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1367. (1922) Gustave Flaubert

Le théâtre, qui abstrait et retient des moments privilégiés, des moments de crise, est bien obligé de composer, de grouper ces moments de façon à faire tenir le plus grand effet utile dans le plus petit espace ; il est dominé par le temps, alors que le romancier domine le temps, a le temps, taille à loisir une vie entière dans l’étoffe du temps. […] Si le roman historique implique une certaine idée de l’espace et du temps, on peut dire que Flaubert l’a transformé en repensant l’espace et le temps historiques avec un cerveau d’artiste original. […] Elle porte par un côté la date des années soixante, du temps de Taine et Renan. […] J’aime à les voir et à les toucher de temps à autre. […] Et Maxime Du Camp trouvant, lui aussi, que son temps ne l’appréciait pas à son mérite, a confié aux mêmes armoires secrètes de la Bibliothèque nationale, comme le barbier de Midas aux roseaux, les Mœurs de mon temps, d’un temps aux oreilles d’âne.

1368. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Il était temps de faire un exemple. […] il a le temps de choisir ! […] Car il a eu le temps de réfléchir. […] Mais les temps sont changés ! […] Puis le temps lui manque !

1369. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

dans un Etat l’art de l’Imprimerie Ne fut dans aucun temps fatal à la patrie. […] Je doute que cet ordre de citoyens eût jamais le temps ni la capacité de s’instruire. […] Il a été rebâti de pierre du temps de Guillaume d’Orange. […] Le pouvoir en notre temps ne fait pus de lit de justice, parce qu’il n’en a pas besoin. […] Faut-il heurter de front les préjugés que le temps a consacrés dans l’esprit des peuples ?

1370. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

L’indignation leur vient ensuite avec la réflexion ; car il leur faut beaucoup de temps avant de comprendre toute la perfidie des Anciens (voyez le commencement de mon chapitre iv). […] J’en conclus qu’il n’y avait pas grand accord entre le rez-de-chaussée et le premier étage, et je fus moins surpris lorsque, quelque temps après, je sus le divorce qui s’était opéré à La Chesnaie. « Maintenant je dois vous dire, Monsieur, avec la même franchise que, dans les derniers temps, je me suis trouvé en désaccord et même en opposition avec le Père Lacordaire, lorsqu’il se présenta pour l’Académie. […] « Ce n’est qu’un peu plus tard et à un second temps que la critique est née véritablement ou s’est introduite au sein de ce groupe des poëtes romantiques. […] Un autre lecteur ami, que j’ai ou vers le même temps, s’appelait Oger ; c’est lui encore dont je me suis permis d’esquisser le portrait dans cette même première pièce des Pensées d’Aout.

1371. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Suard donnait la main à deux siècles et renouait, comme Louis XVIII, « la chaîne des temps ». […] Ce fut un tort qui revient en partie aux malheurs d’un temps où régnaient les haines civiles. […] En ce temps-là, en 1817, à défaut d’autre hérésie, et les Romantiques n’étant pas encore nés ou en âge d’hommes, on s’en prenait aux disciples et imitateurs de l’abbé Delille. […] Villemain a repris toute l’influence active et pénétrante qu’il a gardée jusqu’à ces derniers temps. […] Un Corps, sans doute, ne saurait, sans inconvénient, entamer de polémique ; mais autre chose est la polémique, l’anathème comme du temps de M. 

1372. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Il y a plaisir en tout temps à ces sortes d’études secrètes, et il y aura toujours place pour les productions qu’un sentiment vif et pur en saura tirer. […] Il n’en était pas tout à fait ainsi du temps de Diderot. […] Depuis deux cents ans cette profession se transmettait par héritage dans la famille avec les humbles vertus, la piété, le sens et l’honneur des vieux temps. […] Tous ces fâcheux inconvénients, que le temps développa, disparurent alors dans l’éclat de sa beauté. […] Tout homme doué de grandes facultés, et venu en des temps où elles peuvent se faire jour, est comptable, par-devant son siècle et l’humanité, d’une œuvre en rapport avec les besoins généraux de l’époque et qui aide à la marche du progrès.

1373. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

« Une fille fut saisie d’une fièvre dangereuse, et, dans le paroxysme de son délire, on observa qu’elle parlait une langue étrangère que, pendant un certain temps, personne ne comprit. […] Quoique d’ordinaire le temps affaiblisse et entame nos impressions les plus fortes, celles-ci reparaissent entières et intenses, sans avoir perdu une seule parcelle de leur détail, ni un seul degré de leur vivacité. […] En d’autres termes, nous nous constituons pour un temps dans une forme déterminée et fixe ; les sollicitations en sens contraire, les diverses tendances qui aboutiraient à un autre état, les autres images, idées et sensations qui aspirent à se produire, demeurent à l’état naissant. […] Après un peu de temps, il se rappela qu’il s’était frappé la tête contre une pierre, mais ne put se rappeler comment cela lui était arrivé. […] Dans l’ancien état, elle a une belle écriture ; dans le nouveau, elle n’a qu’une pauvre écriture maladroite, ayant eu trop peu de temps pour s’exercer.

1374. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Cet art exista de tout temps, il peut produire et il a produit des œuvres intéressantes. […] Paul Bourde, leur consacre, dans Le Temps du 6 août, une longue étude. […] Le caractère mélancolique de la poésie décadente a aussi singulièrement agacé le critique du Temps, défenseur du rire gaulois. […] Examen du Manifeste par Anatole France (Le Temps, 26 septembre 1886.) […] Voltaire, pour parler comme Pascal, n’avait pas le temps d’être court.

1375. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Les temps sont peut-être venus de ne plus user de la métaphore des racines qu’avec mesure et tact. […] Il avait lu à peu près tout ce qu’on pouvait lire de son temps sur Carthage » ? […] Mais je mettrais beaucoup moins de temps à le définir par ce qu’il n’est pas. […] Mais ces livres du jour eux-mêmes, il arrive qu’on n’a pas le temps de les lire. […] Ce temps était le bon !

1376. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

Le génie, la plupart du temps, n’était lui-même qu’un moyen ; il se subordonnait à des haines, à des déclamations, à une tactique philosophique reçue et imposée ; il se rabaissait à une œuvre de tous les jours, utile, mais simplement destructive. […] Toutes ces impressions d’une âme sympathique avec l’esprit nouveau des temps, cette croyance à une philosophie plus réelle et plus humaine, cette liberté morale reconquise, cette spontanéité reconnue, cette confiance accordée aux facultés les plus glorieuses et les plus désintéressées de notre être, toutes ces qualités et ces vues de madame de Staël, en passant dans les livres d’art qu’elle composa, leur donnèrent un tour unique, une originalité vraiment moderne, des trésors de chaleur, d’émotion et de vie, une portée immense quoique parfois hors de mesure avec la réalité. […] La société, d’après l’organisation factice qu’elle contractait sous l’empire, n’était pas capable d’accueillir la révolution de l’art, et l’art pur n’avait rien de mieux à faire que de se tenir encore quelque temps en dehors de cette société, qui, réactionnaire à la presque unanimité en littérature, trouvait une ample distraction aux bulletins de la grande armée dans les feuilletons de Geoffroy et dans les vers sémillants de l’abbé Delille. […] Ballanche, le jeune homme, qui, plein de nobles et de sincères affections, repousse d’abord le temps présent, comme incomplet et aride, qui résiste aux destinées sociales encore incertaines, et se réfugie de désespoir dans un passé chimérique ; ce jeune homme, type fidèle de bien des âmes tendres de notre âge, finit par se réconcilier avec cette société nouvelle mieux comprise, et par reconnaître, à la voix du vieillard initiateur, c’est-à-dire à la voix de la philosophie et de l’expérience, que nous sommes dans une ère de crise et de renouvellement, que ce présent qui le choque, c’est une démolition qui s’achève, une ruine qui devient plus ruine encore ; que le passé finit de mourir, et que cette harmonie qu’il regrette dans les idées et dans les choses ne peut se retrouver qu’en avançant. […] Redescendu avec regret des hauteurs du moyen âge, il s’était trop habitué à considérer la terrasse commode de la Restauration comme une sorte de terrasse royale de Saint-Germain, comme un paisible et riant plateau où l’on pouvait rêver et chanter sous des ombrages, se promener ou s’asseoir à loisir sans essuyer la chaleur du jour et la poussière ; et il se contentait de voir, de temps à autre, le peuple et le gros de la société se presser confusément au bas, dans la grande route commune, où, à part le nom bien cher de Béranger, ne retentissait aucun nom de vrai poète.

1377. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Tâche de notre temps : reconstruire par la science l’édifice bâti par les forces spontanées de la nature humaine. […] Du peu d’originalité de notre temps. […] Le temps des sectes est fini. […] C’est surtout par la philologie et la critique que les temps modernes sont supérieurs au Moyen Âge. […] Différence de la condition du peuple relativement à la culture intellectuelle, dans l’antiquité et dans les temps modernes.

1378. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

Cependant, on voit par une multitude de lettres adressées par le duc de La Rochefoucauld à madame de Sablé, dans le temps qu’il complétait, corrigeait, soumettait à la critique les Maximes qu’il a publiées en 1665, que madame de Sablé les jugeait, et les modifiait très judicieusement ; on voit de plus qu’elle les soumettait au jugement d’autres femmes célèbres, de ses amies, notamment à la maréchale de Schomberg, Marie d’Hautefort, alors âgée d’environ 49 ans, anciennement l’objet de cette passion religieuse de Louis XIII, qui a été tant célébrée, et à son amie la comtesse de Maure ; qu’elle rédigeait elle-même des maximes, ou, pour parler plus exactement, des observations sur la société et sur le cœur humain, observations dont il paraît que le recueil de La Rochefoucauld renferme quelques-unes ; et enfin que cette dame avait de la fortune, une bonne maison, une excellente table, citée alors pour son élégante propreté ; qu’elle donnait des dîners dans la maison qu’elle occupait à Auteuil ; et que le duc de La Rochefoucauld allait souvent l’y voir. […] C’est de leur temps que l’écriture a été mise en usage. […] Quelques écrivains du temps l’ont qualifiée de marquise ; c’est sans raison. […] toujours et toujours des amours : mais les bêtes même n’ont qu’un temps pour cela ; elle répondit : C’est que ce sont des bêtes. […] Voiture l’ayant revue quelque temps après, assure qu’il l’a trouvée aussi belle que 40 ans avant ; si elle avait été belle 40 ans avant 1638, il faut qu’elle soit née au moins 15 ans avant 1638, c’est-à-dire en 1583.

1379. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

De tous les Vers qu'il a donnés au Public [& dont on ne se doute pas que le nombre soit aussi grand], on ne se souvient guere que de son Ode sur le Temps, & de son Epître au Peuple. […] Il n'est pas possible de se retirer de la chaîne des événemens, de la chaîne des devoirs, de la chaîne des idées, de la chaîne des corps, de la chaîne des temps, de la chaîne des êtres…. […] Ecoutons encore : le Maréchal de Saxe étudioit l'art qui enseigne les propriétés du mouvement, qui mesure les temps & les espaces, qui calcule les vîtesses & commande aux élémens dont il s'assujettit les forces,….. l'art de faire mouvoir tous ces vastes corps, d'établir un concert & une harmonie de mouvement entre cent mille bras, de combiner tous les ressorts qui doivent concourir ensemble, de calculer l'activité des forces & le temps de l'exécution *. […] Au lieu de donner des regles pour le genre d'éloquence qu'il a choisi, il ne songe qu'à déclamer contre ses abus dans tous les temps.

1380. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

À partir de la Révolution française, de cette révolution qui, en faisant souvent mine de mourir, mais ne mourant jamais, nous a légué, pour nous consoler de sa perte momentanée, le parlementarisme, ce joli enfant de sa façon, qui nous ramènera toujours, dans un temps donné, à sa mère, si nous sommes assez aveugles pour nous fier à ce charmant petit, Thureau-Dangin a compté sur ses doigts le nombre de fois que la pierre de ce Sisyphe infortuné, qui a tant essayé de la mettre en équilibre, lui est retombée sur les pieds, mais il n’a jamais pensé que ce fût la faute de l’équilibriste ou de la pierre. […] Sous le Directoire et jusqu’au 18 Brumaire, le parti royaliste fut, par royalisme, le plus grand obstacle qu’il y eût à cette monarchie à trois pouvoirs que les hommes de milieu, les modérés de ce temps, voulaient déjà faire succéder à cette monarchie de droit divin, noyée dans le sang de Louis XVI. Plus tard, quand fut fini le magnifique épisode de l’Empire qui, tout le temps qu’il dura, sut fort bien se passer, lui, de vos petites combinaisons et ne connut d’équilibre que celui qu’il fit perdre à toute l’Europe, le Royalisme de la Restauration recommença ce que le Royalisme d’après Thermidor avait fait ; comme aujourd’hui, dans l’effroyable situation où la révolution, la guerre, tous les malheurs et toutes les anarchies ont mis la France, il est prêt à le recommencer encore !   […] L’auteur de Royalistes et Républicains, qui aurait pu ajouter, comme un exemple de plus, le règne de Louis-Philippe à son étude historique, car le règne de Louis-Philippe vit les royalistes et Berryer entrer dans une coalition où figurèrent aussi Guizot, le royaliste de 1815, et Thiers, le complice plus tard de Barodet ; l’auteur de Royalistes et Républicains, homme de juste milieu, comme on l’était sous Louis-Philippe, eût été probablement un ventru de ce temps, et il voit comme un ventru. […] Thureau-Dangin est d’un juste milieu assez impérissable pour avoir la fraîcheur du temps où l’on parlait de fonder des libertés publiques.

1381. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

C’est l’honneur, en effet, le seul honneur de la Bohème au xve  siècle, d’avoir à braver plus que Clichy et la police correctionnelle, et que pour tous les genres de billets à ordre et au collet d’un temps plus près de l’action et moins facile que le nôtre, il retournât de pendaison ! […] Il la chanta, non par affectation ou forfanterie, comme les bohèmes de notre temps, qui n’ont pas même le naturel de leurs vices, mais parce que cette Bohème était sa vie et, qui sait ? […] Il chantera plus ou moins connue Charles d’Orléans, qui était un prince de ce temps-là. […] Du temps de Villon et avant Villon, il y avait des poètes naïfs, comiques, pittoresques, sensibles. […] Tout le monde sait que Villon est l’auteur d’un grand nombre de ballades, parmi lesquelles les deux fameuses : Les Dames du temps jadis et L’Honneur français, et de deux poèmes d’assez longue haleine : Le Petit Testament ou les Legs et Le Grand Testament, qui est vraiment une épopée personnelle.

1382. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

Eh bien, je me trompais, pour trop bien penser de mon temps ! […] Lorsque les temps sont arrivés à ce point de produire, avec toutes les prétentions à la science et à la vérité absolue (il faut bien dire le mot, quoiqu’il répugne), de ces gigantesques sottises que M.  […] Caro cite, dans son livre, à côté de Leopardi, cette madame Ackermann, qui, dans ces derniers temps, plus panthère, elle ! […] Et l’inquiétude qu’il éprouve n’est pas seulement pour ses propres raisonnements ou pour la destinée d’un livre qui peut paraître la plus mauvaise des plaisanteries à ceux qui prennent les choses par le côté plaisant, mais c’est une inquiétude plus haute, plus nette et plus fondée… La pudeur du philosophe qui rougit de ces vésanies d’une ignominieuse extravagance, ne l’empêche pas de jeter sur le temps où ces vésanies courent le monde et ambitionnent de le dominer le regard inquiet de l’homme pénétrant que le philosophe ne peut abuser… C’est ici le côté profond de cette Étude sur le Pessimisme au xixe  siècle. […] Je me demande encore ce qu’aurait dit Napoléon, qui n’aimait pas les philosophes, s’il avait vécu du temps de ces nouveaux après lesquels on peut espérer qu’on n’en reverra plus, et si M. l’académicien Caro les lui avait présentés ?

1383. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

Or, dans un temps où la Critique, sans fermes principes (malheureusement), n’est plus que du naturalisme et des ébranlements de sensibilité, je ne serai pas plus déplacé qu’un autre en disant les ébranlements de la mienne devant cette immense entreprise qui s’appelle la Bible de Gustave Doré. […] Vous imiteriez la Critique impie de ces derniers temps qui veut chasser Dieu de l’Histoire, vous supprimeriez dans la Bible l’inspiration divine, aussi visible que la main terrible sur le mur du festin de Balthazar, et vous ne verriez dans le livre sacré que la force de l’esprit humain élevé à sa plus haute puissance, que pour l’interpréter besoin serait, je ne dis pas d’un génie égal, mais de plusieurs génies ; car le génie de la Bible est multiple. […] Et si vous ajoutez à ces difficultés absolues et premières, à ces incompatibilités dirimantes, la situation que le temps nous a faite, à nous tous, fils de la Bible, élevés avec la Bible, pour qui la Bible a été la première impression de la vie, vous vous étonnerez qu’un homme ait eu la pensée de lutter contre une impossibilité de réussir aussi colossalement manifeste, et comme s’il ne l’avait pas aperçue. […] … Nous avons vieilli depuis ce temps-là. […] Il est prouvé maintenant, d’après de récentes découvertes, que Raphaël était théologien, ou que, du moins, il était conseillé par les plus forts théologiens de son temps.

1384. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

Évidemment, l’esprit de l’auteur était hanté par les beaux sujets poétiques, et c’était là une supériorité dans ce temps. […] Maurice y gambadait (au bal), joyeux comme un grelot, Venant y rencontrer Joseph le matelot : Ami, lui dit Armand, tu conviendras, j’espère, Qu’on passe à la campagne un temps assez prospère, N’est-on pas mieux ici que sur le pont mouvant, En pleine mer, battu des vagues et du vent ? […] Louis Veuillot, l’un des grands écrivains de ce temps-ci. […] Partout là l’auteur de Laboureurs et Soldats est traité d’écrivain viril, la plus noble qualification, selon nous, qu’on puisse donner à un homme de lettres dans ce temps, si tristement émasculé. […] Il y avait le vers lyrique, le vers descriptif, le vers saltimbanque ; et, en effet, celui-là est particulièrement de notre temps.

1385. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Bonaparte lui-même, à son retour d’Italie, peu de temps avant son Dix-huit Brumaire, fut ébloui, comme les autres, de l’éclat de cette merveille de Paris. […] De plus, madame Récamier était royaliste par sa famille et républicaine par le temps où elle était en fleur, au milieu d’une société républicaine. […] « Madame Récamier, peu de temps après son retour à Paris, fit parvenir son portrait au prince Auguste. […] Mathieu de Montmorency l’habita quelque temps avec elle. […] Ses lettres, pendant qu’il est ministre, ne sont que des billets : les ambitieux ont-ils le temps d’aimer ?

1386. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

De là des dissentiments entre l’empereur et son oncle, qui se terminèrent peu de temps après par l’expulsion des Pères de la foi. […] Quelques vieux officiers retirés et quelques chanoines de la cathédrale étaient ses seules ressources de société ; il ne savait comment abréger le temps. […] Le militaire fut quelque temps immobile d’étonnement et d’effroi à l’aspect de cet infortuné, que la lèpre avait totalement défiguré. […] Je vis un nuage se répandre sur ma vue, et pendant quelque temps je perdis à la fois le souvenir de mes maux et le sentiment de mon existence. […] Le Lépreux réfléchit quelque temps.

1387. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

La vraie immortalité a le temps d’attendre, elle est éternelle. […] Que chacun dispose à son gré de son temps jusqu’à sept heures du soir. […] J’ai dans la tête d’étranges choses qui passeront dans mes mains, des choses qu’il faut exécuter avant d’avoir le temps de les examiner. […] Ô temps ! […] Les vicissitudes éclatantes du temps où vous m’avez laissé poursuivre ma route ici-bas m’ont éprouvé, dénudé, accablé.

1388. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Dans un temps d’ignorance on n’a aucun doute, même lorsqu’on fait les plus grands maux ; dans un temps de lumière, on tremble encore lorsqu’on fait les plus grands biens. […] L’honneur n’est nullement le principe des monarchies, puisque la servilité et la corruption ont de tout temps régné dans les cours. […] L’Esprit des Lois n’est que le résultat de tous ces hasards : bonnes ici, les mêmes lois sont mauvaises là, selon le peuple et le temps. […] Les circonstances, les mœurs, le temps sont la mesure des vérités pratiques. […] Le législateur est l’homme qui, mesurant l’absolu à la portée de la capacité humaine de son temps, n’en verse ni trop ni trop peu dans la coupe, et fait des lois et non des théories.

1389. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Se voyant attaché à la cour, il se démit de son évêché, par un scrupule rare en ce temps-là : il estimait que la résidence était de stricte obligation. […] Au début, cependant, il avait trouvé le temps d’écraser un théatin qui défendait le théâtre : le P. […] Il se plaignait que déjà de son temps, les prédicateurs s’étendissent sur la morale en laissant le dogme de côté. […] En un autre temps, il eût découragé les fidèles. […] Feugère, Bourdaloue, sa prédication et son temps, in-8, 1874.

1390. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Et cette histoire restera une page curieuse et instructive de l’histoire littéraire de ce temps-ci. […] Pendant ce temps, la chronique s’emparait de notre pièce. […] Ainsi, du temps d’Eschyle, de Sophocle, d’Euripide, le théâtre est toute la littérature de la nation. […] Nous n’avons que le temps de remercier, en courant, MM.  […] Je signale le fait aux auteurs qui, dans le temps, auraient déposé des pièces au Théâtre-Français, et croiraient pouvoir les retirer à leur heure.

1391. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Elle a usé le temps qui ne l’use pas ; elle est comme un jalon vivant du passé, laissé dans le domaine et sur les tombeaux de ses frères et de ses sœurs. […] La triste option à faire, en ce temps-là, entre des tyrans populaires ou des oppresseurs militaires, était presque tous les jours le thème de leur discussion. […] Je n’avais eu que le temps d’apercevoir son visage ; c’était une tête de Greuze, déjà un peu décolorée et décharnée par le temps, dans un tableau de famille de notre compatriote, le Raphaël de la vieillesse. […] Je n’ai pas même voulu classer ou ranger ces volumes ; le peu de temps que j’ai à vivre ne vaut pas cette peine. […] Je vis donc, mais, comme vous le voyez, je ne vis pas sur des roses ; je défie Caton lui-même d’avoir plus que moi la satiété du temps.

1392. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Cette intéressante cause fut plaidée dans le tems qu’Alexandre conquéroit l’Asie. […] Quelle étoit la source de cette grossiéreté absurde si universellement répandue en Italie du tems du Tasse ; en France du tems de Montagne, de Charron & du Chancelier de l’Hopital ; en Angleterre dans le siécle de Bacon ? […] Ce ne fut guéres que du tems de Coeffeteau & de Balzac, que quelques Prédicateurs osérent parler raisonnablement. […] Le Pere Massillon y parut presque en même tems que lui & y cueillit des lauriers, qui n’étoient faits que pour un homme d’un grand génie. […] Dans le tems que cet éloquent Magistrat parut, les seuls modèles étoient dans la capitale & encore très-rares.

1393. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Qu’il y avait loin de cette commotion révolutionnaire de trois mois où nous nous étions rencontrés, et j’oserai dire aimés pour la première fois, au branle de la roue du temps ! […] Selon ce même Charès, au temps où Callisthène mourut d’inanition et de la maladie pédiculaire, Alexandre était occupé à la guerre des Malliens et des Oxydraques. […] J’avoue, quant à moi, qu’en lisant la Politique d’Aristote, je croyais lire les publicistes les plus raffinés du temps présent. […] Cela doit nous rendre modestes, car on devait l’être déjà du temps d’Aristote. […] « Aussi n’en a-t-on jamais vu entre ces extrêmes de vraie république, ou du moins, en a-t-on vu rarement et pour bien peu de temps.

1394. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Virgile n’ignorait d’ailleurs aucune des grandes théories de son temps, qui sont encore sensiblement celles du nôtre. […] Ce temps, il l’a aimé. […] Il a, dans ces derniers temps, beaucoup encouragé le pape. […] M. de Vogüé est de ceux qui ont le mieux gardé, sur un fond rajeuni, le geste de la prose du temps de Louis-Philippe. […] Il tenait à l’opinion du Temps et du Journal des Débats.

1395. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

C’était le temps héroïque des Eugène Sue et des Frédéric Soulié. […] Mais le romancier veut prendre son temps. […] fit Duplessis… » Puis, tirant sa montre : « —  Neuf heures… J’ai encore le temps d’aller sauver la comtesse. […] Ne serait-il pas temps de savoir enfin si l’on ne pourrait faire mieux et autrement ? […] On a tenté, à plusieurs reprises, de réagir contre la vogue d’une littérature de pacotille et qui semblait avoir fait son temps.

1396. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Il ressemble, depuis ce temps-là, à ces montagnes que la foudre, en tombant sur elles, a fendues, et dont elle a fait deux pitons, séparés par un gouffre. […] — pour François Hugo, frappé dès le berceau de cette plaie du cabotinisme qui nous infecte tous dans ce diable de temps, voilà une épouvantable calamité. […] Il est évident que l’écrivain qui a pour la famille une adoration si éloquente est plus sain et plus fort que beaucoup d’esprits de son temps. […] Il est étrange qu’aucun critique de ce temps n’y ait pensé… Il est étrange que François-Victor Hugo, qui a vu tant de choses dans sa préface du Roi Lear, n’ait pas vu celle-là. […] Il a la même grâce que dans ces temps sans frein, mais il l’a mûrie, assainie, purifiée, cette grâce que ni vertus ni vices ne peuvent abolir, cette grâce, chez certaines natures, immortelle !

1397. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Les monastères eux-mêmes, au temps du roi Edgard, retentissaient jusqu’au milieu de la nuit de jeux, de chants et de danses. […] Telle me semble la vie des hommes sur la terre, en comparaison du temps incertain qui est au-delà. Elle apparaît pour peu de temps ; mais quel est le temps qui vient après, et le temps qui est avant ? […] si j’avais — le libre pouvoir de mes mains,  — et si je pouvais, pour un temps,  — sortir !  […] Cette année furent réconciliés le roi des Franks et Guillaume, roi d’Angleterre ; mais cela ne dura que peu de temps.

1398. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

— Non, répliquai-je, il est temps que je parte. […] Arcadi Pavlitch lui laissa le temps de la couvrir de baisers et monta l’escalier. […] J’allai le voir peu de temps avant sa mort ; il pouvait à peine marcher. […] Je lui donnai le temps de se reposer et m’assis à côté de lui. […] Il est temps de regagner son gîte, le village, l’isba où vous comptez coucher.

1399. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Ce temps-là, la campagne d’Éragny, près de Paris, fut le théâtre de leur félicité. […] En ce temps-là, un de ses disciples, M.  […] C’est là encore que je le vis quelque temps avant sa fin. […] La France, depuis ce temps, eut des hommes qui lui ressemblèrent, aucun qui l’égala. […] Il croyait en Dieu au temps où l’on n’y croyait guère.

1400. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

La vraie manière de bien s’en rendre compte et d’en tirer profit pour l’histoire du temps, c’est de voir comment Madame écrivait, dans quel esprit, ce qu’elle était elle-même par l’éducation, par le caractère. […] Louvois a fait brûler dans le Palatinat ; je crois qu’il brûle terriblement dans l’autre monde, car il est mort si brusquement qu’il n’a pas eu le temps de se repentir. » Sa vertu en de telles conjonctures fut de rester fidèle à la France et à Louis XIV, tout en se sentant déchirée dans cette intime et secrète partie d’elle-même. […] Madame, dit Saint-Simon, était une princesse de l’ancien temps, attachée à l’honneur, à la vertu, au rang, à la grandeur, inexorable sur les bienséances. […] Elle-même s’est plu de tout temps à faire acte de laideur ; on dirait qu’elle y tient : Il n’importe guère que l’on soit beau, et une belle figure change bientôt ; mais une bonne conscience reste toujours bonne. […] On voit dans ces lettres, et dans quelques autres adressées au duc de Noailles, que Madame n’écrivait pas plus mal en français que la plupart des personnes de qualité de son temps.

1401. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Daru ne restait pas lié aux souvenirs les plus honorables de la littérature de son temps comme il l’est aux plus grands événements de notre histoire. […] De même qu’André Chénier, par La Jeune Captive, nous a donné l’élégie dans une prison pendant la Terreur, on aurait eu l’épître horatienne née dans une prison du même temps. […] Le portrait du Pindare décharné, récitant ses vers sur un grabat jadis magnifique, marqué au chiffre galant de Diane, et sous un dôme de damas qui semblait du temps de Henri II, est très bien rendu et pris dans son cadre : j’y renvoie les amateurs95 ; il y a du bon Boileau dans ces vers-là. […] Il faut se reporter au temps pour être complètement juste envers l’estimable traducteur. […] À cette heure, d’autres destinées appelaient déjà Daru et l’arrachaient pour un long temps à cette habitude littéraire et académique qui lui plaisait avant tout et qu’il était si fait pour goûter.

1402. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Il serait temps de rejeter à leur place, c’est-à-dire dans quelque note finale imperceptible, ces interminables histoires de papiers, ces aventures et odyssées d’une malle, ces pistes perdues et retrouvées, qui donnent des émotions à l’éditeur, mais auxquelles le public est parfaitement indifférent. […] Je me promenais seul, quelques moments avant le coucher du soleil ; le temps était très beau ; la fraîcheur des objets, le charme qu’offre leur ensemble dans cette brillante époque du printemps qui se fait si bien sentir à l’âme, mais qu’on affaiblit toujours en cherchant à la décrire ; tout ce qui frappait mes sens portait à mon cœur je ne sais quoi de doux et de triste ; les larmes étaient au bord de mes paupières. […] On a maintenant sous les yeux les trois temps et comme les trois actes qui constituent le drame intérieur de la vie de Maine de Biran. […] Mais ces subtilités sont celles d’une nature élevée, délicate ; ces tourments sont d’une noble espèce, et l’humanité a de tout temps estimé ceux qui y furent sujets et qui se sont montrés capables de ces belles croix. […] Dans le journal très intéressant, et qui ne va plus discontinuer depuis lors, de ses impressions et de ses pensées, on suit parfaitement, sans en rien perdre, les différents temps et presque les motifs de ses désirs, de ses troubles et de ses transformations de doctrine.

1403. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

On l’a vu dans ces derniers temps réciter, sans broncher d’un mot, des passages de plus de vingt lignes, surtout de saint Augustin, quand l’occasion s’en présentait. […] Si l’archevêque montra qu’il était homme d’esprit en établissant ces Conférences, il ne le montra pas moins en les terminant à temps et en ne souffrant pas qu’elles fussent mises ensuite par écrit. […] Vingt-quatre ans de domination sont un long règne, et il y avait ce temps que l’archevêque conduisait l’Église de France en véritable primat. […] Cette mort subite, sans qu’il ait eu le temps de recevoir les sacrements, ce brusque appel au tribunal d’en haut, fit alors un effet terrible. […] Cet abbé se fit connaître encore de son temps par d’autres écrits, par des compositions historiques qui, sans grande nouveauté dès leur naissance, ont perdu aujourd’hui tout intérêt.

1404. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

À quelque chose malheur est bon : les événements politiques et l’insurrection révolutionnaire le délivrèrent de sa chaîne et le rejetèrent à temps hors de cette fausse carrière. […] » Quel scandale pour le monde du haut, resté si formaliste, même en temps de révolution ! […] C’était le temps où Ramond publiait ses Voyages au Mont-Perdu et aux Pyrénées, où Bernardin de Saint-Pierre écrivait les Harmonies ; il y avait dans l’air un certain style, de certaines formes de descriptions. […] Charles Nodier méditait et rêvait vers ce même temps son Peintre de Saltzbourg ; il ne se peut certes rien de plus éloigné de Sismondi que Charles Nodier, et cependant on croit entendre, de l’un à l’autre, à distance, comme un vague écho qui se répondait. […] Né comme par miracle hors de son siècle, il appartenait tout entier à des temps qui ne sont plus, et il avait été donné à l’Italie comme un monument de ce qu’avaient été ses enfants, comme un gage de ce qu’ils pouvaient être encore.

1405. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Il faut ajouter que, pour sa peine, il fut quelque temps à débarrasser le seuil de son talent de ce pêle-mêle de statues, et des débris qu’il en avait faits67. […] De plus, grâce à l’emploi des rimes entre-croisées comme dans Tancrède, on croirait de temps à autre lire des vers blancs ; on peut trouver en effet quatre vers de suite qui forment un sens complet sans rimer. […] Pour nous, critique, chargé d’enregistrer à temps ces choses nouvelles, nous tâcherons de n’y jamais manquer, et nous gardant, s’il se peut, de la précipitation enthousiaste qui prophétise inconsidérément des splendeurs par trop nébuleuses, nous ne serons pas des derniers à signaler les vraies apparitions dignes du regard. […] Enfin il oublie encore que la manie de versifier a, de tout temps, été le lot de bien des sots proprement dits, sots fieffés à la Lemierre, à la Delrieu ou à la Viennet, qui poursuivent les gens de leurs rimes jusque dans la rue. […] Un aimable esprit qui donnait dans un autre abus, Émile Deschamps, pendant ce temps-là, n’avait pas de cesse qu’il n’eût remis sur de meilleures rimes les ballades de Moncrif.

1406. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Il livre alors aux lecteurs avides de ces sortes d’émotions quelque histoire altérée, mais que sous le déguisement des apparences une vérité profonde anime ; ou bien il garde pour lui et prépare, pour des temps où il ne sera plus, une confidence, une confession qu’il intitulerait volontiers, comme Pétrarque a fait d’un de ses livres, son secret. […] Que ce malheur arrive, et je me retrouve dans le cas d’une jeune fille de seize ans, forcée de se marier sans avoir le temps de concilier les convenances avec ses goûts. […] pour lui dire adieu, pour lui reprocher sa dureté, pour la voir encore, et partir en la maudissant… Mais Ernest ne part qu’au matin, ivre de bonheur, bénissant sa belle cousine, oubliant une montre qui ne quittera plus cette chambre sacrée, ayant promis, par un inviolable vœu, de ne revenir qu’après un an révolu, et de bien travailler durant ce temps à son progrès dans le monde. […] C’est, au contraire, un trait parfait et bien naturel de la part d’une telle femme en notre temps que de lui entendre dire : « Sais-tu, Ernest, que pendant ton absence et dans l’espérance d’adoucir les regrets que j’éprouvais de ne plus te voir, j’ai fait bien des efforts pour devenir dévote à Dieu ? […] Nulle part la société du temps n’est mieux peinte ; nulle part une âme qui soumet l’amour à la religion n’exhale des soupirs plus épurés, des parfums plus incorruptibles.

1407. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Ils grondaient contre le temps qui retardait le labourage et les semailles. […] Bertrand était un de ces preneurs de cigales ; et pour entière ressemblance, comme ce petit berger de Théocrite, il ne s’aperçut pas que durant ce temps le renard lui mangeait le déjeuner. […] Mon compère, chacun en ce temps-ci vendange ; Nous avons une vigne : — eh bien ! […] tes joies ont été glacées par les baisers du temps, mais tes douleurs ont survécu au temps qu’elles ont étouffé sur leur sein. […] Et quand le maître, quelques temps après, ouvrit le coffre, il le trouva vivant et tout entouré des suaves rayons.

1408. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

On a ses lettres à sa femme dans les premiers temps de son mariage ; elles sont brusques et affectent même de l’être : Ton sermon me fait grand plaisir. […] On t’eût admise à cause de moi qui suis la pureté même ; car j’ai été pur dans un temps où tout était embrené !  […] Il adressa en ce temps une suite de lettres au journal Le Censeur (juillet 1819-avril 1820). […] L’embarras était que le jeune homme qu’elle désignait pour avoir été avec elle dans le bois et qui avait tout vu comme elle, marié depuis, niait tout et ne voulait reconnaître en rien sa bergère de ce temps-là. […] N’oublions jamais toutefois que c’est par ce dernier côté qu’il a eu prise sur son temps, qu’il a fait son service public à certain jour, et qu’il est entré dans la pleine possession de lui-même.

1409. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

On ne devait pas lui en laisser le temps. […] Plus ne reviendront les rêves de ce temps, qu’il est doux d’évoquer. […] Aussi bien était-il temps de justifier le titre de son roman. […] Ce que je puis dire, en toute sincérité, c’est que ce livre est l’un des plus intéressants de ce temps-ci. […] N’est-il pas temps seulement, grandement temps peut-être, de chasser, fouet en main, les vendeurs du Temple, et avec les vendeurs les pharisiens, beaux champions de la moralité et grands contempteurs de l’Art ?

1410. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Son père, cadet d’une famille ancienne, et qui avait réparé la fortune de la maison par le commerce en temps de paix et la course en temps de guerre, était un sinistre vieux gentilhomme ; sa mère, une dame grondeuse et avare. […] Car, à cette heure-là, il a toutes les illusions de son temps. […] Une chute de cheval, qui l’oblige à rester quelque temps chez les Ives, resserre l’intimité. […] Ce sont ces trois puissances qui laissent tomber le temps sur la terre : car le temps n’entre point dans le ciel et n’en descend point. » Qu’est-ce à dire ? […] Et pourtant ce n’était pas une si grande affaire, même en ce temps-là.

1411. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Un poète qui paraîtrait l’ignorer ne serait guère de son temps : et M.  […] Entre temps, M.  […] Que les temps sont changés ! […] Ceux du temps d’Homère ou ceux du temps de Périclès ? […] Il nie dans le même temps qu’il affirme.

1412. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Pendant ce temps-là on l’insultait en France. […] et de Mme Degérando114, et Camille y vint passer quelque temps. […] et dans ce temps on n’avait pas encore découvert ce dissolvant des temps modernes, la plaisanterie, qui veut remettre en doute tout ce que l’âme nous inspire. […] Camille Jordan, par son écrit sur le Consulat, s’était annulé politiquement pour tout le temps de l’Empire. […] Il passe tout son temps renfermé seul au fond de son palais.

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