeil vint un moment s’emparer de moi. […] « C’est dans cette situation que je passais ma vie, couché sur une triste paillasse tout humide, sans pouvoir me remuer, à cause de ma jambe rompue, et obligé de ramper au milieu des ordures pour aller faire mes besoins au dehors, afin de ne pas augmenter l’air infect de ma chambre.
C’était une triste récompense qu’il donnait là à ce maître. […] c’est une triste fête que la Reine nous offre. » La voûte qui couvrait la salle préserva beaucoup les étrangers, et un grand nombre parvint à échapper à la mort.
Sous son regard, une joie étrangement savoureuse sans cesse germe et fleurit, fût-ce au rayon du singulier soleil d’un idéal morbide et sous la pluie des larmes… Soit belle et soit triste : les pleurs Ajoutent un charme au visage Comme le fleuve au paysage, L’orage rajeunit les fleurs. […] Toutefois, comme il est difficile que des hommes sortent paisiblement, en bon ordre, chacun à son tour d’une maison qui va s’écrouler, ils se sont enfuis des églises ruineuses avec la triste unanimité d’un sauve-qui-peut.
Nous croyons les deux nobles et tristes fiancés arrivés à un port. […] Ainsi que certaines alliances de couleur, pour avoir longtemps accompagné des objets voluptueux ou tristes, étaient enfin devenues aptes à évoquer, indépendamment de ces objets, la volupté ou la tristesse, ainsi certaines syllabes, employées à des mots suggérant l’émotion, étaient devenues les signes directs de cette émotion.
» Et il est à la fois triste et irrité, déclarant que l’injustice l’exaspère, et qu’il n’y a aucune raison pour le condamner, quand on ne poursuit ni un tel, ni un tel. […] Jeudi 18 décembre Chambre étrange : on eût dit qu’elle avait un secret D’une chose très triste et dont elle était lasse, D’avoir vu le mystère en fuite dans la glace.
Elle fouille dans les coffres de ses mansardes pour y trouver la veste noire, le chapeau de feutre, le morceau de crêpe qu’elle réserve aux tristes solennités de ses propres convois ; elle les étale sur le lit ; elle se promet de les revêtir en masse au lever du soleil, pour que la ville ait changé de couleur pendant cette triste nuit.
Le Traducteur qui rima l’Iliade, De douze chants prétendit l’abreger ; Mais par son stile aussi triste que fade, De douze en sus il a sçu l’allonger : Or le Lecteur qui se sent affliger, Le donne au Diable & dit perdant haleine : Hé finissez, Rimeur à la douzaine ! […] Le premier volume contient les Héroïdes ; le second, les trois Livres des Amours, & la consolation à l’Impératrice Livie ; le troisiéme, l’Art d’aimer, le remède d’amour, l’Art d’embellir le visage, l’Elégie du Noyer ; le quatriéme, cinquiéme & sixiéme, les quinze Livres des Métamorphoses, avec l’abrégé de cet ouvrage, en latin par Guillaume Canterus, & en françois par Martignac ; le septiéme, les six Livres des Fastes ; le huitiéme, les cinq Livres des Tristes ; le neuviéme, les Epîtres écrites du Pont & le Poëme contre Ibis.
L’histoire complète ne nous éclairerait pas, en effet, d’un rayon de plus, la triste action d’un pouvoir qui n’échappera pas éternellement à l’appellation cruelle que son historien lui a épargnée. […] Ainsi, contrairement à tout ce qu’on a dit de cet homme, bien plus conséquent qu’on ne l’a cru à l’idée de toute sa vie, Granier de Cassagnac n’a jamais été le polémiste de ces gouvernements, dont il fut le bras droit et la plume valant épée, que par l’unique et souveraine raison que ces tristes gouvernements étaient tout ce qui restait d’autorité et de monarchie pour la France et tout ce que la malheureuse pouvait, de présent, en souffrir !
Il a oublié enfin que ce qui fait en ce triste monde donner tout ce qu’il contient au génie, c’est toujours le regret et le désespoir. […] On se demande bien ce qu’il ferait de tous ces détails qui lui manquent, s’ils ne lui manquaient pas ; mais il n’en est pas moins triste à faire… crever de rire tous ceux qui ont le sentiment de la disproportion des choses avec le ton qu’on doit avoir, en parlant d’elles.
N’est-ce pas une triste aberration de son génie ? […] La grande France, dévote et mondaine, avait sa bête noire en la petite, chagrine, austère, qui, sans rien dire, contrastait par ses mœurs, importunait de son triste regard90. » Ce petit peuple héroïque des Réformés de France possédait en lui des trésors d’énergie pour l’avenir.
Dès ce temps-là, et à travers les compliments, toutes les critiques lui furent faites : « On me demande, dit-il dans un petit écrit en prose de 1741, comment il est possible qu’un homme fait pour vivre dans le grand monde puisse s’amuser à écrire, à devenir auteur enfin. » Et à ces critiques grands seigneurs et de qualité, il répondait « que, s’il n’est pas honteux de savoir penser, il ne l’est pas non plus de savoir écrire, et qu’en un mot ce sont moins les ouvrages qui déshonorent, que la triste habitude d’en faire de mauvais… ».
Je ne reviendrai pas sur ces tristes époques : il faudrait être un Tacite pour parler avec intérêt et puissance de ces horribles temps, et tant de gens qui ne sont pas des Tacite s’en sont constitués les historiens.
Bref, les envoyés, après maint voyage, s’en revenaient fort tristes et dans le dernier embarras, lorsque, s’arrêtant dans certain cabaret pour concerter leur réponse, ils aperçoivent un gros garçon de bon appétit qui chantait de tout son cœur auprès d’une Suzon de mine très joyeuse et d’apparence peu sévère.
Il ne m’est donc pas possible de me remettre si promptement à un ouvrage qui m’est devenu si triste : il faut attendre qu’il ait plu à Dieu de me donner la force de surmonter ma douleur et de m’accoutumer à une privation si cruelle.
Ainsi vinrent et passèrent bien des tristes lendemains jusqu’à ce qu’enfin, tout mon fonds de douleur d’enfant étant épuisé, j’appris à me soumettre à mon lot ; mais tout en te pleurant moins, je ne t’oubliai jamais.
Les premières lettres en date nous le montrent dans cette première saillie de jeunesse et de joie, avant ses tristes aventures, avant ce voyage d’Angleterre, qui le fit rentrer en lui-même et le mûrit.
L’année 1714 fut peut-être la pire de toutes et la plus triste par l’absence de toute action et de toute velléité énergique.
Déjà, dans le premier volume du journal, j’avais relevé de tristes paroles sur Fénelon, de ces paroles faites pour être ensevelies, et que Le Dieu avait pris plaisir à surprendre sur les lèvres de son maître et à noter.
Je me promenais seul, quelques moments avant le coucher du soleil ; le temps était très beau ; la fraîcheur des objets, le charme qu’offre leur ensemble dans cette brillante époque du printemps qui se fait si bien sentir à l’âme, mais qu’on affaiblit toujours en cherchant à la décrire ; tout ce qui frappait mes sens portait à mon cœur je ne sais quoi de doux et de triste ; les larmes étaient au bord de mes paupières.
La Beaumelle a un peu de ce génie (un triste génie) de fabrication et de simulation.
., in-4°, imprimé à la suite de la traduction des Tristes et des Politiques, 1678 (1679)
La plus triste époque de l’Académie au xviiie siècle fut celle des secrétaires perpétuels insignifiants, Dacier, Du Bos, Houtteville, Mirabaud.
Elle partit seule, alla plaider auprès du czar la cause deson vieux mari, traversa le Nord par la saison la plusrigoureuse, et dans un état de santé déplorable, sans un murmure, sans une plainte : une lettre d’elle, admirable de sentiment (tome I, page 377), témoigne de ses dispositions morales, de sa résignation au devoir, de sa soumission prête à se laisser conduire jusqu’aux dernières conséquences : elle eût tout quitté, Paris et son monde, s’il l’avait fallu et si le czar avait maintenu son arrêt, pour aller habiter dans quelque ville obscure de la Russie, à côté du triste et taciturne exilé.
» Mais la vue de la récréation aux jours de fête, avec la division tranchée des trois groupes, est d’une belle observation morale et d’un effet lugubre, qui termine bien cette suite de tableaux : « Ces jours-là, après les grâces dites à l’église, les chartreux se promenaient dans le grand jardin, en formant trois groupes séparés : les vieillards excluaient leurs confrères au-dessous de quarante ans, et ceux-ci les confrères au-dessous de trente ; les jeunes erraient pour la plupart seuls, craignant de se communiquer leurs tristes et douloureuses pensées ; la tète baissée, ils regardaient la terre et me semblaient lui demander de se hâter de s’ouvrir pour eux.
Ces deux vers sont un arrangement et un léger détournement de ceux d’Ovide dans Les Tristes (livre II, élégie IV, 25) : « Crede mihi ; bene qui latuit bene vixit, et infra / Fortunam debet quisque manere suam .
Les tristes présages se déclarent pourtant ; la journée du mariage ne se termine pas à Versailles sans un orage affreux qui fait fuir tout le monde des jardins et qui noie les illuminations du soir.
Hier je m’y rendis ; elle me vit une figure assez triste, et dès que nous fumes tête à tête, elle me demanda : « Avez-vous des nouvelles ?
. — Contre ces tristes pensées et la mauvaise saison, je ne connais de recours raisonnable que Jeurs34. — Ici il n’y a point de livres : ainsi l’on ne peut pas se réfugier dans le passé. — Mme de Dino soupçonne qu’elle est un peu mieux ; mais c’est si peu de chose que nous n’avons pas encore obtenu ce que promettait le médecin timide de Néris.
Quiconque, à une heure triste, recueille, en passant sur la grève, ces accents éperdus, ces notes errantes et plaintives, se surprend bien des fois, longtemps après, à les répéter involontairement, à l’infini, sans suite ni sens, comme ces mots mystérieux que redisait la folie d’Ophélia.
La vieillesse du poëte historiographe ne fut pas moins triste et morose que celle du Monarque.
On se lance jusque dans des phrases qui semblent d’abord des niaiseries ; on parle « d’un chat qui fait la chattemitte », et « d’un saint homme de chat. » On imagine des épithètes héroïques à la façon d’Homère : « le chat grippefromage, triste oiseau le hibou, Rongemaille le rat, le milan porte-sonnette. » On change en dieux, à la façon des peuples primitifs, des conjonctions et des adjectifs. « Que-si que-non frère de la Discorde, avecque Tien-et-Mien son père. » On invente comme le peuple ces expressions hardies, étranges, qui faisaient dire à l’abbé d’Olivet qu’on fabrique plus de tropes en un jour à la halle qu’en un an à l’Académie.
Aucune femme n’a mieux tenu parole. » Marie-Anne est bonne, brave, fière et triste.
Chaque année, il se faisait un devoir d’accompagner, dans les lycées où ce prélat donnait la confirmation, Mgr Darboy, qui était, d’ailleurs, un homme doux et triste et, dit-on, d’une foi très peu agressive.
Vois, tous les soirs sont morts au large de la Tour triste Qui plonge au marais noir ses murs que verdit l’eau ; Ton diadème est lourd d’une antique améthyste Et tes cheveux d’or lisse échappent au bandeau, Et ta robe s’efface en chimères fanées.
. — Notre esthétique est d’une triste exactitude, si la prévision négative suggérée par le séparatisme contemporain se réalise aussi juste.
. — Notre esthétique est d’une triste exactitude, si la prévision négative suggérée par l’individualisme contemporain se réalise aussi juste.
Il est triste de songer que les trois quarts des choses de détail que l’on cherche sont déjà trouvées, tandis que tant d’autres mines où l’on découvrirait des trésors restent sans ouvriers, par suite de la mauvaise direction du travail.
La pièce se ressent de sa triste influence ; elle se met au ton de ce dur railleur ; les sentiments tendres n’osent guère s’y montrer.
Quelque jour, écrivait-elle à son ami, je vous conterai des choses qu’on ne trouve point dans les romans de Prévost ni dans ceux de Richardson… Quelque soirée, cet hiver, quand nous serons bien tristes, bien tournés à la réflexion, je vous donnerai le passe-temps d’entendre un récit qui vous intéresserait si vous le trouviez dans un livre, mais qui vous fera concevoir une grande horreur pour l’espèce humaine… Je devais naturellement me dévouer à haïr, j’ai mal rempli ma destinée.
Par exemple, en mars 1612, deux ans après la mort de Henri IV, à l’occasion du double mariage annoncé entre les maisons de France et d’Espagne, l’historien nous montre le deuil public faisant place à des fêtes « où allait se réveiller cette passion du luxe, de l’éclat et du plaisir, si longtemps ensevelie sous la triste livrée du regret ».
J’avais en une journée cent physionomies diverses, selon la chose dont j’étais affecté : j’étais serein, triste, rêveur, tendre, violent, passionné, enthousiaste ; mais je ne fus jamais tel que vous me voyez là… » Et il ajoute, car il nous importe dès l’abord de le bien voir : « J’avais un grand front, des yeux très vifs, d’assez grands traits, la tête tout à fait d’un ancien orateur, une bonhomie qui touchait de bien près à la bêtise, à la rusticité des anciens temps. » Représentons-nous donc Diderot tel qu’il était en effet, selon le témoignage unanime de tous ses contemporains, et non tel que l’ont fait les artistes ses amis, Michel Van Loo et Greuze, qui l’ont plus ou moins manqué, à ce point que la gravure d’après ce dernier le faisait ressembler à Marmontel : « Son front large, découvert et mollement arrondi, portait, nous dit Meister, l’empreinte imposante d’un esprit vaste, lumineux et fécond. » On ajoute que Lavater crut y reconnaître des traces d’un caractère timide, peu entreprenant ; et il y a lieu de remarquer en effet qu’avec l’esprit hardi, Diderot avait le ressort de conduite et d’action un peu faible.
De tristes cyprès l’ombragent à l’entour.
ses dernières années furent tristes et amères.
Accusée elle-même, elle se défend, et mon dessein n’est pas de pénétrer dans les particularités de cette triste et vilaine affaire, ni d’y établir les torts de part et d’autre : il me suffira d’en tirer quelques conséquences incontestables.
Le roman se termine par une triste parole.
Il alla, conduit par son père, passer à Metz son examen sous Laplace, dont la mine triste, froide et sévère lui imposa tant au premier abord, qu’il resta court, sans pouvoir dire son nom.
Dans sa Pétition pour des villageois, qui est une pièce des plus achevées, il se pose tout à fait en vieux soldat laboureur, devenu bûcheron et vigneron, ami de la vieille gloire nationale ; et, quand ce jeune curé d’Azay ou de Fondettes, sorti du séminaire de Tours où il a été élevé par un frère Picpus, interdit la danse sur la place de l’endroit, Courier s’écrie : Ainsi, l’horreur de ces jeunes gens pour le plus simple amusement, leur vient du triste Picpus, qui lui-même tient d’ailleurs sa morale farouche.
Arrivé en Angleterre et nonobstant les promesses échangées, il doute de pouvoir les réaliser, et il la prévient honnêtement, sans autrement s’en chagriner beaucoup : « Dans le fait, dit-il par manière d’excuse, les dépenses que j’étais obligé de faire me mettaient dans l’impossibilité de payer mon passage. » Lorsque plus tard il sera de retour à Philadelphie, déjà établi, et qu’il verra miss Read triste, mélancolique, veuve ou à peu près, il reviendra à elle, mais seulement après avoir manqué lui-même un autre mariage, et parce que l’état de célibat lui paraît plein de vices et d’inconvénients4.
Aussi y eut-il un si merveilleux effet de bénédiction de Dieu envers elle, que, par un subit changement, tous ceux qui assistèrent au triste spectacle de sa mort devinrent tout autres hommes, noyèrent leurs yeux de larmes de pitié de cette désolée… Je supprime quelques traits de mauvais goût ; et il finit par remarquer que ce qu’il en dit n’est point par l’effet d’aucune partialité, que c’est la vérité seule qui l’oblige à parler ainsi, « vu qu’il n’y a personne si odieuse qui, finissant ses jours en public avec résolution et modestie, ne change la haine en pitié, et ne tire des larmes de ceux mêmes qui, auparavant, eussent désiré voir répandre son sang ».
Aussi M. de Pange m’écrivait-il : « Triste comme la vérité.
Sans amis, comme sans famille, Ici-bas vivre en étranger ; Se retirer dans sa coquille Au signal du moindre danger ; S’aimer d’une amitié sans bornes ; De soi seul emplir sa maison ; En sortir, suivant la saison, Pour faire à son prochain les cornes ; Signaler ses pas destructeurs Par les traces les plus impures ; Outrager les plus tendres fleurs Par ses baisers ou ses morsures ; Enfin, chez soi, comme en prison, Vieillir de jour en jour plus triste, C’est l’histoire de l’égoïste Et celle du Colimaçon.
La leçon est triste.
Mais en général, la diction de ce Rhéteur a un air fec, triste & scholastique.
La pensée de ce combat universel est triste ; mais, pour nous consoler, nous avons la certitude que la guerre naturelle n’est pas incessante, que la peur y est inconnue, que la mort est généralement prompte et que ce sont les êtres les plus vigoureux, les plus sains et les plus heureux qui survivent et qui se multiplient.
Il fallait, de plus, apprendre à toute la terre ce que les savants et les historiens savaient seuls, c’est que, depuis plus de cent ans, d’énormes manuscrits, laissés par un homme de génie et dont la gloire a ce côté grandiose et pur d’avoir été posthume, confisqués par l’État et traités comme de vieilles momies égyptiennes, dormaient d’un sommeil qu’on pouvait croire éternel, sous leurs tristes pyramides de cartons incommunicables, au ministère des affaires étrangères, qu’on avait bien le droit d’appeler, à ce propos, des affaires étranges !
Peu de gens s’en souviendront sans doute, car bien peu ont paru goûter ce genre de divertissement, et ces pauvres mimes anglais reçurent chez nous un triste accueil.
Mais, par un triste hasard, ce changement de sens qui rend vraies les dernières propositions de M.
Les transfuges répondent : « Une couronne d’olivier. » Ce fut alors que, renouvelant le triste pronostic112 de l’oncle même du roi sur l’entreprise de Xercès, un des Perses s’écria : « Malheur, malheur, ô Mardonius !
Merveilleux et tendresse, sublimité des images et profonde émotion du cœur, il y aura donc là ce que la poésie la plus vraie, la plus naturelle, avait pu concevoir de plus grand, à la pensée de Dieu et sous les rayons de la plus éclatante nature ; et là devait se rencontrer aussi ce que l’âge plus avancé du monde, ce que l’expérience plus triste de la vie, ce que les malheurs réitérés des siècles, auront appris à l’âme humaine.
Lorsque Pascal, en un autre endroit, appuie sur les imperfections de notre triste nature humaine, on ne lui répond pas « qu’on peut soutenir que l’homme est l’être le plus parfait de la création », parce que d’abord nous n’en savons rien, ni moi, ni lui. […] À coup sûr, c’était un triste sire que d’Assoucy ; pourtant il est heureux que son récit nous soit parvenu. […] Et, comme il faut qu’un peu de gaieté se mêle toujours aux choses les plus tristes, il n’y eut enfin que les médecins et les apothicaires qui gardèrent au grand homme une longue rancune des immortelles plaisanteries qu’il avait dirigées contre la Faculté. […] La triste nouvelle soulève l’indignation de la grande cité protestante. […] Toutefois, quoi qu’il arrive, il n’aura pas, étant à mon service, le triste plaisir de se venger de sa patrie248. » Certes, s’il ne s’agissait ici que d’un artiste, d’un poète, peut-être hésiterait-on à le juger si sévèrement.
Ainsi, entre autres, les solitaires de Port-Royal : voyez donc à quoi se ramène leur action et leur sainteté : « … Une pensée triste accompagne le lecteur durant tout le cours de cette belle histoire, que M. […] Il a été accepté comme un guide, comme une sorte de directeur de conscience, par une jeunesse désabusée et triste, qui a pris pour refrains habituels ses plus lugubres aphorismes, qui s’est appropriée ses habituels paradoxes. […] Le pessimisme est une doctrine inoffensive et triste, plus spéculative que pratique, qui n’exerce qu’une médiocre influence sur la conduite de la vie. […] Il serait cependant injuste de dire que, si le pessimisme est la philosophie des désabusés et des tristes, la misanthropie est celle des méchants. […] Voilà qui suffit à montrer combien les critiques que je viens de présenter sont fondées, et voilà qui est un triste malentendu.
et, — comme images poétiques brillamment accumulées, — le grand-duc des chandelles de feu Du Bartasc fait aussi triste figure auprès de lui qu’un lampion agonisant au milieu des éclairs du gaz électrique. […] Voici d’abord des réflexions fort sensées, à l’adresse des artistes, que fait sur ce triste sujet M. […] C’est un esprit de contradiction, un mauvais courtisan et un méchant camarade, et ses amis, mieux encore que ses ennemis, en font chaque jour la triste expérience. […] Triste retour, monsieur, des choses d’ici-bas !
Des poétereaux qui se croient fort supérieurs à Delille, et qui peuvent en effet avoir plus de talent, étrange et triste chose ! […] « L’impression profondément triste que produit l’entrée dans une bibliothèque, écrirait Renan, vient en grande partie de la pensée que les neuf dixièmes des livres qui sont entassés là ont porté à faux, et, soit par la faute de l’auteur, soit par celle des circonstances, n’ont eu et n’auront jamais aucune action sur la marche de l’humanité. » Les seuls hommes et les seuls livres marquants d’une époque, les seuls dont les siècles suivants auront à tenir compte, sont ceux qui l’ont représentée. […] Mais, pour que nous n’eussions qu’à nous réjouir du vaste nettoyage que le temps et les accidents opèrent dans l’avoir littéraire de l’humanité, il faudrait, c’est mon triste refrain, que les non-valeurs seulement fussent détruites, et que toute œuvre digne de vivre fût assurée soit de sa conservation immédiate, soit de sa rentrée ultérieure dans la vie. […] Est-ce un engouement prolongé ou une admiration durable qui fait aujourd’hui de Charles Lamb, peu compris durant sa triste vie, un des écrivains les plus souvent réédités de l’Angleterre102 ? […] L’imagination humaine, attendrie par ces tristes spectacles, se montre d’une générosité magnifique ; elle rêve, devant ces beaux jeunes arbres couchés par la tempête, une cime montant jusqu’aux cieux et des branches couvrant la terre de leur ombre.
Donc, Edouard arrive, un triste soir d’hiver, dans la villa solitaire où s’est réfugié le pauvre fils de fou. […] Il m’intéresse parce qu’il est partout présent, qu’il sait tout, voit tout, prévoit tout, et qu’il est malin comme un singe tout en restant triste comme un corbeau. […] Est-ce parce qu’ils sont tristes ? […] Il a à la fois un génie de révolte et de luxure triste. […] Tout cela est plutôt triste.
À ces tristes querelles, seule la malignité publique a trouvé son compte. […] Triste dégénérescence à laquelle a résisté M. […] C’était là, au point de vue réaliste, la seule fin digne de ce triste corps. […] Daudet n’a pas osé pousser jusque-là sa triste héroïne. […] L’héroïne d’Une Vie manquée a fait un triste mariage.
Dès lors, on devine le terme, qui n’est qu’un triste commencement. […] … Triste constatation. […] Sur le seuil de la case obscure, Terai est debout, forme sombre qui traîne aux plis de sa robe toute son île sensuelle, languissante et triste ; elle semble venue là du fond de l’horizon, et penche vers moi du haut d’un ciel transparent un visage invisible de déesse orientale, maîtresse des désirs, des rêves et des oublis, maîtresse mystérieuse de l’inconscience humaine… L’Inconscience ! […] Ce sont les dieux millénaires qui sourient dans les temples abandonnés, d’un sourire éternel, triste et peut-être cruel. […] La vérité, la vérité, il voudra crier enfin la vérité, et lui sacrifiera au besoin la beauté, l’art, tous les vêtements qui recouvrent la nudité de la triste déesse dont il désire toucher la chair, froisser les muscles, étreindre même le squelette.
Bonne catholique, elle salue dans l’antique basilique l’asile suprême où se rassemble tout ce qui monte de rêve de la cité « nombreuse et triste ». […] — « Ma vie est bien triste », me disait-il. « Elle se passe à ausculter les cavernes d’un poitrinaire, et ce poitrinaire, c’est mon pays ! […] Plaise à la chance que, du premier coup, la patte s’appuie sur toute ta triste carcasse. […] L’Arno qui roule son eau sablonneuse traverse maintenant une triste plaine déserte où d’autres monuments parlent aussi d’un passé à jamais aboli, telle cette basilique de San Piero a Grado dont le chevet roman est pareil à celui de mes chères églises auvergnates. […] Là, Michel-Ange, en train de rêver à sa Nuit Était venu, devant ce flot qui va sans bruit, Sentir combien pesante était sa destinée, Là, Vinci, Masaccio, Sandro, Machiavel… Tous ces grands morts passaient, pour moi, dans ce beau Et cette eau triste m’en semblait illuminée.
XCI Tocqueville a le style triste. — Ballanche a un style pontifical. […] ) — Il s’aperçut alors de cette application manifeste et entra à l’instant dans un silence triste, grave et prolongé, que partagèrent tous les assistants. […] CXXXIX Un de mes amis m’écrit sur les Girondins : J’ai lu les Girondins : triste livre où miroitent et tournoyent dans un voluptueux éblouissement toutes les ivresses du cœur, tous les orgueils de la raison, toutes les magies de l’art, tout l’enthousiasme des dogmes.
Ce spleen est un peu différent de celui des Anglais ; car celui des Anglais les rend noirs et tristes, et le mien me rend intérieurement et extérieurement tout couleur de rose.
du seul archevêque de Bordeaux, mon oncle, lequel était un petit esprit, taquin et triste, grand économe, homme à vues bourgeoises, aimant sa maison avec orgueil, mais sans générosité, plein de lui et vide des autres, dur et sec, haïssable, et échappant seulement à la haine publique par son économie ; mais mon père et mes aïeux ont toujours passé dans leur temps pour gens francs, nobles, courageux et dignes de l’ancienne Rome, surtout de nulle intrigue à la Cour ; aimant la vie de province, ce qui est la vraie vie de la province ; riches ou pauvres, et cependant s’y faisant d’abord distinguer par les lumières de leur esprit et la bonté de leur cœur.
La figure du premier est triste, un peu sévère, réfléchie, la lèvre plus fermée qu’on ne croirait ; l’idée de bonté qu’il avait n’y paraît pas.
Tout le monde sait quelle a été la triste marche et l’humiliante entrée de Louis XVI ramené de Versailles à Paris dans la journée du 5 octobre : Son cortège, étonnant par sa composition, affreux par sa contenance féroce et ses cris, mit trois heures à passer dans la rue Royale où j’étais (dit un spectateur qui n’est autre que M. de Meilhan) ; des troupes à pied ou à cheval, des canons conduits par des femmes, des charrettes où, sur des sacs de farine, étaient couchées d’autres femmes ivres de vin et de fureur, criant, chantant et agitant des branches de verdure ; ensuite le roi et sa famille escortés de La Fayette et du comte d’Estaing, l’épée à la main à la portière, et environnés d’une foule d’hommes à cheval, voilà ce qui se présenta successivement à mes yeux pendant l’espace de trois heures.
Dès la première nuit passée sur le sable après le débarquement avec quelques onces de biscuit trempé dans de l’eau saumâtre, on prend une triste idée de l’avenir qui attend l’armée en Égypte : « Cependant aucun murmure ne se fit entendre : nous voulions égaler les Romains. » — Un jour, dans un campement près de Gaza où l’on n’avait trouvé que peu de ressources, comme des soldats s’étaient approchés de sa tente pour se plaindre, le général en chef leur dit « qu’ils n’égaleraient jamais les Romains, qui, dans ces mêmes lieux, avaient mangé leurs sacs de peau. » — « Général, ils n’en portaient pas, vos Romains », lui répondit un orateur. — « Cette répartie fit rire, ajoute Pelleport, et les murmures s’apaisèrent. » C’est égal, ces Romains, toujours nommés, restaient dans l’esprit de ces braves et les piquaient d’honneur.
Réduit souvent par sa faute à de tristes extrémités et amené, bien que jeune, à songer à sa dernière heure, Villon suppose qu’il fait son testament (il y en a deux de lui, le grand et le petit, sans compter un codicille), et dans cette supposition il lègue à ses amis tout ce qu’un pauvre diable qui n’a pas un sou vaillant peut donner ; parmi ses legs, il y a bon nombre de lays ou de ballades, et il a dû penser au jeu de mots : C’est à un poète une idée singulièrement originale et touchante, nous dit d’abord M.
voilà le chef-d’œuvre, mais triste aussi et fané comme son auteur.
Chimène, dans la scène qui suit, exprime des craintes et un triste pressentiment au milieu de sa joie.
Deschanel, et un homme de beaucoup de mérite, qui, dans une situation plus ou moins analogue à la sienne, est resté sombre, triste dans sa critique, amer aux personnes, souvent injuste et sujet aux préventions, appliqué à éviter certains noms et à en chercher d’autres, affecté d’une sorte de préoccupation constante en écrivant.
Depuis 1763, les Prussiens n’ont fait que les tristes campagnes de 1792-1794, ils sont peu aguerris. » — « Oui ; mais ils ont les souvenirs et des généraux expérimentés du temps du grand roi.
Eugène surtout (à qui nous devons bien, puisque nous l’avons nommé, ce triste et religieux souvenir), adolescent mélancolique, plus en proie à la lutte, plus obsédé et moins triomphant de la vision qui saisit toutes les âmes au seuil du génie et les penche, échevelées, à la limite du réel sur l’abîme de l’invisible, Eugène a exprimé dans le recueil cette pensée pénible, cet antagonisme désespéré, ce Duel du précipice ; la poésie soi-disant erse, qu’il a composée sous ce nom, est tout un symbole de sa lugubre destinée.
Il faudrait transcrire (car sans cela je n’ose assez le louer) le récit d’Arthur, lettre xie , ce départ en automne par un temps triste, sur une route boueuse, ces misères du cantonnier qui casse son caillou du matin au soir, ces jurements et ces coups de fouet du roulier, ce réveil hideux d’une diligence qu’on rencontre, toute cette saleté, ce dégoût, cette nausée du mal dont est saisi l’oisif et le voluptueux, lui-même dévoré dans son cœur.
Si cette réalité n’était qu’affreusement triste, on trouverait encore moyen de s’en tirer ; mais elle réunit à une tristesse profonde tous les caractères de contradictions et de ridicules, et tellement en grand qu’on n’arrive au théâtre que bien blasé.
J’ai vu les siens noyés, et dans son triste élan Elle me dit un jour : « Ce sol est un volcan… » Elle n’est plus !
Si les Nouvelles ecclésiastiques (jansénistes), qui commencent à l’année 1728 et qui n’expirent qu’après 1800, ne donnent que la triste histoire d’une opinion, ou plutôt, à cette époque, d’une maladie opiniâtre, étroite, fanatique, et comme d’un nerf convulsif de l’esprit humain, les Mémoires de Trévoux, dont les portions qui confinent le plus au xviie siècle offrent un fonds mélangé d’instruction et de goût, le vrai monument de la littérature des jésuites en français, et qui, ainsi qu’il sied à ce corps obéissant et dévoué à son seul esprit, n’a porté à la renommée le nom singulier d’aucun membre196.
Je conçois le sentiment de discrétion et de délicatesse qui fait qu’on hésite à toucher à de vieilles blessures et à remuer les cicatrices d’un cœur ; mais ce mot humilier en pareil cas n’est pas français : tant que la dernière source, la dernière goutte du vieux sang de nos pères n’aura pas tari dans nos veines, tant que notre triste pays n’aura pas été totalement régénéré comme l’entendent les constituants et les sectaires, il ne sera jamais humiliant pour un homme, même vieux, d’avoir aimé, d’avoir été aimé, fût-ce dans un moment d’erreur.
L’histoire de la Révolution est glorieuse et triste comme le lendemain d’une victoire, et comme la veille d’un autre combat.
On le disait jeune comme les prodiges qui n’ont point d’ancêtres, sauvage comme les prophètes qui ne ressortent que d’eux-mêmes et de Dieu, triste comme les immensités.
C’est à Cambrai, pendant les tristes années où l’Europe liguée faisait expier à Louis XIV l’éclat dominateur, les longues prospérités, la gloire hautaine de tout son règne, qu’il faut surtout admirer Fénelon.
À part quelques contes assez décents, comme le Vilain Mire, qui est purement comique, ou la Housse partie, qui donne à la faiblesse des parents une sage instruction, la même qu’on dégagerait du Roi Lear ou du Père Goriot, à part encore certain exemple de vertu féminine qui nous est offert dans la Bourse pleine de sens, la moralité ou, si ce mot paraît impropre ici, la conception de la vie qu’impliquent les fabliaux est ce qu’on peut imaginer de plus grossier de plus brutal, et de plus triste.
Il a l’imagination abstraite, subtile, spirituelle, des souplesses et des sourires nouveaux dans la sécheresse un peu triste d’autrefois.
Oui, cela est triste d’être prince.
Saluons par conséquent un Décadent aussi dans Chateaubriand, auteur de la triste tragédie de Moïse, où il se montre le rival lamentable des La Harpe et des Marmontel et l’élève de Voltaire ou de Crébillon.
Rien qui fasse songer que les choses ont une double face, triste et gaie, tragique et comique.
Mais, au lieu de son jeune amant, un vieillard étonné et triste sort, à sa voix, du paravent que forme la toile.
Elle était mère avant son mariage ; quelque temps après, Claude a découvert ce triste secret.
Autant qu’un autre, d’ailleurs, je sais que ce droit délicat et terrible, qui sommeille au pied de toutes les institutions humaines, comme leur triste et dernière garantie, ne doit pas être invoqué légèrement.
Que l’on soit à La Chevrette chez Mme d’Épinay, au Grand-Val chez le baron d’Holbach, si l’on se sent un peu triste et si le jour baisse, si la conversation languit, si la pluie tombe, l’abbé Galiani entre, et avec le gentil abbé la gaieté, l’imagination, l’esprit, la folie, tout ce qui fait oublier les peines de la vie. — L’abbé est inépuisable de mots et de traits plaisants, ajoute Diderot ; c’est un trésor dans les jours pluvieux.
Il faut mettre ces tristes paroles en regard du troisième numéro du Vieux Cordelier, qui les expie.
Mais tu as encore une autre histoire à apprendre, et bien plus remplie d’enseignements tristes et sévères.
C’est un triste jour que celui où l’on découvre que ce quelqu’un qu’on s’était plu à parer de toutes les perfections et à combler de tous les dons n’était que si peu de chose.
et même, Triste, j’ai tant besoin d’un confident qui m’aime, Me parle avec douceur et me trompe, qu’avant De clore au jour mes yeux battus d’un si long vent, Je veux faire à tes bords un saint pèlerinage, Revoir tous les buissons si chers à mon jeune âge, Dormir encore au bruit de tes roseaux chanteurs, Et causer d’avenir avec tes flots menteurs.
Ma résolution est prise de périr sur la brèche ; mais je n’en ai pas moins la triste certitude qu’ils prendront la place d’assaut, et qu’elle sera mise au pillage.
Dès que mon âme est triste, elle veut être seule.
La gêne domestique l’obligea à tenir quelque hôtel ou table d’hôte, circonstance qui fut tant reprochée depuis à Rivarol : C’est dans Bagnols que j’ai vu la lumière, Au cabaret où feu mon pauvre père À juste prix faisait noce et festin, lui faisait dire Marie-Joseph Chénier dans une assez triste satire.
Sous ces influences combinées, La Harpe s’était mis à lire pour la première fois les livres saints, les Psaumes, l’Imitation de Jésus-Christ, lorsqu’il reçut la secousse intérieure décisive dont il a rendu compte en ces termes : J’étais dans ma prison, seul dans une petite chambre et profondément triste.
Il avait pu écrire à son frère, en un jour de forfanterie et dans un parti pris de gaieté, ce mot significatif qui résume toute une philosophie d’abaissement et d’abandon : Au surplus, portez-vous bien, et souvenez-vous qu’il n’y a que fadaises en ce bas monde, distinguées en gaillardes, sérieuses, politiques, juridiques, ecclésiastiques, savantes, tristes, etc., mais qu’il n’y a que les premières, et de se tenir toujours le ventre libre, qui fasse vivre joyeusement et longtemps.
Les pauvres camarades de son mari, touchés de son triste sort, se sont tous cotisés pour la faire vivre un moment.
C’était le maréchal de Villeroi, assez triste guerrier, qui avait tenu ce propos.
Les éditeurs crurent pourtant devoir y faire quelques suppressions, et la veuve de Bernardin de Saint-Pierre, en particulier, demanda avec instances, avec larmes, au possesseur des lettres de lui permettre d’en détruire cinq ou six qui présentaient sous un jour trop triste la situation morale du grand écrivain.
» Triste mot d’ordre, et c’est le leur
Et ces hommes n’ont pas même la renommée triste qu’ils semblaient avoir acquise de droit, et toute la quantité de honte qu’ils ont espérée.
« Croire qu’en imitant certaines qualités de pureté, de sobriété, de correction et d’élégance, indépendamment du caractère même et de la flamme, on deviendra classique, c’est croire qu’après Racine père, il y a lieu à des Racine fils, rôle estimable et triste, ce qui est le pire en poésie.
Pour la première fois je respire et je devine un peu Apollinaire ; mais avec l’excessive sensibilité des malades, j’éprouve comme quelque chose d’irréparable et de triste ces lignes du début qui ont une solennité d’adieu et un avant-goût d’oraison.
J’ai vu mes tristes journées Décliner vers leur penchant ; Au midi de mes années Je touchais à mon couchant La mort déployant ses ailes, Couvrait d’ombres éternelles La clarté dont je jouis ; Et dans cette nuit funeste Je cherchais en vain le reste De mes jours évanouis.
X Du reste, ce triste livre, sans esprit, sans critique, sans moralité, mais écrit en anglais contre l’un des plus beaux génies de l’Angleterre, nous en a rappelé un autre, mais écrit en français, celui-là, qui nous montre un Byron plus vrai.
Quand on aura pris la peine de vérifier la masse de faits que Cassagnac a tirés de l’obscurité où l’ignorance de la plupart et l’intérêt de quelques-uns les laissaient ensevelis, on aura la triste preuve, une fois de plus, de la facilité avec laquelle la pointe de vérité dont parle Pascal peut être cachée, et combien les hommes, ces Exacts, se contentent de l’à-peu-près en toutes choses, et s’en contenteraient même en mathématiques, si les mathématiques, comme l’histoire, se rattachaient par quelque coin aux passions de leur âme et à leur moralité.
Ce lyrisme, auquel le poète s’est assoupli par la volonté, l’exercice et surtout le compagnonnage littéraire, est le plus grand ennemi de sa nature sincère, de cette poésie qui est la sienne, toute d’observation triste ou cruelle, qui se déchire le cœur dans un coin, et de ce petit coin sombre avec son noir chagrin, comme Alceste, allonge sur le monde extérieur un regard qui, comme celui de certains peintres malades de la bile ou du foie, teint, d’une nuance particulière et soucieuse, les objets sur lesquels il va lentement et longuement se fixer.
. — Dans une chambre pauvre et triste, la chambre traditionnelle du prolétaire, aux meubles banals et indispensables, le corps d’un ouvrier nu, en chemise et en bonnet de coton, gît sur le dos, tout de son long, les jambes et les bras écartés.
Bien souvent ce n’est pas l’homme qui change, ni ses opinions, mais les choses environnantes qui les modifient et les transforment ; on accuse le rivage de fuir et c’est le bateau qui marche ; une note de musique reste la même, mais les notes qui se groupent autour d’elle la dénaturent et, sans y toucher, la font gaie ou triste, majeure ou mineure. […] Bien qu’il soit triste de voir qu’une mort de héros n’ait pas désarmé la haine du poète, MM. […] Et plus loin : Une Compagnie formée exclusivement de grands hommes serait peu nombreuse et semblerait triste. […] Assurément la tentation avait été forte… Quel visage triste ! […] Elle donna subitement à ces visages épanouis l’air triste et embarrassé de gens qui assistent à un convoi funèbre.
La comédie italienne avait Arlequin, Pierrot, Polichinelle, Colombine, ces types de la grâce et de la coquinerie humaines, si observés et si vrais dans la fantaisie ; nous autres, nous avons la collection la plus triste, la plus laide, la plus faussement noble qu’on puisse voir, des bonshommes blêmes, l’amant qui crache sur l’argent, le fils qui porte le deuil des farces du père, et tant d’autres faiseurs de sermons, abstracteurs de quintessence morale, professeurs de beaux sentiments. […] N’est-il pas curieux et triste que le génie anglais, qui a eu dans les siècles passés la floraison des plus violents tempéraments d’écrivains, ne donne plus naissance, à la suite d’une certaine évolution sociale, qu’à des écrivains émasculés, qu’à des bas bleus qui ne valent pas Ponson du Terrail ? […] Ils ne trouvent rien, rien, rien, telle est la triste vérité. […] Les directeurs disent : « Il n’y a plus d’artiste. » Ce qui est plus vrai et plus triste, c’est qu’il y a bien encore des artistes, mais que ces artistes n’ont pas la flamme du mouvement littéraire actuel. […] Quant au sixième, il escamote simplement le dénoûment ; la pièce est finie, d’ailleurs ; il aurait fallu un vaste décor, un tableau mouvementé, montrant Marthe ouvrant la porte aux libérateurs, au milieu des coups de feu et des acclamations ; et rien n’est plus froid que de la voir arriver blessée à mort, dans un décor triste et étroit, le coin de forteresse où Tolben, Hedwige et d’autres patriotes attendent leur exécution.
Tristes et dolents sont demeurés les courtois soldats, et les troubadours et les jongleurs avenants ; ils ont eu dans la Mort une mortelle ennemie ; car elle leur enlève le jeune roi anglais, près de qui les plus généreux semblaient avares. […] C’était une triste reconnaissance de son héroïsme dans la croisade. […] « Je veux, en ce rapide chant, d’un cœur triste et marri, plaindre le seigneur Blacas ; et j’en ai bien raison : car en lui j’ai perdu un seigneur et un bon ami ; et les plus nobles vertus sont éteintes en lui. […] Parmi ces tristes et derniers monuments de la poésie romane, il faut chercher quelque témoignage textuel des passions haineuses et des pensées hardies qui fermentaient dans le cœur des opprimés. […] C’est le fils d’un tailleur de Toulouse, qui est devenu troubadour, mais troubadour triste, désolé comme son malheureux pays, vengeur et injurieux comme l’âme d’un opprimé.
La chair est triste, hélas ! […] Et le vol de Nemrod, par quelle injustice superbe, quelle violence assyrienne, lève-t-il dans notre mémoire la splendeur déroulée de ses vers, pour étouffer la beauté triste de l’Azur mallarméen ? […] La chair est triste, hélas ! […] Car alors, comme Philoxène aux carrières, le pouvoir renvoyait le poète à l’atelier des rimes, et en France même la chute triste de Lamartine apportait une pareille leçon. […] Et par la haute oraison qu’il prononce sur la tombe de Verlaine, il ressaisit au nom de la Poésie le « triste et fier honneur » du malheur et de l’isolement.
Comme il arrive d’ordinaire aux âmes tristes, il sentit, à son début dans la vie, le besoin de consolation, de confiance, d’intimité, de sympathie sans réserve. […] Mackenzie, avec moins d’excentricité que Sterne, plus chaste et plus contenu dans ses plus grandes audaces, plus sévère sur le choix des tropes, plus austère dans l’indication des traits ridicules ou tristes de la nature humaine, étonne moins, maïs a peut-être sur Sterne l’avantage de plaire plus constamment. […] Triste vérité ! […] Loin de là, dès les premières pages, on reconnaît le cri d’une conscience impitoyable et sévère ; mais le poète ne peut manquer à la vérité, et tant pis pour la vérité si elle est triste, tant pis pour la société, si elle cache sous l’éclat de ses fêtes, sous l’austère gravité de ses paroles, les douleurs de la honte et les remords de l’hypocrisie. […] Pourtant, à force de soumission et de constance, il ébranle à la fin la porte du sanctuaire jusque-là fermée à ses plaintes et à ses espérances ; il surprend dans les yeux qu’il vénère à l’égard de la divinité un sourire moins triste et plus indulgent ; il sent sa main frémir sous une timide étreinte, il croit que le marbre va s’animer sous ses baisers.
Il se moque de moi et bien loin me repousse Comme homme de néant le lui ferai sentir, En dedans peu de jours, un triste repentir. […] Il avait la pierre ; il entrait quelquefois en scène, souffrant le martyre et son visage accusant la douleur ; sa contenance triste, ses yeux baignés de larmes contrastant avec ses rôles plaisants et ses lazzis, réjouissaient outre mesure les nombreux spectateurs dont pas un ne soupçonnait la vérité. […] De là vint la ligue, à l’Académie, contre l’un des chefs-d’œuvre du grand Corneille, et la fameuse critique qui restera comme un triste exemple de platitude et une preuve de ce que peut, en France, même sur les beaux-arts, un pouvoir despotique. […] La chose faillit dégénérer en dispute de prince, et elle eut pour la scène française et pour la littérature une bien autre et bien triste portée ; elle causa tant de chagrin à Racine, qu’elle le détermina à abandonner le théâtre. […] Le duc de Nevers, pour les effrayer encore davantage, cassa les vitres par un troisième sonnet : Racine et Despréaux, l’un triste et l’autre blême, Viennent demander grâce, et ne confessent rien.
C’était un peu son tempérament, en ce sens qu’il était maladif, volontiers triste, aussi exagéreur et susceptible de s’éprendre du colossal et du gigantesque, aussi un peu désordonné et difficilement capable de mettre un ordre matériel dans ses idées, aussi très personnel, même au sens mauvais du mot et ne détestant pas la littérature qui est une confidence, un épanchement et une confession. […] Le Christianisme a prétendu supprimer l’ambition, qui est le plus naturel et le meilleur des sentiments humains, qui est « la volonté de puissance. » Mais la volonté de puissance, détournée seulement de son cours, s’est revanchée, et elle est devenue la volonté de conquérir le ciel ; et elle a rejeté l’homme dans la lutte, mais dans une lutte plus cruelle et plus dure que celle de l’ambition proprement dite, dans la lutte contre lui-même et contre « le monde », lutte où il est devenu âpre, violent, triste et malheureux affreusement. […] Assez triste population. […] Il peut y avoir quelque chose de bon là-dedans ; mais cela est surtout propre à faire des maniaques et des maniaques bien tristes. « Ces professeurs de morale qui recommandent, d’abord et avant tout, à l’homme de se posséder lui-même, le gratifient d’une maladie singulière, je veux dire d’une irritabilité constante devant toutes les impulsions et les penchants naturels, d’une espèce de continuelle démangeaison. […] Mais comment, si le plaisir et le déplaisir étaient si solidement liés l’un à l’autre que celui qui voudrait goûter de l’un autant qu’il est possible, que celui qui voudrait apprendre à jubiler jusqu’au ciel devrait aussi se préparer à être triste jusqu’à la mort ?
Il est vrai que nous sommes en apparence recherchés des grands seigneurs ; mais ils nous assujettissent à leurs plaisirs, et c’est la plus triste de toutes les situations que d’être l’esclave de leur fantaisie. […] Quoique cette pièce, ensevelie dans l’oubli dès sa naissance, méritât ce triste sort, Molière sut néanmoins entrevoir qu’il pourrait, en travaillant, prétendre à d’honorables succès. […] Le besoin des amusements, l’impuissance de s’en procurer d’agréables et d’honnêtes dans les temps d’ignorance et de mauvais goût, avait fait imaginer ce triste plaisir, qui dégrade l’esprit humain. […] Il est triste de penser qu’on rencontre plus d’une page semblable dans la vie de l’auteur d’Athalie. […] Nous avons tout lieu de croire que celui qui le premier a mis cette charge sur le compte de Molière n’a pas même le mérite, assez triste, il est vrai, de l’avoir inventée.
Que fit-il durant ces tristes années de discordes civiles ? […] On sait sa réponse à ce bon conseiller de Provence de ses amis, qu’il rencontrait tout triste chez le garde des sceaux Du Vair.
c’est l’Abélard éternel, la voix triste et grave que toute haute intelligence porte en soi. […] C’est ainsi qu’au début de sa brochure sur la Liberté de la Presse il montrait cette liberté invoquée tour à tour de chaque parti dans la disgrâce, mais le plus souvent repoussée des mêmes gens sitôt qu’ils la voient paraître : « Au triste accueil qu’elle reçoit d’eux, disait-il, on serait tenté de penser qu’ils l’invoquaient comme le bûcheron de la fable invoquait la Mort ; elle ne les aide qu’à recharger leur fardeau, et ils la prient de repartir. » Ce genre d’agrément détourné est un des cachets de sa manière.
C’est ce dieu, celui sans doute qui naguère m’a prédit ce triste avenir, qui seul en est l’auteur. » Il ordonna ensuite de faire à son fils des funérailles dignes de sa naissance. […] Après cette réponse, il recueillit ces tristes débris, les emporta dans sa maison et les réunit dans la tombe.
, I, p. 25) : Je suis horriblement triste, et du vieux fonds que tu me connais, et de ce qui s’ajoute chaque jour, et enfin de la peur que me fait éprouver ce continuel accroissement, quand je viens à y songer. […] Lorsque, paisible, je regarde avec pitié le triste troupeau qui se rue, à travers la fange, sur l’appât des convoitises humaines, tout à coup mon pied glisse, d’humiliants désirs se soulèvent et me rappellent la boue dont je suis fait.
Mais son cœur est ému de pitié au souvenir de leurs combats, du prix dont ils payent les passagères douceurs de leurs espérances ; car, dans cet admirable ouvrage, la peine suit d’aussi près la faute que l’ombre suit le corps, et ces tristes cœurs ne goûtent pas un moment de joie qui soit pur de regret ou de crainte. […] Je vous l’ai confessé ; je dois le soutenir… Et le tombeau, seigneur, est moins triste pour moi Que le lit d’un époux qui m’a fait cet outrage, Qui s’est acquis sur moi ce cruel avantage, Et qui, me préparant un éternel ennui, M’a fait rougir d’un feu qui n’était pas pour lui31.
Il serait gros, s’il devait être complet, mais qu’il serait triste ! […] Quand on soulève de ces tristes questions, on devrait en tenir la solution dans sa main fermée et l’ouvrir au bon moment, pour en faire jaillir la surprise.
La femme, triste spectre paré qui allait et venait sur la neige, ne lui répondait pas, ne le regardait même pas, et n’en accomplissait pas moins en silence et avec une régularité sombre sa promenade qui la ramenait de cinq minutes en cinq minutes, sous le sarcasme, comme le soldat condamné qui revient sous les verges…63. […] l’art est triste !
Les vers symboliques peignent le contraste entre la destinée brillante de l’élue et la triste destinée des dédaignées. […] Une sombre gorge de montagne au-dessus de laquelle est suspendu un ciel lourd de nuages, nous rend tristes. […] Mais si, pour une raison quelconque, nous sommes déjà tristes, nous trouvons partout dans notre horizon des images attristantes : dans une rue de grande ville, des enfants déguenillés mourant de faim, des chevaux de fiacre maigres horriblement écorchés, une mendiante aveugle ; dans les bois, un feuillage fané et pourri, des champignons vénéneux, des limaces glaireuses, etc. […] Il ne peut que dire en général : « Je suis triste », « je suis gai », « je suis tendre », « j’ai peur ». […] … C’est vers le Moyen-Age énorme et délicat Qu’il faudrait que mon cœur en panne naviguât, Loin de nos jours d’esprit charnel et de chair triste… Et là que j’eusse part… ….à la chose vitale, Et que je fusse un saint, actes bons, pensers droits, Haute théologie et solide morale, Guidé par la folie unique de la Croix Sur tes ailes de pierre, ô folle Cathédrale !
Il méprisait la plume « Cette triste accoucheuse de l’esprit, avec son long bec effilé et criard ». […] Reconnaissons d’abord que sur les vingt-quatre pièces il n’en est que quatre qui réalisent encore pour nous, avec une pureté intacte, cette note de poésie pure, ce son, comme écrit Lamartine lui-même dans une lettre intime, « pur comme l’art, triste comme la mort, doux comme le velours » qui lie le sens lamartinien de Méditations à un sens musical (celui du mot dans les programmes de concert) et qu’évoque, dès qu’on le prononce, dans le souvenir de tous, le titre célèbre : ce sont l’Isolement, le Vallon, le Lac de B… (devenu plus tard le Lac tout court) et l’Automne, quatre thèmes en stances pour l’amour et la solitude. […] — Milly ou la Terre natale, encore une de ces épîtres où Lamartine est le maître, et le seul (il avait publié un volumes d’Épîtres plus tard fondu dans les poésies et on en a tiré encore de ses papiers tout un paquet inédit adressé à son beau-père Montherot), abondance de terre agricole qui prend naturellement avec ses vers nombreux la forme des sillons pressés et parallèles, — le Cri de l’âme, sincère et véhément, qui répond à son titre : il semble que dans la volupté de l’été toscan (presque toutes les Harmonies sont écrites l’été et l’automne) un amour, inoccupé de femmes, se tourne en ivresse mystique, se développe dans la vision de Dieu et fuse dans un panache de clarté, — le Tombeau d’une mère, poignant comme le Crucifix, — Pourquoi mon âme est-elle triste ? […] Les idées de Vigny gardent la marque de l’outil intérieur et de la tension triste qui les créèrent.
Et certes, ils étaient beaux, ses vers, avec leurs aveux retenus, leurs tristesses refoulées, leur accent si tendre, si gouailleur, et si triste. […] La nature devient triste, lorsque nos romantiques souffrent, et joyeuse, quand ils sont joyeux ; elle est à leurs ordres, à leur service. […] J’évoque une grande maison triste, sur la colline de Recanati ; elle abrite un enfant qu’a visité le génie. […] Cette contrainte du rythme mathématique et de la rime obligée, qui paraissait détestable, on la respectait cependant : hommage à un dieu inconnu auquel on n’apportait plus que de tristes offrandes, mais qu’on ne pouvait s’empêcher de respecter toujours.
J’avais l’idée très nette d’une foule ; une foule triste, ne s’occupant que de choses graves, un peu effrayantes, mais que j’aurais voulu connaître. […] Ce lieu inconnu devenait de plus en plus triste, dans cet assombrissement ; j’avais le cœur gros et j’aurais bien pu pleurer, puisque personne ne me voyait ; mais je ne voulais pas. […] On était surpris de me voir si taciturne, dans ce milieu triste, où on attendait ma venue pour retrouver un peu de gaîté ! […] — Mademoiselle, me dit-elle, je viens de Montrouge : ce sont mesdemoiselles vos tantes qui m’envoient : une triste nouvelle. […] Je trouvai la chère nounou triste et vêtue de noir.
Il est triste et mélancolique, parce qu’il connaît le secret de la destinée qui pèse sur lui, et que, le voulût-il, il ne pourrait pas échapper à l’instinct du meurtre pour lequel il a été créé. […] Sibylle ne connaît qu’un seul amour dans sa triste existence, et elle meurt volontairement, afin de se dérobera cet amour. […] Je vois d’ici Babolain sous la plume de Sterne ou sous celle de Goldsmith ; quels trésors d’inattendue et exquise sensibilité il aurait arrachés au premier, et comme ses traits auraient apparu timides, tristes et touchants, sous la lumière souriante et douce dont le second l’aurait enveloppé ! […] C’est avec un tact fin et juste qu’Alphonse Daudet a choisi les victimes de ses malfaisants ratés ; son histoire ne serait pas aussi touchante et surtout ne serait pas aussi vraie avec une femme d’un caractère plus ferme qu’Ida de Barancy, et avec un enfant d’instincts plus énergiques et d’âme plus éveillée que le doux, triste et bon petit Jack. […] Bien qu’elle soit écrite en vers, la pièce, loin de montrer la poésie de la vie conjugale, n’en montre que la plus triste prose.
Mais l’avenir harmonieux sera ; Ce dont nous fûmes subsiste, Si bien que sur la lèvre des amants Le mot : Toujours renaît impérissablement, Joyeux et triste… Et le potier, devenu songeur, brise sa coupe. […] Que ferions-nous en effet d’une beauté morte, et combien la cruelle morale qui se dégage du déterminisme de ce retour éternel nous plongerait dans le désespoir, si nous n’avions déjà en nous l’énergie du surhomme qui accepte joyeusement de revivre un nombre illimité de fois chaque minute d’une triste vie ! […] Deux esprits, le triste et le rieur, édifient l’équilibre des voûtes de leur furieux choc. […] De tels états d’esprit seraient comiques s’ils ne dénotaient une aussi triste notion des destinées de notre poésie.
Cette réponse n’est pas toujours facile, et, même lorsqu’on croit savoir à quoi s’en tenir, il n’est pas bon toujours de trahir de tristes et arides vérités.
Elles nous laissent une vie aussi triste et aussi décharnée que notre corps.
Au fond de la rue des Granges, une maison haute, étroite, vieille et triste, présente une façade étriquée sur laquelle le soleil ne se hasarde que d’un air méfiant.
vous le pourriez, vous le devriez. » — Réponse Arguor immerito : tenuis mihi campus aratur, (C’est Ovide qui dit cela dans les Tristes : — Je ne mérite pas le reproche : mon affaire est de cultiver un mince domaine.)
Il avait communiqué à Mme de Sablé sa maxime sur l’amitié : « L’amitié157 la plus désintéressée n’est qu’un trafic où notre amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner. » Loin d’effacer cette triste maxime, deux ans avant sa mort, il l’étendit de la façon suivante : « Ce que les hommes ont nommé amitié158 n’est qu’une société, qu’un ménagement réciproque d’intérêts, et qu’un échange de bons offices ; ce n’est enfin qu’un commerce où l’amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner. » Le cœur de Mme de Sablé lui fournit des pensées d’un ordre bien différent.
« Mais peut-être qu’une correspondance particulière entre deux personnes qui se sont aimées offre encore quelque chose de plus triste ; car ce ne sont plus les hommes, c’est l’homme que l’on voit.
Tout en continuant de peindre les tristes réalités qu’il sait, il évitera de les forcer, de les trancher outre mesure ; sa manière, dans le détail même, y devra gagner en fusion.
Quant à ces fils d’Amulem, à ces neveux de M. de Renoncour, il se trouve que le plus charmant des deux est une nièce qu’on avait déguisée de la sorte pour la sûreté du voyage ; mais le marquis, si triste de la mort de sa Diana, n’a pas pris garde à ce piége innocent, et, à force d’aimer son jeune ami Mémiscès, il devient, sans le savoir, infidèle à la mémoire de ce qu’il a tant pleuré.
Le plus triste endroit de la vie de Bayle est l’affaire assez tortueuse de l’Avis aux Protestants, soit qu’il l’ait réellement composé, soit qu’il l’ait simplement revu et fait imprimer.
C’est sans doute un triste effort que de transporter son intérêt, de reposer son attente, à travers l’avenir, sur nos successeurs, sur les étrangers bien loin de nous, sur les inconnus, sur tous les hommes enfin dont le souvenir et l’image ne peuvent se retracer à notre esprit.
Il est triste, quand on s’endort dans une bergerie, de trouver à son réveil les moutons changés en loups ; et cependant, en cas de révolution, on peut s’y attendre.
Écartez l’un de l’autre les coins de la bouche, il devient gai aussitôt ; tirez les sourcils l’un vers l’autre et vers le bas, aussitôt il devient grognon et triste ; et parfois, au réveil, il peut témoigner des émotions insurmontables dans lesquelles l’ascendant de l’attitude l’a jeté et enchaîné.
Mais ce qu’il y eut de plus beau dans une circonstance si triste, ce fut le tableau de ce père qui, de son côté ne voulait pas, par sa tristesse, aggraver la tristesse de son fils, se faisait un autre visage, contenait ses larmes dans ses yeux, et ne laissait aucunement paraître son âme brisée, tant que son fils était sous son regard : ainsi, tous deux faisaient violence à leur affection et s’efforçaient de rentrer leurs larmes, l’un par piété filiale et l’autre par piété paternelle.
Cette triste mélopée ne sort-elle pas d’un vaste atelier de quelque industrieuse cité, plutôt que de la région mystérieuse « d’où nul n’échappe » ?
Thomas Sibilet a écrit dans son Art poétique : « Si le français s’était rangé à ce que la fin de la moralité fût toujours triste et douloureuse, la moralité serait tragédie ».
la lune de miel fut courte : en novembre, de secrètes angoisses le travaillent ; en décembre, il écrit à sa nièce « à côté d’un poêle, la tête pesante et le cœur triste » ; il se demande : « Pourquoi suis-je donc dans ce palais ?
Il use des temps et des lieux selon sa fantaisie, pour assortir la forme de son action à la qualité de son rêve triste ou joyeux.
Lenski voit tout en beau, il aime tout, et se désespère que son ami ait une si triste expérience des hommes et des choses.
Pour elle il eût donné d’imaginaires et magiques tournois ; chaque trouée du taillis aurait connu l’or des armures et dans les fabuleux territoires du Songe des villes eussent été conquises, des peuples de géants domptés ; maintes merveilles somptueuses, maintes prouesses d’héroïsme comme en une haute-lisse assemblées en leurs images, seraient devenues un tapis idéal pour les pieds de la Fiancée et cela, combats, trésors, gloires et joies, eût formé le poème de son âme tout entière, — pur, vaste et noble drame, mélancolique comme l’attente, mystérieux comme la forêt, riche autant que les splendeurs songées, mais triste surtout et résigné, parce qu’Elle n’était point là et ne devait jamais venir.
Triste fruit d’une doctrine qui avait renié les traditions, et institué chaque homme arbitre et auteur de sa croyance !
En attendant, je me contente d’un récit qui m’en apprend assez sur les causes de la guerre pour que je ne confonde pas cette conquête manquée avec une guerre juste, et l’ambition du roi avec la querelle de la France ; qui des luttes intérieures de la Hollande fait ressortir cette triste vérité, que l’invasion même ne réconcilie pas les partis ; qui m’intéresse aux deux nations, à la Hollande par la justice et par le respect du faible, à la France par le patriotisme et l’amour de la gloire ; qui, parmi plusieurs portraits d’un dessin aussi juste que brillant, me laisse imprimées dans l’esprit les deux grandes figures royales du siècle, Louis XIV et Guillaume III, esquissées comme certains croquis de grands maîtres, dont le crayon ne laisse plus rien à faire au pinceau.
……………………………………………… Vous n’êtes qu’un adolescent ; C’est à la nuit que je dévoile Mon cœur qui fond l’or de mon sang, Et mon corps triste jusqu’aux moelles.
Laissons donc à la négation et à la frivolité le triste privilège d’être inattaquables et glorifions-nous de prêter, par notre conviction et notre sérieux, au rire des sceptiques.
Elle m’a été une grande joie et un grand secours durant ces tristes vacances que le passe dans le plus pénible isolement qui se puisse imaginer.
En supposant que l’Homme soit réduit par sa nature à la triste destinée de choisir entre les erreurs ; pourquoi ces prétendus Apôtres de l’humanité, qui n’en sont que les ennemis ; s’obstinent-ils à se décider pour la plus odieuse & la plus funeste ?
Mais, s’il trouvait une autre femme à qui il parlerait de sa chasse et de ses affaires, cela lui serait égal au bout de trois jours. » Elle se répétait à elle-même cette parole comme l’exacte et triste vérité.
Dans ses Mémoires, le chapitre par lequel il entame sa vie politique et qu’il intitule « De Bonaparte », débute également par une page qui va rejoindre la dernière invocation de ce poème des Martyrs : « La jeunesse est une chose charmante ; elle part au commencement de la vie, couronnée de fleurs, comme la flotte athénienne pour aller conquérir la Sicile… » Et le poète conclut que, quand la jeunesse est passée avec ses désirs et ses songes, il faut bien, en désespoir de cause, se rabattre à la terre et en venir à la triste réalité.
En épousant le marquis de Monnier, elle ne trouvait qu’un vieillard triste et renfermé, qui paraissait plus près de soixante-dix ans que de soixante, et quand elle rencontra Mirabeau, âgé de vingt-six ans, elle en avait vingt et un.
Ce qu’il y a de triste et d’amer, c’est de voir à quel point le sophisme avait dépravé cette âme superbe, hypocrite et malade.
Il médite une réhabilitation de l’arbre vert, un guide de l’amateur d’araucarias et de cyprès, sous le titre : Le Jardin vert ; s’élevant contre le préjugé qui fait de l’arbre vert un arbre triste, nous citant son buisson ardent de houx, rouge de baies comme un sorbier.
Ce n’est en effet qu’aux écarts d’une raison troublée que l’on peut attribuer la triste extravagance de plusieurs peintures du Paradis perdu.
Les constatations de La Fontaine sont assez tristes.
J’y revois ces bruyances de l’instinct, non pas s’anéantir, tristes, mais se vivifier de joie et de gloire dans la fécondité des paroxysmes, — fécondité matérielle, car le monde y alimente son ascension, — fécondité morale, car de ses primes et matérielles manifestations mon âme s’y exalte peu à peu vers les transfigurations de plus en plus belles de l’Amour.
C’était un instinct de la grandeur sous toutes les formes, un goût pour les choses éclatantes, depuis les phénomènes de la nature jusqu’aux pompes de la puissance et de la richesse humaines ; c’était aussi ce ferme jugement, en contraste avec l’imagination éblouie, ce retour sévère et triste qui abat ce qu’elle avait d’abord admiré et se donne le spectacle de deux grandeurs également senties, celle du monument et celle de la ruine.
Mais Le Misanthrope et Les Femmes savantes sont dans un triste état depuis 1730 jusqu’à 1800. […] Dans Diderot, quand l’hôtelier raconte cette triste histoire, Jacques le fataliste s’inquiète de la nuit de noces, fait une question embarrassante et nullement embarrassée sur la nuit de noces. […] Sans un geste, tenant son papier des deux mains, sans une attitude, droit comme un piquet, par la seule puissance, par les seules inflexions infiniment variées de sa voix étonnante, il nous a décrit la Judée, le camp des Hébreux, la montagne effrayante et fatale, Moïse « triste et seul dans sa gloire », disant à Dieu tout ce qu’il y a de douleur dans une grande existence privilégiée. […] Mais quelle ampleur, quelle gravité, quelle majesté triste ! […] Le triste et froid accueil que le public a fait aux trois scènes sans action, sans vraisemblance morale ou immorale, de ce proverbe, si c’est même un proverbe, l’a trop averti de son erreur pour la lui reprocher davantage.
Ils sont gais, tristes, spirituels, moroses, avares, libéraux, ardents, paresseux, et leur talent prend les couleurs de leur caractère. […] Si l’intelligence ne régit pas, si elle n’intervient pas pour établir une hiérarchie, ou un balancement des sensations, ce sont les idées tristes qui finissent par l’emporter par leur nombre et leur force. […] Depuis cette époque, depuis le concile de Trente, l’histoire du catholicisme n’est que l’histoire de sa lente évolution vers le protestantisme, vers les tristes rêveries des premiers chrétiens, vers le rationalisme religieux. […] Elle fut romantique, philosophique, humanitaire, socialiste, nationaliste, guerrière ou pacifique, ironique ou larmoyante, moralisante, mystique ou sensuelle, et même littéraire, et même scientifique, — et même d’art : sous tous ses chapeaux et toutes ses perruques, ses loups et ses fards, elle demeura la même ; et sa poigne ne se desserra pas un instant sur le poignet meurtri du petit enfant, même devenu un vieillard triste. […] La tuile rouge, qui est gaie en Italie, est triste en Normandie.
Est-ce la malice des hommes qui vous rend triste, inquiet, mélancolique, injurieux, vagabond, moribond ? […] Ce n’est pas moi qui l’ai voulu, mon cher maître, ce sont eux qui ont imaginé que l’ouvrage pourrait réussir au théâtre ; et puis les voilà qui se saisissent de ce triste Père de Famille et qui le coupent, le taillent, le châtrent, le rognent à leur fantaisie. […] Du moins, faudrait-il que sa satire fût gaie ; mais elle est triste, et l’auteur ne sait pas le secret de nuire avec succès. […] Notre souper n’est pas orageux, parce qu’il est court ; nous achevons notre partie après souper ; les femmes, éparses, dorment sur des fauteuils ; si nous sommes tristes, nous ne tardons pas à nous retirer ; nous ne nous couchons tard que quand nous sommes gais, et il n’y a pas de mal à cela. […] J’avoue qu’il est affligeant, messieurs, après quarante à cinquante ans d’une probité reconnue dans son commerce et récompensée par des fonctions distinguées dans son corps et dans la société, de se voir tout à coup accusé de malversation et de mauvaise foi ; j’avoue qu’il est triste, après une vingtaine d’années de persécutions que j’ai bien partagées, d’être troublé dans la jouissance d’une fortune que vous avez méritée par votre travail ; mais une autre position plus fâcheuse encore que la vôtre, ce serait d’avoir perdu son honneur et gardé son édition ; et cela n’est pas sans exemple.
Les tristes efforts de l’envie et de la sottise ne purent cependant détruire sa tranquillité. « Il me semble, disait quelquefois M. de Saint-Pierre, qu’il y ait en moi plusieurs étages où mon âme habite successivement. […] disait-il ; mon sort était d’autant plus triste, que c’était des collègues dont je devais espérer le plus de support que j’éprouvais le plus de traverses.
Aussi, faut-il le dire hautement, il n’est rien de plus inintelligent et de plus triste que cette excitation vaine à l’originalité, propre aux mauvaises époques de l’art. […] S’il n’en était pas ainsi, jamais ces tristes blasphèmes ne seraient tombés de ses lèvres.
« Saint-Germain, remarque-t-il, offrait à Louis XIV une ville toute faite et que sa position entretenait par elle-même. » Il l’abandonna pour Versailles, le « plus triste et le plus ingrat de tous lieux, sans vue, sans bois, sans eau, sans terre, parce que tout y est sable mouvant ou marécage ; il se plut à y tyranniser la nature, à la dompter à force d’art et de trésors. […] « Il choisit le plus triste et le plus ingrat de tous les lieux » : où donc les embellissements étaient-ils plus nécessaires ?
Mais cette dernière enfance ne ressemble pas à la première ; elle est aussi triste que l’autre était joyeuse. […] À force de méditer sur l’existence, d’en faire éclater la poignante ironie, de jeter à flots le sarcasme et la raillerie sur nos infirmités, ces hommes qui nous font tant rire deviennent profondément tristes.
L’opposition prématurée et inique y reçoit même un coup de marotte : Graves auteurs, Froids rhéteurs, Tristes prédicateurs, Endormeurs d’auditoires, Gens à pamphlets, À couplets, Changez en gobelets Vos larges écritoires. […] Car il ne faut pas croire qu’il n’y eût un coin de scepticisme, de découragement triste, de laisser-faire et de laisser-aller dans cette belle âme, quand il considérait le monde en masse dans ses éternelles aspirations et dans ses éternelles rechutes.
Enchaînés dans l’enceinte étroite des villes par des occupations ennuyeuses et de tristes devoirs, si nous ne pouvons retourner dans les forêts notre premier asyle nous sacrifions une portion de notre opulence à appeler les forêts autour de nos demeures ; mais là elles ont perdu sous la main symmétrique de l’art leur silence, leur innocence, leur liberté, leur majesté, leur repos. […] Il était tard, j’étais épuisé, car toute sensation violente épuise, et je trouvai sur l’herbe des carafons de crystal remplis d’eau et de vin, avec un énorme pâté qui, sans avoir l’aspect auguste et sublime du site dont je m’étais arraché, n’était pourtant pas déplaisant à voir. ô rois de la terre, quelle différence de la gaieté, de l’innocence et de la douceur de ce repas frugal et sain, et de la triste magnificence de vos banquets !
Venez, fuyez l’aspect de ce climat sauvage, Qui ne parle à vos yeux que d’un triste esclavage. […] Racine, Mithridate, début de l’acte I, scène 3 où Pharnace, l’un des deux fils du vieux roi Mithridate qu’on croit mort, presse la princesse Monime qui était destinée à son père, de l’épouser et de le suivre : « Venez, fuyez l’aspect de ce climat sauvage, / Qui ne parle à nos (et non vos) yeux que d’un triste esclavage. » 20.
Ces quatre bayadères qui tournaient dans les parfums d’une chambre close par une nuit accablée d’Orient, ces beautés fières et tristes qui me rassasient des rêves de la mort, et dont je n’ai jamais satiété, sont-ce des fantômes, une chimère de mon cœur, une pure idée métaphysique ! […] L’amour, l’amour exclusif d’une personne individuelle, l’amour enfin tel qu’on l’enseigne dans les classes de littérature des lycées français ou allemands est en effet une tragédie qui aboutit le plus souvent à la folie furieuse d’Oreste, à la fin triste de Marguerite ou au suicide lamentable de Roméo et de Juliette. […] Cette « peur de vivre » qui nous rend semblables à ces tristes ombres « qui vécurent sans blâme et sans louanges » et que Dante a marquées d’un mépris immortel, c’est le mal auquel M. […] Chose remarquable, chose qu’il faut retenir, l’adultère ne fait le fond d’aucun de ces romans conjugaux : et quand il se laisse entrevoir, c’est comme l’incident le plus triste et le plus fade au milieu d’existences mornes et désolées.
Quand on les eut lus, et que l’on se fut dit : « Tout cela est vrai, très vrai, mais aussi c’est triste, et cela ne nous apprend rien que nous ne sachions… », on aspira à autre chose. […] Je ne vois rien dans mon instinct qui me force à chercher le pourquoi du pourquoi de mes larmes ; quand je suis malheureux, j’écris des vers tristes, c’est tout, sans autre règle que l’instinct que je crois avoir de la belle écriture, comme ils disent ! […] Vous verrez comme c’est triste. […] Agréez ce festin, enfant que j’eus de la triste femme. […] C’est vraiment extraordinaire et c’est triste aussi, cela !
La mienne, la voici : Mon Dieu, le stoïcisme a existé, et le stoïcisme n’était guère autre chose qu’une religion ; c’en était même une tout à fait ; et une religion purement morale ; car la place que tenaient les dieux dans le stoïcisme… Une religion analogue au stoïcisme pourrait bien naître en nos temps mauvais, où la lutte des races en Europe, la lutte des classes dans chaque nation, la lutte des intérêts dans chaque classe, toutes luttes arrivées à leur paroxysme, ont fait la vie si triste et exigé un effort de courage personnel inaccoutumé. — Mais il faut bien dire aussi que le stoïcisme n’a jamais été qu’une religion très restreinte, très aristocratique, et que c’est précisément parce qu’il ne contenait pas une part de merveilleux que le christianisme l’a remplacé vite et a été une religion populaire, ce que le stoïcisme ne fut jamais. […] lien est d’émouvants et de délicieusement tendres comme ce Ugo Fleres, qui sait si bien faire tenir toute une vie humble, douce et triste, dans le cadre étroit et frêle de cinq petits couplets précis et nets. […] Par exemple, état d’âme de Mme de Romfort à un certain moment : « Cette triste nécessité de briser un cœur la déchirait. […] Quand dira-t-on donc franchement, humainement, que dans cette horriblement vulgaire aventure, les torts furent réciproques et égaux, à tout prendre égaux ; que Musset trompa George Sand ennuyeuse et que George Sand trompa Musset malade ; et que Musset fut un compagnon de voyage un peu énervant, et que Sand le laissa partir, malade encore, avec un vrai soulagement, pour savourer Pagello et pour aller se promener en Tyrol, alors qu’elle aurait pu, quoi qu’on dise, accompagner Musset au moins jusqu’aux frontières de France ; et que nous avons affaire à deux poètes de génie ; mais à deux êtres de chair, de sang et de nerfs qui, en dehors de leur génie et du fracas déclamatoire qu’ils jettent sur leurs tristes aventures, ne valent ni plus ni moins que nous, et valent peut-être un peu moins ? […] Et voici la « femme nouvelle » très sérieuse, au contraire, qui, dès 11 ans, passe jours et nuits à dévorer des livres graves, est de première forcé en mathématiques, conquiert à Oxford tous ses titres universitaires, est soutenue dans sa tâche antinaturelle par un immense orgueil développé en elle par l’excitation et la tension continuelle de sa volonté ; et n’y gagne guère que d’être triste jusqu’à la mort à l’égal de la mort.
Mais, dans un hôpital de Versailles, un blessé, taciturne et triste, qui l’invite à sa confession, l’émeut : les mêmes phrases, naguère insignifiantes, prennent un autre accent. […] Toute une semaine, il fut triste ; et il aimait sa tristesse : il n’en voulait pas être diverti. […] Senancour l’a tenté : le singulier Senancour, triste et intelligent, et qui eut la maladresse de ne tirer de son intelligence aucun plaisir ; mais il aimait mieux sa tristesse. […] J’insiste un peu sur tant d’érudition, — mot lugubre ; — mais nulle érudition n’est moins triste et, à la vérité, n’est plus gaie. […] Il avait une tristesse résignée, d’un grand charme ; et il avait ces façons d’amitié, si captivantes, des êtres les meilleurs et les plus tristes.
Et puis et surtout ces pages doivent être des éclairages simples (sans secours, ni maquillage de rouges glorieux, de bleus féeriques, de mauves déconcertants…) sur les ponts à ciel ouvert, dans le secret des tunnels qui, entre eux, relient ces îlots de pensée, cités lacustres de systèmes que l’homme, triste castor, au cours des siècles, a construits pour s’abriter, lui et sa pensée. […] Retroussis de babines caduques en train de vous cracher des Montmartre — êrtre — értre…, pâles sourires dont l’agonie force la pitié, suffisances humanistes et testaments pathétiques, à quelques sauces, douce, triste, martiale, pédante qu’ils s’assaisonnent, dans cette Europe du milieu et de l’Ouest, sous tous les aveux, sous tous les masques, il y a un même et unique noyau d’inadmissible, dont l’acide prussique, à travers les fruits les mieux pétrifiés de la justice, de l’enseignement, de la médecine, de l’hygiène mentale, de l’art, filtre goutte à goutte. […] Mais un enterrement pas trop triste.
Nous les suivons de l’œil, pendant quelque temps, sur cette mer où nous les avons embarqués dans le meilleur vaisseau possible : ce vaisseau disparaît à nos yeux, et nous les accompagnons de nos vœux, du fond de nos tristes retraites qu’ils oublient aisément.
C’est là dans les annales de la Compagnie une triste page, qu’il n’est pas possible d’effacer ni d’abolir, et qu’il n’y aurait qu’un moyen de déchirer.
Triste, dégoûté de tout, voyant sa sœur peu heureuse, sa mère peu consolante, craignant son père au point que, si au retour de ses courses sauvages il l’apercevait assis sur le perron, il se fût laissé tuer plutôt que de rentrer au château, le chevalier essaya en effet de mourir ; il s’enfonça dans un bois avec son fusil chargé de trois balles : l’apparition d’un garde l’interrompit.
En 1760, au Grandval, chez le baron d’Holbach, partagé entre la société la plus séduisante et les travaux de philosophie ancienne qu’il rédigeait pour l’Encyclopédie, ces circonstances d’autrefois lui revenaient à l’esprit avec larmes ; il remontait par la rêverie le cours de sa triste et tortueuse compatriote, la Marne, qu’il retrouvait là, sous ses yeux, au pied des coteaux de Chenevières et de Champigny ; son cœur nageait dans les souvenirs, et il écrivait à son amie, mademoiselle Voland : « Un des moments les plus doux de ma vie, ce fut, il y a plus de trente ans, et je m’en souviens comme d’hier, lorsque mon père me vit arriver du collège, les bras chargés des prix que j’avais remportés, et les épaules chargées des couronnes qu’on m’avait décernées, et qui, trop larges pour mon front, avaient laissé passer ma tête.
La captivité n’est pas la vieillesse, et s’il est triste d’être dans les fers, il serait bien plus désolant de retomber dans l’enfance ; ce n’est qu’à la décrépitude qu’il ne reste plus de remède ni d’espoir, et il y aurait du délire à l’accepter avant le temps, parce qu’elle s’annoncerait sous le nom mystérieux de romantique.
Il n’y a vu que des charges fantaisistes, d’arbitraires caprices de gaieté exubérante, ne se doutant pas que le trait plus appuyé n’était pas moins juste, et que le rire plus éclatant enveloppait une observation plus triste.
un nom, un mot si doux, si triste à la fois, qu’il donne presque l’idée, en effet, de ce chant poignant et délicieux dont les nuits d’été s’enivrent, et dont le poète emprunte les notes enflammées pour faire parler l’ineffable et pour traduire la langue mystérieuse de l’amour : Deux monts plus vastes que l’Hécla Surplombent la pâle contrée Où mon désespoir s’éveilla.
Notre royauté était à demi espagnole triste époque où, en expiation d’une mauvaise politique, l’emphase castillane et le faux bel esprit de l’école de Gongora ont gâté tous les écrits de la fin du seizième siècle et du commencement du dix-septième.
Tout ce mouvement autour du mourant, d’abord de respect et d’intérêt pour une vie de si grande importance, puis, à mesure que les chances de guérison diminuent, d’ambition et de précautions avec le règne futur ; ces appartements du duc d’Orléans encombrés, « à n’y pas mettre une épingle », quand le roi est désespéré, vides et déserts sur le bruit qu’il est mieux ; ces valets qui pleurent, les seuls vrais amis du monarque ; la froide et triste octogénaire qui assiste l’œil sec à sa longue agonie, profitant des courts répits du mal pour faire ajouter à la part des bâtards, et quand le roi n’est plus qu’un moribond qui ne peut plus ni ôter ni donner, n’attendant pas la fin et se sauvant à Saint-Cyr ; ces grandes et touchantes paroles du roi ; cette attente de la mort dans la majesté qu’il mettait à toutes ses actions, sans défaillances, sauf celles de la nature quand le combat va finir ; cette inquiétude du chrétien, qui craint que ses souffrances ne soient une trop faible expiation de ses fautes ; tout cela raconté au jour le jour, dans l’ordre où chaque chose arrive, parmi des détails sur le service intérieur, l’étiquette, les allées et les venues des courtisans et des gens de service, les messes entendues dans le lit et les derniers repas du mourant ; tout cela, dans son abandon, égale l’art le plus consommé.
Voilà bien un des plus beaux et des plus tristes sujets d’ironie.
Mais il convient que nous chantions avant elles l’hymne discordant d’Erynnis, et que l’odieux pœan soit entendu par Hadès. » — Un tendre mouvement de pitié les incline vers les tristes sœurs. — « Hélas !
Sa mémoire, sans savoir comment, conservait et reproduisait mille images, mais, quand elles apparaissaient évoquées par l’inspiration, il les reconnaissait comme les émotions de toute une existence, condensées en une série d’accords joyeux ou tristes.
Après tant de grâces maigres, tant de petites figures tristes, préoccupées, avec des nuages de saisie sur le front, toujours songeuses et enfoncées dans l’enfantement de la carotte ; après tous ces bagous de seconde main, ces chanterelles de perroquets, cette pauvre misérable langue argotique et malsaine, piquée dans les miettes de l’atelier et du Tintamarre ; après ces petites créatures grinchues et susceptibles, cette santé de peuple, cette bonne humeur de peuple, cette langue de peuple, cette force, cette cordialité, cette exubérance de contentement épanoui et dru, ce cœur qui apparaît là-dedans, avec de grosses formes et une brutalité attendrie : tout en cette femme m’agrée comme une solide et simple nourriture de ferme, après les dîners de gargotes à trente-deux sous.
Il nous a dénombré en Virgile une foule de qualités d’un ordre élevé, mais littérairement secondaires : l’amour de la campagne et le talent spécial de décrire les choses de la nature, l’érudition, même celle des livres, cette triste poussière dont l’abeille romaine sut faire un miel d’or, le patriotisme tempéré par un esprit déjà moderne d’humanité universelle, etc., s’attachant avec raison à ces nuances qu’on ne pouvait pas oublier, mais n’allant pas plus loin que ces détails, extérieurs au génie, qui le parent, mais qui ne le constituent pas.
Or, cette altération de son être, cet amollissement d’un esprit qui eût pu aisément rester ferme, bien des choses tristes, bien des choses de ce temps les auront causées ; et parmi elles, il faut signaler l’excès de la production et l’abus de sa propre pensée, mortels à tant d’autres esprits.
Les tristes adieux de M.
Voulez-vous des âmes tristes ?
La jeunesse de l’auteur s’est écoulée parmi ces campagnes un peu tristes.
Il a deux filles : la cadette va se marier avec un pharmacien de Clamart ; l’aînée, nature douce et triste, faite pour les sacrifices, aime en secret le prétendu de sa sœur.
Tous ces retards ne sont pas le fait d’une masse inerte ; ils sont le fait de systèmes surannés, exploités par des politiciens de tout genre dont la triste habileté et le sale égoïsme s’opposent aux intérêts suprêmes de la communauté ; ce sont des crimes de lèse-humanité, des provocations à la violence. — Il y a des violences bestiales, inutiles : elles sont étroitement circonscrites dans l’espace et passagères ; il y a des violences nécessaires, provoquées par la négation des droits, qui réparent tant bien que mal, en quelques années, les retards séculaires de l’égoïsme inintelligent.
La morale est toujours triste lorsqu’elle s’annonce à découvert : il faut un peu la déguiser pour la rendre plus agréable.
Ceux qui naguère avaient le bon partage, et qui maintenant sont tristes et abattus, les fils de ton cœur, dépossédés de toi, où porteront-ils désormais leur amour ?
De ces tristes débris, quand tu verrais, ravie, D’autres créations éclore à grands essaims, Ton Idée éclater en des formes de vie Plus dociles à tes desseins. […] Les autres sont des sensualistes purs, infiniment tristes, de cette profonde tristesse épicurienne auprès de laquelle l’affliction du croyant semble presque de la joie. […] Au sortir de ces banquets du savoir et de la beauté, quand tombent les couronnes imaginaires, on s’aperçoit que la réalité est étroite et triste. […] » Et par la mystérieuse nuit sans étoiles, sur le chaos noir de la mer et sous le noir chaos du ciel, il y avait quelque chose de triste et d’étrange à songer que peut-être l’endroit innomé, mouvant et obscur que traversait notre vaisseau avait vu passer tous ces fantômes et qu’il n’en avait rien gardé ! […] Il était tout enfant quand mourut Constantin, son oncle ; échappé seul avec Gallus, son frère, au massacre de toute sa famille, il grandit dans la triste et molle prison de Césarée, où le retenait Constance qui ne pouvait se résoudre ni à le laisser vivre ni à le faire périr.
Mes liaisons avec M. de Santa-Rosa2, le noble chef de la révolution piémontaise de 1821, m’avaient rendu suspect à la triste police de M. […] Par combien de tristes détails ne tient-elle pas encore à la matière ! […] Nous ne renouvellerons point ces tristes querelles ; nous espérons que de cette chaire ne descendront jamais des paroles ennemies de quoi que ce soit de beau et de bon. […] Que mille cœurs qui battaient tout à l’heure cessent de battre, c’est un fait bien triste ; mais qu’une goutte de sang innocent soit versée, c’est plus qu’un fait pénible, c’est un mal et un mal horrible. […] Vous avez vu que si la lutte des peuples est triste, si le vaincu excite à bon droit une pitié généreuse, il faut réserver pourtant notre plus grande sympathie pour le vainqueur, puisque toute victoire entraîne à sa suite un progrès.
L’auteur des Odes funambulesques dit, à propos d’une comédie : « On assure (ô triste infirmité de la réclame !) […] Dans la pensée première de l’illustre écrivain, Vallombreuse ne guérissait pas, Sigognac ne pouvait épouser la sœur de celui qu’il avait tué, et le triste capitaine Fracasse rentrait seul dans le château de la misère, où il retrouvait plus mornes, plus maigres le vieux chien Miraut, le vieux chat Belzébuth, le vieux maître d’armes Pierre. […] Weiss reproche à Nisard d’avoir le goût triste […] « Avoir le goût triste, dit-il, c’est, quand on arrive à une œuvre aussi mêlée que la Nouvelle Héloïse, s’arrêter à ce qui n’est que sentiment faux, style impropre, expression déplacée, absence de tact et de délicatesse ; ne lire que les lettres, fort nombreuses, il est vrai, « où les mots sont brûlants et les choses sont froides » ; s’étendre à l’aise sur les déclamations consciencieuses et à la Prudhomme en l’honneur de la « vertu et du sexe » ; et c’est, alors qu’on a subi tout ce dégoût, ne pas se donner la peine de tourner le feuillet pour arriver enfin à ce qui est de l’inventeur de génie. […] Malheureusement Fabre a abusé de la description et, pour garder le ton paysan, tout en évitant la grossièreté, il employait un dialogue hybride, faussement naïf, sorte de bégaiement à phrases courtes, qui consiste surtout à supprimer les articles : « Il me faudra travailler pour gagner pain… « Point ne m’était arrivé de l’embrasser et désormais possible ne serait de la rencontrer… » « Poules picoraient sur la table, pintades sautelaient sur les chaises, lapins grignotaient sous le bahut, dindonneaux becquetaient au long des murailles… « Vrai est que Félice possédait mon âme… « Après telles réflexions avec moi-même, me fut avis que je devais secouer mon chagrin… « Possible ne m’avait été de me débarrasser de ma charge… « Oui, monsieur, le pays est triste, la culture misérable ; raison pourquoi Cévenols dès le berceau s’endurcissent le corps… » Ce dialogue rend la lecture du Chevrier insupportable.
non, messieurs, il ne vaut rien : il y aura un rôle de préfet qui ne me fera point rire du tout, quelque esprit que vous y mettiez ; voyez le roman intitulé, Monsieur le Préfet ; quoi de plus v…, mais quoi de plus triste ! […] Quand ils sont de lui, on trouve de l’agrément et des traits piquants dans les articles ordinairement si tristes que les Débats consacrent à gronder la génération actuelle de ce qu’elle ne pense pas comme en 1725.
L’être est morne, odieux à sonder, triste à voir. […] S’il a fait abus du « démesuré », il a connu aussi la délicatesse des pensées : « La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste. » (Les Travailleurs de la mer.) « La joie que nous inspirons a cela de charmant que, loin de s’affaiblir comme tout elle nous revient reflet, plus rayonnante. » (Les Misérables.) « Un piètre opulent est un contresens… Peut-on toucher nuit et jour à toutes les détresses, à toutes les indigences sans avoir soi-même sur soi un peu de cette sainte misère, comme la poussière du travail ?
En littérature, Lesage est l’introduction toute naturelle à cette troisième période ; ses romans (Le Diable boiteux, 1707 ; Gil Blas, 1715-1735) sont de la comédie en puissance ; on a remarqué souvent que Gil Blas c’est déjà Figaro ; puis il y a Turcaret (1709) qui est « le chef-d’œuvre du réalisme dramatique…, avec une verve âpre et triste, en sorte que l’on a peine à rire » (Lanson), et le Théâtre de la Foire, peu connu, sans valeur littéraire, mais dont les historiens savent l’importance. — Et c’est à travers tout le xviiie siècle un succès grandissant du théâtre, une profusion d’auteurs, dont aucun n’atteint au chef-d’œuvre, mais qui tous valent plus que les contemporains de Molière et de Racine. […] Ils sont une fin ; mais ces fins, si tristes qu’elles soient, sont nécessaires aux recommencements ; et peut-être y a-t-il déjà chez quelques poètes affranchis par le symbolisme et libérés de lui, une première lueur de la nouvelle aurore26.
Froid plaisir et triste succès ! […] « Toujours vive et triste », dit-elle d’elle-même. […] Vive et gaie en sa jeunesse, où elle voit le bonheur devant elle et croit l’atteindre ; vive et triste dans son âge mûr, avec l’éternel élan vers le bonheur et l’éternel désenchantement de ne le point saisir. […] Il n’a que la triste matière, sèche et terne, dont les Chateaubriand font des poèmes. […] C’est une immolée, une sacrifiée ; elle est en proie, avec les tristes et infinies jouissances de la victime qui s’abandonne.
C’est ainsi que ses derniers jours l’ont trouvé, employant les restes de son esprit à ignorer son vrai mérite, triste, soucieux, et, dans de si vives clartés sur tant d’hommes et de choses, restant dans l’obscurité sur lui-même. […] Aller s’incliner devant un auteur dont on ne connaît guère que le nom, le louer de son mérite qu’on ignore, s’évertuer à lui dire des choses agréables et vaines, dont il n’est pas dupe, enfin conduire sa langue entre deux sortes d’indiscrétions également irrésistibles, celle de se vanter modestement, et celle de ne pas dire du bien de ses concurrents, c’est là une triste nécessité. […] De toutes les misères du siège, je n’en sais guère de plus triste que celle où la perspective de la faim réduisait un homme de l’humeur de M. […] Les jours de doute, il était préoccupé, triste ; ses devoirs à l’intérieur de l’École, quoique strictement remplis, avaient le tort de retarder son retour au laboratoire.
D’un côté, des hommes politiques vieux et jeunes, des hommes d’État aux cheveux gris, se pressaient autour du foyer et causaient avec animation ; de l’autre, on remarquait un groupe de jeunes gens et de jeunes dames, dont les œillades et les gracieux murmures échangés à voix basse formaient un triste contraste avec les gémissements suprêmes du mourant. » La bibliothèque, dont la porte donnait dans la chambre mortuaire, était remplie également des gens de la maison et de domestiques aux aguets : de temps en temps la portière s’entrouvrait, une tête s’avançait à la découverte, et l’on aurait pu entendre chuchoter ces mots : « Voyons, a-t-il signé ?
quel songe n’est point sorti de ce cœur si triste !
Le vieillard qui a usé la vie est inquiet et triste.
Jouffroy avait bien rencontré sa vocation la plus satisfaisante en s’adonnant à la philosophie ; je me le suis demandé toutes les fois que j’ai lu des pages historiques ou descriptives où sa plume excelle, toutes les fois que je l’ai entendu traiter de l’Art et du Beau avec une délicatesse si sentie et une expansion qui semble augmentée par l’absence, ripae ulterioris amore, ou enfin lorsqu’en certains jours tristes, au milieu des matières qu’il déduit avec une lucidité constante, j’ai cru saisir l’ennui de l’âme sous cette logique, et un regret profond dans son regard d’exilé.
Un jour qu’il n’y avait eu que du pain de munition et quelques tranches de jambon fumé sur la table, Dietrich regarda de Lisle avec une sérénité triste et lui dit : « L’abondance manque à nos festins, mais qu’importe si l’enthousiasme ne manque pas à nos fêtes civiques et le courage aux cœurs de nos soldats ?
« Quant à lui, par une dissimulation contraire, triste et comme affligé de son propre salut, il affectait de verser des larmes sur la mort de sa mère ; mais, comme la physionomie des lieux ne change pas à volonté comme la physionomie des hommes, que l’aspect pénible de cette mer et de ce rivage importunait ses regards, et qu’on entendait de plus, disait-on, sous les collines de Baïes le son d’une trompette et des gémissements de deuil autour du tombeau de sa mère, il se réfugia à Naples, et il adressa de là des lettres au sénat. » LII « Ces lettres disaient qu’Agérinus, affranchi et confident intime d’Agrippine, avait été surpris le fer à la main pour l’assassiner ; qu’Agrippine s’était fait justice à elle-même en se punissant de la même mort qu’elle avait tramée contre lui.
Une pensée fixe, triste, mais nullement déconcertée, donnait à ses traits une sorte de pétrification lapidaire dans une seule idée et dans un même sentiment, idée abstraite, sentiment ferme, mais nullement sévère.
il y a des sorts plus tristes qui font bien envier ces nobles trépas.
L’homme est un triste animal qui a tôt fait de corrompre ce qu’il touche.
Il se promène dans le monde des pensées comme un voyageur dans une contrée historique, avec la seule curiosité pour guide, laissant à chaque endroit qu’il a quitté une réflexion triste ou ironique, une rêverie, un souvenir.
Les plus tristes n’affectent l’âme que comme une douleur qui a perdu son aiguillon.
Au commencement de notre siècle, dans la pauvreté pseudo-classique du premier Empire, il pleut des poèmes du même genre : pluie d’hiver, triste, froide, monotone.
Or, voici que déjà les âmes françaises commencent à éprouver ce sentiment, et à en prendre conscience : l’espoir commence en même temps d’une entente prochaine ; et il semble presque que tout le triste spectre de la politique ait eu pour seul but de mener ces deux peuples qui signifient le monde, — les Romains et les Germains, — au point où ils pourraient se connaître.
C’est moins de minutie dans la suite des analyses, un emportement plus continu de la phrase musicale ; et des allegros furieusement vulgaires coupés de quelque gracieuse danse, ou d’un bref repos un peu triste.
Quand le vieux Merlin des légendes traverse les forêts armoricaines, triste, désolé, voyant la science bardique déchoir et les anciennes croyances s’effacer devant une foi nouvelle, c’est l’oiseau qui lui crie, perdu en la profondeur des feuillages : « Merlin, Merlin, il n’y a d’autre dieu que Dieu. » S’inspirant du symbole, Wagner a fait de l’oiseau une « voix de la nature » : il lui a donné pour cela, légèrement modifiée, la mélodie que chantait Woglinde, la première fille du Rhin, su début de Rheingold.
Il serait trop triste que votre sottise ne fût pas faite surtout d’assonances, comme les non-sens des rondes enfantines, quand vous déclarez, par exemple : « Les strophes de ce Hugues rappellent sans trop de désavantage celles de Hugo » ; ou encore : « L’auteur de l’Aiglon pourrait bien être demain l’aigle de la poésie française !
Le soldat se dresse devant son père de toute la hauteur d’un triste mépris.
Un peuple qui ne connaît que sa propre langue et qui l’apprend de sa mère, et non des tristes pédagogues, ne peut pas la déformer, si l’on donne à ce mot un sens péjoratif.
C’est d’une humeur triste et compatissante aux malheurs des hommes que nous est venuë la tragédie ; comme au contraire, c’est d’une humeur enjouée, maligne, ou peut-être un peu philosophique, que sont nées la comédie et la satyre.
Pour moi Palès encore a des asiles verts, Les Amours des baisers, les Muses des concerts ; Je ne veux pas mourir encore. » — Ainsi, triste et captif, ma lyre toutefois S’éveillait, écoutant ces plaintes, cette voix, Ces vœux d’une jeune captive ; Et secouant le joug de mes jours languissants, Aux douces lois des vers je pliais les accents De sa bouche aimable et naïve.
Puisque aussi dans ma triste qualité de vieillard il m’est permis de rappeler un passé qui me fut honorable ; puisqu’il est également convenu que tout auteur a de l’amour-propre, je ne craindrai pas de vous parler avec franchise de ma vie littéraire et de la manière dont on obtenait des succès de mon temps.
L’avenir pourra bien, un jour, rogner un pan de sa trop vaste gloire, mais, pour le moment, elle subsiste encore et brille de toute la splendeur de l’esprit de ceux qui l’acceptent… Or, pour cette raison et cette unique raison, je parlerai de son Pape, de ce poème qui, par le fait de la renommée de son auteur et par les idées qu’il exprime, pourrait bien avoir le triste honneur d’être dangereux.
Celles de la cause pour l’effet sont autant de petites fables ; les hommes s’imaginèrent les causes comme des femmes qu’ils revêtaient de leurs effets : ainsi l’affreuse pauvreté, la triste vieillesse, la pâle mort.
La chasteté sans combat, dans le silence des sens, la chasteté présentée comme moyen de conservation, réduite à une question de physiologie, perd toute sa grandeur, et la figure de Julie qui, avant ce triste aveu, semblait animée d’une grâce angélique, se ternit tout à coup après cette révélation. […] Ce que j’ai dit de l’Hymne au Christ s’appliquerait encore avec plus de justesse et d’évidence à l’une des plus belles pièces du recueil : Mon âme est triste jusqu’à la mort. […] Nulle part ce travers n’est plus saillant que dans : Mon âme est triste jusqu’à la mort. […] Une nuit, il avait mal dormi ; tranchons le mot, il avait passé une nuit blanche ; il se lève au point du jour, il se met à sa table, il commence la pièce qui s’appelle Novissima Verba, ou Mon âme est triste jusqu’à la mort. […] Il suit le riche dans ses projets, dans ses souvenirs, il épelle, syllabe à syllabe, toutes les tristes pensées qui se succèdent dans l’âme dépravée par la satiété.
On peut se proposer de dire quel fut cet homme, quelle espèce d’homme, triste ou gaie, basse ou noble, digne de haine ou d’admiration. […] Et, dans des vers comme ceux-ci : Dieu triste, Dieu jaloux qui dérobes ta face, Dieu qui mentais, disant que ton œuvre était bon, Mon souffle, ô pétrisseur de l’antique limon, Un jour redressera ta victime vivace. […] Puisque d’ailleurs les pessimistes trouvent la vie si triste, que n’en sortent-ils donc ? […] Mais s’il y en a d’aussi beaux, je n’en connais point de plus achevé en son genre que l’admirable élégie du premier chant du Bonheur, celle qui commence par ces vers : Te souvient-il du parc où nous errions si tristes ? […] — c’est ainsi qu’en prose ou qu’en vers, qu’en cinq actes, en trois actes ou en un, triste ou gaie, naturaliste ou idéaliste, une « machine » n’est du théâtre qu’autant qu’elle répond à des conditions définies.
Et il y en a plusieurs, et contradictoires, sur les mêmes hommes et les mêmes événements. « Ce qui crée de la vie (c’est-à-dire la légende) est supérieur, dites-vous, à ce qui en détruit (c’est-à-dire à la critique). » Soit, n’ayons nul souci de la vérité, qui pourtant, même humble et fragmentaire, même inquiétante et triste, me semblait désirable et vénérable, uniquement parce qu’elle est la vérité. […] Et mon regard long, triste, errant, involontaire, Les suivait et de pleurs sans chagrin s’humectait… Et de l’Image immense, sans effort et comme si tombait seulement un dernier voile diaphane, l’Idée surgit : Ô lumière, où vas-tu ?. […] Ainsi, dans l’Isa Upanishad : « Il est loin et près de toutes choses… L’homme qui sait voir tous les Êtres dans ce suprême Esprit, et ce suprême Esprit dans tous les Êtres, ne peut dès lors rien dédaigner… » Dans Pourquoi mon âme est-elle triste ?
Or, Eugène Delacroix était, en même temps qu’un peintre épris de son métier, un homme d’éducation générale, au contraire des autres artistes modernes qui, pour la plupart, ne sont guère que d’illustres ou d’obscurs rapins, de tristes spécialistes, vieux ou jeunes ; de purs ouvriers, les uns sachant fabriquer des figures académiques, les autres des fruits, les autres des bestiaux. […] Tantôt apparaissent des ambulances où l’atmosphère elle-même semble malade, triste et lourde ; chaque lit y contient une douleur ; tantôt c’est l’hôpital de Péra, où je vois, causant avec deux sœurs de charité, longues, pâles et droites comme des figures de Lesueur, un visiteur au costume négligé, désigné par cette bizarre légende : My humble self. […] Legros, l’Angelus (1859), qui exprimait si bien la dévotion triste et résignée des paroisses pauvres ; l’Ex-Voto, qu’on a admiré dans un Salon plus récent et dans la galerie Martinet, et dont M. de Balleroy a fait l’acquisition ; un tableau de moines agenouillés devant un livre saint comme s’ils en discutaient humblement et pieusement l’interprétation ; une assemblée de professeurs, vêtus de leur costume officiel, se livrant à une discussion scientifique, et qu’on peut admirer maintenant chez M. […] À propos du joujou du pauvre, j’ai vu quelque chose de plus simple encore, mais de plus triste que le joujou à un sou, — c’est le joujou vivant. […] J’étais triste et mélancolique au milieu de la foule, regardant le cortège et implorant avec des yeux amoureux cette belle divinité, quand un de ses regards, bienveillant et profond, est venu me relever et m’encourager.
Triste fin d’une noble maison ! […] Un dénouement de tragédie est moins profondément triste. « Levez-vous, vents de ma pensée, qui dissiperez cette cendre !
Ce qui en augmente encore la douceur triste, c’est le contraste des polissonneries qui, comme une haie d’orties, les environnent de toutes parts. […] On monte l’escalier d’une triste maison située au nord de Fleet-Street, le quartier affairé de Londres, dans une cour étroite et obscure, et l’on entend en passant les gronderies de quatre femmes et d’un vieux médecin charlatan, pauvres créatures sans ressources, infirmes, et d’un mauvais caractère, qu’il a recueillies, qu’il nourrit, qui le tracassent ou qui l’insultent ; on demande le docteur, un nègre ouvre ; une assemblée se forme autour du lit magistral ; il y a toujours à son lever quantité de gens distingués, même des dames.
Je crois finalement que lorsque la critique littéraire, ou n’importe quelle autre critique parvient au ton serein qu’atteignent justement ceux qui jugent dans un sentiment de communion en même temps que par la pensée désintéressée, cette critique sincère, puissante, presque irrésistible, fortifie mieux la véritable amitié que les tristes « échanges de services », qui sont l’unique règle de conduite de certains marchands bornés ou de quelques ambitieux de petite envergure. […] Ainsi, n’y aurait-il même que la perte d’une seule grande œuvre ancienne à déplorer, nous devrions regretter de ne pas avoir conservé toutes les autres, qui nous seraient indifférentes, mais parmi lesquelles se trouverait celle qui aurait apporté un peu de lumière et de pensée à notre triste et déplorable civilisation.
Dans aucun livre enfin une pensée d’ailleurs plus ferme n’a revêtu, comme dit Bossuet, un style plus « triste » pour s’exprimer ; — et je pense qu’il veut dire un style plus capable de décourager le lecteur. […] xli]. — C’est par là que Montaigne se distingue de Rabelais. — Sa curiosité a quelque chose d’aigu, et en un certain sens de presque pessimiste. — C’est aussi ce qui fait justement la valeur singulière des Essais : — ils sont une confession ; — l’effort d’un homme pour faire de la connaissance de soi-même la base de la connaissance de l’espèce ; — et une tentative pour tirer de cette connaissance une règle de conduite. — Que les Essais sont un livre triste.
Barbier un chant triste et religieux pareil à ceux que l’illustre Florentin composait dans son exil, il n’y a pas à s’en étonner : la lecture habituelle de la Divine Comédie et le spectacle de la solitude expliquent très bien cette ressemblance sans altérer l’individualité poétique de M. […] Sans doute, Londres est triste, même dans ses quartiers les plus opulents, même dans ses parcs si vantés ; mais la tristesse de la ville est moins dans les briques de ses maisons, que dans l’attitude et la démarche de ses habitants. […] À mon avis, c’est une triste manière de comprendre et de peindre la vérité. […] L’amitié, en présence d’un pareil spectacle, n’a qu’un rôle à jouer, rôle triste, je l’avoue, et bien capable de décourager les âmes les plus généreuses ; c’est d’attendre que la foule, en se renouvelant, lui ouvre un passage jusqu’au poète égaré.
Vilaines fleurs de rhétorique dans un triste jardin ! […] Regardé à la loupe, le style de ce bonhomme enfantin est d’une vulgarité triste. […] Louis Dumur a conté le drame ridicule et triste qui peut naître de ces partielles amnésies. […] De tristes dessinateurs, bien dénommés « industriels », fournissaient les usines de modèles aussitôt « déposés », soit qu’ils fussent le fruit d’une imagination modeste soit des copies.
D’abord, dans ces planches publiées séparément, — quoique souvent réunies en albums, — ce sont vers 1778, avons-nous déjà dit, des impressions d’acteurs ressemblant tout à fait à des Shunshô, et tirées dans des tons jaunes avec un rien de coloration rosâtre, d’une harmonie un peu triste. […] » Mal nourrie, mal vêtue, reléguée dans un bâtiment de ferme, condamnée aux tâches les plus fatigantes, occupée, jour et nuit, à coudre les robes de soie de ses sœurs, elle a la vie la plus triste, la plus humiliante, une vie de Cendrillon, où jamais elle n’obtient l’assistance de son père manquant de tout caractère. […] Deux grues dans la neige où le pourpre de la tête et le rose des ailes se détachent du triste neutralteinte d’un ciel neigeux. […] Je vous prie donc de songer aux tristes conditions dans lesquelles je me trouve ; mais mon bras (ici un croqueton de ce bras) n’a nullement faibli, et je travaille avec acharnement. […] Et des études de jambes et de pieds en marche qui donnent l’illusion de leur avancement sur le papier, et des physionomies faites de rien, — comme dessin des yeux, du nez, de la bouche, — et ayant, je ne sais comment, l’expression de la passion humaine, ou gaie, ou triste, ou colère.
La décoration ne doit exercer sur nos yeux qu’une illusion facile à s’évaporer, comme ces brillantes bulles de savon qu’un souffle fait évanouir ; de même, l’action et la diction des acteurs, les péripéties tristes ou gaies par lesquelles passent les personnages doivent garder le caractère aimable d’un jeu d’esprit, comme il sied à une société d’où la belle humeur a proscrit les passions troublantes. […] Dans les pièces fondées sur le sentiment, les ressorts principaux de l’action sont les émotions morales, tendres ou tristes, dont sont agités les personnages. […] Dans son costume actuel, Phèdre nous apparaît, sous ses couleurs naturelles, le cou et les bras nus, vêtue d’une tunique légère qui ne pèse d’aucun poids sur ses épaules : or, il est certain que l’actrice qui remplit ce rôle ne se sentira gênée ou retenue dans ses mouvements par aucun obstacle, et que cet affranchissement de toute entrave matérielle laissera à sa personne, et par suite à ses gestes et à sa voix, une liberté qui formera contraste avec la triste réalité de la situation décrite par le poète. […] C’est presque toujours à son école, au moins indirectement, que se sont formés les comédiens qui vont secouer le rire sur notre triste univers, et prouver par leur présence sur tous les points du globe l’universalité de la langue française et le charme encore triomphant de l’esprit français. […] Au moment où la reine, émue d’un amour inconnu qu’elle sent monter jusqu’à elle, exhale en tristes plaintes l’ennui que lui causent sa solitude et son royal esclavage, des lavandières passent en chantant dans les bruyères et leurs voix qui meurent en s’éloignant jettent dans son âme des paroles enflammées d’amour.
Et tant que la nuit dure, ma couche odieuse en ces tristes palais sait déjà tout ce que j’exhale de lamentations sur mon malheureux père, lui que le meurtrier Mars n’a point laissé en chemin dans la terre barbare, car c’est ma mère à moi, c’est son compagnon de lit Ægisthe, qui, comme un bûcheron qui fend le chêne, lui ont fendu la tête d’une hache sanglante. » Quand je dis que Sophocle a ennobli le trait d’Homère, je ne parle pas exactement ; il a moins songé à cela sans doute qu’à rendre à sa manière le même acte impie.
Triste, ingrat, jaloux, même vénéneux, on ne trouvait rien en lui qui répondît à l’enthousiasme factice dont il animait quelques-unes de ses élucubrations lyriques.
La triste condoléance de son sourire, la profondeur d’affection qui brillait dans ses yeux à travers ses larmes, ouvraient au roi et à la reine un coin de ciel intérieur où les regards se reposaient confidentiellement de tant de trouble.
C’est au milieu de ces tristes pensées que Humboldt aborda les rivages du pays qui lui avait déjà souri dans ses rêves de jeunesse, qu’il avait adopté pour but de tous les projets de sa vie, et vers lequel il avait été si joyeux de naviguer pour y trouver l’image fidèle de la nature tropicale.
La douleur la tint muette pendant sept ans, n’exhalant ses gémissements que devant Dieu et devant l’image de son époux dans des poésies comparables aux Tristes d’Ovide, mais où le sentiment a l’amertume des larmes et l’onction de la prière.
L’embuscade dressée aux nouveaux mariés, le combat dans la lande tandis qu’il y a fête au château, Bègue laissé pour mort, sa jeune femme couchée sur son corps et se lamentant, la triste arrivée du cortège où le maître est porté sur une civière, le conseil des médecins, dont le plus vieux commande d’abord qu’on éloigne la jeune femme qui troublerait le malade : ce sont des scènes qui ont vie et mouvement.
Enfin, il est du petit, bien petit nombre des orateurs qui n’ont pas vieilli, et qui se lisent vraiment avec plaisir : cela tient à la belle fermeté de son style, aussi grave et moins triste que celui de Guizot.
Deschanel d’avoir si bien commenté ce qu’elle dit, d’avoir si bien senti et loué comme il le mérite ce théâtre si vrai, si triste et si harmonieux.
Il pourrait être la meilleure et la plus féconde école, s’il n’était asservi à la triste condition d’être un délassement d’hommes fatigués par la journée et un plaisir facile ne détournant pas le sang des organes de la digestion.
Printanière, dans l’aube éternelle du rêve Et dans l’aurore assise, Elle tisse en rêvant Des choses qu’Elle sait, et sourit ; et, devant Elle, au gré de sa main agile, court sans trêve La navette laborieuse, et le doux vent D’avril emmêle ses cheveux qu’Elle soulève Et rejette sur son épaule ; et, relevant La tête, Elle fredonne un air qu’Elle n’achève… De l’ombre, Elle apparaît, comme en un cadre d’or : Derrière Elle l’azur et des plaines qu’arrose Un fleuve ; et, sur sa tête, un rameau de laurose Étend ses fleurs contre l’azur clair ; — et l’effort Du métier, comme un chant monotone et morose Se plaint très doucement : — on envierait le sort De celui qui baiserait la main qu’Elle pose Négligemment, parfois, et lasse de l’effort… Mais moi, la voyant rire en rappelant sans doute Quelque doux jour mort de sa joie un soir de mai, Je songeai que, peut-être, pour avoir aimé Son rire, d’autres ont repris la lente route Tristes d’un souvenir et le cœur affamé D’un mets où nulle lèvre impunément ne goûte.
Elle a toute la pureté d’une jeune fille vertueuse, et pourtant elle meurt comme une coupable ; triste exemple du ravage des passions, qui dévorent même ceux à qui elles n’ont pas ôté l’innocence.
Si quelque chose prouve la force intime de spéculation qui est dans la nature humaine, c’est que, malgré la triste part faite jusqu’ici aux penseurs, il y ait eu des hommes capables de dévouer leur vie aux injures, à la persécution, à la pauvreté pour la recherche désintéressée du vrai.
Une strophe douce comme une fleur, se détache de son triste psaume, et tombe sur « les lits aux molles draperies, où les Persanes déplorent leurs noces récentes, et toutes les voluptés de la jeunesse à jamais perdues ».
Leurs traits agrandis s’harmonisent, leurs noir regards n’expriment plus qu’une fixité vigilante ; le rictus grinçant de leur bouche dessine, en se pliant, le sourire ironiquement triste qu’on voit sur les belles têtes de Méduse.
Je suis triste et rien ne peut dissiper ma tristesse.
Une philosophie déridée, moins sidérale, plus terrestre, tout aussi mystérieuse que la philosophie triste.
Et puis quel misérable progrès de de versification, qu’un logogriphe en huit alexandrins dont le mot est carotte ou chien-dent… Ce qu’il y a de plus triste c’est que beaucoup de nos auteurs ont transporté ce feux langage dans la tragédie.
Mais qu’il y pense ou qu’il n’y pense pas, sa méthode historique le trahit, et cette méthode même, il n’en a pas le triste mérite.
Celui dont il est question ici, toujours infaillible et toujours inspiré en ce qui tient aux dogmes et à la discipline de l’Église, — la Papauté, malgré la preuve très aisée à produire que de tous les gouvernements de la terre c’est encore elle qui, politiquement, a le moins erré, — s’est pourtant quelquefois mépris sur le sens d’une situation politique : Léon X, Clément XIV, sont de tristes preuves de cette vérité.
En sorte que les tristes vaincus, que nous consentirons à ne point accabler s’ils ont la franchise d’avouer leur défaite et leur honte, ont perdu le bénéfice de l’alternative où nous les laissions se mouvoir : « Ou mauvaise foi, leur disions-nous, ou aveuglement ; messieurs, il faut choisir. » Frappés, malgré eux, de la lumière qu’ils repoussaient, comment pourraient-ils désormais se dire ignorants et mal informés ? […] Unissons-nous donc, mes frères, non dans un amour qui est devenu impossible, mais dans une commune pitié pour les tristes échantillons que nous sommes tous, chacun à sa manière, de l’humanité misérable. […] La profonde intelligence de cette vérité a trouvé sa plus belle expression dans ce paradoxe de Schiller, dont la justesse égale l’énergie : « Celui qui s’abaisse par une vilenie peut se relever par un crime et se rétablir ainsi dans notre estime esthétique. » Ce qui rend si vilaine, en cette triste fin de siècle, la lutte d’une majorité scélérate contre les hommes de cœur qui refusent de rien mettre au-dessus de la justice, c’est l’absence d’un véritable héros du crime ; c’est qu’au lieu d’écraser les honnêtes gens par un coup de force qui rendrait à l’histoire quelque grandeur tragique, on s’évertue, par de bas et obliques moyens, par mille petits bâtons traîtreusement glissés entre les roues du char, à entraver la marche de la vérité irrésistible. […] La seule nuance nouvelle me semble être que l’obligation d’être nul, en devenant consciente d’elle-même, a pris quelque chose de plus contraint et de plus triste, et que le bavardage des diseurs de riens brode désormais ses phrases vides sur un fond de morne silence gardé par les esprits délicats ou graves que ce vain bruit ennuie.
Arvède Barine la triste histoire de son séjour à l’Île de France. […] Rien n’est plus triste à dire, et rien pourtant ne semble plus vrai ! […] De même que l’histoire de notre vie ne se compose pas, même pour nous, de la totalité des jours que nous avons vécu, mais seulement du petit nombre d’heures, tristes ou lumineuses, que le temps ne nous a pas ravies comme à mesure qu’il nous les accordait ; ainsi, l’histoire d’une littérature ou d’un genre ne se compose pas de tous les efforts qu’une génération a tentés pour se sauver du néant, mais seulement de ceux qui ont réussi. […] Triste hôpital, tout rempli de murmures, Et d’un grand crucifix décoré seulement, Où la prière en pleurs s’exhale des ordures, Et d’un rayon d’hiver traversé brusquement. […] Mais, maintenant, rétablissez l’intégrité du texte, et lisez : Rubens, fleuve d’oubli, jardin de la paresse… Léonard de Vinci, miroir profond et sombre… Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures… Vous pourrez bien, encore ici, discuter la juste équivalence de ces transpositions ; et, si vous êtes « du monde », vous pourrez bien vous égayer de cette comparaison de Rembrandt avec « un triste hôpital », ou de Rubens avec « un oreiller de chair fraîche », mais vous n’en méconnaîtrez pas au moins la singularité, — ni surtout l’étroite ressemblance avec la définition que nos symbolistes donneraient volontiers de leur art.
Je ne connais rien d’aussi triste que ces banales constatations. […] Relisez Fort comme la mort, cette triste étude de l’impossibilité d’être aimé, Notre Cœur, ce morne désespoir de la passion impuissante, et surtout Pierre et Jean, ce terrible drame de famille, c’est là que vous verrez vraiment tressaillir les ressorts de l’âme. […] Les principaux personnages sont des types de premier ordre, comme exactitude psychologique : cette paysanne amoureuse et triste, ce garçon volage qui s’imagine ne pas aimer celle qu’il adore, et ce père qui se lève, prêt à chasser et à maudire son enfant, si celui-ci n’épouse pas la fille qu’il a séduite ! […] Ô souvenir de mes beaux jours, ne pouvez-vous maintenant éclairer un peu mes tristes heures ? […] Peut-être n’eût-elle pas consenti à prolonger son inutile existence, maintenant que l’affection humaine lui présentait un néant plus triste que le néant de la mort.
Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme Ou de vivre en infâme, Des deux côtés mon mal est infini : Ô Dieu, l’étrange peine ! […] En voici un échantillon : Lygdamon, amant rebuté de Sylvie, ouvre la scène par un monologue où il agite cette question, s’il terminera sa triste existence au moyen l’un licol ou d’une épée, ou s’il se précipitera d’un rocher à terre, ou s’il se jettera à l’eau. […] Bois-Robert, dont on a vu ci-dessus30 la triste lettre à l’un des plus acharnés adversaires du grand poète, le détourna de ce projet, et Corneille se rendit à ses conseils. « Maintenant, dit-il, que vous me conseillez de n’y répondre point, vu les personnes qui s’en sont mêlées, il ne faut point d’interprète pour entendre cela. […] Le vieil Horace Ô d’un triste combat effet vraiment funeste !
Ils se gardent bien, en un sujet triste, de pousser l’émotion jusqu’au bout ; ils évitent les grands mots. […] Déjà paraît la conception du monde propre aux peuples du Nord, toute triste et morale.
Ces sociétés, en effet, impliquent des catégories entières de sacrifies, de gens qui doivent se résigner à une vie triste sans espoir d’amélioration. […] Quand les vainqueurs du jour auront réussi à rendre le monde positif, égoïste, étranger à tout autre mobile que l’intérêt, aussi peu sentimental que possible, on trouvera qu’il fut heureux cependant pour l’Amérique que le marquis de Lafayette ait pensé autrement ; qu’il fut heureux pour l’Italie que, même à notre plus triste époque, nous ayons été capables d’une généreuse folie ; qu’il fut heureux pour la Prusse qu’en 1865, aux plans confus qui remplissaient la tête de l’empereur, se soit mêlée une vue de philosophie politique élevée.
» Il donne de tristes détails sur le gaspillage, sur la malhonnêteté générale de l’endroit, signalée par cette phrase qui revient dans sa conversation, comme un refrain : « Vous savez, là-bas, il se gagne une maladie, qui fait voir les choses sous un autre angle qu’en Europe… ça s’appelle la soudanite. » Et la soudanite ferait faire de vilaines et féroces choses. […] — Cette pièce est triste, disait celui-ci.
Cette espèce de seconde vie qu’il donne à ses héros, en les plaçant après leur mort dans des palais de nuages, n’offre qu’un merveilleux assez triste et bientôt épuisé. […] Les descriptions d’Homère sont toujours longues, soit qu’elles tiennent du caractère tendre, ou triste ou gracieux, ou fort, ou terrible, ou sublime. […] Les déserts ont pris sous notre culte un caractère plus triste, plus vague, plus sublime ; le dôme des forêts s’est exhaussé, les fleuves ont brisé leurs petites urnes pour ne plus verser que les eaux de l’abime du sommet des montagnes ; le vrai Dieu, en rentrant dans ses œuvres, a donné son immensité à la nature.
Un style clair, au contraire, n’employant que les mots les plus usuels, et qu’on dirait maigre, si l’on ne distinguait, à première vue, qu’il est vigoureux, musclé comme le fut ce Normand solide, un peu vulgaire d’aspect, qu’une de ses amies — elles furent nombreuses — appela « un taureau triste ». […] Puis il souffrait déjà des suites de la même maladie qui frappa Baudelaire, Nietzsche, Jack London ; chez les artistes, les hommes d’imagination, il arrive que les prodromes de ces accidents, qui doivent un jour les faire sombrer dans de tristes ténèbres, produisent d’abord une excitation singulière, heureuse. […] Estaunié a un très grand talent, un peu triste. […] Cela n’est pas inexact : mais c’est du « réel » dans une sorte de grisaille, dans une ambiance triste.
Et toutes les fois qu’elle a à s’occuper de l’amour, avec quelle complaisance grave et triste elle le fait !
Ce récit fera ce triste effet, et c’est pourquoi je vous le demande ; car, enfin, vous voyez bien que ce ne doit point être le repos qui succède à une douleur comme la mienne, mais un tourment secret et éternel : auquel aussi je me prépare, et à le porter en la vue de Dieu et de ceux de mes crimes qui ont appesanti sa main sur moi.
Ils n’ont pas cette triste sagesse.
M. de Marcellus n’hésita pas un moment entre sa passion naturelle, l’ambition, et son honneur de famille : il se retira, triste mais résolu, dans la campagne et dans les lettres ; il passa les quinze plus belles années de sa vie dans ces loisirs occupés qui lui tenaient lieu de tout, cariatide de sa bibliothèque à Audour et à Paris.
« Nous voudrions qu’il nous fût possible de voiler ce triste épisode.
Il est triste aussi d’errer dans l’étranger ; et d’ailleurs partout ils me saisiront.
XVII Arrivé à Strasbourg, triste, malade, humilié de sa disgrâce en Prusse, il parut hésiter longtemps sur le choix de l’asile où il irait achever de vivre.
Tout l’envers du monde et de l’homme apparaît, triste à voir.
» A cette invitation de Corneille il a été répondu par le drame bourgeois, dont nous verrons au dix-huitième siècle la triste fortune.
Après deux mois écoulés depuis que Natalie m’a fait part de votre départ pour Tréglamus, j’ai un petit moment à moi pour vous exprimer, ma chère et bien bonne amie, toute la part que je prends à votre triste position.
Il avait la ravissante figure rose d’une miss anglaise, de beaux grands yeux, où respirait une candeur triste.