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1438. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

Et pour ne prendre ici que l’amour, quel homme l’a senti et ne sera touché jusqu’aux larmes des pensées suivantes, que nous détachons presque au hasard ?

1439. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Une foule de pensées justes et d’observations frappantes ressortent de cette Correspondance et augmentent le trésor du lecteur : « Je ne crois pas avec les La Rochefoucauld et les Montaigne que les quatorze quinzièmes des hommes soient des fripons : je crois que cette proportion doit être singulièrement restreinte en faveur de l’honnêteté commune ; mais j’ai toujours reconnu que les fripons abondent à la surface, et je ne crois pas que la proportion soit trop forte pour les classes supérieures et pour ceux qui, s’élevant au-dessus d’une multitude ignorante et abrutie, trouvent toujours moyen de se nicher dans les positions où il y a du pouvoir et du profit à acquérir. » L’expression, en maint endroit, s’anime de bonhomie et de grâce : « Cela, dit-il, en parlant de l’incandescence politique, cela peut convenir aux jeunes gens, pour qui les passions sont des jouissances ; la tranquillité est le lait des vieillards. » Le portrait que Jefferson a tracé de Washington est digne de tous deux : la beauté morale reluit dans ces lignes calmes et précises, dans cette touche solide.

1440. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

C’est une arme facile à l’usage des gens qui sont à bout de raisons ou qui ne savent pas raisonner : que de discussions où l’on voit les adversaires se jeter mutuellement leurs vérités au nez, n’avoir souci que de se noircir réciproquement, sans toucher au sujet qui est en délibération, comme s’il suffisait de déshonorer son contradicteur pour prouver qu’on a raison sur un fait particulier !

1441. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Cette étrange histoire, nous en touchons du doigt la vérité, jour par jour, heure par heure.

1442. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Huysmans touche à un sujet, il le considère quasiment en ennemi à vaincre (parce que, disions-nous, il joue la difficulté et qu’une de ses œuvres a toujours des côtés de réussite).

1443. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Par sa conversation, la vie sociale s’était perfectionnée ; les personnes s’étaient classées ; les sympathies d’esprit, de cœur, de caractère, même de conditions sociales, s’étaient rencontrées, reconnues, agrégées ; les existences se touchaient diversement ; les distinctions les plus faiblement marquées entre les personnes, mettaient des nuances dans leurs relations réciproques.

1444. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Les dessins lavés au bistre et à l’encre de la Chine sont sublimes, tout à fait dans le goût des plus grands maîtres ; rien de maniéré, de petit, ni de moderne soit pour la composition, soit pour les caractères, soit pour la touche.

1445. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

Les beautés de la melodie couloient encore d’une source particuliere, je veux dire du choix des accens ou des tons convenables aux paroles et propres par conséquent à toucher le spectateur.

1446. (1912) L’art de lire « Chapitre VI. Les écrivains obscurs »

Toutes les règles subtiles d’un style ont là leur origine : en même temps elles éloignent, elles créent la distance, elles défendent l’entrée ; en même temps elles ouvrent les oreilles de ceux qui nous sont parents par l’oreille. » A la vérité, ce travail de Protée des auteurs difficiles, ce noli me tangere, noli me intelligere, est assez vain, puisqu’ils seront compris, adoptés, du moins « touchés » par ceux précisément, en majorité, par qui ils redoutent d’être entendus et dont ils craignent le contact, c’est-à-dire par les sots ; et ce sont ceux qui comprennent peu qui courent tout droit aux choses les plus difficiles à comprendre.

1447. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

« Ce beau et insolent Léandre » (comme l’appelle spirituellement Vitu), qui toucha à la hache révolutionnaire avec une intrépidité aussi méprisante que Charles Ier lui-même, qui la cinglait du bout de sa canne, avait un sens politique très sûr dans sa tête téméraire.

1448. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

Vers la fin du volume, l’Écrivain, qui n’avait touché qu’un mot de ces deux succès : Indiana et Valentine, l’Écrivain envahit la femme qui se dérobe et le bas-bleu s’étend sur sa vie.

1449. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Eh bien, nous demandons s’il est permis de toucher à cette idée, de la modifier, de la changer, de la remplacer par une autre au gré de son intérêt, de son caprice ou des besoins quelconques de sa personnalité de traducteur ?

1450. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

Philosophe qui se surveille et qui se lave beaucoup les mains, dès qu’il a touché à la théologie, il n’efface pas du moins sur son front la trace de son baptême, et quand il approche le plus de l’Académie, il se dit chrétien avec une honnête rougeur.

1451. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Ils n’avaient pas pour rien communié à la salle de la rue Taitbout, mais cela se comprend et cela touche presque… Ce qui unit peut-être le mieux les hommes pour les jours de maturité et de sagesse, ce sont les sottises faites en commun dans la jeunesse ; ce sont les bêtises de leur printemps !

1452. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Celui qui gît sur cette couche N’a pas dit ce qu’il éprouvait, Mais l’arrêt ancien qui le touche Depuis longtemps il le savait !

1453. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Mais on peut dire du moins qu’on a rarement touché d’une main plus délicate, plus femme et plus fée, à une situation plus commune, pour en tirer des effets tout à la fois plus amers et plus doux.

1454. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

Malheureusement, s’il est toujours écrivain et peintre, Édouard Salvador est aussi presque toujours un penseur plus ingénieux que solide, qui touche de l’Histoire en artiste, au profit d’intérêts et d’idées que nous ne pouvons accepter dans l’éclat de leur prétention.

1455. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

« Tu iras chez les Daces, au Septentrion ; et, à travers les flots de la mer Égée, tu toucheras Thessalonique.

1456. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Cependant il s’est trouvé des poètes qui ont élevé à la dignité d’une doctrine et d’une théorie de l’art leur indifférence dédaigneuse pour tout ce qui touche les cœurs ou amuse les esprits. […] Nous sommes manifestement, en ce qui touche la religion, dans une période d’incertitude, de métamorphose et de crise douloureuse, contraire à la saine vigueur de l’esprit et funeste à la longue à l’inspiration poétique. […] Et toute la bohème, quand elle est naturelle et sincère, a de ces retours-là ; et voilà pourquoi elle est humaine, et nous plaît, et nous touche. […] Mais il est un point par lequel ces deux grands esprits se touchent et se ressemblent : la santé, le bel équilibre des facultés intellectuelles ordonnées et maintenues sous la suprématie de la raison. […] La Bruyère se met en frais pour exprimer des idées qui la plupart du temps ne valent point cette grande dépense de style ; La Rochefoucauld, plus profond et plus fin, ne fait pas de bruit et, sans avoir l’air d’y toucher, n’écrit que des mots qui vont loin.

1457. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Il touchait au chevet de son père. […] On toucha aux îles ; on reconnut le phare de l’Enfant-Perdu ; on approcha de Cayenne. […] Bien petite tache dans cet ensemble impressionnant et où, je le répète, la délicatesse de touche et le respect du naturel feraient tout passer. […] Le dîner touche à sa fin, sans une fleur froissée aux bordures odorantes des surtouts et des couverts, sans une parole plus haute, un geste plus animé. […] Theuriet de ne pas lui avoir donné gain de cause, et de ne pas lui avoir fait toucher ces millions.

1458. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

C’est ainsi que notre civilisation touche aux temps primitifs et que l’art revient à son point de départ. […] L’air n’est parfumé que parce qu’il a touché ta chevelure. […] Il est rare qu’un écrivain ait touché la corde exotique sans remuer le public. […] Pierre Loti : il peut être sûr de l’avoir touchée à fond. […] Nous touchons ici du doigt ce qui manquait à Sainte-Beuve pour être vraiment un critique influent et divinateur.

1459. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Les gens du monde ont des façons vraiment particulières de comprendre et de juger les choses qui touchent à la littérature. […] Et ce qui est curieux, c’est qu’on ait touché à tout, sauf à l’appareil de la justice ! […] Il ne faudrait pas toucher à sa gloire, que chaque année élargit et renforce d’éblouissements nouveaux. […] On pourra voir et toucher ! […] … Quant aux ouvriers ils touchent leurs salaires, n’est-ce pas ?

1460. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Le coupable est revenu attiré par ces sourires de « bébé malade » et le bonheur va renaître ; tout est oublié, les bras se tendent, les lèvres vont se toucher. […] Malgré tous ses frais de séduction, l’infortunée n’arrive jamais à son but ; elle y touche, presque lorsque le savant qu’elle poursuit sans relâche, relancé jusque dans son laboratoire, lui avoue qu’il a été l’amant de sa mère. […] Flourens nous fait toucher du doigt la nécessité qu’il y eut pour la Russie de tenir à distance l’Allemagne, qui ne cherchait rien moins qu’à l’envahir progressivement. […] Il en est cependant qui, comme Sanson, touchent des traitements de 10 000 livres par an. […] Quelques pages plus loin que l’endroit où je m’arrête, on touche au dénouement de ce grand drame militaire.

1461. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Si loin qu’il aille, quelque objet qu’il touche, il ne voit partout dans l’univers que le nom et les traits de Stella. […] On touche ici le sommet sublime et aigu où le monde de l’esprit et le monde des sens se rencontrent, et où l’homme, cueillant des deux mains les plus belles fleurs des deux versants, se trouve à la fois païen et chrétien. […] Nous ne trouvons plus en nous que des sentiments délicats, demi-formés, suspendus au moment où ils allaient nous toucher d’une atteinte trop forte. […] Chaque objet ainsi pensé et imaginé acquiert l’être définitif en acquérant la forme vraie ; après des siècles, on le reconnaîtra, on l’admirera, on sera touché par lui ; bien plus, on sera touché par son auteur. […] Mais ils pensent sérieusement et par eux-mêmes ; il sont réfléchis ; ils sont convaincus et touchés de ce qu’ils disent.

1462. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Héros aux temps barbares, travailleurs aujourd’hui, ils supportent l’ennui comme ils provoquaient les blessures ; aujourd’hui comme autrefois, c’est la noblesse intérieure qui les touche ; rejetés vers les jouissances du dedans, ils y trouvent un monde, celui de la beauté morale. […] Des deux parts, les deux mondes se touchent et se confondent. […] Tel est le sort de tout homme et de toute femme : devenir l’héritage des vers et des serpents dans la froide terre immonde, avec notre beauté si changée que bientôt nos amis ne nous reconnaîtraient plus ; et ce changement mêlé de tant d’horreur… que ceux qui six heures auparavant nous comblaient de leurs charitables ou ambitieux services, ne peuvent sans quelque regret rester seuls dans la chambre où gît le corps dépouillé de la vie et de ses honneurs380. » Amené là, comme Hamlet au cimetière, parmi les crânes qu’il reconnaît et sous l’oppression de la mort qu’il touche, l’homme n’a plus qu’un effort à faire pour voir se lever dans son cœur un nouveau monde. […] Sitôt qu’on touche à ses dogmes, elle entre en fureur. […] En véritable enfant, uniquement touché de la sensation présente, il fut ravi, sauta dehors et courut au jeu.

1463. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Balzac l’a touché, avec sa supériorité habituelle, dans Louis Lambert. […] On touche là une question d’esthétique très délicate. […] Giraudoux n’a jusqu’ici presque pas touché et qui rendent vraisemblables de beaux romans frais, touffus, fleuris et vivants. […] La mort les arrête comme un contour, elle ne les détruit pas comme une main qui touche une forme de sable. […] Lucien Descaves et un ou deux autres livres) le roman n’ait jamais touché à ce sujet profond et riche.

1464. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

J’arrive au dernier trait du caractère national, à la véritable pierre de touche qui donne la qualité de l’âme, — le courage. […] Au moment où la pièce touche à sa fin, lorsque Ariel a accompli son dernier office, Prospero adresse aux esprits qui l’ont servi des adieux solennels. […] Vous voyez combien il est délicat de toucher aux conceptions de Shakespeare. […] Rien n’indique qu’un être quelconque ait vécu la minute précédente, si ce n’est une douleur cuisante à la main qui a touché ce rêve évanoui. […] Oui, vous dira-t-elle, c’était bien un vrai fils de la vie et de la nature qui m’a touché, car la nature et la vie se sont réveillées en moi à son contact.

1465. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Certes, ses sens aussi sont touchés, car il détaille complaisamment les massacres. […] Nous arrivons au point sensible de Henri Heine ; nous touchons la clef qui va nous l’ouvrir jusqu’au fond. […] Et l’œuvre entière de Henri Heine est lézardée par un ricanement singulier, maladif, diabolique, qui souille ce qu’il touche, et tout ce qu’il touche est noble, qui gâte les corsages des plus jolies héroïnes, fausse les notes du rossignol, noircit la neige des sommets, jaunit les feuilles au printemps. […] Des lignes simples, des horizons purs et des émotions, de quelque ordre qu’elles soient, pourvu qu’elles touchent, voilà ce que l’attente réclame. […] Il arrive trop souvent qu’ayant à montrer un grand homme, l’historien le voit tel dès le berceau et ne le touche que d’une main respectueuse, en tremblant.

1466. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Et ainsi, soit malice, soit impuissance déguisée en adresse, c’est presque toujours quand on touche au point, que Platon fait donner sa garde d’arguments déployés en tirailleurs, pour nous en écarter brusquement et nous faire battre les buissons creux. […] La plupart de ses dialogues, ceux-là mêmes qui touchent aux questions les plus importantes, se terminent sur une digression, sur un point de détail, sur une affaire assez étrangère, quelquefois, à ce qui faisait le fond du débat. […] « L’âme est, après les dieux, ce que l’homme a de plus divin et ce qui le touche de plus près. […] Différence et pierre de touche de la différence : la morale. […] C’est au moins une pierre de touche.

1467. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

La raison et les sens avaient été touchés. […] Mais son enthousiasme pour ce livre touchait à la dévotion. […] Taine, l’autre qui touche à un point plus particulier de détail. […] Même la couleur de la vie n’est pas non plus de son domaine, il ne peut qu’en jeter une touche à peine marquée et que complète le lecteur. […] Le patriotisme et la famille demeurent encore comme deux thèmes auxquels une salle de spectacle ne souffrirait pas que l’on touchât sans respect.

1468. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

On les croit naïfs, ils ont l’air de n’y point toucher ; un mot glissé montre seul le sourire imperceptible : c’est l’âne, par exemple, qu’on appelle l’archiprêtre, à cause de son air sérieux et de sa soutane feutrée, et qui gravement se met à « orguenner. » Au bout de l’histoire, le fin sentiment du comique vous a pénétré sans que vous sachiez comment il est entré chez vous. […] Est-ce que vous ne voyez point ici et d’avance l’abrégé de toute la littérature française, l’impuissance de la grande poésie, la perfection subite et durable de la prose, l’excellence de tous les genres qui touchent à la conversation ou à l’éloquence ; le règne et la tyrannie du goût et de la méthode ; l’art et la théorie du développement et de l’arrangement ; le don d’être mesuré, clair, amusant et piquant ? […] Que les termes savants, la langue du droit, les expressions abstraites et philosophiques, bref tous les mots qui tiennent à la réflexion et à la culture, soient français, rien ne s’y oppose, et c’est ce qui arrive ; ces sortes d’idées et cette sorte de langue restent au-dessus du gros public, qui, ne pouvant les toucher, ne peut les changer ; cela fait du français, du français colonial sans doute, avarié, prononcé les dents serrées, avec une contorsion de gosier « à la mode non de Paris, mais de Stradford-at-Bow  » ; néanmoins c’est encore du français. […] Les fabliaux, les malins tours du renard, l’art de duper le seigneur Ysengrin, de lui prendre sa femme, de lui escroquer son dîner, de le faire rosser sans danger pour soi et par autrui, bref le triomphe de la pauvreté jointe à l’esprit sur la puissance jointe à la sottise ; le héros populaire est déjà le plébéien rusé, gouailleur et gai, qui s’achèvera plus tard dans Panurge et Figaro, assez peu disposé à résister en face, trop fin pour aimer les grosses victoires et les façons de lutteur, enclin, par agilité d’esprit, à tourner autour des obstacles, et n’ayant qu’à toucher les gens du bout du doigt pour les faire tomber dans le panneau. […] Après tout, la seule garantie permanente et invincible, en tout pays et sous toute constitution, c’est ce discours intérieur que beaucoup d’hommes se font, et qu’on sait qu’ils se font : « Si quelqu’un touche mon bien, entre dans ma maison, se met sur mon chemin et me moleste, qu’il prenne garde ; j’ai de la patience, mais j’ai aussi de bons bras, de bons camarades, une bonne lame, et, à certains moments, la résolution ferme, coûte que coûte, de lui planter ma lame jusqu’au manche dans le gosier. » X Ainsi pensait sir John Fortescue, chancelier d’Angleterre sous Henri VI, exilé en France pendant la guerre des Deux Roses, un des plus anciens prosateurs, et le premier qui ait jugé et expliqué la constitution de son pays148. « C’est la lâcheté, dit-il, et le manque de cœur et de courage qui empêche les Français de se soulever, et non la pauvreté149.

1469. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Il faut que l’auditeur ait réfléchi ou senti avec énergie ou délicatesse pour entendre des pensées énergiques ou délicates, et jamais Hamlet ou Iphigénie ne toucheront un viveur vulgaire ou un coureur d’argent. […] Touché de ces procédés, il veut l’épouser légitimement, et pour cela répudie sa femme. […] Pareillement, dans les meurtres, faites-moi sentir la flamme des passions grondantes, l’accumulation de désespoir ou de haine qui ont lancé la volonté et roidi la main ; quand les paroles effrénées, les soubresauts du délire, les cris convulsifs du désir exaspéré, m’auront fait toucher tous les liens de la nécessité intérieure qui a ployé l’homme et conduit le crime, je ne songerai plus à regarder si le couteau saigne, parce que je sentirai en moi, toute frémissante, la passion qui l’a manié. […] Lorsqu’il se croit trahi, il s’abandonne et ne sait plus que mourir. « Que César arpente seul ce monde ; je suis las de mon rôle. —  Ma torche est finie, et le monde est devant moi — comme un noir désert à l’approche de la nuit. —  Je veux me coucher, ne pas vaguer davantage736. » De pareils vers font penser aux lugubres rêves d’Othello, de Macbeth, d’Hamlet lui-même ; par-dessus le monceau des tirades ronflantes et des personnages en carton peint, il semble que le poëte soit allé toucher l’ancien drame, pour en rapporter le frémissement. […] Comme Shakspeare, ce qu’il étale sur la scène ce sont les entraînements et les fureurs humaines, un frère qui viole la femme de son frère, un mari qui se parjure pour sa femme, Polydore, Chamont, Jaffier, des âmes violentes et faibles que l’occasion transporte, que la tentation renverse, chez qui le transport ou le crime, comme un venin versé dans une veine, monte par degrés, empoisonne tout l’homme, gagne par contagion ceux qu’il touche, et les tord et les abat ensemble dans le délire des convulsions.

1470. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Nous consentîmes donc à servir le gouvernement de l’empereur Napoléon III dans ce qu’il avait de bon, c’est-à-dire en tant qu’il touchait aux intérêts éternels de la science, de l’éducation publique, du progrès des lumières, à ces devoirs sociaux enfin qui ne chôment jamais. […] Mais cela ne touchait nullement le pays. […] Nous touchons ici à la question qui est au fond de toutes les autres. […] Un libéral comme nous est ici fort embarrassé ; car notre premier principe est que, dans ce qui touche à la liberté de conscience, l’État ne doit se mêler de rien. […] L’université enseigne tout, prépare à tout, et dans son sein toutes les branches de l’esprit humain se touchent et s’embrassent.

1471. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Et Zola me confesse qu’en cette année, où il touche presque à la cinquantaine, il est repris d’un regain de vie, d’un désir de jouissances matérielles, et s’interrompant soudain : « Oui, je ne vois pas passer une jeune fille comme celle-ci, sans me dire : Ça ne vaut-il pas mieux qu’un livre !  […] J’ai touché ces temps-ci 12 000 francs, pour droits théâtraux de Germinie Lacerteux, et je me suis souvenu que l’œuvre de ton père de Maherault, avait été acheté en vente publique par Roederer, 12 000 francs. […] Quelque chose de laiteux est resté dans l’atmosphère, et dans l’excellente lorgnette de Rattier, la guerre ne m’apparaît pas sévère, au contraire elle m’apparaît gaie, jolie, clairette, comme dans une gouache de Blarenberg… Un spectacle vraiment drôle, au moment où l’action est le plus vivement engagée, c’est la course éperdue d’un lièvre affolé, auquel ici, un coup de canon, là, une charge de cavalerie, là, la main d’un paysan qui s’est mis à sa poursuite et le touche presque, fait faire les crochets les plus cabriolants. […] Un peintre à l’aquarellage clair de l’huile, à la petite touche spirituelle, un Teniers laiteux, un continuateur de Wilkie, cet Orchardson, ce peintre de la Première Danse. […] Et malgré moi, je suis touché, et je sens qu’à travers l’abominable jalousie qu’il a eue de moi, toute sa vie, une vieille habitude, un restant tendre de notre acoquinement artistique dans le passé, enfin le plaisir de causer avec moi du Japon, triomphe de cette jalousie, et le fait, par les moments tristes de sa vie, presque aimant de ma personne.

1472. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

« Il est même nécessaire, ajoute Lucien, que l’historien ait mis parfois la main aux choses humaines, qu’il en ait vu les ressorts cachés, qu’il ait touché au gouvernement, et qu’il ait gagné des batailles !  […] Chaque professeur, nourri et logé dans le collège, grâce à quelques rentes féodales et à quelques petits fonds de terre autour de la ville, touchait de cinq à huit cents francs chaque année. […] Régner par le regard et par le toucher : visu et tactu ! […] comme cela se fait quand un vaisseau touche l’écueil. […] Vous les rappelez-vous, ces plaintes touchantes qui touchaient à toutes les fibres de cette nation : Waterloo, Jeanne d’Arc, Parthénope et l’Étrangère ?

1473. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Richement doué comme peintre, non quant au coloris qu’il a lourd et noir, mais quant à la vigueur de la brosse et à la solidité de sa touche. […] La technique de Millet n’est pas assez puissante, sa touche est trop lourde, sa couleur est trop terne pour compenser cette erreur fondamentale. […] Une facilité, acquise par des expériences réitérées, à saisir le vrai ou le bon avec la circonstance qui le rend beau et d’en être vivement touché. » Ailleurs, il dit « C’est un grand art que de négliger les accessoires. […] C’est une grande satisfaction pour nous d’assister à la représentation d’un acte de grandeur et de dévouement ; nous en sommes touchés, remués jusqu’au fond de l’âme.

1474. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Il avait vu de trop près la politique ; il l’avait touchée et maniée dans ses secrets ressorts, il en savait les vanités, les corruptions et les turpitudes ; désappointé et désabusé, il passa les dernières années de sa vie dans une sorte d’exil, sevré du commerce des amis qui lui étaient chers.

1475. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Les personnages restent vrais, les scènes sont vraisemblables dans leur complication : sir Ralph seul touche un peu, par moments, à la caricature, mais nous ne le remarquerions pas, n’était le rôle final, le volte-face miraculeux auquel il est destiné.

1476. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Aux abords de l’ordre social où nous touchons, en des situations de plus en plus rapprochées et nivelées, la femme aura à se pourvoir de moins de culte et de plus d’estime.

1477. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

On a une lettre piquante de Pasquier à Ronsard là-dessus ; il se plaint des encouragements que celui-ci donnait à cette multitude croissante de poëtes, à qui il suffisait, pour se croire le baptême du génie, d’avoir touché la robe du maître.

1478. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Il n’y avait donc rien que de simple et plutôt d’heureux à un rapprochement et à un sentiment de tendre sympathie, tel qu’en pouvait éprouver pour lui un Dante touché du mystique rayon, ou encore un saint Augustin à travers ses larmes.

1479. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Quelle lumière elle répand sur tout ce qu’elle touche !

1480. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Ces prédicateurs protestants, et non seulement Viret, mais Calvin même qu’on croit si austère, sont tout près de Menot et de Baulin, ils y touchent non par le temps seulement, mais par le goût.

1481. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

Mais que Prétextat se range sans hésiter à cette casuistique de sauvage, nous ne le pourrions admettre que si ce saint évêque nous avait été présenté comme un homme d’une intelligence affaiblie par les années et touché, comme dit l’autre, du vent de l’imbécillité. » Et je crois vraiment l’avoir démontré ; du moins y ai-je apporté tout le soin et tout le sérieux dont je suis capable.

1482. (1890) L’avenir de la science « IX »

La philosophie est cette tête commune, cette région centrale du grand faisceau de la connaissance humaine, où tous les rayons se touchent dans une lumière identique.

1483. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Enfin un jour, Hayashi, en train de visiter ma collection, tirait l’écritoire d’un tiroir, et je voyais ses doigts pris d’un tremblement religieux, comme s’ils touchaient une relique, et je l’entendais, le Japonais, me dire d’une voix émotionnée : « Vous savez, vous possédez là une chose… une chose très curieuse… une chose fabriquée par un des quarante-sept ronins ! 

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