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818. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Notre fondateur d’empires arriva dans cette ville, avec un écu dans sa poche: il est vrai qu’uniquement touché de sa grandeur future, il ne songeait guère à sa misère présente. […] M. de Saint-Pierre, touché de cette marque de tendresse, lui raconta une partie de ses aventures, et promit de tout tenter pour obtenir un emploi dans sa patrie, qui les mît à même de se réunir. […] Madame de la Tour, touchée d’un accueil si tendre, lui dit en la serrant dans ses bras: « Ah ! […] j’ai envie d’aller demander grâce à votre maître ; en vous voyant, il sera touché de pitié. […] Si je te touche seulement du bout du doigt, tout mon corps frémit de plaisir.

819. (1904) Zangwill pp. 7-90

Une raie de peupliers solitaires au bout d’un champ grisâtre, un bouleau frêle qui tremble dans une clairière de genêts, l’éclair passager d’un ruisseau à travers les lentilles d’eau qui l’obstruent, la teinte délicate dont l’éloignement revêt quelque bois écarté, voilà les beautés de notre paysage ; il paraît plat aux yeux qui se sont reposés sur la noble architecture des montagnes méridionales, ou qui se sont nourris de la verdure surabondante et de la végétation héroïque du nord ; les grandes lignes, les fortes couleurs y manquent ; mais les contours sinueux, les nuances légères, toutes les grâces fuyantes y viennent amuser l’agile esprit qui les contemple, le toucher parfois, sans l’exalter ni l’accabler. — Si vous entrez plus avant dans la vraie Champagne, ces sources de poésie s’appauvrissent et s’affinent encore. […] Si donc, et c’était la première cause pour laquelle nul aujourd’hui n’avancerait plus que l’histoire est sur le point d’aboutir et de se clore, si donc l’histoire de l’humanité acquise est loin d’être acquise elle-même, comment l’histoire d’une humanité qui n’est pas acquise elle-même serait-elle acquise ; et quand l’histoire du passé n’est pas près de s’achever, tant s’en faut, comment l’histoire du futur serait-elle près de se clore ; nous touchons ici au secret même de cette faiblesse moderne ; on sait aujourd’hui, on a reconnu, généralement, que la plupart des idées et des thèses prétendues positives ou positivistes recouvrent des idées et des thèses métaphysiques mal dissimulées ; cette idée de Renan, que nous considérons en bref aujourd’hui, qui paraît une idée historique modeste purement, et simplement, cette idée que l’histoire touche à son aboutissement et à sa clôture, implique au fond une idée hautement et orgueilleusement métaphysique, extrêmement affirmée, portant sur l’humanité même ; elle implique cette idée que l’humanité moderne est la dernière humanité, que l’on n’a jamais rien fait de mieux, dans le genre, que l’on ne fera jamais rien de mieux, qu’il est inutile d’insister, que le monde moderne est le dernier des mondes, que l’homme et que la nature a dit son dernier mot. […] « Nous touchons ici aux antinomies de Kant, à ces gouffres de l’esprit humain, où l’on est ballotté d’une contradiction à une autre. […] Sans doute un philosophe comme Hobbes ou Descartes, un érudit comme Henri Etienne, un savant comme Cuvier ou Newton résument à leur façon le large domaine qu’ils se sont choisi ; mais ils n’ont que des facultés restreintes ; d’ailleurs ils sont spéciaux, et ce champ où ils se retirent ne touche que par un coin la promenade publique où circulent tous les esprits. […] Par lui nous voyons les gestes, nous entendons l’accent, nous sentons les mille détails imperceptibles et fuyants que nulle biographie, nulle anatomie, nulle sténographie ne saurait rendre, et nous touchons l’infiniment petit qui est au fond de toute sensation ; mais par lui, en même temps, nous saisissons les caractères, nous concevons les situations, nous devinons les facultés primitives ou maîtresses qui constituent ou transforment les races et les âges, et nous embrassons l’infiniment grand qui enveloppe tout objet.

820. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

La conversation y touche à tout, et chacun se livre et se confesse un peu. […] Touché, mis à l’aise, par l’ovation qu’on lui fait, il nous parle curieusement de la littérature russe, qu’il annonce en pleine voie d’études réalistes, depuis le roman jusqu’au théâtre. […] La causerie touche à Balzac et s’y arrête. […] Un escalier en colimaçon à rampe de bois graisseuse, et de toutes petites portes, et des paliers resserrés, et un labyrinthe de corridors étroits, où les coudes touchent les deux murs. […] Quand j’entends Sainte-Beuve avec ses petites phrases toucher à un mort, il me semble voir des fourmis envahir un cadavre : il vous nettoie une gloire en dix minutes, et laisse du monsieur illustre, un squelette bien net.

821. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

On n’osait y toucher que respectueusement. […] Du terme chien elle nous fait remonter aux attributs mammifère, carnassier et autres qu’il représente, et de ces attributs aux expériences de vue, de toucher, de scalpel, qui leur servent de fondement. […] Nous n’avons point une seconde pierre de touche d’après laquelle nous puissions vérifier l’expérience ; nous faisons de l’expérience la pierre de touche de l’expérience. » Il n’y a qu’elle et elle est partout. […] Or, tous ces cas s’accordent en un point, à savoir, que l’objet qui se couvre de rosée est plus froid que l’air qui le touche. […] Mes doigts touchent la surface d’un cylindre, et l’abstraction en isole les deux éléments générateurs, la notion de rectangle et la révolution de ce rectangle autour d’un de ses côtés pris comme axe.

822. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Il est le type, la pierre de touche. […] Toucher aux enfants est aussi délicat que toucher à la femme. […] — Corneille immoral. — Une tragédie décapitée. — Regardez, mais n’y touchez pas ! […] Il ne faut pas toucher aux œuvres du génie, simplement parce que cela est absurde. […] Regardez-y, mais n’y touchez pas !

823. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — II »

Veuf alors, La Popelinière, en cheveux blancs, fut touché des talents de la jeune comtesse, et on l’entendait souvent répéter avec un soupir : « Quel dommage qu’elle n’ait que treize ans ! 

824. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vacquerie, Auguste (1819-1895) »

Je plaindrais ceux qui ne seraient pas touchés de la douce majesté de cette scène finale où se dresse en plein air une table à laquelle s’assied la foule des malheureux, une table servie dont on ne voit pas les bouts.

825. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 317-322

Le premier Ouvrage fait admirer un esprit lumineux, qui se joue de l’embarras des systêmes, procede avec dextérité à travers les contradictions, développe sans gêne les principes qu’il a établis, & fait adopter ses idées, non en faisant sentir la touche intime de la persuasion, encore moins la force de la conviction, mais par le talent de plaire & d’amuser.

826. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Angelo, tyran de Padoue » (1835) »

Dans l’état où sont aujourd’hui toutes ces questions profondes qui touchent aux racines mêmes de la société, il semblait depuis longtemps à l’auteur de ce drame qu’il pourrait y avoir utilité et grandeur à développer sur le théâtre quelque chose de pareil à l’idée que voici.

827. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IV. Suite des précédents. — Julie d’Étange. Clémentine. »

Le Dieu que je sers est un Dieu clément, un père : ce qui me touche, c’est sa bonté : elle efface à mes yeux tous ses autres attributs ; elle est le seul que je conçois.

828. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre IV. Des Ecrits sur la Poétique & sur divers autres genres de Littérature. » pp. 216-222

Le public a vu avec plaisir les préceptes de nos plus grands maîtres réunis dans un seul corps d’ouvrage ; & comme on n’a pas touché au style des morceaux qu’on a rassemblés, il y a de la variété dans chaque chapitre.

829. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Hallé  » pp. 127-130

Ne sentez-vous pas que si le sermon est des jugements de Dieu, votre orateur aura l’air sombre et recueilli, et que votre auditoire prendra le même caractère ; que si le sermon est de l’amour de Dieu, votre orateur aura les yeux tournés vers le ciel, et qu’il sera dans une extase que les peuples qui l’écoutent partageront ; que s’il prêche la commisération pour les pauvres, il aura le regard attendri et touché, et qu’il en sera de même de ses auditeurs.

830. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vien » pp. 202-205

Rien n’est comparable aux fleurs pour la vérité de la couleur et des formes, et pour la légèreté de la touche.

831. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 49, qu’il est inutile de disputer si la partie du dessein et de l’expression, est préferable à celle du coloris » pp. 486-491

Le partisan du Titien de son côté, plaint le partisan du Poussin, de préferer au Titien un peintre, qui n’a pas sçû charmer les yeux, et cela pour quelques inventions dont il juge que tous les hommes ne doivent pas être beaucoup touchez, parce que lui-même il ne l’est que médiocrement.

832. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Alcide Dusolier »

C’est un talent enfin de touche ailée, tant elle est légère, et précise aussi quand il le faut.

833. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre X. De la chronologie poétique » pp. 235-238

Usant d’abord du langage muet, ils montrèrent autant d’épis ou de brins de paille, ou bien encore firent autant de fois le geste de moissonner, qu’ils voulaient indiquer d’années… Dans la chronologie ordinaire, on peut remarquer quatre espèces d’anachronismes. 1º Temps vides de faits, qui devraient en être remplis ; tels que l’âge des dieux, dans lequel nous avons trouvé les origines de tout ce qui touche la société, et que pourtant le savant Varron place dans ce qu’il appelle le temps obscur. 2º Temps remplis de faits, et qui devaient en être vides, tels que l’âge des héros, où l’on place tous les événements de l’âge des dieux, dans la supposition que toutes les fables ont été l’invention des poètes héroïques, et surtout d’Homère. 3º Temps unis, qu’on devait diviser ; pendant la vie du seul Orphée, par exemple, les Grecs, d’abord semblables aux bêtes sauvages, atteignent toute la civilisation qu’on trouve chez eux à l’époque de la guerre de Troie. 4º Temps divisés qui devaient être unis ; ainsi on place ordinairement la fondation des colonies grecques dans la Sicile et dans l’Italie, plus de trois siècles après les courses errantes des héros qui durent en être l’occasion.

834. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Une page de Virgile, que vous avez fait réciter à vingt écoliers pendant vingt ans vous touchera-t-elle encore ? […] Ils ne plaignent pas leur peine ; ils ne s’écoutent pas ; tel malade et goutteux mène sa goutte « tantôt fendre du bois, tantôt fouir, houer. » « Goutte bien tracassée est, dit-on, à demi pansée. » Tel ayant offensé son seigneur, se laisse « émoucher les épaules » de vingt bons coups de bâton avant de toucher à son précieux magot. […] Cela touche au vif l’homme qui, pour rendre son âne « plus frais et de meilleur débit », l’a lié par les pieds et le porte comme un lustre. […] Où sont les mots vrais, capables de toucher et de peindre ? […] Il veut toucher les deux ou trois passions éternelles qui mènent l’homme, les quelques facultés maîtresses qui composent la race, les quelques circonstances générales qui façonnent la société et le siècle.

835. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Bernardin de Saint-Pierre, qui avait écrit tard, touchait lui-même à ses jours avancés. — MM.  […] Si Jean-Jacques Rousseau subjugue la raison et la trompe, Bernardin de Saint-Pierre touche le cœur et cherche à l’éclairer. […] Voilà comment je touchai de près à la destinée de ce philosophe et de ce poëte. […] Ses déclamations charment l’esprit, mais ne touchent pas longtemps le cœur ; le cœur sent vite qu’il est dupé par un sophiste de sentiment. […] Comme l’aiguille touchée de l’aimant, elle a beau être agitée, dès qu’elle rentre dans son repos, elle se tourne vers le pôle qui l’attire.

836. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Bien que l’art puisse donner, dans une certaine mesure, un caractère de généralité à tout ce qu’il touche, il y a dans l’aveu public des angoisses du cœur et de ses voluptés non moins amères, une vanité et une profanation gratuites. […] Ce sont de riches fantaisies qui charment et qui touchent, mais rien de plus. […] En dernier lieu, non seulement l’artiste sans pareil vivifie ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il touche, mais, par surcroît, il excelle à exprimer avec précision ce qui est vague dans l’âme et confus dans la nature. […] En fait de tendresse et de mélancolie, le poète syracusain ne saurait lutter contre Alfred de Vigny ; il est rude et passionné ; ses paysages sont des études de nature vigoureuses et vraies, et quand il touche aux choses épiques, c’est avec une force et une hauteur peu communes. […] Doué d’un esprit très lucide, d’un tact très fin et d’une rare compréhensivité intellectuelle, l’auteur des Fleurs du Mal, des Paradis artificiels et de la traduction des œuvres d’Edgard Poe, a blessé violemment, tout d’abord, le sentiment public, non seulement dans celles de ses poésies qui touchaient à l’excès, mais aussi dans ses conceptions les plus réfléchies et revêtues des meilleures formes.

837. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Un musicien pianiste, qui n’a jamais touché un violon, peut se jouer intérieurement un morceau de violon étendu, soit de mémoire, soit en lisant la musique ; il peut également composer en lui-même un morceau pour violon ou pour tout autre instrument que le piano. […] Il représente un homme accroupi ; le bras gauche pend inactif le long du corps, tandis que l’autre, par un mouvement très accentué, porte à la bouche les doigts de la main droite ; cet idéogramme est employé indifféremment pour exprimer les idées suivantes : manger, boire, crier, parler, méditer, connaître, juger, c’est-à-dire pour « toutes les actions : 1° de la bouche, 2° de la pensée145. » Rien de plus curieux que cette homonymie idéographique ; il semble que l’individu représenté localise sa pensée dans sa bouche ; or cette localisation ne se comprend que si la parole intérieure lui paraît un phénomène buccal, en d’autres termes si elle est pour lui une hallucination faible du toucher buccal en même temps qu’une image sonore. […] Si, d’autre part, l’image tactile était absolument anéantie, la même quantité de conscience s’appliquant dans un temps donné aux voyelles et aux consonnes, les premières ne sauraient être plus profondément enracinées dans les mémoires que les secondes, et la linguistique trouverait aux unes et aux autres la même fixité dans l’évolution des langues ; or il est constant que, dans le cours des siècles, les voyelles subissent en général plus de changements que les consonnes ; ce phénomène nous invite à accorder à l’image tactile une intensité minimum toujours positive, toujours supérieure à zéro ; mais la lenteur de l’évolution des voyelles, et la réalité d’une évolution parallèle, bien que plus lente encore, des consonnes, prouvent que l’élément tactile de la parole intérieure est bien loin d’avoir l’importance qui lui est attribuée par l’école du toucher. […] Les choses se passent ainsi pour les sensations de la vue et du toucher, où l’étendue, immédiatement donnée avec la qualité et l’intensité, semble appeler la perception externe. […] Il y a de grandes analogies, toute métaphysique mise à part, entre la psychologie de Bain et celle de Maine de Biran ; grâce à cette double influence, le toucher et son complément, sens musculaire, ont pris dans les théories psychologiques modernes une place exagérée, au détriment de la vue et de l’ouïe [ch.

838. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Quant à lui, il ne croit pas indéfinie l’évolution du vers ; il pense qu’elle touche à son terme dans les poésies de Victor Hugo. […] J’y suis visé directement et ma fidélité aux principes de notre poétique traditionnelle en ce qui touche les rythmes y est combattue avec autant d’élévation que de déférence. […] Mais il ne toucha pas au fond même des choses. […] Mais on n’aura pas touché à l’essence même du vers classique régulier français, dont la caractéristique véritable, en face des vers des langues anciennes et étrangères, est de reposer sur la rime et sur la numération des syllabes et non sur une combinaison de longues et de brèves. […] Mais ces arguments ne touchent en rien à tout un ensemble de vérités opposées.

839. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Le sublime du sentiment est d’une autre espèce : il touche le cœur en soulevant ses passions naturelles. […] Nul écrivain ne fut plus insinuant, plus gracieux, plus suave, ne sut mieux se parer sans fard, et ne toucha le cœur de traits plus pénétrants. […] Sa morale touche immédiatement nos conditions et nos esprits. […] Lorsqu’un peuple est offert en victime, l’assemblage de ses calamités touche trop vaguement la pitié pour la rendre aussi profonde qu’à l’aspect d’une seule personne sacrifiée. […] Instruits de cette triple condition des unités, déclarons la difficulté d’y satisfaire, et particulièrement en ce qui touche celle du lieu.

840. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Le public en général, la critique en particulier, tiennent à pouvoir toucher le mollet de la Muse. […] Tout idéalisme, chez les philosophes, est constructif, et par-là il touche à l’œuvre d’art. […] Tous nos sens sont des transformations du toucher. […] Tout cela, dans les quatre vers qui ferment et qui arrêtent ce poing, est visible, sensible, se touche comme des os sous de la chair bien nourrie. […] Et par ce détour, que j’ai fait pour que l’on touchât les dessous d’une image motrice, ne rejoignons-nous pas la théorie mallarméenne de l’absence ?

841. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Il y a des caricatures d’intérieur touchées d’un mot : « Au déjeuner, M. de Casembrood (le chapelain) lit d’ordinaire dans la Bible, en robe de chambre et bonnet de nuit, et cependant en bottes et culottes de cuir, ce qui compose en vérité une figure très-risible et point charmante. […] Je vois un homme malade, je le soulage autant qu’il m’est possible : s’il meurt, quel qu’il soit, cela me touche peu. […] Cet intérieur nous est de tous points touché. […] Nous touchons au point délicat, pour lequel il a fallu à Mme de Charrière des qualités supérieures à celles d’un talent simplement aimable, une veine franche, et, comme l’a très-bien dit un critique d’alors, une sorte de courage d’esprit. […] Le culte de Jean-Jacques et de Voltaire au Panthéon, un clergé-philosophe substitué à un clergé-prêtre, la liberté, l’éducation, tous ces sujets à l’ordre du jour, y sont touchés : aucun engouement, chaque chose jugée à sa valeur, même Mme de Sillery (de Genlis) : « J’admire, dit Constance, quelques-unes de ses petites comédies ; je fais cas de cet esprit roide et expéditif que je trouve dans tous ses ouvrages ; j’y reconnais à la fois sa vocation et le talent de la remplir.

842. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Loin donc de blâmer Aristote d’avoir composé un traité de poétique, il faut l’en remercier ; car, depuis deux mille ans passés, ce traité a fait loi sur presque tous les points qu’il touche et qu’il a réglés définitivement. […] « Mais une première réponse à cette objection, c’est que cette critique ne porte pas sur la poésie, et qu’elle ne touche que l’art du comédien ; on peut exagérer les gestes, même en ne récitant que de simples rapsodies, comme faisait Sosistrate, et même en chantant, comme faisait Mnasithée d’Opunte. […] Mais si l’âme échappe à la prise des sens, s’ils ne peuvent ni la voir ni la toucher, l’âme se voit et se touche elle-même. […] La philosophie n’impose point de symbole à personne, parce qu’avant tout elle respecte la liberté, sans laquelle l’homme n’est point ; elle ne donne à personne des croyances toutes faites ; mais à tous ceux qui la suivent, elle apprend à s’en faire ; et elle ne peut que plaindre ceux que ne touche pas la foi d’un Socrate.

843. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Sans doute vous trouverez dans Werther quelques sujets de raillerie malicieuse qui prêtent à rire à la spirituelle malignité d’un esprit français, mais l’âme ne rit pas quand elle est touchée ; or Werther est un cri de la torture de l’âme. […] J’ai touché avec lui au fond de l’abîme humain. […] « J’avais pensé, disait-il, que je partirais avant lui ; mais Dieu dispose tout comme il le trouve bien, et à nous autres pauvres mortels il ne reste rien qu’à tout supporter, et à rester debout comme il le veut et tant qu’il le veut. » La nouvelle funèbre trouva la grande-duchesse mère à son château d’été de Wilhelmsthal ; les jeunes princes étaient en Russie. — Goethe partit bientôt pour Dornbourg, afin de se soustraire aux impressions troublantes qui l’auraient entouré chaque jour à Weimar, et de se créer un genre d’activité nouveau et un entourage différent. — Il lui était venu de France des nouvelles qui le touchaient de près et qui avaient réveillé son attention ; elles l’avaient ramené une fois encore vers la théorie du développement des plantes. — Dans son séjour champêtre il se trouvait très bien placé pour ces études, puisqu’à chaque pas qu’il faisait dehors il rencontrait la végétation la plus luxuriante de vignes grimpantes et de plantes sarmenteuses. […] Mais il était au milieu de nous comme un être d’une nature supérieure, que les souffrances de la terre ne touchent pas. […] J’étais très touché de cet amour maternel qui brave le danger et la prison, et j’exprimai mon étonnement à Goethe : « Homme de peu de raison !

844. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Nous sommes plus touchés quand, parmi ces dures et précises pierreries virgiliennes, un joyau bouge, tremble, vit, est une larme, et nous fait ressouvenir que ce poète officiel, ce poète-lauréat et ce roi des parnassiens mérita par sa douceur d’être appelé « la jeune fille. » L’auteur de l’Imitation Il est à la mode. […] Ce qui me touche, c’est que la consommation de ce sacrifice inouï laissa en lui des faiblesses. […] Dans le chapitre de la Ville, il plaint les citadins qui « ignorent la nature, ses commencements, ses progrès, ses dons et ses largesses… Il n’y a si vil praticien qui, au fond de son étude sombre et enfumée… ne se préfère au laboureur qui jouit du ciel… » Tout ce que développeront un jour Rousseau, Bernardin, Chateaubriand et Sand n’est-il pas enclos dans ces deux brèves et charmantes pensées : « Il y a des lieux qu’on admire ; il y en a d’autres qui touchent et où l’on aimerait à vivre  Il me semble que l’on dépend des lieux pour l’esprit, l’humeur, la passion, le goût et les sentiments. » L’auteur des Caractères était essentiellement de ces esprits ouverts, « vacants » et inquiets, révoltés contre le présent, ce qui donne une bonne posture dans l’avenir ; de ces âmes qui sentent beaucoup et pressentent plus encore, par un désir de rester en communion avec les hommes qui viendront, et par une sympathie anticipée pour les formes futures de la pensée et de la vie humaine. […] En littérature, il n’a touché aux opinions traditionnelles que pour les redresser rudement, souvent pour en prendre le contre-pied. […] Il fut des premiers, voilà huit ou dix ans, à discerner que le naturalisme touchait à son déclin, et il eut l’idée de s’en ouvrir à M. 

845. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Je suis sûr que, si on touchait leur peau du bout du doigt, on les sentirait élastiques et froides comme le python de Salammbô. […] Il glissait comme une anguille entre les bras de son adversaire et a si bien lassé le gros homme qu’il a fini par le faire « toucher ». […] Il suffit peut-être que l’on y meure de façon à toucher ou à effrayer. […] J’ai vu, j’ai touché, avec respect, avec émotion. […] C’est depuis que les premiers « rayons d’hiver » ont touché son front qu’il a su se faire un plus riche sérail.

846. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Mais cette soumission touchait à son terme. […] L’amour ainsi conçu touche de près à la folie, car il paralyse, il anéantit toutes les facultés. […] Hugo touche à une heure décisive ; il a maintenant trente-six ans, et voici que l’autorité de son nom s’affaiblit de plus en plus. […] Depuis vingt ans, il combat pour la célébrité, pour la popularité de son nom ; il croyait avoir touché le but, et il comprend qu’il s’était trompé. […] Quoique l’attendrissement domine dans la composition de Catherine, il y a cependant plus d’une scène qui touche à la bonne comédie.

847. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Il n’eût pu dire s’il était touché ou humilié. […] L’invraisemblance touche ici au paradoxe, et, si l’écrivain était moins consommé dans son art, le livre ici tomberait des mains de tout le monde comme il est tombé des miennes. […] Les hommes ne l’avaient touché que pour le meurtrir. […] On l’aurait réhabilité avec l’honneur, ou bien il aurait été toucher à loisir ses 700 000 fr. chez M. 

848. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

J’avais à peine quarante ans, il touchait à quatre-vingts ans. […] Ses attentions me touchaient beaucoup. […] Je les ai semées, j’ai le plaisir de les arroser et de les voir, mais je ne les touche jamais. […] Mes yeux étaient pleins de larmes : qui n’eût été touché d’une telle affection ?

849. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

« Montesquieu, touché du récit de ce jeune homme et de l’état de cette famille intéressante, s’informe du nom du père, du nom du maître auquel il appartient ; il se fait conduire à terre, donne au batelier sa bourse qui contenait seize louis d’or et quelques écus, et s’échappe… Six semaines après, le père revient dans sa maison. […] « Ces faits posés, je raisonne ainsi : L’Asie n’a point proprement de zone tempérée, et les lieux situés dans un climat très-froid y touchent immédiatement ceux qui sont dans un climat très-chaud, c’est-à-dire la Turquie, la Perse, le Mogol, la Corée et le Japon. […] « De là il suit qu’en Asie les nations sont opposées aux nations du fort et du faible ; les peuples guerriers braves et actifs touchent immédiatement des peuples efféminés, paresseux, timides : il faut donc que l’un soit conquis, et l’autre conquérant. En Europe, au contraire, les nations sont opposées du fort au fort ; celles qui se touchent ont à peu près le même courage.

850. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

nous touchons ici au principe même de l’art. […] L’autre, au contraire, saisit la vie dans tous les moules qu’elle revêt ; il se place dans un point de l’espace et du temps, et s’y enracine profondément ; il sépare, il anime chaque objet qu’il touche ; il en projette au loin les reflets et les ombres ; il en décrit tous les rapports, toutes les harmonies et tous les contrastes. […] Il regarde la Corse et Sainte-Hélène, et y lit la destinée de Napoléon ; il voit cette destinée dans la bombe qui, partie de la terre, y revient après avoir touché le ciel ; il la voit dans le Vésuve, que l’œil découvre toujours au milieu de tous les sites et de toutes les merveilles de l’Italie ; et il rendra un culte d’artiste aux pyramides et à la colonne où Napoléon lui-même, ce grand artiste, a imprimé son sceau. […] La poésie que je sens encore dans sa réalité, c’est la poésie intime, la grande élégie de Joseph Delorme : un enfant de génie, qui a cru à cette égalité dont on a assourdi ses oreilles dès le berceau ; un homme qui se sent le cœur grand, les passions énergiques et la tête puissante ; qui rêve, dans une société équitable, la gloire et les plaisirs qui lui sont dus, et qui se trouve, lui poète, dans un hôpital, occupé à disséquer des cadavres ; qui se plonge dans l’athéisme obscur de Bichat et de Cabanis, se dessèche avec Locke et Condillac, jette un regard sur leurs successeurs parlant de liberté, de devoir et de vertu, et ne trouve en eux que des sophistes ; homme du peuple, plein de sympathie pour ce peuple qu’il voit traité comme un vil troupeau, plein de dégoût pour toutes ces distinctions de rangs fondées sur une absurdité et sur une iniquité ; cherchant avec enthousiasme la vertu pour l’honorer, et ne sachant à quel signe la découvrir ; à la fois emblème de la souffrance de l’artiste et de celle du peuple ; et qui finit par prendre en mépris le monde et l’Humanité, ne voit dans l’univers qu’un destin aveugle, et, relevant sa tête hors du tombeau où il est déjà couché, et où, brisé par la souffrance, il hésite devant le suicide, exhale ses derniers moments en sanglots étouffés, en plaintes arides, en ironie amère, entremêlés de chants sublimes et d’efforts qui touchent à la folie.

851. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Il avait déjà touché au Saint-Graal dans Lohengrin, qui restera son chef-d’œuvre par la beauté de l’inspiration comme par l’harmonie de l’ensemble. […] C’est à qui lui touchera le menton, lui jettera les bras autour des épaules. « Il est à moi ! […] Mais Parsifal touche sa blessure avec la pointe de la lance merveilleuse, et Amfortas se sent guéri. […] Ses livres contiennent le monde inorganique et celui de la vie, vont de la psychologie à la sociologie et à la morale, non sans toucher à l’esthétique, dans les Premiers principes, les Principes de Psychologie et les Essais.

852. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Vous touchez là au grand secret ! […] Le vers du Dante devrait être inscrit sur la nature physique comme sur la nature morale : Vous qui touchez à ces limites, laissez toute espérance de les dépasser. […] On les voit ensuite se répandre dans leurs petits jardins bordés de sureaux, dont la fleur ressemble à la neige qui n’a pas encore été touchée du soleil ; elles y cueillent des giroflées qu’elles attachent par une épingle à leurs manches, pour les respirer tout le jour en travaillant. […] Le caillou que le rayon a touché est déjà tiède à ma main ; le vent lui-même semble avoir traversé l’haleine de l’aurore du printemps ; il souffle sur les collines, comme notre mère, quand nous étions petits et que nous rentrions tout transis de froid, soufflait sur nos doigts pour les dégourdir.

853. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Souffre donc que cet enfant, dont à ta vue le petit cœur palpite d’un mouvement involontaire, t’embrasse, te touche de ses douces lèvres ; car il n’est pas dans la nature de sensation plus délicieuse que le toucher d’un enfant. […] » — Le char vole. « Voyez », dit l’écuyer à son tour au prince, « comme ces nobles coursiers, depuis que les rênes ne retiennent plus leur élan, portent avec grâce en avant leurs fumants poitrails ; la poussière qu’ils élèvent, sans que le fouet les touche, fuit en tourbillons derrière eux ; leurs aigrettes, tout à l’heure agitées sur leurs têtes, semblent maintenant immobiles par la résistance de l’air qu’ils fendent ; ils dressent avec énergie leurs oreilles veinées et nerveuses ; non, ils ne courent pas, ils glissent sur la plaine émaillée de fleurs. » — « J’atteins si vite les objets que je viens à peine d’apercevoir dans le lointain, répond le prince, et je les dépasse si rapidement, que rien n’est loin, rien n’est près de moi. » XVI Le char vole. — Près d’atteindre une gazelle qui s’est levée au bruit, un cri d’effroi s’élève de derrière un rideau d’arbres : « Épargnez la gazelle !  […] ce que tu ne faisais que soupçonner est à présent changé pour toi en certitude ; ce que tu aurais craint de toucher il n’y a qu’un instant à l’égal du feu, tu peux t’en parer comme de la perle la plus précieuse ! 

854. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

. — Le roi, en faisant le tour des lignes, a passé à l’hôpital pour voir si l’on avait bien soin des blessés et des malades, si les bouillons étaient bons, s’il en mourait beaucoup, et si les chirurgiens faisaient bien leur devoir. » La ville a demandé à capituler après seize jours de tranchée ouverte : « Le roi, dit Dangeau, a donné ce matin (9 avril) à Vauban 100000 francs, et l’a prié à dîner, honneur dont il a été plus touché que de l’argent. […] Le roi en paraît fort touché, et a dit ce soir à M. mon frère : « Si nous sommes assez malheureux pour perdre ce pauvre homme-là, celui qui en porterait la nouvelle au prince d’Orange serait bien reçu » Et ensuite il a dit à M. 

855. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Au reste, le même abbé Le Dieu les rétractera pour sa part ces messéantes paroles, autant qu’il sera en lui ; car Bossuet mort, et peu de mois après, ayant eu l’occasion de faire un voyage à Cambrai, il fut séduit, il fut charmé comme tous ceux qui approchaient de l’aimable et de l’édifiant archevêque ; et ce même homme qui avait couché dans son journal ce que, par égard pour Bossuet même, on en voudrait effacer, écrivait à Mme de La Maisonfort, en racontant tout ce qu’il avait ouï et vu de la vénération unanime partout acquise à Fénelon : Mais je m’en tiens à ce que j’ai vu dans Cambrai, où tout est à ses pieds : on est frappé de la magnificence de sa table, de ses appartements et de ses meubles ; mais, au milieu de tout cela, ce qui touche bien davantage, c’est la modestie et, à la lettre, la mortification de ce saint prélat. […] Il y a bien des années, et avant qu’une critique investigatrice eût rassemblé autour de cette figure de Bossuet tous les éclaircissements et toutes les lumières, un écrivain de beaucoup d’esprit, s’essayant à définir le grand évêque gallican, disait : « Bossuet, après tout, était un conseiller d’État. » Si par là on ne voulait dire autre chose, sinon qu’il y avait en Bossuet un homme politique, un homme capable d’entrer dans le ménagement des personnes et la considération des circonstances, on avait raison ; mais si l’on prétendait aller plus loin, toucher au fond de sa nature et infirmer l’idée fondamentale du prêtre, on se tromperait : car au fond de cette nature, telle qu’elle ressort aujourd’hui de tous les témoignages et qu’elle nous apparaît dans une continuité manifeste, il y a avant tout et après tout un croyant.

856. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

. — « Je m’étonne toujours, dit-il, qu’on ait pris part à de si grandes choses, touché à de si grandes affaires et vécu en telle compagnie, et qu’on n’ait que cela à dire ? Ce peu pourtant est très digne d’être lu… » M. de Tocqueville avait un peu du dédain des esprits établis pour les aventuriers qui se risquent et commencent, pour ceux qui, engagés à corps perdu dans l’action, ne s’avisent pas d’en raisonner ; il oubliait qu’on ne raisonne pas des choses à perte de vue quand on les touche à bout portant.

857. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

La musique ne le touchait pas ; il semblait même qu’ellel’ait irrité (témoin ses colères contre Lulli et contre Quinault), et tout ce qui se chantait lui paraissait aisément fade, lubrique ou extravagant. […] Une Fée, à son tour, l’a touché ; il a eu un don.

858. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Mais les plans des représentants sont-ils donc comme l’Arche du Seigneur, qu’on ne puisse les toucher du doigt sans être frappé de mort ? […] Comme on est touché de voir Napoléon demeuré à jamais reconnaissant envers Dugommier, le premier général digne de ce nom qu’il ait rencontré, et qui ait deviné son prochain essor et sa grandeur !

859. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Cependant je ne veux pas nier que Arndt, Kœrner et Rückert ont eu quelque action. » Ici le bon Eckermann eut une distraction, et sans trop y penser, mettant le doigt sur un point délicat, il dit à Gœthe : « On vous a reproché de ne pas avoir aussi pris les armes à cette époque, ou du moins de n’avoir pas agi comme poëte. » Gœthe, touché à un endroit sensible, tressaillit un peu, et, tout ému, il trouva, pour répondre, de bien belles et hautes paroles : « Laissons cela, mon bon ! […] Dès le commencement, avec les Bardes anglais et les Critiques écossais ; il blessa les meilleurs écrivains… Loin de reculer, dans son ouvrage suivant il continue son opposition et ses blâmes, il touche l’État et l’Église.

860. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Virgile de même mourut, on le sait, au retour d’un voyage en Grèce, au moment où il touchait le sol italique. […] Et le père de s’attendrir sur ces marques de bon cœur et de sensibilité de son fils : « S’il se montre ainsi touché pour une femme qui n’a été qu’une simple connaissance, que serait-ce s’il l’avait aimée en effet !

861. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Tous ces miracles tiennent plus de la bonté que de la puissance, et ne surprennent pas tant les spectateurs qu’ils les touchent dans le fond du cœur. » Quant à la doctrine, il la montre également humaine, appropriée, et tempérant la hauteur par la condescendance : « C’est du lait pour les enfants et tout ensemble du pain pour les forts. […] Ce qui les forme, ce qui les achève, ce sont des sentiments forts et de nobles impressions qui se répandent dans tous les esprits et passent insensiblement de l’un à l’autre… Durant les bons temps de Rome, l’enfance même était exercée par les travaux ; on n’y entendait parler d’autre chose que de la grandeur du nom romain… Quand on a commencé à prendre ce train, les grands hommes se font les uns les autres ; et si Rome en a porté plus qu’aucune autre ville qui eût été avant elle, ce n’a point été par hasard ; mais c’est que l’État romain constitué de la manière que nous avons vue était, pour ainsi parler, du tempérament qui devait être le plus fécond en héros. » La guerre d’Annibal est très-bien touchée par Bossuet ; et quand il a bien saisi et rendu le génie de la nation, la conduite principale qu’elle tint les jours de crise, et le caractère de sa politique, il ne suit pas l’historique jusqu’au bout, comme l’a fait et l’a dû faire Montesquieu.

862. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Ceux mêmes qui lui déplairont et qui le heurteront dans sa politesse, les hommes à écorce un peu rude (les Rœderer, les d’Argout), il ne les touchera qu’en passant. […] Il y met du sien, sans avoir l’air d’y toucher.

863. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Un excellent critique a déjà noté la singularité de ces heureux hasards, et en a touché la raison. […] Nous aurions encore çà et là plus d’une remarque à y faire ; mais l’essentiel est dit, et les points sont touchés auxquels nous tenions.

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